Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a participé à deux processus de nomination internes annoncés. Sa candidature n’a pas été retenue parce qu’il n’a pas satisfait aux qualifications essentielles dans les deux processus. Il soutient que l’intimé a modifié les critères de mérite pendant les processus, que les membres du comité d’évaluation étaient dans des situations de conflit d’intérêts, qu’ils auraient dû choisir d’autres répondants, et qu’ils ont mal évalué ses qualifications. Le plaignant allègue que l’intimé a ainsi abusé de son pouvoir dans l’application de mérite. Décision Le Tribunal a conclu que l’intimé n’a pas modifié les critères de mérite lors des processus de nomination et que la preuve n’a pas établi qu’un des membres du comité d’évaluation se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts ou que ce membre a fait preuve de partialité contre le plaignant. Le Tribunal a également jugé que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le choix des répondants. Le comité d’évaluation n’était pas obligé de choisir les personnes suggérées par le plaignant pour agir à titre de répondants. De plus, le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation pouvait raisonnablement conclure que le plaignant ne possédait pas deux des qualifications essentielles. Finalement, le Tribunal a jugé que la preuve fournie par l’intimé à l’égard du test adopté par le comité pour évaluer une des autres qualifications était très confuse, mais que le plaignant a tout de même réussi au test. Par conséquent, toute faille dans l’administration du test n’est pas pertinente parce que ce test n’est pas la cause du rejet de la candidature du plaignant. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2011-0611 et 2011-0613
Rendue à :
Ottawa, le 12 juin 2013

LOUIS CANNON
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
John Mooney, vice-président
Langue de la décision :
Français
Répertoriée :
Cannon c. le sous-ministre des Pêches et des Océans
Référence neutre :
2013 TDFP 0021

Motifs de décision


Introduction

1 Louis Cannon, le plaignant, a participé à deux processus de nomination internes annoncés pour doter pour une période indéterminée des postes d'assistant maître d'équipage aux groupe et niveau SC-DED-04 et des postes de maître d'équipage aux groupe et niveau SC-DED-05, au sein de la Garde Côtière Canadienne (GCC), une agence de Pêches et Océans Canada (MPO). Sa candidature n’a pas été retenue parce qu’il n’a pas satisfait aux qualifications essentielles dans les deux processus.

2 Le plaignant allègue que le sous-ministre de MPO, l’intimé, a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite. Il soutient plus spécifiquement que l’intimé a modifié les critères de mérite pendant le processus, que les membres du comité d’évaluation étaient dans des situations de conflit d’intérêts, qu’ils auraient dû choisir d’autres répondants, et qu’ils ont mal évalué ses qualifications. L’intimé nie toutes ces allégations.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas participé à l’audience mais a fait parvenir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) des observations écrites dans lesquelles elle décrit ses lignes directrices et ses guides en matière de nomination qui sont pertinents à ces plaintes. La CFP ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé des plaintes.

4 Pour les motifs qui suivent, le Tribunal juge que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite dans ces processus de nomination.

Contexte

5 Le 13 août 2010, l’intimé a affiché une annonce de possibilité d’emploi pour les postes susmentionnés.

6 Le comité d’évaluation était composé de Dany Boudreault, commandant (Cmdt), qui présidait le comité, Yves Richard, maître d’équipage et Lise Richard, Surintendante, Marine. Mme Richard était la gestionnaire déléguée. Nathalie Doiron a agi à titre de conseillère en ressources humaines.

7 Le comité d’évaluation a évalué les candidats dans les deux processus de nomination en faisant un examen des demandes d’emploi et une vérification des références. Pour le poste d'assistant maître d'équipage, les candidats devaient aussi subir un examen pratique qui consistait à manœuvrer un appareil de levage.

8 Le comité d'évaluation a conclu que le plaignant n’a pas satisfait à la qualification « relations interpersonnelles » dans le processus mené pour doter le poste d'assistant maître d'équipage, et qu’il n’a pas satisfait aux qualifications « relations interpersonnelles » et « leadership » dans celui mené pour doter le poste de maître d'équipage. Sa candidature a donc été éliminée dans les deux processus de nomination.

9 Le 25 juillet 2011, l’intimé a expédié au plaignant une notification de nomination pour deux nominations au poste d'assistant maître d'équipage, et une autre pour quatre nominations au poste de maître d'équipage.

10 Le 28 juillet 2011, le plaignant a présenté au Tribunal deux plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (LEFP).

11 Les deux plaintes ont été entendues ensemble parce que le plaignant a présenté sensiblement les mêmes allégations dans les deux dossiers.

Questions en litige

12 Afin de déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite dans ces processus de nomination, le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’établissement des critères de mérite?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications du plaignant ?

Analyse

13 L’article 77(1) de la LEFP stipule qu’une personne qui est dans la zone de recours peut présenter une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination au motif que la CFP ou l’administrateur général a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination. La LEFP ne définit pas ce qu’est un abus de pouvoir, mais l’article 2(4) indique qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

14 Comme l’a établi la jurisprudence du Tribunal, ce libellé indique que l’abus de pouvoir doit être interprété de façon large et ne se limite pas à la mauvaise foi et au favoritisme personnel. La Cour d’appel fédérale, dans la décision Kane c. le Procureur général Canada, 2011 CAF 19 au para. 64, a confirmé cette interprétation en statuant qu'une erreur peut également constituer un abus de pouvoir. (La décision de la Cour d’appel a été infirmée par la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Kane, 2012 CSC 64 pour un autre motif.) Dans Procureur général du Canada c. Lahlali, 2012 CF 601, la Cour fédérale a confirmé que la définition d’abus de pouvoir que l’on retrouve à l’article 2(4) de la LEFP n’est pas exhaustive et que cette notion peut inclure d’autres formes de conduite inappropriée (paras. 21 et 38).

15 Il ressort clairement cependant du préambule de la LEFP et de l’ensemble de la LEFP qu’une erreur mineure ne constitue généralement pas un abus de pouvoir. La nature et la gravité de l’erreur serviront à déterminer s’il s’agit d’un abus de pouvoir. L'abus de pouvoir peut aussi comprendre une omission ou une conduite irrégulière. L'ampleur de l'omission et la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peuvent déterminer si elles constituent un abus de pouvoir ou non. Voir, par exemple, la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008.

16 Comme le Tribunal l’a affirmé dans nombre de décisions, il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination (Tibbs aux paras. 49 et 55).

Question I :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’établissement des critères de mérite?

17 Le plaignant allègue que le comité d’évaluation a modifié les critères de mérite pendant le processus de nomination. Il a remplacé la qualification « leadership » par la qualification « jugement ». Selon le plaignant, cette modification enfreint les lignes directrices de la CFP.

18 Dans une lettre du 25 juillet 2011, Mme Richard explique au plaignant pourquoi le comité d’évaluation a choisi les personnes nommées au poste d’assistant maître d’équipage. Sous le titre « Résultat à la qualification essentielle aux qualités personnelles », Mme Richard mentionne que les personnes nommées ont été choisies à cause de leur leadership et de leur fiabilité. Or, dans la lettre du 16 août 2011, Mme Richard a écrit que le comité d’évaluation les a choisies à cause de leur jugement et de leur fiabilité.

19 Le Tribunal accepte l’explication fournie par Mme Doiron dans son témoignage que l’intimé n’a pas modifié les critères de mérite lors du processus de nomination. Mme Doiron a déclaré qu’une erreur s’était glissée dans la lettre du 25 juillet 2011. Les personnes mentionnées dans cette lettre n’étaient pas choisies à cause de leur leadership puisque cette qualification n’était pas un des critères de mérite énumérés dans l’énoncé de critères de mérite (ÉCM) pour le poste d’assistant maître d’équipage. La lettre du 16 août 2011 est venue corriger cette erreur en spécifiant que les personnes avaient été nommées à cause de leur jugement, un des critères énumérés dans l’ÉCM, et non à cause de leur leadership. Le Tribunal note, de plus, que le plaignant n’a pas présenté de preuve qui établirait que l’intimé a dressé un autre ÉCM ou qu’il a évalué la qualification « leadership » pour le poste d’assistant maître d’équipage.

Question II :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’évaluation des qualifications du plaignant?

20 Le plaignant soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir de plusieurs façons dans l’évaluation de ses qualifications. Selon lui, deux des membres du comité d’évaluation étaient en situation de conflit d’intérêts, tous les membres du comité avaient un parti pris contre lui, un des membres n’était pas qualifié pour évaluer son leadership, le comité d’évaluation a mal choisi les répondants et il a mal évalué leurs observations lors de la vérification de références. De plus, ce comité a mal évalué un examen qui consistait à manœuvrer un appareil de levage et il a refusé de vérifier des renseignements qu’il leur avait fournis lors de la discussion informelle.

Les membres du comité d’évaluation

21 Le plaignant soutient que la participation de M. Richard et de Mme Richard dans ce processus de nomination constituait un conflit d’intérêts puisqu’ils étaient frère et sœur.

22 Le Tribunal a souligné dans la décision Sampert c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0009 au para. 53 que la LEFP ne dicte pas comment le comité d’évaluation doit être composé :

Aucune disposition de la LEFP n'oblige les administrateurs généraux à constituer un comité d'évaluation ni à faire en sorte que celui-ci soit composé d'une certaine façon (par exemple à s'assurer de la présence d'un agent des ressources humaines au sein du comité). La question de savoir si un comité d'évaluation est composé de façon appropriée ou non est une question de fait qui dépend de la plainte présentée et de la preuve produite à I’audience.

23 Mme Richard a expliqué que M. Richard a contribué à l’élaboration du questionnaire de référence et a participé au test qui évaluait la « capacité à manœuvrer des apparaux de levage ». Le Cmdt Boudreault et elle ont choisi M. Richard pour participer à ce test parce que les navires de la GCC étaient équipés de tels apparaux et M. Richard était maître d’équipage depuis plus d’une dizaine d’années sur ces navires.

24 Le Tribunal ne voit pas en quoi le lien de parenté entre M. Richard et Mme Richard les placerait dans une situation de conflit d’intérêts. Le plaignant n’a pas établi comment et pourquoi ce lien aurait pu influencer l’évaluation de ses qualifications. Il n’a pas établi comment sa réussite ou son échec dans ce processus de nomination affecterait leurs intérêts personnels.

25 Le plaignant soutient également que M. Richard était en situation de conflit d’intérêts parce qu’il faisait partie du comité d’évaluation tout en agissant à titre de répondant pour le plaignant. Le Tribunal note d’abord, tel qu’expliqué ci-dessus, que le rôle de M. Richard en tant que membre du comité d’évaluation se limitait à contribuer à l’élaboration du questionnaire de référence et à sa participation à l’exercice qui évaluait la capacité à manœuvrer un appareil de levage. Il n’a pas participé à l’évaluation des références au sujet du plaignant, y compris la sienne. Cela étant dit, le Tribunal estime que rien n’indique qu’être à la fois membre d’un comité d’évaluation et répondant constitue un conflit d’intérêts. Voir par exemple Robertson c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2010 TDFP 0011.

26 Le plaignant soutient également que tous les membres du comité d’évaluation ont fait preuve de partialité contre lui. Dans Newfoundland Telephone Co. c. Terre‑Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623; [1992] A.C.S. No 21 (QL), la Cour suprême du Canada a décrit le critère de la crainte raisonnable de partialité de la façon suivante, au paragraphe 22 (QL) : « [C]e critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur ». Les critères objectifs énoncés par la Cour suprême s’appliquent également aux membres des comités d’évaluation dans le cadre d’une nomination effectuée en vertu de le LEFP. Voir, par exemple, la décision Gignac c. le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 0010, aux paras. 64-71.

27 L’allégation du plaignant au sujet de M. Richard repose sur le fait que celui-ci l’a supervisé pendant près de huit ans et qu’il ne lui a presque pas adressé la parole pendant toutes ces années.

28 Nicole Leclerc travaille à la GCC depuis 12 ans. Elle est matelot et M. Richard est son superviseur depuis 2008. Elle connaît le plaignant depuis 2005. Elle travaillait avec lui en 2008 et ils sont devenus des amis. Selon Mme Leclerc, la relation entre M. Richard et le plaignant était conflictuelle et tendue depuis plusieurs années. Ils ne se parlaient presque pas. Ils ne se sont cependant jamais querellés devant elle.

29 M. Richard a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait pas eu de problème avec le plaignant mais qu’il n’a pas d’affinité avec lui. M. Richard a ajouté que le plaignant est matelot et un chef d’équipage parle rarement directement au matelot.

30 Mme Richard a également déclaré qu’il n’y avait pas de conflit entre le plaignant et M. Richard.

31 Le Tribunal note qu’il est possible que le peu de communication entre M. Richard et le plaignant puisse dénoter une certaine tension entre eux. Mais ce manque de communication n’établit pas en soi une partialité de la part de M. Richard contre le plaignant. Il n’y a aucune preuve qu’ils se sont querellés au cours des années pendant lesquelles M. Richard l’a supervisé. Personne n’a référé à un incident spécifique qui établirait un conflit entre eux. Un observateur relativement bien renseigné pourrait conclure que leur relation n’est pas amicale, mais il ne pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part de M. Richard du simple fait qu’ils se parlent peu.

32 Le plaignant soutient également que Mme Richard avait un parti pris contre lui. Il base son allégation sur le fait que depuis qu’elle a été nommée à son poste en 2008, il a reçu peu de nominations intérimaires, qu’elle lui avait déjà dit qu’il avait l’air de quelqu’un qui allait quitter la GCC, qu’elle avait également dit qu’il ne sera jamais capitaine dans sa flotte, et qu’elle criait durant la discussion informelle.

33 Mme Richard a déclaré qu’elle n’a jamais fait ces affirmations et elle n’a pas crié pendant la discussion informelle. Mme Doiron et le Cmdt Boudreault ont aussi déclaré que Mme Richard n’a pas crié lors de la discussion informelle. Mme Doiron a ajouté que Mme Richard a simplement « monté le ton » de sa voix.

34 Pour ce qui est des nominations intérimaires, Mme Richard a déclaré qu’elle a nommé le plaignant à titre intérimaire à deux reprises, l’une à l’été 2011 et l’autre en janvier 2012. Le Tribunal n’a pas assez de données pour déterminer si le plaignant a été nommé moins souvent que ses collègues. Le plaignant a déclaré que quelques collègues ont reçu plus de nominations intérimaires que lui, mais il n’a pas fourni au Tribunal assez de données pour déterminer l’ampleur de cette disparité. Le fait que le plaignant n’ait été nommé à titre intérimaire que deux fois ne suffit donc pas à établir une crainte raisonnable de partialité.

35 Le Tribunal ne peut tirer de conclusion au sujet des déclarations de Mme Richard. Outre le fait qu’elle nie les avoir faites, elles sont vagues et peuvent se prêter à plusieurs interprétations. Il n’y a pas assez de contexte pour déterminer ce que ces paroles veulent dire. Par exemple, l’observation de Mme Richard concernant le départ du plaignant de la GCC ne veut pas nécessairement dire que cette dernière souhaitait son départ. Pour ce qui est des cris lors de la discussion informelle, outre le plaignant, les trois autres personnes présentes lors de cette réunion ont déclaré que Mme Richard n’a pas crié. Il semble qu’elle ait simplement monté le ton de sa voix. Même si Mme Richard avait crié, cela ne démontre pas nécessairement l’existence d’une partialité contre le plaignant. Le Tribunal estime donc que pris individuellement ou collectivement, la preuve présentée par le plaignant ne suffit pas à établir que Mme Richard a fait preuve de partialité contre lui.

36 Le plaignant soutient que le Cmdt Boudreault avait également un parti pris contre lui. Il se base sur une déclaration que le Cmdt Boudreault aurait faite en 2009 ou 2010. L’intimé avait demandé au plaignant d’aller travailler comme premier officier à titre intérimaire sur le navire que commandait le Cmdt Boudreault. Le plaignant a refusé cette offre pour faire plaisir à un collègue qui voulait ce travail. Le plaignant a appris plus tard que le Cmdt Boudreault avait fait pression auprès de la gestion pour que le plaignant ne vienne pas travailler sur son navire. Un collègue l’a informé que le Cmdt Boudreault avait dit à la gestion que si le plaignant venait travailler sur son navire, il irait travailler ailleurs.

37 Le Cmdt Boudreault a déclaré qu’il ne voulait pas que le plaignant vienne travailler sur son navire parce qu’à cette époque, il devait consacrer beaucoup de temps à superviser un premier officier qui était en plan de redressement, c’est-à-dire qui avait besoin de formation et d’une supervision soutenue. Le plaignant, lui, n’avait pas beaucoup d’expérience comme premier officier. Le Cmdt Boudreault n’avait pas le temps de surveiller deux employés qui avaient peu d’expérience. Il voulait donc qu’on lui assigne quelqu’un qui possédait plus d’expérience que le plaignant. Le plaignant n’a pas établi que cette explication était fausse. Le Tribunal l’accepte donc et conclut qu’il n’y a pas suffisamment de preuve pour conclure que le Cmdt Boudreault a fait preuve de partialité contre le plaignant.

38 Le plaignant fait valoir que M. Richard ne pouvait se prononcer sur son leadership parce qu’il manquait lui-même de leadership. Il a fait référence au témoignage de Mme Leclerc qui a déclaré que M. Richard aurait de la difficulté à évaluer le leadership d’un employé parce qu’il manquait de leadership. Selon Mme Leclerc, M. Richard évitait les conflits avec les membres de son personnel.

39 Le Tribunal ne peut accepter cet argument du plaignant. Le Tribunal note d’abord que M. Richard n’a pas évalué le leadership du plaignant; son rôle consistait à répondre à un questionnaire qui faisait référence au leadership du plaignant. Le Tribunal estime que le plaignant n’a pas établi que M. Richard était dépourvu de leadership. Seule Mme Leclerc était de cet avis. Mais même elle a mentionné certaines qualités de leadership de M. Richard : il dirigeait bien ses employés, il leur déléguait des fonctions, il leur offrait un soutien et il les encourageait dans leur travail. De plus, M. Richard n’est pas le seul qui a fait part du peu de leadership du plaignant lors de la vérification de références. Jean-Luc Dugal, qui a aussi agi à titre de répondant pour le plaignant, a également fait état du manque de leadership du plaignant.

Le choix des répondants

40 Le plaignant soutient que le comité d’évaluation aurait dû choisir comme répondants les personnes qu’il lui avait suggérées. L’intimé avait demandé aux candidats de suggérer deux personnes; le plaignant en a proposé cinq. L’intimé n’a retenu qu’une des personnes suggérées par le plaignant, c’est-à-dire le Cmdt Mario Bernard. Selon le plaignant, en choisissant les répondants, le comité d'évaluation prédéterminait l’évaluation du candidat.

41 Le Cmdt Boudreault a expliqué que le comité d’évaluation a choisi les personnes suivantes à titre de répondants : MM. Richard et Dugal et le Cmdt Bernard. Le comité d’évaluation s’est servi des critères suivants pour faire ce choix : la période pendant laquelle le répondant avait travaillé avec le plaignant, si cette période était récente, si le répondant avait supervisé le plaignant directement et la disponibilité du répondant. Pour les postes qui font l’objet de ces plaintes, l’intimé choisissait habituellement des chefs officiers et des maîtres d’équipage. L’intimé choisissait rarement des commandants parce que, généralement, ceux-ci ne supervisaient pas directement les matelots. Quoique M. Bernard soit un commandant, le comité d’évaluation l’a quand même choisi parce qu’il commandait un navire dont l’équipage ne comptait que quatre personnes. Il pouvait donc surveiller de près le travail du plaignant.

42 Le Tribunal estime que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le choix des répondants. Le Tribunal a déjà jugé que rien n’oblige le comité d’évaluation de choisir les personnes suggérées par le candidat pour agir à titre de répondants. Voir, par exemple, Dionne c. le Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0011; Gabon c. le Sous-ministre de l’Environnement Canada, 2012 TDFP 0029 au para. 48.

43 Dans Dionne, le Tribunal a aussi déclaré que « [l]’important est de consulter un répondant qui connaît bien le travail accompli par le candidat et qui peut fournir suffisamment d’information pour permettre au comité d’évaluer de façon appropriée les qualifications de ce dernier ». Dans ce cas-ci, le comité d’évaluation s’est servi de critères valables pour choisir les répondants, c’est-à-dire leur connaissance du travail du plaignant. Le Tribunal est d’avis que MM. Richard et Dugal possédaient une connaissance suffisante du travail du plaignant puisque M. Richard l’a supervisé pendant huit ans et M. Dugal pendant deux ans. Le cas du Cmdt Bernard est plus problématique puisqu’il ne l’a supervisé que pendant 28 jours, mais c’est le plaignant qui l’a suggéré et sa référence n’a eu aucun effet sur l’élimination de la candidature du plaignant puisqu’elle était favorable au plaignant.

L’évaluation des qualifications du plaignant

44 Les qualités personnelles ont été évaluées au moyen d’une série de questions posées aux trois répondants. Le Cmdt Boudreault a pris les références en rencontrant les répondants en personne. Il leur a montré le questionnaire de référence, leur a posé les questions du questionnaire, a résumé leurs réponses, puis leur a lu ce qu’il avait écrit. Le Cmdt Boudreault et Mme Richard ont ensuite fait une consolidation des réponses des répondants et ont attribué une note aux qualifications des candidats à l’aide des définitions des qualifications et d’un barème de correction.

45 Le plaignant soutient que l’évaluation de ses qualifications était truffée d’erreurs. Selon lui, il est qualifié pour le poste. Il est présentement matelot aux groupe et niveau SC-DED-02. Il a travaillé sur plusieurs navires pour la GCC depuis 1982 et détient un certificat de capitaine.

46 Le Tribunal a jugé dans nombre de décisions que son rôle consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir, et non pas à réévaluer les candidats. Voir, par exemple, la décision Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 0020 et Jalal v. Canada (Human Resources and skills Development), 2013 FC 611 (traduction non encore disponible).

47 Les références données par MM. Richard et Dugal au sujet des relations interpersonnelles et du leadership du plaignant étaient négatives. Par exemple, une des questions qui évaluait les relations interpersonnelles demandait au répondant si le plaignant travaillait à atteindre un objectif commun ou poursuivait ses propres intérêts. M. Richard a répondu que le plaignant cherchait « ses propres intérêts » et M. Dugal a répondu que le plaignant « poursuit à 100/100 ses propres intérêts ».

48 La référence donnée par le Cmdt Bernard diffère des deux autres. Il fournit une référence plutôt positive pour ce qui est des deux qualifications contestées. Par exemple, à la même question citée ci-dessus au sujet de la poursuite des intérêts de l’organisme, il répond « pas eu de problème ». Ses réponses, par contre, sont toutes laconiques; il répond fréquemment « pas de problème ». Dans deux cas, il répond seulement par un « oui », sans fournir plus de détails.

49 Dans son témoignage, le Cmdt Bernard a expliqué qu’il a travaillé avec le plaignant sur un navire pendant deux périodes de 14 jours en 2010. Pour ce qui est des relations du plaignant avec ses confrères, il a affirmé que le plaignant manquait quelquefois de tact, « mais rien de plus ».

50 Le Tribunal estime que le comité d’évaluation pouvait raisonnablement conclure, en se basant sur les observations de MM. Richard et Dugal, que le plaignant ne possédait pas ces deux qualifications. Le Tribunal juge également que le comité d’évaluation pouvait raisonnablement accorder plus de poids aux références fournies par ces deux personnes parce qu’elles reflétaient mieux les relations interpersonnelles et le leadership du plaignant que celle fournie par le Cmdt Bernard parce que ces deux personnes avaient supervisé le plaignant pendant une période bien plus longue. Le Cmdt Bernard n’a supervisé le plaignant que pendant 28 jours.

51 Le plaignant fait valoir que les références étaient incomplètes parce que le Cmdt Boudreault résumait les réponses des répondants au lieu de les transcrire mot‑à‑mot. Le Tribunal estime que cette allégation n’est pas fondée. Il n’y a rien d’irrégulier à ce que la personne qui pose des questions aux répondants résume leurs propos, en autant que le résumé reflète fidèlement ce qu’ils ont dit. Lors de l’audience, tous les répondants ont révisé les réponses que le Cmdt Boudreault avait transcrites et ils ont tous déclaré que les notes prises par le Cmdt Boudreault reflétaient essentiellement ce qu’ils avaient répondu. Le plaignant n’a pu identifier un élément de réponse que le Cmdt Boudreault aurait oublié de transcrire. Le plaignant n’a donc pas établi que ces résumés ne reflétaient pas fidèlement les commentaires des répondants.

52 Mme Leclerc a déclaré que le plaignant savait faire preuve de leadership. Il lui a appris beaucoup de choses lorsqu’elle était une nouvelle employée. Le comité d’évaluation n’avait pas devant lui cette opinion de Mme Leclerc lors de l’évaluation puisqu’elle n’était pas un répondant. De plus, tel qu’expliqué ci-dessus, ce n’est pas le rôle du Tribunal de refaire l’évaluation du plaignant lors de l’audience. Cette affirmation de Mme Leclerc ne suffit pas, non plus, à établir que les observations de MM. Richard et Dugal au sujet du leadership du plaignant étaient erronées. Mme Leclerc, qui est une collègue et une amie du plaignant, ne l’a n’a jamais supervisé, alors que MM. Richard et Dugal ont eu l’occasion d’observer son travail à titre de superviseur.

53 Le plaignant a aussi déclaré qu’il entretenait de bonnes relations avec ses collègues puisqu’il en recevait fréquemment chez lui. Le Tribunal estime que ce fait ne suffit pas à établir que les observations de MM. Richard et Dugal au sujet de ses relations interpersonnelles étaient erronées.

54 Le plaignant soutient que le comité d’évaluation ne pouvait se fier à ces références parce que les réponses des répondants manquaient de détails et de faits précis. Certains répondants n’ont répondu à certaines questions que par un seul mot. Le Tribunal juge que le plaignant n’a pas établi que les références n’étaient pas suffisamment détaillées. Il est vrai que le Cmdt Bernard a répondu par un simple « oui » à certaines réponses du questionnaire. Toutefois, ce n’est pas à cause des réponses de ce répondant que le plaignant a échoué au processus de nomination puisque les observations du Cmdt Bernard lui étaient favorables. Le plaignant a échoué à cause des références défavorables qu’ont fournies MM. Richard et Dugal. Leur description des deux qualifications contestées était plus détaillée.

55 Le plaignant a souligné que plusieurs des réponses de MM. Richard et Dugal affichaient une note, suggérant ainsi que les répondants avaient évalué ces qualifications. Selon le plaignant, un répondant ne doit pas attribuer une note à une qualification.

56 M. Richard a déclaré que le Cmdt Boudreault lui avait demandé d’attribuer une note à ses réponses.

57 Le Cmdt Boudreault a déclaré qu’il avait inscrit une note à côté des réponses qu’il avait transcrites, mais que le comité d’évaluation ne s’est pas servi de ce pointage.

58 Mme Doiron a déclaré qu’elle a expliqué aux membres du comité d’évaluation comment évaluer les références. Elle leur a dit qu’il fallait qu’ils examinent l’information fournie par les répondants et qu’ils fassent leur propre évaluation de cette information. Ils ne devaient pas prendre en considération une note accordée par les répondants.

59 Mme Richard a déclaré que le comité d’évaluation n’a pas tenu compte de ce pointage dans son évaluation. Tel qu’expliqué ci-dessus, le Cmdt Boudreault et elle discutaient des réponses des répondants et ils attribuaient ensemble une note aux qualifications.

60 Le Tribunal estime que le plaignant a raison de faire valoir que ce sont les membres du comité d’évaluation qui doivent évaluer les qualifications des candidats, et non les répondants. Dans ce cas-ci, cependant, la preuve indique que c’est bien le comité d’évaluation qui a évalué les qualifications du plaignant. Il n’est pas clair pourquoi le Cmdt Boudreault avait demandé à certains répondants d’attribuer une note à leurs réponses, mais Mme Richard et lui ont tous deux déclaré que le comité d’évaluation a ignoré les notes attribuées par les répondants et qu’ils ont procédé à leur propre évaluation des réponses.

61 Le plaignant soutient que l’évaluation de la réponse à la question Q.P. 1.4 du questionnaire de référence est fautive parce que les observations de M. Dugal étaient erronées. M. Dugal avait répondu que le plaignant avait, sans consulter son superviseur, fait enlever les travers qui avaient été placés sur la passerelle du navire pour des raisons de sécurité. Le plaignant affirme qu’au contraire, il a agi avec l’autorisation du Cmdt Serge Brulé, qui était alors le commandant du navire. Selon le plaignant, le Cmdt Brulé avait donné cet ordre pour contrarier un autre commandant avec qui il ne s’entendait pas. Le plaignant a porté ce fait à l’attention de Mme Richard, le Cmdt Boudreault et Mme Doiron lors de la discussion informelle, mais ils n’ont jamais vérifié cette information. Selon lui, ils auraient dû le faire.

62 Le Cmdt Brulé, maintenant à la retraite, a déclaré dans son témoignage qu’il ne se souvenait pas avoir ordonné au plaignant d’enlever les travers sur la passerelle du navire qu’il commandait à l’époque, mais c’est possible qu’il l’ait fait. Il a ajouté qu’il n’aurait jamais donné un tel ordre pour contrarier un autre commandant.

63 Le Tribunal estime que le fait que le plaignant ait enlevé les travers avec ou sans la permission du Cmdt Brulé n’a aucune pertinence parce que la correction de cette question n’a eu aucune influence sur l’élimination de la candidature du plaignant puisque la question Q.P. 1.4 évaluait la fiabilité et le plaignant a satisfait à cette qualification. Puisque le plaignant a réussi à cette qualification, vérifier si le plaignant avait agi selon les ordres du Cmdt Brulé ou non n’aurait servi à rien.

64 Dans son témoignage, le Cmdt Brulé a beaucoup vanté les qualifications du plaignant. Le Tribunal ne peut pas prendre en considération ces commentaires puisque le Cmdt Brulé ne faisait pas partie de comité d’évaluation et le but de l’audience de la plainte n’est pas de refaire l’évaluation du plaignant.

65 Le plaignant soutient également que les processus de nomination étaient viciés parce que les questionnaires de référence n’étaient pas signés ni datés. Le Tribunal estime que rien n’oblige que ces questionnaires soient signés et datés.

66 Selon le plaignant, ses références n’ont pas été évaluées de façon uniforme. Dans la référence donnée par M. Dugal, on peut lire à la question Q.P. 3.4 du questionnaire de référence la mention « gratuit 25 pour tous ». On ne retrouve pas cette mention dans les références des autres répondants.

67 Le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu d’irrégularité dans la correction de cette réponse. Comme l’a expliqué le Cmdt Boudreault, le comité d’évaluation a donné 25 points sur 25 à tous les candidats. C’était sa façon d’éliminer la question 3.4 pour tous les candidats car elle était redondante puisqu’essentiellement, elle répétait la question 3.2. L’intimé a donc traité tous les candidats équitablement. De plus, la correction de cette question n’a eu aucune incidence sur le plaignant puisqu’elle portait sur le jugement et le plaignant a satisfait à cette qualification.

Le test de la grue

68 Le plaignant soutient que le test qui évaluait la capacité des candidats à manœuvrer un appareil de levage a été mal administré. Le candidat devait manœuvrer une grue placée sur un terrain extérieur, près de Québec. M. Richard a administré cet examen avec une personne qui travaillait pour une compagnie privée.

69 Le plaignant a formulé plusieurs critiques par rapport à ce test. Il soutient que ce test pratique n’était pas valable puisque la GCC n’utilise pas ce genre de grue. Il a également fait valoir que M. Richard, qui l’observait à partir de son camion, n’avait pas une bonne vision de la grue à cause de la distance de son camion, la façon dont son camion était placé et le fait que les fenêtres de son camion était embuées à cause du froid ambiant (le test avait été administré en janvier 2011). De plus, l’équipement de la grue était défectueux.

70 M. Richard a déclaré qu’il pouvait observer le plaignant à travers les fenêtres à partir de son camion qui était situé à 40 pieds du plaignant.

71 Le Cmdt Boudreault a expliqué que le comité d’évaluation a utilisé une grue au lieu d’un appareil de levage que l’on retrouvait sur les navires de la GCC pour éviter d’accorder un avantage aux candidats qui auraient manœuvré ces apparaux de levage. M. Richard a ajouté que les mêmes principes sous-tendent l’opération des apparaux de levage utilisés sur les navires et l’opération de la grue qui a servi pour le test.

72 Le Tribunal estime que l’intimé a fourni une explication valable pour le choix de la grue. L’intimé a fait ce choix afin d’éviter d’accorder un avantage aux candidats qui auraient eu l’occasion de se servir des apparaux de levage sur les navires de la GCC. Le plaignant n’a pas établi que les principes pour manœuvrer ces deux genres d’appareils n’étaient pas semblables et que ce test ne pouvait évaluer la capacité des candidats à manœuvrer un appareil de levage.

73 Le Tribunal constate cependant que la preuve fournie par l’intimé sur ce sujet est très confuse à deux égards. Premièrement, il n’est pas clair qui a évalué ce test. Mme Richard a affirmé qu’elle n’a pas été impliquée dans ce test. le Cmdt Boudreault, qui a administré le même test à un autre candidat à Trois-Rivières avec la même personne du secteur privé, a déclaré qu’ils prenaient chacun des notes, mais que c’est la personne du secteur privé qui évaluait le candidat et lui attribuait une note finale. Quant au plaignant, M. Richard a déclaré que la personne du secteur privé et lui remplissaient chacun un rapport d’évaluation. M. Richard a ajouté qu’il n’a jamais vu le rapport de la personne du secteur privé. Il n’est donc pas clair qui a évalué ce test.

74 Il n’est pas clair, non plus, si le plaignant a réussi ce test. Le rapport de M.Richard lui accorde une note de 54,5 %, tandis que celui de la personne du secteur privé lui accorde une note de 36 %. Le document intitulé Rapport d’évaluation accorde au plaignant une note de 45 % pour cette qualification. Le document intitulé Processus de sélection SC-DED-04 affiche également une note de 45 %. Ce même document indique que « la note la plus forte l’emporte ». Cela ne semble pas avoir été le cas puisque le Rapport d’évaluation accorde au plaignant une note de 45 %, mais la note la plus élevée est la note de 54,5 % accordée par M. Richard. L’intimé n’a jamais dit au Tribunal qu’elle était la note de passage pour cette qualification et n’a fourni aucune explication pour ces contradictions.

75 Puisque l’intimé n’a jamais dit au plaignant qu’il n’avait pas satisfait à cette qualification et qu’il a affirmé à l’audience que le plaignant a satisfait à cette qualification, affirmation qui n’a évidemment pas été contestée par le plaignant, le Tribunal estime que le plaignant a réussi à ce test. Puisqu’il a réussi à ce test, il n’est pas utile de traiter des autres critiques que le plaignant a formulées au sujet de cet examen pratique. Toute faille dans l’administration de ce test n’est pas pertinente parce que ce test n’est pas la cause du rejet de la candidature du plaignant. Sa candidature n’a pas été retenue pour le poste d’assistant maître d’équipage parce qu’il n’a pas satisfait à la qualification « relations interpersonnelles ».

76 Le plaignant soutient que le processus était irrégulier en ce que l’intimé a donné des raisons différentes pour son élimination dans les deux processus de nomination, même si le comité d’évaluation s’est servi du même questionnaire et du même ÉCM dans les deux cas. L’intimé l’a informé qu’il n’a pas satisfait à la qualification « relations interpersonnelles » dans le processus pour doter le poste d'assistant maitre d'équipage, et qu’il n’a pas satisfait aux qualifications « relations interpersonnelles » et « leadership » dans le processus pour doter le poste de maître d'équipage.

77 Le Tribunal estime que cette allégation n’est pas soutenue par la preuve. La preuve documentaire démontre que l’ÉCM n’était pas le même pour les deux postes. Pour ce qui est du poste de maître d'équipage, l’ÉCM contenait un critère de mérite additionnel, c’est-à-dire le « leadership », critère que l’on ne retrouve pas dans l’ÉCM pour le poste d’assistant maître d’équipage.

78 L’Annonce de possibilité d’emploi indiquait que la « performance aux qualifications personnelles identifiées par un astérisque au niveau des qualifications essentielles pourrait être utilisée à des fins de nomination ». Le plaignant a signalé qu’il n’y avait pas d’astérisque à côté de la qualification « relations interpersonnelles », pour les deux processus de nomination. Selon lui, il n’était donc pas nécessaire de posséder cette qualification pour être choisie.

79 Mme Doiron a expliqué au Tribunal le rôle des astérisques sur l’ÉCM. Les candidats devaient posséder toutes les qualifications essentielles pour être nommés au poste, comme l’exige l’article 30(2) de la LEFP, mais celles qui étaient marquées d’un astérisque servaient à identifier les candidats les plus méritants parmi les candidats qualifiés. En d’autres mots, les qualifications identifiées par un astérisque avaient plus d’importance que les autres qualifications, même si les candidats devaient posséder toutes les qualifications essentielles.

80 Le Tribunal conclut, à la lumière des explications fournies par l’intimé, que le fait que la qualification « relations interpersonnelles » n’avait pas d’astérisque ne signifie pas, comme le prétend le plaignant, qu’on pouvait nommer un candidat qui ne possédait pas cette qualification.

Décision

81 Pour les motifs énoncés ci-haut, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans ce processus de nomination. Les plaintes sont donc rejetées.


John Mooney
Vice-président

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-0611 et 2011-0613
Intitulé de la cause :
Louis Cannon et le sous-ministre des Pêches et des Océans
Audience :
Les 15 et 16 novembre 2012 et
les 12 et 13 février 2013
Québec (PQ)
Date des motifs :
Le 12 juin 2013

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
Michel Cordeau
Pour l’intimé :
Me Léa Bou Karam
Pour la Commission
de la fonction publique :
Me Marc Séguin
(soumissions écrites)
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