Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Après qu’un poste des groupe et niveau AS-07 a été reclassifié au niveau EX-01, l’intimé a nommé le titulaire de ce poste au poste reclassifié. Les plaignants affirment que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel envers la personne nommée. Ils affirment également que la personne nommée ne possédait pas toutes les qualifications essentielles liées à l’expérience et aux connaissances et que les membres du comité d’évaluation n’étaient pas qualifiés pour l’évaluer. Décision En premier lieu, le Tribunal a déterminé que lorsque les plaintes ont été présentées, les plaignants souhaitaient être nommés au poste, et donc, qu’ils avaient le droit de présenter une plainte. Le Tribunal a conclu que l’intimé n’a pas reclassifié le poste, puis choisi un processus de nomination non annoncé afin de favoriser personnellement la personne nommée. Le recours à un processus non annoncé était conforme à la directive et aux lignes directrices applicables. En outre, les plaignants n’ont pas prouvé que la personne nommée ne possédait pas les qualifications essentielles liées à l’expérience et aux connaissances. Ils ne sont pas non plus parvenus à démontrer que les membres du comité d’évaluation n’étaient pas qualifiés pour évaluer la personne nommée pour ce poste ou qu’ils n’ont pas évalué la qualification relative aux connaissances de façon appropriée. Le Tribunal a conclu que la justification écrite relative à la nomination n’expliquait pas clairement en quoi celle ci était conforme aux valeurs de nomination applicables, et qu’elle aurait dû être terminée avant la publication de la notification de nomination ou de proposition de nomination. Cependant, ces erreurs n’étaient pas suffisamment graves pour constituer un abus de pouvoir. Les plaintes sont rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers :
2011-0632 et 2011-0643
Rendue à :
Ottawa, le 21 novembre 2013

ROBERT CHARTRAND ET CLAUDE BOMBARDIER
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de article 77(1)(a) et
77(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Chartrand c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Référence neutre :
2013 TDFP 31

Motifs de décision


Introduction

1 Les plaignants, Robert Chartrand et Claude Bombardier, sont gestionnaires des enquêtes (AS­06) au sein de la Direction des enquêtes spéciales de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Ils affirment que l’intimé, le sous­ministre de TPSGC, a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’endroit de Ron Milito lorsqu’il a nommé celui­ci au poste reclassifié de directeur, Divulgation et examens spéciaux, au moyen d’un processus de nomination non annoncé. Ils soutiennent également que M. Milito ne possède pas certaines des qualifications essentielles relatives à l’expérience et aux connaissances, que les membres du comité d’évaluation n’étaient pas qualifiés pour l’évaluer, et que l’intimé a enfreint les lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP) et les directives de TPSGC.

2 L’intimé nie toutes les allégations et indique qu’étant donné que les plaignants n’ont pas manifesté d’intérêt personnel pour une nomination au poste en question, ils n’ont pas qualité pour porter plainte en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

3 La CFP n’a pas comparu à l’audience, mais elle a présenté des observations écrites. Elle n’a pas pris position quant au bien­fondé des plaintes.

4 Pour les motifs ci­après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) juge que les plaintes ne sont pas fondées.

Contexte

5 En juin 2008, alors qu’il travaillait à Agriculture et Agroalimentaire Canada, M. Milito a accepté une mutation à un poste de gestionnaire, Enquêtes et divulgations internes (gestionnaire/DI), aux groupe et niveau AS­07, à TPSGC. De l’automne 2009 à l’été 2010, les responsabilités associées au poste ont fait l’objet d’une révision et plusieurs nouvelles tâches ont été ajoutées. Par conséquent, le poste a été renommé directeur, Divulgation et examens spéciaux, et il a été proposé que sa classification passe d’AS‑07 à EX‑01.

6 Le 20 juillet 2010, un comité ministériel responsable de l’évaluation de la classification des postes de direction a approuvé la reclassification du poste aux groupe et niveau EX­01. Ce changement entrait en vigueur le 1er juillet 2010, soit la date à laquelle la dernière version de la description de travail avait été approuvée par le gestionnaire responsable, Frank Brunetta, qui était alors sous­ministre adjoint, Direction générale de la surveillance (SMA/DGS). Le comité a établi que la reclassification découlait d’une évolution des tâches rattachées au poste.

7 Michelle Vautour, conseillère principale en ressources humaines, Direction des services à la direction, a été appelée à conseiller M. Brunetta, qui agissait à titre de gestionnaire subdélégataire, pour la dotation du poste reclassifié. De concert avec M. Brunetta, Mme Vautour a préparé un énoncé des critères de mérite (ECM) comprenant des qualifications essentielles relatives aux études, aux exigences linguistiques, à l’expérience, aux connaissances et aux compétences clés en leadership.

8 Le 12 octobre 2010, le Comité de ressourcement des cadres de TPSGC a approuvé la proposition concernant la nomination de M. Milito au poste EX­01 reclassifié, sous réserve d’une évaluation comprenant une entrevue structurée, un examen SELEX (outil d’évaluation utilisé pour la dotation de postes de niveau d’entrée au sein du groupe EX) et une vérification des références.

9 Un processus de nomination non annoncé a été lancé. En se basant sur sa connaissance personnelle de M. Milito et sur le curriculum vitæ de celui­ci, M. Brunetta a déterminé que M. Milito possédait les qualifications liées à la langue, aux études et à l’expérience, notamment l’« expérience [de la direction de] plusieurs enquêtes concernant de nombreuses allégations, dont certaines de nature très délicate, et de la formulation de recommandations sur les mesures correctives requises » (E­1).

10 Les qualifications essentielles relatives aux connaissances et aux compétences clés en leadership ont été évaluées au moyen d’une entrevue structurée tenue le 16 décembre 2010. Le comité d’évaluation responsable de l’entrevue (le comité), présidé par M. Brunetta, était également composé d’Alex Lakroni, alors sous­ministre adjoint et dirigeant principal des finances, Direction générale des finances, TPSGC, et de Greg Strain, alors directeur‑général, Politiques et programmes agroenvironnementaux, Direction générale des services agroenvironnementaux, Agriculture et Agroalimentaire Canada. Mme Vautour a observé l’entrevue et fourni le soutien nécessaire. Malgré sa nomination au poste d’ombudsman de l’approvisionnement du Canada en janvier 2011, M. Brunetta a continué d’agir à titre de membre du comité et de gestionnaire subdélégataire pour ce processus de nomination.

11 Les membres du comité avaient établi que les questions d’entrevue de M. Milito seraient évaluées selon le principe « réussite ou échec ». Après l’entrevue, ils ont convenu que M. Milito avait démontré qu’il poss'de les qualifications évaluées.

12 La CFP a administré l’examen SELEX, et une vérification des références a été réalisée.

13 En mai 2011, les membres du comité ont reçu les documents d’évaluation (résultats de l’entrevue, de l’examen SELEX et de la vérification des références). Ils ont alors convenu que M. Milito avait démontré qu’il était qualifié pour le poste et ont signé un guide d’intégration qui résumait les résultats de l’évaluation.

14 Le 7 juin 2011, Linda Anglin, qui était alors SMA/DGS par intérim, a signé le Formulaire de mesure en matière de personnel [traduction], approuvant ainsi la nomination.

15 Le 20 juillet 2011, l’intimé a publié une Notification de nomination ou de proposition de nomination (NNPN) concernant la nomination de M. Milito au poste EX­01 à l’issue d’un processus non annoncé. La zone de recours comprenait « les employés de la fonction publique à travers le Canada ».

16 Le 26 juillet et le 2 août 2011 respectivement, M. Chartrand et M. Bombardier ont présenté des plaintes d’abus de pouvoir au Tribunal, en vertu des articles 77(1)a) et 77(1)b) de la LEFP.

17 En août 2011, à la demande de l’unité de dotation ministérielle, Mme Vautour a demandé à M. Milito de fournir une lettre de présentation traitant de ses qualifications pour le poste en question et se rapportant au curriculum vitæ qu’il avait fourni.

18 Le 1er septembre 2011, M. Brunetta a signé une justification appuyant la tenue d’un processus non annoncé pour la nomination de M. Milito. Selon ce document, l’utilisation d’un processus non annoncé était justifiée puisqu’il s’agissait de la nomination d’un fonctionnaire à son poste reclassifié.

19 Le 2 septembre 2011, M. Milito a accepté la nomination au poste EX­01.

Questions en litige

20 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Les deux plaignants ont­ils le droit de porter plainte?
  2. L’intimé a­t­il fait preuve de favoritisme personnel à l’endroit de M. Milito en reclassifiant son poste aux groupe et niveau EX­01 et en le nommant au moyen d’un processus non annoncé?
  3. M. Milito possède­t­il la qualification essentielle relative à l’expérience E­1?
  4. M. Milito possède‑t‑il la qualification essentielle relative aux connaissances C­2?
  5. Les membres du comité d’évaluation avaient­ils les compétences nécessaires pour réaliser l’évaluation?
  6. L’intimé a­t­il enfreint les lignes directrices et les valeurs directrices de la CFP? Dans l’affirmative, ce manquement constitue­t­il un abus de pouvoir?

Analyse

21 L’article 77(1) de la LEFP établit qu’une personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination au motif que la CFP ou l’administrateur général ont abusé de leur pouvoir dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre de l’article 30(2).

22 Aux termes de l’article 30(2) de la LEFP, une nomination est fondée sur le mérite lorsque, selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles, y compris la compétence dans les langues officielles, établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir.

23 La LEFP ne définit pas ce qu’est l’abus de pouvoir, mais l’article 2(4) indique qu’il est entendu que « pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

24 C’est au plaignant qu’il incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir. Voir les décisions Tibbs c. Sous­ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008 et Glasgow c. Sous­ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007.

25 Il est à noter qu’à la demande des plaignants, M. Milito a été appelé à témoigner.Toutefois, dans une lettre de décision datée du 18 avril 2012, le Tribunal a accueilli la demande de M. Milito visant à faire suspendre son assignation à comparaître pour les motifs énoncés dans la décision. M. Milito n’a donc pas témoigné en l’espèce.

Question I : Les deux plaignants ont­ils le droit de porter plainte?

26 Lors de la conférence préparatoire tenue le 29 février 2012, l’intimé a demandé aux plaignants s’ils avaient un intérêt pour le poste. Les plaignants ont indiqué ne pas avoir d’intérêt en raison de la façon dont le processus s’était déroulé. Immédiatement après la conférence préparatoire, l’intimé a présenté une requête visant à faire rejeter les plaintes.

27 Dans sa lettre de décision datée du 23 mars 2012, le Tribunal a indiqué qu’il ne disposait pas de suffisamment d’information pour accueillir la requête de l’intimé. Celle­ci a donc été rejetée, sans toutefois que soit retiré à l’intimé le droit de soulever à l’audience la question de la recevabilité des plaintes.

28 Dans son témoignage, M. Chartrand a reconnu avoir indiqué à la conférence préparatoire qu’il n’avait plus d’intérêt pour le poste. Toutefois, il a ajouté qu’il avait fait cette remarque parce qu’il avait pris connaissance, après avoir déposé sa plainte, de toutes les circonstances entourant le processus de nomination non annoncé, lesquelles faisaient selon lui état d’un manque de transparence. Par conséquent, malgré le fait qu’il entretenait auparavant d’excellents rapports avec M. Brunetta, M. Chartrand ne voulait plus travailler avec lui à compter de ce moment. Dans son témoignage, M. Chartrand a indiqué qu’il aurait envisagé de présenter sa candidature pour le poste si celui­ci avait fait l’objet d’un processus de nomination annoncé.

29 L’audience s’est déroulée sur plusieurs jours au cours de la période s’échelonnant du 11 avril 2012 au 22 mars 2013. Vers la fin de l’audience, M. Chartrand a indiqué qu’il avait récemment quitté la fonction publique pour partir à la retraite.

30 M. Bombardier était présent à l’audience, mais n’a pas été appelé à témoigner.

31 Dans son argumentation finale, l’intimé a de nouveau demandé au Tribunal de rejeter les plaintes de MM. Chartrand et Bombardier.

32 Un plaignant doit être intéressé à être nommé au poste visé par sa plainte. Lorsque le processus de nomination n’est pas annoncé, il est impossible pour le fonctionnaire de présenter sa candidature et d’ainsi manifester son intérêt pour une nomination au poste, comme ce serait le cas si le processus était annoncé. C’est en présentant une plainte au motif qu’il n’a pas été nommé que le fonctionnaire peut exprimer son intérêt. Au moment de la nomination, les deux plaignants faisaient manifestement partie de la zone de recours.

33 Le Tribunal n’estime pas que les commentaires formulés par les participants à une conférence préparatoire constituent des éléments de preuve recevables. À la lumière des explications supplémentaires de M. Chartrand, le Tribunal est convaincu que celui­ci était, au moment de la nomination, intéressé à une nomination au poste, et ce, malgré le fait qu’il ait confirmé dans son témoignage avoir fini par perdre cet intérêt. Par ailleurs, puisqu’il était dûment employé à la fonction publique pour la majeure partie des procédures, son récent départ à la retraite n’annule pas son droit de continuer sa plainte.

34 En ce qui concerne M. Bombardier, l’intimé n’a pas demandé à ce qu’il témoigne et n’a présenté aucune preuve permettant d’établir son manque d’intérêt. Le Tribunal estime donc qu’en présentant sa plainte, M. Bombardier a manifesté un intérêt personnel pour une nomination au poste.

35 La présente affaire se distingue de la décision Doraiswamy c. le sous­ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2011 TDFP 0035, dans laquelle le plaignant avait déclaré explicitement, tant à la conférence préparatoire que durant l’audience, qu’il n’avait aucun intérêt pour le poste.

36 Par conséquent, le Tribunal estime que les plaignants avaient le droit de présenter au Tribunal une plainte en vertu de l’article 77 de la LEFP au motif qu’ils n’avaient pas été nommés en raison d’un abus de pouvoir.

Question II : L’intimé a­-t-­il fait preuve de favoritisme personnel à l’endroit de M. Milito en reclassifiant son poste aux groupe et niveau EX-­01 et en le nommant au moyen d’un processus non annoncé?

37 Les plaignants soutiennent que l’intimé a procédé à une reclassification du poste non pas en raison d’une évolution des tâches associées au poste AS-­07, mais plutôt afin de favoriser personnellement M. Milito. Ils affirment que la description de travail du poste EX-­01 ne fait pas état des tâches réellement effectuées par M. Milito avant la reclassification. Selon eux, l’intimé a créé un nouveau poste EX-­01, lequel aurait dû être doté au moyen d’un processus de nomination annoncé.

La mutation de M. Milito à TPSGC

38 M. Brunetta a expliqué comment M. Milito en est venu à travailler à TPSGC. M. Brunetta a travaillé à Agriculture et Agroalimentaire Canada pendant environ 29 ans, jusqu’en janvier 2007. C’est durant cette période qu’il a rencontré M. Milito, soit au milieu des années 1990. Par la suite, environ de 2002 à 2004, M. Milito relevait de M. Brunetta. En janvier 2008, M. Brunetta a été nommé agent principal de gestion des risques à TPSGC, après quoi M. Milito a été muté à TPSGC, en juin 2008, au poste de gestionnaire/LPFDAR, qui relevait directement de M. Brunetta.

La reclassification du poste de gestionnaire/LPFDAR

39 Dans son témoignage, M. Brunetta a expliqué que les responsabilités rattachées au poste de gestionnaire/LPFDAR avaient changé en raison d’une transformation organisationnelle à l’échelle de la direction générale. Il a rapporté qu’avant la création de la Direction générale de la surveillance, en 2009, les allégations d’actes répréhensibles présentées en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR), ainsi que d’autres types de plaintes, étaient acheminées à différentes directions du ministère, dont la section des LPFDAR.

40 Après avoir été nommé au poste de SMA/DGS, M. Brunetta a indiqué au sous­ministre qu’il était nécessaire, compte tenu de la grande visibilité publique de TPSGC, de veiller à ce que tout comportement inapproprié et acte répréhensible soit traité adéquatement. À TPSGC, le SMA/DGS est l’agent principal autorisé, en vertu de la LPFDAR, à recevoir les divulgations d’actes répréhensibles présentées par des fonctionnaires. Il a été décidé que M. Brunetta accorderait une importance accrue à la divulgation d’actes répréhensibles; pour ce faire, il fallait que toutes les demandes d’enquête découlant de divulgations présentées en vertu de la LPFDAR soient reçues, traitées et coordonnées par le titulaire d’un seul et même poste, qui relèverait de lui. M. Brunetta a indiqué que les discussions avec la Direction générale des ressources humaines (RH) avaient permis de définir l’élargissement des responsabilités du gestionnaire/LPFDAR et que des personnes­ressources avaient ensuite été chargées d’examiner la description de travail de ce poste. Une fois satisfait de la description de travail préparée à sa demande, M. Brunetta l’a approuvée, et la Direction générale des RH a mis en branle les processus nécessaires à son adoption.

41 Plusieurs témoins ont pu confirmer le compte rendu de M. Brunetta concernant les différentes étapes ayant mené à la révision de la description de travail.

42 Josée Descarreaux, alors gestionnaire de la classification des postes de direction, Direction des services à la direction, Direction générale des RH, a affirmé avoir demandé à Jocelyne Proulx, consultante principale chargée de rédiger et de valider les descriptions de travail des postes EX à la Direction générale de la surveillance, de travailler avec M. Brunetta afin de réviser la description de travail du poste de gestionnaire/LPFDAR.

43 Daniel Morin, alors conseiller principal en ressources humaines, Organisation et classification du groupe de la direction, a indiqué que M. Brunetta l’avait informé qu’il avait besoin d’un poste de direction dont le titulaire serait responsable de projets spéciaux et, qu’à cette fin, il souhaitait que le poste occupé par M. Milito soit reclassifié aux groupe et niveau EX­01. M. Morin a indiqué que d’après les évaluations informelles des premières versions de la description de travail révisée, les fonctions décrites correspondaient toujours à celles d’un poste AS­07.

44 Mme Proulx possède une vaste expérience dans le domaine de la conception organisationnelle et de la classification de postes de direction. Elle a confirmé qu’en 2009, elle avait été chargée de mettre sur pied une structure organisationnelle pour la surveillance à TPSGC. Elle était au courant du processus ayant mené à la révision de la description de travail du poste de gestionnaire/LPFDAR. Les divulgations d’actes répréhensibles et les autres plaintes présentées à TPSGC provenaient de sources diverses, et le sous­ministre avait demandé à M. Brunetta d’assumer la responsabilité de plusieurs dossiers délicats. M. Brunetta a par la suite décidé de déléguer cette responsabilité à M. Milito, qui était déjà responsable des questions liées aux divulgations internes d’actes répréhensibles et aux enquêtes connexes. Il était prévu que M. Milito relève directement du SMA/DGS, et que d’autres responsabilités lui seraient confiées.

45 Mme Proulx a expliqué que pendant la rédaction de la description de travail, M. Milito et M. Brunetta lui avaient communiqué des renseignements supplémentaires et donné accès à un registre classifié de dossiers délicats envoyés à la Direction générale de la surveillance, tenu par M. Milito. M. Brunetta a approuvé la version finale de la description de travail au début de juillet 2010.

46 Mme Proulx, à l’instar de Mme Descarreaux, faisait partie du Comité ministériel responsable de l’évaluation de la classification des postes de direction qui s’est réuni le 20 juillet 2010 pour évaluer la description de travail finale et qui a approuvé la classification EX­01 du poste de directeur, Divulgation et examens spéciaux. Étant à l’origine de cette reclassification, M. Brunetta était présent et a exposé le contexte et les renseignements généraux concernant le poste. Puisque des tâches avaient été ajoutées au poste, dont le titulaire demeurait responsable des divulgations internes, le comité a conclu que les responsabilités associées au poste avaient évolué.

47 L’article 88(2) de la LEFP précise que le mandat du Tribunal se limite à instruire les plaintes concernant une mise en disponibilité (art. 65), la révocation d’une nomination (art. 74), une nomination ou une proposition de nomination (art. 77) et l’application de mesures correctives (art. 83), et à statuer sur elles. Le Tribunal n’a pas compétence, en vertu de la LEFP, pour déterminer si la classification d’un poste est appropriée. Voir le paragraphe 42 de la décision Rinn c. Sous­ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0044.

48 Toutefois, pour déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir, le Tribunal peut étudier les allégations des plaignants, selon lesquelles la description de travail a été modifiée de façon à favoriser personnellement le titulaire du poste et à lui permettre d’être nommé au moyen d’un processus non annoncé.

49  À la différence de la décision Beyak c. Sous­ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 0007, où la description de travail ne correspondait pas aux tâches réelles associées au poste, la preuve en l’espèce indique que le titulaire du poste demeurait responsable des demandes de renseignements et des enquêtes relatives aux divulgations d’actes répréhensibles, tout en devant exercer un leadership stratégique et opérationnel pour l’examen et le traitement d’autres types de plaintes et d’allégations provenant de sources diverses, ainsi que pour les enquêtes connexes. Ces modifications s’inscrivaient dans une réorganisation de la Direction générale de la surveillance, et des spécialistes de la classification ont conclu que le poste de gestionnaire/LPFDAR avait évolué.

50 Bien que M. Brunetta ait effectivement demandé que le poste soit reclassifié aux groupe et niveau EX­01 et que la description de travail ait été modifiée jusqu’à ce qu’une reclassification soit justifiée, il demeure que M. Brunetta était autorisé à formuler une telle demande. Le titulaire du poste relève d’un sous­ministre adjoint, et la description de travail indique qu’il doit établir des relations de travail étroites avec des chefs de directions générales et d’autres hauts fonctionnaires.

51 Le Tribunal ne croit pas qu’il était obligatoire que M. Milito ait accompli toutes les tâches de la description de travail révisée avant que le poste puisse être reclassifié. La description de travail fait état des responsabilités que la direction demande au titulaire d’assumer dès sa nomination. La reclassification est entrée en vigueur le 1er juillet 2010. M. Milito a été évalué au regard de l’ECM et nommé au poste plus de un an plus tard, soit le 2 septembre 2011.

52 L’intimé a décidé de modifier les tâches liées au poste pour des raisons organisationnelles et opérationnelles, et les plaignants n’ont pas réussi à prouver le contraire.

Le choix d’avoir recours à un processus non annoncé

53 L’article 33 de la LEFP permet l’utilisation d’un processus annoncé ou d’un processus non annoncé, sans établir une quelconque préférence à l’égard de l’un ou de l’autre. Le Tribunal a établi que c’est au plaignant qu’il incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la décision d’avoir recours à un processus annoncé ou à un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir.

54 La preuve présentée montre que la décision d’utiliser un processus non annoncé respectait les critères établis dans la directive ministérielle DP89 Processus de nomination non annoncés, laquelle était en vigueur lorsque l’évaluation de M. Milito a commencé, en 2010. Selon la directive DP89, il faut avoir recours à un processus non annoncé pour nommer un fonctionnaire lorsque son poste est reclassifié. La directive de TPSGC Processus de nomination non annoncés, qui a remplacé la directive DP89 le 18 avril 2011, prévoit également que ce type de nomination s’effectue toujours au moyen d’un processus non annoncé.

55 Les plaignants n’ont présenté aucune preuve démontrant que le favoritisme personnel a influé sur la décision d’utiliser un processus non annoncé pour la nomination de M. Milito au poste reclassifié.

Question III : M. Milito possède­t­il la qualification essentielle relative à l’expérience E­1?

56 Les plaignants possèdent une vaste expérience en matière d’enquête. Ils soutiennent que M. Milito n’a jamais réalisé ou dirigé une enquête, et encore moins plusieurs, et qu’il est donc impossible d’affirmer qu’il possède la qualification essentielle « expérience [de la direction de] plusieurs enquêtes concernant de nombreuses allégations, dont certaines de nature très délicate, et de la formulation de recommandations sur les mesures correctives requises » (E­1).

Les raisons de l’intimé pour conclure que M. Milito était qualifié

57 M. Brunetta a affirmé qu’il avait évalué l’expérience de M. Milito en se fondant sur la connaissance personnelle qu’il avait acquise de ce dernier alors qu’il était son superviseur, ainsi que sur le curriculum vitæ de M. Milito, dont il a discuté avec Mme Vautour.

58 Mme Vautour a affirmé qu’elle avait réalisé un examen préliminaire du curriculum vitæ fourni par M. Milito. Ses annotations manuscrites (E­1, E­2 et E­3) témoignent de ses travaux de validation et de ses discussions avec M. Brunetta.

59 Dans son témoignage, M. Brunetta a précisé les sections du curriculum vitæ de M. Milito qui montrent que ce dernier possède la qualification E­1. Il a fait référence au paragraphe intitulé « Profil » [traduction], dans lequel M. Milito indiquait avoir une vaste expérience des relations au gouvernement, des vérifications et des communications, ainsi que de la prestation de conseils stratégiques à l’intention de la haute direction et du bureau du ministre sur une multitude de questions. Le curriculum vitæ indique également que lorsqu’il travaillait pour M. Brunetta au bureau du SMA/DGS de TPSGC, M. Milito traitait des « questions délicates, urgentes et importantes » [traduction] pour lesquelles il devait « entretenir des relations de travail positives et communiquer avec divers hauts fonctionnaires » [traduction]. Le curriculum vitae précise que durant son emploi à Agriculture et Agroalimentaire Canada, M. Milito coordonnait et supervisait toutes les vérifications externes des programmes ministériels réalisées par le Bureau du vérificateur général. D’après M. Brunetta, une vérification est une forme d’enquête, et le fait de coordonner et de superviser des vérifications équivaut à diriger des enquêtes. Selon les souvenirs de M. Brunetta du temps où il travaillait à Agriculture et Agroalimentaire Canada, il se peut que M. Milito ait eu à «s’impliquer » [traduction] dans des vérifications au sein de l’organisation. M. Brunetta savait également que M. Milito avait contribué à la collecte d’éléments de preuve au sein d’un groupe ayant mené une enquête dans un dossier de fraude, ce qui a pu lui donner une certaine expérience en matière d’enquête. M. Brunetta ignore si M. Milito a traité d’autres enquêtes à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

La signification de l’expression « direction d’enquêtes »

60 M. Chartrand a souligné que la qualification E­1 porte sur la direction d’enquêtes. Il soutient qu’il a réalisé et dirigé des enquêtes, et qu’il existe une différence entre ces deux tâches. Pour réaliser une enquête, il faut aller sur le terrain afin de recueillir des renseignements; il faut posséder une vaste expérience et avoir suivi une formation poussée pour accomplir ce travail. Dans une équipe d’enquêteurs, la personne qui dirige l’enquête est généralement le superviseur : celui‑ci discute de l’affaire avec l’enquêteur qui réalise l’enquête, il propose la marche à suivre, il examine le rapport d’enquête pour vérifier s’il est complet et il donne les consignes pour poursuivre l’enquête au besoin.

61 D’autres témoins ont confirmé la différence entre la réalisation et la direction d’enquêtes et ont indiqué que M. Milito ne les avait jamais conseillés à propos des enquêtes qu’ils réalisaient. Christine Stolarik, ancienne dirigeante principale de la gestion des risques et directrice générale, Surveillance des risques et Intégrité, et directrice générale responsable de la Direction des enquêtes spéciales de septembre 2009 à mars 2011, a affirmé que M. Milito n’avait jamais dirigé ou surveillé d’enquête réalisée par la Direction des enquêtes spéciales, puisque ce rôle revenait à son directeur.

62 Appelé à définir dans le cadre de son témoignage l’expression « direction d’enquêtes » figurant dans l’ECM, M. Brunetta a cité Ronald Heifetz, professeur à l’Université Harvard, selon lequel diriger consiste à mobiliser des ressources en vue d’atteindre des objectifs communs. M. Brunetta n’a pas expliqué en quoi cette définition s’appliquait aux fonctions des postes de directeur, Divulgations et examens spéciaux, ou de gestionnaire/LPFDAR, que M. Milito avait occupés avant cette nomination.

63 Toutefois, lorsqu’il a dû expliquer en quoi M. Milito avait exercé un leadership pour l’examen et le traitement des plaintes présentées en vertu de la LPFDAR et pour les enquêtes connexes, M. Brunetta a indiqué que lorsque, par exemple, la Direction générale des RH reçoit une divulgation en matière de conflit d’intérêts, elle transmet le dossier au bureau du SMA/DGS et c’est à M. Milito qu’il incombe de décider la façon de gérer la question. M. Milito doit alors effectuer une enquête initiale en questionnant l’auteur de l’allégation, en obtenant les renseignements dont dispose cette personne et en sollicitant les services de sécurité du ministère au besoin, puis vérifier auprès de la Direction générale des RH si le dossier comprenait une déclaration de conflit d’intérêts. Il doit ensuite prendre la décision de préparer ou non une lettre de mandat pour la réalisation d’une enquête et, selon la nature et la complexité du dossier, déterminer si cette enquête doit être confiée à la section des divulgations internes ou à un autre groupe. M. Milito est responsable en dernier ressort des enquêtes relatives à une plainte, conformément à sa description de travail.

64 Roland Boisjoli occupait le poste de gestionnaire/LPFDAR, en vertu d’un détachement jusqu’à la mutation de M. Milito à ce poste en juin 2008; il est ensuite retourné à son poste d’attache au sein de la Direction des enquêtes spéciales. En avril 2009, il s’est de nouveau joint à la section des divulgations internes, où il a travaillé aux côtés de M. Milito. M. Boisjoli a continué de travailler au sein de la direction des Divulgations et des examens spéciaux, à un poste maintenant appelé gestionnaire, Divulgations internes.

65 M. Boisjoli a confirmé la description fournie par M. Brunetta concernant le rôle de M. Milito en matière de divulgations internes. Il a affirmé que M. Milito participait tout particulièrement à la production des rapports d’enquêtes, étape à laquelle l’agent principal présente son analyse de l’enquête et détermine si les faits observés permettent de conclure que les allégations étaient fondées, pour ensuite formuler des recommandations à l’administrateur général quant aux mesures correctives à prendre, le cas échéant.

66 M. Brunetta a affirmé que M. Milito avait préparé, planifié et dirigé des enquêtes sérieuses et compliquées à TPSGC pendant les deux années qui ont précédé la reclassification de son poste, en 2010. Il a donné deux exemples à cet effet.

67 Le premier exemple concernait une enquête sur l’acquisition d’un vaccin (enquête sur le vaccin), réalisée à la suite d’une vérification. Selon M. Brunetta, le dossier étant très délicat, il avait été confié à M. Milito, au sein du bureau du SMA/DGS. M. Milito était chargé d’étudier la question et de fournir des conseils aux services juridiques, au Bureau du Conseil privé et à Industrie Canada. M. Brunetta a indiqué que la Direction des enquêtes spéciales n’avait pas participé à ce dossier. Le deuxième exemple portait sur une enquête concernant les propriétés sur lesquelles étaient construits deux immeubles gouvernementaux à Gatineau, au Québec, et les liens qui auraient existé entre l’un des propriétaires et un employé du ministère (enquête sur les immeubles à Gatineau). Le dossier avait été signalé par le bureau du sous­ministre, et M. Milito avait dû communiquer avec les consultants externes ayant examiné la question. M. Brunetta a indiqué qu’il ne pouvait pas en dire plus sur ce dossier.

68 Dans son témoignage, M. Chartrand a nié catégoriquement que M. Milito avait mené l’enquête sur le vaccin et l’enquête sur les immeubles à Gatineau. M. Chartrand a affirmé qu’il avait lui­même réalisé l’enquête sur les immeubles à Gatineau, de janvier à septembre 2010, alors qu’il faisait partie de la Direction des enquêtes spéciales. Le problème avait été signalé dans une lettre anonyme envoyée au bureau du sous­ministre, et M. Brunetta avait demandé à M. Milito de transférer immédiatement le dossier à la Direction des enquêtes spéciales en janvier 2010. M. Milito avait dit à M. Chartrand que M. Brunetta lui avait demandé de confier l’enquête à M. Chartrand, compte tenu de ses antécédents dans ce domaine. M. Chartrand a également indiqué que M. Bombardier était l’enquêteur de la Direction des enquêtes spéciales qui avait réalisé l’enquête sur le vaccin, à laquelle M. Milito n’avait d’ailleurs aucunement participé. M. Chartrand était au courant de ce fait parce qu’il avait assisté M. Bombardier dans la collecte de données pour amorcer l’enquête. Par ailleurs, M. Chartrand était présent lors des nombreuses rencontres où M. Bombardier rendait compte de l’avancement de l’enquête à leur directrice générale et à leur directrice.

69 M. Bombardier et M. Chartrand étaient tous deux supervisés par Nancy Fahey, directrice, Direction des enquêtes spéciales, qui relevait quant à elle de Mme Stolarik. Dans leur témoignage, Mmes Stolarik et Fahey ont confirmé être au courant de l’enquête sur le vaccin et de l’enquête sur les immeubles à Gatineau. C’est M. Bombardier, et non pas M. Milito, qui avait réalisé toute l’enquête sur le vaccin, et M. Chartrand avait réalisé l’enquête sur les immeubles à Gatineau. Mme Stolarik rendait régulièrement compte de ce dossier très délicat à M. Brunetta et au sous­ministre. Il fallait contrôler l’accès au rapport en raison de la grande visibilité du dossier.

70 Mme Stolarik a expliqué que les renseignements sur les enquêtes en cours étaient communiqués et discutés au sein d’un comité ministériel responsable du cadre de gestion des enquêtes (CGE), qu’elle présidait. Elle a reconnu qu’elle et les autres membres du comité n’étaient mis au courant des différents dossiers que s’ils avaient besoin de l’être. Elle a également admis qu’elle ne connaissait pas tous les dossiers traités par le SMA/DGS ou M. Milito, sauf lorsqu’elle était mise au courant.

71 Brent Kereliuk, agent de sécurité du ministère à TPSGC, siégeait également au comité du CGE. Il a affirmé qu’il avait traité de nombreuses fois avec M. Milito et que selon lui, le rôle de celui­ci consistait à examiner et à trier les divulgations, à déterminer si une enquête était nécessaire, puis à les attribuer au groupe d’enquête approprié. D’après M. Kereliuk, M. Milito est devenu président du comité du CGE une fois que Mme Stolarik eut quitté TPSGC.

72 M. Brunetta a affirmé qu’à titre de sous­ministre adjoint, il ne connaissait pas en détail tous les dossiers, puisqu’il devait choisir judicieusement ceux qu’il devait approfondir. Toutefois, M. Milito et les directeurs qui relevaient de M. Brunetta lui présentaient régulièrement des rapports sur les dossiers en cours, toutes les deux ou trois semaines. Lorsque M. Brunetta était SMA/DGS, les interactions entre son bureau et la Direction des enquêtes spéciales variaient en fonction des dossiers traités, et cette direction n’était au courant des travaux de M. Milito que lorsque ceux­ci se rapportaient à ses activités d’enquête. Toutefois, il arrivait souvent que personne d’autre que lui ou M. Milito ne soit au courant des enquêtes en cours. M. Milito avait dirigé d’autres enquêtes et géré des problèmes découlant de dossiers délicats qui provenaient du bureau de M. Brunetta. M. Brunetta n’a pas été appelé à fournir d’exemple pour illustrer ces propos.

73 Aux termes de l’article 30(2)a) de la LEFP, la personne à nommer doit posséder les qualifications essentielles établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir. Le Tribunal a par ailleurs confirmé dans nombre de décisions le vaste pouvoir discrétionnaire accordé aux gestionnaires, en vertu de l’article 36 de la LEFP, relativement au choix et à l’utilisation des méthodes d’évaluation permettant de déterminer si une personne possède les qualifications essentielles. Voir les décisions Visca c. Sous­ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, para. 42, et Trachy c. Sous­ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2008 TDFP 0002. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu et doit être exercé de façon transparente et équitable. Voir par exemple les décisions Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, para. 37, et Denny c. le sous­ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029, para. 144.

74 L’intimé n’a pas établi de définition officielle pour l’expression direction de plusieurs enquêtes dans un guide de cotation ou un autre document préparé pour le processus de nomination.

75 Selon M. Brunetta, diriger consiste à mobiliser des ressources en vue d’atteindre un objectif commun. Dans le contexte d’une divulgation interne, diriger consiste à déterminer la façon de gérer une question et de mettre en marche les procédures appropriées. MM. Brunetta et Boisjoli ont confirmé que M. Milito accomplissait ces tâches. Selon les plaignants, M. Milito ne peut pas être considéré comme qualifié parce que, contrairement à eux, il n’a pas dirigé d’enquêtes. Ils contestent les deux exemples qu’a utilisés M. Brunetta pour démontrer que M. Milito avait dirigé plusieurs enquêtes. Bien que M. Brunetta n’ait pas fourni beaucoup de détails sur la participation de M. Milito à ces dossiers, les plaignants n’ont pas cherché à lui demander des éclaircissements sur son témoignage.

76 M. Brunetta a affirmé que M. Milito possédait peu d’expérience en matière d’enquête. Ce manque d’expérience n’était toutefois pas une source de préoccupation pour lui; en effet, l’ECM n’exigeait aucune expérience en matière d’enquête. Il aurait certes été utile qu’un guide de cotation définisse l’expérience de la direction d’enquêtes, mais les plaignants n’ont pas démontré que M. Brunetta avait interprété cette qualification de façon déraisonnable. M. Brunetta était convaincu que M. Milito possédait l’expérience requise.

77 Par conséquent, les plaignants n’ont pas établi que M. Milito ne possédait pas la qualification essentielle relative à l’expérience lorsqu’il a été nommé.

La lettre du 31 août 2011

78 Les plaignants affirment qu’une lettre datée du 31 août 2011 montre également que l’intimé n’a pas établi que M. Milito était qualifié pour le poste. L’intimé a demandé cette lettre à M. Milito après la publication de la NNPN et la présentation des plaintes. Ils contestent plusieurs affirmations énoncées par M. Milito dans cette lettre, notamment le fait que M. Milito aurait dirigé plus de 30 dossiers, allant de simples plaintes à des questions très délicates; or, M. Milito ne mentionne aucunement cette expérience dans son curriculum vitæ.

79 Lorsque la lettre du 31 août 2011 lui a été présentée lors de l’audience, M. Brunetta a affirmé qu’il ne l’avait jamais vue auparavant. Il n’a donc pas été questionné au sujet de son contenu.

80 Mme Vautour a expliqué que M. Milito n’avait pas fourni de lettre de présentation avec son curriculum vitæ. En août 2011, l’unité de dotation ministérielle avait indiqué que l’expérience de M. Milito devait être documentée et évaluée. Mme Vautour a demandé à M. Milito de préparer une lettre à cette fin. Elle a examiné la lettre avec le gestionnaire de l’unité de dotation ministérielle. Elle croit en avoir fourni une copie à M. Brunetta. Elle croyait que M. Brunetta avait déjà confirmé certains renseignements contenus dans le document, à la lumière de sa connaissance personnelle de M. Milito et de son travail au sein de la Direction générale.

81 Mme Vautour a reconnu que cette lettre avait été demandée et fournie après la publication de la NNPN (le 20 juillet 2011) et après le dépôt des plaintes par les plaignants (les 26 juillet et 2 août 2011). Toutefois, elle estimait qu’il ne s’agissait pas d’une situation problématique, étant donné que l’évaluation de M. Milito s’était terminée avant qu’il accepte la nomination au poste le 2 septembre 2011.

82 Contrairement à ce qu’a affirmé Mme Vautour concernant la date de la lettre, il faut que l’évaluation des candidats soit terminée avant la publication de la NNPN. Toutefois, cette lettre n’a pas servi à la présélection de M. Milito, et M. Brunetta a indiqué qu’il ne l’avait jamais vue et n’a donc pas été questionné sur son contenu. Pour établir que M. Milito possédait toutes les qualifications essentielles relatives à l’expérience, M. Brunetta s’est fondé sur le curriculum vitæ et également sur sa connaissance personnelle de M. Milito.

83 Étant donné que la lettre du 31 août 2011 n’a pas été utilisée pour l’évaluation de M. Milito, elle n’a aucune incidence sur la conclusion précédemment tirée par le Tribunal selon laquelle les plaignants n’ont pas établi que M. Milito ne possédait pas la qualification essentielle E­1.

Question IV : M. Milito possède­t­il la qualification essentielle relative aux connaissances C­2?

La connaissance C­2

84 Les plaignants soutiennent que M. Milito n’a pas démontré qu’il possède une « [c]onnaissance des techniques, des procédures et des processus d’enquête, et des mécanismes de recours existants », ce qui constitue une qualification essentielle de l’ECM (C­2) :

C­1 :  Connaissance de la législation régissant la divulgation interne et les enquêtes au sein de la fonction publique, tel que le Code de conduite du Conseil du Trésor, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et le Code de valeurs et d’éthique.

C­2 :  Connaissance des techniques, des procédures et des processus d’enquête, et des mécanismes de recours existants.

85 Les plaignants affirment également que cette qualification essentielle aurait dû être évaluée au moyen d’un examen écrit et non pas d’une entrevue. L’intimé aurait alors dû expliquer comment il en était arrivé à la conclusion que M. Milito possède cette connaissance.

86 Mme Vautour a préparé les questions d’entrevue, en collaboration avec M. Brunetta. Elle a affirmé que pour ce poste EX, le comité d’évaluation n’était pas à la recherche d’un spécialiste; il recherchait un gestionnaire possédant des connaissances générales.

87 Les qualifications relatives aux connaissances C­1 et C­2 étaient évaluées au moyen de quatre questions d’entrevue. Peu avant l’entrevue, un scénario écrit portant sur des allégations d’actes répréhensibles a été remis au candidat, ainsi que quatre questions en lien avec ce scénario (deux pour la qualification C­1, et deux pour la qualification C­2). M. Milito a également dû préparer un plan d’action visant à traiter les allégations décrites dans le scénario.

88 M. Brunetta a examiné minutieusement les réponses de M. Milito et a expliqué en quoi elles étaient pertinentes au regard des questions posées.

89 Pour la qualification C­1, le comité s’attendait à ce que le candidat dresse un portrait général, sans entrer dans les détails de la législation. Toutefois, M. Brunetta se souvient que les réponses de M. Milito étaient détaillées, bien que les notes qu’il a prises durant l’entrevue ne témoignent pas de cette caractéristique. M. Brunetta a été impressionné par la façon dont M. Milito a formulé ses réponses : il a exposé le contexte et les renseignements généraux relatifs à la LPFDAR et souligné la nécessité d’établir un processus.

90 Le comité s’attendait à ce que M. Milito élabore un plan d’action, mobilise les ressources nécessaires et mette à exécution ce plan pour traiter les allégations décrites dans le scénario. Selon M. Brunetta, M. Milito était prêt, dès le début de l’entrevue, à expliquer la marche à suivre pour traiter les allégations. Dans sa réponse, M. Milito a parlé de la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor en matière d’enquête et de ses trois éléments constituants, soit la mise en route, l’enquête et la production de rapports, et il a décrit certaines techniques d’enquête.

91 De son côté, M. Lakroni a affirmé qu’il était convaincu que M. Milito avait montré qu’il possède une connaissance suffisante des techniques, des processus et des mécanismes d’enquête. Selon lui, les réponses de M. Milito aux quatre sous­questions se rapportant au scénario étaient solides sur le plan technique. Les résultats obtenus par M. Milito à l’entrevue étaient supérieurs à la moyenne, et il a su démontrer qu’il était prêt à occuper un poste EX­01. Ses réponses à toutes les questions étaient cohérentes.

92 Conformément à l’article 36 de la LEFP, M. Brunetta avait le pouvoir, à titre de gestionnaire subdélégataire, d’évaluer les qualifications liées aux connaissances au moyen d’une entrevue. Les membres du comité ont expliqué pourquoi ils avaient conclu que M. Milito possède cette qualification essentielle. Les plaignants, quant à eux, n’ont pas établi que les outils d’évaluation utilisés étaient insuffisants ou inadéquats.

93 Le Tribunal conclut que les plaignants n’ont pas démontré que M. Milito ne possède pas la qualification essentielle relative aux connaissances C­2.

Question V :  Les membres du comité d’évaluation avaient­ils les compétences nécessaires pour réaliser l’évaluation?

94 Les plaignants affirment que l’intimé n’a pas respecté les exigences des Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP, en ce sens que MM. Lakroni et Strain, membres du comité, ne possédaient aucune expérience de la réalisation d’enquêtes sur des plaintes et n’étaient donc pas qualifiés pour évaluer la qualification essentielle C­2  « Connaissance des techniques, des procédures et des processus d’enquête, et des mécanismes de recours existants ».

95 Les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP énoncent qu’en plus d’être responsables du respect de l’énoncé des lignes directrices, les administrateurs généraux doivent s’assurer que les personnes responsables de l’évaluation « possèdent les compétences voulues afin d’assurer une évaluation juste et entière des qualifications des personnes à évaluer » et qu’elles « sont en mesure de remplir les rôles, les responsabilités et les fonctions qui leur sont propres de façon juste ».

96 M. Lakroni a affirmé qu’il est maintenant le dirigeant principal des finances (DPF) de TPSGC, un poste des groupe et niveau EX­04 qu’il occupe depuis 2007. Il s’est joint à la fonction publique en 1993. Dans le cadre de ses fonctions de DPF, il fait partie du comité de vérification présidé par le sous­ministre. Pour se préparer à l’entrevue, il a examiné le curriculum vitæ de M. Milito, la description de travail, l’ECM ainsi que les questions et les réponses attendues. M. Lakroni était persuadé que M. Milito était qualifié.

97 M. Lakroni n’est pas un spécialiste des enquêtes, mais il estime posséder une bonne connaissance de leur fonctionnement. Sa profession l’oblige à effectuer une surveillance financière, à s’assurer que les mécanismes de contrôle internes sont en place, à poser des questions, à recueillir et à analyser des faits, à déterminer si ces faits permettent d’établir qu’il y a eu acte répréhensible et à prendre les mesures correctives qui s’imposent. Il a fourni quelques exemples illustrant la façon dont les enquêtes se déroulent dans son secteur de responsabilité. M. Lakroni a affirmé qu’il possède beaucoup d’expérience dans l’embauche de cadres. Lorsqu’il doit embaucher un cadre, il évalue principalement la capacité de diriger que démontre le candidat, qui doit également posséder une solide base de connaissances et être en mesure d’utiliser intelligemment les ressources qui lui sont confiées.

98 M. Strain a indiqué qu’il travaillait à la fonction publique depuis environ 28 ans et qu’il avait été nommé à un poste EX pour la première fois en 2005. Au moment de l’entrevue, en décembre 2010, il était directeur général, Politiques et programmes agroenvironnementaux, Direction générale des services agroenvironnementaux. Il s’est préparé à l’entrevue en étudiant les documents reçus. Au cours de sa carrière, il a fait partie d’un groupe responsable des vérifications de conformité. M. Strain a déjà fait partie de comités d’évaluation pour des postes EX­01 auparavant. Il a expliqué que lorsqu’une personne est nommée à un poste EX­01, elle quitte son rôle d’analyste et adopte celui de gestionnaire. Elle doit pouvoir mettre les choses en contexte et montrer qu’elle sait comment diriger une équipe d’agents. Selon lui, M. Milito a « très bien fait » [traduction] dans ce processus de nomination.

99 M. Brunetta a expliqué qu’il avait demandé à M. Lakroni de faire partie du comité parce qu’il était un collègue et lui aussi sous­ministre. Ils avaient travaillé ensemble dans divers dossiers à TPSGC, et M. Brunetta avait confiance en son jugement et en ses compétences. De son côté, M. Strain a pu faire profiter le comité de sa longue expérience dans le domaine des politiques à Agriculture et Agroalimentaire Canada. M. Brunetta a indiqué que la description de travail faisait état de l’élaboration de politiques et de procédures relativement à la LPFDAR.

100 Les plaignants croient qu’en raison de leur manque d’expérience en matière d’enquête sur des plaintes, MM. Lakroni et Strain n’étaient pas en mesure d’évaluer la connaissance des techniques, des procédures et des processus d’enquête.

101 C’est aux plaignants qu’il incombe de prouver qu’il y a eu abus de pouvoir et de démontrer le bien­fondé de leurs allégations, selon lesquelles, en l’occurrence, le comité tel qu’il était composé ne pouvait pas évaluer correctement les qualifications recherchées.

102 La LEFP n’oblige en aucun cas les administrateurs généraux à établir un comité d’évaluation, et elle ne renferme aucune disposition concernant la composition d’un tel comité. Voir la décision Sampert c. Sous­ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0009. La question de savoir si un comité d’évaluation est composé de façon appropriée ou non est une question de fait qui dépend de la plainte présentée et de la preuve produite à l’audience.

103 Les personnes responsables de l’évaluation devraient connaître le travail rattaché au poste à doter. Un gestionnaire peut inviter un employé d’un autre secteur ou d’un autre ministère qui possède une expertise particulière à faire partie du comité.

104 Afin de réaliser les entrevues, M. Brunetta, à titre de gestionnaire subdélégataire, a décidé d’établir un comité d’évaluation formé de lui­même et de deux autres cadres. Il a expliqué qu’il faisait confiance au jugement et aux compétences de M. Lakroni, et qu’il avait choisi M. Strain en raison de sa vaste expérience en matière de politiques. MM. Lakroni et Strain ont tous deux expliqué leur méthode de préparation pour l’entrevue, tout en soulignant leur expérience de l’évaluation de candidats à des postes de cadres, pour lesquels les capacités en leadership priment sur les aspects techniques. Le but du comité d’évaluation n’était pas de nommer un enquêteur, mais un cadre possédant une base de connaissances suffisante. M. Brunetta connaissait très bien le poste à doter, et MM. Lakroni et Strain ont décrit la façon dont ils s’étaient préparés à l’entrevue.

105 Par conséquent, les plaignants n’ont pas réussi à démontrer que les membres du comité d’évaluation, tous des cadres possédant une expérience en matière d’évaluation, n’avaient pas les compétences nécessaires pour réaliser l’évaluation pour le poste EX­01 ou qu’ils n’avaient pas évalué de façon adéquate la qualification liée aux connaissances en question. L’allégation n’est pas fondée.

Question VI : L’intimé a­t­il enfreint les lignes directrices et les valeurs directrices de la CFP? Dans l’affirmative, ce manquement constitue­t­il un abus de pouvoir?

La justification appuyant le recours à un processus non annoncé

106 Les plaignants soutiennent que la justification à l’appui du processus de nomination non annoncé a été publiée trop tard et qu’elle ne contient pas tous les renseignements qu’exigent les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP et la directive de TPSGC sur les processus non annoncés.

107 Selon les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP, que doivent respecter les administrateurs généraux (art. 16 de la LEFP), le choix d’un processus de nomination non annoncé doit être conforme au plan de RH de l’administration ainsi qu’aux valeurs de nomination que sont l’équité, l’accessibilité, la transparence et la représentativité. Une justification écrite doit également démontrer en quoi le processus respecte les critères établis et les valeurs.

108 La section 6-2 de la directive de TPSGC sur les processus de nomination non annoncés, à la rubrique portant sur les responsabilités et les obligations redditionnelles, établit que les gestionnaires qui détiennent des pouvoirs subdélégués en matière de dotation assument la responsabilité de :

  1. fournir une justification écrite démontrant comment un processus non annoncé respecte les critères énoncés dans cette directive et les valeurs en matière de nomination, et précisant la raison ou les raisons qui expliquent pourquoi un processus annoncé n’est pas le mécanisme choisi;
  2. fournir une évaluation écrite détaillée du candidat démontrant que la nomination est fondée sur le mérite.

109 Le processus de nomination a été lancé en 2010, et les plaintes ont été déposées en août 2011. Or, la justification écrite appuyant l’utilisation d’un processus non annoncé est datée du 1er septembre 2011.

110 M. Brunetta a confirmé qu’il était au courant de sa responsabilité de fournir une justification écrite pour ce processus non annoncé. Selon lui, la Direction générale des RH a examiné le dossier et a constaté que la justification n’y figurait pas. Mme Vautour a donc préparé la justification, qu’il a ensuite lue et signée. M. Brunetta n’est pas d’avis que la directive de TPSGC exige que la justification soit préparée au début du processus.

111 Mme Vautour ne croit pas que les lignes directrices de la CFP établissent un moment précis pour la présentation de ce document. Elle a affirmé que la justification n’est souvent préparée qu’une fois le candidat jugé qualifié.

112 Mme Vautour a reconnu que la justification ne décrit pas en quoi les valeurs de dotation sont respectées, mais elle a précisé que cette procédure est courante dans les dossiers de reclassification. Elle a toutefois convenu que des précisions à cet égard auraient peut-être dû être ajoutées.

113 Mme Vautour estime que la publication de la notification de nomination a permis de respecter les valeurs que sont l’accessibilité et la transparence. Les fonctionnaires faisant partie de la zone de sélection avaient le droit de porter plainte et de demander une discussion informelle. Le gestionnaire était accessible et les renseignements sur la décision d’opter pour un processus non annoncé étaient disponibles; M. Milito a aussi eu accès aux occasions de perfectionnement relatives à l’évaluation de ses tâches. Mme Vautour a reconnu que la justification aurait pu décrire plus en détail en quoi l’équité et la justice étaient respectées, mais elle n’a pas précisé la façon de le faire. Elle a souligné que la justification indiquait bel et bien que M. Milito avait été évalué au regard de l’ECM, ajoutant que selon l’intimé, il est juste et équitable de donner l’occasion au titulaire d’un poste d’être évalué en vue d’une nomination à ce même poste à la suite d’une reclassification.

114 Le Tribunal a examiné la justification à l’appui du processus non annoncé en l’espèce. Bien que le document traite de façon générale des critères établis dans les lignes directrices de la CFP et la directive de TPSGC, il n’explique pas clairement en quoi la nomination respecte les valeurs en matière de nomination. Dans son témoignage à l’audience, Mme Vautour a certes fourni quelques explications sur la façon dont chaque valeur directrice était abordée dans le document; néanmoins, la démarche employée n’est pas conforme aux lignes directrices de la CFP ni à la directive de TPSGC. Cette erreur n’est toutefois pas suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir.

115 Par ailleurs, même si la NNPN a été publiée le 20 juillet 2011 et que la date limite pour la présentation d’une plainte était le 4 août 2011, la justification n’a été signée que le 1er septembre 2011. Bien que les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP n’établissent pas de moment précis pour la publication de la justification à l’appui du type de processus sélectionné, il serait logique que ce document soit publié avant la notification. Toutefois, la préparation tardive de la justification n’est pas en soi une erreur grave en l’espèce et ne constitue pas un abus de pouvoir.

L’évaluation écrite

116 Les plaignants affirment qu’en plus de l’évaluation réalisée, l’intimé devait fournir une évaluation écrite détaillée démontrant que la nomination était fondée sur le mérite, conformément à la directive de TPSGC sur les processus non annoncés et aux Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP.

117 Mme Vautour a reconnu que le Guide de mise en œuvre des lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP indique, à la section 4, que l’administrateur général doit s’assurer que la justification écrite démontre en quoi un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs en matière de nomination. Elle a également convenu que la directive de TPSGC sur les processus non annoncés établit que les gestionnaires investis de pouvoirs de dotation subdélégués sont chargés de « fournir une évaluation écrite détaillée du candidat démontrant que la nomination est fondée sur le mérite ».

118 Mme Vautour a confirmé qu’aucune évaluation écrite n’avait été effectuée, mais elle a précisé qu’à TPSGC, toute personne qui souhaite intégrer le groupe EX doit passer une évaluation officielle, laquelle consiste en un examen SELEX ainsi qu’en une entrevue structurée et en une vérification des références réalisées par le gestionnaire. Cette pratique cadre avec les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP, selon lesquelles un candidat doit passer une entrevue structurée pour intégrer le groupe EX. TPSGC estime que ce processus d’évaluation est plus rigoureux qu’une évaluation écrite.

119 Bien que la directive de TPSGC sur les processus non annoncés établisse effectivement que les gestionnaires investis de pouvoirs de dotation subdélégués sont chargés de « fournir une évaluation écrite détaillée du candidat démontrant que la nomination est fondée sur le mérite », il s’agit là d’une directive ministérielle. Or, les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP ne contiennent aucune exigence à cet égard.

120 Le Tribunal accepte l’explication de Mme Vautour, selon laquelle le ministère exige la tenue d’une évaluation officielle structurée (entrevue, vérification des références et examen SELEX), et pas une évaluation écrite, en ce qui concerne les nominations à des postes du groupe EX. Cette exigence a été respectée en l’espèce.

121 Par conséquent, le Tribunal juge que les plaignants n’ont pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application des Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP et le respect des valeurs directrices de la fonction publique.

Décision

122 Pour tous les motifs susmentionnés, les plaintes sont rejetées.


Lyette Babin-MacKay
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2011-0632 et 2011-0643
Intitulé de la cause :
Robert Chartrand et Claude Bombardier et le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Audience :
Les 11 et 12 avril 2012
Du 25 au 28 septembre 2012
Du 18 au 22 mars 2013
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 21 novembre 2013

COMPARUTIONS :

Pour les plaignants :
Robert Chartrand
Claude Bombardier
Pour l’intimé :
Me Anne-Marie Duquette
Pour la Commission
de la fonction publique :
Me Marc Séguin
(observations écrites)
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