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Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant le poste de directeur, Conception, équipement et sécurité nautique (EX-02). Il a soutenu que son évaluation comportait plusieurs lacunes. Premièrement, il a affirmé que le président du comité d’évaluation, à tort, a indiqué aux membres de ce comité qu’une enquête était terminée en ce qui concerne des plaintes présentées par des employés, alors que l’enquête était toujours en cours. Deuxièmement, il était d’avis que le président du comité a fourni des références erronées à son sujet. Finalement, selon lui, cette personne avait un parti pris contre lui. Le plaignant a aussi affirmé que l’évaluation de la personne nommée comportait plusieurs lacunes. Premièrement, il a fait valoir que l’intimé n’a pas bien coté la réponse que celle-ci a donnée à une des questions d’entrevue. De plus, le plaignant estimait que la personne avait reçu un traitement préférentiel, étant donné que le comité d’évaluation avait utilisé les références obtenues dans le cadre d’un autre processus de nomination visant un poste EX-02 qui avait été mené peu de temps auparavant. Troisièmement, le plaignant n’était pas convaincu que la personne nommée avait été adéquatement évaluée, car il y avait une cotation différente dans deux des documents d’évaluation. Finalement, le plaignant ne pensait pas que la personne nommée possédait deux des qualifications constituant un atout utilisées pour choisir la bonne personne pour le poste. Le plaignant a affirmé que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir en utilisant une méthode fondée sur un consensus pour évaluer les candidats à l’entrevue. L’intimé a déclaré que le plaignant a vu sa candidature éliminée du processus de nomination car il ne possédait pas deux des qualifications essentielles exigées pour le poste. De plus, l’intimé était d’avis que ni le plaignant ni la personne nommée n’ont été évalués de façon inappropriée. Décision Tout d’abord, en ce qui concerne les allégations relatives à l’évaluation du plaignant, le Tribunal a conclu que rien ne démontre que l’enquête était toujours en cours en ce qui concerne les plaintes présentées par des employés lorsque le président du comité d’évaluation a fourni des références aux membres du comité. Le Tribunal a déterminé que le plaignant n’a pas démontré que les références étaient inadéquates pour l’évaluation des qualifications visées ou qu’elles comprenaient des renseignements qui n’auraient pas dû être divulgués. Le Tribunal estime que les références résumaient son point de vue et comportaient des détails adéquats sur ses observations et ses interactions avec le plaignant et son unité de travail. Ensuite, en ce qui concerne les allégations de parti pris, le Tribunal n’a trouvé aucune preuve démontrant qu’il y a eu parti pris. Le Tribunal a aussi jugé que, même si les références ne mettaient pas le plaignant en valeur, la preuve ne permettait pas d’établir une crainte raisonnable de partialité. Par ailleurs, s’agissant des allégations relatives à la personne nommée, le Tribunal n’a pas trouvé que la cotation de la réponse qu’elle a donnée à l’une des questions d’entrevue était inadéquate. De plus, le Tribunal a considéré que le plaignant n’a pas démontré que l’utilisation des références obtenues dans le cadre d’un autre processus de nomination ou le refus d’utiliser des références du plaignant qui avaient été obtenues quatre ans auparavant constituaient un traitement préférentiel en faveur de la personne nommée. Enfin, pour ce qui est des allégations concernant le manque d’uniformité dans les documents d’évaluation, le Tribunal a jugé que les deux documents indiquaient que la personne nommée était qualifiée. Les différentes descriptions utilisées dans les documents correspondaient à leur format respectif. Aucun élément de preuve n’entrait en contradiction avec la conclusion du comité d’évaluation selon laquelle la personne nommée possédait les qualifications constituant un atout demandées pour le poste. Finalement, le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation n’a pas abusé de son pouvoir en procédant par consensus pour coter les candidats. La plainte est rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2012-0905
Rendue à :
Ottawa, le 6 juin 2013

MUHAMMAD AKHTAR
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Akhtar c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Référence neutre :
2013 TDFP 0019

Motifs de décision


Introduction

1Le plaignant, Muhammad Akhtar, n’a pas été retenu au terme d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste de directeur, Conception, équipement et sécurité nautique, des groupe et niveau EX‑02 (le poste EX‑02) à Transports Canada (TC). Le plaignant soutient qu’il y a eu abus de pouvoir, car il est d’avis que la personne nommée, Julie Gascon, et lui‑même ont été évalués de façon inappropriée.

2 L’intimé, le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, nie tout abus de pouvoir. Il affirme que le plaignant a vu sa candidature éliminée car il a été déterminé qu’il ne possédait pas deux qualifications essentielles demandées pour le poste. L’intimé soutient en outre que ni le plaignant ni la personne nommée n’ont été évalués de façon inappropriée pour le poste EX‑02.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas comparu, mais elle a présenté des observations écrites dans lesquelles elle traite de ses lignes directrices pertinentes en l’espèce. La CFP ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé de la plainte.

4 Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est rejetée. En effet, il n’a pas été démontré que le plaignant ou la personne nommée ont été évalués de façon inappropriée.

Contexte

5 En décembre 2011, TC a publié une annonce de possibilité d’emploi pour le poste EX‑02. Le plaignant et la personne nommée ont tous deux postulé et ont vu leur candidature retenue à l’étape de la présélection du processus de nomination. Ils faisaient partie des onze candidats ayant participé à une entrevue pour le poste en mars 2012. Par suite des entrevues, des références ont été obtenues au sujet des candidats. Ces références servaient d’outil d’évaluation pour confirmer les renseignements fournis pendant l’entrevue en ce qui a trait aux qualifications essentielles demandées, soit la gestion par l’action, la gestion de l’effectif, la gestion des finances, l’engagement, et les valeurs et l’éthique.

6 Les candidats devaient fournir le nom de leurs répondants au moment de l’entrevue. Le plaignant a fourni le nom de Donald Roussel, directeur général, Sécurité et sûreté maritime, TC, qui avait été son supérieur immédiat de 2006 à 2008. Au moment de l’entrevue, le plaignant relevait du directeur exécutif responsable de la réglementation, qui relevait lui‑même de M. Roussel. Ce dernier cumulait également les fonctions de président du comité d’évaluation et de gestionnaire d’embauche pour le processus lié au poste EX‑02.

7 Pour la personne nommée, le comité d’évaluation a utilisé des références provenant d’un processus de nomination antérieur. Lorsque la personne nommée a présenté sa candidature le 10 décembre 2011, elle a informé TC qu’elle avait participé peu de temps auparavant à un autre processus pour un poste EX‑02 au Bureau de la sécurité des transports (BST) et qu’elle avait été jugée qualifiée. Elle a affirmé que les références relatives au processus de nomination au BST avaient été obtenues en août 2011. Le comité d’évaluation a par la suite décidé d’utiliser ces références, de sorte qu’il n’a communiqué avec aucun autre répondant pour évaluer la personne nommée.

8 À l’issue du processus, quatre candidats ont été jugés qualifiés. La personne nommée, qui faisait partie de ces candidats, a été nommée au motif qu’elle constituait la bonne personne pour le poste EX‑02. Le comité d’évaluation a déterminé que le plaignant n’était pas qualifié étant donné qu’il ne possédait pas certaines des compétences clés en leadership, soit celles qui portaient sur la gestion de l’effectif et sur les valeurs et l’éthique. Le plaignant a été informé du résultat du processus le 11 mai 2012.

9 Le 17 mai 2012, une notification de nomination ou de proposition de nomination indiquant le nom de Mme Gascon a été publiée. Le 30 mai 2012, le plaignant a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal), en vertu de l’article 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP).

Questions en litige

10Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation du plaignant?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée?
  3. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans la méthode employée pour évaluer les entrevues des candidats?

Analyse

Question I:  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation du plaignant?

11 Le plaignant soutient que son évaluation comportait plusieurs failles. Premièrement, il fait valoir que M. Roussel a affirmé au comité d’évaluation, à tort, que l’enquête portant sur les plaintes d’employés déposées contre le plaignant était terminée alors que celle‑ci était, selon ce dernier, toujours en cours. Deuxièmement, le plaignant affirme que les références fournies par M. Roussel étaient erronées. Troisièmement, il soutient que M. Roussel affichait un parti pris à son encontre.

Enquête

12 Le plaignant est d’avis que M. Roussel n’aurait pas dû informer le comité d’évaluation en avril 2012 que l’enquête était terminée, étant donné qu’elle était toujours en cours. Par conséquent, selon le plaignant, M. Roussel a agi de façon inappropriée, en informant le comité d’évaluation de la conclusion de l’enquête.

13 En 2011, le plaignant occupait le poste de gestionnaire, Conformité, application et appels, à l’administration centrale de TC. Comme il a été indiqué ci‑dessus, le plaignant relevait du directeur exécutif chargé de la réglementation, lequel relevait de M. Roussel.

14 Dans son témoignage, M. Roussel a expliqué que le 29 avril 2011, en sa qualité de directeur général, il avait reçu des plaintes contre le plaignant provenant de plusieurs de ses subalternes (plaintes des employés). En mai 2011, les employés ont officialisé leurs plaintes en les mettant par écrit, et M. Roussel les a transmises à Gérard McDonald, sous‑ministre adjoint de la sécurité et de la sûreté à TC. M. McDonald a confié la réalisation de l’enquête à un consultant. Pour sa part, M. Roussel n’a pas participé au processus d’enquête.

15 Le 4 avril 2012, M. Roussel a fourni des références sur le plaignant au comité d’évaluation, tel qu’il lui était demandé. M. Roussel a expliqué qu’avant de fournir les références, il avait demandé à M. McDonald où en était l’enquête portant sur les plaintes des employés. M. McDonald lui avait répondu que l’enquête était terminée et que certaines allégations avaient été jugées fondées ou partiellement fondées. M. McDonald avait ajouté que les parties discutaient des mesures disciplinaires possibles.

16 M. Roussel a affirmé qu’il se sentait obligé de fournir cette information au comité d’évaluation, ce qu’il a d’ailleurs fait, mais seulement après la tenue et l’évaluation des entrevues.

17 Les affirmations de M. Roussel ont été confirmées par le témoignage de Michel Viau, agent de dotation, Haute direction, à TC, qui faisait également partie du comité d’évaluation. M. Viau a affirmé qu’il avait appris en avril 2012 que le plaignant faisait l’objet d’une enquête en raison de plaintes déposées par des employés. Il a confirmé que M. Roussel avait informé le comité d’évaluation de l’issue de cette enquête et qu’il croyait être tenu de le faire étant donné que ces renseignements étaient directement liés aux qualifications évaluées.

18 Le plaignant soutient toutefois que cette enquête était toujours en cours à l’époque et affirme que M. Roussel n’aurait pas dû dire au comité d’évaluation que l’enquête était terminée.

19 Le statut de l’enquête à ce moment-là a été étayé par plusieurs documents produits en preuve. Le 10 février 2012, le plaignant a reçu une lettre de M. McDonald, dans laquelle il était indiqué qu’à la suite de l’enquête menée par le consultant, il avait été déterminé que plusieurs plaintes déposées par les employés étaient fondées ou partiellement fondées et que d’autres plaintes n’étaient pas fondées. Un document décrit comme le « rapport d’enquête final » [traduction] était joint à cette lettre. La lettre informait en outre le plaignant que M. McDonald et lui devaient se rencontrer sous peu pour recueillir des renseignements pertinents supplémentaires qui ne figuraient pas dans le rapport et qu’il [M. McDonald] devait prendre en considération pour déterminer les mesures correctives appropriées.

20 Le plaignant a présenté un courriel qu’il a envoyé à M. McDonald le 5 avril 2012. Ce courriel incluait des messages envoyés en 2011 et portait sur la durée et la tenue de l’enquête. Or, ce courriel ne contient aucun renseignement sur l’issue de l’enquête.

21 Le plaignant a eu des échanges en mai 2012 avec Sean Boileau, employé de TC, au sujet d’une demande d’accès à l’information et de communication de renseignements personnels. M. Boileau a répondu à cette demande en précisant l’issue des deux enquêtes, soit l’enquête menée par TC et l’enquête menée par un consultant. M. Boileau a affirmé que selon les renseignements qu’il avait obtenus d’un conseiller en relations de travail, l’enquête du consultant était terminée et l’enquête de TC était toujours en cours.

22 Quant au choix du moment des commentaires fournis au comité d’évaluation par M. Roussel concernant l’issue de l’enquête relative aux plaintes des employés, le Tribunal estime que la lettre de février 2012 provenant de M. McDonald indique clairement que le rapport d’enquête est final, ce qui est d’ailleurs conforme à l’information selon laquelle le plaignant devait se préparer en vue d’une discussion sur les mesures correctives à appliquer.

23 Le Tribunal conclut que l’échange de courriels entre M. Boileau et le plaignant ne mène pas à une interprétation différente. En effet, M. Boileau a clairement indiqué que l’enquête menée par le consultant était terminée. Étant donné que l’enquête sur les plaintes des employés était menée par un consultant pour le compte de M. McDonald, les courriels n’étayent pas l’affirmation du plaignant selon laquelle l’enquête était toujours en cours à l’époque. Le fait que les mesures disciplinaires appropriées n’avaient pas encore été déterminées n’est pas pertinent en l’espèce.

24 Étant donné qu’il n’a pas été démontré que l’enquête sur les plaintes des employés était toujours en cours le 4 avril 2012, soit à la date à laquelle M. Roussel a fourni ses références, le Tribunal juge qu’il n’était pas inapproprié que M. Roussel évoque les conclusions de l’enquête dans ce contexte.

Références provenant de M. Roussel

25 En plus des renseignements relatifs aux conclusions de l’enquête, M. Roussel a également fourni des références au comité d’évaluation. Le plaignant est d’avis que celles‑ci comprenaient des renseignements qui n’auraient pas dû être divulgués.

26 Dans son témoignage, M. Roussel a évoqué ses réponses à certaines des questions de vérification des références. Selon les références, qui ont été déposées en preuve, M. Roussel devait indiquer si le plaignant avait mis en application les valeurs et les principes d’éthique, établi et favorisé un milieu de travail sûr et sain et respecté les règles d’équité et de transparence dans le milieu de travail. M. Roussel a expliqué que ses réponses étaient fondées sur les discussions qu’il avait eues avec les employés qui lui avaient directement fait part de leurs préoccupations, sur son examen des renseignements que lui avait envoyés le plaignant au sujet des problèmes dans son unité de travail et sur ses observations personnelles et ses interactions au sein de l’unité de travail du plaignant lorsqu’il avait eu à gérer la situation à la suite du dépôt des plaintes par les employés.

27 Après avoir terminé l’évaluation des candidats, le comité d’évaluation a préparé un rapport d’intégration sur le processus de nomination (RI) qui résumait les résultats des évaluations. Selon le RI s’appliquant au plaignant, ce dernier a bien réussi son entrevue, mais les références provenant de M. Roussel faisaient ressortir d’importants problèmes qui ont fait en sorte que le plaignant n’a pas été jugé qualifié pour les qualifications que sont la gestion de l’effectif ainsi que les valeurs et l’éthique.

28 L’article 36 de la LEFP prévoit que l’établissement des méthodes d’évaluation incombe à la CFP, ou à l’intimé, lorsque les pouvoirs lui sont délégués. Le plaignant a fourni le nom de M. Roussel au comité d’évaluation à titre de répondant. M. Roussel était le directeur général de la direction générale où travaillait le plaignant, et ce dernier n’a jamais laissé entendre que M. Roussel n’avait pas les connaissances nécessaires pour fournir des références. Comme l’a déjà établi le Tribunal, il est important que les répondants connaissent suffisamment le travail d’un candidat afin de pouvoir fournir des renseignements pertinents. (Voir la décision Dionne c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0011, para. 55.)

29 Le plaignant n’a pas réussi à démontrer que la teneur des références fournies par M. Roussel était inappropriée aux fins de l’évaluation des qualifications visées ni que les références comprenaient des renseignements qui n’auraient pas dû être divulgués. Même si M. Roussel n’a pas fourni de détails concernant des faits ou des événements précis, le Tribunal est convaincu que les références résumaient bien sa pensée et comprenaient des renseignements pertinents au sujet de ses observations et interactions avec le plaignant et son unité de travail.

Parti pris

30 Le plaignant soutient que M. Roussel n’aurait pas dû faire partie du comité d’évaluation ni fournir des références, car il affichait un parti pris à son encontre étant donné qu’il était au courant des plaintes déposées par les employés.

31 Comme il a été indiqué ci‑dessus, M. Roussel était le gestionnaire d’embauche et le président du comité d’évaluation. Le plaignant avait en outre fourni son nom à titre de répondant au comité d’évaluation.

32 Lorsque des allégations de parti pris sont formulées, il peut être difficile d’établir des preuves directes, mais les éléments de preuve déposés peuvent appuyer une constatation selon laquelle il y a une crainte raisonnable de partialité. Toute conduite qui suscite une crainte raisonnable de partialité constitue un abus de pouvoir. (Voir la décision Gignac c. le sous‑ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 0010, para. 71)

33 Le Tribunal juge qu’il n’existe aucune preuve concrète de parti pris en ce qui a trait au rôle de M. Roussel au sein du comité d’évaluation ou au fait que M. Roussel ait fourni des références pour le plaignant. Le Tribunal doit donc déterminer si la preuve présentée est suffisante pour établir une crainte raisonnable de partialité.

34 Dans la décision Denny c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029, au paragraphe 125, le Tribunal a fait référence à la décision Committe for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, [1976] A.C.S. no 118 (QL), qui établit le critère de la crainte raisonnable de partialité, à la page 386 (R.C.S.) :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

35 Dans la décision Denny, le Tribunal a également fait référence à une formulation plus récente de ce critère, évoqué dans la décision Newfoundland Telephone Company c. Terre‑Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, [1992] A.C.S. no 21 (QL), au paragraphe 22 (QL), et il a appliqué ce critère aux circonstances de la plainte. En fonction de la jurisprudence établie, le critère de la crainte raisonnable de partialité dans le contexte d’une plainte relative à la dotation peut être formulé comme suit : En examinant le processus, un observateur relativement bien renseigné pourrait‑il raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou de plusieurs personnes ayant pris part à l’évaluation du plaignant?

36 S’il applique ce critère aux circonstances en l’espèce, le Tribunal constate que le plaignant ne s’est pas opposé à la participation de M. Roussel à l’entrevue et qu’il a même fourni le nom de ce dernier comme répondant. Il est raisonnable de penser que M. Roussel, à titre de directeur général responsable de l’unité de travail du plaignant, était au courant des plaintes déposées par les employés et avait lui‑même observé les interactions au sein de l’unité de travail. Le simple fait que M. Roussel soit au courant d’éléments négatifs concernant le plaignant ne signifie pas qu’il ne pouvait pas fournir de références à son égard ni qu’il ne pouvait pas faire partie du comité d’évaluation. (Voir la décision Robertson c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2010 TDFP 0011, para. 55.) Comme l’a expliqué le Tribunal dans la décision Dionne, au paragraphe 50, « [b]ien que les candidats puissent donner le nom de superviseurs ou de collègues qui sont susceptibles de fournir des références positives, l’objectif de la vérification des références est d’obtenir des renseignements précis et pertinents au sujet d’un candidat, que ceux‑ci soient positifs ou négatifs ».

37 Même si les références fournies par M. Roussel ne mettaient pas le plaignant en valeur, les éléments de preuve n’établissent aucune crainte raisonnable de partialité. Aucun élément de preuve n’indique que les références fournies étaient erronées ou qu’elles n’étaient pas pertinentes en ce qui a trait aux qualifications évaluées.

38 Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas réussi à établir que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de sa candidature.

Question II : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation de la personne nommée?

39 Le plaignant est d’avis que le comité d’évaluation a évalué la personne nommée de façon inappropriée. Tout d’abord, le plaignant affirme que le comité d’évaluation a noté la réponse de la personne nommée de façon incorrecte à la question d’entrevue 2. De plus, il estime que le comité lui a accordé un traitement de faveur en acceptant d’utiliser les références qui avaient été fournies à son égard par le BST dans le cadre d’un processus EX‑02 antérieur. En outre, le comité aurait surestimé son rendement à l’entrevue étant donné qu’elle avait tout juste obtenu la note de passage à l’entrevue selon le guide de cotation, mais que le comité d’évaluation, dans le RI, a décrit son entrevue comme excellente. Enfin, le plaignant affirme que la personne nommée ne satisfaisait pas aux critères de la bonne personne pour une nomination au poste EX‑02.

Question d’entrevue 2

40 À la question 2 de l’entrevue, les candidats devaient nommer les principales tendances et les principaux enjeux en matière de sécurité du transport nautique. La réponse attendue comportait trois critères principaux, soit les aspects économique, social et environnemental. Le plaignant soutient que ces éléments n’apparaissent pas dans les notes des membres du comité d’évaluation en ce qui a trait à l’entrevue de la personne nommée et que si cette dernière n’a pas fourni la réponse attendue, elle n’aurait pas dû être jugée qualifiée.

41 M. Roussel a passé en revue les notes qu’il avait prises pendant l’entrevue de la personne nommée et a mis en évidence les endroits où elle avait traité des trois critères en question. Il a affirmé que la personne nommée avait abordé la mondialisation, la connaissance de l’industrie, de la sécurité et de la gérance environnementale, les défis technologiques, l’enjeu social lié à la pénurie de main‑d’œuvre, les défis découlant du plan d’action pour la réduction du déficit pour TC en tant qu’organisation, la nécessité d’établir une stratégie à long terme pour assurer la stabilité, la sensibilisation des intervenants, ainsi qu’une approche globale fondée sur le travail d’équipe. À son avis, la personne nommée a abordé les trois éléments de façon approfondie. Le plaignant n’a pas contesté le témoignage de M. Roussel à cet égard.

42 Le Tribunal a jugé dans nombre de décisions que son rôle consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir, et non à réévaluer les candidats ou à lancer un nouveau processus de nomination. (Voir, par exemple, la décision Broughton c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 0020, para. 54.)

43 Le Tribunal juge que M. Roussel a fourni une explication cohérente et raisonnable en ce qui a trait à la notation de la question 2. Le plaignant peut certes être en désaccord, mais il n’a présenté aucun élément de preuve appuyant son affirmation selon laquelle les trois critères principaux ne figuraient pas dans la réponse de la personne nommée.

44 Par conséquent, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir dans la notation de la réponse fournie par la personne nommée à la question 2.

Utilisation des références provenant du BST

45 Comme il a été précisé ci‑dessus, le comité d’évaluation n’a pas obtenu de nouvelles références pour la personne nommée. Il a plutôt utilisé les références provenant d’un processus EX‑02 mené par le BST en août 2011. Ces références avaient été fournies par deux supérieurs, un subalterne et un client. Le plaignant est d’avis que cette façon de faire n’était pas équitable et qu’elle témoignait d’un traitement préférentiel, d’autant plus que les références du BST ne contenaient aucun renseignement provenant des pairs, contrairement à ce qui était demandé aux candidats pour le processus visant le poste EX‑02. Le plaignant n’a toutefois pas remis en question la pertinence des références provenant du BST ni la mesure dans laquelle celles‑ci s’appliquaient au processus en question.

46 Le plaignant a expliqué que pendant la discussion informelle, qui a eu lieu après la communication des résultats du processus EX‑02, il avait demandé au comité d’évaluation d’utiliser les références qu’il avait obtenues en 2008 dans le cadre de l’évaluation pour le programme Cours et affectations de perfectionnement (CAP) au lieu d’utiliser celles que le comité d’évaluation avait recueillies. Cette demande lui a été refusée, ce qui l’amène à penser que cette décision témoigne une fois de plus du traitement préférentiel réservé à la personne nommée.

47 M. Roussel a confirmé que le comité d’évaluation avait utilisé les références provenant du processus de nomination du BST pour évaluer la personne nommée. Il a expliqué que les membres du comité d’évaluation avaient jugé que les références provenant du client pouvaient être considérées comme des références provenant de pairs. M. Roussel était d’avis que l’utilisation des références provenant du BST constituait une méthode souple et économique pour obtenir des renseignements en vue de l’évaluation d’un candidat.

48 M. Roussel a affirmé qu’il avait fourni des références pour la demande du plaignant dans le cadre du programme CAP en 2008, mais que les circonstances sur lesquelles il s’était alors fondé avaient changé compte tenu des problèmes relatifs au plaignant qui étaient apparus en 2011.

49 M. Viau a expliqué qu’il était courant dans le domaine du ressourcement des EX d’utiliser des références provenant d’un autre processus visant un poste EX, dans la mesure où celles‑ci ne dataient pas plus d’un an et demi, car cette méthode permettait d’économiser du temps et des ressources financières. M. Viau a affirmé qu’il avait examiné le contenu des références provenant du BST et qu’il avait jugé que les renseignements qui y figuraient étaient pertinents en ce qui a trait à toutes les qualifications évaluées pour le processus visé en l’espèce. Après avoir consulté son superviseur, M. Viau avait déterminé que les références du client relativement à la personne nommée seraient acceptées comme l’équivalent de références fournies par des pairs.

50 M. Viau a pris part à la discussion informelle avec le plaignant. Il se rappelle que le plaignant a demandé au comité de substituer les références provenant du programme CAP de 2008 à celles qui avaient été utilisées. Les références de 2008 comprenaient notamment des commentaires positifs de la part de M. Roussel.

51 M. Viau a expliqué dans son témoignage que le comité d’évaluation avait jugé que les références recueillies pour le plaignant dans le cadre du processus EX‑02 abordaient toutes les qualifications du poste, de sorte qu’il ne voyait aucune raison d’obtenir de plus amples renseignements. À son avis, pour que des références provenant d’un autre processus de nomination puissent être utilisées, elles doivent à tout le moins avoir été recueillies dans le cadre d’un processus de niveau EX et doivent donc porter sur le niveau de compétence requis pour le groupe de la direction. M. Viau a ajouté qu’il avait examiné les qualifications évaluées dans les références du plaignant pour le programme CAP et les avait comparées aux qualifications requises pour le processus du groupe EX. Il avait alors constaté qu’il y avait des points en commun, mais que les références du programme CAP n’abordaient pas les compétences demandées au niveau EX‑02. Les éléments de preuve présentés par M. Viau n’ont pas été contestés.

52 Dans le RI, le comité d’évaluation a abordé la question de l’utilisation des références provenant du processus du BST pour la personne nommée; voici ce qu’il y est indiqué :

Même si le format de ces références est légèrement différent […], les compétences clés en leadership évaluées à l’entrevue sont abordées au complet par les répondants. Ces références étaient très positives et convaincantes et indiquaient que les points forts de la candidature étaient la réflexion stratégique (l’analyse et les idées), l’excellence en gestion (gestion par l’action et gestion de l’effectif) ainsi que l’engagement. [traduction]

53 Sur les documents liés aux références du BST figurent des annotations manuscrites qui indiquent les renseignements pertinents relevés par le comité d’évaluation de TC pour évaluer les compétences que sont la gestion par l’action, la gestion de l’effectif, la gestion des finances, l’engagement, et les valeurs et l’éthique.

54 Le plaignant fonde l’essentiel de son argumentation sur le fait qu’il n’est pas équitable que le comité ait utilisé les références provenant du BST pour la personne nommée, tout en refusant d’utiliser les références provenant du programme CAP dans son cas; il estime qu’il s’agit là d’un traitement préférentiel. Comme l’a indiqué le Tribunal au paragraphe 50 de la décision Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, c’est au plaignant qu’incombe le fardeau de la preuve dans le contexte d’une plainte d’abus de pouvoir déposée en vertu de l’article 77 de la LEFP.

55 L’intimé a expliqué pourquoi il avait utilisé les références du BST dans le cas de la personne nommée. Ces références étaient toujours valides et visaient un autre poste de niveau EX‑02. Les renseignements fournis par les répondants dans le processus mené par le BST, dont l’un était le président du comité d’évaluation dans le processus mené par TC, étaient pertinents et abordaient suffisamment les qualifications relatives à un poste de niveau EX‑02 pour permettre au comité d’évaluation d’évaluer la candidate dans le cadre du processus EX‑02 en cause.

56 En l’espèce, le comité d’évaluation ne s’est pas contenté d’adopter l’évaluation que le BST avait effectuée pour la personne nommée. Le Tribunal constate, à l’instar du comité d’évaluation, que les questions posées aux répondants dans le processus mené par le BST n’étaient pas identiques. Toutefois, malgré le format différent, tel qu’il était indiqué dans la preuve présentée par M. Viau, laquelle est étayée par les annotations apparaissant sur les documents de références du BST, le comité d’évaluation a examiné la teneur des références et a jugé que celles‑ci contenaient des renseignements pertinents qui pourraient être utilisés pour compléter l’information obtenue pendant les entrevues, conformément aux exigences du guide de cotation.

57 Quant à la différence dans la formulation des questions de vérification des références utilisées par le BST, le Tribunal a examiné une affaire semblable dans la décision Hughes c. le sous‑ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 0016. Dans cette décision, huit des vingt‑cinq candidats qualifiés ont fait l’objet d’une évaluation, après quoi il a été déterminé que ceux‑ci possédaient certaines qualifications, compte tenu des résultats qu’ils avaient obtenus à un processus de nomination précédent visant la dotation du même poste. Ils ont donc été exemptés de l’examen écrit administré aux autres candidats. Dans cette affaire, le plaignant soutenait que l’intimé avait abusé de son pouvoir au motif que les deux examens n’étaient pas comparables, dans la mesure où le nombre de questions et les barèmes de correction étaient différents. Le Tribunal a jugé que l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir et il a établi que même si le premier examen était différent, rien ne prouvait que celui‑ci ne permettait pas d’évaluer de façon efficace les qualifications essentielles évaluées dans le cadre du second processus d’évaluation.

58 De la même façon, en l’espèce, même si les questions posées aux répondants dans le processus mené par le BST n’étaient pas les mêmes, selon le témoignage de M. Viau, le comité d’évaluation a analysé le contenu des réponses des répondants et a constaté que celles‑ci fournissaient des renseignements appropriés au niveau de compétence correspondant, ce qui permettait au comité d’évaluation de se fonder sur les références provenant du BST pour le processus EX‑02 susmentionné.

59 Les autres facteurs mentionnés, soit les économies de temps et de ressources financières, étaient raisonnables. Le plaignant se demandait si des références provenant de pairs et de clients étaient équivalentes, mais les éléments de preuve ne démontrent pas que l’intimé a erré en considérant que les références provenant d’un client étaient équivalentes aux références provenant de pairs.

60 L’utilisation des références du BST par l’intimé dans ces circonstances témoigne de la marge de manœuvre que confère la LEFP. Même si les références n’étaient pas présentées dans le même format, elles contenaient des renseignements dont le comité d’évaluation pouvait raisonnablement se servir pour l’évaluation du poste EX‑02.

61 Quant aux références fournies pour le plaignant dans le cadre du programme CAP en 2008, le témoignage de M. Viau indique que celles‑ci ont été examinées et qu’il a été déterminé qu’elles visaient des qualifications différentes qui ne se situaient pas au niveau EX‑02. De plus, les références du plaignant dataient de quatre ans au moment de l’évaluation et, selon M. Roussel, qui a joué le rôle de répondant à la fois en 2008 et en 2012, les références qu’il avait fournies en 2008 ne correspondaient pas à ses points de vue actuels. Ainsi, le contenu des références fournies dans le cadre du programme CAP n’aurait pas pu servir à évaluer les qualifications du poste EX‑02.

62 Au contraire, les références concernant la personne nommée avaient été fournies pour un poste EX‑02 en août 2011, soit environ huit mois avant l’évaluation. Selon les éléments présentés par M. Viau, les références traitaient des mêmes qualifications. M. Roussel, qui avait fourni des références dans le cadre du processus de nomination du BST, n’a pas laissé entendre que ses points de vue avaient changé au moment du processus de nomination en l’espèce.

63 Le Tribunal juge que le plaignant n’a pas réussi à établir que l’utilisation des références du BST ou le refus d’utiliser les références issues du programme CAP dans son cas constituaient un traitement préférentiel à l’égard de la personne nommée. Les références de la personne nommée étaient récentes, et leur contenu portait sur les mêmes qualifications, alors que les références du plaignant relativement au programme CAP dataient de quatre ans, ne portaient pas sur un poste EX‑02 et n’abordaient pas de façon appropriée les qualifications essentielles. De plus, selon M. Roussel, qui avait fourni des références pour le plaignant à la fois dans le cadre du programme CAP et du processus EX‑02, les références fournies à l’époque ne correspondaient plus à son point de vue au sujet du plaignant.

Guide de cotation et rapport d’intégration

64 Le plaignant a remarqué une différence dans la notation de la personne nommée dans les deux documents d’évaluation, soit le guide de cotation et le RI. Le guide de cotation indiquait que la personne nommée avait tout juste obtenu la note de passage pour chaque qualification évaluée, tandis que le RI décrivait son entrevue comme « excellente » [traduction]. Compte tenu de cet écart, le plaignant se demande si la personne nommée a été évaluée de façon appropriée.

65 M. Viau a expliqué les différences entre le guide de cotation et le RI en décrivant l’échelle de cotation utilisée par le comité d’évaluation. Il a expliqué que l’échelle de cotation comprenait cinq catégories pour évaluer le rendement des candidats. Les trois catégories supérieures étaient les suivantes : « dépasse largement les attentes », « dépasse les attentes » et « répond aux attentes » [traduction]; à côté de chacune de ces catégories figurait le mot « réussite » [traduction]. À côté des deux autres catégories, « inférieur aux attentes » et « nettement inférieur aux attentes » [traduction], figurait le mot « échec » [traduction].

66 M. Viau a expliqué que pour remplir le tableau figurant dans le guide de cotation, il suffisait d’inscrire « réussite » ou « échec » en fonction de la catégorie de l’échelle de cotation. Le RI décrivait pour sa part le rendement en format narratif afin de permettre de bien saisir la nuance de chaque entrevue. Ainsi, la description de l’entrevue de la personne nommée correspondait à « excellent » [traduction].

67 M. Roussel a affirmé que le RI était préparé conjointement par tous les membres du comité d’évaluation. Il faisait ainsi état du consensus des membres du comité d’évaluation, selon lequel l’entrevue de la personne nommée avait été excellente.

68 Les éléments de preuve présentés n’appuient pas une constatation d’abus de pouvoir. Les cinq catégories de l’échelle de cotation et la manière de les indiquer dans le guide de cotation et dans le RI ont été bien expliquées dans la preuve, et cette explication n’a pas été remise en question. De toute façon, tant les renseignements contenus dans le guide de cotation que ceux contenus dans le RI indiquent que la personne nommée est qualifiée. Les différences dans les descriptions sont attribuables au format des deux documents. Le guide de cotation, présenté sous forme de tableau, constitue un résumé de base, tandis que le RI est fondé sur une description narrative qui donne lieu à des explications plus complètes et plus qualitatives.

Critère de la « bonne personne »

69 La justification relative au choix de la bonne personne en ce qui a trait à la personne nommée faisait référence à l’évaluation de quatre qualifications constituant un atout. Au paragraphe 42 de la décision Visca c. Sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, le Tribunal avait jugé qu’un vaste pouvoir discrétionnaire était conféré aux gestionnaires lorsqu’il s’agissait de choisir la personne qui possédait les qualifications essentielles. Ce principe s’applique également aux qualifications constituant un atout, comme les quatre qualifications en l’espèce, lorsqu’il s’agit de choisir la bonne personne pour le poste.

70 Le plaignant se demande si la personne nommée possédait bien deux des qualifications constituant un atout, dont la première est l’« expérience de la formulation d’avis techniques et de la prestation de services de soutien et directionnels aux régions sur des questions touchant la réglementation maritime, son application ou les enquêtes judiciaires ». Selon le plaignant, les activités liées à la conformité et à l’application de la loi relevaient de son domaine de responsabilité. Étant donné qu’il occupait le poste de gestionnaire, il sait que la personne nommée ne possède aucune expérience de l’application de la loi.

71 M. Roussel a affirmé qu’en exerçant les fonctions du poste de directrice, Surveillance réglementaire des bâtiments canadiens, et, auparavant, de directrice, Assurance de la qualité, la personne nommée avait fourni des directives fonctionnelles à de nombreux inspecteurs et gestionnaires à l’échelle de tout le pays. À partir de 2008, ses responsabilités incluaient la surveillance des règlements à l’échelle nationale ainsi que les questions de réglementation maritime en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, L.C. 2001, ch. 26. M. Roussel a poursuivi en disant que les inspecteurs qui effectuaient ces tâches relevaient de la personne nommée pour ce qui est des questions de non‑conformité. Cette dernière était également responsable de la stratégie de conformité et d’application de la loi, ainsi que de la vérification du travail effectué par les organisations non gouvernementales qui exécutaient les programmes d’assurance de la qualité pour le compte de TC. Ces fonctions comprenaient des enquêtes judiciaires sur des questions liées à la réglementation maritime et la prestation de directives fonctionnelles concernant l’exécution des inspections et des programmes d’enquête, la tenue des enquêtes judiciaires et l’application de la loi.

72 Le plaignant remet également en question le fait que la personne nommée exerçait une autorité directionnelle au sein de l’organisation régionale pour ce qui est de l’exécution de programmes de sécurité du transport. Il fait remarquer que le poste de la personne nommée se situait à l’administration centrale, et non dans un bureau régional. Il estime que la personne nommée a profité de critères « très souples » [traduction] pour pouvoir être considérée comme la bonne personne.

73 M. Roussel a expliqué que le comité d’évaluation s’était fondé sur l’expérience qu’avait acquise la personne nommée dans le poste de premier officier/commandante au sein d’une organisation régionale, et non à l’administration centrale. Lorsqu’elle assumait ces fonctions, la personne nommée exerçait une autorité directionnelle sur les équipages des navires de la Garde côtière canadienne chargés des programmes de balisage, des programmes de réapprovisionnement des phares, de la recherche et du sauvetage, de l’application des lois en matière de pêcheries et de la recherche scientifique.

74 Comme il a déjà été mentionné, le rôle du Tribunal consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir, et non à réévaluer les candidats. (Voir la décision Broughton.) M. Roussel a appuyé les conclusions du comité d’évaluation en s’appuyant sur sa connaissance personnelle de la personne nommée de même que sur le dossier de candidature de cette dernière. Les éléments de preuve indiquent que celle‑ci possédait une expérience de la prestation de conseils techniques, ainsi que de services de soutien et directionnels aux régions dans les programmes pertinents. Cette expérience porte sur des activités qui diffèrent de celles qui sont effectuées dans l’unité de travail du plaignant, laquelle est responsable de l’exécution d’un programme d’application de la loi.

75 Quant à l’exercice d’une autorité directionnelle au sein d’une organisation régionale sur des questions touchant les programmes de sécurité du transport, l’intimé a fait référence à l’expérience de la personne nommée dans un poste de premier officier/commandante. Outre l’opinion du plaignant, aucun élément de preuve n’a été présenté pour contredire la conclusion du comité d’évaluation selon laquelle la personne nommée possédait les qualifications constituant un atout pour le poste.

76 Le Tribunal juge qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans le choix de la bonne personne pour le processus de nomination EX‑02.

Question III : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans la méthode employée pour évaluer les entrevues des candidats?

77 Le plaignant affirme que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir en choisissant d’utiliser une méthode fondée sur un consensus pour évaluer les entrevues des candidats. Il fait remarquer que le guide de la CFP intitulé « L’entrevue structurée : Comment concevoir et mener des entrevues structurées dans le cadre d’un processus de nomination » comprend une recommandation selon laquelle les membres du comité d’évaluation devraient évaluer les candidats de façon indépendante à l’issue de chaque entrevue. Selon le plaignant, en évaluant les candidats par consensus et en ne formulant pas de façon indépendante leurs propres conclusions, les membres du comité d’évaluation ont pu formuler des conclusions teintées de parti pris, d’influence politique ou de favoritisme, ce qui est incorrect.

78 Le Tribunal a déjà formulé une conclusion au sujet du parti pris. De plus, aux termes de l’article 77(3) de la LEFP, le Tribunal ne peut examiner d’allégations portant sur l’influence politique dans une nomination ou une proposition de nomination. Enfin, le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve appuyant son allégation selon laquelle la décision du comité d’évaluation d’utiliser une méthode de notation fondée sur le consensus constituait du favoritisme à l’égard de l’un ou l’autre des candidats. Néanmoins, le plaignant est d’avis qu’étant donné que le comité d’évaluation n’a pas suivi le guide de la CFP, l’évaluation n’a pas été effectuée de façon appropriée.

79 M. Viau a affirmé que le comité d’évaluation notait les candidats par consensus. Les membres du comité d’évaluation se réunissaient pour examiner les résultats des candidats et attribuaient conjointement une cote à chaque candidat.

80 Le RI, qui contenait les résultats finaux du processus d’évaluation, mentionnait expressément que chacun des membres du comité d’évaluation en avait approuvé le contenu par courriel.

81 En vertu de l’article 29(3) de la LEFP, la CFP peut établir des lignes directrices se rapportant à la façon d’effectuer des nominations. Conformément à l’article 16 de la LEFP, les administrateurs généraux sont assujettis à ces lignes directrices et sont donc tenus de s’y conformer dans l’exercice des pouvoirs qui leur sont délégués. (Voir la décision Robert et Sabourin c. le Sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 0024, para. 69.) Les lignes directrices de la CFP en matière de nomination constituent un exemple de ces lignes directrices.

82 La CFP produit également des documents qui contiennent des directives, mais qui ne constituent pas des lignes directrices au sens de l’article 29. Le guide dont il est ici question est un exemple de ce document. Il convient de noter qu’à la page 2, le guide indique qu’il vise à fournir des conseils pour aider les gestionnaires d’embauche et les spécialistes des ressources humaines à tirer parti au maximum des entrevues structurées. Les guides de la CFP comme celui‑ci ne constituent pas des lignes directrices auxquelles sont tenus de se conformer les administrateurs généraux. Il s’agit plutôt d’outils visant à aider ces derniers à mener des processus de nomination.

83 Ainsi, la décision du comité d’évaluation d’utiliser une notation établie par consensus pour les candidats, plutôt que de suivre la recommandation de la CFP, ne signifie pas en soi que les outils d’évaluation étaient contraires à l’équité ou qu’il y a eu abus de pouvoir. (Voir, par exemple, la décision Sproule c. le sousministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2011 TDFP 0034, para. 33.) De plus, le RI confirme qu’il y a eu consensus sur l’évaluation des candidats. Par conséquent, en l’espèce, les éléments de preuve n’établissent pas qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’utilisation par le comité d’évaluation d’une méthode fondée sur le consensus pour évaluer les candidats.

Décision

84 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2012-0905
Intitulé de la cause :
Muhammad Akhtar et le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Audience :
Les 5 et 6 février 2013
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 6 juin 2013

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
Muhammad Akhtar
Pour l’intimé :
Lesa Brown
Avocate, ministère de la Justice
Pour la Commission
de la fonction publique :
Trish Heffernan
Avocate, ministère de la Justice
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