Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Il a été déterminé que le plaignant était qualifié. Or, il n’a pas été nommé au poste. Le plaignant affirme que l’intimé a abusé de son pouvoir au moment d’évaluer sa candidature et celle de la personne nommée. D’après le plaignant, les réponses qu’il a données dans son formulaire d’autoévaluation n’ont pas été correctement évaluées; à son avis, il n’a pas été évalué avec équité et transparence. Le plaignant a indiqué que les membres du comité d’évaluation n’ont pris presque aucune note sur son formulaire pour justifier les points qu’ils lui ont attribués. Le comité d’évaluation a choisi quatre critères pour déterminer quel candidat serait la « bonne personne » pour le poste. Les membres du comité ont évalué les réponses données par les candidats dans leur formulaire d’autoévaluation, et ont ajouté à la note donnée la somme des points attribués pour les quatre critères établis pour le choix de la bonne personne. La somme de cette note et de ces points constituait la note finale. En outre, le plaignant soutient que l’intimé a été trop indulgent et qu’il a accordé un traitement préférentiel à la personne nommée. Il estime que celle ci ne possédait pas deux des qualifications essentielles. Le président du comité a expliqué la façon dont les candidats ont été évalués et dont le comité d’évaluation en est arrivé à un consensus pour établir la note finale pour chacune des réponses données par les candidats et des notes attribuées pour chacun des critères liés au choix de la bonne personne. Décision Le Tribunal a conclu que le président du comité a fourni un compte rendu détaillé du processus d’évaluation. Le plaignant n’a pas démontré que des irrégularités ont été commises dans l’évaluation de sa candidature. Le Tribunal a également conclu que le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve démontrant une crainte raisonnable de partialité à l’égard de l’évaluation qui a été faite de la personne nommée, et qu’il n’a pas prouvé non plus que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée. En outre, le Tribunal a souligné que le fait de prendre des notes lors de l’évaluation d’un candidat constitue une bonne pratique pour un membre de comité. La plainte est rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2012-1023
Rendue à :
Ottawa, le 12 décembre 2013

JOHN McCLEAVE
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE PÊCHES ET OCÉANS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)(a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Eugene F. Williams, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
McCleave c. Sous-ministre de Pêches et Océans
Référence neutre :
2013 TDFP 34

Motifs de décision

Introduction

1 John McCleave, le plaignant, a postulé dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste de superviseur, Conservation et protection, aux groupe et niveau PM‑05, au ministère des Pêches et des Océans (MPO). La candidature du plaignant a été retenue à la présélection et évaluée en fonction des qualifications essentielles et des qualifications constituant un atout qui figuraient dans l’énoncé des critères de mérite (ECM). Le plaignant a été jugé qualifié, mais n’a pas été sélectionné pour le poste.

2 Le plaignant affirme que l’intimé, le sous‑ministre des Pêches et des Océans, a abusé de son pouvoir lorsqu’il a évalué sa candidature et celle de la personne nommée. Le plaignant soutient que les membres du comité d’évaluation n’ont pas appliqué les critères du guide de cotation uniformément lors de l’évaluation des candidats. Il affirme également que le candidat retenu a reçu un traitement préférentiel parce que le comité d’évaluation lui a attribué la note de passage pour deux critères essentiels sans que cela soit justifié.

3 L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir et déclare qu’il n’y a eu ni traitement préférentiel ni partialité dans le processus de nomination. Il affirme que le plaignant a été éliminé du processus de nomination parce qu’il n’était pas la bonne personne pour le poste. L’intimé soutient également que les outils de sélection ont été choisis et utilisés de façon appropriée, et que la sélection a été fondée sur le mérite, sans qu’aucun élément de preuve n’indique de la mauvaise foi.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais elle a soumis des observations écrites concernant ses lignes directrices et ses politiques applicables en l’espèce. Elle n’a pas pris position sur le bien‑fondé de la plainte.

5 Pour les motifs exposés ci‑dessous, la plainte est rejetée. Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir en décidant de ne pas choisir le plaignant parce qu’il n’était pas la bonne personne pour le poste. Le Tribunal conclut également que le plaignant n’a pas fourni de preuve que l’intimé avait évalué de manière inappropriée la personne qui a été nommée.

Contexte

6 Le 22 mai 2012, une annonce de possibilité d’emploi (APE) a été affichée sur le site Web Publiservice dans le but de doter le poste de superviseur, Conservation et protection, aux groupe et niveau PM‑05, au MPO. La date de clôture du processus était le 8 juillet 2012.

7 Le plaignant faisait partie des quatre candidats qui ont été présélectionnés et évalués en fonction des qualifications essentielles et des qualifications constituant un atout. L’évaluation reposait sur la demande du candidat et sur un formulaire d’autoévaluation (le formulaire) visant à évaluer toutes les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout, ainsi que les connaissances, les capacités et les qualités personnelles. Une vérification des références a été effectuée pour évaluer la fiabilité et les relations interpersonnelles. Le comité d’évaluation a aussi évalué les compétences en communication verbale au moyen d’un questionnaire.

8 Le 10 juillet 2012, les membres du comité d’évaluation, soit Jacob MacLeay, président du comité et chef de secteur, Conservation et protection , pour le Sud‑Ouest de la Nouvelle‑Écosse, Mark Conley, chef de secteur, Conservation et protection, Rive Sud et Conservation – Digby, ainsi que Stacey Bieren, superviseure, Protection, se sont réunis afin d’examiner et d’évaluer les quatre candidatures présélectionnées. Le plaignant a été jugé qualifié, mais il n’a pas été choisi aux fins de nomination puisqu’il a été déterminé qu’il n’était pas la bonne personne pour le poste.

9 Le comité d’évaluation a appliqué les critères ci‑après pour déterminer lequel des quatre candidats qualifiés serait la « bonne personne » pour le poste :

  • capacité à communiquer de vive voix (qualification essentielle);
  • fiabilité (qualification essentielle);
  • relations interpersonnelles (qualification constituant un atout);
  • expérience du traitement des questions de gestion du rendement (qualification essentielle).

10 Le 2 août 2012, le MPO a affiché une notification de candidature retenue désignant Dwayne Surette, et le 8 août 2012, il a publié la notification de nomination ou de proposition de nomination de M. Surette. Dans cette notification, la date limite pour présenter une plainte était le 23 août 2012. Le plaignant a présenté une plainte au Tribunal le 21 août 2012.

11 À la partie de l’audience qui était réservée aux plaidoiries des parties, le plaignant a retiré son allégation de favoritisme personnel. Par conséquent, le Tribunal n’abordera pas cette allégation dans les présents motifs. Le plaignant affirme que l’intimé a accordé un traitement préférentiel à la personne nommée en se montrant plus indulgent à son égard et en lui attribuant plus de points que ce qui était justifié d’après ses réponses pour la qualification essentielle « capacité à diriger ». Le plaignant croit que les réponses fournies par la personne nommée ne méritaient pas la note de passage et que cette personne aurait dû être éliminée du processus de nomination à l’étape visée.

Questions en litige

12 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir dans l’évaluation du plaignant?
  2. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée?

Analyse

13 En vertu de l’article 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), une personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou elle n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Comme il est indiqué au paragraphe 66 de la décision Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, « l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non ». Il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir.

Question I :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation du plaignant?

14 L’article 36 de la LEFP attribue un pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires délégataires pour le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation. Ce pouvoir n’est pas absolu. Ainsi, le Tribunal peut déterminer qu’il y a eu abus de pouvoir si, par exemple, il est établi que la méthode d’évaluation comporte un vice fondamental. Les méthodes d’évaluation qui ne permettent pas d’évaluer les qualifications, qui sont déraisonnables ou discriminatoires, ou qui produisent un résultat inéquitable peuvent constituer un abus de pouvoir. Voir la décision Ouellet c. le président de l’Agence canadienne de développement international, 2009 TDFP 0026.

15 Le plaignant a résumé ses antécédents et l’expérience qu’il avait acquise au MPO, ce qui comprenait un intérim à titre de superviseur sur le terrain à Tusket (N.‑É.). Il a déjà été délégué syndical en chef de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Il est aussi le spécialiste régional.

16 La principale allégation du plaignant est que les réponses qu’il a fournies dans le formulaire n’ont pas été évaluées adéquatement, et qu’il n’a donc pas été évalué de manière transparente et équitable. Dans les observations et le témoignage qu’il a présentés, le plaignant a affirmé avoir obtenu moins de points que ce qu’il méritait. Il a déclaré que, d’après une comparaison de ses réponses avec ce qui figurait dans le guide de cotation, il aurait dû obtenir de meilleurs résultats. Selon le plaignant, le peu de notes prises par les membres du comité d’évaluation sur son formulaire pour justifier ses résultats inférieurs indiquait qu’il aurait dû recevoir plus de points. Il a souligné que les notes prises par le comité d’évaluation étaient limitées et vagues. Il a ajouté que le manque de notes confirmait qu’il aurait dû obtenir davantage de points, et indiquait que le comité d’évaluation n’avait pas mené le processus de nomination d’une manière équitable, ouverte et transparente. Il y avait donc eu un abus de pouvoir dans l’application du mérite.

17 Le plaignant a axé son témoignage sur les points qu’il avait reçus pour quatre questions du formulaire qui concernaient la capacité à diriger (1 point sur 4), l’expérience en supervision (1 point sur 4), ainsi que l’expérience en matière de budgétisation (2 points sur 4) et de gestion du rendement (2 points sur 4). La note maximale qui pouvait être attribuée pour chacun de ces éléments était 4. Selon le guide de cotation, dont il est question plus loin, la note 1 indiquait que le candidat répondait de façon minimale aux exigences cotées pour l’élément évalué, et pouvait donc passer à l’étape suivante du processus.

18 Le plaignant a fait ressortir les parties de ses réponses sur le formulaire dans chaque cas où il croyait qu’il aurait dû obtenir plus de points, et a indiqué à chaque question la note qui, selon lui, aurait dû lui être attribuée.

19 Le 31 juillet 2012, le plaignant patrouillait avec M. Surette, la personne nommée, lorsqu’il a reçu un appel de M. MacLeay, le président du comité. Ce dernier a demandé à parler à M. Surette. Après sa conversation avec M. Surette, le président du comité a immédiatement parlé avec le plaignant pour l’aviser que, bien que celui‑ci soit qualifié, M. Surette serait nommé au poste.

20 Le plaignant a déclaré qu’il avait pris part à sept processus de nomination avant le processus en cause. L’expérience ainsi acquise l’avait amené à conclure que l’annonce verbale précédant la publication par écrit des résultats du processus sortait de la norme.

21 M. MacLeay a déclaré qu’il occupait depuis quatre ans le poste de chef de secteur, Conservation et protection, Sud‑Ouest de la Nouvelle‑Écosse. Il était responsable de la mise en exécution de Windsor à Yarmouth. Ce secteur comprenait trois détachements en Nouvelle‑Écosse, soit à Tusket, à Digby et à Meteghan. M. MacLeay a expliqué que chaque détachement comptait environ dix membres qui relevaient d’un superviseur, Conservation et protection, un poste doté aux groupe et niveau PM-05. Les superviseurs rendaient compte au chef de secteur, Conservation et protection, et dirigeaient deux superviseurs sur le terrain, chacun étant responsable de trois ou quatre agents des pêches. M. MacLeay a précisé que son travail comportait des responsabilités concernant les ressources humaines, la dotation et le personnel. Il avait suivi une formation sur la délégation des employés et les questions relatives au personnel, et c’était lui qui était le gestionnaire d’embauche dans le processus de nomination en cause. Il a déclaré avoir dirigé deux ou trois processus de nomination antérieurement.

22 M. MacLeay a expliqué que l’ECM avait été préparé avec un conseiller en ressources humaines (le conseiller en RH). Les qualifications essentielles pour le poste avaient été établies à l’échelle nationale, mais il avait défini lui‑même les qualifications constituant un atout. M. MacLeay a décrit en détail le processus utilisé pour évaluer les candidats.

23 Les candidats devaient transmettre au conseiller en RH une lettre de présentation résumant leurs qualifications. Chaque candidat devait aussi fournir quatre références, soit le nom de deux superviseurs et de deux collègues. Une vérification des références a été effectuée pour évaluer la fiabilité et les relations interpersonnelles des candidats.

24  Le conseiller en RH a procédé à une présélection au moyen des lettres de présentation et a envoyé le formulaire aux candidats qui répondaient aux critères établis pour cette étape. Il leur a demandé de remplir le formulaire en suivant ses instructions, et de le lui retourner avant la date de clôture. Le conseiller en RH a conservé le formulaire original fourni par chaque candidat. Il en a fait une copie pour chaque membre du comité d’évaluation et a transmis ces documents à M. MacLeay en vue de la réunion du comité d’évaluation.

25 M. MacLeay a déclaré que le conseiller en RH avait préparé un guide de cotation et de notation dont le comité d’évaluation devait se servir pour évaluer les candidats. Le comité d’évaluation a coté les réponses figurant dans les formulaires des candidats selon les quatre niveaux établis dans le guide de cotation : passable, satisfaisant, très satisfaisant et excellent. Les membres du comité ont aussi utilisé leur connaissance des candidats pour évaluer les compétences en communication verbale, la fiabilité et les relations interpersonnelles.

26 M. MacLeay a déclaré que le comité d’évaluation avait attribué les notes au cours d’une réunion qui avait duré une journée. Chacun des membres du comité avait examiné les réponses des candidats. Le président du comité avait ensuite demandé aux autres membres la note qu’ils attribuaient aux réponses des candidats quant aux qualifications essentielles. Si tous les membres avaient accordé la même note, celle‑ci était acceptée et consignée immédiatement sur la feuille de notation. Sinon, les membres du comité discutaient de la réponse jusqu’à ce qu’ils s’entendent sur la note à attribuer. M. MacLeay a affirmé que le comité avait procédé de cette façon pour les formulaires de tous les candidats. Chaque membre du comité avait en main une copie du formulaire du candidat, mais c’était lui, M. MacLeay, qui consignait les notes sur la liste principale en tant que président du comité. Il a ajouté que les commentaires résultaient d’une discussion entre tous les membres du comité. Il a précisé que les candidats pouvaient mentionner toute expérience confirmant qu’ils satisfaisaient aux critères établis pour les différentes compétences mesurées.

27 M. MacLeay a expliqué que, après avoir noté les réponses fournies par les candidats dans les formulaires, les membres du comité avaient ajouté les points obtenus par chaque candidat pour les quatre critères visant le choix de la bonne personne. La combinaison de ces deux notes constituait la note finale de chaque candidat. M. MacLeay a déclaré que, même s’il était responsable de la décision finale, le groupe avait déterminé par consensus que la personne nommée était la bonne personne pour le poste.

28 M. MacLeay a passé en revue les réponses que le plaignant avait fournies dans le formulaire et a expliqué, en faisait référence au guide de cotation, les raisons pour lesquelles le plaignant avait obtenu les notes qui lui avaient été attribuées à partir des réponses du formulaire et des connaissances des membres du comité. Pour ce qui est de la communication verbale, M. MacLeay a souligné que le plaignant manquait parfois de clarté et de concision, mais qu’il avait quand même obtenu une bonne note sur ce plan.

29 En réponse à des questions sur ses liens avec le plaignant, M. MacLeay a déclaré qu’il le connaissait depuis 13 ans. Ils avaient de bons rapports de travail, le plaignant ayant déjà occupé à titre intérimaire un poste qui relevait directement de M. MacLeay. Toutefois, ils ne se côtoyaient pas en dehors du travail.

30 M. MacLeay ne se rappelait pas avoir eu de dispute avec le plaignant, mais a reconnu que, au cours des 13 ans, il avait peut‑être dit : « on ne peut pas se le permettre » [traduction] dans le contexte de discussions sur les heures supplémentaires.

31 Pour comprendre comment son formulaire avait été noté, le plaignant a demandé la tenue d’une discussion informelle. Le plaignant a déclaré que, le 2 août 2012, il avait rencontré un membre du comité, M. Conley, pour discuter des résultats. Il voulait également connaître les raisons pour lesquelles le comité d’évaluation avait décidé de nommer M. Surette. Un autre agent des pêches, Britton Giffon, a déclaré avoir accompagné le plaignant à la rencontre.

32 Pendant la rencontre, qui a duré 50 minutes, le plaignant a appris qu’il avait obtenu la note de passage à chaque question. Il croyait que ses réponses méritaient plus de points, mais il n’en a pas donné les raisons à M. Conley, parce qu’il ne disposait pas de la documentation nécessaire pour comparer ses réponses à ce qui figurait dans le guide, et ne pouvait donc pas contester les résultats à la rencontre. À l’audience, le plaignant a affirmé que ses réponses à quatre questions auraient mérité sept points additionnels.

33 Le plaignant a aussi déclaré qu’il avait demandé des éclaircissements à M. Conley à propos de ses points, mais que ce dernier l’avait avisé que le comité d’évaluation n’avait pas pris d’autres notes en l’évaluant. Le plaignant estimait que M. Conley n’avait pas fourni d’explication satisfaisante quant aux points accordés, et que les notes prises par le président du comité dans la marge du formulaire du plaignant n’aidaient pas à comprendre comment le comité avait déterminé les points. En outre, M. Conley ne lui avait pas fourni le guide de cotation.

34 Dans son témoignage, M. Conley a parlé de la discussion informelle qu’il avait tenue avec le plaignant. Il a déclaré que ce dernier avait posé des questions sur la composition du comité d’évaluation, sur les notes prises à propos de ses réponses dans le formulaire, et sur ces réponses. M. Conley a expliqué qu’il n’avait pas fourni le guide de cotation au plaignant parce que cela aurait été comme donner les réponses à un examen. Il a discuté de certaines compétences avec le plaignant, mais celui‑ci ne semblait pas intéressé par ses explications et l’avait interrompu.

35 M. Conley a nié avoir dit qu’il ne pouvait pas répondre aux questions du plaignant pendant la réunion informelle parce que les membres du comité n’avaient pas pris de notes. Il a ajouté qu’il n’avait jamais eu de « notes autres que le guide de cotation » [traduction]. Il a souligné qu’il avait commencé à donner au plaignant des renseignements qui lui permettraient de connaître ses points forts et les domaines où il pourrait s’améliorer, mais que le plaignant l’avait interrompu.

36 M. Conley a expliqué comment le comité en était arrivé à la note attribuée pour la communication verbale. Il a déclaré qu’il connaissait le plaignant depuis de nombreuses années, au cours desquelles ils avaient assisté à des réunions et travaillé ensemble. Il a précisé qu’ils s’étaient parlé des centaines de fois lors de réunions du personnel, de rencontres patronales‑syndicales et d’autres réunions. Le comité devait noter chaque candidat relativement à la clarté, à la concision, à la logique, au vocabulaire, à l’usage et à la grammaire. Il a déclaré que les autres membres du comité et lui‑même avaient puisé dans leur connaissance personnelle du plaignant pour déterminer sa note sur le plan de la communication verbale.

37 M. Conley a aussi souligné que le comité avait utilisé le guide de cotation pour évaluer tous les candidats, mais qu’il n’avait pris de notes détaillées dans aucun cas.

38 Comme il a été souligné dans la décision Ammirante c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2010 TDFP 0003, le rôle du Tribunal consiste à déterminer s’il s’est produit des irrégularités dans le processus d’évaluation. En l’espèce, l’examen des éléments de preuve pertinents amène le Tribunal à conclure que le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait eu des irrégularités dans l’évaluation de sa candidature.

39 Le fait qu’un membre du comité prenne des notes lorsqu’il évalue un candidat à une entrevue constitue une bonne pratique. Cette façon de procéder permet la consignation des raisons pour lesquelles un certain nombre de points est attribué aux candidats et contribue à la transparence sur ce plan, surtout lorsque de nombreux candidats ont participé au processus. Toutefois, ce n’est pas une exigence des Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP. Il s’agit seulement d’une pratique qui est recommandée pour les questions sur le comportement dans la Série d’orientation – Évaluation, sélection et nomination de la CFP.

40 M. MacLeay a présenté le barème de correction qui a servi à évaluer tous les candidats et a donné des explications quant aux points attribués au plaignant. Les réponses qu’il a fournies aux questions sur ces points étaient raisonnables par rapport au guide de cotation.

41 Le Tribunal conclut que le président du comité a décrit le processus d’évaluation en détail. Le plaignant n’a pas remis en question la pertinence des qualifications figurant dans l’ECM, ni des outils d’évaluation employés pour le processus de nomination. Aucun élément de preuve n’indique que les méthodes choisies pour évaluer les candidats étaient inappropriées ou présentaient des lacunes. De plus, tous les candidats ont été évalués de la même façon.

42 Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas prouvé que l’intimé avait abusé de son pouvoir en évaluant sa candidature dans le cadre du processus de nomination.

Question II :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée?

43 Le plaignant affirme que l’intimé a été trop indulgent envers la personne nommée et lui a accordé un traitement préférentiel en la sélectionnant alors qu’elle ne possédait pas deux qualifications essentielles : la capacité à diriger et une expérience des responsabilités budgétaires. Il a déclaré que la personne nommée n’aurait pas dû être jugée qualifiée parce que sa réponse ne satisfaisait pas à l’un des critères essentiels, la « capacité à diriger ». Selon le plaignant, M. Surette aurait dû être éliminé du processus de nomination à cette étape du processus puisque, au mieux, il a seulement démontré sa capacité à superviser des employés.

44 Le plaignant a retiré son allégation de favoritisme personnel, mais affirme que la personne nommée a été évaluée de manière trop indulgente et a reçu un traitement préférentiel. Le plaignant soutient donc essentiellement que l’intimé a fait preuve de partialité en faveur de la personne qui a été nommée.

45 Dans la décision Gignac c. le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 0010, aux paragraphes 60 à 74, le Tribunal a établi que la partialité, y compris la crainte raisonnable de partialité, peut constituer un abus de pouvoir dans le cas des décisions d’évaluation et de nomination rendues en vertu de la LEFP. Le Tribunal a adopté le critère objectif de la crainte raisonnable de partialité qui a été établi dans l’arrêt de la Cour suprême Committee for Justice and Liberty c. (L’Office national de l’énergie), 1976 CanLII 2 (CSC), [1978] 1 RCS, aux paragraphes 369 à 394.

46 Ce critère, reformulé aux fins de la présente plainte, consiste à déterminer si un observateur raisonnablement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un ou plusieurs membres du comité d’évaluation chargé de l’évaluation.

47 M. MacLeay s’est fait poser des questions précises sur l’attribution de points aux réponses fournies par M. Surette dans le formulaire. M. MacLeay a passé en revue les réponses de M. Surette, et a ensuite expliqué en quoi ce dernier répondait au critère « capacité à diriger » par rapport au guide de cotation. Il a expliqué comment la personne nommée avait géré des ressources humaines, affecté des employés à différentes tâches, désigné des bateaux et joué un rôle clé dans une initiative d’ordre opérationnel.

48 Pour répondre aux questions portant sur l’évaluation de l’expérience de M. Surette en matière de budgétisation, M. MacLeay a déclaré que ce dernier siégeait à un comité du Sud‑Ouest de la Nouvelle‑Écosse chargé de contrôler les dépenses pour tout le secteur.

49 M. MacLeay s’est aussi fait poser des questions sur ses liens avec M. Surette. Il a expliqué que ce dernier travaillait à titre d’agent des pêches à Tusket, dans un détachement qui était sous sa responsabilité. Il a ajouté qu’ils ne se côtoyaient pas en dehors du bureau.

50 Étant donné la preuve présentée en l’espèce, un observateur raisonnablement bien renseigné ne pourrait pas raisonnablement percevoir de partialité de la part de M. MacLeay ni du comité d’évaluation. Après l’examen de la preuve, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas prouvé que les réponses de M. Surette avaient été corrigées de manière trop indulgente. M. MacLeay a expliqué comment les candidats, y compris la personne nommée, avaient été évalués. Il a passé en revue les réponses de M. Surette, a précisé en quoi ses réponses concordaient avec les réponses prévues dans le guide de cotation, et a décrit le niveau de détail requis pour obtenir un point à chaque section du guide de cotation. Il a aussi expliqué que le comité d’évaluation avait déterminé par consensus la note finale à attribuer pour chacune des réponses fournies par les candidats et chacun des critères visant à choisir la bonne personne. Cette méthode a été utilisée systématiquement pour évaluer tous les candidats. M. MacLeay a fourni des réponses raisonnables aux questions qui lui ont été posées sur le processus d’évaluation et la façon dont les réponses des candidats avaient été traitées. L’allégation selon laquelle la personne nommée a été évaluée avec plus d’indulgence ou a reçu un traitement préférentiel lors de l’évaluation de ses réponses n’est pas étayée par des éléments de preuve.

51 Par conséquent, le plaignant n’a fourni aucune preuve d’une crainte raisonnable de partialité dans l’évaluation de la personne nommée, et n’a pas non plus démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en évaluant la personne qui a été nommée dans le cadre du processus de nomination.

Décision

52 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Eugene Williams
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2012-1023
Intitulé de la cause :
John McCleave c. le sous-ministre de Pêches et Océans
Audience :
Les 29 et 30 août 2013
Yarmouth (Nouvelle-Écosse)
Date des motifs :
Le 12 décembre 2013

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
Thomas Lantz
Pour l’intimé :
Allison Sephton
Pour la Commission
de la fonction publique :
Claude Zaor
(observations écrites)
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