Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont contesté le refus de l’employeur d’accepter leurs demandes d’échange de quarts de travail - la première demande, qui portait sur un échange de quarts de travail entre les fonctionnaires s’estimant lésés, a été refusée parce que ces derniers auraient travaillé plus d’un quart de travail de 16heures par cycle de quarts de 5 jours, ce qui est contraire à l’Appendice<<K>> de la convention collective et à deux politiques du Service correctionnel du Canada - dans la deuxième demande, la fonctionnaire s’estimant lésée a proposé d’échanger son quart de travail avec un troisième agent correctionnel qui devait travailler un quart de travail de 12,75heures - étant donné que la fonctionnaire s’estimant lésée devait travailler un quart de travail de 16heures, elle a proposé de combler l’écart de 3,25heures en prenant un congé annuel - la fonctionnaire s’estimant lésée a admis que sa demande aurait pu occasionner à l’employeur des frais en heures supplémentaires, mais elle a fait valoir que ces frais auraient découlé de la demande de congé annuel et non de la demande d’échange de quarts - l’arbitre de grief a conclu que trois conditions devaient être respectées pour que l’employeur approuve un échange de quarts: un préavis suffisant doit être donné, il ne doit y avoir aucun frais supplémentaire pour l’employeur et la demande doit être approuvée par l’employeur - le pouvoir discrétionnaire de l’employeur d’approuver ou de refuser une telle demande ne doit pas être exercé de façon déraisonnable ou arbitraire - les fonctionnaires s’estimant lésés ont admis dans leur argumentation que l’employeur pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire d’approuver ou de refuser de telles demandes - la politique de l’employeur de refuser les échanges de quarts lorsque ces derniers ont plus de deux heures de différence s’appuyait sur une éventuelle perturbation des besoins opérationnels - la politique de l’employeur n’est ni arbitraire ni déraisonnable à cet égard - le fait que, conformément à l’Appendice <<K>>, un seul quart de travail de 16heures soit normalement prévu par cycle de quarts d’un employé ne signifie pas que l’employeur ne peut pas prévoir à l’horaire plus d’un quart de travail de 16 heures ou que l’employé ne peut pas en effectuer plus d’un, par exemple s’il accepte de travailler des heures supplémentaires - toutefois, il n’est ni déraisonnable ni arbitraire de la part de l’employeur de refuser ou d’approuver des demandes d’échange de quarts qui feraient en sorte qu’un employé soit affecté à plus d’un quart de travail de 16heures par cycle de quarts - la politique a été instaurée dans le but de permettre à l’employeur d’établir des horaires efficaces et de répondre aux besoins opérationnels - aucune preuve de pratique antérieure ni d’acte de confiance préjudiciable n’ayant été présentée, le principe de la préclusion ne s’applique pas. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-01-13
  • Dossier:  566-02-5721 à 5723
  • Référence:  2014 CRTFP 3

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TARA HARRISON ET RUSSELL KIRBY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Harrison et Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jack Haller, avocat
Pour l'employeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick) Les 9 et 10 octobre 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Les fonctionnaires s’estimant lésés, Tara Catherine Harrison et Russell Kirby (les « fonctionnaires ») sont des agents correctionnels employés par le Service correctionnel du Canada (le « SCC » ou l’« employeur »). Les fonctionnaires ont présenté trois griefs concernant des demandes d’échange de quarts refusées par le SCC. Deux de ces griefs, celui présenté par Mme Harrison portant le numéro de dossier 566-02-5722, et celui présenté par M. Kirby portant le numéro de dossier 566-02-5721, se rapportent à la même demande d’échange de quarts. Le troisième grief, portant le numéro de dossier 566-02-5723, concerne une demande d’échange de quarts différente entre Mme Harrison et un autre agent correctionnel qui n’est pas partie aux présents griefs.

2 Les trois griefs se rapportent à la clause 21.05 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services correctionnels, qui est arrivée à échéance le 31 mai 2010 (la « convention collective »). Cette clause est ainsi libellée :

21.05

  1. À la condition qu’un préavis suffisant soit donné et que l’Employeur donne son approbation, les employé-e-s peuvent s’échanger des quarts de travail si cela ne donne pas lieu à un supplément de frais pour l’Employeur.
  2. Lorsque des employé-e-s sont autorisés à échanger leurs quarts, l’Employeur verse la rémunération comme s’il n’y avait pas eu d’échange.

3 Le SCC a rejeté les griefs à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Les fonctionnaires ont finalement renvoyé les griefs à l’arbitrage.

II. Résumé de la preuve

4 M. Kirby a déclaré qu’il occupait un poste d’agent correctionnel au SCC depuis sept ans. Son poste était classifié CX-01. Il a ajouté qu’il avait rarement demandé à échanger des quarts avec d’autres agents du groupe CX. Le 31 mars 2011, il a présenté à son gestionnaire un formulaire de demande d’échange de quarts. Cette demande prévoyait que Mme Harrison effectuerait les quarts de travail de M. Kirby prévus les 4 et 5 avril 2011 et que M. Kirby effectuerait ceux de Mme Harrison prévus les 11 et 12 mai 2011. La demande a d’abord été refusée par le gestionnaire de M. Kirby, puis à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, au motif qu’elle aurait amené M. Kirby à travailler plus d’un quart de 16 heures dans un cycle de cinq jours de travail, contrairement à ce qui est prescrit à l’Appendice « K » de la convention collective, au bulletin de politique 2006-12(2) du SCC, de même qu’à la politique régionale sur les échanges de quarts instaurée le 8 février 2011 par le sous-commissaire adjoint par intérim, Opérations en établissement, SCC.

5 Bien que M. Kirby ait reconnu qu’il aurait été affecté à deux quarts de 16 heures pendant le cycle de quarts qui commence le 7 mai 2011, il a précisé que ces deux quarts de 16 heures n’auraient pas été consécutifs et qu’ils n’auraient occasionné aucuns frais pour l’employeur, étant donné que l’échange visait un nombre égal d’heures de travail. Selon M. Kirby, le refus de l’employeur d’approuver cet échange de quarts contrevient à la clause 21.05 de la convention collective, puisque l’échange de quarts demandé n’aurait occasionné aucuns frais pour l’employeur.

6 M. Kirby a également déclaré que les employés pouvaient se porter volontaires pour travailler des heures supplémentaires au cours d’un cycle de quarts et que, par conséquent, il leur arrivait souvent de travailler plus d’un quart de 16 heures – parfois même jusqu’à quatre – dans un même cycle de quarts. Selon lui, ce fait contredisait les raisons de l’employeur visant à justifier le refus de sa demande d’échange de quarts.

7 M. Kirby a ajouté que même si l’Appendice « K » de la convention collective prévoyait que les employés devaient normalement être affectés à un seul quart de 16 heures par cycle, elle ne leur interdisait pas de travailler plus d’un quart de 16 heures dans un même cycle de quarts, donnant de nouveau l’exemple des heures supplémentaires. D’après lui, la clause 21.05 de la convention collective offre une certaine souplesse en permettant aux employés de modifier leurs cycles de quarts respectifs sans avoir à demander de congés annuels.

8 Après avoir présenté son témoignage, M. Kirby a demandé à être libéré de la suite de l’audience, en raison d’obligations personnelles. Il a volontairement renoncé à son droit d’assister à la suite de l’audience et a autorisé son représentant, M. Haller, à continuer de le représenter en son absence.

9 Mme Harrison a également témoigné. Elle a confirmé qu’elle avait demandé un échange de quarts avec M. Kirby, que dans le cadre de cet échange ils auraient travaillé deux quarts de 16 heures dans le même cycle de travail, et que l’employeur avait refusé la demande le 31 mars 2011. Ni Mme Harrison ni M. Kirby n’ont été en mesure de se rappeler la raison pour laquelle ils avaient demandé cet échange de quarts.

10 Selon Mme Harrison, le fait que l’employeur ait refusé ces demandes d’échange de quarts en s’appuyant sur le bulletin de politique 2006-12(2) du SCC et la politique régionale sur l’échange de quarts constitue une violation de la clause 21.05 de la convention collective, puisque l’affectation des fonctionnaires à deux quarts de 16 heures dans un cycle de travail ne donnait pas lieu à un supplément de frais pour l’employeur. Cet argument de Mme Harrison n’a pas été contesté par l’employeur à l’audience.

11 Selon Mme Harrison, bien qu’elle ait été informée lors d’une réunion patronale-syndicale que les demandes d’échange de quarts augmentaient la charge de travail des gestionnaires responsables des horaires, aucune augmentation subséquente des frais n’a été mentionnée par l’employeur lors de cette réunion; par ailleurs, aucun élément de preuve quant à une telle augmentation n’a été porté à sa connaissance.

12 D’après Mme Harrison, sa demande d’échange de quarts avec M. Kirby ne contrevenait pas au bulletin de politique 2006-12(2) du SCC, puisque cet échange ne faisait pas en sorte qu’elle ou M. Kirby travaillent deux quarts consécutifs de 16 heures, et que c’était un fait établi que ni l’un ni l’autre ne cherchait fréquemment ou régulièrement à comprimer de longs cycles de travail de manière à les écourter.

13 Mme Harrison a déclaré que contrairement à une demande de congé annuel, qui aurait pu obliger l’employeur à payer des heures supplémentaires à un autre employé, l’échange de quarts proposé avec M. Kirby n’aurait pas donné lieu à un supplément de frais pour l’employeur, ce qui aurait été avantageux pour le SCC.

14 En ce qui concerne son deuxième grief (566-02-5723), Mme Harrison a déclaré que le 6 mai 2011, une demande d’échange de quarts avait été soumise à l’employeur. Cette demande prévoyait que Mme Harrison serait affectée au quart de 12,75 heures d’un autre agent CX-01, lequel quart était prévu le 26 mai 2011, et que ce dernier travaillerait 12,75 heures de travail sur les 16 heures de son quart prévu le 18 juin 2011. Enfin, il était prévu que Mme Harrison demanderait un congé annuel pour les 3,25 heures restantes de son quart du 18 juin 2011. L’employeur a refusé cette demande d’échange de quarts. Mme Harrison a présenté un grief pour contester ce refus.

15 D’après la documentation produite par Mme Harrison (pièces G-9 à G-11), l’employeur a initialement refusé la demande d’échange de quarts au motif que l’écart entre les deux quarts en question (12,75 heures et 16 heures) était supérieur à deux heures, ce qui est interdit aux termes de la politique régionale sur les échanges de quarts. Cependant, dans la décision rendue au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a indiqué que le grief de Mme Harrison était rejeté au motif que l’employeur devrait assumer des frais supplémentaires en raison des manipulations nécessaires pour saisir la demande dans le système informatisé de gestion des horaires et que l’entrée de ses modifications dans le système entraînait beaucoup de travail. Enfin, dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a répété que l’échange de quarts demandé n’était pas permis par la politique régionale sur les échanges de quarts, et qu’il n’était pas possible de saisir de tels échanges dans le Système des horaires de travail et du déploiement (SHD); il n’a pas mentionné l’augmentation des frais dans le cadre de sa réponse au dernier palier.

16 Mme Harrison a également déclaré qu’une demande d’échange de quarts similaire avec le même employé CX-01, pour laquelle il y avait aussi un écart de 3,25 heures, avait été approuvée par l’employeur quelques semaines avant qu’elle ne présente sa demande du 6 mai 2011. En contre-interrogatoire, elle n’a pas été en mesure d’indiquer la date exacte de cette demande antérieure ni de confirmer de quelle façon l’écart de 3,25 heures avait été comblé, par exemple si c’était au moyen d’une demande de congé annuel. À l’audience, l’employeur a cherché la documentation relative à cet échange de quarts, mais n’a pu trouver dans ses dossiers aucun document confirmant le témoignage de Mme Harrison.

17 Mme Harrison a admis que l’échange faisant l’objet de son deuxième grief (566-02-5725) aurait pu occasionner des frais à l’employeur en raison des heures supplémentaires nécessaires pour combler l’écart de 3,25 heures entre les deux quarts visés par la demande, elle a toutefois affirmé qu’à son avis, les frais potentiels liés aux heures supplémentaires auraient été la conséquence de sa demande de congé annuel, et non de la demande d’échange de quarts. Elle a ajouté que sa demande de congé annuel pour combler l’écart de 3,25 heures n’aurait pas nécessairement nécessité le paiement d’heures supplémentaires, étant donné que l’employeur aurait pu poursuivre les activités avec un effectif réduit, et qu’il y avait régulièrement des agents correctionnels remplaçants en service, qui étaient donc disponibles pour combler de telles absences.

18 David Harrison a également présenté un bref témoignage au nom des fonctionnaires. Pendant la période visée, il était membre de l’exécutif local de l’agent négociateur, à titre de délégué syndical ou de vice-président. Il a déclaré qu’au cours des 14 dernières années, il avait présenté deux ou trois demandes d’échange de quarts par année qui avaient toutes été approuvées par l’employeur. Il a également affirmé qu’aucun membre de la gestion ne lui avait mentionné que le traitement des demandes d’échange de quarts occasionnait à l’employeur des frais supplémentaires.

19 Dale Lawson a témoigné au nom de l’employeur. M. Lawson est agent principal de projet par intérim, Établissement des horaires et déploiement, pour la région de l’Atlantique du SCC. Il a déclaré qu’avant d’adopter la politique régionale sur les échanges de quarts, le 8 février 2011, le SCC avait pris en considération l’information et les données qu’il avait recueillies au cours d’un processus de consultation auprès de ses homologues régionaux et de gestionnaires correctionnels de l’ensemble du pays. Selon M. Lawson, les quatre restrictions imposées par la politique régionale sur les échanges de quarts étaient fondées sur des recommandations qu’il avait présentées au sous-commissaire adjoint par intérim, Opérations en établissement, à l’issue de ce processus de consultation, qui visait entre autres à uniformiser la façon de gérer les échanges de quarts à l’échelle nationale.

20 M. Lawson a indiqué que plusieurs changements avaient été mis en œuvre depuis la publication du bulletin de politique 2006-12(2) en mars 2007, notamment la mise en place du SHD en septembre 2009, lequel imposait des restrictions en raison de sa configuration. Par exemple, le SHD ne permettait pas la saisie d’un échange de quarts s’il y avait plus de deux heures d’écart entre les deux quarts; il ne permettait pas non plus les échanges de quarts entre des postes de classification différente.

21 D’après M. Lawson, l’information qu’il a reçue de ses homologues régionaux confirmait qu’il n’était pas permis, dans les autres régions, d’échanger des quarts si cet échange avait pour résultat qu’un employé devait travailler plus d’un quart de 16 heures dans un même cycle de travail; un échange de quarts n’était pas autorisé s’il y avait un écart de plus de deux heures entre les deux quarts, particulièrement les échanges entre un quart de 12,75 heures et un quart de 16 heures; aucun échange de quarts entre deux postes de classification différente n’était autorisé. À des fins d’uniformisation, il a recommandé au sous-commissaire adjoint par intérim qu’une politique semblable soit mise en œuvre dans la région de l’Atlantique du SCC.

22 Quand il s’est vu demander si, à son avis, ses recommandations étaient conformes à la clause 21.05 de la convention collective, M. Lawson a affirmé que, selon lui, elles l’étaient. Par exemple, en ce qui concerne la restriction relative à l’écart de deux heures, il a indiqué que les agents correctionnels étaient généralement affectés à des quarts de travail de durée variable, soit de 8,0, 8,5, 8,75, 9,0, 10,0, 12,5, 12,75 ou 16 heures. La période maximale de chevauchement prévue pour les cycles de travail variait habituellement entre 1,5 et 2 heures. Ainsi, si un employé se présentait deux heures en retard ou si personne n’était affecté au quart d’un employé pendant une période de deux heures en raison d’un échange de quarts, le chevauchement des horaires des employés en service assurait la présence d’un effectif suffisant dans l’établissement. Cependant, toute absence excédant la période de chevauchement de deux heures entraînait un déficit de personnel, qu’il fallait combler en affectant des employés en congé aux postes vacants, ce qui, en fin de compte, entraîne des frais en heures supplémentaires. Bien qu’il ait admis que la présence d’agents remplaçants était prévue dans les horaires des cycles de travail, M. Lawson a affirmé que l’objectif de cette mesure n’était pas de permettre aux employés de modifier leurs horaires de travail, mais plutôt de combler les absences prévues au moment de l’établissement des horaires, de même que les absences imprévues, les congés des employés en formation et les retards.

23 Au sujet de la restriction relative aux quarts de 16 heures, M. Lawson a déclaré qu’elle était conforme au libellé de l’Appendice « K » de la convention collective et qu’elle visait à assurer la sécurité du personnel. Par exemple, il a évoqué la possibilité que l’employeur doive demander à un employé, à court préavis, de travailler des heures supplémentaires à des fins opérationnelles. Il a ajouté que si cet employé avait déjà travaillé plus d’un quart de travail de 16 heures dans son cycle de quarts en raison d’un échange de quarts, celui-ci risquait d’être moins disposé ou moins apte à accepter de travailler des heures supplémentaires, compte tenu de la fatigue et de la vigilance réduite. M. Lawson a admis en contre-interrogatoire que les agents correctionnels pouvaient travailler jusqu’à quatre quarts de 16 heures dans un cycle de travail s’ils devaient travailler des heures supplémentaires à des fins opérationnelles, mais il a insisté sur le fait que l’employeur devait gérer ses opérations de manière à assurer le respect de ses besoins et responsabilités opérationnels, et que les agents correctionnels étaient toujours libres de refuser de travailler des heures supplémentaires.

III. Résumé des arguments

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

24 Les fonctionnaires ont fait valoir que deux conditions devaient être satisfaites pour obtenir l’approbation de l’employeur en vue d’un échange de quarts. Premièrement, les employés doivent donner à l’employeur un préavis suffisant de leur intention d’échanger leurs quarts. Deuxièmement, l’échange de quarts proposé ne doit pas donner lieu à un supplément de frais pour l’employeur. Selon les fonctionnaires, puisque les deux conditions étaient satisfaites pour les trois demandes d’échange de quarts faisant l’objet des présents griefs, le refus de l’employeur d’approuver les demandes en question contrevient à la clause 21.05 de la convention collective.

25 Selon les fonctionnaires, comme il n’a jamais été allégué que le préavis n’avait pas été donné dans un délai suffisant, le fait que l’employeur n’ait pas réussi à démontrer comment la demande d’échange de quarts en question avait donné lieu à un supplément de frais faisait en sorte qu’il ne pouvait invoquer d’autres motifs justifiant ses refus. En particulier, les fonctionnaires ont mentionné le manque d’éléments de preuve quant aux frais occasionnés par les heures supplémentaires nécessaires pour traiter la demande d’échange de quarts sur le plan administratif et aux frais occasionnés par les heures supplémentaires nécessaires pour combler l’écart d’heures entre les deux quarts échangés. D’après les fonctionnaires, la clause 21.05 de la convention collective établit clairement un lien entre, d’une part, le préavis et les frais et, d’autre part, l’approbation de l’employeur. En d’autres termes, l’employeur est tenu d’accorder son approbation si le préavis donné est suffisant et si l’échange ne donne pas lieu à un supplément de frais.

26 En ce qui concerne la demande d’échange entre deux quarts dont la durée variait de plus de deux heures, les fonctionnaires ont soutenu que, par le passé, la pratique établie de l’employeur était d’autoriser les échanges de quarts et qu’il ne pouvait pas tenter de modifier les règles en imposant une nouvelle restriction à l’échelle nationale. En plus d’invoquer l’ancienne pratique, les fonctionnaires ont fait valoir que, puisque l’employeur avait approuvé une demande pratiquement identique mettant en cause Mme Harrison quelques semaines seulement avant la demande faisant l’objet du grief 566-02-5723, l’employeur n’avait pas le droit de refuser cette demande.

27 Les fonctionnaires ont affirmé que les dispositions de la convention collective devaient être interprétées selon leur sens clair et ordinaire, et que l’employeur n’avait pas la liberté de modifier l’intention et le sens de la clause 21.05 de la convention collective en y ajoutant de nouvelles conditions ou restrictions.

28 Selon les fonctionnaires, dans le cas d’une demande d’échange dans laquelle il existe une différence d’heures entre les quarts des deux employés (p. ex., s’il y a échange entre un quart de 16 heures et un quart de 12,75 heures et que l’employé propose de combler l’écart de 3,25 heures par un congé annuel) ce n’est pas la demande de congé qui occasionne des frais supplémentaires à l’employeur, mais plutôt le fait qu’un autre employé puisse s’absenter pour cause de maladie le jour où a lieu l’échange de quarts. En effet, dans un tel cas, l’absence non prévue ne peut plus être comblée par un agent remplaçant puisque celui-ci est déjà occupé à combler l’écart de 3,25 heures occasionné par l’échange de quarts; par conséquent, un autre employé doit remplacer la personne qui a pris un congé imprévu, ce qui entraînera le paiement d’heures supplémentaires.

29 Au sujet de la restriction imposée par l’employeur relativement aux quarts de 16 heures, les fonctionnaires ont fait valoir que même si, selon l’Appendice « K » de la convention collective, un seul quart de 16 heures doit normalement être prévu dans le cycle de quarts d’un employé, il n’est pas interdit à l’employeur d’affecter un employé à plus d’un quart de 16 heures par cycle, ni à un employé de travailler plus d’un quart de 16 heures par cycle. Ils ont ajouté que les employés étaient régulièrement affectés à plusieurs quarts de 16 heures dans le même cycle de quarts en raison des possibilités de travailler des heures supplémentaires.

30 Les fonctionnaires n’ont pas contesté le fait que l’employeur pouvait s’appuyer sur le libellé de la clause 21.05 de la convention collective : « que l’Employeur donne son approbation » afin de refuser les demandes d’échange de quarts afin d’empêcher que certains employés prennent l’habitude de se prévaloir de cet avantage, ou afin d’empêcher les employés d’établir leurs propres cycles de quarts, mais que l’employeur ne devait pas systématiquement exercer ce pouvoir discrétionnaire dans le cas des demandes occasionnelles.

31 Les fonctionnaires ont soutenu que l’employeur ne devait pas avoir le droit de contrevenir à la convention collective dans le simple but d’uniformiser à l’échelle nationale les pratiques relatives aux demandes d’échange de quarts ou d’éviter des frais potentiels.

B. Pour l’employeur

32 L’employeur m’a rappelé que la convention collective devait être interprétée dans son ensemble, en commençant par la clause 6.01 de la convention collective, laquelle est libellée comme suit :

6.01 Sauf dans les limites indiquées, la présente convention ne restreint aucunement l’autorité des personnes chargées d’exercer des fonctions de direction dans la fonction publique.

33 L’employeur a fait valoir que la clause 21.05 de la convention collective comportait trois conditions, et non deux comme l’avaient laissé entendre les fonctionnaires. Il s’agit des trois conditions suivantes : (1) préavis suffisant, (2) augmentation des frais et (3) approbation de l’employeur.

34 L’employeur a également affirmé que le libellé de la clause 21.05 de la convention collective ne laissait pas entendre que son approbation découlait des deux autres conditions, c’est-à-dire le préavis et les frais. L’employeur est d’avis que le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la clause 21.05 ne se limite pas uniquement aux questions du préavis et des frais supplémentaires, mais peut englober d’autres éléments liés à ses responsabilités en matière de gestion.

35 L’employeur a ajouté que lorsque les parties à la convention collective ont souhaité limiter le pouvoir d’approbation de l’employeur à des conditions bien précises, elles l’ont fait en employant un libellé clair et ordinaire; à cet égard, l’employeur a cité les clauses 30.01 et 30.12 de la convention collective à titre d'exemple :

30.01

**

a. Après une (1) année d’emploi continu dans la fonction publique et à condition que l’employé-e donne à l’Employeur un préavis d’au moins cinq (5) jours, il bénéficie d’un congé payé de quarante (40) heures aux fins de contracter mariage.

[…]

30.12 Un congé non payé est accordé pour les obligations personnelles, selon les modalités suivantes :

a. un congé non payé d’une durée maximale de trois (3) mois est accordé à l’employé-e pour ses obligations personnelles à la condition que la demande de congé soit soumise quarante-cinq (45) jours à l’avance […]

[…]

36 L’employeur a reconnu que même s’il jouit d’un pouvoir discrétionnaire pour approuver ou refuser les demandes d’échange de quarts, il n’est cependant pas autorisé à exercer ce pouvoir de façon déraisonnable ou arbitraire. Il a toutefois fait valoir que les fonctionnaires n’avaient fourni aucun élément de preuve probant démontrant qu’il avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable ou arbitraire.

37 En ce qui a trait aux demandes d’échange de quarts où les employés doivent travailler plus d’un quart de 16 heures au cours du même cycle de quarts, l’employeur a soutenu que le fait d’instaurer une politique visant à atteindre l’un des objectifs énoncés à l’Appendice « K » de la convention collective, à laquelle l’agent négociateur a d’ailleurs souscrit, n’était en rien déraisonnable ou arbitraire.

38 En ce qui a trait aux demandes d’échange de quarts entraînant des écarts de plus de deux heures, l’employeur a fait valoir que les demandes de congé qui doivent accompagner ces demandes d’échange de quarts pour combler l’écart entraînaient des frais supplémentaires et une réduction de la souplesse lorsque venait le temps d’établir l’horaire des agents suppléants. Selon l’employeur, il n’est pas toujours possible de savoir si une demande entraînera une augmentation de frais lorsque cette demande est présentée. L’augmentation des frais ne sera connue que le jour même de l’échange en question. Toutefois, selon l’employeur, la seule possibilité d’une augmentation de frais devrait être suffisante pour justifier le refus d’une demande d’échange de quarts, et cette décision ne devrait pas être considérée comme déraisonnable ni arbitraire.

39 L’employeur a fait valoir qu’il n’avait pas violé la convention collective en instaurant une politique définissant les types d’échanges de quarts qui seraient refusés.

40 Enfin, l’employeur a soutenu que le principe de la préclusion ne s’appliquait pas en l’espèce, étant donné que les fonctionnaires n’avaient pas réussi à établir l’existence de pratiques passées largement répandues concernant les types d’échanges de postes visés.

IV. Motifs

41 Ma décision est essentiellement fondée sur le libellé de la clause 21.05 de la convention collective, que je reproduis à nouveau ci-dessous :

21.05

(a) À la condition qu’un préavis suffisant soit donné et que l’Employeur donne son approbation, les employé-e-s peuvent s’échanger des quarts de travail si cela ne donne pas lieu à un supplément de frais pour l’Employeur.

(b) Lorsque des employé-e-s sont autorisés à échanger leurs quarts, l’Employeur verse la rémunération comme s’il n’y avait pas eu d’échange.

42           En partant du principe que les termes employés par les parties dans la clause 21.05 de la convention collective revêtent leur sens clair et ordinaire et après avoir examiné la convention collective dans son ensemble, je dois rejeter l’argument des fonctionnaires selon lequel seules deux conditions doivent être remplies pour obtenir l’approbation de l’employeur en vue d’un échange de quarts, soit : 1) un préavis suffisant; 2) l’absence d’un supplément de frais pour l’employeur. J’aurais pu souscrire à la position des fonctionnaires si la disposition en question avait été libellée comme suit : [traduction] « À la condition qu’un préavis suffisant soit donné et qu’il n’y ait pas de supplément de frais pour l’Employeur, les demandes d’échange de postes devront être approuvées par l’Employeur. » Or, cette disposition a été libellée autrement, puis approuvée telle quelle par l’employeur et l’agent négociateur. Le libellé de la clause 21.05 comprend une troisième condition, soit l’approbation de l’employeur qui, à mon avis, est requise indépendamment du fait que les deux autres conditions soient remplies ou non. Contrairement aux autres dispositions de la convention collective, comme les clauses 30.01 et 30.12, la clause 21.05 prévoit un élément discrétionnaire supplémentaire. Ce pouvoir discrétionnaire ne doit certes pas être exercé de façon déraisonnable ou arbitraire, mais il demeure qu’il s’agit d’une troisième condition distincte devant être remplie pour qu’un employé puisse échanger un quart avec un autre employé.

43 À ce propos, les fonctionnaires ont fait une concession intéressante. Ils ont laissé entendre que libellé « que l’Employeur donne son approbation » de la clause 21.05 de la convention collective pourrait signifier que l’employeur a le droit de refuser des demandes d’échange de quarts qui seraient continuellement présentées par les mêmes employés ou de les refuser pour empêcher les employés d’établir eux-mêmes leur cycle de quarts. Il est donc possible d’en déduire que les fonctionnaires reconnaissent que l’employeur peut effectivement exercer un pouvoir discrétionnaire en vertu de la clause 21.05 lorsqu’il s’agit d’approuver ou de refuser une demande d’échange de quarts pour des motifs qui ne sont pas liés au préavis ou aux frais.

A. Échanges de quarts dont la différence de durée est de plus de deux heures

44 Dans sa politique régionale en matière d’échanges de quarts, l’employeur a précisé qu’il n’approuverait pas les échanges de quarts lorsque la différence de durée entre les quarts proposés excédait deux heures. Lors de son témoignage, M. Lawson a expliqué qu’étant donné que les quarts étaient conçus pour répondre aux besoins opérationnels des établissements, ceux-ci étaient d’une durée qui variait entre 8,0, 8,5, 8,75, 9,0, 10, 12,5, 12,75 ou 16 heures. Ainsi, il y avait toujours un écart d’environ deux heures entre les quarts de jour et les quarts de nuit, de sorte que tout manque à gagner de moins de deux heures causé par un échange de quarts pouvait facilement être comblé par les employés en poste. Toutefois, si l’écart est supérieur à deux heures et si tous les agents suppléants prévus à l’horaire sont déjà affectés au remplacement des absences imprévues, des congés annuels et des employés en formation, il faut faire appel à un autre employé pour pourvoir au poste laissé vacant, ce qui entraîne habituellement des heures supplémentaires.

45 Étant donné que des agents suppléants sont prévus à l’horaire, les fonctionnaires ont laissé entendre que ce n’étaient pas les demandes d’échange de quarts comprenant une demande de congé annuel de 3,25 heures qui entraînaient des frais liés aux heures supplémentaires, mais plutôt le fait qu’un autre employé puisse s’absenter pour cause de maladie ou être tenu d’assister à une séance de formation la journée où les quarts sont échangés, ce qui ferait en sorte qu’il n’y aurait plus d’agents suppléants pouvant combler l’écart de 3,25 heures et qu’il faudrait faire appel à un autre employé pour effectuer des heures supplémentaires. Je ne suis pas d’accord avec cette analogie. La preuve présentée par M. Lawson laisse entendre que des agents suppléants sont prévus à l’horaire pour permettre à l’employeur de combler les absences attribuables à des congés prévus et imprévus, à des séances de formation et à des retards sans avoir à recourir à des heures supplémentaires, et non pour combler des écarts créés par des demandes d’échange de quarts soumises une fois l’horaire déjà établi.

46 En l’espèce, la demande de congé annuel de 3,25 heures ne peut tout simplement pas être dissociée de la demande d’échange de quarts. En effet, la demande d’échange de quarts prévoyait expressément que le manque à gagner de 3,25 heures serait comblé par le congé annuel. En d’autres termes, l’employeur devait approuver la demande d’échange de quarts pour que la demande de congé annuel soit présentée afin de combler le manque à gagner. Par conséquent, dans un tel cas, c’est bien la demande d’échange de quarts, et non un congé imprévu pris par un autre employé le jour de l’échange, qui entraîne des frais. L’employeur n’est pas tenu d’intégrer des agents suppléants aux horaires qu’il établit, mesure dont il doit par ailleurs assumer le coût, pas plus qu’il ne devrait être obligé de prévoir davantage de suppléants pour combler les manques à gagner créés par des échanges de quarts imprévisibles et potentiellement nombreux. L’employeur prend cette mesure pour veiller à ce que ses horaires soient établis de manière efficiente à l’aide des ressources existantes qui lui sont allouées et à ce qu’ils lui permettent d’affecter des ressources à toutes les activités de sécurité connues, tel qu’il est prévu à l’Appendice « K » de la convention collective. Si l’employeur cessait de prévoir des suppléants à l’horaire, ce qu’il pourrait faire, des manques à gagner ou des écarts de ce type entraîneraient automatiquement des heures supplémentaires. L’employeur a jugé pertinent d’inclure des suppléants dans ses horaires pour pallier des congés imprévus, des congés prévus, des séances de formation et d’autres activités afin d’assumer ses responsabilités de gestion et de répondre aux besoins opérationnels de l’organisation, et il n’a pas à augmenter le nombre de suppléants qu’il prévoit à l’horaire pour pouvoir répondre à toutes les demandes d’échange de quarts. À mon avis, il y a une nuance entre un employé qui demande un congé annuel pour un quart complet et un employé qui demande un échange de quarts l’obligeant à prendre un congé pour une portion de son quart. Le deuxième scénario entraîne potentiellement non seulement des perturbations d’un point de vue administratif, mais également des frais, étant donné qu’aucun suppléant n’est intégré à l’horaire de travail de l’employeur à cette fin.

47 Essentiellement, les fonctionnaires s’appuient sur le fait que l’employeur a jugé bon d’établir des horaires efficaces qui répondent aux besoins opérationnels de l’organisation en y intégrant des suppléants et laissent entendre que, par conséquent, il n’est pas certain qu’il y aurait des frais additionnels attribuables à des heures supplémentaires pour chaque demande d’échange de quarts. Or, ce point de vue n’est tout simplement pas réaliste ni pragmatique. L’Appendice « K » de la convention collective prévoit que les horaires doivent être établis en fonction des besoins opérationnels de l’organisation et que les employés doivent être affectés en vue d’atteindre cet objectif, et non en vue de permettre des échanges de quarts. La décision de l’employeur de limiter les manques à gagner causés par les échanges de quarts en imposant une restriction de deux heures n’est clairement pas déraisonnable ni arbitraire; il s’agit plutôt, à mon avis, de l’exercice approprié du pouvoir discrétionnaire que lui confère la clause 21.05 de la convention collective.

B. Deux quarts de seize heures au cours du même cycle de quarts

48 Je suis d’accord avec les fonctionnaires lorsqu’ils affirment que le fait que l’Appendice « K » de la convention collective prévoit qu’un seul quart de 16 heures devrait normalement être prévu dans le cycle de quarts de l’employé ne signifie pas que l’employeur ne peut pas prévoir plus d’un quart de 16 heures dans le cycle de quarts d’un employé ni que celui-ci ne peut travailler plus d’un quart de 16 heures par cycle. Toutefois, je ne vois rien de déraisonnable ni d’arbitraire dans le fait que l’employeur, en vertu d’une politique, refuse d’approuver des échanges de quarts qui feraient en sorte qu’un employé effectue plus d’un quart de 16 heures par cycle, particulièrement dans la mesure où cette politique découle de la volonté d’établir des horaires efficaces qui combleront les besoins opérationnels du SCC et qui contribueront à la qualité de vie de ses employés (Appendice « K »); il s’agit, selon moi, d’une justification légitime fondée sur les besoins opérationnels.

49 Bien que les exigences opérationnelles, qui sont souvent indépendantes de la volonté de l’employeur, puissent faire en sorte que des employés effectuent plus d’un quart de 16 heures par cycle, la politique de l’employeur n’est pas déraisonnable et son application n’est pas arbitraire pour autant. La volonté de l’employeur de limiter les quarts de 16 heures à un par cycle de travail, à moins d’exigences contraires, n’est pas, à mon avis, déraisonnable ni arbitraire. De plus, les employés ne sont pas tenus d’accepter de travailler des heures supplémentaires lorsque celles-ci sont nécessaires en fonction des besoins opérationnels. Ceux qui acceptent de travailler des heures supplémentaires peuvent effectivement avoir à travailler plus d’un quart de 16 heures par cycle de travail, ce qui ne signifie toutefois pas que l’objectif énoncé à l’Appendice « K » de la convention collective et dans la politique de l’employeur est déraisonnable ou arbitraire, ou contraire à l’esprit de la convention collective.

50 La décision de l’employeur de ne pas approuver des échanges de quarts qui feraient en sorte qu’un employé travaille plus d’un quart de 16 heures par cycle de quarts n’est ni déraisonnable ni arbitraire. D’après moi, cette décision découle de l’exercice approprié du pouvoir discrétionnaire dont jouit l’employeur en vertu de la clause 21.05 de la convention collective.

C. Principe de la préclusion

51 J’aborderai maintenant la question de la préclusion ou des pratiques antérieures. En l’espèce, aucune preuve de pratique antérieure n’a été établie. Mme Harrison a évoqué un échange de quarts précédent qui aurait obtenu l’aval de l’employeur malgré le fait qu’il y avait plus de deux heures d’écart entre la durée des deux quarts, mais elle n’a pas été en mesure de préciser le moment où cet échange a été approuvé ni par qui. De même, elle n’a pas pu confirmer si elle avait effectivement pris un congé de 3,25 heures pour combler l’écart pas plus qu’elle n’a réussi à produire de documents à l’appui de cet échange de quarts.

52 M. Harrison a pour sa part affirmé que l’employeur avait déjà approuvé plusieurs demandes d’échange de quarts qu’il avait présentées par le passé, mais il n’a pas précisé si ces échanges avaient fait en sorte qu’il avait dû effectuer plus d’un quart de 16 heures par cycle de quarts. Il n’a pas non plus laissé entendre que ces demandes l’obligeaient à demander un congé annuel pour combler le manque à gagner entre la durée des deux quarts échangés. Par conséquent, la preuve qu’il a présentée n’était d’aucune utilité aux allégations des fonctionnaires.

53 Je ne peux donc que conclure que les conditions aux termes desquelles le principe de la préclusion ou des pratiques antérieures peut être invoqué n’ont simplement pas été remplies en l’espèce, étant donné qu’aucune pratique n’a pu être établie de la part de l’employeur et qu’aucun acte de confiance préjudiciable n’a été établi.

V. Conclusion

54 Je ne partage pas l’opinion des fonctionnaires selon laquelle l’employeur tente, au moyen de sa politique, d’ajouter de nouvelles conditions ou restrictions à la clause 21.05 de la convention collective. Cette disposition prévoit un pouvoir discrétionnaire négocié qui a été conféré à l’employeur. Le fait que l’employeur ait jugé bon de circonscrire quand et comment il exercerait ce pouvoir discrétionnaire ne modifie en rien la signification claire et ordinaire de cette disposition, pas plus que sa décision ne viole la convention collective. Bien que le fait d’imposer certaines limites aux avantages prévus par la clause 21.05 puisse être perçu comme une infraction par les fonctionnaires, il n’est pas inhabituel que de telles restrictions soient imposées lorsque la disposition en question confère expressément un pouvoir discrétionnaire quant à l’approbation ou au refus des avantages en question.

55 Le pouvoir discrétionnaire dont jouit l’employeur pour gérer ses opérations, répondre à ses besoins opérationnels et assumer ses responsabilités, qui est prévu à la clause 6 de la convention collective, n’est pas à mon avis entravé par le souhait des employés d’échanger leur quart.

56 Les paramètres que l’employeur a établis pour encadrer les demandes d’échange de quarts représentent selon moi l’exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la clause 21.05 de la convention collective.

57 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

58 Les griefs sont rejetés. J’ordonne donc la fermeture des dossiers 566-02-5721, 566-02-5722 et 566-02-5723.

Le 13 janvier 2014.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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