Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants, qui exercent les fonctions d’agents des affaires du travail (AAT), ont déposé une plainte contre le défendeur lorsqu’ils ont été informés que leur agent négociateur n’appuierait pas leurs griefs sur leur description de travail - après cinq jours de médiation, un protocole d’accord a été signé en 2004 entre l’employeur et leur agent négociateur - les parties ont convenu du libellé d’une nouvelle description de travail générique nationale qui a alors été envoyée à la classification - les AAT n’étaient pas d’accord avec la classification qui en a découlé en 2007, et une demande de contrôle judiciaire a été présentée, puis a été abandonnée - peu après la décision en matière de classification, plusieurs AAT ont déposé un autre grief relatif à l’exposé de leurs fonctions - l’agent négociateur a refusé de les poursuivre en raison de l’accord et parce qu’il avait établi que la description de travail était à jour et exacte - certains des AAT ont déposé des plaintes relatives au devoir de représentation équitable en 2008, mais elles ont été retirées ultérieurement - en 2010, certains AAT ont déposé de nouveaux griefs sur l’exposé des fonctions contre la description de travail de 2004, tous libellés exactement de la même façon que les griefs de 2007 - ces griefs étaient au cœur de cette plainte - en 2006, l’employeur avait mis fin à la formation polyvalente des AAT dans les trois secteurs d’activités et avait commencé à avoir recours à leurs services dans un seul secteur d’activités - la description de travail était universelle et faisait état du travail des trois secteurs d’activités - les plaignants ont fait valoir qu’elle aurait dû être divisée en trois descriptions de travail distinctes, soit une par secteur d’activités, ce qui se serait traduit par une reclassification à la hausse - leur agent négociateur n’était pas d’accord et craignait que le poste soit reclassé à la baisse et il avait expliqué sa position sur la question aux AAT - la formation de la Commission a statué que la plainte devait être rejetée car aucune preuve de conduite arbitraire du défendeur n’avait été présentée - de fait, il n’y avait pas de preuve que le défendeur avait participé à la prise de décision sur cette question et personne n’a fait valoir que les gestes des autres agents ou employés auraient pu d’une façon ou d’une autre rendre le défendeur responsable du fait d’autrui - néanmoins, la formation de la Commission a entendu la preuve et les arguments présentés parce qu’ils portaient sur les personnes contre lesquelles les allégations étaient formulées - leurs gestes avaient été tout sauf arbitraires - les plaignants n’avaient tout simplement pas aimé les réponses qu’ils obtenaient de leurs représentants et ne désiraient pas les entendre - la décision de ne pas appuyer les griefs a été prise après une longue période de dialogue exhaustif, et la décision de l’agent négociateur était formulée clairement dans la correspondance - la formation de la Commission a jugé que la plainte était frivole et vexatoire. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-02-07
  • Dossier:  561-02-547
  • Référence:  2014 CRTFP 14

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

CRAIG OLLENBERGER ET AL.

plaignants

et

DOUG MARSHALL

défendeur

Répertorié
Ollenberger et al. c. Marshall


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour les plaignants:
Craig Ollenberger
Pour le défendeur:
Deb Seaboyer, Alliance de la Fonction publique du Canada
Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique), du 7 au 9 août 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1 Le 7 février 2012, Craig Ollenberger et 21 autres personnes, dont la liste figure à l’annexe A (les « plaignants »), ont déposé une plainte contre Doug Marshall (président du Syndicat des employées et employés nationaux de l’AFPC) (le « défendeur ») en vertu de l’alinéa 190(1)g) de laLoi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), dans les termes suivants :

[Traduction]

Des griefs ont été déposés par des membres de syndicats locaux du chapitre national au début de 2010 dans l’ensemble du Canada-[Colombie-Britannique – 20089] (maintenant connu sous le nom de Syndicat des employées et employés nationaux, SEN) pour demander de nouvelles descriptions de travail reflétant de façon complète, à jour et exacte l’énoncé des fonctions du poste d’agent des affaires du travail, qui occupe un (ou deux) des postes d’inspecteur des incendies, d’agent des normes du travail ou d’agent de santé et sécurité. Des griefs similaires ont été déposés par d’autres syndicats locaux en Alberta, en Ontario, au Québec et dans le Canada atlantique.

Le 20 septembre, les divers syndicats locaux ont été informés (le syndicat local de la C.-B. ne participait pas à l’appel) par le vice-président national Eddie Kennedy (président national par intérim en l’absence du président national Doug Marshall), à la fin de la téléconférence nationale des agents des affaires du travail, que le Syndicat n’appuierait pas les griefs sur la classification des postes sur la base d’un avis d’un agent de classification de l’AFPC qui avait également pris part à la téléconference. L’agent des relations du travail du SEN a rédigé une lettre le 8 novembre 2011 dans laquelle il mentionnait qu’il n’y aurait pas de représentation concernant les griefs de classification. Cette lettre a été reçue le 18 novembre 2011.

2 En guise de redressement, les plaignants ont demandé que le Syndicat des employées et employés nationaux (« SEN ») soit tenu de les appuyer et de les représenter dans leur poursuite visant à ce que l’employeur leur fournisse un énoncé des fonctions complet, à jour et exact pour les agents des affaires du travail (AAT).

3 Le défendeur a soulevé une objection fondée sur le respect des délais de la plainte; toutefois, il l’a retirée avant le début de l’audience.

4 Les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits (« ECF ») et un exposé conjoint des documents (« ECD ») avec l’ECF, qui comportait 62 onglets. L’ECD a été déposé en tant que pièce C-1.

5 M. Ollenberger a témoigné au nom des plaignants. Le défendeur a cité les trois témoins suivants : Howard Edward Kennedy, Franco Picciano et Jacqueline Préfontaine‑Moore.

II. Résumé de la preuve

6 Les plaignants sont des AAT et travaillent au ministère de l’Emploi et du Développement social (le « ministère ») en divers endroits aux quatre coins du pays. La description de travail de l’AAT comprend trois secteurs d’activités distincts, qui m’ont été désignés sous les titres agent des normes du travail (« ANT »), inspecteur responsable de la protection contre les incendies (« IPI »), et agent de santé et sécurité au travail (« ASST »).

7 Le Conseil du Trésor est l’employeur.

8 Le SEN est un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (« AFPC »), qui est l’agent négociateur des AAT.

9 Le défendeur, M. Marshall, était pendant toute la période pertinente le président du SEN.

10 M. Ollenberger est un AAT. Il a dit être entré en fonctions au ministère en 2004.

11 Le 24 septembre 2004, l’employeur et ce qui était alors l’élément national de l’AFPC ont conclu un protocole d’accord (« PA ») au sujet du règlement du dossier de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (« CRTFP ») 179‑02‑91. Il s’agissait du règlement de griefs déposés relativement à l’exposé des fonctions des AAT. 

12 Le PA est intervenu après cinq jours de médiation en présence de l’ancienne CRTFP. Les parties au PA avaient convenu d’une nouvelle description de travail générique nationale (la « description de travail de 2004 ») (pièce C-1, onglet 2) pour les AAT que l’employeur a accepté de classifier sans délai. Dans le PA, les griefs sur l’exposé des fonctions ayant trait au dossier de la CRTFP 179-02-91 ont été retirés.

13 Je n’ai reçu ni de copies des griefs sur l’exposé des fonctions qui touchent le dossier de la CRTFP 179-02-91, ni la description de travail, qui faisait l’objet de ce grief.

14 Le 14 juin 2007, un Comité d’examen des griefs de classification (« CEGC ») a été saisi d’un grief de classification sur la description de travail de 2004. Le CEGC a rendu sa décision le 21 août 2007, et elle a été acceptée par la personne désignée par l’administrateur général le 27 août 2007 (la « décision de 2007 du CEGC ») (pièce C-1, onglet 3). Selon la décision de 2007 du CEGC telle qu’elle a été acceptée, les AAT seraient classés dans le groupe Services techniques (TI), au niveau 5 (TI-05). 

15 Pour que le CEGC entre en jeu, la classification de la description de travail de 2004 doit avoir été telle que les AAT étaient en désaccord avec le groupe et le niveau attribués par l’employeur. Je n’ai pas reçu de copie du grief de classification qui a mené à la décision de 2007 du CEGC.

16  À l’audience du CEGC, le représentant de l’employeur et les représentants des fonctionnaires s’estimant lésés ont confirmé que la description de travail de 2004 ayant été soumise au CEGC était la description de travail complète et à jour. Elle était alors classée dans le groupe Administration des programmes, au niveau 4 (« PM-04 »). Au CEGC, les AAT étaient représentés par Susan O’Reilly, agente aux griefs et à l’arbitrage de griefs (« AGAG ») de l’AFPC, et par Robert Grundie, Serge Marion et Annie Laurin, tous des AAT en poste. À l’audience du CEGC, les AAT demandaient une classification de TI-06.

17 M. Ollenberger a témoigné qu’il se souvenait avoir signé les griefs qui ont fait l’objet de la médiation et du PA, ce qui a amené à la description de travail de 2004. Il a également confirmé dans son témoignage qu’il était l’un des fonctionnaires s’estimant lésé dans le grief de classification qui a été soumis au CEGC et qui a fait l’objet de la décision de 2007 du CEGC, qui a classé la description de travail de 2004 au groupe et au niveau TI-05.

18 Un contrôle judiciaire de la décision de 2007 du CEGC a été entrepris; toutefois, il a été abandonné ultérieurement.

19 En novembre 2007, peu après la décision de 2007 du CEGC, 19 AAT de différentes parties du pays, dont MM. Grundie et Ollenberger, ont déposé des griefs sur l’exposé des fonctions (les « griefs de 2007 ») relativement à la description de travail générique nationale des AAT nouvellement classée TI‑05 (pièce C-1, onglet 4). L’allégation contenue dans les griefs était la suivante :

[Traduction]

Que l’employeur a enfreint l’article 57 et tout autre article pertinent ou connexe de la convention collective (Services techniques – tableau 3) parce qu’il ne m’a pas fourni un exposé des fonctions complet, à jour et exact de mes responsabilités et de mon poste actuels.

Que je reçoive un exposé des fonctions complet, à jour et exact qui reflète mes responsabilités et mon poste actuels conformément à l’article 57 de la convention collective (Services techniques – tableau 3), et tout autre article pertinent ou connexe.

20 L’élément national de l’AFPC a écrit aux AAT qui ont déposé les griefs de 2007 un peu après novembre 2007 et avant janvier 2008 (pièce C-1, onglet 5), pour les informer que l’agent négociateur ne donnerait pas suite à ces griefs. L’agent négociateur a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La description de travail générique actuelle de l’AAT a été réalisée après cinq (5) jours de médiation pour régler des griefs en suspens relatifs à l’exposé des fonctions. L’affaire a été soumise à la médiation avec l’aide de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (maintenant remplacée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique). La description de travail et le protocole d’accord qui en a découlé ont été signés le 24 septembre 2004 par l’employeur, le Syndicat et deux (2) agents des affaires du travail ayant été choisis pour représenter les intérêts de leurs collègues. La description de travail comportait vingt-huit (28) pages. La signature du protocole d’accord équivalait à ce moment-là à une reconnaissance que la description de travail générique de l’AAT était, par définition, rédigée en termes généraux et universelle, et ce dans le but de s’assurer qu’elle couvrait le travail de tous les AAT.

Le grief de classification a été entendu le 14 juin 2007 par un Comité de classification formé de trois (3) membres de la direction, conformément à la réglementation prescrite par la Politique du Conseil du Trésor et à la Loi sur la gestion des finances publiques. Au cours de l’audience, le Syndicat et deux agents des affaires du travail choisis pour représenter les intérêts de leurs collègues ont réitéré l’exactitude de la description de travail. Il n’a pas été donné suite aux griefs de classification tant qu’il n’y a pas eu entente au sujet du contenu de l’emploi.

[…]

21 Les fonctionnaires s’estimant lésés, dont M. Ollenberger, ont tenté de poursuivre les griefs de 2007 par eux-mêmes; toutefois, l’employeur les a informés par lettre en date du 25 janvier 2008 (pièce C-1, onglet 6) que sans le soutien de l’agent négociateur, il n’accepterait pas les griefs. L’employeur a également rappelé aux fonctionnaires s’estimant lésés que pendant l’audience du CECG, les parties ont convenu que la description de travail de 2004 était complète et à jour.

22 À un moment donné après janvier 2008, certains des AAT qui avaient déposé les griefs de 2007, dont MM. Grundie et Ollenberger, ont déposé des plaintes de manquement au devoir de représentation équitable en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi contre l’élément national de l’AFPC (les « plaintes de manquement au devoir de représentation équitable de 2008 »). Ces plaintes ont plus tard été retirées.

23 Le 3 mars 2010 ou vers cette date, 17 AAT (dont 10 des 22 plaignants) ont déposé de nouveaux griefs sur l’exposé des fonctions à l’encontre de la description de travail de 2004 (les « griefs de 2010 »). Parmi ces 17 fonctionnaires s’estimant lésés, seulement 3 comptaient parmi le groupe qui a pris part aux griefs de 2007, dont M. Ollenberger. Les griefs de 2010 (pièce C-1, onglet 8) étaient tous libellés exactement comme les griefs de 2007 :

[Traduction]

Que l’employeur a enfreint l’article 57 et tout autre article pertinent ou connexe de la convention collective (Services techniques – tableau 3) parce qu’il ne m’a pas fourni un exposé des fonctions complet, à jour et exact de mes responsabilités et de mon poste actuels.

Que je reçoive un exposé des fonctions complet, à jour et exact qui reflète mes responsabilités et mon poste actuels conformément à l’article 57 de la convention collective (Services techniques – tableau 3), et tout autre article pertinent ou connexe.

24 Les griefs de 2010 sont au cœur de la plainte qui m’est soumise.

25 La clause 57.01 de la convention intervenue entre le Conseil du Trésor et le groupe Services techniques de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « convention collective ») prévoit ce qui suit :

Sur demande écrite, l’employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

26 D’après le paragraphe 5 de l’ECF, les parties conviennent qu’en avril 2006 ou vers cette période, le ministère a modifié sa pratique de formation polyvalente applicable aux AAT dans au moins deux des trois secteurs d’activités et a commencé à avoir recours aux AAT dans un seul secteur d’activités. La preuve qui m’a été présentée établissait que malgré la désignation d’AAT et malgré que la description de travail de 2004 était universelle et visait le travail des trois secteurs d’activités (ANT, IPI et ASST), si un employé a travaillé dans un des secteurs d’activités, il n’a pas travaillé dans les autres. La preuve révélait que jusqu’en avril 2006, le ministère formait des employés dans au moins deux secteurs d’activités mais qu’après cette date, même cette pratique a pris fin.

27 La justification de la demande des AAT relativement à trois descriptions de travail distinctes est énoncée dans une lettre écrite par M. Grundie en date du 9 février 2010 (pièce C-1, onglet 9), dont voici les termes :

[Traduction]

[…]

[…] vous trouverez ci-joint des exemples de propositions de descriptions de travail distinctes que nous voulons voir remplacer la description de travail universelle actuelle des AAT.

Ces descriptions de travail se fondent sur les 3 secteurs d’activités séparés et distinctifs qui sont maintenant utilisés par le Programme du travail de RHDCC pour offrir ses services obligatoires au public.

[…]

[…] Je crois que ces descriptions de travail distinctes donnent un portrait clair des fonctions liées à chacun des 3 secteurs d’activités. Ces descriptions de travail proposées illustrent clairement le caractère distinctif des connaissances et les difficultés à franchir pour s’acquitter avec succès des fonctions propres à chacun des 3 secteurs d’activités très différents de façon compétente et professionnelle. Jusqu’à maintenant, les caractéristiques distinctives des fonctions nécessaires dans les 3 secteurs d’activités très différents ont été confusément enfouies dans le marasme alambiqué et incroyable de la description de travail des AAT.

[…]

Les AAT de tout le pays se spécialisent pour la plupart dans un seul des 3 secteurs d’activités. Il n’y a plus de formation complémentaire dans un secteur d’activités secondaire (et ce depuis de nombreuses années).

[…]

Comme le contenu de ces 3 descriptions de travail distinctes vous l’indique, il n’y a rien de commun entre les fonctions spécialisées respectives, outre le fait que les 3 secteurs d’activités relèvent du Programme du travail.

[…]

Dans la région Pacifique nord-ouest, les 3 secteurs d’activités ont été intégrés depuis le 1er avril 2006, soit il y a près de quatre ans.

[…]

Il y a maintenant plus de 2 ans que nous avons demandé pour la dernière fois le soutien du Syndicat dans nos efforts visant à exiger de nouvelles descriptions de travail distinctes.

[…]

La description de travail actuelle des AAT ne peut être adéquatement classée. Il s’agit d’un amalgame de 3 emplois non liés, chacun appartenant très vraisemblablement à un groupe professionnel différent à des fins de classification. Il suffit de lire la dernière décision en matière de classification pour se rendre compte que les fonctions rattachées aux normes du travail n’ont pas été prises en compte, car on a conclu que ces fonctions ne font tout simplement pas partie du groupe TI.

28 On ne m’a ni indiqué le nombre d’AAT qu’il y avait au total au ministère à quelque moment que ce soit, ni fourni une ventilation du nombre d’AAT qui travaillaient dans un secteur d’activités précis, ni fourni une répartition du nombre d’AAT qui travaillaient dans les différentes régions du pays à un moment donné dans les différents secteurs d’activités.

29 Pour l’essentiel, le témoignage de M. Ollenberger au sujet du travail des AAT était très similaire, voire tout à fait identique au contenu de la lettre de M. Grundie datée du 9 février 2010.

30 M. Ollenberger a témoigné qu’en tant qu’AAT, il fait le travail de l’ASST; autrement dit, il accomplit seulement les tâches énoncées dans la description de travail de 2004 qui seraient exécutées par le secteur d’activités des ASST. Il n’exerce pas les tâches liées aux secteurs d’activités de l’IPI ou de l’ANT, ni ne possède de l’expérience dans ces secteurs d’activités. Il a témoigné que si des employés travaillent dans un secteur d’activités, ils ne travaillent dans aucun des deux autres. Il a déclaré que l’énoncé des critères de mérite affiché pour le poste pour lequel il a été recruté (pièce C-1, onglet 38) était propre au secteur d’activités des ASST et ne faisait aucunement référence à du travail dans l’un des deux autres secteurs d’activités.

31 M. Ollenberger a témoigné que les secteurs d’activités sont non seulement distincts l’un de l’autre, mais qu’ils ne présentent pas non plus la même structure hiérarchique; ils rendent compte au niveau supérieur à des gestionnaires distincts. Il a ajouté qu’ils ont des programmes de formation différents et que depuis 2006, il n’y a eu de formation polyvalente nulle part au Canada.

32 D’après le témoignage de M. Ollenberger, comme il accomplit des tâches associées seulement au secteur d’activités ASST et comme, d’après des renseignements qui lui ont été fournis par les autres plaignants, ils exécutent des tâches liées à un seul secteur d’activités, la description de travail de 2004 devrait être divisée en trois descriptions de travail distinctes, soit une pour les secteurs d’activités des ASST, une pour celui des ANT et une pour celui des IPI. J’ai reçu trois versions différentes de descriptions de travail créées pour les trois secteurs d’activités distincts (respectivement, pièce C-1, onglets 12, 13 et 14). Les auteurs de ces versions distinctes de descriptions de travail n’ont pas été identifiés, mais la preuve établit clairement qu’elles n’ont pas été produites par l’employeur.

33 Dans la pièce C-1, les onglets 15 à 26 constituent diverses descriptions de travail de divers emplois différents au sein de la fonction publique fédérale présentées par les plaignants; celles-ci sont, de certaines façons, similaires à l’un ou l’autre des trois secteurs d’activités. Certaines d’entre elles s’accompagnent d’une justification de la classification. M. Ollenberger a témoigné que ces différentes descriptions de travail constituent une preuve patente que la position des plaignants, qui subdivisent la description de travail de 2004 en trois descriptions de travail distinctes, était valable en droit et aurait entraîné une classification à la hausse.

34 En contre-interrogatoire, M. Ollenberger s’est fait présenter la partie « Activités principales » de la description de travail de 2004 et la partie « Activités principales » de l’ébauche de description de travail d’un AAT qui accomplit du travail d’ASST (pièce C-1, onglet 12) et il s’est fait demander si les tâches telles qu’énoncées dans la description de travail de l’AAT qui accomplit du travail d’ASST se retrouvaient dans la description de travail de 2004. M. Ollenberger a reconnu qu’en fait, les tâches contenues dans la description de travail des AAT qui font du travail d’ASST sont contenues dans la description de travail de 2004.

35 Quand M. Ollenberger s’est fait demander en contre-interrogatoire si on lui demande de faire des choses qui ne sont pas dans la description de travail de 2004, il a déclaré qu’il passe beaucoup de temps à rédiger des mémoires de poursuite à titre d’AAT qui fait du travail d’ASST, et que cette tâche ne se trouve pas dans la description de travail de 2004. Rien ne prouve que M. Ollenberger a communiqué ce fait à quiconque au SEN ou à l’AFPC avant cette audience.

36  M. Picciano est le coordonnateur de la représentation des membres pour le SEN. Il est chargé de superviser les agents des relations de travail (ART) de l’élément. Gail Myles, l’ART affectée au traitement des griefs de 2010, relevait de lui. Il a témoigné que bien que les ART travaillent habituellement en autonomie, si un dossier pose certains problèmes, il y participe. M. Picciano a témoigné qu’il connaissait l’historique des griefs des AAT.

37 M. Picciano a témoigné que M. Grundie intervenait activement dans toutes ces questions depuis le PA de 2004.

38 M. Picciano a témoigné que M. Grundie a approuvé en signant la description de travail de 2004 et a représenté les AAT aux audiences du CEGC de 2007.

39 M. Picciano a déclaré qu’un grief sur une description de travail est fondé sur une allégation de violation de la convention collective et qu’il doit par conséquent obtenir l’appui de l’agent négociateur pour aller de l’avant. Un grief de classification, contrairement à un grief sur une description de travail, ne tire pas son origine de la convention collective, et peut par conséquent être poursuivi par certains employés sans le soutien de l’agent négociateur.

40 M. Picciano a décrit le processus entrepris par l’agent négociateur relativement aux griefs sur une description de travail. L’élément clé réside dans la différence entre ce qui est énoncé dans la description de travail et les fonctions que le titulaire du poste doit exercer. Quand le SEN reçoit un grief sur une description de travail, il étudie la description de travail actuelle et détermine si les tâches exécutées par le membre sont couvertes. Il a déclaré que les deux éléments importants d’un grief sur une description de travail consistent à établir si le travail est exécuté et si celui-ci est attribué par l’employeur.

41 M. Kennedy a témoigné que la question de la description de travail des AAT lui a été soumise au congrès d’août 2011 du SEN, alors qu’il a rencontré des AAT (il ne se souvient pas de leur identité précise), qui l’ont informé qu’ils avaient de la difficulté à faire progresser leurs griefs sur la description de travail et leurs griefs de classification. À ce moment-là, il se présentait au poste de vice-président exécutif national. Il a déclaré qu’il a alors dit aux AAT qu’advenant son élection, il verrait ce qu’il pourrait faire pour étudier la question.

42 En septembre 2011, après le congrès d’août 2011 du SEN au cours duquel M. Kennedy a été élu vice-président exécutif national, il s’est trouvé à Ottawa pendant trois semaines pour faire office de président national par intérim. Au cours de cette période, il a reçu des copies de courriels sur les griefs de 2010. M. Kennedy a déclaré qu’il a parlé à Mme Myles et qu’il a reçu des renseignements généraux sur les griefs de 2010.

43 La pièce C-1, onglet 62, est une chaîne de courriels désignée par M. Kennedy. Le dernier courriel de la chaîne a été envoyé le 10 septembre 2011 par M. Kennedy à MM. Ollenberger et Grundie et à d’autres personnes. M. Kennedy y affirmait qu’il tentait d’amener un AGAG de l’AFPC qui était rompu aux questions de classification à se rendre disponible pour une conférence téléphonique avec les fonctionnaires s’estimant lésés le 20 septembre 2011. 

44 M. Kennedy a confirmé qu’il est parvenu à s’organiser pour qu’une AGAG de l’AFPC rompue aux questions de classification, Mme Préfontaine-Moore, prenne part à la conférence téléphonique afin de discuter des griefs de 2010. La conférence téléphonique était prévue le 20 septembre 2011.

45 M. Grundie a préparé une trousse de documents accompagnant une note de service datée du 12 septembre 2011 (pièce C-1, onglet 10), qui était adressée au défendeur, M. Kennedy et à Mme Myles. Les documents mentionnés dans la note de service du 12 septembre 2011 y étaient joints et se trouvent à la pièce C-1, onglets 11 à 39, et comprenaient les descriptions de travail des postes distincts d’ANT, d’IPI et d’ASST.

46 Mme Préfontaine-Moore a témoigné qu’en plus de traiter les griefs de classification, elle s’est occupée d’autres griefs, dont les griefs sur une description de travail. Dans le cadre de son travail, elle représente les fonctionnaires s’estimant lésés et l’AFPC et ses éléments devant les CECG.

47 Mme Préfontaine-Moore a expliqué le processus rattaché à un grief de classification. Elle a expliqué que c’est l’employeur qui procède à la classification sans faire appel aux agents négociateurs. L’alinéa 11.1(1)b) de la Loi sur la gestion des finances publiques,L.R.C. (1985), ch. F-11 (la « LGFP ») prévoit ce qui suit :

11.1(1)Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e):

[…]

b) pourvoir à la classification des postes et des personnes employées dans la fonction publique […]

48 Si l’employeur classe un poste et qu’un employé touché n’est pas d’accord avec la classification, l’employé peut contester la classification. Si l’employé est insatisfait du résultat du grief, le Conseil du Trésor a établi une procédure de règlement des griefs de classification et le grief serait entendu par le CEGC. Une copie de la procédure de règlement des griefs de classification se trouve à la pièce C-1, onglet 48.

49 La section IV de la « Procédure de règlement des griefs de classification », sous la rubrique « Mesures préliminaires », au sous-titre « A. Examen initial du grief de classification », prévoit ce qui suit :

4. Un grief de classification sera considéré comme recevable même si la description de travail n’a pas été signée par l’employé, à condition que ce dernier ne conteste pas le contenu de la description de travail.

5. Un grief de classification ne sera pas considéré recevable lorsque le contenu de la description de travail est contesté. Le ministère avertira le plaignant et/ou son représentant qu’un nouveau grief de classification devra être soumis lorsque le contenu de la description de travail aura été réglé. Le ministère doit réviser la nouvelle description d’emploi et émettre une nouvelle décision de classification, qu’il y ait eu un changement ou non à la description de travail et ce, afin de permettre à l’employé de soumettre un nouveau grief de classification. 

50  M. Picciano et Mme Préfontaine-Moore ont déclaré que l’employeur a la responsabilité des descriptions de travail et de la classification et que pour qu’une description de travail soit modifiée, soit l’employeur doit accepter de la modifier, soit la description a fait l’objet d’une décision de modification. Ils ont également témoigné que la difficulté concernant les griefs de 2010 sur la description de travail des AAT était qu’en 2004, le PA a été conclu après de longues négociations avec l’employeur sur ce qui est devenu la description de travail de 2004.

51  Mme Préfontaine-Moore a témoigné que le 15 septembre 2011, elle a reçu une trousse de documents de Mme Myles, qui renfermait des descriptions de travail d’ASST, d’ANT et d’IPI, ainsi que la lettre de M. Grundie datée du 9 février 2010. Ce sont ces documents qu’elle a passé en revue avant la conférence téléphonique prévue avec les AAT le 20 septembre 2011.

52 Mme Préfontaine-Moore a déclaré qu’elle s’est préparée à la conférence téléphonique prévue le 20 septembre 2011 au cours de la fin de semaine des 17 et 18 septembre 2011 et qu’elle a rédigé un aide-mémoire en vue de cette conférence. Les notes étaient inscrites en tant que pièce R-3.

53 M. Kennedy a témoigné qu’au départ, il était convenu que M. Grundie devrait se rendre à Ottawa pour participer à la conférence téléphonique de là; toutefois, en raison de problèmes d’horaire, M. Grundie n’a pas pris part à la conférence téléphonique à Ottawa.

54  La conférence téléphonique du 20 septembre 2011 devant traiter des griefs de 2010 s’est produite comme prévu. Tous les témoins qui ont comparu devant moi ont participé à cette conférence.

55 M. Picciano a témoigné qu’avant la conférence téléphonique du 20 septembre 2011, il y a eu une réunion préparatoire à laquelle ont pris part Mme Myles, Mme Préfontaine-Moore, M. Kennedy et lui-même. Il a également déclaré qu’il y a aussi eu une discussion après la conférence.

56 Mme Préfontaine-Moore a témoigné qu’elle a informé les participants à la conférence téléphonique, dont M. Ollenberger, de son identité et de ce qu’elle faisait comme AGAG œuvrant dans le domaine de la classification. Elle a également expliqué le fonctionnement des griefs de classification, la façon dont les agents négociateurs s’y préparent et la manière dont les employés les gagnent.

57 Mme Préfontaine-Moore a expliqué au cours de la conférence téléphonique que la LGFP confère au Conseil du Trésor le pouvoir d’organiser la fonction publique et de classer des postes, et que seule la clause sur les énoncés de fonction contenue dans la convention collective entrave ces pouvoirs et l’application de la clause sur les droits de la direction également contenue dans la convention collective.

58 Mme Préfontaine-Moore a témoigné que pendant la conférence téléphonique du 20 septembre 2011, elle a demandé aux fonctionnaires s’estimant lésés participants comment ils pensaient pouvoir obtenir un rehaussement de classification en subdivisant une description de travail générale et universelle en trois descriptions distinctes plus restreintes. Elle a déclaré que lorsque les descriptions de travail sont subdivisées et que des fonctions sont retirées, c’est l’employeur qui le fait dans le but d’épargner de l’argent (par une classification moindre).

59 Mme Préfontaine-Moore a déclaré que la division d’une description de travail en trois descriptions distinctes posait un sérieux problème de classification. Toutes les fonctions dans une description de travail ont une valeur; davantage de fonctions signifient davantage de valeur. Le retrait de fonctions fait diminuer la valeur. Le risque que la classification soit ramenée à un niveau plus bas était considérable. Il s’agissait simplement de retirer deux champs de travail de chacune des nouvelles descriptions de travail proposées et la valeur des fonctions rattachées à ces champs de travail. Par exemple, la description de travail des AAT était classée dans le groupe et le niveau TI‑05, mais cette classification était fondée sur les trois champs de travail. Une nouvelle description de travail seulement pour les ASST renfermerait seulement les tâches désignées dans le champ des ASST; ainsi, les points accordés au cours d’un exercice de classification pour les tâches exécutées pour les champs des ANT et des IPI seraient supprimés.

60  Mme Préfontaine-Moore a également souligné que la décision de 2007 du CEGC (pièce C-1, onglet 3) a conclu que le total des points pour la description de travail de 2004, selon sa classification, était de 490. Dans le groupe TI, le niveau TI-05 se situe entre 451 et 550 points. Pour qu’une nouvelle description de travail soit classée TI-06, il lui faudrait obtenir 551 points. De même, une réduction de points sous le seuil des 451 points ferait diminuer la classification au niveau TI‑04.

61 Mme Préfontaine-Moore a déclaré qu’aucun élément de ce qui lui a été présenté, que ce soit dans les documents qu’elle a étudié ou pendant la conférence téléphonique du 20 septembre 2011, n’a établi comment le retrait de fonctions de la description de travail de 2004 qui était de seulement 39 points (sur un total possible de 100 points) au-dessus de la limite de points pour un TI-05 résulterait en points excédant le seuil de 551 points pour un TI-06. Elle a déclaré qu’il était très probable que s’il y avait trois descriptions de travail distinctes, l’exercice de classification qui s’ensuivrait entraînerait une réduction de points. Une réduction de seulement 40 points à l’une ou l’autre des trois descriptions de travail distinctes la placerait dans un niveau de classification plus bas. En ce qui concerne le secteur d’activités des ANT, M. Picciano a témoigné qu’il existait un risque que ce poste non seulement perde des points et se retrouve à un niveau de classification inférieur, mais également qu’il soit replacé dans le groupe PM.

62 Mme Préfontaine-Moore a témoigné que pendant la conférence téléphonique, elle a expliqué aux fonctionnaires s’estimant lésés que les descriptions de travail qu’ils lui avaient fourni étaient de type « système de classification universel » (« SCU »), ce qui ne reflétait plus la tendance auprès de l’employeur. Le SCU se caractérisait par un style assez exhaustif et le document comportait souvent de nombreuses pages. Elle a déclaré qu’elle a expliqué aux fonctionnaires s’estimant lésés que l’employeur utilisait maintenant une nouvelle tendance beaucoup plus courte, soit seulement de deux à trois pages par classification.

63  Mme Préfontaine-Moore a déclaré qu’elle a dit aux fonctionnaires s’estimant lésés qu’elle comprenait les arguments en faveur d’un niveau de classification TI-06 et a ajouté qu’elle aurait tenté d’obtenir ce même niveau de classification à l’audience du CEGC de 2007. Toutefois, elle a déclaré qu’en 2011, il était beaucoup plus difficile d’atteindre ce plateau, parce que la description de travail de 2004 qui englobait les trois champs de travail était classée seulement au niveau TI-05 pendant l’audience du CEGC de 2007.

64 Mme Préfontaine-Moore a déclaré que bien que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient fourni un certain nombre de bonnes valeurs relatives en ce qui concerne des emplois similaires, ce n’est qu’un facteur dans le processus et il ne permettrait pas à lui seul de gagner un grief de classification.

65 Mme Préfontaine-Moore a témoigné qu’elle connaissait l’un des cas mis de l’avant par les fonctionnaires s’estimant lésés pendant l’audience du CEGC de 2007, soit celui des inspecteurs de l’aviation qui, au dire des plaignants, appuyait leur prétention que le poste d’AAT valait une classification TI-06. Mme Préfontaine-Moore a déclaré qu’elle était l’AGAG dans ce grief et a expliqué que dans ce cas, le poste de superviseur des inspecteurs de l’aviation a fait l’objet d’un changement de classification de TI-06 à TI-07 avant que le grief des inspecteurs de l’aviation soit entendu. Elle a également déclaré qu’un nouveau programme de réglementation ayant été institué attribuait beaucoup plus de responsabilités aux inspecteurs de l’aviation et exigeait une base de connaissances accrue. C’est ce qui a occasionné le changement de TI-05 à TI-06.

66  Mme Préfontaine-Moore a également témoigné que l’existence du poste de conseiller technique se trouvant dans l’organigramme, qui est de groupe et de niveau PM-05, constituait un obstacle pour l’obtention d’une meilleure classification. Bien que l’AAT ne relève pas de cette personne, et que celle-ci ne pouvait dire à un AAT quoi faire et comment le faire, elle joue un rôle consultatif important. Le poste de conseiller technique existe au cas où l’AAT a besoin de renseignements. C’est un poste qui s’appuie sur les connaissances de son titulaire, et les connaissances ont beaucoup d’importance dans la classification. Le poste de conseiller technique est un obstacle, non pas en raison d’un problème de structure hiérarchique, mais parce qu’il s’agit d’une ressource pour les AAT, et l’employeur avait indiqué que ce poste revêtait de l’importance au sein de la structure organisationnelle.  

67 Mme Préfontaine-Moore a témoigné qu’elle avait également expliqué aux fonctionnaires s’estimant lésés ce qu’il fallait pour connaître du succès avec un grief sur une description de travail. Elle a informé les fonctionnaires s’estimant lésés qu’ils devraient fournir à Mme Myles une liste des changements apportés aux fonctions et responsabilités. Ces changements aux fonctions et responsabilités doivent constituer des ajouts significatifs parce que la décision de 2007 du CEGC telle qu’acceptée par l’administrateur général est finale et exécutoire et ne sera pas revue, sauf si des fonctions importantes qui ont été ajoutées à la description de travail ont un impact sur la classification.

68 À la pièce C-1, onglet 47, se trouve une chaîne de courriels de 15 pages. Le premier courriel de la chaîne est daté du 22 septembre 2011 et a été envoyé par Mme Myles au défendeur, à M. Kennedy, à M. Grundie, à M. Picciano et à plusieurs autres personnes, après la conférence téléphonique du 20 septembre 2011. Bien que le nom de M. Ollenberger ne figure pas dans ce premier courriel, son nom était inscrit dans les courriels subséquents de la chaîne, ce qui fait qu’il a reçu une copie. Le courriel exposait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Pour faire le point sur le contenu de l’emploi des AAT et sur les griefs de classification, nous avons tenu une conférence téléphonique le 20 septembre 2011. Un agent aux griefs et à l’arbitrage de griefs/classification de l’AFPC a participé et a expliqué aux fonctionnaires s’estimant lésés qu’en raison de la décision de classification finale et exécutoire rendue en 2007 et du fait qu’il n’y a pas eu de changements significatifs à la structure organisationnelle ou aux fonctions rattachées à l’emploi depuis, l’AFPC ne serait pas en mesure d’assurer maintenant une représentation dans ces dossiers. En guise de rappel à tous, le Syndicat ne plaide généralement pas pour faire retirer des fonctions d’une description de travail, surtout s’il existe un risque de déclasser certains postes de nos membres. Nous avons de bonnes raisons de croire que c’est ce qui pourrait survenir dans le présent cas si nous soutenions la réécriture de la description de travail de l’AAT existante en 3 descriptions génériques.

Par conséquent, les griefs sur le contenu de l’emploi et les griefs de classification déposés par l’AAT seront retirés et les dossiers de l’élément seront maintenant fermés.

69 Pour faire suite au courriel initial de Mme Myles daté du 22 septembre 2011, plusieurs courriels ont circulé entre divers AAT et le défendeur, Mme Myles et M. Kennedy, sur la question du retrait du soutien du syndicat. L’intervention de Philip Healey, un AAT de St. John’s, à Terre-Neuve, ressort de l’échange. Manifestement, il n’a pas accueilli favorablement la décision du SEN de ne pas appuyer les griefs de 2010. L’avant-dernier courriel de la chaîne, qui a été envoyé par Mme Myles le 3 octobre 2011 à 11 h 54, exposait ce qui suit :

[Traduction]

Je crois qu’il importe de clarifier quelques questions afin que vous compreniez que ce n’est pas le syndicat qui fixe les règles; ce sont plutôt la loi et la jurisprudence qui restreignent considérablement vos droits. Il importe en outre de se souvenir pourquoi vous avez reçu cette réplique du syndicat.

1. Certains AAT se sont essentiellement concentrés sur le partage des fonctions en 3 secteurs d’activités. J’ai soutenu à plusieurs reprises que lorsque vous plaidez un grief sur le contenu d’un emploi, vous faites généralement valoir des fonctions « qui manquent » dans la description de travail. Nous avons également soulevé cette question dans la première conférence téléphonique avec Eddie en septembre. Au lieu de vous concentrer sur des fonctions additionnelles, vous vouliez vous en tenir à 3 secteurs d’activités distincts en comparaison avec d’autres emplois similaires. Jacqueline, l’agente de classification, a expliqué qu’à l’heure actuelle, les arguments sur la relativité ne peuvent être au cœur du débat. Vous ne m’avez jamais fourni non plus de liste de vos fonctions manquantes, même lorsque je vous ai demandé de les « souligner » dans la nouvelle description générique proposée. En termes clairs, jusqu’à maintenant, vous vous êtes concentré à tenter de faire reconnaître vos compétences en fournissant 3 descriptions de travail distinctes par secteurs d’activités. Vous comprenez maintenant pourquoi cette approche ne fonctionnera pas, notamment du fait que les syndicats ne plaideront généralement pas en faveur du retrait de fonctions d’une description de travail.

2. Ceci étant dit, vous semblez maintenant vouloir faire valoir les « fonctions qui manquent » dans votre description de travail actuelle […] Il n’en tient qu’à vous de me fournir une liste de ces fonctions qui manquent dans votre description de travail actuelle, de donner des exemples du travail effectué, et des preuves que l’employeur a exigé ce travail ou savait que vous le faisiez à la suite de l’exigence de l’employeur […]

[…] vous devez vous assurer que ces fonctions ne sont pas déjà intégrées dans votre description de travail existante et elles doivent être « considérablement différentes ».

[…] si vous désirez emprunter cette voie, je propose que Phil et 1 ou 2 autres personnes puissent passer en revue la description de travail de l’agent de santé et de sécurité afin de déterminer s’il y a des fonctions qui valent la peine d’être débattues. Si certains d’entre vous voulez également le faire, ou si vous estimez que des fonctions manquantes pourraient ou devraient être ajoutées, compte tenu de ce qui précède, vous pouvez également le faire. Je n’ai pas encore retiré officiellement la représentation syndicale de vos dossiers, et je serais prête à revoir des fonctions manquantes – si elles sont fournies d’ici les 2 prochaines semaines – soit d’ici le 17 octobre 2011.

[…] Je ne veux pas susciter des attentes. Même en présence de fonctions additionnelles substantiellement différentes, vous demeurez confronté à l’obstacle de l’existence du poste de conseiller technique (PM‑05) dans la structure organisationnelle qui vous empêchera d’obtenir une classification supérieure. Je ne vois pas de façon de contourner ce problème, sauf si le PM-05 déposait un grief avec succès et d’après ce que je constate, cela ne se produira probablement pas.

[…] consultez la Procédure du règlement des griefs de classification du Conseil du Trésor ci-après à la section VI, alinéa B, paragraphe 2 qui traite de l’importance d’une décision « définitive et obligatoire » et de la nécessité de prouver des « changements appréciables » par la suite.

[…]

On se parle sous peu. Veuillez fournir cette information d’ici le 17 octobre si vous voulez que je révise de nouveau le dossier, en gardant à l’esprit les restrictions aux possibilités de reclassification à la hausse.

[…]

70 Le courriel de Mme Myles daté du 3 octobre 2011, qui a été envoyé à un certain nombre de personnes, dont MM. Ollenberger, Grundie et Healey, ainsi que le défendeur et M. Kennedy, a fait l’objet d’une réponse le même jour de la part de M. Ollenberger. D’après le courriel de M. Ollenberger, il semblerait qu’il a répondu à toutes les personnes qui ont reçu le courriel précédent de Mme Myles. M. Ollenberger, dans sa réponse à Mme Myles, affirmait ce qui suit :

[Traduction]

Je vous recommanderais, membres de l’élément national, de consacrer un peu de temps à lire les documents que nous vous avons fait parvenir. Nous ne les avons pas regroupés parce que nous avions besoin de quelque chose à faire. Ces documents ont pour but de vous exposer clairement notre dossier afin que vous puissiez procéder à un examen de spécialiste et élaborer une stratégie pour aller de l’avant.

Les différences entre les descriptions de travail que nous proposons et la description de travail actuelle sont évidentes. Il ne sert à rien de ramener les documents à de simples « fonctions additionnelles ».

L’importance de ce grief réside dans les détails comme en font foi les descriptions de travail proposées. Les détails de ce que nous faisons exposent tout le contexte d’une révision de la classification et ils ne sont pas représentés dans la description de travail générique actuelle.

[…]

71 La pièce C-1, onglet 49 est une chaîne de courriels. Le dernier courriel de la chaîne, daté du 3 octobre 2011 à 11 h 04 et envoyé par M. Ollenberger au défendeur et à plusieurs autres personnes, dont MM. Healey, Grundie, Kennedy et Picciano, expose ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Mes membres estiment qu’il serait inacceptable que notre grief soit écarté sur la base d’un examen superficiel et de commentaires spontanés de l’adjoint de classification de l’AFPC.

Pire encore, nous n’avons pu participer adéquatement à la discussion parce qu’elle est survenue au cours d’une conférence téléphonique de dernière minute dont la plupart des fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas été adéquatement informés.

Des changements nombreux et substantiels à notre travail ne sont pas représentés dans la description de travail actuelle. Le caractère superficiel de l’examen de la classification ressort du fait que l’adjoint de classification a ignoré ce fait.

Avant d’abandonner un grief si substantiel et largement reconnu, je m’attendrais à ce que le personnel de classification de l’AFPC effectue au moins un examen formel des descriptions de travail distinctes proposées. Cet examen formel devrait emprunter la voie d’un véritable examen de la classification et doit donner lieu à la classification prévue pour chaque description de travail, qui se fonde sur un classement par points et sur des postes comparables qui sont à la base du classement.

72  La pièce C-1, onglet 51, est une autre chaîne de courriels. Le dernier courriel de cette chaîne est daté du 3 octobre 2011, à 7 h 12, et a été envoyé par M. Healey à un certain nombre de personnes, dont le défendeur, MM. Ollenberger, Grundie, Kennedy et Picciano et Mme Myles. M. Healey déclare ce qui suit :

[Traduction]

Autrement dit, voici notre position […] Nous avons inclus toutes les fonctions que nous exerçons dans les descriptions de travail proposées que nous avons présentées. Les renseignements ayant trait aux autres postes d’autres ministères ont été produits comme preuve que nous ne sommes pas traités équitablement dans l’évaluation de nos fonctions.

Ma demande d’obtenir de l’aide spécialisée en matière syndicale fait référence au regroupement des renseignements que nous avons fourni au syndicat. Nous avons besoin d’aide et de conseils dans le cadre de l’examen de cette situation. Nous avons besoin de conseils syndicaux spécialisés sur la façon de faire valoir nos arguments. Pour nous, il est tout à fait inutile qu’un agent de classification de l’AFPC affirme que la dernière description de travail est finale et exécutoire, et qu’il nous conseille de nous chercher un emploi ailleurs.

Je ne comprends pas pourquoi nous devons présenter nos griefs de nouveau. Le grief est le même, et nous croyons que l’employeur n’a pas fourni une description de travail véritable et exacte. Pourquoi perdons-nous notre temps à faire des pieds et des mains plutôt que de discuter des questions importantes ici?

Je comprends que le véritable problème est que le syndicat ne veut pas subdiviser les descriptions de travail en trois postes. D’accord. Regroupons toutes les fonctions et combinons-les en une description de travail concise et détaillée.

73 La pièce C-1, onglet 53 est une autre chaîne de courriels. Les courriels à cet égard traitent du poste de conseiller technique PM-05 et de son rapport avec les AAT. Le 7 octobre 2011, à 7 h 37, M. Healey a fait parvenir un courriel à un certain nombre de personnes, dont le défendeur, MM. Ollenberger, Grundie, Kennedy et Picciano et Mme Myles. M. Healey déclare ce qui suit :

[Traduction]

[…] nous avons discuté du fait que la structure du Programme du travail constitue un obstacle possible à l’obtention d’un groupe et niveau TI-06 par les AAT en raison du PM‑05. J’ai vérifié la question, et les postes de PM-05 sont ceux des conseillers techniques. Les AAT ne relèvent pas du conseiller technique, mais plutôt des gestionnaires qui sont de niveau PM-06 ou plus. Cela ne devrait pas nuire à l’évolution de notre grief et à une reclassification éventuelle.

74 Mme Myles a répliqué au courriel de M. Healey daté du 7 octobre 2011 à 7 h 37 par un courriel envoyé le même jour à 10 h 44. Voici la réplique de Mme Myles :

[Traduction]

J’ai joint un rapport du Comité de classification. Je sais que ça porte à confusion parce que votre organigramme indique que vous relevez du PM-06.

Toutefois, cette question a été abordée dans le rapport à la page 3. Bien que le PM-5 ne vous supervise pas, il joue effectivement un rôle que le comité a manifestement pris en compte.

Je sais que cette situation est frustrante pour vous tous, mais je crois que le rapport comme tel éclairera les questions qui ont été traitées par l’agent de classification.

75 Le 11 octobre 2011, à 8 h 58, M. Healey a répliqué au courriel de Mme Myles du 7 octobre 2011, envoyé à 10 h 44, qu’elle avait également transmis au défendeur, à MM. Ollenberger, Grundie, Kennedy et Picciano, ainsi qu’à d’autres personnes. M. Healey déclare que rien dans la décision de CEGC ne constituerait un obstacle au grief sur une description de travail et à la reclassification éventuelle du poste. Mme Myles a répondu à ce courriel le 11 octobre 2011, à 10 h 29, en affirmant ce qui suit :

[Traduction]

Comme l’a dit Jacqueline – cette décision est exécutoire sauf s’il y a une réorganisation. Des arguments ont été présentés sur la question – la décision demeure.

Vous ne pouvez y échapper.

Je m’excuse – ne dépend pas de moi.

76 La pièce C-1, onglet 56, est une autre chaîne de courriels. Le 11 octobre 2011, à 9 h 45, M. Healey a répondu au courriel de Mme Myles daté du 11 octobre 2011, à 8 h 58. Dans ce courriel, qui a également été envoyé au défendeur et à MM. Ollenberger, Grundie, Kennedy et Picciano, ainsi qu’à de nombreuses autres personnes, M. Healey réaffirme la position adoptée par les AAT plaignants au sujet du poste de conseiller technique PM-05. Il ajoute qu’il se consacrait au remaniement d’une description de travail générale. Le 17 octobre 2011, à 22 h 27, Mme Myles a fait parvenir une réponse au courriel de M. Healey daté du 11 octobre 2011, envoyé à 9 h 45, qui avait également été envoyé au défendeur, à MM. Ollenberger, Grundie, Kennedy et Picciano, ainsi qu’à d’autres personnes. Dans ce courriel, Mme Myles affirme ce qui suit :

[Traduction]

Simplement pour confirmer – vous avez jusqu’au 30 octobre pour me fournir une « liste de fonctions » que vous exécutez et qui ne sont pas contenues dans la description de travail existante, ainsi que la preuve que vous effectuez ce travail et que l’employeur l’a demandé. Je la passerais alors en revue pour m’assurer que ces fonctions ne sont pas déjà intégrées à la description de travail existante. Rappelez-vous – ces fonctions doivent être substantiellement différentes de celles qui sont maintenant décrites.

Ceci étant dit, je réitère ceci : L’AFPC a déterminé qu’elle n’assurera pas la représentation relativement aux griefs de classification tant qu’existera la structure organisationnelle actuelle avec le poste de PM-05 en place. Ce poste existe et l’employeur a des attentes à l’égard de ce poste. Si vous désirez effectuer le travail et tenter de faire modifier votre description de travail, cela ne modifiera ni la structure organisationnelle ni la décision de l’AFPC de ne pas assurer de représentation dans les griefs de classification sur cette base. Je veux seulement m’assurer que vous ne vous attendrez pas à ce que cette décision change.

77  M. Healey a répliqué au courriel de Mme Myles du 17 octobre 2011, à 22 h 27, par un courriel daté du 20 octobre 2011, à 6 h 01, qui avait également été envoyé au défendeur, à MM. Ollenberger, Grundie, Kennedy et Picciano, ainsi qu’à d’autres personnes. Dans ce courriel, M. Healey déclare ce qui suit :

[Traduction]

Je ne perds plus mon temps avec cette question. Cette situation est beaucoup plus complexe que la simple correction d’une description de travail. J’ai tenté de collaborer avec le syndicat pour régler la question, mais le syndicat n’est pas intéressé à trouver une solution. Il est évident que le syndicat ne collaborera pas avec l’équipe des agents du travail qui s’emploient à réparer une injustice. Une erreur a été commise, et elle doit être corrigée, mais je n’en assumerai pas la responsabilité seul. La situation s’est développée comme si le syndicat et l’employeur sont du même côté, en lutte contre les agents.

78 Le 8 novembre 2011, Mme Myles a écrit aux AAT impliqués dans les griefs de 2010 et les a informés de ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme je n’ai pas reçu de liste des fonctions manquantes dans les descriptions de travail existantes à des fins d’examen, il sera mis fin à vos griefs sur le contenu de vos emplois et à vos griefs de classification. J’informerai l’employeur que le syndicat n’assurera pas de représentation dans ces dossiers.

[…]

79 Le 9 décembre 2011, l’employeur a écrit aux AAT qui avaient déposé des griefs pour les informer que comme l’agent négociateur n’appuyait pas les griefs, l’employeur n’en accepterait pas la présentation.

80 M. Grundie n’a pas témoigné devant moi.

81 Mme Myles n’a pas témoigné devant moi.

82 M. Healey n’a pas témoigné devant moi.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les plaignants

83 Les plaignants ont fait valoir que la description de travail est un document à objets multiples. Elle doit être exacte et refléter ce que font les employés. Elle ne traite pas seulement de classification.

84 Les plaignants ont déclaré que dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et al., [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada a établi que les principes suivants forment le devoir de représentation équitable de l’agent négociateur :

  1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.
  2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.
  3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.
  4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.
  5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

85 Les plaignants ont déclaré que l’arbitraire est défini dans Jakutavicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada,2005 CRTFP 70, et qu’il comprend les gestes ou les omissions de la part de l’agent négociateur qui excèdent les limites d’un pouvoir discrétionnaire raisonnablement exercé. Pour qu’un agent négociateur soit considéré comme ayant eu une conduite arbitraire, il doit ne pas s’être engagé dans un processus de prise de décisions rationnelle ou ne pas en être arrivé à un jugement réfléchi.

86 Les plaignants ont fait valoir qu’ils ont fourni au SEN une trousse de documents, qui établissaient selon eux que même en modifiant la description de travail, il n’y avait qu’un risque limité de classification à la baisse. La trousse de documents a été envoyée par courrier. Seulement deux jours après réception de celle-ci, une conférence téléphonique a eu lieu pour discuter des griefs de 2010. Les plaignants ont déclaré que le défendeur n’a pas présenté d’éléments de preuve établissant qu’un examen des documents envoyés a eu lieu.

87 Les plaignants ont déclaré ne pas avoir reçu d’analyse explicite du grief de 2010; il n’y a eu qu’un examen superficiel. Ils ont fait valoir que le défendeur s’est appuyé sur une hypothèse générale selon laquelle si les fonctions ne sont pas ajoutées, un rehaussement de classification n’aura pas lieu.

88 Les plaignants ont invoqué Cousineau c. Walker et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 68, au paragraphe 30, qui expose ce qui suit :

Ce qui est requis pour étayer une allégation de mauvaise foi ou d’agissement arbitraire ou discriminatoire a fait l’objet de bon nombre de décisions de la Commission. Ainsi, dans Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95, la Commission a renvoyé à certains des cas ayant fait jurisprudence en la matière de la façon suivante :

22. Sur le terme arbitraire, la Cour suprême du Canada, dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James,2001 CSC 39, écrit au paragraphe 50:

Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée […]

[…]

23. Dans International Longshore and Warehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd. et al., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour d’appel fédérale, sur la question du caractère arbitraire d’une décision, écrit que, pour faire la preuve d’un manquement au devoir de représentation équitable, « […] le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles ».

89 D’après les plaignants, le SEN n’a pas compris l’essence des griefs de 2010; il aurait dû passer en revue les faits pertinents. Le SEN n’a pas discuté avec les fonctionnaires s’estimant lésés de la stratégie à adopter et il n’y a pas eu d’engagement honnête. Selon les plaignants, le SEN aurait dû procéder à un examen de base et parler aux gens, ce qui n’a pas été fait.

90 Les plaignants ont fait valoir que le SEN n’a fait qu’un examen superficiel. Rien de ce que le défendeur a fourni ne laisse croire le contraire. D’après les plaignants, ils ne parlaient pas seulement de réécrire ce qu’ils faisaient dans le cadre de leurs emplois. Le SEN aurait dû s’informer davantage sur le bien-fondé des griefs de 2010. Il ne peut être établi que Mme Myles a procédé à un examen éclairé.

91 Les plaignants ont déclaré qu’ils avaient droit à un processus vigoureux, ce dont ils n’ont pas bénéficié. Ils n’ont pas obtenu un véritable examen des griefs de 2010, seulement un examen apparent. Ils ont déclaré que le défendeur n’avait pas demandé de détails des descriptions de travail et de descriptions de travail de comparaison; ils étaient satisfaits de s’en remettre à des hypothèses générales. Cela ne démontre pas un niveau de compétence de base et ce n’était pas un processus équitable. Au mieux y a‑t‑il eu un examen superficiel des documents, ce qui ne suffit pas pour résister au critère de l’arbitraire.

92 Les plaignants ont déclaré que les griefs de 2010 portaient sur la description de travail de 2004 et qu’elle n’était pas à jour. Le SEN les a plutôt fait porter sur la classification. M. Ollenberger a déclaré qu’il possède une maîtrise en santé et sécurité au travail et 15 ans d’expérience dans ce domaine précis. Il a déclaré que si la description de travail n’est pas exacte, il s’agit d’un risque véritable pour un employé. Il a déclaré qu’il ne s’acquitte pas des tâches de protection contre les incendies ni de celles qui sont liées aux normes du travail. Il n’est ni formé ni qualifié pour s’acquitter de ces tâches.  

B. Pour le défendeur

93 Le défendeur a fait valoir que le SEN et l’AFPC sont, par nature, coincés entre l’arbre et l’écorce. Les agents négociateurs doivent parfois prendre des décisions difficiles au sujet des griefs qu’ils appuient et de ceux qu’ils ne soutiennent pas.

94 En 2004, après une longue médiation sur la description de travail des AAT qui existait à cette époque, un règlement a été conclu entre le SEN et l’AFPC, d’une part, et l’employeur, d’autre part, par lequel il a été convenu que la description de travail de 2004 était la description de travail exacte des AAT. Cette description de travail de 2004 a été envoyée à la classification dans le cadre du règlement obtenu par médiation, et le niveau de classification ainsi obtenu n’était pas celui que les AAT avaient souhaité. Les AAT ont présenté un grief concernant la classification de la description de travail de 2004 qui a été entendu par un CEGC, qui a rendu une décision ayant été acceptée par l’administrateur général le 27 août 2007. La décision de 2007 du CEGC s’est traduite par un changement de groupe et de niveau de classification (TI-05), qui a entraîné une classification globale plus élevée et un salaire accru pour tous les AAT.

95  Ce qui pose problème, c’est que la description de travail de 2004 ne reflète peut-être pas avec exactitude le travail des AAT; il pourrait bien y avoir trois secteurs d’activités distincts, et M. Ollenberger peut seulement faire le travail d’un ASST. Le problème, c’est que si la description de travail de 2004 fait l’objet d’un grief que l’employeur accepte, la description de travail pourrait bien être divisée en trois. Ainsi, lorsqu’elle est envoyée à la classification, il pourrait en résulter une classification à la baisse d’un ou plusieurs des trois secteurs d’activités, ce qui donnerait lieu à un salaire plus bas.

96 L’agent négociateur doit soupeser les risques de poursuivre un tel grief en regard de la perte d’avantages obtenus de haute lutte. C’est la raison pour laquelle il a passé par le processus exécuté avec les plaignants lorsqu’ils ont déposé les griefs de 2010.

97 L’agent négociateur a affecté l’AGAG Myles pour représenter les plaignants dans les griefs de 2010. L’affaire a également été renvoyée à une spécialiste de la classification, Mme Préfontaine-Moore. Le SEN et l’AFPC ont évalué qu’il n’était pas dans leurs intérêts et dans ceux de l’ensemble de leurs membres de renvoyer les griefs de 2010 à l’arbitrage.  

98 Dans Cousineau, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a déclaré ce qui suit au paragraphe 29 :

29. Aussi, tel qu’évoqué dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, il ne revient pas à la Commission de déterminer si la décision des défenderesses de ne pas représenter la plaignante était judicieuse ou adéquate, prise de bonne ou de mauvaise foi, voire bien fondée ou mal fondée. La Commission doit plutôt statuer si les défenderesses ont agi de mauvaise foi, ou de manière arbitraire ou discriminatoire, dans le cadre du processus décisionnel menant à leur réponse en ce qui avait trait à la représentation de la plaignante.

99 La décision Cousineau définit en outre comme suit ce que signifie l’arbitraire, en citant le passage suivant du paragraphe 30 de Ménard rendue par la Commission :

22. Sur le terme arbitraire, la Cour suprême du Canada, dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, écrit au paragraphe 50 :

Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée […]

23. Dans International Longshore and Warehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd. et al., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour d’appel fédérale, sur la question du caractère arbitraire d’une décision, écrit que, pour faire la preuve d’un manquement au devoir de représentation équitable, « […] le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles ».

100 Le défendeur a également fait valoir que d’après Cousineau, lorsqu’un agent négociateur agit en se fondant sur des facteurs qui s’appliquent de manière pertinente au lieu de travail ou à son travail qui consiste à représenter les employés, il est libre de décider quelle est la meilleure ligne de conduite, et cette décision n’équivaut pas à une violation du devoir de représentation équitable.

101 Le défendeur a invoqué Gabris c. D’Souza et Burt, 2013 CRTFP 47, relativement à la proposition selon laquelle la barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire — ou discriminatoire ou de mauvaise foi — est placée très haute à dessein.

102 La décision Gabris soutient que l’insatisfaction à l’égard de la décision d’un agent négociateur de ne pas poursuivre un grief ne justifie pas une allégation selon laquelle l’agent négociateur a agi de façon arbitraire ou a manqué à son devoir de représentation équitable. Le plaignant doit prouver que tel était le cas.

103 Le défendeur soutient que le SEN et l’AFPC ont évalué le bien-fondé des griefs de 2010 et ont pris une décision éclairée. La décision ne correspond pas à la définition d’arbitraire telle qu’elle est établie par la jurisprudence et à ce titre, la plainte doit être rejetée.

104 Le défendeur, en plus de demander le rejet de la plainte, a demandé que je me serve de mon pouvoir discrétionnaire et que j’aie recours à des termes convaincants pour dissuader les plaignants de poursuivre de nouveau cette affaire. Le SEN et l’AFPC ont consacré beaucoup de temps et d’argent à cette affaire compte tenu du nombre de griefs et de plaintes déposés depuis la description de travail de 2004 et la décision de 2007 du CEGC.  

C. Réplique du plaignant

105 Les plaignants ont fait valoir que l’argumentation du défendeur selon laquelle ils devraient cesser de poursuivre les griefs est inacceptable. Il n’y a pas eu de procédure.

106 Les plaignants ont fait valoir qu’il n’y a aucun risque, que les descriptions de travail peuvent être remaniées et qu’elles pouvaient être bien comprises.

IV. Motifs

107 Une plainte déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi doit alléguer une pratique de travail déloyale au sens de l’article 185, qui se lit comme suit :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

108 Le volet de l’article 185 de la Loi auquel le plaignant fait référence est l’article 187 selon lequel une organisation syndicale est tenue de s’acquitter d’un devoir de représentation équitable :

187.Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

109 Afin que la plainte des plaignants soit accueillie, ceux-ci devaient établir que le défendeur a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en les représentant.

110 La Commission a souvent déclaré qu’un plaignant a le fardeau d’établir une preuve prima facie de l’existence d’une pratique déloyale de travail. (Voir, par exemple, Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28; Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64; Baun c. Élément national de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 127.)

111 Dans l’argumentation qui m’a été présentée, les plaignants ont fait valoir qu’ils n’alléguaient pas de la mauvaise foi ou une pratique discriminatoire, mais seulement que les gestes du défendeur étaient arbitraires.

112 D’abord et avant tout, la plainte doit être rejetée, car aucune preuve de conduite arbitraire de la part du défendeur n’a été présentée. Rien ne prouve que le défendeur a pris part de quelque façon que ce soit à la prise de décisions concernant les questions touchant les griefs sur la description de travail et les griefs de classification. Bien que le défendeur ait été pendant toute la période pertinente le président du SEN, rien n’établissait, ni par des éléments de preuve ni par une argumentation, que les gestes des autres agents ou employés du SEN pouvaient rendre le défendeur responsable du fait d’autrui.

113 Malgré ma conclusion énoncée au paragraphe 112, je dois traiter de la preuve et des arguments qui m’ont été présentés, car ils touchent les gestes du SEN et des agents et employés contre lesquels les allégations contenues dans la plainte étaient dirigées.

114 Le thème sous-jacent de cette plainte a trait à l’interprétation et à l’application de la clause 57.01 de la convention collective, selon laquelle :

Sur demande écrite, l’employé-e reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

115 La présente plainte tire son origine d’un règlement obtenu par la médiation ayant eu lieu il y a près de 10 ans lorsqu’en 2004, des griefs sur les descriptions de travail des AAT ont donné lieu à une description de travail générique, désignée dans la présente décision sous le nom de description de travail de 2004. Dans ce règlement, les descriptions de travail de tous les AAT des trois secteurs d’activités différents, les ASST, les ANT et les IPI, ont été regroupés dans la description de travail de 2004.

116  La description de travail de 2004 a été classée par l’employeur, ce qui n’a pas été jugé acceptable pour les fonctionnaires s’estimant lésés à l’époque, et a donné lieu à un grief de classification. En vertu de l’alinéa 11.1(1)b) de la LGFP, la classification est réservée au Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor a établi une procédure de règlement des griefs de classification, dont copie m’a été fournie en tant que pièce C-1, onglet 48. Un CEGC a été saisi du grief de classification de la description de travail de 2004 et a publié son rapport le 21 août 2007, rapport qui a été accepté par la personne désignée par l’administrateur général le 27 août 2007 (la décision de 2007 du CEGC). Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été présentée et elle a été abandonnée ultérieurement.

117  Dans le cadre de la procédure de règlement des griefs de classification, une description de travail ne sera pas étudiée par un CEGC si les parties n’ont pas convenu de l’exactitude de la description de travail qui fait l’objet du grief de classification. C’est ce qui est énoncé à la pièce C-1, onglet 48, dans la section IV, « Mesures préliminaires », rubrique A, « Examen initial du grief de classification », au paragraphe 5 :

5. Un grief de classification ne sera pas considéré recevable lorsque le contenu de la description de travail est contesté. Le ministère avertira le plaignant et/ou son représentant qu’un nouveau grief de classification devra être soumis lorsque le contenu de la description de travail aura été réglé. Le ministère doit réviser la nouvelle description d’emploi et émettre une nouvelle décision de classification, qu’il y ait eu un changement ou non à la description de travail et ce, afin de permettre à l’employé de soumettre un nouveau grief de classification.

118 D’après la décision de 2007 du CEGC, l’audition du CEGC a eu lieu le 14 juin 2007. Ce qui n’a pas été déposé en preuve, c’est une explication de l’écart factuel dans les tâches et les fonctions exactes des AAT au moment de l’audition du CEGC. D’après le paragraphe 5 de l’ECF, en avril 2006, l’employeur avait modifié sa pratique de formation polyvalente des AAT dans au moins deux des trois secteurs d’activités et avait commencé à utiliser les AAT dans un seul secteur d’activités. M. Ollenberger, dans son témoignage devant moi, a également déclaré que c’était un fait. M. Grundie, dans sa correspondance avec l’élément national de l’AFPC en février 2010, a déclaré ce qui suit : [traduction] « Dans la région Pacifique nord-ouest, les 3 secteurs d’activités ont été intégrés depuis le 1er avril 2006, soit il y a près de quatre ans. »

119 D’après la preuve documentaire et le témoignage de M. Ollenberger, il est clair que lorsque l’audition du CEGC a eu lieu en juin 2007 et que la décision de 2007 du CEGC a été rendue, la description de travail qui était présentée par les AAT n’était pas valide. C’est quelque chose dont MM. Ollenberger et Grundie auraient été au courant car ils faisaient partie du groupe de fonctionnaires s’estimant lésés qui ont déposé les griefs de classification sur la description de travail de 2004. De fait, M. Grundie était le représentant principal pour le compte des fonctionnaires s’estimant lésés à l’audience du CEGC de 2007. Cela soulève la question de savoir quelle était la véritable situation relativement aux AAT et à leur description de travail quand le CEGC a entendu le grief de classification en juin 2007. D’après la preuve documentaire et les témoignages qui m’ont été présentés, la description de travail de 2004 n’était ni exacte ni valide, selon les fonctionnaires s’estimant lésés, pendant au moins un an avant l’audition du CEGC.

120 S’il y a des doutes à ce sujet, ceux-ci sont effacés par la note de service envoyée par M. Grundie à MM. Marshall et Kennedy et à Mme Myles le 12 septembre 2011 (pièce C-1, onglet 10) dans le but de persuader les dirigeants de l’AFPC et du SEN de poursuivre les griefs de 2010. Voici ce qu’il déclarait dans sa note :

[Traduction]

[…]

En plus des descriptions de travail distinctes proposées propres aux divers secteurs d’activités qui ont été préparées plus tôt cette année par nos collègues membres des régions Atlantique et Pacifique nord-ouest, vous trouverez des copies de descriptions de travail de type similaire pour des postes qui existent présentement dans d’autres ministères ou organismes fédéraux – tous à des niveaux de salaire plus élevés (pour des fonctions de type SST, Incendie et Médiation).

[…]

Ces emplois similaires peuvent donc convenir à des fins de comparaison lorsqu’ils sont appariés aux descriptions de travail distinctes par secteur d’activités que nous avons proposées en remplacement de la description de travail générique actuelle des AAT.

Cette question s’est révélée litigieuse pendant très longtemps. J’ai été personnellement impliqué dans cette question depuis le début des années 1990 et j’ai représenté les AAT à deux audiences sur la classification. […]

Nous contestons la description de travail des AAT actuelle parce qu’elle décrit un emploi qui n’existe tout simplement plus […] le Programme du travail de RHDCC a officiellement commencé à retourner à 3 secteurs d’activités distincts le 1er avril 2006 quand la région Pacifique nord-ouest a formellement établi 3 secteurs d’activités distincts […] les 3 secteurs d’activités distincts relevant de trois gestionnaires différents. À partir de ce moment, personne ne se spécialisait dans une discipline tout en acquérant des connaissances générales dans une autre. Les personnes nouvellement embauchées étaient expressément recrutées pour l’une des 3 disciplines. Il n’y avait plus de « formation polyvalente ». Je crois par conséquent que l’on peut faire valoir qu’au 1er avril 2006, le Programme du travail avait l’obligation de fournir à ceux et celles de la région PNO de nouvelles descriptions de travail, qui décrivent avec exactitude ce que chacun d’entre nous fait dans des disciplines distinctes.

[…]

Je crois que l’évolution du ministère vers des secteurs d’activités distincts en 2006 nous a fourni l’occasion de tenter de nouveau d’obtenir la même reconnaissance et le même salaire dont bénéficient les employés d’autres ministères et organismes fédéraux qui exercent des fonctions similaires. […]

121 Une quantité importante de documents ont été fournis, et j’ai pris connaissance des propos de M. Ollenberger selon lesquels la description de travail de 2004 ne convenait pas à son travail d’ASST. De plus, j’ai reçu de nombreux documents sur la classification, et j’ai entendu M. Ollenberger dire comment la classification d’une nouvelle description de travail d’ASST pourrait être maintenue au niveau TI-05, voire haussée à un niveau de classification plus élevé. Toutefois, il ne s’agit pas d’un grief sur un exposé des fonctions ni d’un grief de classification. C’est une plainte de pratique déloyale de travail qui allègue que le défendeur a agi de façon arbitraire en n’appuyant pas le grief sur l’exposé des fonctions. La question en litige ne consiste pas à déterminer si l’argument selon lequel un grief sur l’exposé des fonctions aurait pu être maintenu était fondé ou si un niveau de classification plus élevé aurait pu être obtenu.

122 Les descriptions de travail ne sont pas négociées; elles sont établies par l’employeur. C’est la même chose dans le cas des niveaux de classification. Ce qui a été négocié et ce qui est contenu dans la convention collective est tout simplement qu’un employé qui est membre de l’unité de négociation a le droit de recevoir une description de travail à jour et complète qui fait état du groupe et du niveau de classification et qui comprend une copie de l’organigramme.

123 Ni les employés ni l’agent négociateur n’ont le droit de rédiger une description de travail. C’est l’employeur qui décide quelles tâches doivent être exécutées par un employé et qui les attribue. Le SEN tentait de communiquer ce fait important aux plaignants et de leur faire part du risque manifeste de poursuivre l’affaire.

124 Les plaignants ont également fait valoir que la présente affaire ne portait pas sur la classification, mais plutôt sur la description de travail. Ils ont déclaré que les descriptions de travail revêtaient de l’importance pour des motifs autres que la classification. M. Ollenberger a déclaré que la description de travail définit la nature de son travail; elle détermine ce qu’il fait à titre de professionnel, et les employés pourraient être évalués par leurs gestionnaires en regard des tâches qu’ils exécutent, qui sont contenues dans la description de travail. Ces arguments pourraient également trouver application, mais la preuve établit clairement que les griefs de 2010 ne portaient pas sur ces éléments, mais plutôt sur l’objectif d’obtenir une classification plus élevée. Dans les documents et dans les témoignages qui m’ont été présentés, il est clair que l’objectif des griefs de 2007 et des griefs de 2010 consistait à faciliter le changement de classification de TI-05 à TI-06, et que le premier obstacle était la modification de la description de travail.

125  Il apparaît très clairement que les représentants du SEN et de l’AFPC étaient tout sauf arbitraires dans les gestes qu’ils ont posé pour représenter les plaignants. Les représentants du SEN et de l’AFPC ont répété aux plaignants, de vive voix et par écrit, les conditions à remplir pour que le SEN appuie les griefs de 2010, et les motifs de ces conditions. À plusieurs reprises, les plaignants se sont faits dire que pour que les griefs de 2010 soient appuyés, les AAT devaient fournir aux représentants du SEN ou de l’AFPC une liste de tâches qui étaient exécutées par les AAT, qui n’étaient pas déjà contenues dans la description de travail de 2004 et qui leurs avaient été demandées par l’employeur. Les AAT n’ont jamais fourni de liste de tâches.

126 Les représentants du SEN et de l’AFPC ont expliqué clairement aux plaignants que sans tâches additionnelles, les griefs sur la description de travail et les griefs de classification ne seraient pas accueillis. En termes très simples, les plaignants n’ont pas aimé la réponse obtenue des représentants du SEN et de l’AFPC. Bien que les plaignants aient pu à juste titre être frustrés que d’autres emplois ou postes au sein de la fonction publique fédérale ou provinciale aient pu être classés à des niveaux supérieurs ou mieux rémunérés, cela ne signifie pas que le SEN ou l’AFPC a eu une conduite arbitraire en n’appuyant pas les griefs de 2010.

127 Cette absence de volonté d’entendre ce que les représentants du SEN et de l’AFPC leurs disaient est manifeste dans le témoignage concernant le poste de conseiller technique TI-05. Mme Préfontaine-Moore a expliqué pourquoi ce poste, dans la structure organisationnelle dans laquelle il se trouvait, constituait un problème sur le plan de la classification. Mme Préfontaine-Moore a convenu que les AAT ne relevaient pas du titulaire de ce poste; elle a toutefois déclaré, tel qu’il était énoncé dans la décision de 2007 du CEGC, que l’existence du poste dans la structure organisationnelle de l’employeur constituait un obstacle dans le système de classification. C’est ce qui était énoncé clairement dans la décision de 2007 du CEGC et dans le témoignage de Mme Préfontaine-Moore devant moi. De fait, dans la correspondance par courriel postérieure à la conférence téléphonique du 20 septembre 2011, Mme Myles a exposé ce fait brièvement. Les plaignants ont continué d’ignorer ce fait, et ont de nouveau réitéré leur position selon laquelle ce poste de conseiller technique TI‑05 ne pouvait faire obstacle à une classification supérieure.  

128 Dans Cousineau, la Cour suprême, en définissant l’« arbitraire » en rapport avec la représentation syndicale, a déclaré que pour éviter d’être jugé comme ayant agi de façon arbitraire, un syndicat doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant. Ceci étant dit, la Cour suprême a également déclaré que le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée. Dans International Longshore and Warehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd. et al., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour d’appel fédérale a déclaré que pour prouver le caractère arbitraire d’une décision à l’appui d’un manquement au devoir de représentation équitable, le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles. Il m’apparaît clairement que les gestes posés par les représentants du SEN et de l’AFPC étaient tels qu’ils ont excédé les critères énoncés par la Cour suprême et la Cour d’appel fédérale. Les représentants du SEN et de l’AFPC ont fait enquête sur les griefs de 2010, ont examiné les faits pertinents et ont obtenu des consultations au besoin. Rien ne prouve que l’examen effectué par le SEN et l’AFPC était sommaire et superficiel; de fait, la prépondérance de preuve indique plutôt le contraire. Comme l’énonce Gabris, une insatisfaction à l’égard d’une décision de l’agent négociateur ne justifie pas une allégation de conduite arbitraire; il doit y avoir des éléments de preuve à cet égard.

129 La décision du SEN de retirer son appui a été prise après une longue période au cours de laquelle s’est tenu un dialogue exhaustif entre les fonctionnaires s’estimant lésés et les représentants du SEN et de l’AFPC. La décision du SEN et de l’AFPC était énoncée clairement dans la dernière correspondance, dans laquelle ils mentionnaient que malgré le fait qu’ils avaient demandé une liste des fonctions manquantes de la description de travail de 2004, ils n’ont reçu aucune liste. Cette exigence et le raisonnement qui la sous-tend ont été énoncés à plus d’une occasion et ont été répétés pendant un certain nombre de mois. Bien que les plaignants ne soient pas d’accord avec ce raisonnement, ce fait, tel qu’il est énoncé dans Cousineau, n’est pas déterminant pour établir qu’il y a eu une conduite arbitraire ou une conduite équivalant à de la mauvaise foi ou de la discrimination.

130 En plus de demander à la Commission de rejeter la plainte, le défendeur a demandé à la Commission de rendre une décision déclaratoire établissant que la plainte était frivole et qu’elle fait usage d’un libellé fort pour dissuader les plaignants de poursuivre cette affaire. Le défendeur a fait valoir que ce processus s’est révélé long, fastidieux et coûteux. Je suis d’accord avec ces prétentions du défendeur. Bien que les plaignants puissent être frustrés de leurs descriptions de travail et de leur niveau de classification, ces frustrations ne devraient pas nécessairement être orientées vers le défendeur, le SEN ou l’AFPC.

131 La convention collective accorde à l’agent négociateur seulement une capacité limitée de modifier les descriptions de travail et les niveaux de classification. En 2004, un règlement obtenu par la médiation a mené à la description de travail de 2004, ce qui a fini par mener à la décision de 2007 du CEGC ayant augmenté la classification des AAT de PM-04 à TI-05. Depuis, les AAT ont déposé les griefs de 2007, la plainte de 2008 sur le DRE, les griefs de 2010 et la plainte sur cette même question; ils ont tous été déposés après le contrôle judiciaire avorté de la décision de 2007 du CEGC. Les plaignants sont manifestement mécontents de leurs descriptions de travail et de leur niveau de classification; toutefois, le défendeur, le SEN et l’AFPC ont un pouvoir limité dans ces domaines et ont toujours agi de manière appropriée. Le SEN et l’AFPC n’ont pas des ressources illimitées et peuvent faire seulement ce que leurs ressources leurs permettent de faire. Le fait de consacrer des ressources précieuses et limitées à une question comme celle-ci encore et encore lorsqu’il n’y a pas de changements limite les mesures qu’ils peuvent prendre dans d’autres différends pour leurs membres avec divers employeurs de l’ensemble de la fonction publique qui nécessitent de l’attention et de la représentation.

132 Dans Steiner c. Canada, 1996 CanLII 3869 (CF), la Cour fédérale a défini une procédure vexatoire comme une procédure qui est entreprise malicieusement ou sans cause probable, ou qui ne mène à aucun résultat pratique. Dans Yearsley c. La Reine, 2001 CFPI 732, la Cour a déclaré au paragraphe 14 que les termes frivole et vexatoire définissent une réclamation qui ne peut manifestement pas être accueillie.

133 Pour les motifs que je viens d’énoncer, je déclare que les gestes posés par les plaignants dans le cadre du dépôt de cette plainte étaient vexatoires.

134 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

135 La présente plainte est déclarée vexatoire.

136 La plainte est rejetée.

Le 7 février 2014.

Traduction de la CRTFP

John G. Jaworski,
une formation de
la Commission des relations de travail dans la fonction publique






ANNEXE A

Lance Labby

Lee Chiman

Philip Healey

Mark Fougere

Glen O’Neill

Pierre St-Arnauld

Lorna MacMillan

Dawn Macleod

Kully Poonian

Michael O’Byrne

Lorna Pearce

Holly Mitchell

Marie Krizka

Lisa Pan

Newton Eng

Charan Bhullar

Melinda Der

David Montrose

Arthur Ramos

Kimberley Rusnack

Francis Healey

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