Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L'agent négociateur a présenté une demande de prolongation du délai pour le renvoi d'un grief de principe à l'arbitrage – l'agent négociateur avait déposé un grief de principe pour contester l'interprétation et l'application par l'employeur de la Modification à l'horaire de travail par quart à la suite du changement par l'employeur de sa pratique antérieure – une erreur a été commise dans le renvoi du grief à l'ancienne Commission – au lieu d'être envoyé à l'ancienne Commission, le grief a été envoyé au représentant de l'employeur, qui était le destinataire désigné pour tous les griefs de principe déposé par l'agent négociateur – l'employeur n'a pas informé l'agent négociateur de l'erreur – l'agent négociateur s'est rendu compte de l'erreur quatre jours plus tard et a déposé la présente demande de prolongation – les délais peuvent être prolongés par souci d'équité – les cinq facteurs présentés dans Schenkman, une décision de l'ancienne Commission, peuvent être interreliés et ne doivent pas être considérés comme des calculs présumés fixes; les faits de chaque cas déterminent l'importance de chaque facteur – une approche trop rigide ou cloisonnée lors de l'évaluation de ces facteurs n'aidera pas à déterminer l'équité au sens du Règlement – la formation de la Commission a soutenu que l'agent négociateur avait établi un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard et qu'il avait fait preuve de diligence raisonnable en tentant de corriger son erreur – le délai était de moins d'une semaine et l'employeur n'a pas allégué qu'il subirait de préjudice si la demande de prolongation du délai était accordée – en établissant un équilibre entre l'injustice causée aux employés et le préjudice que subit l'employeur, la formation de la Commission accueille la demande de l'agent négociateur – rien n'a laissé entendre que le grief était frivole ou vexatoire – compte tenu du libellé du préambule de la Loi, accepter la position de l'employeur aurait été contraire à des relations de travail raisonnables. Demande accueillie.

Contenu de la décision

  • Date: 20141212
  • Dossier: 568-02-297
    XR: 569-02-131
  • Référence: 2014 CRTEFP 4

Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demandeur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor

Affaire concernant une demande visant la prorogation d'un délai visée à l'alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
David P. Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour le demandeur:
Marie-Hélène Tougas, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Stéphane Ferland, avocat
Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 16 et 31 juillet et le 6 juin 2013
et le 18 août et les 8 et 11 septembre 2014.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Demande devant le président

1 Le 16 juillet 2013, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») a reçu de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (« IPFPC » ou l'« agent négociateur ») une demande de prorogation du délai pour le renvoi d'un grief à l'arbitrage en vertu du l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79).

2 L'IPFPC a expliqué qu'il avait déposé un grief de principe contre le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (« SCT » ou l'« employeur ») le 27 mars 2013 dans lequel il contestait l'interprétation et l'application par l'employeur de la disposition sur la Modification à l'horaire de travail par quart dans la clause 8.16a) de la convention collective SP (Sciences appliquées et examen des brevets). Selon les documents déposés auprès de l'ancienne Commission, le grief avait été soulevé par le fait que l'employeur avait modifié son interprétation de l'article en question, changeant ainsi une pratique qui avait été établie en 2002.

3 L'employeur a remis sa seule et unique réponse au grief le 24 mai 2013, rejetant le grief. La réponse a été signée par Marc-Arthur Hippolyte, sous-ministre adjoint de la Rémunération et des Relations de travail du SCT, au nom du SCT. Dans sa réponse, l'employeur a rejeté le grief au fond et pour cause de non-respect des délais prescrits.

4 L'IPFPC a reçu la réponse le 28 mai 2013 et a autorisé le renvoi du grief à l'arbitrage le 3 juillet 2013. Malheureusement, une erreur a eu lieu au cours du processus de renvoi du grief à l'arbitrage et, plutôt que d'envoyer le renvoi à l'ancienne Commission, la demande de renvoi a été envoyée à l'attention de M. Hippolyte. M. Hippolyte est le destinataire désigné pour tous les griefs de principe qui sont initialement déposés par l'agent négociateur.

5 Le renvoi a été effectué par courriel en date du 7 juillet 2013 et a été envoyé directement à M. Hippolyte. La ligne d'objet du courriel était [traduction] « Avis de renvoi à l'arbitrage en vertu de la clause 8.16a) de la convention collective SP » et le corps du courriel indiquait que les documents joints étaient à [traduction] « titre d'information en ce qui concerne la ligne d'objet ».

6 L'IPFPC ne s'est rendu compte de son erreur que le 11 juillet 2013. La journée suivante, il a renvoyé le grief de principe à l'arbitrage et a déposé la présente demande de prorogation du délai. L'ancienne Commission a accusé réception de la demande de prorogation du délai le 19 juillet 2013. Le 31 juillet 2013, l'employeur a accusé réception de la lettre de l'ancienne Commission et a indiqué qu'il considérait le renvoi du grief de principe comme étant tardif.

7 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le 3 novembre 2014, le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79) a été modifié pour devenir le Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »). En vertu de l'alinéa 61b) du Règlement, la nouvelle Commission peut, par souci d'équité, proroger tout délai, prévu par la Partie 2 du Règlement ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l'accomplissement d'un acte, la présentation d'un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d'un grief à l'arbitrage ou la remise ou le dépôt d'un avis, d'une réponse ou d'un document.

II. Résumé de l'argumentation

A. Argumentation du demandeur

8 Dans sa demande de prorogation du délai, l'IPFPC a parlé des facteurs habituels qui entrent en jeu dans les décisions relatives aux demandes de prorogation du délai. Il a tout d'abord invoqué le fait que l'ancienne Commission accordait uniformément des prorogations du délai dans les cas où le retard était dû à des erreurs administratives indépendantes de la volonté du demandeur ou était dû à l'inadvertance des représentants du demandeur, citant Riche c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2010 CRTFP 107; Hendessi c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada) et Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 29; Perry c. Institut de recherche en santé du Canada, 2010 CRTFP 8.

9 Le demandeur a également déclaré que l'IPFPC avait fait preuve de diligence en tentant de corriger l'erreur lorsqu'il en a pris conscience et a invoqué le fait que le retard dû à l'erreur était [traduction] « négligeable » en ce sens qu'il était de moins d'une semaine. Il a alors conclu que l'employeur était au courant de la contestation de l'agent négociateur par rapport à l'application de la clause en question par l'employeur et savait ou aurait dû savoir que le demandeur renverrait le grief à l'arbitrage, citant Riche, Hendessi et Rabah c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 101. Compte tenu du court délai, le demandeur a déclaré que l'employeur ne subit aucun préjudice.

10 Sur la question de l'impact du refus de la prorogation, l'agent négociateur a invoqué le fait qu'il s'agirait d'un [traduction] « préjudice important », puisque la décision de l'employeur avait eu un impact [traduction] « sur un certain nombre de membres du demandeur travaillant dans le Bureau du service météorologique de la région du Québec » et que le préjudice en question était supérieur au préjudice de l'employeur en l'espèce.

11 Enfin, il a soutenu que le grief n'était ni frivole ni vexatoire et qu'il s'agissait d'une question d'interprétation de la convention collective qui méritait d'être entendue. En ce qui concerne la proposition selon laquelle la présente Commission doit tenir compte de la nature du grief et de sa gravité au moment de l'évaluation en vue de savoir si la demande doit être accordée, le demandeur a cité Riche et Hendessi.

B. Argumentation du défendeur

12 L'employeur, dans ses arguments en date du 8 septembre 2014, renvoyait à la décision de l'ancienne Commission dans Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33, dans laquelle, lors de l'évaluation des critères d'une prorogation établis dans une décision antérieure de l'ancienne Commission, il est soutenu que, dans le cas où il n'y a aucun motif clair, logique et convaincant justifiant le retard, la durée du retard, la diligence raisonnable du demandeur ou l'injustice causée ne compte pas. L'employeur a indiqué que la [traduction] « durée du retard invoquée afin de renvoyer le présent dossier de grief à l'arbitrage ne doit avoir aucune importance, puisque le demandeur n'a pas présenté un motif clair, logique et convaincant de la raison pour laquelle il n'a pas été renvoyé dans les délais prescrits ».

C. Réfutation du demandeur

13 Le demandeur a contesté l'allégation du défendeur selon laquelle il n'avait pas présenté un motif clair, logique et convaincant et a déclaré que, puisqu'il avait corrigé son erreur dès qu'il en a pris conscience, la position du défendeur semblait déraisonnable. Il a souligné que personne au bureau du défendeur n'avait communiqué avec le demandeur afin de lui faire part du fait que le renvoi avait été envoyé au mauvais bureau. L'IPFPC a allégué que la position du défendeur allait à l'encontre des relations de travail raisonnables et était incompatible avec la jurisprudence de l'ancienne Commission qu'il a citée dans ses observations initiales. Enfin, il a souligné que le défendeur n'avait pas allégué qu'il subirait un préjudice dans le cas où la prorogation serait accordée.

III. Motifs

14 Le paragraphe 90(1) du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique prévoit une date d'échéance concernant le renvoi de griefs à l'arbitrage, notamment, au plus tard 40 jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief.

15 Les délais en vertu de la Loi sont prescrits et doivent être prorogés avec modération. Toutefois, en vertu de l'alinéa 61b)  du Règlement, il existe des exceptions aux prorogations de délai lorsque c'est par souci d'équité.

16 Les critères soulignés dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, tiennent compte des principes d'équité qui guident les décideurs dans l'application du paragraphe 61 du Règlement. Ces facteurs sont des raisons claires, logiques et convaincantes justifiant le retard; la durée du retard; la diligence raisonnable du fonctionnaire s'estimant lésé, l'équilibre entre l'injustice causée à l'employé et le préjudice que subit l'employeur si la prorogation est accordée; les chances de succès du grief.

17 Les cinq facteurs peuvent être interconnectés, selon les circonstances de la demande. Il va également de soi qu'un ensemble particulier de circonstances qui définit chaque cas doit déterminer l'importance qui doit être accordée à l'un ou l'autre de ces cinq critères, par rapport aux autres. (Voir Thompson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CRTFP 59, au paragraphe 7). Autrement dit, une approche trop rigide ou cloisonnée lors de l'évaluation de ces facteurs n'aidera pas à déterminer l'équité au sens de l'alinéa 61b) du Règlement. Voir FIOE, Section locale 2228 c. Conseil du Trésor, 2013 CRTFP 144.

18 En ce qui concerne l'argument du défendeur selon lequel, s'il n'existe aucun motif clair, logique et convaincant justifiant le retard, la durée du retard, la diligence raisonnable du demandeur ou l'injustice causée ne compte pas, comme je l'ai déclaré dans FIOE, Section locale 2228 c. Conseil du Trésor, supra, au paragraphe 62, je ne suis pas d'accord. Ce sont les circonstances de chaque cas qui détermineront l'importance à accorder à l'un des critères pertinents lorsqu'ils sont appliqués. Le critère général à appliquer en vue d'une prorogation de délai est l'équité, comme le prévoit l'alinéa 61b) du Règlement. Les critères établis dans Schenkman ne doivent pas être considérés comme des calculs présumés fixes qui empêcheraient un décideur d'envisager d'accorder une prorogation par souci d'équité. Les critères qui orientent un tel examen reposent sur des faits et sont fondés sur le principe de ce qui est juste dans les circonstances.

19 Selon les faits de la présente demande, l'IPFPC cherchait à renvoyer un grief de principe à l'arbitrage le 7 juillet 2013, la dernière journée de renvoi, conformément au Règlement. Toutefois, plutôt que de renvoyer le grief à l'arbitrage à l'ancienne Commission, il a, par erreur, envoyé le renvoi au sous-ministre adjoint de la Rémunération et des Relations de travail, le destinataire désigné de tous les griefs de principe qui sont initialement présentés par l'agent négociateur.

20 L'IPFPC s'est rendu compte de son erreur le 11 juillet 2013 et a renvoyé le grief à l'arbitrage ainsi que la demande de prorogation du délai à l'ancienne Commission le jour suivant.

21 En appliquant les critères qui, selon moi, sont pertinents, je conclus selon les faits de l'espèce que l'IPFPC a établi un motif clair, logique et convaincant justifiant le retard et qu'il a fait preuve de diligence raisonnable en tentant de corriger son erreur lorsqu'il en a pris conscience.

22 Le délai était de moins d'une semaine.

23 En établissant un équilibre entre l'injustice causée aux employés et le préjudice que subit l'employeur si la prorogation du délai est accordée, je conclus qu'il pourrait y avoir un préjudice éventuel pour les employés issu de la modification par l'employeur de l'interprétation de l'article de la convention collective relatif à l'horaire de travail par quart, aux congés si le cas n'est pas entendu sur le fond. L'employeur n'a pas allégué qu'il subirait un préjudice dans le cas où la demande de prorogation du délai serait accordée.

24 En ce qui concerne les possibilités de succès du grief, rien ne suggère que le grief soit frivole ou vexatoire.

25 Enfin, le préambule de la Loi préconise des relations patronales-syndicales efficaces, encourage les efforts de collaboration des employeurs et des agents négociateurs, confirme l'engagement du gouvernement du Canada à résoudre de manière juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d'emploi, et reconnaît que l'engagement des employeurs et des agents négociateurs à l'égard du respect mutuel et de l'établissement de relations harmonieuses est un élément indispensable pour ériger une fonction publique performante et productive. J'accepte l'argument de l'agent négociateur selon lequel la position du défendeur, compte tenu de sa connaissance rapide du renvoi et de l'erreur apparente faite par l'agent négociateur, irait à l'encontre de relations de travail raisonnables si je l'acceptais.

26 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

27 La demande de prorogation du délai est accordée.

28 J'ordonne que le greffe de la Commission fixe une date pour une audience sur le fond du grief.

Le 12 décembre 2014.

Traduction de la CRTEFP

David P. Olsen,
une formation de la
Commission des relations de
travail et de l'emploi dans la
fonction publique

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