Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de l’employeur de ne pas renouveler son dernier contrat d’emploi à durée déterminée compte tenu de son rendement insuffisant - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué avoir été victime de discrimination sur la base de la race - l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief, alléguant que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas fait l’objet d’une des mesures visées aux alinéas 209(1)b) et c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et que la décision avait été prise conformément aux dispositions du contrat et aux termes de l’article 58 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’y avait pas eu discrimination - l’employeur avait démontré que le fonctionnaire s’estimant lésé avait des difficultés et qu’il avait fait tout en son pouvoir pour aider le fonctionnaire à atteindre les objectifs neutres - le fonctionnaire avait fait l’objet de plans d’amélioration détaillés, qu’il avait signés en présence de son représentant syndical - la plainte de harcèlement qu’il avait déposée avait été rejetée - le fonctionnaire n’avait pas été victime de discrimination et les raisons du non-renouvellement de son contrat était attribuables à ses problèmes de rendement. Grief rejeté.
Contenu de la décision
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique
- Date: 2014-01-07
- Dossier: 566-02-5803 et 5804
- Référence: 2014 CRTFP 1
Devant un arbitre de grief
ENTRE
MODIBO TOGOLA
fonctionnaire s'estimant lésé
et
CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l'Emploi et du Développement social)
employeur
Répertorié
Togola c. Conseil du Trésor (ministère de l'Emploi et du Développement social)
Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage
- Devant:
- Linda Gobeil, arbitre de grief
- Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
- Michel Morissette, avocat
- Pour l'employeur:
- Léa Bou Karam, avocate
MOTIFS DE DÉCISION
I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage
1 Modibo Togola, le fonctionnaire s'estimant lésé (le « fonctionnaire ») a été successivement à l'embauche du ministère de l'Emploi et du Développement social (l' « employeur ») pour des périodes déterminées depuis avril 2007, son contrat initial d'emploi ayant été maintes fois renouvelé avec modifications. Le 17 mars 2010, l'employeur a informé M. Togola que compte tenu de son rendement insuffisant, son dernier contrat d'emploi à durée déterminée ne serait plus renouvelé au-delà du 31 mars 2010. M. Togola est de race noire.
2 Le 1er septembre 2011, le fonctionnaire a renvoyé à l'arbitrage un grief contestant la décision de l'employeur en vertu de l'article 209 de la Loi sur les relations de travail à la fonction publique (la « Loi »).
3 Le 25 octobre 2011, l'employeur s'est opposé à ma compétence pour entendre le grief au motif que le fonctionnaire n'avait pas fait l'objet d'une des mesures visées aux alinéas 209(1)b) et c) de la Loi. Il a souligné que le contrat d'emploi du fonctionnaire n'avait simplement pas été reconduit après le 31 mars 2010. L'employeur a maintenu que sa décision de ne pas renouveler le contrat de M. Togola avait été prise conformément aux dispositions stipulées dans ledit contrat et aux termes de l'article 58 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la « LEFP »). En réponse, le représentant du fonctionnaire a maintenu que j'avais compétence dans la présente affaire puisque les motifs de l'employeur étaient discriminatoires et qu'en vertu de la convention collective applicable, un arbitre de grief a compétence pour entendre un grief basé sur une décision discriminatoire.
4 Puisque dans son grief le fonctionnaire a allégué avoir été victime de discrimination, un avis de son grief a été envoyé à la Commission Canadienne des droits de la personne (CCDP). Le 13 septembre 2011, la CCDP a avisé les parties qu'elle n'avait pas l'intention de soumettre des commentaires dans cette affaire.
5 La convention collective applicable est celle conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l'administration qui venait à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »).
II. Résumé de la preuve
6 Il est à noter qu'au début de l'audience, l'avocat du fonctionnaire a indiqué qu'il renonçait à la demande de réintégration de l'employé comme mesure de redressement.
A. Chronologie
7 Pour ce qui est de la période pertinente à ce grief, il n'est pas contesté que M. Togola a été embauché, suite à un processus de dotation externe pour une période déterminée soit du 2 avril 2007 au 28 novembre 2007, comme commis classifié au groupe et niveau CR-04. Son contrat d'emploi a par la suite été renouvelé deux fois : du 28 septembre 2007 au 21 décembre 2007, et du 21 décembre 2007 au 25 janvier 2008. M. Togola a ensuite occupé un poste d'agent de prestation, classifié au groupe et niveau PM-02, et ce, du 11 février 2008 au 26 septembre 2008. Ce contrat d'emploi a par la suite été renouvelé trois fois, soit du 27 septembre 2008 au 13 février 2009, du 8 février 2009 au 31 mars 2009, et du 31 mars 2009 au 30 octobre 2009. M. Togola a par la suite été rétrogradé au poste CR-04 du 1er novembre 2009 au 31 décembre 2009. Ce dernier contrat a été renouvelé du 31 décembre 2009 au 31 mars 2010. Le 17 mars 2010, l'employeur a signifié au fonctionnaire qu'il n'y aurait plus de renouvellement de contrat au-delà du 31 mars 2010.
8 Dans son témoignage, M. Togola a précisé que quelques années avant le contrat d'emploi d'avril 2007, il avait travaillé chez l'employeur pour une période déterminée, soit d'octobre 2003 à mars 2004. Après avoir été embauché à contrat auprès du ministère des Approvisionnements et Services gouvernementaux, le fonctionnaire a témoigné qu'il était revenu auprès de l'employeur, à la demande de ce dernier, pour un autre contrat pour une période déterminée se terminant en octobre 2005.
B. Preuve du fonctionnaire
9 M. Togola a témoigné qu'à son arrivée auprès de l'employeur en avril 2007, il a commencé à éprouver des problèmes avec la coordonnatrice, Marlyn Bertrand. Selon le fonctionnaire, cette dernière l'ignorait et ne lui adressait plus la parole suite à un incident qui se serait passé à une fête de Noël avant 2007. Il se sentait isolé. Toutefois, lors d'une rencontre en 2007 portant sur l'évaluation de rendement, auquel participaient Mme Bertrand et la gestionnaire Mme Deslandes, le fonctionnaire a témoigné qu'on lui aurait alors dit que tout allait bien.
10 Le fonctionnaire a témoigné que malgré cette assurance, Mme Bertrand est demeurée froide et distante à son égard. M. Togola a indiqué que pendant cette période, il n'avait pas accès aux mêmes outils de travail que les autres et qu'on lui imposait de consulter des personnes ressources sur certaines questions alors que la qualité de son travail était bonne et qu'il n'avait pas besoin de ce genre de consultation. M. Togola a aussi indiqué que ses collègues de travail sont allés en formation en avril 2007 alors qu'on ne lui as pas permis de le faire sous prétexte qu'il en avait pas besoin.
11 M. Togola a indiqué qu'en février 2008, il a gagné un processus de dotation pour un poste pour une période déterminée classifié au groupe et niveau PM-02. Il a été formé par Michel Lord pour ce poste. M. Togola a affirmé qu'une fois la formation terminée, M. Lord lui a confirmé que l'évaluation était favorable. Le fonctionnaire a témoigné qu'à la suite de cette formation, ses collègues et lui-même devaient faire vérifier la qualité de leurs dossiers auprès d'un chef d'équipe, Marc Labrecque, qui était très désagréable. Selon le fonctionnaire, les instructions de M. Labrecque étaient différentes de celles apprises pendant la formation. Selon M. Labrecque, M. Togola avait un taux de réussite de 4 %, alors que durant la formation, M. Lord était d'avis qu'il réussissait l'examen de ses dossiers dans une proportion de 95 %. M. Togola a indiqué que M. Labrecque a cessé la vérification de ses dossiers en avril 2008. Par la suite, Louis-Charles Tremblay est devenu le nouveau chef d'équipe de M. Togola. Toutefois, c'est auprès de Christine Bourget que le fonctionnaire devait dorénavant se rapporter pour la vérification de la qualité de ses dossiers.
12 Selon M. Togola, Mme Bourget s'est montrée beaucoup mieux disposée à son égard que M. Labrecque. Selon le fonctionnaire, les résultats des vérifications effectuées par Mme Bourget étaient excellents (pièce G-5). Selon le fonctionnaire, Mme Bourget lui aurait confirmé que tout allait bien lors d'une rencontre au Café Suprême. Malgré ces bons résultats, le fonctionnaire a témoigné que l'assignation des dossiers était différente dans son cas qu'avec ses collègues. Selon lui, ses collègues avaient le loisir de choisir leurs dossiers alors que dans son cas, on lui imposait. Il a témoigné que Mme Bertrand décidait quels dossiers lui seraient assignés alors que M. Tremblay était son chef d'équipe.
13 M. Togola a aussi témoigné qu'il était le seul à avoir tous ses dossiers vérifiés. Les dossiers de ses collègues n'étaient pas vérifiés de façon systématique.
14 Le fonctionnaire a indiqué qu'en août 2008, il a rencontré son chef d'équipe, M. Tremblay, qui lui a mentionné que tout allait bien; aucun point à améliorer n'a été mentionné.
15 M. Togola a de plus raconté qu'en septembre 2008, contrairement à ses collègues, il n'avait pas reçu la formation sur la « révision d'options ». Selon le fonctionnaire, on lui aurait refusé cette formation au motif qu'il ne maitrisait pas une partie d'un projet de loi ce qui selon M. Togola était faux. Une réunion a été tenue afin de discuter des raisons pour lesquelles le fonctionnaire ne pouvait participer à ladite formation. Mme Deslandes, Mme Bertrand, M. Tremblay, Patricia Icart, la représentante syndicale du fonctionnaire, et ce dernier ont assisté à la rencontre. M. Togola a mentionné que Mme Icart aurait dit que le fait de ne pas l'inviter à suivre la formation ressemblait à du racisme, ce à quoi les gestionnaires auraient répondu qu'il s'agissait plutôt d'aider le fonctionnaire.
16 En octobre 2008, Lise Richard est devenue la nouvelle vérificatrice des dossiers du fonctionnaire. Selon le fonctionnaire, Mme Richard était satisfaite de son travail.
17 Le fonctionnaire a indiqué avoir été en congé de maladie de novembre 2008 au 15 décembre 2008. Il est revenu au travail le 6 janvier 2009. Il a expliqué qu'il a alors été affecté à l'équipe responsable des dossiers de « gestion simple ». Toutefois, son bureau était physiquement situé à côté des collègues qui s'occupaient de la gestion des dossiers de « révisions de dossiers ». Ainsi, il était privé des réunions où l'on discutait spécifiquement des questions reliées à son travail. Il a expliqué que son chef d'équipe, M. Tremblay, tenait à le surveiller, ce qui explique pourquoi son bureau n'était pas à côté de celui de ses collègues de la gestion des dossiers de « gestion simple ».
18 M. Togola a expliqué qu'en janvier 2009, en allant chercher ses dossiers sur le bureau de son chef d'équipe M. Tremblay, il avait vu son dossier personnel sur le bureau de ce dernier. Le fonctionnaire a noté qu'une copie d'un courriel de M. Tremblay à Mme Deslandes était dans son dossier personnel. Le courriel de M. Tremblay recommandait son licenciement pour problème de performance en se basant sur l'évaluation de M. Labrecque.
19 Le fonctionnaire a témoigné que pendant cette période, Mme Richard continuait de vérifier la qualité de ses dossiers. Elle jugeait son rendement satisfaisant. Selon M. Togola, Mme Richard a quitté en mai 2009. Elle aurait alors confié à ce dernier que la gestion voulait lui « imposer des choses » concernant le fonctionnaire ce à quoi elle aurait refusé. M. Togola a aussi témoigné qu'une autre vérificatrice, Nancy Bernier, avait aussi cessé de vérifier la qualité de ses dossiers après un mois car elle refusait de faire les choses qu'on lui demandait au sujet de M. Togola. Ni Mme Richard ni Mme Bernier n'ont témoigné à l'audience.
20 M. Togola a témoigné qu'à son retour de son deuxième congé de paternité, le 24 août 2009, Sonia Vézina, la nouvelle directrice, Mme Bertrand et son superviseur Pierre Gosselin, l'ont rencontré pour l'informer qu'il ne serait plus classifié au groupe et niveau PM-02 mais au groupe et niveau CR-04. Ils ont expliqué au fonctionnaire que la rétrogradation découlait des erreurs dans ses dossiers. Selon M. Togola, rétrogradation de PM-02 à CR-04 lui a été imposée et il n'avait pas le choix de l'accepter, autrement il aurait perdu son emploi. Il a témoigné qu'en septembre 2009, la direction lui a imposé un plan d'amélioration du rendement (pièce E-1, onglet 6). M. Richard Belleau devait faire le suivi de ce plan auprès du fonctionnaire.
21 Le travail du fonctionnaire à titre de CR-04 a continué d'être vérifié dans son intégralité. M. Belleau a alors été assigné comme vérificateur de ses dossiers.
22 M. Togola a témoigné avoir soulevé avec Alain Gagné, le directeur du Centre Régional des opérations de la sécurité de la vieillesse, le 28 août 2009, le fait qu'il se sentait harcelé. M. Gagné lui aurait alors affirmé qu'il avait fait l'objet de discussion parmi les membres de la direction et qu'ils avaient choisi de le rétrograder de PM-02 à CR-04 au lieu de mettre fin à son contrat d'emploi. M. Togola a déposé une plainte de harcèlement à l'égard de Mme Deslandes, M. Bertrand, M. Tremblay et Mme Vézina le 11 septembre 2009 (pièce G-2). La plainte a été rejetée le 15 octobre 2009 (pièce G-3). M Togola a rapporté que pendant ce temps, son contrat d'emploi qui devait se terminer en octobre 2009 a été prolongé jusqu'à décembre 2009 et ensuite de décembre 2009 jusqu'au 31 mars 2010.
23 Le 18 janvier 2010, M. Togola a rencontré M. Gosselin, afin de discuter de son évaluation. Il a alors été décidé de continuer avec un plan d'amélioration supplémentaire (pièce E-1, onglet 9). Nathalie Racine et Michèle Gendron devaient faire le suivi de ce plan d'amélioration supplémentaire avec le fonctionnaire. Le fonctionnaire a témoigné qu'il était difficile de faire les suivis car les personnes changeaient et que les instructions et les objectifs changeaient d'une personne à l'autre.
24 Selon M. Togola, lors de son évaluation pour la période du 25 au 29 janvier 2010, les résultats démontraient que dans 98 % des cas, ses dossiers ne contenaient pas d'erreur monétaire, alors que dans 80 % des cas, il n'y avait pas d'erreur de procédure.
25 Le fonctionnaire a témoigné avoir participé à une rencontre le 22 février 2010, avec M. Gosselin, M. Belleau et Mme Noël, afin de discuter des évaluations de Mmes Racine et Gendron en l'absence de celles-ci. Lors de cette rencontre, M. Gosselin, M. Belleau et Mme Noël lui ont indiqué que seulement 59 % de ses dossiers ne contenaient pas d'erreur de procédure. Selon M. Togola, ces données étaient discutables car il avait toujours suivi les conseils et les instructions de M. Belleau quant aux procédures à suivre.
26 M. Togola a affirmé avoir reçu de M. Gosselin, en présence de M. Gagné, la lettre du 17 mars 2010, l'informant que son contrat d'emploi ne serait pas prolongé au-delà du 31 mars 2010. Il a dit avoir été payé jusqu'au 16 avril 2010. Il a aussi dit que le non-renouvellement de son contrat l'avait affecté en ce qu'il a alors perdu confiance en lui-même, qu'il s'est senti humilié et déshonoré. Il a dû être soigné pour une dépression et a dû prendre des médicaments. Il n'a pas eu d'autre emploi avant octobre 2012. Il a maintenu avoir été harcelé dans son lieu de travail.
27 Lucie St-Hilaire a également témoigné pour le fonctionnaire. Mme St.-Hilaire a pris sa retraite de la fonction publique fédérale en février 2010, après 33 ans de service. Elle n'a jamais été gestionnaire.
28 Mme St-Hilaire a connu le fonctionnaire en 2003. Elle était alors classifiée au groupe et niveau PM-02 et M. Togola faisait partie de son équipe; il était un collègue de travail. Depuis, Mme St-Hilaire a admis être une amie du fonctionnaire. Selon Mme St-Hilaire, il n'y avait pas vraiment d'objectif de rendement à cette époque; le tout était passablement nébuleux et était laissé au bon jugement des analystes. Selon elle, les analystes entre eux ne s'entendaient pas toujours sur ce qui constituait une erreur.
29 Mme St-Hilaire a témoigné qu'elle avait eu à vérifier la qualité des dossiers préparés par le fonctionnaire en 2003 et que ce dernier était un des meilleurs analystes et fut l'un des premiers pour lesquels la vérification de dossiers n'était plus nécessaire.
30 Mme St-Hilaire a indiqué que, dans ses 33 années de service, jamais à sa connaissance les dossiers d'un analyste avaient fait l'objet de vérification de façon systématique. À cet égard, Mme St-Hilaire a témoigné que M. Belleau lui aurait un jour confié qu'il ne savait pas pourquoi il devait continuer de vérifier les dossiers de M. Togola.
31 Mme St-Hilaire a relaté avoir quitté ses fonctions pour revenir en 2008, à titre de conseillière classifiée au groupe et niveau PM-02. Pour une courte période de deux semaines en juillet 2008, Mme St-Hilaire a eu à vérifier les dossiers de certains employés, dont ceux de M. Togola. À ce sujet, Mme St-Hilaire a témoigné que ça allait bien en ce qui concerne les dossiers du fonctionnaire et que, même s'il y avait parfois de petites erreurs de procédure, celles-ci n'avaient pas d'incidence sur les clients. Mme St Hilaire a indiqué avoir probablement vérifié une quarantaine de dossiers de M. Togola. Selon elle, le rendement du fonctionnaire était supérieur à celui des autres employés.
32 Mme St-Hilaire a témoigné avoir entendu lors de la vérification de dossiers, M. Labrecque s'entretenir avec des employés. La façon dont M. Labrecque s'adressait à ces employés lui glaçait le sang. Mme St-Hilaire a affirmé que M. Labrecque était encore plus sec et plus bête lorsqu'il s'agissait de M. Togola.
33 Mme St-Hilaire a mentionné que personne ne savait pourquoi les dossiers du fonctionnaire étaient systématiquement vérifiés. Selon elle, il s'agissait d'une pratique discriminatoire. Dans son témoignage, Mme St-Hilaire a convenu que, dans certains cas, les histoires véhiculées reposaient sur des commérages. Toutefois, elle a indiqué ne jamais avoir été témoin d'une fin de contrat basée sur un problème de rendement.
C. Preuve de l'employeur
34 M. Gagné a témoigné pour l'employeur. M. Gagné a pris sa retraite de la fonction publique fédérale en mai 2011. Au moment de sa retraite, il était directeur du Centre de traitement pour la région de Québec.
35 M. Gagné a indiqué qu'il s'était joint au bureau de Québec comme directeur en juin 2009, et qu'il y avait environ 260 employés qui se rapportaient à lui. M. Gagné a affirmé qu'à son arrivée, le bureau de Québec accusait des lacunes quant à la performance relativement au traitement des demandes, et ce, tant au niveau qualitatif que quantitatif. M. Gagné s'est donc employé à améliorer les résultats en cherchant les causes des retards et en mettant en place des processus plus efficaces. M. Gagné a indiqué que des objectifs liés à la qualité et la quantité des dossiers traités avaient été mis en place en fonction des normes établies par l'administration centrale.
36 M. Gagné a témoigné qu'à son arrivée, il s'était fait un devoir de connaitre tous les employés du bureau et qu'ainsi il avait connu M. Togola. M. Gagné a insisté que pour lui, il était important d'être près de ses employés, qu'il connaissait tous les employés par leur nom et qu'il prenait le temps d'aller les rencontrer.
37 M. Gagné a témoigné avoir été mis au courant des problèmes de rendement du fonctionnaire peu après son arrivée en août 2009. Il a affirmé que bien que M. Togola ait reçu toute la formation nécessaire pour faire son travail, il accusait néanmoins des lacunes au niveau du rendement. M. Gagné a précisé que toute formation additionnelle à celle reçu par le fonctionnaire n'aurait pas été salutaire puisque, avant de passer à certains niveaux de formation, un employé devait d'abord maitriser l'information de base, ce qui n'était pas le cas pour M. Togola. De plus, ce dernier n'a jamais eu à traiter de dossiers pour lesquels il n'avait pas reçu toute la formation nécessaire. M. Gagné a témoigné qu'après consultation auprès des gestionnaires, il a été convenu que M. Togola nécessitait une attention particulière pour l'aider à atteindre ses objectifs.
38 M. Gagné a témoigné que malgré le fait que M. Togola ne performait pas au niveau PM-02, il a quand même choisi de le garder dans son organisation. M. Gagné a expliqué que la gestion avait déjà investi beaucoup dans le fonctionnaire et que lui et ses gestionnaires préféraient continuer d'essayer d'aider le fonctionnaire à améliorer sa performance.
39 M. Gagné a témoigné avoir tout d'abord reçu l'assentiment du fonctionnaire, avant de le rétrograder au groupe et niveau CR-04 (pièce E-1, onglets 7 et 8). M. Gagné a relaté que dès le mois d'août 2009, il était clair que le fonctionnaire ne pouvait faire les tâches d'un PM-02. Il a donc été rétrogradé au groupe et niveau CR-04 en août 2009. La nomination du fonctionnaire au groupe et niveau CR-04 a été effectuée en octobre 2009 (pièce E-1, onglet 7). M. Gagné a indiqué que malgré la rétrogradation, il a décidé de continuer de payer le fonctionnaire au groupe et niveau PM-02 pour le reste du contrat d'emploi soit jusqu'à octobre 2009. M. Gagné a témoigné qu'en septembre 2009, compte tenu des problèmes de rendement du fonctionnaire, il avait dû choisir entre le laisser partir ou lui donner une autre chance. Compte tenu du fait que la direction avait déjà investie dans la formation du fonctionnaire et que ce dernier était un employé plaisant et agréable, la direction a décidé de le garder mais de l'encadrer davantage. Selon M. Gagné, un plan de travail et d'amélioration a été remis au fonctionnaire en septembre 2009. M. Gagné a indiqué que ce plan de travail a d'abord fait l'objet de discussion avec M. Togola, qui en a accepté les conditions et l'a signé (pièce E-1, onglet 6). En contre interrogatoire, M. Gagné a admis qu'il n'était pas présent lorsque le fonctionnaire a signé le plan de travail mais que ce dernier était accompagné de son représentant syndical. M. Gosselin était aussi présent. M. Gagné a ajouté que même si le fonctionnaire avait exercé les fonctions d'un employé CR-04 dans le passé, il avait jugé nécessaire de lui donner un plan d'amélioration car ça faisait déjà un certain temps qu'il avait exercé ces fonctions. La direction voulait lui donner tous les instruments de travail nécessaires.
40 M. Gagné a précisé qu'en septembre 2009, M. Gosselin était le nouveau superviseur de M. Togola comme CR-04 et que M. Belleau était celui qui devait régulièrement vérifier le travail de M. Togola. M. Gagné a indiqué que les attentes concernant le travail du fonctionnaire avaient été établies dans le plan de travail de septembre 2009, et que ce plan de travail comportait une gradation quant à la complexité des dossiers. Ainsi, selon M. Gagné, les attentes étaient minimales en septembre 2009; par contre, à partir de novembre 2009, la complexité des dossiers confiés à M. Togola devaient être accrues (pièce E-1, onglet 6, p.2). M. Gagné a souligné qu'en septembre 2009, le plan de travail précisait les objectifs minimaux qui devaient être atteints par M. Togola. Selon M. Gagné ces objectifs minimaux étaient les mêmes pour tous les employés. Toutefois, dans le cas de M. Togola il avait déjà eu à faire ces fonctions comme CR-04 dans les années passées, le travail aurait dû être plus facile pour lui que pour les nouveaux employés. M. Gagné a témoigné qu'en novembre 2009, d'autres employés qui avaient commencé en septembre 2009 et qui avaient les mêmes objectifs de rendement que le fonctionnaire, avaient dépassé les objectifs fixés (pièce E-1, onglet 17, annexe H.)
41 M. Gagné a témoigné que de septembre à décembre les choses semblaient aller assez bien quant à avec la performance de M. Togola. Toutefois, à la fin de décembre 2009, la direction a constaté qu'il y avait toujours des problèmes au niveau de la productivité et qu'il y avait des retards. M. Gagné a indiqué qu'il voulait donner encore une autre chance au fonctionnaire. Il a décidé de prolonger son contrat d'emploi du 31 décembre 2009 au 31 mars 2010. M. Gagné a précisé qu'un autre plan complémentaire de travail avait été mis en place avec le fonctionnaire et que ce dernier l'avait signé (pièce E-1, onglet 9).
42 M. Gagné a témoigné qu'en mars 2010, la direction a toutefois conclu que le contrat de M. Togola ne serait pas renouvelé au-delà du 31 mars 2010, et que le fonctionnaire a été avisé le 17 mars 2010 du non-renouvellement (pièce E-1, onglet 10). M. Gagné a expliqué qu'il en était venu à cette conclusion après avoir fait le constat que les résultats étaient toujours pas satisfaisants et ce suite à la mise en œuvre de deux plans de travail, du fait que différents superviseurs et vérificateurs avaient travaillé avec lui et avaient constaté des lacunes. M. Gagné a indiqué qu'il avait périodiquement des discussions avec M. Gosselin et Mme Noël, le chef d'équipe quant à la performance de M. Togola. M. Gagné a maintenu que même s'il ne supervisait pas directement M. Togola, il était tenu au courant de la performance de ce dernier. M. Gagné a témoigné que M. Gosselin lui fournissait des rapports sur la performance de M. Togola. M. Gagné a affirmé avoir non seulement consulté M. Gosselin et Mme Noël mais aussi il a consulté les données sur la qualité et quantité des dossiers du fonctionnaire (pièce E-1, onglets 12, 16 et 17). Selon M. Gagné, même si la qualité du travail de M. Togola était plus satisfaisante, ça se limitait aux dossiers moins complexes et le problème au niveau de la productivité perdurait. En contre-interrogatoire, M. Gagné a affirmé qu'il ne vérifiait pas les détails et ne faisait pas de calculs des données portant sur le rendement de M. Togola mais que toutefois, avec ses gestionnaires, il validait quand même ces résultats.
43 M. Gagné a précisé avoir été présent avec M. Gosselin le 17 mars 2010, lorsque la lettre de non renouvellement a été remise au fonctionnaire et que la lettre a été lue à M. Togola de façon à bien lui expliquer les raisons du non-renouvellement. M. Gagné a indiqué que jusqu'à la fin, il avait eu espoir qu'avec de l'encadrement il pourrait garder M. Togola au service de l'employeur mais qu'il avait dû se rendre à l'évidence que malgré les efforts déployés, il y avait toujours des problèmes de performance et que comme gestionnaire responsable il devait en bout de ligne offrir un service au public et donc s'assurer que ses employés avaient les compétences nécessaires. En contre-interrogatoire, M. Gagné a admis que le rendement de M. Togola semblait s'être amélioré du point de vue de la qualité en octobre 2009 ce qui fait que le contrat de M. Togola a été prolongé après le mois d'octobre. M. Gagné a précisé qu'il avait alors espoir que les choses s'améliorent dans le futur ce qui ne fut pas le cas. M. Gagné a affirmé que le fait que M. Togola soit de race noire n'a eu aucun impact sur sa décision et que, dans son organisation, tous les employés étaient traités de façon égale peu importe leur origine ethnique.
44 M. Gagné a aussi admis avoir été mis au courant que le fonctionnaire avait déposé une plainte de harcèlement contre d'autres collègues de travail (pièce G-2). M. Gagné a indiqué avoir alors demandé qu'on traite la plainte. On a conclu que la plainte n'était pas fondée. Toutefois, selon lui, la direction a donné suite à la recommandation de médiation. Il a ajouté que le fonctionnaire était déjà au courant, en août 2009, soit avant que la plainte de harcèlement ne soit déposée le 11 septembre 2009, qu'il avait des problèmes de rendement et qu'un plan d'amélioration était à venir. M Gagné a aussi admis que, mis à part les nouveaux employés, les dossiers des autres employés n'étaient pas vérifiés à moins qu'il y ait des difficultés.
45 M. Gosselin a aussi témoigné pour l'employeur. M. Gosselin est présentement gestionnaire des services pour le traitement de la sécurité auprès de l'employeur depuis avril 2009. Il a 33 ans de service auprès de l'employeur. Lors de la période qui nous intéresse, M. Gosselin était gestionnaire de la prestation de services pour les demandes initiales de pension de sécurité de vieillesse. Il a occupé ce poste de juin 2009 à mars 2011.
46 M. Gosselin a expliqué que de 2009 à 2011, il était le gestionnaire d'un groupe de 60 employés incluant 57 employés classifiés CR-04 et 3 gestionnaires. M. Gosselin a précisé que les tâches d'un CR-04 ne variaient pas d'une personne à l'autre; elles sont essentiellement les mêmes. Le travail de son équipe consistait à recevoir les demandes initiales de prestations de sécurité de la vieillesse provenant du public, de même que les demandes de supplément garantie et aussi d'allocations aux survivants. Ces demandes sont traitées par les CR-04 de son équipe. Environ 1.1 million de citoyens canadiens ont recours à leurs services annuellement.
47 M. Gosselin a indiqué que M. Togola s'était joint à son équipe en septembre 2009 à la demande de M. Gagné, qui lui aurait demandé de développer, en collaboration avec les consultants et conseillers en opérations un plan de travail qui permettrait de revoir la qualité du travail et d'aider M. Togola a parfaire ses connaissances.
48 M. Gosselin a témoigné que son intention était alors que M. Togola se joigne à l'équipe et travaille comme tout le monde. M. Gosselin a précisé que dans le cas de M. Togola ce dernier avait déjà fait les fonctions de CR-04 auparavant. M. Gosselin a témoigné qu'il a donc offert au fonctionnaire de choisir qui serait la personne qui vérifierait ses dossiers, mais que M. Togola a préféré s'en remettre au choix de M. Gosselin.
49 M. Gosselin a indiqué qu'on désigne parfois un conseiller en opération comme vérificateur lorsqu'un employé a besoin d'aide supplémentaire pour faire son travail. Dans le cas du fonctionnaire, M. Gosselin a précisé que bien qu'il ne s'agissait pas d'un nouvel employé car le fonctionnaire avait déjà en 2008 fait les fonctions de CR-04, M. Togola avait néanmoins besoin d'aide pour faire son travail.
50 M. Gosselin a affirmé avoir en septembre 2009, préparé le plan de travail (pièce E-6) en collaboration avec le conseiller aux opérations, M. Belleau, et la superviseure de M. Togola, Mme Noël, pour par la suite le présenter à M. Togola. M. Gosselin a indiqué avoir discuté du plan de travail avec le fonctionnaire et que ce dernier lui a fait une suggestion quant à la façon de compiler les données, suggestion qui a été acceptée par M. Gosselin. M. Gosselin a affirmé que M. Togola était d'accord avec le plan de travail et l'a signé (pièce E-1, onglet 6 et 18, p. 1). M. Gosselin a indiqué que le plan de travail précisait qu'à défaut d'amélioration, il serait mis fin au contrat le 30 novembre 2009.
51 M. Gosselin a indiqué que les dossiers assignés à M. Togola l'était fait en tenant compte de la situation de M. Togola et qu'au départ, on avait réduit le niveau de qualité et de productivité de M. Togola au même niveau que ce dont on s'attendait des nouveaux employés bien que M. Togola avait déjà fait les tâches d'un CR-04.
52 M. Gosselin a témoigné qu'il y a eu beaucoup de suivi et de rétroaction avec M. Togola pendant la période du mois de septembre 2009 au mois de décembre 2009. M. Gosselin a indiqué avoir pris des notes sur ses diverses interactions avec le fonctionnaire pendant cette période (pièce E-1, onglet 18).
53 M. Gosselin a témoigné que le plan de travail et d'amélioration prévoyait que si le fonctionnaire ne rencontrait pas les attentes de productivité et de qualité à la fin d'octobre 2009, son contrat d'emploi prendrait fin comme prévu le 31 octobre 2009. M.Gagné a indiqué que pour la période en question, le fonctionnaire rencontrait l'ensemble des attentes exigées d'un nouvel employé. Il s'agissait d'objectifs minimum tel que spécifié dans le plan de travail et d'amélioration (pièce E-1, onglet 6, p. 2). Dans les circonstances, M. Gosselin a indiqué que la direction avait décidé de prolonger le contrat d'emploi de M. Togola jusqu'au 30 novembre 2009. M. Gosselin a toutefois précisé que le fonctionnaire, après la période d'octobre 2009, devait dorénavant rencontrer les exigences de son poste de CR-04 en termes de qualité et de quantité de traitement de dossiers, même si la direction avait décidé de lui donner des tâches plus simples que les autres.
54 M. Gosselin a témoigné que le 30 novembre 2009, malgré les suivis et les efforts consacrés, il y avait toujours certains problèmes de rendement, notamment quant à la productivité (pièce E-1, onglets 14, 15 et 18, p. 2 à 5 et 6). À cet égard, M. Gosselin a souligné que les rencontres de suivi entre M. Togola, son superviseur, M. Belleau, et lui-même, se passaient toujours bien. M. Togola avait la chance d'expliquer les résultats obtenus et, à l'occasion, ses superviseurs renvoyaient certaines données à l'avantage du fonctionnaire.
55 M. Gosselin a témoigné que le 30 novembre 2009, il a décidé de renouveler le contrat du fonctionnaire car il croyait toujours qu'éventuellement il réussirait à atteindre les objectifs. M. Gosselin a indiqué que la direction avait décidé de donner une autre chance au fonctionnaire et de prolonger son contrat d'emploi jusqu'au 31 décembre 2009.
56 Dans son témoignage, M. Gosselin a mentionné qu'il avait été mis au courant que le fonctionnaire avait déposé, en septembre 2009, une plainte de harcèlement contre certains membres de son ancienne équipe de gestion. M. Gosselin a indiqué que le fonctionnaire avait toutefois décidé de ne pas aller de l'avant avec la médiation à la suite de sa plainte (pièce E-1, onglet 15)
57 M. Gosselin a témoigné que le 30 décembre 2009, la direction a constaté que M. Togola éprouvait encore des problèmes au niveau de l'analyse des dossiers, et que l'évaluation du rendement ne permettrait pas d'établir qu'il rencontrait les attentes quant à la qualité et la quantité, et ce, malgré le suivi et les rencontres avec le fonctionnaire (pièce E-1, onglet 18, p. 8). M. Gosselin a affirmé que malgré la situation, il gardait toujours espoir que le fonctionnaire allait s'améliorer. En janvier 2010, il a décidé de mettre en place un plan de travail et d'amélioration supplémentaire comprenant un échéancier. M. Gosselin a précisé que ce plan de travail supplémentaire de janvier 2010 au 31 mars 2010, contenait différentes dates de mises à jour et qu'il avait été accepté et signé par le fonctionnaire. De plus, il y était précisé qu'à défaut de rencontrer les attentes de qualité et de productivité, le contrat d'emploi du fonctionnaire ne serait pas renouvelé au-delà du 31 mars 2010 (pièce E-1, onglet 9).
58 En février 2010, compte tenu de sa connaissance et de son implication dans le dossier du fonctionnaire et après discussions avec M. Belleau et Mmes Racine et Gendron, ces dernières ayant été impliquées dans le dossier de M. Togola en janvier et février 2010, ainsi qu'avec la gestionnaire Mme Laflamme, M. Gosselin était alors convaincu qu'il ne fallait pas renouveler le contrat d'emploi du fonctionnaire. Il a indiqué avoir également tenu compte du rapport préparé par M. Belleau et Mmes Racine et Gendron qui faisait état des problèmes de rendement de M. Togola (pièce E-1, onglet 16).
59 M. Gosselin a témoigné avoir par la suite préparé lui-même un rapport où il a fait l'évaluation du travail de M. Togola en tenant compte des suivis et des plans de travail de septembre 2009 et de janvier 2010. Il a alors conclu que le rendement de M. Togola ne s'était pas amélioré, et ce, malgré les plans de travail, les suivis et les conseils de Mme Noël sur comment organiser son bureau (pièce E-1, onglet 17). M. Gosselin a témoigné avoir lui-même validé les données de ce rapport. Il a précisé avoir aussi préparé ce rapport à partir de notes qu'il avait lui-même rédigé le jour même ou suivant les faits (pièce E-1, onglet 18).
60 M. Gosselin a témoigné avoir présenté son rapport à M. Gagné en février 2010. Dans son rapport, il a conclu que M. Togola était incapable de rencontrer les objectifs de rendement, tant qualitatifs que quantitatifs, nécessaires pour faire son travail (pièce E-1, onglet 12). M. Gosselin a affirmé que le fait que le fonctionnaire soit de race noire n'a eu aucune influence sur la façon dont il a été traité et que tout a été fait pour lui permettre de réussir. M. Gosselin a souligné que d'autres employés, notamment ceux mentionnés à la pièce E-17, ont réussi à rencontrer les objectifs fixés et n'avaient pas de problèmes quant à la qualité de leurs dossiers et à leur productivité. Quant à la formation du fonctionnaire, M. Gosselin a indiqué avoir refusé la demande du fonctionnaire d'assister à la formation relative à la pension de base pour la sécurité de la vieillesse au motif que le fonctionnaire ne traitait pas ce genre de demande et que ce dernier était déjà assez pris par son travail. M. Gosselin ne voulait pas ajouter à sa charge.
61 En contre-interrogatoire, M. Gosselin a indiqué que les données quant au rendement de M. Togola lui étaient fournies par les collègues des opérations et que ce n'était pas lui qui faisait la vérification des dossiers de M. Togola mais bien M. Belleau et Mmes Racine et Gendron. M. Gosselin a témoigné qu'il validait toutefois lui-même ces données avec entre autres, M. Belleau. M. Gosselin a admis que dans certains cas, il y avait eu des erreurs sur les données relatives au rendement de M. Togola, par exemple à la pièce E-1, onglet 11. De même, pour la semaine du 5 octobre 2009, le calcul du pourcentage de qualité aurait dû être 96 % au lieu de 99 %. M. Gosselin a également admis que les commentaires dans la colonne de droite de la pièce E-1, onglet 11, pour la date du 4 janvier 2010, ne devrait pas indiquer que « des erreurs de procédure se répètent » puisque la colonne précédente indiquait un taux de réussite de 100 % pour la procédure.
62 M. Gosselin a aussi indiqué que la distribution des dossiers pour tous les employés était faite par le chef d'équipe et que les employés n'allaient pas chercher eux-mêmes les dossiers.
63 M. Gosselin a précisé que les objectifs à atteindre étaient fixés selon des normes nationales qui s'appliquent à tous. Bien qu'il ne soit pas personnellement impliqué dans la cueillette des données relatives à M. Togola, il a toujours lui-même validé ces chiffres. Il connait bien le processus ayant déjà lui-même été agent de traitement.
64 M. Gosselin a aussi affirmé que Mme Bertrand n'avait pas été impliquée dans le processus de non renouvellement du contrat de M. Togola car elle ne faisait pas partie de leur secteur d'activités.
III. Résumé de l'argumentation
A. Pour le fonctionnaire
65 L'avocat de M. Togola a relaté que du tout début de l'embauche du fonctionnaire en 2003, jusqu'en 2007, ce dernier n'avait jamais eu de problèmes dans son emploi. Tout allait bien et ses contrats étaient constamment renouvelés. La direction est même allée le chercher alors qu'il était à l'embauche d'un autre ministère pour lui offrir un contrat.
66 Selon le représentant de M. Togola, les choses ont toutefois commencé à se gâter en 2007 ou le fonctionnaire a eu des problèmes avec sa superviseure Mme Bertrand, et avec M. Labrecque qui avait un comportement abusif avec les employés dont il devait vérifier les dossiers.
67 L'avocat de M. Togola a soutenu que le fonctionnaire a tout de même réussi à obtenir une promotion au groupe et niveau PM-02 pour la période prévue du 11 février 2008 au 26 septembre 2008.
68 L'avocat de M. Togola a soutenu qu'à partir de cette époque, l'employeur a fait preuve de discrimination envers le fonctionnaire en insistant pour que tous ses dossiers soient vérifiés par un conseiller aux opérations. Selon l'avocat de M. Togola, seulement M. Togola était soumis à une telle pratique de vérification. Ces gestes constituaient de l'acharnement d'autant plus qu'une des vérificatrices de M. Togola, Mme Bourget, et par la suite Mme Bernier, aurait confié ne pas savoir pourquoi le fonctionnaire était soumis à cette vérification puisque son travail était bien fait. L'avocat de M. Togola a plaidé que le témoignage de Mme St-Hilaire, de même que les propos rapportés de la représentante du fonctionnaire, Mme Icart, démontrent clairement que la direction faisait preuve d'acharnement contre M. Togola.
69 L'avocat du fonctionnaire a soumis qu'en plus d'être le seul à devoir faire vérifier ses dossiers systématiquement, le fonctionnaire avait également été privé de la formation offerte aux autres employés. De plus, il était physiquement isolé du reste des membres de son équipe, ce qui a rendu difficile son implication dans certains dossiers puisqu'il n'était pas tenu au courant. Enfin, il a fait valoir que l'explication donnée par l'employeur n'était pas satisfaisante et que je devais conclure que le fonctionnaire avait été isolé des autres dans le seul but de permettre à M. Tremblay de le surveiller d'encore plus près.
70 Pour l'avocat de M. Togola, le fait que ce dernier ait signé un document confirmant son acceptation à être rétrogradé du groupe et niveau PM-02 au groupe et niveau CR-04 ne devrait pas être retenu contre lui comme preuve d'acquiescement. Selon le représentant du fonctionnaire, ce dernier n'avait pas le choix : à défaut d'accepter, il aurait été renvoyé.
71 L'avocat de M. Togola a convenu que ni M. Gagné ni M. Gosselin n'étaient coupables de discrimination à l'égard du fonctionnaire. Toutefois, selon lui, ce sont les personnes chargées de la vérification ainsi que les conseillers aux opérations qui fournissaient les données à M. Gosselin qui ont fait preuve de discrimination envers M. Togola. Selon l'avocat du fonctionnaire, le fait que ces personnes ne soient pas venues témoigné est la preuve que l'employeur avait quelque chose à cacher.
72 L'avocat du fonctionnaire a plaidé qu'il revenait aux employés qui avaient personnellement vérifiés les dossiers de M. Togola et qui avaient préparés certains tableaux relatant les lacunes de ce dernier d'expliquer les données et les commentaires formulés quant au rendement de M. Togola. Selon lui, le fait que ni M. Gosselin ni M. Gagné n'ait préparé et colligé l'information fait en sorte qu'il s'agit de ouï-dire et que l'employeur n'aurait pas dû se fier à cette information pour ne pas renouveler le contrat d'emploi du fonctionnaire après mars 2010. À ce chapitre, le représentant du fonctionnaire a plaidé que la preuve avait démontré qu'il y avait des erreurs dans les tableaux portant sur le rendement de M. Togola notamment la pièce E-1, onglet 11, ce qui prouve que les données sur lesquelles se sont basés MM. Gosselin et Gagné étaient erronées. Dans cet ordre d'idées, l'avocat de M. Togola a insisté sur le fait que les vérificateurs des dossiers du fonctionnaire, notamment M. Belleau et Mmes Racine et Gendron n'étaient pas venu témoigner. Par conséquent, je devrais donner peu de foi au rapport de ces derniers (pièce E-1, onglet 16). De plus, selon l'avocat du fonctionnaire, bien que l'employeur ait mentionné des erreurs répétitives de M. Togola, aucune liste de ces supposées erreurs n'a été dressée.
73 L'avocat de M. Togola a également maintenu qu'il n'y avait aucune preuve que les autres employés rencontraient les objectifs de l'employeur et qu'ils étaient traités de la même façon que M. Togola.
74 Quant au droit et jurisprudence applicables, l'avocat du fonctionnaire a réitéré qu'il ne demandait pas la réintégration de ce dernier dans son poste. Il a soutenu que l'article 19 de la convention collective de même que l'alinéa 226(1)g) de la Loi, et l'alinéa 53(2)e) et l'article 53 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP ») s'appliquent en l'espèce.
75 Selon l'avocat de M. Togola, la discrimination peut être subtile. À cet égard, il m'a renvoyé à la définition du terme « discrimination » dans LaBranche c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2010 CRTFP 65.
76 L'avocat de M. Togola a plaidé qu'il s'agit clairement d'un cas de discrimination. Les autres employés n'ont jamais fait l'objet de vérification systématique, comme ça été le cas pour M. Togola. De plus, le fonctionnaire n'a pas eu droit à de la formation, il a été isolé des autres membres de son équipe, il était le seul à se voir attribuer des dossiers et le seul à être obligé de suivre des plans d'accompagnement. Il a fait valoir que compte tenu de ces éléments et du fait que M. Togola est de race noire, je dois conclure que, prima facie, il y a discrimination, ce qui renverse le fardeau de preuve. L'avocat du fonctionnaire a plaidé qu'il revient donc à l'employeur de démontrer que ses actions étaient de bonne foi et raisonnables.
77 L'avocat de M. Togola m'a référé à la décision Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, ainsi qu'à Stringer c. Canada (Procureur général), 2013 CF 735.
78 Quant au redressement demandé, l'avocat de M. Togola a plaidé qu'il avait été démontré que le fonctionnaire avait passé des moments difficiles entre les mois d'août 2009 et mars 2010. Non seulement il a perdu son emploi mais il a aussi éprouvé des problèmes de santé, pour lesquels il a dû prendre des médicaments; il a perdu confiance en lui et il a eu de la difficulté à se retrouver un emploi. Dans les circonstances, l'avocat de M. Togola me demande d'accorder au fonctionnaire un montant de 20 000 $ en vertu de l'alinéa 53(2)e) de la LCDP. Au soutien de sa demande, l'avocat de M. Togola m'a renvoyé à Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15, et Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 71.
B. Pour l'employeur
79 L'avocate de l'employeur a réitéré que je n'avais pas compétence pour trancher ce grief car il s'agit d'un non renouvellement de contrat d'emploi et que l'employeur n'a pas discriminé contre M. Togola. Selon elle, il ne s'agit pas d'une situation prévu aux alinéas 209(1)b) ou c) de la Loi. Quant à l'article 19 de la convention collective portant sur la discrimination, il revenait au fonctionnaire de démontrer que la discrimination était la raison du non renouvellement du contrat d'emploi, ce qu'il n'a pas fait.
80 Selon la représentante de l'employeur, il s'agit ici purement et simplement d'un non renouvellement de contrat prévu au paragraphe 58(1) de la LEFP sur lequel un arbitre de grief n'a pas compétence. Selon l'avocate de l'employeur, puisqu'il ne s'agit pas d'une fin d'emploi prévu à l'article 209 de la Loi, l'instance devant laquelle on pourrait contester cette fin d'emploi en vertu du paragraphe 58(1) de la LEFP est la Cour Fédérale. Selon elle, j'ai compétence pour trancher ce grief seulement si je suis convaincue que ce dernier a été victime de discrimination. Pour l'avocate de l'employeur, il n'y a aucune preuve à cet effet. Elle m'a renvoyé à Ikram c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2012 CRTFP 4, Medeiros c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) et Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2012 CRTFP 104, Dansereau c. L'Office national du film et Pierre-André Lachapelle, [1979] 1 C.F. 100 (QL) (C.A.).
81 L'avocate de l'employeur a fait valoir qu'il revenait au fonctionnaire de présenter une preuve prima facie qu'il avait été victime de discrimination basée sur sa race. Selon la représentante de l'employeur cette preuve n'a pas été faite. Elle m'a renvoyée à Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRFTP 145.
82 Selon l'avocate de l'employeur, le fonctionnaire devait démontrer qu'il était membre d'un groupe protégé, qu'il avait reçu un traitement distinctif de la part de l'employeur et qu'il y avait un lien entre le fait d'être membre d'un groupe protégé et le traitement distinctif. Or, selon la représentante de l'employeur, le fonctionnaire n'a pas réussi à relier le fait qu'il est de race noire et le fait que son contrat n'a pas été renouvelé. Il n'y a aucune preuve directe entre la race de M. Togola et le non renouvellement de son contrat. L'avocate de l'employeur a maintenu que pour ce motif, je devrais rejeter le grief car il revenait au fonctionnaire de faire la preuve prima facie d'un lien entre le fait qu'il soit de race noire et le non renouvellement et il ne l'a pas fait.
83 L'avocate de l'employeur a clairement démontré que le fonctionnaire avait des problèmes de rendement et que c'est pour cette raison que son contrat n'a pas été renouvelé. Selon elle, M. Gagné a pris sa décision uniquement sur la base de la performance du fonctionnaire. Elle a maintenu qu'il avait même été admis que ni M. Gagné, ni M. Gosselin n'avait fait preuve de discrimination à l'égard du fonctionnaire. Ainsi, selon elle, il n'y a clairement pas de preuve à l'appui des allégations du fonctionnaire.
84 L'avocate de l'employeur a fait valoir que la situation avant 2009, de même que la plainte de harcèlement déposée en 2009 n'étaient pas pertinentes en l'espèce et que ladite plainte de harcèlement n'était pas le sujet du grief.
85 L'avocate de l'employeur a maintenu que contrairement à ce qui était avancé par le fonctionnaire, tous les dossiers des nouveaux employés étaient vérifiés et qu'il était difficile de comparer le cas du fonctionnaire à celui d'autres employés qui n'avaient pas de problème de rendement. Quant à l'allégation du fonctionnaire a l'effet que les dossiers, contrairement aux autres, lui étaient imposés, l'avocate de l'employeur a plaidé que M. Gosselin avait témoigné à l'effet que les dossiers étaient distribués de la même façon pour tous.
86 Pour l'avocate de l'employeur, il revient à la direction de s'assurer qu'un employé rencontre les objectifs de rendement et que ce n'est pas du ressort d'un arbitre de grief de juger du niveau de satisfaction qui devrait être requis par la direction. Selon elle, je n'ai pas à substituer mon jugement à celui des gestionnaires quant au niveau de rendement applicable. L'avocate de l'employeur a soumis que le fonctionnaire devait rencontrer des objectifs qui découlaient d'une norme nationale et que ces objectifs avaient été clairement communiqués au fonctionnaire. De plus, selon l'avocate de l'employeur, le fonctionnaire a été averti à maintes reprises, que ce soit dans les plans d'accompagnement de travail (pièce E-1, onglets 6 et 9) ou lors de rencontre avec l'employeur, que son contrat ne serait pas renouvelé s'il n'y avait pas d'amélioration. Le fait que l'employeur ait quand même prolongé le contrat à plusieurs reprises démontre de la bonne volonté de sa part. Je ne devrais pas reprocher à l'employeur d'avoir donné plusieurs chances au fonctionnaire.
87 L'avocate de l'employeur a soutenu que le fonctionnaire lui-même avait convenu qu'il avait des problèmes de rendement en signant volontairement les plans de travail (pièce E-1, onglets 6 et 9) et que la représentante syndicale du fonctionnaire était présente lors de la signature du premier plan de travail, le 28 septembre 2009 (pièce G-2, p 14).
88 La représentante de l'employeur a fait valoir qu'il a été démontré par la preuve que tant M. Gagné que M. Gosselin avaient donné toutes les chances au fonctionnaire. Selon elle, MM. Gagné et Gosselin ont démontré qu'ils connaissaient bien la situation de M. Togola et qu'il n'était pas réaliste de s'attendre à ce que, dans la fonction publique, les gestionnaires préparent eux-mêmes tous les tableaux de statistiques. La représentante de l'employeur a soutenu qu'on ne pouvait tirer de conclusions quant au fait que les vérificateurs ou les conseillers aux opérations ne soient pas venus témoigner. Selon elle, aucune preuve contredisant leurs rapports ou leurs données n'a été produite.
89 Quant au redressement de 20 000 $ demandé par le fonctionnaire, l'avocate de l'employeur a maintenu que le contrat était pour une période déterminée et qu'il n'y avait pas eu de preuve à l'appui d'un préjudice moral justifiant une somme forfaitaire de 20 000 $. Selon elle, il n'est pas contesté que l'employeur a versé deux semaines supplémentaires de salaire au fonctionnaire allant au-delà du 31 mars 2010. Dans les circonstances, la somme de 20 000 $ n'est aucunement justifiée.
IV. Motifs
90 Il n'est pas contesté qu'il s'agit ici d'un cas de contrat d'emploi qui n'a pas été renouvelé à l'expiration de son terme, le 31 mars 2010. Ce dernier contrat d'emploi faisait suite à une série de contrats d'emploi pour une période déterminée plus ou moins consécutifs.
91 Je suis d'avis que dans un cas comme celui-ci, où il s'agit d'une fin d'emploi survenue à la suite du non-renouvellement d'un contrat en vertu de l'article 58 de la LEFP, je n'ai en principe pas compétence pour trancher le grief, à moins que le fonctionnaire puisse démontrer qu'il a été victime de discrimination. Le cas échéant, j'ai compétence en vertu du paragraphe 209(1) et de l'alinéa 226(1)g) de la Loi pour trancher ce grief. À cet égard, je souscris aux conclusions de l'arbitre de grief dans Medeiros qui a eu à décider de deux griefs dont l'un portait sur le non-renouvellement de contrat et l'autre sur une question de la discrimination:
34 Je suis d'accord avec l'employeur que je n'ai pas compétence pour trancher des griefs qui contestent simplement le non-renouvellement d'un contrat d'une durée déterminée. En tels cas, le contrat de travail du fonctionnaire était venu à échéance, et l'employeur a décidé de ne pas le renouveler. Je n'ai pas compétence pour remettre en question ou annuler cette décision sur le fondement des dispositions de la Loi et de la LEFP. Les dispositions pertinentes de la Loi et de la LEFP sont respectivement :
[…]
209. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel portant sur :
a) soit l'interprétation ou l'application, à son égard, de toute disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;
b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;
[…]
[de la LEFP]
[…]
58. (1) Sous réserve de l'article 59, le fonctionnaire nommé ou muté pour une durée déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l'expiration de la période fixée ou de toute période de prolongation fixée en vertu du paragraphe (2).
[…]
35 Les éléments de preuve démontrent clairement que le fonctionnaire était un employé nommé pour une période déterminée. Son contrat est venu à échéance le 10 mai 2010. Ces deux faits ne sont pas en litige. Le fonctionnaire n'a pas allégué que la décision de l'employeur était de nature disciplinaire ou qu'il avait été licencié en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11. Par conséquent, je n'aurais normalement pas compétence pour entendre le premier grief, qui conteste la décision de l'employeur de ne pas renouveler le contrat d'une période déterminée du fonctionnaire. Cela est conforme à Dansereau et Belmar. Cependant, j'ai compétence pour entendre les griefs en vertu de l'argument voulant que la décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire était de mauvaise foi et discriminatoire.
92 Ainsi, dans la présente affaire, est ce que selon la balance des probabilités, M. Togola a été victime de discrimination de la part de son employeur? Le cas échéant j'ai compétence pour trancher du grief, au cas contraire, je n'ai pas compétence.
93 Après une revue en profondeur des faits allégués et du droit applicable je réponds non à cette question. Dans cette affaire, je crois que l'employeur a fait tout en son pouvoir pour aider le fonctionnaire à atteindre des objectifs neutres. À mon avis, il s'agit ici d'une situation où des gestionnaires on fait preuve d'une très grande patience, mais qui après plusieurs tentatives, ils ont dû se résoudre à prendre une décision difficile, soit celle de ne pas renouveler le contrat d'emploi de M. Togola.
94 Pour me convaincre, le fonctionnaire devait établir prima facie qu'il avait été victime de discrimination. Le cas échéant, l'employeur aurait alors dû démontrer que les actions prises étaient motivées d'une part par un souci d'aider le fonctionnaire à améliorer son rendement, d'autre part, par souci de saine gestion.
95 Essentiellement, les arguments du fonctionnaire sont que jusqu'à 2007, sauf dans le cas d'épisodes mettant en cause Mme Bertrand et M. Labrecque, tout allait bien en ce qui concerne son rendement. Toutefois, l'employeur s'est par la suite acharné sur M. Togola, lui imposant une rétrogradation du groupe et niveau PM-02 au groupe et niveau CR-04, en l'empêchant de suivre de la formation, en lui imposant des dossiers alors que les autres avaient le loisir de choisir les leurs, en vérifiant systématiquement ses dossiers, ce qui n'étaient pas le cas pour les autres employés, et en lui imposant des plans de travail avec des suivis. Il a aussi mentionné que les témoins de l'employeur n'étaient pas ceux qui avaient directement noté les problèmes de rendement du fonctionnaire et que les tableaux soumis par l'employeur contenaient des erreurs.
96 Dans sa preuve, l'employeur a démontré que M. Togola avait effectivement des problèmes de rendement en ce qui concerne la qualité et la quantité des dossiers produits et que ces problèmes dataient d'avant août 2009. Il ressort clairement de la preuve qu'avec l'arrivée de M. Gagné en juin 2009, des normes de performance ont été établis pour tous les employés incluant M. Togola. Il est à noter également que la lecture des documents soumis par le fonctionnaire, démontrent eux aussi que ce dernier éprouvait des problèmes de performance (pièce G-5).
97 La preuve a également démontré que M. Togola avait eu de la difficulté à rencontrer les objectifs fixés et que l'employeur avait dû mettre en place des mesures pour accompagner le fonctionnaire dans le but de l'aider à améliorer son rendement. Dans un premier temps, M. Togola a été rétrogradé à un poste classifié au groupe et niveau CR-04 tout en gardant la rémunération du poste classifié au groupe et niveau de PM-02, et ce, jusqu'à la fin de son contrat. M. Togola a fait valoir qu'il n'était pas d'accord avec cette rétrogradation. Cependant, rien dans la preuve n'indique que le fonctionnaire était en désaccord avec la mesure lorsqu'elle a été prise. Aucune plainte, grief ou courriel ne fait état d'une opposition concernant cette rétrogradation. À mon avis, si le fonctionnaire n'avait pas cru qu'il avait des problèmes de rendement, il se serait, d'une façon ou d'une autre, opposé à cette rétrogradation. Les dossiers de M. Togola ont été vérifiés de près par M. Belleau et par la suite, par Mmes Racine et Gendron. Je dois ici souligner que M. Gosselin avait laissé le choix d'un vérificateur de dossier au fonctionnaire. M. Togola n'a jamais indiqué, de quelque façon que ce soit, que l'approche de M. Belleau et de Mmes Racine et Gendron était raciste ou que ceux-ci avaient eu une attitude discriminatoire à son égard. Qui plus est, le représentant du fonctionnaire a admis que ni M. Gagné ni M. Gosselin n'avaient fait preuve de discrimination à l'égard de M. Togola. À ce chapitre, lors des témoignages de MM. Gagné et Gosselin, je retiens que ces derniers ont parlé du fonctionnaire avec empathie. De même, le fonctionnaire n'a jamais mentionné avoir fait l'objet de propos discriminatoires de la part de M. Gagné et de M. Gosselin, ni de la part des vérificateurs de ses dossiers (pièce E-1, onglet 15, courriel de M. Togola), ni même de qui que ce soit au bureau.
98 En ce qui concerne les problèmes de rendement du fonctionnaire, l'employeur a été persévérant et a remis deux plans d'amélioration très détaillés au fonctionnaire (pièce E-1, onglets 6 et 9). Je souligne que le fonctionnaire était d'accord avec le contenu de ces plans. Encore une fois, si M. Togola n'acceptait pas qu'il avait des problèmes de rendement pourquoi a-t-il signé ces plans d'amélioration qui sont pourtant très clairs quant à leur objet? Je note de plus que ces plans n'étaient pas les premiers. En effet, de l'aveu même du fonctionnaire, celui-ci avait demandé à M. Tremblay de lui fournir un plan d'accompagnent en octobre 2008 ainsi qu'une nouvelle conseillère pour la vérification de ses dossiers, démontrant encore une fois qu'il reconnaissait éprouver des problèmes de rendement (pièce G-2, p. 9).
99 L'avocat de M. Togola a maintenu que ce dernier avait signé ces plans de travail sous la contrainte, faute de quoi il perdait son emploi. Je n'en suis pas convaincue. M. Togola avait déjà, dans le passé, déposé une plainte de harcèlement. Il savait donc que des mesures de réparation existaient. De même, il a été démontré que lors de la rencontre en vue de la signature du plan d'accompagnement en septembre 2009, M. Togola était accompagné par une représentante syndicale.
100 Le fonctionnaire a maintenu que, contrairement aux autres, tous ses dossiers étaient vérifiés et qu'il n'avait pas de droit de regard quant au choix de ses dossiers. À cet égard, M. Gosselin a fait valoir que les dossiers de tous les nouveaux employés étaient ainsi vérifiés et que le rendement de M. Togola faisait en sorte qu'il devait être encadré, et ce, même s'il avait déjà effectué le travail CR-04. Je suis satisfaite de cette explication de M. Gosselin qui, dans son ensemble, démontre un intérêt réel de la part de l'employeur de bien encadrer le fonctionnaire au lieu de le laisser à lui-même. Quant à la distribution des dossiers, M. Gosselin a été très clair lorsqu'il a expliqué que tous les dossiers des employés étaient distribués par les chefs d'équipe et que les employés ne choisissaient pas eux-mêmes les dossiers sur lesquels ils devaient travailler.
101 Dans cette affaire, les arguments du fonctionnaire portent essentiellement sur le fait que son contrat n'a pas été renouvelé, et ce, à la suite de manœuvres discriminatoires de la part de ses gestionnaires. Toutefois, je remarque que dans la preuve du fonctionnaire présentée à l'audience, aucun geste ou action spécifique de la part d'un chef d'équipe, d'un vérificateur, ou d'un conseiller aux opérations, lesquels ont été impliqués de près ou de loin dans les dossiers, n'a été mentionné. Les allégations du fonctionnaire étaient toujours dirigées contre l'ensemble des gestionnaires; aucune accusation de racisme ou de discrimination n'a été portée contre un individu en particulier. Je conviens que le fonctionnaire a témoigné qu'il avait eu des problèmes avec Mme Bertrand à la suite d'un incident survenu à une fête de Noël, de même qu'avec M. Labrecque. Toutefois, je retiens de la preuve présentée que Mme Bertrand a été impliqué dans les dossiers de M. Togola avant 2009 et que le soit disant incident de la fête de Noël avec Mme Bertrand n'est mentionné nulle part dans la correspondance de l'époque, la plainte qu'il a déposé en 2009 ni dans les notes personnelles (pièce G-2). De plus, M. Gosselin a affirmé que Mme Bertrand n'avait pas été impliqué dans le non-renouvellement du contrat du fonctionnaire car cette dernière ne faisait pas partie de l'équipe de gestion qui a pris cette décision et aucun lien entre elle et ceux qui ont pris la décision n'a été établie. Dans le cas de M. Labrecque, il a également vérifié les dossiers du fonctionnaire et a fait partie de l'équipe avant 2009; le fonctionnaire et Mme St-Hilaire ont tous deux admis que M. Labrecque était difficile avec tous les employés. Néanmoins, il n'a pas été démontré que Mme Bertrand et M. Labrecque avaient agi de façon discriminatoire ou raciste. Qui plus est, ni Mme Bertrand ni M. Labrecque n'ont été impliqués dans la décision de ne pas renouveler le contrat de M. Togola.
102 L'avocat du fonctionnaire a aussi fait valoir que c'était les employés qui colligeaient les données relatives aux dossiers de M. Togola, lesquels n'ont pas été cités à témoigner, qui avaient fait preuve de discrimination ou de racisme. L'avocat de M. Togola a aussi maintenu que la preuve de l'employeur était basée sur du ouï-dire puisque MM. Gagné et Gosselin n'avaient pas recueilli les données sur le rendement du fonctionnaire eux-mêmes.
103 D'une part, je tiens à souligner que j'ai été impressionné par les témoignages de MM. Gagné et Gosselin. Ils ont démontré avoir fait tout en leur possible afin de garder M. Togola a leur service. Je ne suis pas d'accord avec l'argument de l'avocat du fonctionnaire selon lequel la preuve de l'employeur était déficiente parce que MM. Gagné et Gosselin n'ont pas recueilli eux-mêmes l'information relative au rendement du fonctionnaire. D'une part, la preuve a clairement démontré que M. Gagné et, surtout, M. Gosselin, ont effectué les suivis auprès du fonctionnaire, qu'ils ont revu les données fournies par les vérificateurs et conseillers aux opérations et qu'ils ont validé ces informations. Je me dois de souligner que MM. Gagné et Gosselin se sont impliqués personnellement dans le cas de M. Togola, et ce, de façon exceptionnelle, compte tenu de leurs autres fonctions à titre de gestionnaire. Non seulement ils ont démontré un véritable désir de voir le fonctionnaire réussir, mais ils ont toujours agi de façon respectueuse et empathique envers le fonctionnaire. MM. Gagné et Gosselin ont tout fait pour aider M. Togola à réussir. Ils ont donné plusieurs chances à M. Togola. À plusieurs reprises, ils ont accordé le bénéfice du doute au fonctionnaire et décidé de renouveler ses contrats (pièce E-1, onglet 9). Devant ces faits, je n'ai aucune peine à conclure que M. Togola n'a pas démontré qu'il avait été victime de discrimination et que les raisons du non renouvellement de son contrat son totalement attribuables à ses problèmes récurrents de rendement. Il a été clairement démontré en preuve que le fonctionnaire éprouvait des difficultés à rencontrer ses objectifs. De plus, le fonctionnaire a admis ne pas rencontrer les objectifs fixés lorsqu'il a demandé un plan d'amélioration (pièce G-2, p. 9) et accepté d'être rétrogradé (pièce E-1, onglet 7), et en signant les deux plans d'amélioration (pièce E-1, onglets 6 et 9).
104 Quant à l'argument du fonctionnaire que des erreurs se seraient glissées dans les tableaux préparés par les vérificateurs des dossiers et que cela diminuait l'importance à accorder à la preuve de l'employeur, je me dois de souligner que ces erreurs n'ont pour moi aucun impact compte tenu du fait qu'elles sont minimes et sans importance et que, dans un cas en particulier, l'erreur était à l'avantage du fonctionnaire (pièce E-1, onglet 11, le 5 octobre 2009). Compte tenu du nombre de données à compiler, il est possible que certaines soient erronées mais, compte tenu de leur nombre limité et de leur nature, elles n'ont pas d'impact sur le nœud du litige.
105 L'avocat du fonctionnaire a insisté sur le fait que ce sont les employés qui ne sont pas venus témoigner qui ont eu des comportements racistes. Encore une fois, les seules personnes qui auraient eu des relations tendues avec le fonctionnaire sont Mme Bertrand et M. Labrecque. Or, tel qu'il a été mentionné, ces personnes ne faisaient clairement plus partie de l'équipe des gestionnaires et des vérificateurs en charge des dossiers de M. Togola en août 2009 et elles n'ont pas été impliquées dans la décision de ne pas renouveler le contrat de M. Togola. De plus, même si je retiens qu'ils puissent y avoir eu des divergences entre le fonctionnaire et ces personnes, il n'a pas été établi que ces personnes avaient fait preuve de discrimination à l'égard du fonctionnaire. Il incombait au fonctionnaire de démontrer qu'il avait été victime de discrimination, il ne l'a pas fait.
106 Je reconnais que la discrimination peut exister de façon insidieuse et sournoise, et qu'elle puisse être très subtile. Toutefois, il n'y a aucun élément en l'espèce qui puisse m'amener à conclure de manière convaincante à l'existence de discrimination ou de racisme. Rien dans la preuve présentée par le fonctionnaire, globalement ou isolément, ne me permet de conclure que celui-ci a été victime de discrimination. À mon avis, l'employeur est en droit et il se doit d'évaluer un employé selon des normes objectives dépourvues de préjugés fondés notamment sur la race d'un individu. C'est ce qui a été fait ici. Avant de décider de ne pas renouveler le contrat d'emploi, l'employeur a mis en place des objectifs clairs et fait des suivis, effectué une rétrogradation, et préparé des plans d'accompagnement accompagnés de rencontres de suivi avec plusieurs différents individus. Je ne peux, en l'absence d'une preuve prima facie, conclure que le fonctionnaire a été discriminé. Ce n'est pas parce que l'employeur ne renouvelle pas un contrat d'emploi qu'il y a discrimination. Des objectifs clairs avaient été établis quant au rendement du fonctionnaire, l'employeur a tout mis en œuvre pour tenter d'aider le fonctionnaire. De même, le fonctionnaire a eu maintes chances et a été averti plusieurs fois qu'à défaut d'améliorer sa prestation de travail son contrat ne serait pas renouvelé. Il incombait au fonctionnaire d'établir une preuve prima facie de discrimination; il ne l'a pas fait.
107 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :
V. Ordonnance
108 Le grief est rejeté et j'ordonne la fermeture des dossiers 566-02-5803 et 5804
Le 7 janvier 2014.
Linda Gobeil,
arbitre de grief