Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé trois griefs distincts au nom d’un groupe d’employés qui travaillent à titre d’agents universels, alléguant qu’il y a eu violation de la clause 28.04(a) de la convention collective - l’employeur n’avait pas offert aux fonctionnaires s’estimant lésés qui travaillaient au centre d’excellence en matière d’appels (le <<CEA>>) la possibilité de travailler des heures supplémentaires - les heures supplémentaires n’ont été offertes qu’aux agents des prestations, classifiés PM-02, qui effectuaient habituellement le travail dans le cadre de leurs fonctions de traitement des demandes d’assurance-emploi - les fonctionnaires s’estimant lésés et les agents des prestations avaient la même description de travail; avant la création du CEA, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient travaillé comme agents des prestations - lors de la création du CEA, l’employeur a dit que les employés du CEA auraient toujours la possibilité de procéder au traitement des dossiers en travaillant des heures supplémentaires lorsque le nombre de demande serait élevé et lorsqu’il y aurait du retard dans le travail - par la suite, l’employeur a décidé que le travail en heures supplémentaires serait offert aux employés du CEA seulement lorsqu’il était question du travail du CEA - les parties ont convenu que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient qualifiés pour exécuter le travail - lors de l’attribution des heures supplémentaires, l’employeur présentait la demande aux personnes intéressées et répartissait également les heures supplémentaires entre les personnes qui avaient dit être disponibles - l’arbitre de grief a jugé que la question en litige dans le grief était une question d’admissibilité plutôt que de répartition équitable - les employés étaient qualifiés et avaient fait part de leur disponibilité de la seule façon possible, soit en déposant des griefs - il n’a pas été démontré que les besoins opérationnels empêchaient l’employeur d’offrir des heures supplémentaires aux fonctionnaires s’estimant lésés - l’employeur ne pouvait avoir recours à sa pratique de répartir également les heures supplémentaires entre les employés qui ont manifesté leur volonté de travailler des heures supplémentaires dans le but de refuser aux fonctionnaires s’estimant lésés l’occasion de travailler des heures supplémentaires - le fait que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient l’occasion de travailler des heures supplémentaires au CEA ne les rendait pas inadmissibles à travailler d’autres heures supplémentaires - le libellé de la convention collective ne limitait pas le travail en heures supplémentaires aux périodes de pointe - compte tenu de la preuve, la mesure de redressement appropriée consistait à faire une déclaration et à ordonner aux parties de tenter de s’entendre sur la façon de dédommager les fonctionnaires s’estimant lésés sur la base des dossiers de l’employeur, si les dossiers indiquaient qu’ils auraient dû se faire offrir de travailler des heures supplémentaires. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-02-04
  • Dossier:  567-02-95 à 97
  • Référence:  2014 CRTFP 11

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Emploi et du Développement social)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)


Affaire concernant des griefs collectifs renvoyés à l’’arbitrage


Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief
Pour l’agent négociateur:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l’employeur:
Christine Diguer, avocate
Affaire entendue à London (Ontario), les 21 et 22 février 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs collectifs renvoyés à l’arbitrage

1 L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a déposé trois griefs séparés auprès du ministère de l’Emploi et du Développement social (l’« employeur ») pour le compte d’un groupe de huit fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »).

2 Les griefs allèguent la violation de la clause 28.04a) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur pour le groupe Services des programmes et de l’administration, expirant le 20 juin 2011 (la « convention collective »). Chaque grief renvoie à des périodes distinctes en novembre et décembre 2010 au cours desquelles les violations se seraient produites. La clause 28.04a) est libellée comme suit :

Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

3 À titre de mesures correctives, les fonctionnaires demandaient que l’employeur les indemnise pour les heures supplémentaires qui leur auraient été refusées et que, dans le futur, il leur offre des possibilités de faire des heures supplémentaires de façon équitable.

II. Résumé de la preuve

A. Pour l’agent négociateur

4 Le représentant de l’agent négociateur a expliqué que, comme la preuve était commune à tous les griefs, un des fonctionnaires, Ryan Applin, témoignerait pour le compte du groupe.

5 Durant la période visée, M. Applin travaillait au bureau de l’employeur de London (Ontario), comme agent universel (niveau de classification PM-02), au centre d’excellence en matière d’appels (CEA). Avant d’occuper son poste au CEA, M. Applin avait travaillé comme préposé au règlement des demandes de l’assurance-emploi; ses fonctions consistaient à analyser et à évaluer les demandes et les droits aux prestations. Tel qu’il est indiqué dans la description de travail pertinente (pièce G-1), dont le titre du poste est agent des prestations, les fonctions des préposés au règlement des demandes comprennent également [traduction] : « préparer les documents d’appel déposés par les clients. Informer les clients de la procédure et du format pour la présentation des appels ». M. Applin a soutenu qu’après son affectation au CEA, sa description de travail est demeurée la même que celle s’appliquant lorsqu’il occupait le poste de préposé au règlement des demandes. La principale différence étant qu’au CEA un plus grand nombre de ressources étaient consacrées à la préparation des dossiers d’appel.

6 M. Applin a déclaré que le CEA a été créé suite à une initiative menée par l’employeur en 2008 relativement à la gestion de la charge de travail. Il en a découlé la création de deux unités virtuelles, dont l’une devait centraliser les appels pour en faciliter la gestion. M. Applin a renvoyé à un courriel de Dave Duncalfe, directeur régional des assurances (pièce G-2), ayant été diffusé à grande échelle le 9 janvier 2008, qui informait les employés de la nouvelle initiative et invitant les employés qui souhaitaient être affectés à ces unités à manifester leur intérêt. Ce courriel se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Récemment, vous avez eu des discussions avec votre directeur ou votre chef d’équipe concernant deux importantes initiatives de transformation opérationnelle qui sont en cours au service de traitement des prestations d’AE (TPAE) dans la région de l’Ontario – a) création d’une unité virtuelle chargée de préparer les appels devant le Conseil arbitral et b) création d’une unité virtuelle chargée de l’arbitrage au niveau 2 des vérifications postérieures.

[…]

a)       Le projet relatif aux appels vise à régler le problème de pénurie d’agents affectés à la rédaction des documents d’appels pour le Conseil en centralisant la gestion des appels devant le Conseil arbitral dans la région de l’Ontario et en créant une unité virtuelle de rédacteurs d’appels qui relèveront du directeur de cette unité centralisée.L’unité continuera de faire partie de TPAE pour la région de l’Ontario ’dans un avenir prévisible.

7 M. Applin a expliqué que, face aux questions soulevées par des employés ayant manifesté leur intérêt, la direction a publié un document répondant à certaines questions (pièce G-3). Dans ce document, la question 5 traitait des heures supplémentaires comme suit :

[Traduction]

5. Les agents qui sont affectés soit à l’unité virtuelle responsable des appels ou à l’unité responsable des vérifications a posteriori auront-ils la possibilité de faire des heures supplémentaires pour traiter des demandes normales?

Réponse : Oui. Les agents qui se joignent à l’unité virtuelle responsable des appels ou à l’unité responsable des vérifications a posteriori seront sollicités pour effectuer du travail de traitement des demandes normales et d’examen en heures supplémentaires durant les périodes de l’année où il y a un nombre élevé de demandes ou des arriérés importants, lorsque des heures supplémentaires sont nécessaires dans la région (dans la mesure où les agents sont compétents pour faire le travail).

M. Applin a déclaré que, pendant qu’il travaillait au CEA, il a conservé son poste d’attache et la même classification de PM-02.

8 M. Applin a décrit la pratique générale en ce qui concerne l’approbation des heures supplémentaires. L’employeur demande par courriel aux employés qui veulent faire des heures supplémentaires pendant une période donnée de répondre avant une date limite. Les employés intéressés indiquent les dates auxquelles ils sont disponibles pour travailler et le nombre d’heures qu’ils sont disposés à travailler. Selon ce que comprenait M. Applin, si l’employeur approuvait les heures supplémentaires, l’approbation s’appliquait à tous les employés ayant soumis leur nom, et qu’en cas de refus, celui-ci s’appliquait à tous. M. Applin a déclaré qu’il avait participé à plusieurs sollicitations pour faire des heures supplémentaires, avant de travailler au CEA et pendant qu’il y travaillait, et que la pratique décrite était toujours la même. Il a également fait valoir que, pendant qu’il travaillait au CEA, les employés de cette unité avaient été sollicités pour effectuer du traitement d’arbitrages de « niveau 2 », notamment par des PM-02, en heures supplémentaires.

9 M. Applin a renvoyé à un courriel daté du 27 octobre 2010 sollicitant exclusivement des employés affectés au traitement de niveau 2 pour faire des heures supplémentaires (pièce G-4) aux dates suivantes : les 27, 28, 29 et 30 octobre. M. Applin a pris connaissance du courriel lorsqu’un autre employé le lui a transmis, le 3 novembre 2010. Comme les employés de l’unité du CEA n’étaient pas inclus dans la sollicitation, M. Applin a d’abord cru qu’il s’agissait d’un oubli. Il a ensuite fait mention d’un courriel antérieur, daté du 14 octobre 2009, envoyé par le chef d’équipe à l’intention du personnel PM-02 de London, qui expliquait comment fonctionneraient les heures supplémentaires (pièce G-5). Ce courriel, ayant également été envoyé au personnel du CEA, se lisait comme suit :

[Traduction]

[…]

On m’a posé des questions concernant la disponibilité des heures supplémentaires pour London en ce qui a trait aux employés qui travaillent dans d’autres secteurs. Vous devez toujours vérifier auprès de notre nouvelle unité pour savoir si des heures supplémentaires sont offertes au cours de la semaine pendant laquelle vous souhaitez travailler. S’il n’y a pas d’heures supplémentaires offertes pour votre nouvelle charge de travail, nous pouvons alors vous autoriser à travailler pour London. Vous devez m’informer de votre disponibilité en signant la feuille normale d’heures supplémentaires située au centre opérationnel. Comme toujours, vous devez indiquer vos heures sur votre demande, ce à des fins budgétaires.

[…]

10 Un autre courriel de sollicitation a été envoyé le 29 octobre 2010 pour faire des heures supplémentaires les semaines du 31 octobre au 6 novembre et du 7 au 13 novembre 2010. Ce courriel a été transmis à M. Applin le 3 novembre 2010 par un autre employé (pièce G-6). Comme le personnel du CEA avait été exclu de deux sollicitations pour faire des heures supplémentaires, il en a conclu que cela révélait une tendance. Un courriel de l’employeur, daté du 1er novembre 2010, lui a fourni la confirmation. Dans ce courriel, l’employeur indiquait que les heures supplémentaires avaient été approuvées pour la période du 1er au 6 novembre 2010 pour ceux qui effectuaient du travail de niveau 2. M. Applin a pris connaissance de ce courriel le 4 novembre 2010 (pièce G-7).

11 Le 1er novembre 2010, M. Applin a envoyé un courriel au directeur du CEA, pour lui demander si le personnel du CEA avait la possibilité d’effectuer du traitement de niveau 2 en heures supplémentaires. Le directeur a répondu que le travail lié au traitement de niveau 2 était limité au personnel de l’unité de traitement et que le personnel du CEA serait informé si des possibilités de faire des heures supplémentaires leur étaient offertes (pièce G-8).

12 M. Applin a ensuite fait mention du courriel daté du 5 novembre 2010 envoyé par un chef d’équipe du CEA sollicitant les employés du CEA pour effectuer du traitement de niveau 2 en heures supplémentaires, les 8 et 9 novembre 2010 (pièce G-9), pendant trois heures par jour. Le courriel indiquait que les heures supplémentaires n’étaient pas offertes au personnel affecté aux appels. M. Applin a fait valoir que ce courriel confirmait que le personnel du CEA était compétent pour effectuer du traitement de niveau 2.

13 Lors du contre-interrogatoire, on a fait remarquer à M. Applin que les employés du CEA effectuaient du travail initial ayant trait aux règlements. Il a répondu qu’ils devaient d’abord réévaluer le dossier de règlement, mais qu’il existait une délimitation claire du travail.

14 Lorsqu’on l’a renvoyé à la question 5 de la pièce G-3, M. Applin a expliqué que l’employeur avait offert des heures supplémentaires en raison de l’existence d’arriérés. Lorsqu’on lui a dit que la période de pointe pour la réception de demandes était entre décembre et mars, il a répliqué qu’elle était plutôt entre les mois d’octobre et novembre.

15 M. Applin a convenu que les employés qui assuraient le traitement des demandes de prestations d’assurance-emploi ne faisaient pas de travail lié aux appels parce qu’ils n’ont pas les compétences nécessaires.

16 On a montré à M. Applin les dossiers des heures supplémentaires de trois employés CEA faisant partie du groupe des fonctionnaires. Ces dossiers indiquaient qu’ils avaient fait peu d’heures supplémentaires (pièce E-1).

B. Pour l’employeur

17 Kathy Garvey, une employée de la fonction publique depuis 24 ans, a occupé différents postes de gestion en assumant des responsabilités de plus en plus importantes depuis qu’elle est entrée au service de l’employeur en 2003. En 2009, elle a été nommée directrice exécutive du service de traitement des demandes d’assurance-emploi dans la région de l’Ontario.

18 Mme Garvey a expliqué que deux unités virtuelles ont été créées parce que l’employeur a transféré la prestation de ses services à un réseau régional. Par ailleurs, même si tous les agents exécutaient antérieurement la plus grande partie du travail énoncé dans la description de travail, l’employeur estimait qu’il serait plus avantageux d’affecter certains membres du personnel à des tâches particulières. En ce qui concerne les appels, au lieu d’affecter un agent de manière occasionnelle au travail lié aux appels, une unité spécialisée serait constituée d’agents connaissant bien l’état de la jurisprudence et étant donc plus efficaces. Mme Garvey a confirmé que la description de travail des agents des prestations (pièce G-1) s’appliquait aux deux unités virtuelles.

19 En ce qui concerne le courriel des questions et réponses (pièce G-3), Mme Garvey a dit qu’il avait probablement été envoyé par M. Duncalfe. La question des heures supplémentaires a été soulevée dans le courriel parce que certains employés de niveau 2 avaient indiqué qu’ils ne souhaitaient pas être affectés aux nouvelles unités virtuelles sans avoir l’assurance de pouvoir faire des heures supplémentaires. À ce moment, les agents étaient affectés initialement à l’une des unités virtuelles pour des périodes de six mois, et des heures supplémentaires étaient offertes pendant les deux périodes de pointe, à savoir en juin jusqu’à la première semaine de septembre et du 1er décembre au 31 mars. L’employé qui aurait manifesté ’son souhait de joindre une unité virtuelle en janvier se serait inquiété de ne pas pouvoir faire des heures supplémentaires au cours de l’été. Lorsque les affectations étaient prolongées d’une autre période de six mois, la direction assurait la surveillance des heures supplémentaires.

20 Mme Garvey a déclaré que la taille du CEA fluctuait. Au début, il comptait un effectif de 55 employés, puis a connu un sommet avec 94 employés en 2010, pour ensuite passer aux 35 employés actuels. Face à l’augmentation de la charge de travail à la fin de 2009 et de 2010, le CEA a reçu ses propres heures supplémentaires à titre d’unité. Auparavant, c’est le réseau régional de traitement des heures supplémentaires qui en aurait assuré la gestion. Si la direction octroyait des heures supplémentaires à l’unité du CEA, elles étaient offertes à l’ensemble du personnel du CEA de manière équitable. Mme Garvey a indiqué que le nombre d’appels était en baisse en préparation pour le lancement du Tribunal de la sécurité sociale. Par conséquent, dans le but de diminuer les arriérés, des heures supplémentaires ont été offertes aux employés du CEA pour qu’ils effectuent du travail relevant du CEA.

21 En ce qui concerne le traitement des demandes de prestations, Mme Garvey a expliqué que les heures supplémentaires étaient offertes aux employés de tous les niveaux affectés au traitement des demandes. La direction a décidé que, si l’unité du traitement des demandes faisait face à une pression accrue et que le CEA n’était pas surchargé, le personnel du CEA pouvait être sollicité pour faire du traitement de demandes en heures supplémentaires. Normalement, la sollicitation des employés se faisait une semaine d’avance.

22 Mme Garvey a indiqué que les décisions ayant trait à la charge de travail étaient prises au jour le jour au niveau régional, c’est-à-dire pour l’ensemble de l’Ontario, et non pas par un bureau local. La région recourait aux heures supplémentaires si elle avait le budget nécessaire. S’il était nécessaire de faire des heures supplémentaires en raison d’arriérés au niveau administratif, le personnel de bureau de toute la région était sollicité. Si le nombre d’employés ayant répondu à l’appel était supérieur à la demande, les heures supplémentaires accordées à chaque personne étaient réduites en conséquence. Les sollicitations se faisaient habituellement le lundi ou le mardi, et les décisions étaient prises au plus tard le jeudi; le nombre maximal d’heures était alors établi. Le budget des heures supplémentaires n’était pas fixe, mais il était toujours pris en compte.

23 Lorsqu’on lui a montré la pièce G-4, Mme Garvey a soutenu qu’il était inhabituel qu’une sollicitation s’applique à une seule unité et que cela n’était pas représentatif de la manière dont la sollicitation était faite à l’échelle de la région. Depuis 2007, les heures supplémentaires sont réparties dans l’ensemble de la région de l’Ontario. Selon Mme Garvey, au moment de cette sollicitation, l’unité de traitement de niveau 2 comptait environ 380 employés. Autre fait inhabituel, le courriel ne précisait pas le nombre d’heures supplémentaires. Par ailleurs, les dates du 24 au 27 octobre 2010 précédaient la période de pointe de l’hiver. Le petit budget disponible s’appliquait à des heures supplémentaires limitées et ciblées pour du travail de niveau 2, et ce pour une durée restreinte de deux ou trois semaines.

24 Mme Garvey a indiqué que la pièce G-6 était inhabituelle parce que les sollicitations précisaient généralement les dates, normalement entre un et trois jours, le nombre maximal d’heures disponibles et le type de travail devant être effectué. En ce qui concerne la pièce G-7, elle a expliqué que l’approbation de six heures supplémentaires par personne signifiait trois heures par nuit pendant deux nuits. De manière générale, si les heures supplémentaires étaient effectuées des soirs de semaine, les employés étaient affectés à des tâches particulières pouvant être différentes des tâches exécutées pendant la journée. Si les heures supplémentaires étaient effectuées le samedi, il pourrait s’agir d’une opération éclair pour un certain type de travail. Mme Garvey a déclaré que cette sollicitation ne représentait pas beaucoup d’heures supplémentaires. Elle n’avait pas été ouverte au personnel du CEA ou à d’autres unités spécialisées parce que, comme il y avait peu de travail, il aurait fallu donner moins de travail à un plus grand nombre de personnes. Si le personnel du CEA avait effectué des heures supplémentaires pour traiter les demandes, cela aurait occasionné plus de travail administratif étant donné que le chef d’équipe aurait dû fournir manuellement au personnel du CEA le travail effectué par le personnel responsable du traitement.

25 En ce qui concerne la pièce G-5, Mme Garvey a expliqué qu’elle s’appliquait à un seul bureau d’un réseau de 300 à 400 personnes. La plupart du temps, lorsque des heures supplémentaires étaient offertes à du personnel responsable du traitement de niveau 2, elles étaient également proposées aux unités spécialisées. Par la suite, la direction a instauré une politique selon laquelle, si des heures supplémentaires étaient offertes au personnel du CEA, elles devaient s’appliquer à du travail relevant du CEA. Le personnel du CEA ne pouvait pas choisir le type d’heures supplémentaires devant être effectuées. Ce changement de politique était au cœur des mesures prises par l’employeur dans cette affaire et a déclenché les présents griefs. Le bureau de Mme Garvey envoyait les courriels de sollicitation générale pour la région afin de gérer la charge de travail. Mme Garvey a fait mention d’un courriel de sollicitation qu’elle a envoyé le 17 novembre 2010. Il indiquait que le personnel du CEA souhaitant faire des heures supplémentaires serait affecté à la charge de travail des appels (pièce E-2). Les heures supplémentaires devaient être effectuées pendant deux samedis consécutifs, à savoir le 20 et le 27 novembre 2010, et le nombre d’heures maximal par personne était de six.

26 Mme Garvey  a également renvoyé à un courriel, daté du 6 décembre 2010, qui sollicitait les employés des unités spécialisées, ce qui comprenait le CEA, pour effectuer du travail de traitement de niveau 2 en heures supplémentaires, les 8, 9 et 10 décembre 2010. Le courriel précisait qu’un nombre maximal de trois heures supplémentaires serait accordé à chaque employé pour chacune de ces dates (pièce E-3). Comme l’indiquait le courriel, cette sollicitation faisait suite à une autre sollicitation visant les employés des niveaux 1 et 2 des unités non spécialisées pour lesquelles des heures supplémentaires avaient déjà été approuvées. Mme Garvey a déclaré que la première sollicitation n’avait pas suscité beaucoup d’intérêt.

27 Mme Garvey a souligné que, parmi les 94 employés du CEA à ce moment, seuls les huit fonctionnaires qui travaillaient dans le même bureau se sont sentis lésés. La direction se fondait sur le concept de la « charge de travail unique » et déplaçait le travail, au besoin. Elle a déclaré qu’au cours de la période de cinq ans (ou de 260 semaines) d’existence du CEA, cette question concernait seulement 18 heures environ. Elle a soutenu que les heures supplémentaires étaient réparties équitablement au cours d’une année, parce que la direction évaluait la répartition des heures supplémentaires pour l’exercice complet. 

28 En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé si le courriel du mois de janvier 2008, qui invitait les employés à manifester leur intérêt relativement à une affectation dans une unité virtuelle (pièce G-2), visait à trouver des volontaires, Mme Garvey a répondu qu’elle croyait que c’était le cas, parce que le courriel demandait aux employés de faire part de leur intérêt. On lui a demandé si, suite à la sollicitation, certains employés avaient été affectés au CEA sans se porter volontaires. Mme Garvey ne se souvenait pas d’une telle situation et a ajouté qu’elle avait eu l’impression qu’un nombre suffisant d’employés avaient manifesté leur intérêt pour démarrer le CEA et qu’on aurait, peut-être, demandé à certains employés ayant de l’expérience en matière d’appels de travailler au CEA pendant une certaine période.

29 Mme Garvey a expliqué que les heures supplémentaires étaient déterminées en fonction du type de travail devant être effectué. Les fonctionnaires avaient les compétences nécessaires pour effectuer du traitement de niveau 2, puisque les agents des prestations peuvent exécuter les tâches prévues dans leur description de travail générique et doivent avoir la formation standard pour occuper ce poste. Mme Garvey a précisé que l’ancienneté n’était pas prise en compte dans la répartition des heures supplémentaires. Tous les employés de l’effectif peuvent être sollicités pour faire des heures supplémentaires. Les normes de productivité s’appliquent au travail effectué en heures supplémentaires, mais il n’existe aucune corrélation entre les résultats et les personnes qui se verront offrir des heures supplémentaires par la suite.

30 Lorsqu’on lui a demandé si l’employé ne s’étant jamais porté volontaire pour effectuer des heures supplémentaires avait le droit d’en faire, Mme Garvey a répondu que tous les employés sont sollicités à chaque fois qu’une possibilité se présente. Lorsque les employés acceptent de faire des heures supplémentaires, la direction s’attend à ce qu’ils s’engagent à être disponibles, même si elle prévoit que certains d’entre eux ne se présenteront pas au travail.

31 Dennis Carroll est au service de l’employeur depuis 33 ans et, à la période visée, il occupait le poste de directeur, Direction des services de traitement et de paiement, pour le sud-ouest de l’Ontario. Il a expliqué que la description de travail des agents de prestations (pièce G-1) s’appliquait à tous les postes semblables ayant trait au traitement des prestations d’assurance-emploi. Il a précisé que les agents des prestations n’effectuent pas nécessairement toutes les tâches énoncées dans la description de travail et que leur travail est établi en fonction des nécessités du service, de la charge de travail, des ensembles de compétences et du type de travail leur étant assigné.

32 M. Carroll a affirmé que le travail confié aux fonctionnaires au CEA est du travail lié aux appels. Ils s’occupent de cas ayant fait l’objet d’arbitrage par des agents des prestations étant responsables du traitement de première ligne. Si une décision est contestée, elle est examinée par le personnel du CEA.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

33 En renvoyant à la clause 28.04a) de la convention collective, l’agent négociateur a déclaré qu’il était admis que les fonctionnaires avaient les compétences nécessaires pour exécuter du travail de traitement de niveau 2 en heures supplémentaires. Quant à la question de la disponibilité, l’agent négociateur a renvoyé aux propos de Mme Garvey qui affirmait que chaque sollicitation pour effectuer des heures supplémentaires constituait une nouvelle offre.

34 L’agent négociateur a renvoyé à la question 5 de la pièce G-3, qui indiquait que le personnel du CEA aurait l’occasion de faire des heures supplémentaires durant les périodes où il y a un nombre élevé de demandes ou des arriérés importants. L’agent négociateur a fait valoir que la restriction des heures supplémentaires à ces périodes ne constituait pas une caractérisation et n’était pas une exigence de la clause 28.04a) de la convention collective.

35 L’agent négociateur a également mentionné que la preuve de l’employeur selon laquelle la sollicitation ne pouvait pas s’appliquer au personnel du CEA en raison des nécessités du service constituait un changement de pratique pour l’employeur. M. Applin a déclaré qu’il avait traité des demandes normales en heures supplémentaires pendant qu’il travaillait au CEA avant la décision soudaine de l’employeur de ne plus offrir d’heures supplémentaires au personnel du CEA. Les heures supplémentaires offertes doivent être réparties équitablement. L’agent négociateur a fait valoir que l’employeur n’a pas démontré qu’il serait désavantageux pour lui d’accorder des heures supplémentaires aux employés du CEA.

36 À l’appui de ses arguments, l’agent négociateur a invoqué les décisions suivantes : Bretzel c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossiers de la CRTFP 166-02-10385 à 10387 (19820218); Conrad c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP 166-02-13056 (19821223); Johnston c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-17488 à 17490 (19880930); Lagacé c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28007 (19990222); Bunyan et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 85, paragr. 88; Foote c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 142, paragr. 29; Weeks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 132, paragr. 56; Casper c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration), 2011 CRTFP 27.

B. Pour l’employeur

37 L’employeur a soutenu qu’il incombait à l’agent négociateur de démontrer que les heures supplémentaires n’ont pas été offertes aux fonctionnaires de manière équitable. Il a souligné le fait qu’en ce qui concerne deux des griefs, des heures supplémentaires ont été offertes au personnel du CEA pendant les périodes visées, à savoir du 28 novembre au 4 décembre et du 5 au 11 décembre 2010.

38 En ce qui a trait à la gestion des heures supplémentaires, l’employeur a expliqué que les heures supplémentaires étaient gérées et financées de manière quotidienne et hebdomadaire et que les décisions étaient prises en fonction de la charge de travail prévue et du budget, en tenant compte des périodes de pointe du régime de l’assurance-emploi.

39 L’employeur a relaté l’histoire du CEA, en déclarant qu’il avait été créé en 2008 sur une base d’affectations volontaires. L’employeur a soutenu que, même si la question 5 de la pièce G-3 correspondait à son engagement initial, le travail du CEA avait évolué depuis sa création. Le personnel du CEA effectuait parfois du travail lié au traitement de niveau 2 et parfois du travail propre au CEA, mais, à compter de 2010, le CEA avait ses propres heures supplémentaires fondées sur la charge de travail du CEA. L’employeur a affirmé que beaucoup d’heures supplémentaires étaient offertes aux fonctionnaires.

40 L’employeur a souligné le fait que l’agent négociateur n’a pas présenté de preuve concernant le nombre d’heures supplémentaires offertes pendant une période définie. L’employeur s’est demandé ’’comment l’on pouvait évaluer l’équité sur une courte période, en faisant valoir qu’il n’était possible d’établir si les fonctionnaires recevaient leur juste part d’heures supplémentaires que sur une période d’une année.

41 L’employeur a invoqué les périodes de pointe du 1er juin au 1er septembre et du 1er décembre au 31 mars, en déclarant que rien dans la preuve ne démontrait que les griefs visaient les heures supplémentaires effectuées pendant les périodes où le nombre de demandes reçues était élevé. Selon l’employeur, la preuve démontrait que les fonctionnaires avaient eu droit à des heures supplémentaires, sauf pendant des périodes précises. L’employeur a ajouté que les employés ne pouvaient pas faire des quarts de travail en heures supplémentaires.

42 En ce qui a trait aux nécessités du service, l’employeur a fait valoir que, d’après la preuve, un très petit nombre d’heures supplémentaires étaient offertes et que, comme l’avait déclaré Mme Garvey, il était contre-productif d’offrir un nombre limité d’heures supplémentaires à un grand nombre d’employés. Pour l’employeur, il s’agissait d’une considération légitime au plan opérationnel.

43 L’employeur a fait valoir qu’il ressortait de la preuve que, conformément à ce que prévoit la clause 28.04a) de la convention collective, il avait fait des efforts raisonnables pour offrir des heures supplémentaires de façon équitable. Il a insisté sur le fait que l’on surveillait de manière continue, tous les jours ou toutes les semaines, s’il était nécessaire d’offrir des heures supplémentaires en demandant aux employés des différentes unités de manifester leur intérêt. L’employeur a admis que les fonctionnaires avaient les compétences nécessaires.

44 L’employeur a soutenu que les mesures correctives appropriées dans une affaire de violation de la convention collective devraient se limiter à une déclaration de violation de la convention collective.

45 À l’appui de ses arguments, l’employeur a renvoyé à la décision suivante : Procureur général du Canada c. Bucholtz et al., 2011 CF 1259.

IV. Motifs

46 Les griefs allèguent que l’employeur n’a pas réparti les heures supplémentaires de façon équitable, en application de la clause 28.04a) de la convention collective, qui prévoit ceci :

Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur s’efforce autant que possible de ne pas prescrire un nombre excessif d’heures supplémentaires et d’offrir le travail supplémentaire de façon équitable entre les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles.

47 La question relative à la clause susmentionnée porte sur le fait que l’employeur n’a pas inclus les fonctionnaires dans son appel aux employés disposés à effectuer des heures supplémentaires à des occasions données, et non sur le fait que l’employeur a offert des heures supplémentaires aux employés ayant accumulé un moins grand nombre d’heures supplémentaires que les fonctionnaires. Par conséquent, la question dans ce grief porte sur l’admissibilité en application des dispositions de la convention collective plutôt que sur l’iniquité de la répartition.

48 La convention collective prévoit que les heures supplémentaires doivent être réparties de façon équitable entre « les employé-e-s qualifiés qui sont facilement disponibles ». Il n’y a pas de litige entourant les compétences des fonctionnaires, l’employeur ayant convenu qu’ils avaient les compétences nécessaires pour effectuer le travail visé par les heures supplémentaires offertes, notamment le traitement de niveau 2. Par ailleurs, comme l’indiquent les courriels envoyés le 5 novembre 2010 (pièce G-9) et le 6 décembre 2010 (pièce E-3), l’employeur s’était acquitté de l’engagement pris dans la pièce G-3 d’offrir au personnel du CEA la possibilité d’effectuer du traitement de niveau 2 en heures supplémentaires, mais il n’avait pas maintenu cette façon de faire de manière constante. Par ailleurs, Mme Garvey a déclaré que les employés affectés au traitement de niveau 2 et les employés du CEA avaient la même description de travail.

49 En ce qui concerne la disponibilité des employés pour faire des heures supplémentaires, la pratique de l’employeur était de demander des volontaires, par la voie de sollicitations. Comme Mme Garvey a expliqué, tous les employés faisant partie de l’effectif pouvaient être sollicités pour faire des heures supplémentaires, et chaque sollicitation constituait une nouvelle occasion d’effectuer des heures supplémentaires. En manifestant leur souhait de faire des heures supplémentaires, les employés indiquaient qu’ils étaient « facilement disponibles ». Une fois que la direction avait approuvé les heures supplémentaires, celles-ci étaient attribuées également entre les employés ayant manifesté leur intérêt. Cependant, comme l’employeur avait exclu les fonctionnaires de certaines sollicitations pour effectuer du traitement de niveau 2 en heures supplémentaires, même s’ils avaient les compétences nécessaires pour faire ce travail, les fonctionnaires n’étaient pas en mesure d’indiquer qu’ils étaient disponibles. Par conséquent, le seul moyen pour eux de manifester leur intérêt et de signifier leur disponibilité était de déposer des griefs, ce qu’ils ont fait. Je constate que l’employeur n’a pas produit de preuve montrant que les fonctionnaires n’étaient pas « facilement disponibles » pour travailler ou qu’ils n’avaient pas réellement l’intention d’effectuer des heures supplémentaires si elles leur avaient été offertes.

50 L’employeur n’a pas non plus présenté de preuve pouvant me convaincre qu’il ne pouvait pas offrir des heures supplémentaires aux fonctionnaires en raison des nécessités du service. Les sollicitations invitant les employés à manifester leur intérêt étaient publiées longtemps d’avance, et aucun litige ni argument n’a été soulevé qui aurait pu mettre en cause la capacité de l’employeur à offrir des heures supplémentaires aux fonctionnaires en raison de nécessités du service. En ce qui concerne les nécessités du service, l’employeur a renvoyé au témoignage de Mme Garvey selon lequel il serait contre-productif d’offrir un nombre limité d’heures supplémentaires à un grand nombre d’employés. Par conséquent, si le personnel du CEA avait été inclus dans la sollicitation pour effectuer du traitement de niveau 2 en heures supplémentaires, un nombre réduit d’heures aurait été accordé à chacun des employés ayant indiqué leur disponibilité.

51 Cet argument suppose que l’employeur doit offrir des heures supplémentaires à chacun des employés ayant manifesté sa volonté d’effectuer les heures supplémentaires offertes, en divisant le nombre d’heures supplémentaires disponibles par le nombre de personnes intéressées. Je n’ai rien trouvé dans la convention collective ou dans la jurisprudence qui appuie une telle approche. La jurisprudence me porte à croire que normalement, dans ces cas, l’employeur offre les heures supplémentaires disponibles au nombre d’employés requis pour effectuer le travail. En l’espèce, l’employeur a invoqué sa pratique particulière de répartir également les heures supplémentaires disponibles comme motif pour exclure les fonctionnaires de la liste des heures supplémentaires, ce qu’il n’a pas le droit de faire. Il ressort de la preuve documentaire et du témoignage de Mme Garvey que les sollicitations pour faire des heures supplémentaires devraient préciser les dates auxquelles les heures supplémentaires seront effectuées et le nombre maximal d’heures disponibles par employé. Lorsque les employés estiment que le nombre d’heures supplémentaires offertes est insuffisant ou que les dates ne leur conviennent pas, ils ne sont pas tenus d’indiquer qu’ils sont disponibles. Par exemple, Mme Garvey a expliqué que la sollicitation du 6 décembre 2010, à l’intention des employés des unités spécialisées pour effectuer du traitement de niveau 2, a été lancée parce qu’une première sollicitation, envoyée aux employés des niveaux 1 et 2 d’unités non spécialisées pour le même travail, n’avait pas suscité un intérêt suffisant. Mme Garvey a également affirmé que la direction s’attendait à ce que certains employés ayant confirmé qu’ils seraient disponibles au moment de la sollicitation ne se présenteraient pas pour effectuer les heures supplémentaires aux dates spécifiées. 

52 L’employeur a fait valoir qu’il n’était possible d’établir si les fonctionnaires avaient eu droit à leur juste part d’heures supplémentaires que sur une période d’un an complet. Pourtant, du même souffle, il a déclaré que chacune des offres pour faire des heures supplémentaires constituait une nouvelle occasion. D’après la jurisprudence de longue date issue de ce Conseil et de ses prédécesseurs, la répartition des heures supplémentaires doit effectivement être calculée sur une certaine période et, de manière générale, la répartition devrait être calculée sur une période d’un an. Cependant, la présente affaire ne concerne pas la répartition inéquitable des heures supplémentaires. Tel qu’il a été mentionné précédemment, la procédure de l’employeur consistait à répartir également les heures supplémentaires parmi les employés ayant indiqué qu’ils étaient disponibles. Or, l’iniquité en l’espèce découle plutôt du fait que l’employeur a privé les fonctionnaires de la possibilité de faire des heures supplémentaires en les excluant de certaines sollicitations pour effectuer du traitement de niveau 2. Dans les circonstances ’de la présente affaire, je conclus que le défaut de l’employeur d’offrir des heures supplémentaires de façon équitable constituait une violation de la clause 28.04a) de la convention collective, parce que l’employeur a omis d’offrir à des employés qui étaient disponibles et compétents la possibilité de faire des heures supplémentaires, sans que des considérations liées aux nécessités du service puissent être invoquées pour justifier leur exclusion.

53 Il est ressorti de la preuve qu’à plusieurs occasions, l’employeur a limité le travail de traitement de niveau 2 aux employés qui exécutaient normalement ce travail. Ces circonstances sont semblables à celles de Bretzel, Conrad et Johnston.Dans Bretzel, l’arbitre de grief a déterminé que, pour ce faire, la convention collective devrait prévoir que les heures supplémentaires devaient être réparties entre [traduction] « […] les employés facilement disponibles et compétents qui sont normalement affectés à du travail nécessitant de faire des heures supplémentaires […] », et a rejeté cette approche comme étant une interprétation n’étant pas étayée par la convention collective. Les affaires Conrad et Johnston ont ensuite pris appui sur cette décision.

54 Dans sa défense, l’employeur a également signalé que les fonctionnaires avaient eu l’occasion d’effectuer des heures supplémentaires puisque de telles possibilités étaient offertes exclusivement aux employés du CEA. Cependant, le seul fait qu’on ait offert à ces employés des possibilités de faire des heures supplémentaires au sein de leur propre unité de travail ne leur enlève pas le droit, selon les modalités de la convention collective, de participer à d’autres possibilités de faire des heures supplémentaires. Dans ces cas, les heures supplémentaires seraient réparties en conformité avec les principes d’équité, ce qui signifie que les heures supplémentaires devraient être offertes à ceux qui ont accumulé le moins d’heures, peu importe la manière dont elles ont été accumulées ou l’endroit.

55 L’employeur a renvoyé à la question 5 de la pièce G-3, qui limite les heures supplémentaires effectuées par les employés des unités spécialisées, comme le CEA, aux périodes de l’année où il y a un nombre élevé de demandes ou des arriérés importants et a fait valoir que rien dans la preuve ne permettait de conclure que les griefs concernaient des heures supplémentaires effectuées pendant ces périodes. Mme Garvey a déclaré que les périodes de pointe étaient entre le 1er décembre et le 31 mars et entre le 1er juin et le 1er septembre. Cet argument n’est pas convaincant. Peu importe le contenu du courriel, le libellé de la clause 28.04a) ne prévoit aucune restriction de cette nature. De plus, le courriel daté du 5 novembre 2010 sollicitait les employés de l’unité du CEA pour effectuer du travail de traitement de niveau 2.

56 Ayant conclu que l’employeur a violé la convention collective, je me penche maintenant sur les mesures correctives. La jurisprudence de longue date issue de ce Conseil et de ses prédécesseurs relativement à des affaires semblables indique que, normalement, les fonctionnaires ont droit à une indemnisation en nature au lieu de se voir offrir les prochaines possibilités d’effectuer des heures supplémentaires. En ce qui concerne la demande de l’employeur, qui souhaite que je me limite à faire une déclaration, j’estime que cette mesure ne permettrait pas de replacer les parties dans la situation où elles auraient été si l’employeur n’avait pas violé la convention collective. Cependant, ici, le débat est centré sur la question de savoir si les fonctionnaires auraient dû ou non être exclus de l’offre pour effectuer des heures supplémentaires, et non de savoir s’il était justifié pour l’employeur d’offrir les heures supplémentaires à d’autres en raison des heures accumulées par les fonctionnaires.

57 Par conséquent, je conclus que, outre la déclaration de violation à laquelle les fonctionnaires ont droit, compte tenu de la preuve dont je dispose, il serait davantage compatible avec les modalités de la convention collective d’ordonner que les parties tentent de s’entendre sur la mesure corrective qui devrait s’appliquer aux fonctionnaires, en se fondant sur ma décision et leurs dossiers. Les fonctionnaires avaient le droit d’être inclus dans l’offre pour effectuer des heures supplémentaires, et on aurait dû leur offrir les possibilités en question de faire des heures supplémentaires, sauf si, en raison des heures qu’ils avaient accumulées à ce moment, cela aurait contrevenu à l’exigence de la répartition équitable prévue dans la convention collective. Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

58 Les griefs sont accueillis, et je déclare que l’employeur a violé la clause 28.04a) de la convention collective. Je laisse aux parties le soin de déterminer si les heures supplémentaires auraient dû être offertes aux fonctionnaires et, le cas échéant, le nombre d’heures supplémentaires que l’employeur doit payer aux fonctionnaires, ainsi que toute autre rémunération pertinente ou tout autre avantage pertinent.

59 Je demeure saisi des griefs pendant une période de 90 jours au cas où les parties auraient besoin d’aide pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires qui doivent être rémunérées ou pour résoudre toute autre question découlant de l’exécution de la présente décision.

Le 4 février 2014.

Traduction de la CRTFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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