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Résumé :

Un processus de nomination interne annoncé a été lancé afin de créer un bassin de candidats qualifiés en vue de doter un poste des groupe et niveau AS-02 par intérim. La plaignante a été jugée qualifiée et son nom, placé dans un bassin de candidats. Une autre personne a toutefois été nommée au poste en question. La plaignante affirme, entre autres, que l’intimé a abusé de son pouvoir à deux égards. Selon la plaignante, d’une part, l’un des deux membres du comité d’évaluation n’a pas évalué ses qualifications de façon indépendante et, d’autre part, l’autre membre lui a posé une question inappropriée pendant l’entrevue, soit celle de savoir si elle consentirait à reprendre le travail avant la fin de son congé de maternité si elle était choisie pour ce poste. La plaignante n’a pas soutenu qu’il y ait eu discrimination relativement à ce dernier point. L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans le processus de nomination en cause. Il affirme que la plaignante a été évaluée de façon appropriée par les deux membres du comité d’évaluation et que la question de savoir quand elle pourrait retourner au travail lui a été posée à des fins de planification. Décision Le Tribunal s’est d’abord penché sur trois requêtes préliminaires, soit une demande de remise d’audience, une demande visant à accueillir la plainte sans que l’audience ne se poursuive ainsi qu’une demande se rapportant à un contact avec un témoin avant l’audience. Chacune de ces requêtes préliminaires a été rejetée. Le Tribunal a conclu que les membres du comité d’évaluation n’ont pas évalué les qualifications de la plaignante de façon indépendante. Lorsqu’un comité d’évaluation est formé de plusieurs membres, ceux ci doivent tous être en mesure d’exercer un jugement indépendant lorsqu’il s’agit d’évaluer les candidats. En l’espèce, une des membres du comité d’évaluation a admis ne pas avoir exercé un tel jugement. Elle s’est plutôt rangée à l’évaluation de l’autre membre, car elle se sentait intimidée par lui. Elle a admis ne pas avoir rempli son rôle de membre d’un comité d’évaluation. Le Tribunal a tranché que l’une des membres du comité d’évaluation s’était sentie intimidée par l’autre membre et que ce sentiment l’avait empêchée d’exercer son jugement de façon indépendante lorsqu’elle a évalué les qualifications des candidats, dont celles de la plaignante. Le Tribunal a conclu qu’il s’agit d’une erreur grave qui a constitué un abus de pouvoir. Le Tribunal estime en outre tout à fait inapproprié qu’un membre du comité d’évaluation demande à la plaignante, lors de l’entrevue, si elle mettrait fin à son congé de maternité advenant que l’intérim lui soit offert. Il n’est pas convenable, à aucune des étapes de l’évaluation, de poser des questions aux candidates sur leur congé de maternité. Toutefois, étant donné que le Tribunal avait déjà tranché que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite, il n’était pas nécessaire de déterminer si cette question constituait, comme telle, une erreur grave équivalant à un abus de pouvoir. La plainte est accueillie. Mesure corrective : Le Tribunal a émis une déclaration d’abus de pouvoir dans le processus de nomination visé à l’intention de l’intimé. Il a en outre ordonné à ce dernier de ne pas utiliser les résultats de ce processus pour effectuer d’autres nominations.

Contenu de la décision

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Dossier :
2013-0069
Rendue à :
Ottawa, le 16 décembre 2013

TRINA SNELGROVE
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)(a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est accueillie
Décision rendue par :
John Mooney, vice-président
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Snelgrove c. Sous-ministre des Pêches et des Océans
Référence neutre :
2013 TDFP 35

Motifs de décision


Introduction

1 La plaignante, Trina Snelgrove, a participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste d’administrateur/administratrice MariTime aux groupe et niveau AS‑02 à titre intérimaire au sein de la Garde côtière canadienne (GCC), un organisme qui relève de Pêches et Océans Canada. La plaignante a été jugée qualifiée et son nom a été placé dans un bassin de candidats possédant les qualifications essentielles pour le poste, mais c’est une autre personne qui a été nommée au poste à partir de ce bassin.

2 La plaignante affirme ne pas avoir été nommée parce que l’intimé, le sous‑ministre des Pêches et des Océans, a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite. Plus précisément, elle affirme qu’un membre du comité d’évaluation n’a pas évalué ses qualifications de façon indépendante et que l’autre membre lui a posé une question inappropriée, à savoir si elle serait disposée à retourner au travail avant la fin de son congé de maternité advenant le cas où sa candidature serait retenue pour le poste. Selon elle, l’avis concernant la nomination intérimaire n’a pas été affiché au moment opportun et le comité d’évaluation a fourni des renseignements contradictoires à différentes étapes des processus de nomination et de plainte.

3 L’intimé nie tout abus de pouvoir dans le processus de nomination. Il affirme que les deux membres du comité d’évaluation ont évalué la plaignante de façon appropriée et que c’est à des fins de planification que l’un des membres a demandé à la plaignante quand elle pourrait reprendre le travail. En outre, l’intimé soutient avoir respecté les exigences concernant l’affichage des droits de recours et ajoute que l’information fournie durant les processus de nomination et de plainte n’était pas contradictoire.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas participé à l’audience, mais a soumis des observations écrites dans lesquelles elle décrit les lignes directrices et les guides qui s’appliquent au processus de nomination en cause et a formulé des commentaires concernant le respect par l’intimé des exigences relatives à l’affichage des droits de recours.  

5 Pour les motifs décrits ci‑après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut que la plaignante a établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans le processus de nomination. Le fait que l’un des membres du comité d’évaluation n’ait pas évalué les qualifications de la plaignante de façon indépendante constitue une erreur grave équivalant à un abus de pouvoir.  

Contexte

6 En juillet 2011, l’intimé a lancé un processus de nomination interne annoncé afin de créer un bassin de candidats qualifiés pour la dotation du poste d’administrateur/administratrice du système MariTime (AS‑02) à titre intérimaire.

7 Le comité d’évaluation comptait deux membres : Wade Stagg, surintendant des services maritimes, GCC (le président du comité), et Denise McKinlay, coordonnatrice des services maritimes, GCC.

8 Le 4 février 2013, l’intimé a affiché un avis concernant la nomination à titre intérimaire de Jodi Johnson (la personne nommée) au poste d’administratrice du système MariTime (AS‑02) pour la période du 31 décembre 2012 au 28 février 2013.

9Le 19 février 2013, la plaignante a déposé une plainte d’abus de pouvoir au Tribunal en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Requêtes préliminaires

10 Au début de l’audience, la plaignante a présenté trois requêtes préliminaires. Elle a demandé la remise de l’audience, elle a demandé que l’audience ne se poursuive pas et que la plainte soit accueillie sans autres éléments de preuve et elle a demandé qu’une décision soit rendue au sujet des contacts entre un témoin et l’avocate de la partie adverse avant l’audience.

i) Demande de remise de l’audience

11 La plaignante a présenté une demande de remise de l’audience. Conformément à la politique du Tribunal concernant les demandes de remise, une partie peut demander la remise de l’audience à une date aussi tardive lorsque des circonstances exceptionnelles l’empêchent de procéder à l’audience à la date prévue.

12 La demande s’appuie sur le fait que dans les deux ou trois semaines précédant l’audience, M. Stagg a offert à Mme McKinlay un emploi occasionnel de deux semaines après son départ à la retraite, prévu à la fin d’octobre 2013, afin qu’elle puisse former la personne qui occupe maintenant le poste d’administrateur/administratrice MariTime (AS‑02) pour une période indéterminée. La plaignante doutait que cette personne ait besoin de formation étant donné qu’elle occupait le poste depuis huit mois. Selon la plaignante, cette offre a été faite à Mme McKinlay afin de la récompenser si elle présentait un témoignage favorable à l’intimé dans la plainte en l’espèce. La plaignante estime qu’une telle offre compromet son droit à une audience juste.

13 Même si les affirmations de la plaignante s’avéraient exactes, il ne s’agit pas de circonstances exceptionnelles qui justifient la remise de l’audience. M. Stagg et Mme McKinlay devaient être appelés à témoigner, et la plaignante pouvait leur poser des questions auxquelles ils devraient répondre sous serment au cours de l’audience. Ainsi, la plaignante pouvait vérifier son hypothèse et, par conséquent, son droit à une audience juste n’était pas compromis. Le Tribunal rejette donc la demande de remise de l’audience présentée par la plaignante.

ii) Demande visant à faire accueillir la plainte sans que l’audience ne se poursuive

14 M. Stagg réfute l’affirmation de la plaignante selon laquelle il a tenté d’influencer le témoignage de Mme McKinlay. Il affirme avoir offert le poste occasionnel à Mme McKinlay parce que, selon lui, la personne qui remplaçait la personne nommée à ce poste avait besoin d’une formation supplémentaire. Mme McKinlay avait déjà occupé le poste, mais avait accepté un autre poste à l’été 2012. M. Stagg lui avait demandé à plusieurs reprises si elle pouvait consacrer une partie de son temps à la formation du nouveau titulaire, mais sa lourde charge de travail l’empêchait de lui offrir une telle formation. M. Stagg croyait qu’elle aurait le temps de former le nouveau titulaire une fois qu’elle aurait pris sa retraite.

15 Le Tribunal conclut que la plaignante n’est pas parvenue à établir que M. Stagg a offert un emploi occasionnel à Mme McKinlay pour influencer son témoignage. M. Stagg a offert une explication raisonnable au sujet de l’emploi occasionnel qu’il lui a offert.

16 Par conséquent, le Tribunal ne peut pas accueillir la plainte comme le demande la plaignante sur la foi de son hypothèse selon laquelle le témoignage de Mme McKinlay serait influencé de façon inappropriée au cours de l’audience.

iii) Contact avec un témoin avant l’audience

17 La plaignante s’est également élevée contre le fait que l’avocate de l’intimé a communiqué avec Mme McKinlay à deux reprises avant l’audience. La plaignante soutient que l’avocate de l’intimé n’aurait pas dû communiquer avec Mme McKinlay étant donné que c’est elle, c’est-à-dire la plaignante, qui l’appelait comme témoin. Toujours selon la plaignante, Mme McKinlay s’est sentie intimidée par les questions de l’avocate.

18 L’avocate de l’intimé a expliqué avoir communiqué avec Mme McKinlay le vendredi précédant l’audience afin de lui poser quelques questions au sujet de la plainte. Elle lui a également parlé pendant cinq minutes le matin de l’audience pour clarifier certains faits. En aucun temps Mme McKinlay n’a indiqué à l’avocate de l’intimé que ses questions l’embarrassaient.

19 D’après la règle générale concernant les contacts avec les témoins, un témoin n’appartient à personne. Chacune des parties peut communiquer avec un témoin avant l’audience afin que celui‑ci lui fournisse des faits. Lorsqu’un représentant ou un avocat communique avec un témoin, il est toutefois important qu’il ne cherche pas à convaincre celui‑ci de ne pas témoigner. Ainsi, l’avocat de la partie adverse n’est pas tenu d’obtenir une ordonnance du Tribunal pour parler avec un témoin avant la tenue d’une audience.

20 Le Tribunal conclut que l’avocate de l’intimé n’a pas agi de façon inappropriée. Des questions peuvent être posées à un témoin avant l’audience peu importe quelle partie souhaite faire comparaître le témoin concerné.

Question en litige

21 Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination en cause.

Analyse

22 En vertu de l’article 77(1) de la LEFP, une personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir de la part de la CFP ou de l’administrateur général dans le processus de nomination. L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP; cependant, l’article 2(4) précise qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

23 Tel qu’il est établi dans la jurisprudence du Tribunal, cette formulation inclusive indique que l’abus de pouvoir comprend, sans toutefois s’y limiter, la mauvaise foi et le favoritisme personnel. Au paragraphe 6 de la décision Kane c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 19, la Cour d’appel fédérale a confirmé l’interprétation du Tribunal en établissant qu’une erreur peut également constituer un abus de pouvoir. (La décision de la Cour d’appel a été infirmée par la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Kane, 2012 CSC 64 pour d’autres motifs.) C’est la nature et la gravité de l’erreur qui déterminent s’il s’agit d’un abus de pouvoir.  

24 En outre, l’abus de pouvoir comprend aussi les omissions et la conduite irrégulière. Encore une fois, c’est la nature et la gravité de la conduite irrégulière ou de l’omission qui déterminent s’il s’agit ou non d’un abus de pouvoir. Voir, par exemple, la décision Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008.

25 Il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de nomination. Voir, par exemple, la décision Tibbs au paragraphe 49.

Évaluation indépendante des qualifications de la plaignante

26 La plaignante soutient que les membres du comité d’évaluation n’ont pas évalué ses qualifications de façon indépendante. Au moment de la communication des renseignements, elle a remarqué qu’ils avaient inscrit des raisons identiques pour justifier les notes qu’ils lui avaient accordées pour ses réponses aux deux questions permettant d’évaluer la capacité de travailler sous pression et de s’adapter à des changements constants de priorités. Selon la plaignante, une telle situation soulève des doutes quant à l’évaluation indépendante de ses qualifications de la part des deux membres du comité.

27 Les témoignages de M. Stagg et de Mme McKinlay démontrent que leur opinion sur la façon dont le comité d’évaluation a évalué les candidats diffère grandement.

28 Dans son témoignage, Mme McKinlay a indiqué qu’après chaque entrevue, M. Stagg présentait oralement son évaluation des réponses du candidat. Mme McKinlay a expliqué qu’elle se sentait contrainte de prendre en note mot à mot ses commentaires parce qu’elle ne voulait pas le contredire. Elle n’a donc pas évalué par elle‑même les réponses des candidats. En travaillant avec M. Stagg, elle a appris qu’il est parfois plus facile de se ranger à son avis plutôt que de s’opposer à lui. Elle a dû choisir ses batailles avec M. Stagg. À de nombreuses reprises par le passé, M. Stagg lui a dit qu’il ne voulait pas connaître son opinion. Dans un autre contexte, il lui est déjà arrivé de donner son opinion sur un sujet, et M. Stagg lui a dit qu’elle ferait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir agi de la sorte. Sa réaction l’a stupéfiée. Elle n’a pas parlé de ses préoccupations pendant les entrevues ni après celles‑ci parce qu’elle croyait qu’elle subirait des « menaces de mesures disciplinaires » [traduction] si elle le faisait.

29 M. Stagg a affirmé que les notes accordées aux candidats étaient le résultat d’un consensus entre Mme McKinlay et lui. Il a précisé qu’ils avaient travaillé en équipe, ajoutant qu’il évitait d’influencer les autres membres du comité dans le cadre des processus de nomination.

30 Le Tribunal conclut que les membres du comité n’ont pas évalué de façon indépendante les qualifications de la plaignante. Lorsqu’un comité d’évaluation est composé de plus d’un membre, tous les membres doivent être en mesure d’exercer un jugement indépendant dans l’évaluation des candidats. Mme McKinlay a admis qu’elle ne l’avait pas fait. Elle s’est simplement rangée à l’évaluation de M. Stagg parce que celui‑ci l’intimidait. Quel que soit le point de vue de M. Stagg, Mme McKinlay a admis qu’elle n’avait pas rempli son rôle au sein du comité d’évaluation.

31 Que les préoccupations de Mme McKinlay soient fondées ou non n’est pas déterminant en l’espèce. Ce qui est déterminant, c’est que Mme McKinlay se sentait intimidée par M. Stagg, ce qui l’a empêchée d’exercer un jugement indépendant dans l’évaluation des qualifications des candidats, dont celles de la plaignante.

32 Le Tribunal conclut que le fait que l’un des membres du comité n’ait pas évalué les candidats de façon indépendante constitue une erreur grave équivalant à un abus de pouvoir.

La question concernant la volonté de la plaignante de mettre fin à son congé de maternité si sa candidature était retenue pour le poste

33 La plaignante soutient que son congé de maternité peut avoir eu une incidence sur les résultats du processus de nomination.

34 Le Tribunal remarque que la plaignante n’a soulevé aucune allégation de discrimination avant l’audience et qu’elle n’a pas informé la Commission canadienne des droits de la personne d’une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, ch. H‑6. En outre, au cours de l’audience, le représentant de la plaignante a confirmé de façon claire qu’il n’y avait aucune allégation de discrimination fondée sur le sexe dans les circonstances entourant le congé de maternité de la plaignante. La position du représentant de la plaignante était la même au cours de la conférence préparatoire.

35 Les candidats ont été évalués à l’été 2011. Les résultats de l’évaluation ont été utilisés pour la nomination intérimaire en cause ainsi que pour deux autres nominations intérimaires effectuées avant ce processus de nomination.

36 La plaignante était en congé de maternité lorsqu’elle a été rencontrée en entrevue pour le poste. Durant l’entrevue, M. Stagg lui a demandé si elle mettrait fin à son congé de maternité advenant le cas où sa candidature serait retenue pour le poste. La plaignante a répondu qu’elle n’était pas prête à s’engager à ce moment‑là et qu’elle souhaitait en discuter avec sa famille.

37 Mme McKinlay a affirmé que la question l’avait étonnée parce que M. Stagg connaissait déjà la réponse. Après avoir soumis sa demande pour le poste, la plaignante est passée au bureau de Mme McKinlay, et celle‑ci lui a demandé si elle pourrait reprendre le travail plus tôt que prévu advenant le cas où le poste lui serait offert. La plaignante a répondu à Mme McKinlay qu’elle pourrait le faire. Mme McKinlay a répété les propos de la plaignante à M. Stagg.

38 Dans son témoignage, la plaignante a confirmé avoir dit à Mme McKinlay qu’elle mettrait fin à son congé de maternité plus tôt que prévu si sa candidature était retenue pour le poste, ajoutant toutefois qu’il s’agissait d’un commentaire « à brûle‑pourpoint » [traduction]. Elle considérait les propos échangés avec Mme McKinlay comme une discussion informelle plutôt que comme un engagement à reprendre le travail plus tôt.

39 Selon la plaignante, il était inapproprié de la part de M. Stagg de lui poser une telle question durant l’entrevue, et elle craignait que sa réponse ne nuise à sa candidature. La plaignante estime également que la question était injuste parce qu’elle a appris, au moment de la communication des renseignements, que les autres candidats n’avaient pas eu à répondre à des questions concernant leur disponibilité.

40 Mme McKinlay croyait elle aussi que la question était inappropriée. Le processus d’évaluation ne porte pas sur la disponibilité. Cette question n’est pertinente qu’une fois le processus de nomination terminé, lorsqu’un poste est offert à une personne. Toutefois, Mme McKinlay ne croit pas que la réponse de la plaignante ait eu une incidence sur les résultats du processus de nomination.

41 Au cours de son témoignage, M. Stagg a expliqué pourquoi il avait posé cette question. Il savait que la plaignante avait de bonnes chances de voir sa candidature retenue dans le processus de nomination et voulait savoir, à des fins de planification, quand elle pourrait reprendre le travail. Si elle ne comptait reprendre le travail qu’au terme de son congé de maternité, il devrait nommer quelqu’un d’autre jusqu’à son retour. M. Stagg a confirmé qu’il n’avait pas interrogé les autres membres sur leur disponibilité parce qu’il savait qu’ils se trouvaient tous déjà au travail.

42 Selon le Tribunal, il était tout à fait inapproprié de la part de M. Stagg de demander à la plaignante, pendant l’entrevue, si elle mettrait fin à son congé de maternité advenant le cas où une nomination intérimaire lui serait offerte. Aucune question ne devrait être posée à une candidate concernant son congé de maternité au cours du processus d’évaluation. Cependant, comme le Tribunal a déjà déterminé que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite, il est inutile de chercher à déterminer si le fait de poser une telle question constitue en soi une erreur grave et un abus de pouvoir.

43 La plaignante a également soulevé les autres allégations dont il est fait mention au début des présents motifs. Les éléments de preuve qui s’y rapportent ne sont pas toujours clairs ou convaincants. Étant donné que le Tribunal a déjà déterminé qu’il y avait eu abus de pouvoir dans le processus de nomination, et que toute autre conclusion concernant d’autres erreurs dans le processus ne modifierait en rien la mesure corrective imposée, il n’est pas nécessaires d’aborder ces allégations.

Décision

44 Pour les motifs énoncés ci‑dessus, la plainte est accueillie.

Mesure corrective

45 En l’espèce, la mesure corrective appropriée consiste en une déclaration d’abus de pouvoir de l’intimé dans le processus de nomination. L’intimé ne doit pas utiliser les résultats de ce processus pour effectuer d’autres nominations.


John Mooney
Vice-président

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2013-0069
Intitulé de la cause :
Trina Snelgrove et le sous-ministre des Pêches et des Océans
Audience :
Les 22 et 23 octobre 2013
St. John’s (Terre-Neuve)
Date des motifs :
Le 16 décembre 2013

COMPARUTIONS :

Pour la plaignante :
Larry Teslyk
Pour l’intimé :
Caroline Engmann
Pour la Commission
de la fonction publique :
Claude Zaor
(observations écrites)
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