Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un avis de départ à la retraite pendant que son employeur enquêtait sur des allégations selon lesquelles il aurait utilisé son pouvoir d’achat pour se procurer du matériel à des fins personnelles et qu’il aurait tenté de dissimuler ses actes - l’employeur a licencié le fonctionnaire s’estimant lésé - le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son licenciement - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’avait pas invité le fonctionnaire s’estimant lésé à prendre sa retraite et que, dans les circonstances du cas, l’employeur n’avait pas l’obligation d’accepter son départ à la retraite - l’arbitre de grief a aussi conclu que la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé avait donné lieu à une mesure disciplinaire et que le licenciement n’était pas une sanction excessive. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-03-13
  • Dossier:  566-33-8258
  • Référence:  2014 CRTFP 30

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TERRY HORNE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE PARCS CANADA

employeur

Répertorié
Horne c. Agence Parcs Canada


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Paul Love, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat
Audience tenue à Victoria (Colombie-Britannique), du 19 au 21 novembre 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Terry Horne, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief contestant son licenciement du poste de technicien de soutien des biens qu’il occupait au sein de l’Agence Parcs Canada (la « défenderesse »), dans la réserve de parc national Pacific Rim (la « réserve Pacific Rim »). La défenderesse a licencié le fonctionnaire par lettre datée du 15 novembre 2012. La lettre a été envoyée par Helen Davies, directrice de l’unité de gestion de la côte de la C.-B. de la défenderesse (pièce E-1, onglet 6). Le fonctionnaire a été licencié pour usage abusif de l’autorisation d’achats locaux (l’« AAL ») et du pouvoir financier délégué qui lui avaient été confiés par le gouvernement, pour fraude et vol, ainsi que pour malhonnêteté et tromperie volontaires et intentionnelles. Mme Davies a conclu que le fonctionnaire avait violé le Code d’éthique de Parcs Canada, la Loi sur la gestion des finances publiques, (L.R.C. (1985), ch. F-11) (la « LGFP »), de même que le Serment ou affirmation solennelle du gouvernement du Canada, aux termes duquel il s’était engagé à remplir ses fonctions fidèlement et honnêtement. Mme Davies a écrit ceci notamment :

[Traduction]

[…]

Le 18 avril 2012, vous avez rempli et signé, en vertu du pouvoir financier qui vous était délégué, l’AAL no 205181, qui comprenait à l’achat de quatre pneus spécialisés (4) Cooper AT3 (d’une valeur de 757,12 $). La facture se rapportant à ces pneus a été acquittée le 8 mai 2012 et, par votre signature, vous avez autorisé ce paiement en vertu de l’article 34 de la LGFP, conformément aux pouvoirs dont vous jouissiez en tant que gestionnaire de centre de coûts. Vous avez ensuite installé ces pneus sur votre véhicule personnel. Ce comportement est inacceptable et il relève de la fraude et du vol.

[…]

J’ai examiné soigneusement tous les renseignements sur cette affaire, et je suis convaincue qu’il existe une preuve accablante de votre inconduite volontaire, telle qu’elle a été décrite. J’ai pris en considération votre dossier d’emploi, la nature de vos fonctions et le fait que, sur une période de cinq mois, vous avez intentionnellement fait preuve de malhonnêteté et de tromperie relativement à des activités de fraude et de vol. En conséquence, je conclus que la gravité de votre faute et votre manque d’intégrité et d’honnêteté ont rompu irrévocablement le lien de confiance qui doit exister entre un employé et son employeur.

[…]

2 Dans son grief, le fonctionnaire a demandé ce qui suit : [traduction] « Je demande que la lettre susmentionnée soit annulée, que toutes les copies de cette lettre soient détruites, que je sois réintégré complètement dans mon poste sans perte de salaire ou d’avantages sociaux, que je ne subisse aucun préjudice pour avoir déposé le présent grief, et que je sois indemnisé intégralement ».

3 Il est clair que le fonctionnaire demande l’annulation de son licenciement pour pouvoir prendre sa retraite et ainsi toucher une indemnité de départ d’approximativement 30 000 $ en vertu de la convention collective applicable.

II. Audience

4 Pour le compte de la défenderesse, j’ai entendu le témoignage de Scott Stevenson, gestionnaire des biens à la réserve Pacific Rim à l’époque pertinente; John Aldag, directeur du parc par intérim à la réserve Pacific Rim à l’époque pertinente; Kathy Hansen, gestionnaire des ressources humaines pour l’unité de gestion de la côte de la C.-B. de la défenderesse; Helen Davies, directrice de l’unité de gestion de la côte de la C.-B. Le fonctionnaire a témoigné pour son compte.

A. Contexte

5 Située sur la côte ouest de l’île de Vancouver (Colombie-Britannique), la réserve Pacific Rim consiste en trois régions dispersées sur le plan géographique : la plage Long, l’archipel Broken Group et le sentier de la Côte-Ouest. La défenderesse exploite la réserve Pacific Rim et compte approximativement 80 employés durant l’été et moins de la moitié de ce nombre durant l’hiver. Le fonctionnaire occupait un poste de technicien de soutien des biens classifié au groupe et au niveau EG-03. Il était responsable de l’achat de biens d’une valeur allant jusqu’à 25 000 $. En outre, il supervisait l’exécution de marchés. Il avait accès à des codes de sécurité, à des clés et à des mots de passe.

6 Les fonctions d’un technicien de soutien des biens sont décrites dans une description de travail générique cadre (pièce 1, onglet 1). De manière générale, le travail consiste notamment à acheter des biens, à tenir des inventaires et à superviser l’exécution de marchés.

7 Le fonctionnaire étant gestionnaire d’un centre de coûts, il [traduction] « […] s’est fait confier un rôle particulier et un budget financier par le gestionnaire du centre financier. Cela inclut également un gestionnaire de projet », d’après l’Instrument de délégation de l’Agence Parcs canada, Pouvoirs de signature en matière de finances et d’administration (pièce E-2). Le fonctionnaire a exercé son pouvoir de dépenser comme un pouvoir délégué. Il a une formation importante comme gestionnaire de centre de coûts et à titre de gestionnaire de projet (pièce E-10).

8 Le fonctionnaire était lié par le Code d’éthique de l’Agence Parcs Canada (pièce E-1, onglet 7). Il a signé un Serment d’allégeance et un Serment professionnel et engagement au secret professionnel (pièce E-1, onglet 1a).

9 L’un des instruments qui sert à acheter des biens est l’AAL, qui consiste en un livret contenant des factures pour paiement. Il doit être signé par une personne qui possède le pouvoir délégué nécessaire.

10 Pendant toutes les périodes pertinentes, le fonctionnaire avait reçu une formation sur l’utilisation de l’AAL et le pouvoir délégué d’acheter des biens. Il relevait de M. Stevenson.

11 En 2012, la défenderesse a fait face à des contraintes budgétaires et a dû tenir compte des coûts dans l’achat de biens.

B. Résumé de la preuve

1. M. Stevenson

a. Interrogatoire principal

12 En mai 2012, M. Stevenson a dû se rendre de l’administration centrale du parc jusque dans la portion de la réserve Pacific Rim qui forme le sentier de la Côte-Ouest. Il a emprunté le véhicule du fonctionnaire appartenant à l’Agence parce qu’aucun autre véhicule du parc n’était disponible à ce moment. M. Stevenson attendait à Nanaimo qu’un autre technicien de soutien des biens le rejoigne lorsqu’il a reçu un appel désagréable du fonctionnaire au sujet de l’utilisation du camion. Le fonctionnaire a raccroché au nez de M. Stevenson, et M. Stevenson l’a rappelé.

13 À un moment donné, alors qu’il attendait à Nanaimo, M. Stevenson a ouvert le livret de l’AAL remis au fonctionnaire. Le livret était rangé dans le camion du fonctionnaire.

14 M. Stevenson a remarqué dans l’AAL que le 18 avril 2012, le fonctionnaire avait payé le coût de réparations effectuées sur un pneu d’un camion à benne et avait acheté quatre pneus Cooper AT3 (les « pneus Cooper ») chez Jack’s Tires à Port Alberni (C.-B.) (pièce E-1, onglet 3a), et ce, à un prix qui paraissait élevé. La défenderesse n’utilisait habituellement pas cette marque de pneu; dans 90 % des véhicules légers à passagers de la réserve Pacific Rim, des pneus Adventuro étaient installés. M. Stevenson a noté que les pneus Cooper étaient des pneus de qualité supérieure et qu’il était inhabituel pour le fonctionnaire d’avoir acheté ces pneus en temps de restrictions budgétaires.

15 Lors d’une rencontre qui a eu lieu le 15 mai 2012, M. Stevenson a montré l’AAL au fonctionnaire et lui a posé des questions sur l’achat. M. Stevenson lui a demandé à quoi devaient servir les pneus Cooper, ce à quoi le fonctionnaire a répondu qu’ils avaient été installés sur son véhicule de Parcs Canada. M. Stevenson a demandé à voir les pneus. Le fonctionnaire et M. Stevenson sont tous deux allés voir le véhicule de l’Agence utilisé par le fonctionnaire. Ce dernier a alors noté que les pneus étaient de marque Adventuro et qu’il avait rangé les pneus Cooper dans un [traduction]  « entrepôt frigorifique » situé dans les installations de la défenderesse.

16 M. Stevenson a demandé au fonctionnaire de lui montrer les pneus. Quelques jours plus tard, le fonctionnaire a dit à M. Stevenson que les pneus Cooper n’étaient pas dans l’entrepôt frigorifique. Il était évident aux yeux de M. Stevenson, compte tenu de l’information fournie par le fonctionnaire, que M. Horne était la dernière personne à avoir vu les pneus.

17 Au cours de trois rencontres avec le fonctionnaire, M. Stevenson a posé à ce dernier des questions supplémentaires sur les pneus Cooper. M. Stevenson a cru qu’il serait facile de retrouver les pneus, puisque ceux-ci devaient se trouver sur un véhicule de la défenderesse ou en entreposage.

18 Peu de temps après ces rencontres, M. Stevenson a envoyé à tous les employés un courriel contenant une description des pneus Cooper et dans lequel il demandait des renseignements sur l’endroit où ils se trouvaient.

19 M. Stevenson a reçu d’un autre gestionnaire des renseignements indiquant que des pneus correspondant à la description donnée dans son courriel se trouvaient sur le véhicule personnel du fonctionnaire, lequel véhicule était stationné dans le terrain de stationnement de l’édifice administratif.

20 M. Stevenson a demandé au fonctionnaire son livret de l’AAL et sa carte de crédit de Parcs Canada, et le fonctionnaire les lui a remises. À ce moment-là, le pouvoir de dépenser du fonctionnaire a été restreint, et son travail a été surveillé de plus près.

21 M. Stevenson a demandé à la section des Finances de déterminer les dépenses du fonctionnaire.

22 Le 12 septembre 2012, au moyen d’une lettre rédigée par Renee Wissink, directrice du parc (pièce E-5), le fonctionnaire a été invité à une rencontre prévue le 13 septembre 2012. Cette lettre était libellée en partie ainsi :

[Traduction]

[…]

La présente a pour but de vous informer que nous recueillons en ce moment des faits concernant l’inventaire des pneus à la réserve Pacific Rim, plus particulièrement des pneus que l’on ne peut retrouver.

[…]

L’objectif de la rencontre est de recueillir des faits pertinents relativement à tout article manquant. Vous pouvez être accompagné de votre représentant syndical ou par une personne de votre choix. Le rôle de cette personne à la rencontre consiste à agir à titre d’observateur et à vous offrir un soutien.

[…]

23 Le 13 septembre 2012, M. Stevenson, alors directeur par intérim, Jackie Godfrey, gestionnaire des biens par intérim, et Mme Hansen, des ressources humaines, ont rencontré le fonctionnaire et une représentante de son agent négociateur, Lise Edwards. La défenderesse a dressé le procès-verbal de cette rencontre (pièce E-6). M. Stevenson a indiqué avoir dit au fonctionnaire qu’une situation gênante s’était produite et que des pneus correspondant à la description des pneus manquants se trouvaient sur le véhicule personnel du fonctionnaire. Le fonctionnaire a indiqué qu’il avait acheté les pneus Cooper dans une vente-débarras à Nanaimo, avec sa petite amie, plus d’un an auparavant, à moitié prix. Le fonctionnaire n’a pu se rappeler exactement qui avait installé les pneus, mais il a déclaré qu’il croyait que c’était Cal Tires, à Nanaimo. Il a précisé qu’il avait fait installer les pneus sur des jantes de réserve.

24 Selon le procès-verbal, Mme Davies a dit au fonctionnaire que le modèle des pneus Cooper était plus récent, que ces pneus n’étaient habituellement pas vendus chez Jack’s Tires et qu’ils étaient une commande spéciale. Mme Davies a demandé au fonctionnaire pourquoi il avait fait la commande spéciale. Il a répondu qu’il avait acheté les pneus pour voir s’ils résisteraient aux routes de gravier utilisées par les gardes forestiers dans la région située près du sentier de la Côte-Ouest.

25 Mme Hansen a demandé au fonctionnaire des détails sur la vente-débarras ainsi que des précisions au sujet de la succursale de Cal Tire où il avait fait installer les pneus. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne pouvait se rappeler. Mme Hansen a aussi demandé au fonctionnaire si la défenderesse pouvait obtenir des renseignements auprès de sa partenaire; il a indiqué qu’il ne voulait pas que sa partenaire soit mêlée à cette affaire.

26 M. Stevenson a témoigné que Mme Hansen avait indiqué au fonctionnaire qu’un numéro de série sur les pneus Cooper indiquerait la date de leur fabrication.

27 Selon M. Stevenson, plusieurs choses se sont produites entre le mois de mai et le mois de septembre 2012. Comme le fait d’accuser le fonctionnaire d’avoir pris les pneus Cooper constituait une affaire sérieuse, l’employeur a décidé de mener une enquête complète. Il a aussi réalisé une vérification financière pour déterminer s’il y avait d’autres irrégularités. Il souhaitait permettre que les pneus réapparaissent après l’envoi du courriel. Il a aussi soulevé la question des pneus auprès du fonctionnaire à au moins trois occasions distinctes au cours de rencontres tenues sur d’autres questions.

28 Au cours de la rencontre de septembre 2012, M. Stevenson a obtenu la permission du fonctionnaire de lire les numéros de série sur les pneus Cooper qui se trouvaient sur son véhicule. M. Stevenson et Mme Davies ont consigné les renseignements relevés sur les pneus. Le fonctionnaire s’est fait dire que la défenderesse poursuivrait son enquête.

29 Au cours de la rencontre, le fonctionnaire a indiqué que 80 % du personnel de la réserve Pacific Rim avait accès à l’entrepôt frigorifique. Il a ajouté que les pneus Cooper étaient une variété commune, qu’ils conviendraient à toute jante de 15 pouces, qu’ils pourraient être utilisés sur n’importe quel camion de marque Ford Ranger, que la défenderesse était propriétaire de nombreux camions de ce type et que certains des employés avaient des camions personnels sur lesquels ce type de pneus pouvait être installé.

30 M. Stevenson a témoigné qu’après la rencontre, Mme Hansen a fait le suivi auprès du fournisseur et du distributeur des pneus Cooper.

31 La défenderesse a organisé une rencontre le 16 octobre 2012 à laquelle ont participé le fonctionnaire, le représentant de son agent négociateur, John McIntosh, M. Aldag, M. Stevenson et Mme Hansen. Lors de cette rencontre, le fonctionnaire a admis avoir pris les pneus Cooper dans l’entrepôt frigorifique et les avoir installés sur son véhicule personnel. Il a déclaré avoir agi ainsi en raison de ses difficultés financières. Il a en outre dit regretter ce qu’il avait fait. Lors de la rencontre, il a lu une déclaration, datée du 16 octobre 2012, qu’il avait rédigée (pièce E-1, onglet 5) et signée. Cette déclaration était libellée dans les termes suivants :

[Traduction]

En ce qui concerne les pneus manquants, en raison d’une situation financière personnelle grave, je les ai retirés de l’enceinte de l’aéroport la dernière semaine d’avril 2012 et les ai installés sur mon véhicule personnel. Je croyais que ce serait une situation très temporaire, puisque j’avais des pneus qui étaient usés à la corde à deux ou trois endroits et que je ne pouvais courir le risque d’avoir un accident. Je prévoyais les remplacer après deux mois, une fois les fonds nécessaires en main. Lorsque la disparition des pneus a été signalée, j’ai été incapable d’admettre que j’étais responsable. J’ai donc menti et j’ai tenté d’étouffer l’affaire. Lorsque Lise Edwards (représentante syndicale) et moi-même avons rencontré Kathy Hansen, Scott Stevenson, Jackie Godfrey à la mi-septembre 2012, ils m’ont encore une fois questionné au sujet des pneus. J’ai menti et j’ai tenté d’étouffer l’affaire. Depuis la première rencontre, tenue en mai 2012 avec Scott Stevenson, j’ai subi un stress considérable. Jusqu’à la dernière semaine d’avril 2012, j’ai vécu ma vie et j’ai effectué mon travail en fonction d’un ensemble très simple de valeurs morales et éthiques. La dernière semaine d’avril 2012, ces valeurs morales et éthiques ont semblé m’échapper. J’ai toujours eu l’intention de remplacer les pneus, mais lorsque l’on a découvert qu’ils étaient manquants, j’ai été incapable d’avouer ma faute. J’assume la responsabilité entière de mes gestes.

32 M. Stevenson a témoigné que l’on accordait une grande confiance envers les techniciens de soutien des biens. En effet, ces derniers disposent d’un budget considérable, ils peuvent acheter des biens pouvant aller jusqu’à 25 000 $ et ils sont chargés d’administrer des marchés de services externes d’une valeur allant jusqu’à 100 000 $.

33 M. Stevenson a déclaré que 20 personnes lui rendaient des comptes à l’époque pertinente.

34 Sur l’AAL no 205181 (pièce E-1, onglet 3), M. Stevenson a reconnu le code du centre des coûts « 52502 », soit celui qui avait été attribué au fonctionnaire. M. Stevenson a également signalé la signature du fonctionnaire sur l’AAL et sur le « formulaire de spécimen de signature » (pièce E-1, onglet 2), qui autorise les paiements en vertu des articles 32 ou 34 de la LGFP.

35 M. Stevenson a reconnu la facture pour les frais, datée du 18 avril 2012 (pièce 1, onglet 4a), qui a été acquittée au moyen de l’AAL no 205181 (pièce E-1, onglet 3). Au moyen d’une photographie prise en mai 2012, M. Stevenson a reconnu le véhicule personnel du fonctionnaire sur lequel les pneus Cooper ont été installés (pièce 1, onglet 4).

b. Contre-interrogatoire

36 M. Stevenson a été contre-interrogé, mais aucun renseignement pertinent relativement à la présente affaire n’a été ajouté et aucun doute n’a été soulevé sur le témoignage qu’il a donné lors de son interrogatoire principal.

2. Témoignage de M. Aldag

a. Interrogatoire principal

37 M. Aldag, le gestionnaire actuel des lieux historiques nationaux de la région du Pacifique de la défenderesse, était le directeur par intérim du parc à la réserve Pacific Rim en 2012, mais il était en congé de la mi-juin à la mi-septembre de cette année-là. M. Aldag a commencé à s’occuper de cette affaire lorsqu’il est revenu de congé en septembre 2012. Il a tenté de communiquer par téléphone avec le fonctionnaire, qui était alors à l’extérieur, parce que la défenderesse devait poursuivre son enquête sur les pneus Cooper.

38 M. Aldag était présent lors de la rencontre du 16 octobre 2012. Le fonctionnaire a alors cédé ses codes et ses clés et il a aidé M. Aldag à s’installer à titre d’administrateur.

b. Contre-interrogatoire

39 M. Aldag a confirmé qu’il avait cru comprendre que le fonctionnaire venait à la rencontre du 16 octobre 2012 pour faire une déclaration. M. Aldag ignorait si le fonctionnaire était déjà passé aux aveux et les détails de cette question.

40 M. Aldag a confirmé que le fonctionnaire avait effectivement payé les pneus Cooper après son licenciement.

41 M. Aldag n’a pas pris part à la rencontre au cours de laquelle le fonctionnaire a été licencié, et il ne se rappelle pas avoir vu une lettre de démission fournie par le fonctionnaire.

42 M. Aldag n’était au courant d’aucune raison opérationnelle pour laquelle la démission du fonctionnaire (pièce G-1) n’aurait pu être acceptée. Il a déclaré qu’il n’avait pas le pouvoir délégué de congédier le fonctionnaire. En revanche, il était préoccupé par le vol commis par le fonctionnaire et par la rupture du lien de confiance.

43 À la question de savoir si la défenderesse avait offert au fonctionnaire de démissionner, M. Aldag a répondu qu’aucune offre n’avait été faite. Ses notes sur la rencontre du 16 octobre 2012 visant à recueillir les faits (pièce E-7) indiquent que la défenderesse avait l’intention de recouvrer le coût des pneus. Les notes indiquent également ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Kathy a déclaré que nous devons nous pencher sur ces questions et que cela pourrait signifier la prise d’une mesure administrative pouvant aller jusqu’au licenciement. Terry a accusé réception de la déclaration. Kathy a déclaré que des options s’offraient à lui à l’avenir, dont il pouvait discuter avec son syndicat. Lorsqu’on lui a demandé quelles étaient ces options, Kathy a déclaré notamment la démission. Kathy a indiqué que nous ne nous sommes pas encore adressés à un agent de police et que la prochaine étape dans cette affaire pourrait consister à s’adresser à un agent de police.

[…]

3. Témoignage de Mme Hansen

a. Interrogatoire principal

44 Mme Hansen, gestionnaire des ressources humaines au sein de l’unité de gestion de la côte de la C.-B. de la défenderesse, a été mise au courant en avril 2012 du dossier dans la présente affaire, alors que M. Stevenson a communiqué avec elle pour lui dire qu’il soupçonnait le fonctionnaire d’avoir utilisé une AAL pour acheter des pneus pour son usage personnel.

45 Mme Hansen a alors donné des conseils et des directives à M. Stevenson concernant l’enquête. Elle a indiqué qu’il fallait procéder à une recherche des faits sur l’inventaire des pneus et qu’il fallait déterminer si d’autres articles étaient manquants et s’il y avait d’autres problèmes. Elle a communiqué avec le gestionnaire financier de l’unité de gestion et l’a prié de réaliser une vérification de la section des biens.

46 Mme Hansen a également effectué des recherches. Elle a conclu que chaque pneu portait un numéro de série indiquant le mois et l’année de fabrication. Elle a assisté à la rencontre de septembre 2012, et elle a noté certains renseignements supplémentaires relativement aux pneus Cooper installés sur le véhicule personnel du fonctionnaire. Elle a par la suite conclu qu’il fallait obtenir des renseignements supplémentaires, puisque les renseignements se trouvaient sur le flanc blanc ou la paroi intérieure des pneus installés.

47 M. Horne a appelé Mme Hansen le 11 octobre 2012. Selon ses notes de cet appel (pièce E-8), le fonctionnaire a admis avoir pris les pneus Cooper, et qu’il planifiait les remplacer. Mme Hansen lui a demandé de rédiger une déclaration et a fixé provisoirement une rencontre pour le [traduction] « mardi matin ». Mme Hansen l’a encouragé également à demander de l’aide au Programme d’aide familiale aux employés (PAFE).

48 Mme Hansen a indiqué que, jusqu’à l’appel téléphonique du 11 octobre 2012, M. Horne avait maintenu que les pneus Cooper étaient manquants, qu’une autre personne pouvait les avoir pris, et qu’il les avait achetés dans une vente-débarras. Or, l’enquête menée par Mme Hansen a révélé que les pneus Cooper étaient un nouveau modèle sur le marché depuis 2012.

49 Mme Hansen a dressé un rapport intitulé [traduction] « Rapport d’enquête administrative sur les allégations d’inconduite – Terry Horne, technicien de soutien des biens (EG-03), réserve de parc national Pacific Rim » (pièce E-1, onglet 5a; le « rapport d’enquête »), qui se voulait un résumé des faits.

50 Mme Hansen a organisé une rencontre prévue le 15 novembre 2012, au Centre des visiteurs de Kwisitis. Il s’agit d’un emplacement assez privé, à l’écart de l’administration centrale de la réserve Pacific Rim. Elle et Karen Haugen, directrice par intérim, y ont assisté en personne, et Mme Davies, directrice de l’unité de gestion, y a assisté par téléphone. Le fonctionnaire était accompagné du représentant de son agent négociateur, M. McIntosh.

51 Lors de la rencontre du 15 novembre, Mme Haugen a présenté le rapport d’enquête au fonctionnaire et au représentant de son agent négociateur et leur a donné suffisamment de temps pour examiner le document. Après examen du document, le fonctionnaire a confirmé que le résumé était juste. Mme Hansen a consigné ses remarques dans ses notes (pièce E-9), à savoir que le rapport était juste et que [traduction] « c’est ce qui en était ». Elle a également noté qu’il avait déclaré ce qui suit : [traduction] « J’aimerais revenir en arrière, mais c’est impossible ».

52 Mme Hansen a témoigné qu’une lettre de licenciement avait été rédigée, basée sur les faits connus de la défenderesse, avant la tenue de la rencontre. Si les faits avaient changé, la défenderesse aurait peut-être adopté une approche différente; toutefois, elle a présenté au fonctionnaire sa lettre de licenciement déjà rédigée, mettant fin à son emploi à compter du 15 novembre 2012 (pièce E-1, onglet 6).

b. Contre-interrogatoire

53 Mme Hansen a témoigné que les photographies du véhicule du fonctionnaire sur lequel étaient installés les pneus Cooper avaient été prises le 15 mai 2012. À la date de la rencontre du 15 mai 2012, il était une personne d’intérêt dans l’enquête de la défenderesse parce que les pneus Cooper qui se trouvaient sur son véhicule étaient similaires par leur nature aux pneus en question dans l’AAL.

54 Mme Hansen a admis que l’établissement Jack’s Tires avait fourni des renseignements conflictuels dans le cadre de l’enquête.

55 Mme Hansen a confirmé qu’elle avait examiné les notes prises lors de la rencontre du 13 septembre 2012 (pièce E-6), et que celles-ci étaient exactes, mais qu’elles étaient une compilation des notes prises par les représentants de la défenderesse à la rencontre.

56 Mme Hansen a confirmé que le fonctionnaire l’avait appelée avant de remettre une lettre de départ à la retraite (pièce G-1). Elle a témoigné qu’il avait demandé l’autorisation de soumettre sa lettre de départ à la retraite et qu’elle lui avait répondu qu’il pouvait le faire, mais qu’elle n’avait pas le pouvoir de l’accepter et qu’il devait l’adresser à Mme Davies, qui possédait le pouvoir délégué de l’accepter.

57 Mme Hansen a confirmé avoir reçu une lettre manuscrite qui lui était adressée et que le fonctionnaire lui avait envoyée par télécopieur le 2 novembre 2012 ou vers cette date (pièce G-1). La lettre est rédigée comme suit : [traduction] « J’aimerais fixer au 21 novembre 2012 la date de mon dernier jour de travail avant mon départ à la retraite ».

58 Mme Hansen a confirmé que, bien qu’elle ait reçu la lettre après la rencontre de recherche des faits du 16 octobre 2012, elle n’a toutefois pas demandé sa démission à la rencontre du 16 octobre. Mme Hansen a déclaré avoir dit au fonctionnaire que des options s’offraient à la défenderesse, lesquelles pourraient inclure une mesure administrative pouvant aller jusqu’au licenciement et le recouvrement de la valeur des pneus Cooper, et que le dossier du vol pourrait être confié à la police. Elle a déclaré qu’il avait le choix de discuter avec son agent négociateur, et qu’au nombre de ses options figurait la démission. Cependant, elle n’a pas offert au fonctionnaire de démissionner pour éviter toute mesure disciplinaire.

59 Mme Hansen a déclaré qu’elle n’avait pas le pouvoir délégué d’accepter la démission du fonctionnaire. Elle a déclaré que ce pouvoir dépendait de l’instrument de délégation en cause. Elle a dit que seul un gestionnaire au niveau 3A avait le pouvoir d’accepter une démission et que, pour l’unité de gestion de la côte de la C.-B., il s’agissait de Mme Davies. Mme Hansen a déclaré que Mme Davies avait pris la décision de licencier le fonctionnaire. Elle était au courant que Mme Davies avait obtenu le rapport d’enquête (pièce E-1, onglet 5a) ainsi que des conseils.

60 Le représentant de l’agent négociateur a tenté d’obtenir les conseils que Mme Hansen avait donnés à Mme Davies, mais la défenderesse s’y est opposée. Le représentant de l’agent négociateur a fait valoir que l’affaire reposait sur les conseils donnés à Mme Davies. Le représentant de la défenderesse a fait valoir que, sans égard aux conseils, une affaire devait être tranchée sur le fondement des faits. J’ai conclu qu’un privilège s’appliquait. Je note que les parties ne m’ont remis aucun document faisant autorité sur cette question au cours de l’argumentation à l’audience.

61 Un privilège des relations de travail s’applique à l’égard des conseils donnés par un spécialiste des relations du travail à un gestionnaire, car ceux-ci remplissent les [traduction] « conditions de Wigmore ». Ces conditions ont été formulées par Brown et Beatty dans Canadian Labour Arbitration, 4e éd., au paragraphe 3:4340. Ces conditions sont : 1) Les communications doivent avoir été transmises à titre confidentiel avec l’assurance qu’elles ne seraient pas divulguées. 2) La confidentialité doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties. 3) La relation doit en être une qui, selon l’opinion de la collectivité, doit être entretenu assidûment. 4) Le préjudice qui serait appliqué à la relation par la divulgation des communications doit être supérieur à l’avantage ainsi tiré du règlement approprié du litige.

62  J’ai fait remarquer à l’audience que le présent cas repose sur les faits établis et une évaluation du droit applicable, sans égard à quelque conseil que Mme Davies aurait reçu de Mme Hansen. Je signale que les gestionnaires doivent pouvoir demander conseil aux conseillers en relations du travail et avoir l’assurance que le conseil est confidentiel, afin de garantir le traitement équitable des employés, par exemple dans le cadre d’enquêtes ou de décisions prises à l’issue d’enquêtes. De même, un employé doit pouvoir demander conseil à son agent négociateur sans craindre d’être contraint de divulguer ce conseil dans le cadre d’une audience. À mon avis, le préjudice qui serait causé par la divulgation de l’information excède de loin l’avantage qu’entraînerait la divulgation du conseil qui n’est pas particulièrement pertinent relativement à l’évaluation des faits établis et du droit.

63 Mme Hansen a déclaré que Mme Davies savait que le fonctionnaire était en congé lors de la rencontre du 15 novembre 2012. Mme Hansen ignorait si Mme Davies savait que le fonctionnaire avait pris un congé lié au stress cette année-là. Mme Hansen a déclaré que Mme Davies savait que le fonctionnaire avait remis sa démission avant la rencontre du 15 novembre 2012.

64 Mme Hansen a déclaré qu’il n’y avait rien au dossier se rapportant à l’existence d’un dossier disciplinaire pour le fonctionnaire. Elle a déclaré en outre que les documents n’étaient conservés que pendant deux ans, à moins qu’une mesure ne soit prise subséquemment dans ce délai de deux ans. Son dossier disciplinaire était sans tache.

65 L’agent négociateur a présenté une demande en vue de la production de tous les documents que Mme Hansen avait utilisés pour se rafraîchir la mémoire. L’un de ces documents était un journal ou carnet dans lequel étaient mentionnées des questions sans rapport avec le présent grief. J’ai ordonné que les inscriptions faites le 21 avril 2012 et le 15 mai 2012soient fournies au conseil de la défenderesse en vue de déterminer s’il y avait une objection fondée sur l’existence d’un privilège; j’ai ordonné que toutes les mentions sans pertinence soient noircies. Les documents devaient être remis au représentant de l’agent négociateur le lendemain. Bien que la demande semblait pour l’essentiel être une chasse à l’aveuglette, le fonctionnaire avait le droit de mettre à l’épreuve le témoignage de Mme Hansen. Il fallait cependant protéger ou préserver les documents qui étaient de la nature de conseils stratégiques ou les documents sans rapport avec le grief. Le lendemain, l’agent négociateur n’a soulevé aucune autre question concernant la divulgation.

66 Mme Hansen a déclaré que le fonctionnaire lui avait présenté au téléphone une demande concernant son départ à la retraite. Elle a déclaré qu’il pouvait rédiger une telle demande, mais qu’elle n’avait pas le pouvoir de l’accepter. La date de l’appel téléphonique ne m’a pas été communiquée dans la preuve, mais celui-ci a dû se produire entre la rencontre de recherche des faits, le 16 octobre, et le licenciement du fonctionnaire, le 15 novembre 2012.

67 Lors du réinterrogatoire, Mme Hansen a déclaré que le fonctionnaire n’avait à aucun moment soulevé d’arguments médicaux ou liés au stress concernant un congé de maladie.

4. Témoignage de Mme Davies

a. Interrogatoire principal

68 Mme Davies était la directrice d’unité de gestion en 2012 et elle était classifiée au groupe et au niveau PCX-03. Elle relevait de M. Anderson, vice-président des opérations, régions du Nord et de l’Ouest canadien, pour la défenderesse.

69 Mme Davies a déclaré que le poste de technicien de soutien des biens nécessite un degré élevé de confiance. Elle a indiqué qu’étant donné la nature opérationnelle du poste et la situation géographique de la réserve Pacific Rim, il n’est pas possible de modifier la nature des fonctions; le technicien de soutien des biens doit s’acquitter de toutes les fonctions, notamment un pouvoir d’achat allant jusqu’à 25 000 $. Le titulaire du poste doit aussi gérer des marchés extérieurs ainsi que l’accès à tous les immeubles. Il assume une responsabilité à l’égard de l’achat et de l’inventaire de tous les biens maritimes et terrestres. Mme Davies a déclaré qu’elle ne faisait pas confiance au fonctionnaire parce qu’il avait volé les pneus Cooper et trompé l’employeur pendant plus de cinq mois. Elle a déclaré qu’il avait manqué à son serment professionnel et enfreint ses pouvoirs aux termes de la LGFP.

70 Mme Davies a déclaré que l’affaire avait été portée à son attention la première fois dans le cadre d’une séance d’information qui a eu lieu le 15 mai 2012. Elle a alors cru qu’il s’agissait d’une allégation très sérieuse. Elle a dit qu’il était primordial d’effectuer une enquête complète et de ne pas poser un jugement rapide. Elle a demandé à Mme Hansen de travailler en coopération avec le gestionnaire des biens et le directeur du parc pour faire enquête sur les allégations.

71 Mme Davies a déclaré que, pendant cinq mois, la défenderesse a mené une enquête qui consistait notamment à envoyer un courriel à tous les employés, à effectuer une vérification, à réaliser un inventaire physique des biens ainsi qu’une recherche, et à communiquer avec Jack’s Tires. Au 12 septembre 2012, les documents avaient été recueillis, et le fonctionnaire a été invité à assister à une rencontre de recherche des faits. Mme Davies a cru comprendre qu’à cette réunion, après que les documents de la défenderesse eurent été communiqués au fonctionnaire, ce dernier a expliqué qu’il avait acheté les pneus Cooper dans une vente-débarras. Lorsqu’il a été appelé à fournir des renseignements supplémentaires, il a fourni des détails très généraux.

72 À la suite de la rencontre du 13 septembre 2012, la défenderesse a approfondi son enquête. En octobre, le représentant de l’agent négociateur du fonctionnaire, M. McIntosh, a communiqué avec Mme Hansen et indiqué que le fonctionnaire souhaitait faire une déclaration.

73 Mme Davies a déclaré qu’elle avait, tout au long de l’enquête, été tenue informée. Elle a donné l’ordre d’enquêter, mais elle n’a eu aucun contact direct avec le fonctionnaire.

74 Mme Davies a déclaré qu’elle avait été tenue informée de l’issue de la rencontre du 16 octobre 2012 et qu’à ce moment-là, elle avait soupesé les renseignements qu’elle avait en sa possession. Elle considérait qu’il s’agissait d’une affaire très sérieuse, qui s’était écoulée sur une période de cinq mois au cours de laquelle le fonctionnaire n’avait pas avoué sa faute afin d’en assumer les conséquences, et avait plutôt pointé d’autres personnes du doigt.

75 Le fonctionnaire a reçu un avis par courriel de la rencontre du 15 novembre 2012 (pièce E-12). La partie saillante de ce courriel est libellée comme suit :

[Traduction]

[…]

Objet : Enquête administrative sur une allégation d’inconduite

Nous aimerions tenir une rencontre en vue d’une clarification et d’un examen final des faits et pour faire le suivi de votre demande pour qu’une décision soit rendue le plus rapidement possible.

Comme vous étiez en congé de maladie, nous vous demandons de confirmer que vous vous portez assez bien pour assister à une rencontre avec l’employeur, qui peut être fixée dès le jeudi 15 novembre 2012. […]

[…]

76 Le fonctionnaire a confirmé qu’il était en mesure d’assister à la rencontre (pièce E-12).

77 Mme Davies a déclaré qu’à la rencontre du 15 novembre 2012, le fonctionnaire a obtenu le rapport d’enquête. On lui a alors alloué suffisamment de temps, soit 15 minutes, pour examiner le rapport. La conférence téléphonique a pris fin. Mme Davies a par la suite rappelé pour savoir si le fonctionnaire avait d’autres questions ou renseignements. Comme le fonctionnaire n’a fourni aucun autre renseignement, elle l’a licencié; ce licenciement entrait en vigueur à la fin de ce jour ouvrable. Elle lui a remis la lettre de licenciement (pièce E-1, onglet 6). Elle a aussi envoyé une lettre à l’unité de gestion de la côte de la C.-B. l’informant du licenciement du fonctionnaire et lui conseillant de prendre les mesures qui s’imposaient en matière de rémunération (pièce G-2).

78 Mme Davies a déclaré que l’issue de l’enquête n’était pas prédéterminée, mais que la lettre de licenciement avait été rédigée à l’avance. Elle a déclaré que, si de nouveaux renseignements avaient été présentés, elle aurait été disposée à en prendre connaissance.

79 Mme Davies a déclaré que le fonctionnaire n’avait pas été suspendu pendant l’enquête parce que la défenderesse lui avait retiré son AAL et sa carte d’achat et qu’elle avait surveillé ses gestes. Elle a déclaré que cela était suffisant pour protéger les intérêts de l’employeur, et que la suspension du fonctionnaire n’était pas justifiée.

80 En revanche, Mme Davies n’était pas disposée à maintenir ces mesures en place indéfiniment, puisqu’il s’agissait d’une allégation d’abus de confiance. Lorsque la défenderesse a été informée de toute la situation après les rencontres des mois de septembre et octobre, elle a jugé que l’abus de confiance était si grave qu’une suspension n’était pas une option et que le licenciement était la seule mesure appropriée. Mme Davies a déclaré qu’elle avait songé à rétrograder le fonctionnaire et conclu que les emplois dans la fonction publique fédérale font appel à la confiance et à l’intégrité éthique, sans égard au poste. De l’avis de Mme Davies, la rétrogradation n’était pas une réponse appropriée de l’employeur.

81 Mme Davies a témoigné qu’elle avait pris en considération les 27 années de service du fonctionnaire et son dossier disciplinaire sans tache, ainsi que le fait qu’il avait été soumis à des pressions à l’époque pertinente.

82 Mme Davies a déclaré qu’elle avait songé à accepter la lettre de démission du fonctionnaire. Elle a ajouté qu’un processus disciplinaire était en cours et qu’il convenait que ce processus se poursuive, étant donné plus particulièrement que le fonctionnaire n’avait pas admis sa faute au cours de la période de cinq mois. Elle a affirmé avoir cru qu’il était trop tôt pour accepter la lettre de démission datée du 2 novembre 2012, alors que la défenderesse n’avait pas encore présenté les résultats de son enquête au fonctionnaire. Mme Davies a déclaré qu’il convenait en toute équité de poursuivre le processus et de le mener à terme.

83 Mme Davies a déclaré que, d’après les [traduction] « Modifications provisoires de l’instrument de délégation des pouvoirs en matière de ressources humaines » (pièce E-11), le pouvoir d’accepter une démission ou le retrait d’une démission était délégué à un gestionnaire au niveau 3A.

84 Mme Davies a déclaré que le fonctionnaire n’a soulevé aucune question au sujet d’un congé de maladie ou d’une incapacité de prendre part à l’une ou l’autre des réunions.

85 Mme Davies a déclaré que selon elle le fonctionnaire avait enfreint les dispositions suivantes du Code d’éthique de Parcs Canada (pièce 1, onglet 7, p. 7 à 9) :

[…]

  • Valeurs professionnelles : Servir avec compétence, excellence […] et impartialité.

[…]

  • Tous les employés de Parcs Canada doivent s'assurer de l'utilisation adéquate, efficace et efficiente des deniers publics en fonction des pouvoirs qui leur sont impartis.

[…]

  • Valeurs liées à l’éthique : Agir en tout temps de manière à préserver la confiance du public.

[…]

  • La conduite de tous les employés de Parcs Canada doit pouvoir résister en tout temps à l'examen public le plus minutieux.
  • Dans l'exercice de leurs fonctions officielles, tous les employés de Parcs Canada doivent prendre les décisions dans l'intérêt public. S'il y a d'éventuels conflits entre les intérêts personnels de l'employé et ses fonctions et responsabilités officielles, l'intérêt public doit primer dans le règlement desdits conflits.

[…]

  • Tous les employés de Parcs Canada doivent manipuler les biens publics avec soin et respect en reconnaissant qu'ils appartiennent aux Canadiens.

[…]

86 Mme Davies a déclaré que le Code d’éthique de Parcs Canada figurait au nombre des conditions d’emploi d’un fonctionnaire (pièce 1, onglet 7, p. 11). Elle a ajouté que le fonctionnaire avait signé un Serment d’allégeance et un Serment professionnel et engagement au secret professionnel (pièce 1, onglet 1a) et qu’il avait contrevenu à son devoir de s’acquitter honnêtement de ses fonctions.

b. Contre-interrogatoire

87 Mme Davies a témoigné que Mme Hansen l’avait tenue au courant du déroulement de l’enquête. Elle a déclaré qu’elle ignorait si un représentant de l’agent négociateur avait accompagné le fonctionnaire à toutes ses rencontres avec M. Stevenson avant la rencontre du 13 septembre 2012.

88 Le représentant du fonctionnaire a questionné Mme Davies au sujet de la lettre de licenciement (pièce 1, onglet 6), qui renvoyait au retour de tout l’équipement et de tous les articles appartenant à la défenderesse, alors que le fonctionnaire avait déjà remis ceux-ci en octobre. Mme Davies a déclaré qu’il lui incombait de s’assurer du retour de l’équipement et des articles, qu’elle ignorait si cela avait été fait, et qu’elle estimait qu’il était important de ne pas tenir pour acquis que le tout avait été rapporté.

89 Mme Davies ignorait que le médecin du fonctionnaire avait conseillé à ce dernier de ne pas assister à la rencontre du mois de novembre avec l’employeur. Aucune preuve n’a été produite à cet égard au cours du témoignage du fonctionnaire.

90 Mme Davies a admis qu’il n’y avait rien d’irrégulier dans le format de la lettre de démission du fonctionnaire, mais elle n’en a pas accusé réception et n’y a pas répondu. Elle est chargée de traiter les démissions. Elle a déclaré que les questions de licenciement et de rétrogradation lui étaient soumises, mais pas celles concernant les retraites. Elle a affirmé que le gestionnaire délégué pouvait accepter une lettre de départ à la retraite

91 Mme Davies a admis qu’elle croit qu’il est important pour les employés de faire les premiers pas et de se [traduction] « confesser » dans un environnement de travail imprégné de confiance.

92 Mme Davies s’est fait demander pourquoi elle n’avait pas considéré la [traduction] « confession » du fonctionnaire comme étant un facteur atténuant. Elle a répondu qu’il avait eu de nombreuses occasions de se manifester et que sa réponse constituait de la tromperie volontaire. Elle a dit qu’il n’avait avoué sa faute que lorsque la preuve s’est accumulée et qu’il est devenu évident qu’il serait pris.

93 Mme Davies s’est fait demander si d’autres irrégularités avaient été relevées dans le cadre de la vérification. Elle a répondu par la négative, ajoutant cependant que l’inventaire était mal tenu.

94 Mme Davies savait que le fonctionnaire avait accumulé des crédits de congés de maladie et qu’il était en congé de maladie à la date de son renvoi, mais elle ignorait combien de crédits il avait accumulés. Elle a déclaré qu’il n’avait soulevé aucune question concernant une affection médicale ayant un impact sur son état de santé lors de la rencontre du 15 novembre 2012, ou lors de sa planification. Mme Davies a déclaré qu’elle s’attendait à ce que le fonctionnaire le dise s’il éprouvait des doutes sur sa capacité d’assister à la rencontre. Elle n’était au courant d’aucun problème de santé du fonctionnaire.

95 Mme Davies a admis que, lorsque le fonctionnaire était en congé de maladie, il ne représentait pas une menace ni un risque pour les biens de la défenderesse.

96 Mme Davies s’est fait demander pourquoi le fonctionnaire avait été licencié le 15 novembre 20112 alors qu’il ne posait aucun risque pour les biens de la défenderesse. Mme Davies a répondu qu’il était important de régler la question en temps opportun et qu’il avait fallu cinq mois pour faire enquête diligente sur la question.

97 Mme Davies a déclaré que la défenderesse s’efforçait d’imposer des mesures disciplinaires en fonction des faits de l’affaire et de la question de gestion en jeu.

98 Mme Davies ignorait si la lettre de démission du fonctionnaire avait été transmise aux conseillers en rémunération de la défenderesse. Elle n’a pas accepté ni refusé la démission, mais elle l’a prise en considération dans le cadre de l’enquête plus générale qui était en cours.

99 Mme Davies s’est fait demander si le droit du fonctionnaire à une indemnité de départ avait été pris en considération dans la décision de le licencier. Elle a déclaré que le montant n’avait pas été pris en considération, mais qu’elle s’était demandé s’il convenait de remplacer un licenciement par une suspension ou une démission.

100 Mme Davies s’est fait demander si elle avait demandé le calcul du droit du fonctionnaire à une indemnité de départ. Elle a ajouté qu’elle avait cru qu’il se situait autour de 30 000 $.

101 Mme Davies a confirmé que, dans les circonstances, toute autre mesure moins sévère que le licenciement n’aurait pas été suffisante.

102 Mme Davies a confirmé que le fonctionnaire avait exprimé des regrets et qu’il s’était excusé lors de la rencontre du 16 octobre 2012. Elle a confirmé que la défenderesse était préoccupée par le fait qu’il n’ait pas admis sa faute plus tôt. Elle a confirmé qu’il avait fait en sorte que la situation ne puisse se répéter en cédant ses clés et ses codes à M. Stevenson le 16 octobre 2012. La défenderesse n’a, à aucun moment, pris quelque mesure que ce soit pour révoquer la cote de sécurité du fonctionnaire.

c. Réinterrogatoire

103 Mme Davies a indiqué que les modifications provisoires de l’instrument de délégation des pouvoirs en matière de ressources humaines (pièce E-11) avaient été en place pendant plusieurs mois avant le licenciement du fonctionnaire.

5. Le témoignage du fonctionnaire

a. Interrogatoire principal

104 Le fonctionnaire a confirmé qu’il avait fait installer les pneus Cooper sur son véhicule à l’insu de la défenderesse et sans son consentement. À l’époque, il avait l’intention de les laisser sur son véhicule pendant quatre ou cinq mois, période au terme de laquelle il aurait été en mesure de les remplacer. Il a témoigné qu’il avait fait preuve de très mauvais jugement et de stupidité.

105 Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait dans sa vie familiale des problèmes qui avaient eu comme résultat d’épuiser ses ressources financières.

106 Il a fait valoir qu’il éprouvait quelques difficultés avec M. Stevenson au chapitre de la confiance et qu’il n’avait pas fait part de sa conduite lorsque M. Stevenson lui avait posé des questions au sujet des pneus Cooper. Il a ajouté que ce n’était pas une excuse et il a confirmé avoir menti à M. Stevenson.

107 Le fonctionnaire a remis l’AAL et la carte de crédit à M. Stevenson lorsque ce dernier les lui a demandées en mai 2012.

108 Le fonctionnaire a déclaré que toute la situation le rongeait et qu’il avait pris congé en septembre 2012 parce qu’il souffrait d’hypertension et de stress. Il a confirmé que c’était le résultat de ses propres actions et que ce n’était attribuable à rien d’autre au travail.

109 Le fonctionnaire a affirmé qu’il n’avait d’autre choix que d’admettre sa faute s’il voulait arranger les choses; il a alors communiqué avec Mme Davies après qu’il eut consulté M. McIntosh, le représentant de son agent négociateur. Mme Davies lui a demandé de rédiger sa déclaration et de l’apporter avec lui à une rencontre qu’elle organiserait.

110 Le fonctionnaire a assisté à la rencontre du 16 octobre 2012, au cours de laquelle il a expliqué certaines choses qui s’étaient produites dans sa vie et assumé la responsabilité de ses gestes. Il a suggéré à la défenderesse de changer ses codes de sécurité et l’a aidée à le faire.

111 À la suite de la rencontre du 16 octobre, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait discuté avec son agent négociateur des options qui s’offraient à lui, dont l’une était la démission. Son agent négociateur a réitéré que des options s’offraient à la défenderesse, notamment la prise d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, et qu’elle pouvait aussi s’adresser à un agent de police. Le fonctionnaire a parlé à son médecin, qui lui a donné une note indiquant qu’il ne devrait pas retourner au travail. Je signale en passant que cette note a été produite en preuve.

112 Le fonctionnaire a parlé, pour reprendre son expression, aux [traduction] « gens de la pension » et leur a demandé comment s’y prendre pour toucher sa pension. On lui a conseillé de donner avis à la défenderesse. Il a demandé si le 21 novembre 2012 conviendrait à la défenderesse, et il a été informé que cela constituait suffisamment de temps. Il a appelé Mme Hansen le 2 novembre 2012 et lui a dit qu’il aimerait remettre sa démission. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait demandé si celle-ci serait acceptée. Il a affirmé que Mme Hansen lui avait répondu qu’elle n’avait pas le pouvoir d’accepter sa démission; qu’elle devrait suivre la structure hiérarchique de la direction. Le fonctionnaire a affirmé que Mme Hansen lui avait dit que sa démission serait considérée d’un bon œil. Cette portion de son témoignage, en ce qui concerne l’opinion favorable sur sa démission, n’a jamais été soumise à Mme Hansen en contre-interrogatoire.

113 Le fonctionnaire a déclaré que Mme Hansen l’avait appelé quelques jours avant la rencontre du 15 novembre pour lui demander s’il pouvait assister à une rencontre et lui poser des questions sur son état d’esprit. Il a déclaré qu’il était en congé pour stress, mais qu’il assisterait à la rencontre si cela pouvait mener à une résolution.

114 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait rien à ajouter au rapport d’enquête (pièce E-1, onglet 5a), puisque, pour l’essentiel, celui-ci était factuel. Il a confirmé que Mme Haugen lui avait remis la lettre de licenciement (pièce E-1, onglet 6).

115 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait pas reçu de réponse à sa demande de démission, ni aucune explication de la défenderesse sur la raison pour laquelle elle ne l’avait pas acceptée.

116 Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait décidé de déposer un grief parce qu’il avait donné suite à une option que la défenderesse lui avait présentée et sur laquelle elle était ensuite revenue.

117 Après la rencontre du 16 octobre 2012, il n’a eu aucune nouvelle de M. Stevenson sur sa cote de sécurité, et il pouvait encore se présenter à la réception de la réserve Pacific Rim comme n’importe qui. Le fonctionnaire a déclaré que, pendant la dernière année de son emploi, il a travaillé sans pièce d’identité, et sa cote de sécurité était expirée.

118 Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne souhaitait pas retourner travailler pour Parcs Canada. Il a confirmé qu’il avait remboursé à la défenderesse le coût des pneus Cooper environ une semaine et demie après la rencontre du 16 octobre 2012.

119 Le fonctionnaire a déclaré qu’il devait quitter le logement réservé au personnel au plus tard le 15 décembre 2012, mais qu’il était parti le 1er décembre 2012.

120 En réponse à la question de son représentant de savoir s’il tirerait une leçon si l’arbitre de grief réduisait la pénalité, le fonctionnaire a indiqué qu’il avait tiré une leçon et qu’il continuait d’assumer les conséquences de ses gestes. Il a paru généralement bouleversé et avoir des remords.

121 Le fonctionnaire a déclaré qu’après la rencontre du mois de mai avec M. Stevenson, il n’avait eu en sa possession aucun instrument lui permettant d’effectuer des achats, bien qu’il ait encore joui d’un pouvoir d’achat. Il avait le pouvoir de signer et d’approuver des factures, mais tous les achats devaient être soumis à M. Stevenson.

122 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait pas évité de répondre aux appels téléphoniques de M. Stevenson, mais qu’il était malade à l’époque en cause et vivait avec sa petite amie à Port Alberni, et que lui et M. Stevenson étaient impliqués dans un chassé-croisé téléphonique.

b. Contre-interrogatoire

123 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré que l’établissement Jack’s Tires est situé à Port Alberni, à 85 kilomètres environ de l’administration centrale de la réserve Pacific Rim. La durée du trajet varie entre moins d’une heure et une heure et vingt minutes, selon la circulation.

124 Le fonctionnaire a confirmé avoir acheté les pneus Cooper dans l’intention de les essayer sur les véhicules des gardes forestiers. Il a confirmé ne pas avoir demandé la permission de M. Stevenson avant d’acheter les pneus. Il ne se rappelait pas avoir été tenu d’informer M. Stevenson des achats qu’il effectuait.

125 Le fonctionnaire a confirmé qu’il avait pris la décision d’installer les pneus Cooper sur son véhicule le 18 ou le 19 avril, peu de temps après être allé les cueillir. Il a nié avoir songé à le faire lorsqu’il a acheté les pneus. Il a déclaré qu’il s’agissait d’un moment de l’année où la défenderesse emmagasinait les pneus pour lesquels elle risquait de ne pas avoir d’argent plus tard dans l’année.

126 Le fonctionnaire a confirmé que M. Stevenson avait soulevé la question des pneus Cooper lors de nombreuses rencontres et qu’il n’avait jamais contesté dans le cadre d’un grief la question de l’absence d’un représentant de l’unité de négociation à l’une ou l’autre de ces rencontres.

127 Le fonctionnaire a déclaré qu’à son avis, Mme Hansen lui avait offert de démissionner lors de la rencontre du 16 octobre. Il n’a pu se rappeler exactement les mots qu’elle avait utilisés. Il s’est rappelé ce qui était inscrit dans le procès-verbal, c’est-à-dire que l’employeur aurait pu prendre une mesure pouvant aller jusqu’au licenciement et qu’il aurait pu signaler le vol à la police.

128 Le fonctionnaire a confirmé que Mme Hansen lui avait dit qu’elle n’avait pas le pouvoir d’accepter sa démission.

129 Le fonctionnaire ne se rappelait pas s’il était retourné au travail à quelque moment que ce soit au terme d’un congé de maladie après la rencontre du mois de septembre.

C. Résumé de l’argumentation

1. Pour la défenderesse

130 La défenderesse a déclaré qu’elle avait établi, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un motif valable de licencier le fonctionnaire. Les trois volets constituant les raisons sur lesquelles repose un renvoi ont été établis. Elle a fait valoir que c’est en fin de compte un dossier qui se rapporte à la gravité d’une mesure disciplinaire, et que l’arbitre de grief ne devrait pas s’ingérer dans la décision de l’employeur, à moins que celle-ci ne soit déraisonnable ou incorrecte, simplement parce qu’il pourrait imposer une sanction différente. L’imposition d’une mesure disciplinaire est un art et non une science; voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119; Wilson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-25841 (19950301).

131 La défenderesse a déclaré qu’un cas où le fonctionnaire admet sa faute immédiatement est fort différent de la présente affaire. En l’espèce, le fonctionnaire n’a admis sa faute qu’après un long délai, a fait preuve de malhonnêteté et a jeté le blâme sur d’autres personnes. Lorsque le fonctionnaire a déclaré que d’autres personnes avaient accès à l’entrepôt frigorifique, que les pneus Cooper auraient pu être installés sur tout véhicule muni de jantes de 15 pouces et que 90 % des véhicules de la défenderesse étaient munis de ces jantes, il pointait des gens du doigt.

132 Le fonctionnaire a fait un acte de contrition par commodité parce qu’il savait que la preuve s’accumulait. Il l’a fait cinq mois après son explication initiale, alors qu’il était clair que ses fausses explications n’étaient pas convaincantes aux yeux de l’employeur.

133 Le fonctionnaire a contrevenu aux articles 32 et 34 de la LGFP. Ces dispositions renvoient à la volonté du législateur, et les personnes dotées de pouvoirs de dépenser doivent autoriser les paiements. Ce type de dossier est semblable aux dossiers de conflits d’intérêt, notamment Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62.

134 Personne ne conteste le fait qu’en l’absence de circonstances atténuantes sérieuses, la fraude et le vol sont de très graves fautes professionnelles qui justifient la rupture de la relation d’emploi; voir Spawn c. Agence Parcs Canada, 2004 CRTFP 25, aux paragraphes 275, 279 et 280. Dans Spawn, il était question de vol et le fonctionnaire avait été réintégré dans ses fonctions, mais les faits étaient distincts, car à l’époque de l’infraction, le fonctionnaire souffrait de dépression, il avait fait preuve de franchise et il n’avait pas dissimulé sa participation.

135 Les faits dans la présente affaire étaient graves, et les gestes du fonctionnaire étaient prémédités; pour cette raison, le renvoi était justifié; voir Moore c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23658 (19940317); et Zakoor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et accises), dossier de la CRTFP 166-02-25882 (19941121). L’honnêteté est une valeur essentielle à l’emploi dans la fonction publique, et le licenciement est justifié lorsqu’il y a abus de confiance par suite d’un vol; voir Renouf c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-27766 et 27865 (19980608), aux pages 2, 8 et 9.

136 La défenderesse s’est fondée sur le passage suivant de King c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25956 (19950125), à la page 32 :

[…]

Manifestement, la jurisprudence arbitrale reconnaît que le congédiement est une sanction acceptable dans les cas où un employé fraude son employeur. Je suis donc convaincu que la sanction imposée en l’espèce faisait partie des options dont disposait l’employeur. Comme je l’ai déjà dit, le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste de confiance exigeant un haut degré d’honnêteté et d’intégrité. La tromperie et la fraude dont il s’est rendu coupable ont effectivement détruit le lien de confiance qu’exige le poste.[…]

[…]

137 Le sentiment de sympathie éprouvé à l’égard du fonctionnaire ne suffit pas, à lui seul, à modifier la décision de l’employeur si ce dernier a pris en considération tous les faits pertinents et a conclu, de manière non déraisonnable, qu’il ne peut plus faire confiance au fonctionnaire; voir Fauteux c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-26211 (19950620); Gannon c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2002 CRTFP 32.

138 Si un fonctionnaire allègue qu’il a agi dans un moment de confusion, il est utile d’évaluer et d’examiner les étapes détaillées que le fonctionnaire doit avoir franchies pour commettre la faute professionnelle; voir Bisson c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des transports), dossiers de la CRTFP 166-02-15706 et 15707 (19860623).

139 Ce n’est pas manifestement injuste ou déraisonnable pour un employeur de licencier un employé qui a pris des articles lui appartenant pour les utiliser à ses propres fins ou à celles d’autrui; voir Lynch c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-27803 (19971114).

140 S’il existe un conflit quant au motif valable du licenciement étant donné les nombreuses années de service du fonctionnaire, soit 27 années, et l’absence d’un dossier disciplinaire, celui-ci est résolu par la malhonnêteté dont le fonctionnaire a fait preuve au cours de l’enquête menée par l’employeur sur les pneus manquants. Après le faux récit donné initialement, le fonctionnaire a ensuite donné un récit plus élaboré, il a inventé des détails de manière à induire l’employeur en erreur, et il a pointé d’autres personnes du doigt. L’employeur a signalé le témoignage non contesté de M. Stevenson.

141 La défenderesse a déclaré que le fonctionnaire avait l’obligation d’agir de bonne foi et d’être loyal envers l’employeur et que le manque de franchise dans le cadre d’une enquête est une faute grave qu’il faut prendre en considération au moment d’évaluer le poids d’autres facteurs atténuants; voir Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124. Le manque de franchise du fonctionnaire et ses déclarations inexactes et trompeuses au cours de l’enquête ont été des facteurs déterminants qui ont eu une incidence sur sa réhabilitation et sur le lien de confiance; voir Brazeau, au paragraphe 191. Le manque de coopération dans le cadre de l’enquête de l’employeur peut rompre irrévocablement le lien de confiance; voir Way c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 39.

2. Pour le fonctionnaire

142 Le fonctionnaire a fait valoir que la présente affaire aurait été fort simple n’eût été sa démission.

143 Il a affirmé que si l’employeur n’avait pas mentionné l’option de la démission, il n’aurait peut-être pas démissionné. Les notes prises lors de la rencontre du 16 octobre 2012 (pièce E-7) révèlent que la défenderesse avait présenté cette option.

144 Le fonctionnaire n’a pas été vague ni évasif au sujet de son admission d’une inconduite à la rencontre du 16 octobre 2012, puisqu’il a fait celle-ci de vive voix et par écrit.

145 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’appeler des témoins pour prouver son inconduite, puisqu’il avait admis celle-ci. Il n’a pas commis trois fautes professionnelles distinctes; il n’y a eu qu’un vol, celui de pneus. Il n’a commis qu’une seule infraction au cours de ses 27 années d’emploi.

146 Le fonctionnaire n’occupait pas un poste de confiance lorsqu’il a été licencié. Il était en congé de maladie, et l’employeur lui avait retiré ses instruments d’achat. Il a fait valoir que l’élément de confiance est sans pertinence, car il n’était pas au travail et ne demandait pas d’être réintégré dans ses fonctions.

147 La prétention selon laquelle le fonctionnaire a pointé d’autres personnes du doigt n’est guère crédible.

148 Lors d’une série de rencontres tenues en mai, le fonctionnaire n’était pas représenté par un agent négociateur, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le fait que la défenderesse a poursuivi son enquête alors qu’elle connaissait tous les faits est louche. L’employeur n’avait pas plus de renseignements en sa possession en septembre ou en octobre 2012 qu’il n’en avait en mai 2012. Le fonctionnaire a avoué sa culpabilité à la première occasion, soit en octobre 2012.

149 Le fonctionnaire a fait valoir que la sanction imposée, à savoir le licenciement, était excessive dans les circonstances étant donné qu’il a admis sa faute et a fait part de son intention de prendre sa retraite. La mesure disciplinaire n’était assortie d’aucun volet correctif; elle était purement punitive. Cette mesure disciplinaire était manifestement injuste et déraisonnable.

150 Le fonctionnaire a fait valoir que le licenciement était une sanction excessive étant donné les circonstances de la présente affaire.

151 Il a soutenu que, dans un dossier disciplinaire, l’arbitre de grief devait déterminer si l’employé avait effectivement fait quelque chose nécessitant l’imposition d’une mesure disciplinaire et, dans l’affirmative, si la mesure disciplinaire imposée contrevenait à la convention collective applicable; voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e éd., au paragraphe 7:0000.

152 Dans Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162 (1976), [1977] 1 Can. L.R.B.R. 1 (« William Scott »), qui renvoie à United Steelworkers of America, Local 3257 v. The Steel Equipment Co. Ltd.(1964), 14 L.A.C. 356, trois questions sont énoncées pour examen dans un dossier disciplinaire. Le représentant du fonctionnaire a simplifié ces questions dans les termes suivants :

(1) Y a-t-il eu inconduite?

(2) La sanction a-t-elle été invoquée comme il se doit?

(3) La sanction était-elle appropriée?

153 Le fonctionnaire a fait valoir qu’il avait un bon dossier et qu’il s’agissait d’un incident isolé au cours de ses 27 années d’emploi. Son témoignage selon lequel il avait besoin des pneus Cooper n’a pas été contredit. En ce qui concerne la gravité de l’infraction, dans Spawn, qui mettait en cause un employé de Parcs Canada et une allégation de vol, un employé a été rétrogradé et un autre a été autorisé à prendre sa retraite. La défenderesse n’a jamais expliqué de manière satisfaisante pourquoi la démission du fonctionnaire n’avait pas été acceptée.

154 Le fonctionnaire a fait valoir qu’il s’agissait d’une infraction grave, mais que son geste n’était pas prémédité, et que son dossier disciplinaire était sans tache. La défenderesse s’en est prise à lui et l’a licencié, mais elle n’a pas traité les pompiers dans Spawn de la même manière.

155 Le fonctionnaire a fait valoir que le facteur de dissuasion pouvait être pris en considération aux fins d’imposer une mesure disciplinaire, mais que le caractère raisonnable de cette mesure devait être examiné. En l’espèce, il n’y avait aucun historique de conduite similaire par d’autres employés. Il n’y a donc pas lieu de dissuader de manière générale les autres employés de commettre une faute similaire. Une sanction moins grave aurait suffi à cet égard. Le fonctionnaire a invoqué Brown et Beatty, au paragraphe 7:4500.

156 Le fonctionnaire m’a renvoyé à Friolet c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 85, où l’on a dressé une liste de cas dans lesquelles les arbitres de grief n’ont retenu le renvoi comme étant l’unique sanction possible. Dans ce cas, le renvoi était une sanction excessive et la défenderesse n’avait simplement qu’à inscrire dans le dossier du fonctionnaire qu’il avait commis l’infraction.

157 Le fonctionnaire a invoqué Canada Safeway Ltd. v. United Foods [sic] and Commercial Workers Union, Local 401, [1998] A.G.A.A. No. 88 (QL), dans laquelle le licenciement a été jugé excessif si un fonctionnaire admettait immédiatement avoir commis un vol.

158 Le fonctionnaire a également invoqué Foothills Provincial General Hospital v. Alberta Union of Provincial Employees, Local 055, [1999] A.G.A.A. No. 41 (QL), dans laquelle l’arbitre de grief a conclu qu’il n’était pas nécessaire de licencier un employé si l’employeur n’avait pas réussi à établir l’intention de cet employé de voler un bien.

159 Le fonctionnaire a fait valoir qu’il existait une règle bien établie selon laquelle seul l’employeur peut renvoyer un employé, et seul l’employé peut remettre sa démission; voir Brown et Beatty, au paragraphe 7:7100. Le fonctionnaire m’a renvoyé à l’article 63 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), qui est libellé dans les termes suivants :

63. Le fonctionnaire qui a l’intention de démissionner de la fonction publique en donne avis, par écrit, à l’administrateur général; il perd sa qualité de fonctionnaire à la date précisée par écrit par l’administrateur général au moment de l’acceptation indépendamment de la date de celle-ci.

160 La défenderesse a donné au fonctionnaire l’option de démissionner. Le fonctionnaire a exprimé clairement son intention de démissionner, de vive voix et dans une lettre. L’employeur n’avait aucune raison de le licencier, puisqu’il avait démissionné.

161 Il incombait à l’employeur de démontrer que le fonctionnaire avait commis une faute et d’établir que la sanction était appropriée. Il n’y a aucune preuve qu’une autre sanction n’aurait pas permis de dissiper ses préoccupations. Une brève suspension et une lettre de réprimande auraient suffi à cet égard.

3. Réplique de la défenderesse

162 La défenderesse a soumis que le critère qui s’applique consiste à déterminer si le licenciement était manifestement déraisonnable.

163 L’employeur a conclu à l’existence d’un motif valable étant donné la faute professionnelle et les fonctions dont le poste est assorti. Cette conclusion ne se rapportait pas au poste modifié par les mesures provisoires que la défenderesse a mises en place pour se protéger.

164 En l’espèce, le fonctionnaire ne pouvait soulever l’absence d’une représentation par l’agent négociateur à titre d’argument, puisque celle-ci n’avait pas été soulevée dans le grief; voir Shneidman c. Canada (procureur général), 2007 CAF 192, aux paragraphes 12 et 26 à 30. La défenderesse a fait valoir que les rencontres qui ont eu lieu en mai 2012 entre M. Stevenson et le fonctionnaire n’étaient pas de nature disciplinaire, et qu’aucun grief n’avait été déposé à propos de l’absence de représentation par un agent négociateur.

165 La défenderesse n’a pas fait valoir que le fonctionnaire avait esquivé les demandes de renseignements de M. Aldag en omettant de répondre à ses appels en septembre 2012. Elle a déclaré cependant que le fonctionnaire devait savoir que les filets de l’enquête se resserraient autour de lui.

166 La défenderesse a fait valoir que chaque affaire devait être examinée en fonction des faits et du droit applicables. Les mesures disciplinaires imposées précédemment par la défenderesse dans Spawn se rapportaient aux faits propres à cette affaire.

167 La défenderesse a fait valoir que la dissuasion pouvait être un facteur important lors de l’examen d’une mesure disciplinaire appropriée.

168 La défenderesse n’a pas accepté la démission du fonctionnaire, ce qui est une exigence des instruments de délégation. La jurisprudence invoquée par le fonctionnaire, soit Brown et Beatty, au paragraphe 7:7100, démontre qu’il est loisible à un employeur de refuser une démission.

169 Si l’on examine les faits, le licenciement du fonctionnaire a été imposé avant la date d’entrée en vigueur de sa démission.

170 La défenderesse a soutenu qu’elle est un employeur distinct, que son pouvoir à l’égard des conditions de travail est défini en des termes généraux, et qu’elle peut faire tout ce qui n’est pas interdit expressément ou par inférence par une loi; voir Peck c. Parcs Canada, 2009 CF 686, aux paragraphes 32 et 33.

171 Dans les cas de faute grave, l’employeur devrait être en mesure de licencier un employé, puisque le licenciement est un droit de la direction. L’article 13 de la Loi sur l’Agence Parcs Canada, (L.C. 1998, ch. 31), appuie l’affirmation que le licenciement est un droit de la direction :

RESSOURCES HUMAINES

13. (1) Le directeur général a le pouvoir exclusif :

a) de nommer, mettre en disponibilité ou licencier les employés de l’Agence;

b) d’élaborer des normes, procédures et méthodes régissant la dotation en personnel, notamment la nomination, la mise en disponibilité ou le licenciement autre que celui qui est motivé.

[…]

 (3) Les paragraphes 11.1(1) et 12(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques ne s’appliquent pas à l’Agence et le directeur général peut :

[…]

c) réglementer les autres questions dans la mesure où il l’estime nécessaire pour la bonne gestion des ressources humaines de l’Agence.

172 La défenderesse a déclaré qu’elle n’était pas tenue d’accepter la démission d’un employé qui faisait l’objet d’une enquête.

173 Il n’y a aucune preuve que le licenciement était un moyen détourné pour l’employeur de faire un usage abusif de ses droits.

174 En outre, bien qu’elle n’ait pas offert au fonctionnaire de démissionner, Mme Hansen n’en avait pas le pouvoir de toute manière, de sorte que, si une telle offre avait été faite, elle n’aurait aucun effet.

4. Autres répliques du fonctionnaire

175 Le fonctionnaire a fait valoir que le pouvoir délégué était différent aux termes de l’article 63 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’article 63 ne figure pas dans la Loi sur l’Agence Parcs Canada, qui ne doit pas être interprétée comme s’il y figurait.

III. Motifs

A. Démission ou retraite pendant l’enquête

176 Le fonctionnaire a affirmé dans le cadre de son témoignage qu’il avait déposé le grief parce que la défenderesse lui aurait donné comme option de démissionner. Je n’accepte pas son témoignage selon lequel la défenderesse lui a présenté cette offre.

177 Il existe une différence marquée entre le témoignage du fonctionnaire et celui des autres témoins, plus particulièrement celui de Mme Hansen, sur la question de savoir si la défenderesse lui a demandé de démissionner. J’ai pris en considération et appliqué le critère de crédibilité suivant, énoncé dans Faryna v. Chorny (1961), [1952] 2 D.L.R. 354, à la page 357 :

[Traduction]

[…]

La crédibilité de témoins intéressés, particulièrement dans les cas de preuves contradictoires, ne peut être évaluée uniquement en fonction de la question de savoir si le comportement du témoin en cause peut garantir la véracité de son témoignage. Il faut examiner objectivement son témoignage pour déterminer s'il concorde avec les probabilités qui sous-tendent les conditions courantes réelles. Bref, ce qui permet de vérifier réellement la vérité d’un témoignage en pareil cas, c'est que celui-ci doit être compatible avec la prépondérance des probabilités, ce qu'une personne pratique et bien renseignée reconnaîtrait aisément comme raisonnable dans ce lieu et dans ces conditions. Ce n'est qu’alors qu'un tribunal peut évaluer de façon satisfaisante la crédibilité de témoins expérimentés, confiants et à l'esprit vif et de ceux passés maîtres dans l'art des demi-mensonges et de combiner l'exagération bien calculée avec la suppression partielle de la vérité. Là encore, une personne peut témoigner de ce qu’elle croit sincèrement être la vérité tout en étant honnêtement dans l’erreur. Le juge de première instance qui déclare avoir cru le témoin parce qu'il estimait avoir entendu la vérité arrive à une conclusion en ne tenant compte que de la moitié du problème. En réalité, cela peut être un jugement personnel dangereux.

Le juge de première instance doit aller plus loin et affirmer que les preuves présentées par le témoin qu'il juge digne de foi sont conformes à la prépondérance des probabilités et, s'il veut que l'on ait confiance en son jugement, il doit indiquer pourquoi il en est arrivé à cette conclusion. La Loi n’a pas conféré au juge de première instance la faculté divine de sonder les esprits et les cœurs des témoins. De plus, la Cour d'appel doit être convaincue que le juge de première instance a fondé ses constatations concernant la crédibilité non pas sur un seul élément à l'exclusion des autres, mais sur tous les éléments qui servent de critères dans l'affaire à trancher. […]

[…]

178 Je reconnais qu’il y a eu des discussions sur les options qui s’offraient à l’avenir;  la défenderesse avait des options et le fonctionnaire avait des options. Je ne retiens pas le témoignage du fonctionnaire selon lequel Mme Hansen lui avait offert, pour le compte de la défenderesse, de démissionner. Dans mon analyse des circonstances qui existaient à l’époque pertinente, je remarque qu’avant la rencontre du 16 octobre 2012, la défenderesse disposait d’une forte preuve circonstancielle appuyant le licenciement du fonctionnaire pour vol et fraude et pour avoir induit l’employeur en erreur pendant l’enquête. Après la rencontre du 16 octobre 2012, la défenderesse disposait d’une preuve solide aux fins du renvoi du fonctionnaire.

179 Mme Hansen possède une vaste expérience dans la gestion des ressources humaines. Il ne fait aucun doute qu’elle a dit que la défenderesse irait de l’avant et que ses conclusions pourraient inclure des mesures pouvant aller jusqu’au renvoi. Elle a indiqué également que le fonctionnaire pourrait souhaiter communiquer avec le PAFE et consulter son agent négociateur. Si la défenderesse avait demandé la démission du fonctionnaire ou lui avait présenté une offre de démission, celle-ci aurait été faite en des termes plus clairs et à titre conditionnel, sous réserve de l’obtention de l’autorisation d’une personne dûment investie des pouvoirs délégués nécessaires, dans ce cas-ci, Mme Davies. Mme Hansen savait très bien qu’elle n’avait pas le pouvoir délégué de renvoyer un employé ou d’accepter sa démission, et elle savait que Mme Davies avait ce pouvoir délégué. Je remarque que le fonctionnaire n’a pas contre-interrogé Mme Hansen sur son témoignage selon lequel il a discuté de la possibilité de présenter sa démission au téléphone le 2 novembre 2012 et que Mme Hansen a déclaré que la défenderesse aurait vu une démission d’un bon œil.

180 Le fonctionnaire paraît avoir un intérêt financier considérable dans l’issue de ce grief, alors que Mme Hansen n’a aucun intérêt financier.

181 Il se peut bien qu’après avoir obtenu des conseils de son agent négociateur, le fonctionnaire ait conclu qu’il était dans son intérêt financier de démissionner, mais on est bien loin d’une offre faite par la défenderesse d’accepter sa démission s’il choisissait de le faire. Le témoignage du fonctionnaire s’inscrit simplement, à mon avis, dans le cadre d’une duperie continue. Mme Hansen n’a à aucun moment offert au fonctionnaire de démissionner pour éviter les conséquences d’un licenciement et elle ne lui a pas plus dit que la défenderesse accepterait sa démission. Les notes de M. Aldag prises lors de la rencontre du 16 octobre 2012 contiennent des commentaires formulés par Mme Hansen sur des options qui, à mon avis, étaient de nature à mettre un terme à cette rencontre. Ces commentaires ont été faits à un moment où la défenderesse avait tout ce dont elle avait besoin pour aller de l’avant et prendre en considération les renseignements fournis par le fonctionnaire lors de la rencontre. Mme Hansen avait obtenu l’aveu du fonctionnaire concernant le vol et le fait qu’il s’était approprié les pneus. Le fonctionnaire a ajouté plus de renseignements qu’il ne l’avait fait dans sa déclaration du 16 octobre 2012 (pièce E-1, onglet 5). Il a ajouté que les pneus avaient été installés sur des jantes chez Jack’s Tires au cours de la dernière semaine du mois d’avril 2012. Il a indiqué également à la défenderesse qu’il avait pris les pneus parce qu’il éprouvait dans sa vie familiale des problèmes qui avaient eu pour effet d’épuiser ses ressources financières. Mme Hansen a suggéré que le fonctionnaire communique avec le PAFE et déclaré qu’il y avait des problèmes que la défenderesse devait régler et des options dont il pourrait discuter avec son agent négociateur. Je remarque qu’il s’agissait d’une rencontre visant à recueillir des faits et qu’aucune des personnes présentes n’avait le pouvoir de licencier le fonctionnaire ou d’accepter sa démission. La défenderesse a semblé désireuse de mener son processus à terme.

182 Le fonctionnaire a menti et manipulé la défenderesse au cours de l’enquête, et la défenderesse a allégué que ce comportement était malhonnête et frauduleux. J’ai à l’esprit les commentaires de la cour dans Faryna sur le soin qu’il faut appliquer lors de l’évaluation du témoignage de personnes qui sont des [traduction] « […] témoins expérimentés, confiants et à l'esprit vif et de ceux passés maîtres dans l'art des demi-mensonges et de combiner l'exagération bien calculée avec la suppression partielle de la vérité […] ». À mon avis, le témoignage du fonctionnaire selon lequel il a eu l’impression que l’employeur avait déposé une offre était simplement motivé par une tentative d’obtenir une indemnité de départ substantielle, à laquelle il aurait eu droit si la défenderesse n’avait pas mis fin à son emploi.

183 Le présent grief paraît avoir été motivé principalement par le désir du fonctionnaire de toucher une indemnité de départ d’environ 30 000 $ en vertu de la convention collective applicable. Son grief est libellé dans les termes suivants :

[Traduction]

Je conteste la lettre de licenciement datée du 15 novembre 2012 et signée par Helen Davies, directrice de l’unité de gestion, qui est entrée en vigueur le 15 novembre 2012. Dans le cadre de ce grief, je demande une consultation au palier 2 (dernier palier) avec Denis J. McCarthy, conseiller spécial, Syndicat des employées et employés nationaux (SEEN), Ottawa (Ontario).   

184 Il semble que, pendant la procédure de règlement du grief, ses réserves se soient rapportées spécifiquement au refus de la directrice de l’unité de gestion d’accepter sa demande de prendre sa retraite, laquelle lui aurait permis de toucher une indemnité de départ. Cela ressort clairement de la décision rendue au dernier palier par Tracy Thiessen, vice-présidente par intérim des opérations, région de l’Ouest et du Nord du Canada :

[Traduction]

[…]

À signaler qu’avant votre licenciement, vous avez reconnu que le résumé des faits entourant cette affaire était exact. Lors de la consultation au dernier palier, il a été indiqué que ni la lettre de licenciement, ni les faits associés à la présente décision n’étaient contestés. Votre préoccupation ne se rapportait qu’au refus de la directrice de l’unité de gestion d’accepter votre demande en vue de prendre votre retraite, laquelle vous aurait permis de toucher une indemnité de départ conformément à la convention collective applicable. Vous avez reconnu qu’il n’y avait aucune garantie quant à l’issue que vous préfériez. Aucun autre renseignement n’a été fourni à l’appui de cette demande.

[…]

[…] Compte tenu des circonstances entourant votre inconduite, il ne conviendrait pas que je remplace le licenciement par une suspension pour que vous puissiez prendre votre retraite de Parcs Canada et ainsi toucher une indemnité de départ.

[…]

185 Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’aurait pas dû être licencié, puisqu’il a démissionné de son poste. De manière générale, il est loisible à un employé de démissionner de son emploi. L’employeur ne peut contraindre un employé à exécuter des fonctions. Dans la présente affaire, la défenderesse n’a pas contraint le fonctionnaire à travailler, puisque ce dernier était en congé de maladie à la date à laquelle il a été licencié. Toutefois, je signale qu’il a exprimé son intention de prendre sa retraite et qu’il a communiqué cette intention le 2 novembre 2012. Sa retraite devait entrer en vigueur le 21 novembre 2012.

186 Le présent grief soulève la question de savoir si une démission ou une retraite est en vigueur suivant les modalités communiquées par un fonctionnaire ou si un employeur doit l’accepter avant qu’elle n’entre en vigueur. Étant donné les modalités de la démission du fonctionnaire, celle-ci n’aurait pu être en vigueur qu’à compter du 21 novembre 2012. Il lui était loisible à tout moment avant cette date d’annuler sa démission, puisque la défenderesse ne l’avait pas acceptée.

187 À mon avis, l’employeur n’est tenu par aucune obligation légale d’accepter une démission ou une retraite présentée pendant le déroulement d’une enquête. Il ne peut contraindre un employé qui a démissionné à travailler, mais là n’est pas la question dans la présente affaire.

188 Je remarque que les paragraphes 13(1) et (3) de la Loi sur l’Agence Parcs Canada sont libellés comme suit :

RESSOURCES HUMAINES

13. (1) Le directeur général a le pouvoir exclusif :

a) de nommer, mettre en disponibilité ou licencier les employés de l’Agence . […]

[…]

 (3) Les paragraphes 11.1(1) et 12(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques ne s’appliquent pas à l’Agence et le directeur général peut :

[…]

c) réglementer les autres questions dans la mesure où il l’estime nécessaire pour la bonne gestion des ressources humaines de l’Agence.

189 Les modifications provisoires de l’instrument de délégation des pouvoirs en matière de ressources humaines (pièce E-11) ont pour effet de déléguer à un titulaire de poste classé au niveau 3A, Mme Davies par exemple, le pouvoir d’accepter une démission ou le retrait d’une démission, sous la rubrique « Cessation d’emploi ou rétrogradation ».

190  Le directeur général jouit d’un vaste pouvoir de délégation, ainsi que le prescrit le paragraphe 12(4) de la Loi sur l’Agence Parcs Canada :

12. (4) Le directeur général peut déléguer à toute personne les attributions qui lui sont conférées sous le régime de la présente loi, d’une autre loi ou de règlements.

191 Le pouvoir de gestion des ressources humaines confié au directeur général de la défenderesse est vaste et, de toute évidence, il peut englober les démissions en application de l’alinéa 13(1)a) : « de nommer, mettre en disponibilité ou licencier les employés de l’Agence » et de l’alinéa général, libellé ainsi : « […] réglementer les autres questions dans la mesure où il l’estime nécessaire pour la bonne gestion des ressources humaines. […] ».

192 À mon avis, la communication par le fonctionnaire de son intention de prendre sa retraite ne privait pas la défenderesse de son droit d’imposer une mesure disciplinaire pour une faute liée à l’emploi commise dans le cadre de son emploi, à tout le moins pendant qu’il était un employé. Je remarque plus particulièrement que l’avis de départ à la retraite a été communiqué après que la défenderesse eut mené une séance de recherche des faits en septembre. La défenderesse n’a pas demandé la retraite du fonctionnaire, et celle-ci n’a pas été offerte en échange de la cessation par la défenderesse de son enquête. Le fonctionnaire est demeuré un employé de la défenderesse jusqu’à la date de son licenciement. Jusqu’alors, il aurait pu annuler son avis de départ à la retraite, puisque la défenderesse ne l’avait pas accepté. Si, le 15 novembre, la défenderesse avait imposé une suspension ou simplement servi une mise en garde par exemple, le fonctionnaire aurait pu immédiatement annuler son avis de départ à la retraite.

193 Pour tous les motifs qui précèdent, et compte tenu des circonstances de la présente affaire, je conclus que l’avis remis par le fonctionnaire de son intention de prendre sa retraite n’empêchait pas la défenderesse de lui imposer une mesure disciplinaire en raison de sa conduite. Je remarque que ni lui ni la défenderesse ne m’a remis de source faisant autorité sur la question de savoir si la démission entrait en vigueur à la date à laquelle elle a été remise ou à la date à laquelle la défenderesse l’aurait acceptée.

B. Renvoi justifié

194 Je dois analyser le dossier du licenciement conformément à la démarche habituelle, telle qu’elle est énoncée dans William Scott :

  • Y a-t-il eu une conduite donnant lieu à une mesure disciplinaire?
  • Dans l’affirmative, le licenciement était-il une réponse excessive dans les circonstances?
  • Dans l’affirmative, quelle autre mesure pourrait être prise à la place?

195 Il incombait à la défenderesse d’établir les faits selon la prépondérance des probabilités. Pour l’essentiel, les faits ne sont pas contestés, bien que les témoins aient été soumis à un contre-interrogatoire serré.

196 L’argument du fonctionnaire concernant l’application des questions soulevées dans William Scott est confus. Aux fins de l’évaluation de ces questions, il y a lieu d’évaluer la relation d’emploi entre les parties au moment de la faute alléguée. Le fonctionnaire occupait un poste de technicien de soutien des biens. À ce titre, il était tenu à un devoir d’intégrité. La défenderesse a pris des mesures intérimaires pour se protéger après que la conduite du fonctionnaire eut soulevé des doutes sur son honnêteté. Elle a temporairement modifié les fonctions du fonctionnaire en lui retirant ses instruments d’achat. Elle a aussi surveillé son rendement. Je dois prendre en considération les questions soulevées dans William Scott telles qu’elles sont appliquées à un employé qui exerçait une fonction liée à la dépense de fonds, et non pas à un employé qui a été privé de ses instruments d’achat à titre temporaire et qui, à la date du licenciement, était en congé, à l’extérieur du lieu de travail. De toute évidence, au moment du licenciement, le fonctionnaire présentait un risque faible ou nul pour les activités de l’employeur, car il ne travaillait pas. Évidemment, il m’est loisible de prendre en considération le comportement du fonctionnaire pendant la période où ses fonctions ont été modifiées pour examiner la question des facteurs atténuants ou aggravants ou celle de savoir si la réponse était excessive, ou pour prendre en considération d’autres sanctions.

C. Y a-t-il eu une conduite donnant lieu à une mesure disciplinaire?

197 Il ne fait aucun doute que le fonctionnaire s’est approprié incorrectement les pneus Cooper et qu’il a menti dans le cadre de l’enquête de l’employeur. Il n’existe aucune explication légitime quant à la possession des pneus. Je conclus que la défenderesse a démontré que le comportement du fonctionnaire ne lui donnait d’autre choix que d’imposer une mesure disciplinaire.

D. Le licenciement était-il une mesure excessive dans les circonstances?

198 À mon avis, la mesure disciplinaire était justifiée dans les circonstances. Toute conversation relative à la démission n’a eu aucune conséquence sur le droit de l’employeur d’imposer une mesure disciplinaire pour la faute qui a été commise par le fonctionnaire dans le cadre de son emploi.

199 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’y avait aucune raison de le licencier étant donné qu’il avait remis sa démission et qu’il ne posait aucun risque à l’employeur parce qu’il était en congé de maladie et que l’employeur lui avait retiré les instruments d’achat. La défenderesse a le droit de déterminer s’il remplissait les conditions requises pour exercer la totalité des fonctions de son poste, y compris le pouvoir de dépenser des fonds de la défenderesse. Toutefois, le fait est que la défenderesse enquêtait une inconduite du fonctionnaire. Il semble clair qu’elle n’ait pas répondu à la lettre de démission du fonctionnaire. À mon avis, elle n’était pas tenue d’accepter sa démission; elle avait le choix de poursuivre son enquête et de le licencier pour inconduite.

200 L’essentiel de la jurisprudence arbitrale tient au fait que le licenciement est une sanction habituelle en matière de malhonnêteté, en l’absence de facteurs atténuants solides.

201 Le fonctionnaire, un employé à long terme, a fait preuve de malhonnêteté. La défenderesse lui avait confié des pouvoirs d’achat, et il a fait preuve de malhonnêteté en s’appropriant les pneus Cooper. Il a menti dans le cadre d’une enquête. Ainsi, il a amené l’employeur à mener une enquête plus détaillée et plus longue qu’il n’aurait été nécessaire. Il n’a admis sa faute qu’environ un mois après qu’on lui eut présenté des faits incontestés, soit de nombreux mois après son vol.

202 Le fonctionnaire a fait valoir qu’il y avait eu un long délai, qui lui avait été préjudiciable, mais le fait est que l’employeur a mené son enquête avec soin. Il ne voulait pas accuser le fonctionnaire tant qu’il ne serait pas en possession de tous les faits. Le fait que le fonctionnaire n’ait rien volé d’autre à l’employeur pendant le déroulement de l’enquête est sans importance, puisque l’employeur avait retiré au fonctionnaire tous ses outils d’achat.

203 L’employeur a le droit de pouvoir faire confiance à un employé. À mon avis, il a subi un inconvénient considérable du fait qu’il a dû mener une enquête et s’accommoder d’un employé qui était censé être en mesure d’effectuer des achats, mais à qui il n’a pu confier les outils d’achat habituels.

204 La malhonnêteté pendant le déroulement d’une enquête est une faute professionnelle grave. La malhonnêteté dans la présente affaire se rapporte également à un élément fondamental de la relation d’emploi, l’achat de biens gouvernementaux. La défenderesse doit mettre une grande confiance dans son acheteur. Il n’y a pas de place pour la malhonnêteté dans le processus d’achat ou d’enquête.

205 Le fonctionnaire avait de l’ancienneté. Il s’est retrouvé dans des circonstances difficiles, et il a fait le mauvais choix. Cependant, à mon avis, l’on ne peut dire de cette faute professionnelle qu’elle a été commise sous le coup d’une impulsion. Le fonctionnaire a d’abord dû prendre la décision de s’approprier les pneus Cooper, qui appartenaient au gouvernement; il a dû se rendre à l’entrepôt sous froid, placer les pneus dans son véhicule personnel, faire un trajet de plus d’une heure jusqu’à Port Alberni et prendre les dispositions nécessaires pour faire installer les pneus. Il fallait donc un certain degré de planification pour passer inaperçu, ou à tout le moins une utilisation à mauvais escient de la connaissance des routines du lieu de travail pour éviter de se faire prendre. Au cours du processus, de nombreuses occasions se sont présentées au cours desquelles le fonctionnaire aurait pu tout arrêter et ne pas s’approprier les biens du gouvernement.

206 Il est vrai que le fonctionnaire n’a été mêlé à aucun autre incident, mais la défenderesse a pris des mesures protectrices provisoires, qui ont eu pour effet de retirer au fonctionnaire ses outils d’achat. Je conclus à regret que le fonctionnaire n’a aucune possibilité de réhabilitation.

207 De toute évidence, le licenciement a eu un impact personnel sur le fonctionnaire et sa famille, et je suis empathique à l’égard de ces circonstances personnelles. Il semble que l’une de ses préoccupations principales tienne au fait qu’en le licenciant plutôt que d’accepter sa démission, la défenderesse lui a retiré son droit à une indemnité de départ de quelque 30 000 $.

208 Je conclus que le licenciement n’était pas une mesure excessive dans les circonstances de la présente affaire. La décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire n’était pas excessive. Le lien de confiance a clairement été rompu par suite de son inconduite. La sanction était appropriée compte tenu du fait qu’il a volé des biens gouvernementaux (faute très grave), trompé l’employeur pendant le déroulement de l’enquête, et tenté de jeter le blâme sur les autres alors qu’il était clair qu’il s’était fait prendre.

209 Je suis d’avis que le licenciement n’était pas une réponse excessive dans les circonstances de la présente affaire et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question d’une autre sanction. Je ne suis pas disposé à remplacer une suspension simplement pour permettre au fonctionnaire de prendre sa retraite et de toucher son indemnité de départ. Cette option s’offrait à la défenderesse, qui a cependant choisi de ne pas s’en prévaloir.

210 Pour tous ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

211 Le grief est rejeté.

Le 13 mars 2014.

Traduction de la CRTFP

Paul Love,
arbitre de grief

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