Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse avait déposé une plainte de pratique déloyale de travail contre les défendeurs - la demanderesse et les défendeurs ont conclu une entente de règlement à l’égard de cette plainte - dans une décision antérieure, la Commission avait refusé d’invalider l’entente de règlement et d’entendre la plainte sur le fond(2013CRTFP143) - la demanderesse a demandé à la Commission de réexaminer la décision antérieure - la Commission a conclu que la demande ne reposait sur aucun motif impérieux de réexamen car la demanderesse n’avait présenté aucun nouvel élément de preuve ou nouvel argument qui, raisonnablement, n’aurait pas pu être présenté à l’audience qui a mené à le décision antérieure - la Commission a conclu que la demande ne pouvait manifestement être accueillie. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-02-18
  • Dossier:  525-34-52 XR: 561-34-499
  • Référence:  2014 CRTFP 17

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

FRANCINE BOUCHARD

demanderesse

et

SYLVIE LAHAIE, ANDRÉ BÉLANGER, MICHEL DÉSILETS, PATRICK SIMONEAU, JEAN-YVES MARTEL, DANIÈLE BÉDARD, JEAN-PIERRE FRASER, BETTY BANNON, ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET SYNDICAT DES EMPLOYÉ-E-S DE L'IMPÔT, SECTION LOCALE 10005

défendeurs

Répertorié
Bouchard c. Lahaie et al.


Affaire concernant une demande d’exercice par la Commission de l’un ou l’autre des pouvoirs prévus à l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour la demanderesse:
Lise Pronovost
Pour les défendeurs:
James Cameron et Wassim Garzouzi, avocats
Décision rendue sur la base d’arguments écrits déposés le 18 décembre 2013, le 21 janvier et le 5 février 2014.

MOTIFS DE DÉCISION

Demande devant la Commission

1 Le 18 décembre 2013, Francine Bouchard (la « demanderesse ») a demandé un réexamen de la décision Bouchard c. Lahaie et al., 2013 CRTFP 143 (la « décision de 2013 ») en vertu de l'article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Mme Bouchard a demandé un réexamen, une annulation ou une modification de la décision de 2013 rendue par le commissaire Stephan Bertrand.

2 Le 12 janvier 2011, Mme Bouchard a déposé une plainte de pratique déloyale de travail contre plusieurs représentants de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (les « défendeurs »). L’audience de cette plainte a eu lieu à Trois-Rivières le 19 septembre 2011. À cette occasion, les parties ont convenu de participer à une séance de médiation et elles ont conclu ce même jour une entente au sujet du litige qui les opposait alors.

3 Le 29 février 2012, la plaignante a demandé la tenue d’une audience afin que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») annule l’entente du 19 septembre 2011 sur la base que les défendeurs n’avaient pas respecté l’un des termes de l’entente. Les parties ont été convoquées à une audience afin de traiter la demande de Mme Bouchard du 29 février 2012. Cette audience a eu lieu le 5 septembre 2013; en est résulté la décision de 2013 qui fait l’objet de la présente demande de réexamen.

4 Je suis donc saisi d’une demande de réexamen d’une décision dont la portée était relativement limitée compte tenu que la décision de 2013 ne visait qu’à examiner la mise en œuvre d’une entente entre les parties et non pas le fond du litige qui existait avant cette entente, c’est-à-dire les incidents qui avaient poussé Mme Bouchard à déposer une plainte de pratique déloyale en 2011. En effet, tel que stipulé par la Cour fédérale d’appel dans Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, et par la Commission dans Fillet c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 43, une fois que les parties à un litige se sont entendues, la compétence de la Commission est de déterminer si l’entente est définitive et exécutoire et si les parties ont respecté leurs obligations respectives. Dans le cas de non-respect, la Commission décide de la mesure de réparation.

5 Dans la décision de 2013, le commissaire Bertrand a conclu que l’entente signée par la demanderesse et les défendeurs le 19 septembre 2011 était finale et exécutoire et que les défendeurs avaient respecté les termes de l’entente. Il a rejeté la demande de Mme Bouchard d’annuler l’entente et a ordonné la fermeture du dossier. Il a aussi stipulé qu’il partageait la position des défendeurs selon laquelle la demande d’annulation de Mme Bouchard était frivole et vexatoire et que celle-ci n’était rien de moins qu’un abus de procédure.

6 La présente demande de réexamen est fondée sur le paragraphe 43(1) de la Loi qui se lit comme suit :

43. (1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

7 La jurisprudence, sur laquelle je reviendrai dans mes motifs, établit clairement le sens à donner au paragraphe 43(1) de la Loi. Ce paragraphe ne doit pas être interprété comme s’il signifiait que la Commission devait agir comme un tribunal d'appel interne de décisions déjà rendues. Comme l’indique le paragraphe 51(1) de la Loi, les décisions de la Commission sont définitives. Le réexamen prévu au paragraphe 43(1) de la Loi a plutôt pour but de permettre à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qui n’auraient pu être raisonnablement présentés à l’audience initiale. La Commission doit s’assurer qu’il existe un motif impérieux de procéder à un réexamen.

La position et les arguments présentés par la demanderesse

8 Compte tenu du cadre juridique de la demande de réexamen de Mme Bouchard, je ne résumerai pas les 89 paragraphes de l’argumentaire qu’elle a soumis avec sa demande ou les commentaires supplémentaires qu’elle a soumis le 5 février 2014. Je m’en tiendrai plutôt à l’essentiel.

9 Dans son document du 18 décembre 2013, après avoir introduit sa demande, Mme Bouchard remet en question une partie de ce que le commissaire Bertrand a écrit dans la décision de 2013. Elle n’est pas d’accord avec la façon dont il relate les faits. Elle lui reproche aussi d’avoir pris des décisions qu’elle dit être teintées de favoritisme en comparant sa gestion d’audiences antérieures avec celle de l’audience de 2013, à laquelle ne pouvait assister la représentante de Mme Bouchard.

10 Mme Bouchard revient par la suite sur l’entente du 19 septembre 2011 et explique en quoi, selon elle, l’entente n’a pas été respectée par les défendeurs, plus particulièrement eu égard à deux lettres d’excuses que des représentants des défendeurs lui ont fait parvenir. Elle dénonce aussi le fait que les personnes contre qui elle a initialement déposé sa plainte n’ont pas tous signé les lettres d’excuses en question et qu’elles n’ont pas non plus signé l’accord donnant lieu à la médiation du 19 septembre 2011 et l’entente conclue le jour même.

11 Enfin, dans son document du 18 décembre 2013, Mme Bouchard critique la décision de 2013 du commissaire Bertrand et ses conclusions. Elle blâme la Commission de n’avoir prévu que le 5 septembre 2013 l’audience visant à examiner l’application de l’entente du 19 septembre 2011. Elle déclare que le commissaire a agi de façon déraisonnable et a favorisé une des parties. Elle conclut en affirmant que sa demande de réexamen est bien fondée et que la Commission a le devoir de juger le fond de la plainte qu’elle a déposée le 12 janvier 2011, que la décision de 2013 est déraisonnable et qu’elle porte atteinte à son droit fondamental d’être entendue.

La positon et les arguments présentés par les défendeurs

12 Les défendeurs ont repris la plupart des arguments de la demanderesse et ont exprimé leur désaccord à leur sujet. Ils sont d’avis que le commissaire Bertrand a toujours agi de façon impartiale. Selon eux, ces accusations sont vexatoires et frivoles et tel qu’expliqué par la Cour d’appel fédérale dans Gandhi c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2013 CAF 223, ces accusations sont graves et lourdes de conséquences d’autant plus qu’elles ne trouvent aucun appui dans la preuve ou dans la décision du commissaire Bertrand. En l’espèce, les défendeurs rappellent que le commissaire est membre d’un tribunal indépendant quasi judiciaire.

13 Les défendeurs rappellent que le réexamen ne doit pas remettre en litige le fond de l’affaire et doit être fondé sur un changement important des circonstances. Le réexamen ne doit tenir compte que des nouveaux éléments de preuve qui ne pouvaient raisonnablement être présentés lors de l’audience initiale. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Motifs

14 Cette demande de réexamen est fondée sur le paragraphe 43(1) de la Loi cité au paragraphe 6 de la présente décision. La demande de Mme Bouchard vise à réexaminer, annuler ou modifier une décision rendue en 2013 par le commissaire Bertrand. Dans cette décision, le commissaire concluait que l’entente signée par la demanderesse et les défendeurs le 19 septembre 2011 était finale et exécutoire et que les défendeurs avaient respecté les termes de l’entente.

15 Le réexamen prévu au paragraphe 43(1) de la Loi n’est pas un appel de la décision initiale. Comme je l’indiquais plus tôt, le réexamen a pour but de permettre à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qui n'auraient pu être raisonnablement présentés à l'audience initiale, ou lorsqu’il existe un motif impérieux de procéder à un réexamen. Sur ce point, après avoir révisé la jurisprudence pertinente, la Commission écrivait ce qui suit dans Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39 au paragraphe 29 :

[29] Il ressort de l'analyse de la jurisprudence que les lignes directrices ou critères ci-après doivent être pris en compte lorsqu'il s'agit de réexaminer une décision de la CRTFP (voir les décisions Quigley, Danyluk, Czmola et Alliance de la Fonction publique du Canada) :

  • le réexamen ne doit pas remettre en litige le fond de l'affaire;
  • il doit être fondé sur un changement important des circonstances;
  • il doit tenir compte uniquement des nouveaux éléments de preuve ou arguments qui ne pouvaient être raisonnablement présentés lors de l'audience initiale;
  • on doit s'assurer que les nouveaux éléments de preuve ou arguments ont des conséquences importantes et déterminantes sur l'issue de la plainte;
  • on doit veiller à ce que le réexamen soit fondé sur un motif impérieux;
  • le pouvoir de réexamen doit être exercé de manière « […] judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment ». (Czmola).

16 Même si j’acceptais comme étant vrai ce que Mme Bouchard avance, ce qui est loin d’être le cas, je rejetterais sa demande. Tout ce que Mme Bouchard fait dans son argumentaire de 89 paragraphes est de critiquer ou de questionner la partialité du commissaire Bertrand et de soutenir la thèse du non-respect de l’entente du 19 septembre 2011. Contrairement aux critères énoncés dans Chaudhry, Mme Bouchard remet en litige le fond de l’affaire (le non-respect de l’entente), n’amène aucun changement dans les circonstances connues au moment de l’audience de septembre 2013 et ne soulève aucun nouvel élément de preuve qui n’aurait pu raisonnablement être présenté à l’époque. La demande de réexamen ne repose donc sur aucun motif impérieux et il ne serait absolument pas judicieux d’y acquiescer.

17 Je rejette donc la demande de réexamen de Mme Bouchard, qui ne repose sur aucun fondement et qui, à sa face même, doit être rejetée.

18 J’ajouterais d’ailleurs, comme le prétendent les défendeurs, que la demande est frivole et vexatoire. Dans Steiner c. Canada, 1996 CanLII 3869 (FC), la Cour qualifie de vexatoire une demande qui est présentée sur une base malicieuse ou sans motifs ou qui ne mène à aucun résultat pratique. Dans Yearsley c. Canada, 2001 CFPT 732, la Cour qualifie de demande frivole et vexatoire une demande qui ne mène à aucun résultat pratique et qui ne peut manifestement pas être accueillie. Je ne prétends pas que la demande de Mme Bouchard est présentée sur une base malicieuse mais elle ne mène à aucun résultat pratique et ne peut manifestement être accueillie.

19 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

20 Je déclare que la demande de réexamen est frivole et vexatoire.

21 Je rejette la demande de réexamen de la décision 2013 CRTFP 143.

Le 18 février 2014.

Renaud Paquet,
une formation de la Commission des
relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.