Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’élimination du Programme de prévention des incendies (PPI) a donné lieu à un réaménagement des effectifs - tous les employés touchés qui désiraient demeurer dans la fonction publique ont trouvé un emploi par la suite, sauf un - l’agent négociateur a soutenu que l’employeur avait donné en sous-traitance les services offerts par les employés touchés, ce qui est contraire à la convention collective - il s’est fondé sur des demandes de propositions indiquant que l’employeur souhaitait établir une offre à commandes relativement à la prestation des services du PPI - aucun élément de preuve n’a permis de conclure que le programme avait réellement été donné en sous-traitance - l’agent négociateur a également fait valoir que l’employeur n’avait pas fait tous les efforts pour permettre aux employés touchés de conserver leur emploi dans la fonction publique et que l’employeur aurait dû leur donner une garantie d’une offre d’emploi raisonnable (GOER) - l’arbitre de grief a fait référence aux articles<a "sec7subsec1" id'"sec7subsec1"><a "sec7" id'"sec7"><a "sec11.1subsec2" id'"sec11.1subsec2">7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) et au vaste pouvoir de l’employeur d’énoncer une politique administrative générale pour la fonction publique fédérale, d’organiser la fonction publique fédérale, et de déterminer et contrôler la gestion de son personnel - il ne s’agissait pas d’un cas où le programme lui-même devait être transféré en tant qu’entité - il incombera dorénavant à chaque administrateur général de faire face à ses obligations en vertu du protocole de prévention des incendies du Conseil du Trésor - le texte des définitions figurant dans la convention collective portait fortement à croire que la GOER était arrêtée dans le temps - l’annulation du PPI et le transfert des responsabilités et obligations en vertu de la norme à chaque administrateur général étaient tels que l’employeur ne pouvait pas savoir ou prédire la disponibilité des emplois dans l’administration publique centrale lorsque les employés ont été déclarés touchés - le fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu que le grief était prématuré et qu’il avait été déposé pour fixer les délais plutôt que sur la base d’une violation réelle de la clause de la convention collective portant sur la sous-traitance. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-02-20
  • Dossier:  569-02-123
  • Référence:  2014 CRTFP 18

Devant un arbitre de grief


ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour l’agent négociateur:
Pierre Ouellet, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Anne-Marie Duquette, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), soit l’agent négociateur du groupe Architecture, Génie et Arpentage qui représente les ingénieurs de sécurité incendie (FP), a déposé un grief de principe le 31 juillet 2012 alléguant que le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada (RHDCC), maintenant appelé le ministère de l’Emploi et du Développement social, n’a pas consulté l’agent négociateur lorsqu’il a supprimé le Programme de protection contre les incendies (PPI) mis en œuvre par RHDCC pour le compte du Conseil du Trésor, ce qui fait que des FP ont été déclarés excédentaires. L’IPFPC a allégué que ce défaut de consulter constituait une violation de l’article 32 et de l’appendice G de la convention collective entre les parties signée le 25 janvier 2012 (la convention collective). L’IPFPC a également allégué que RHDCC avait enfreint la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Enfin, l’IPFPC a fait valoir que l’employeur, le Conseil du Trésor, n’avait jamais eu l’intention de demander des offres d’emploi pour les employés déclarés touchés.

II. Résumé de la preuve

2 Le 29 mars 2012, des mesures de compression des coûts ont été annoncées dans le budget du gouvernement fédéral. Ces mesures ont touché la fonction publique du Canada. En juin 2012, le gouvernement du Canada a confirmé que le PPI mis en œuvre par RHDCC serait supprimé à compter du 1er avril 2014. Par conséquent, 33 FP ont été déclarés touchés (voir la pièce 1, onglet 2). Ces employés déclarés touchés inspectent les immeubles gouvernementaux pour s’assurer qu’ils sont conformes à la « Norme de protection contre les incendies » de 2010 du Conseil du Trésor (la « norme »). RHDCC offre ces services pour le compte du Conseil du Trésor. La directive s’applique à tous les ministères, sauf s’ils ont été dispensés (voir la pièce 1, onglet 1). Au moment de l’audition du présent grief, un seul FP n’avait pas trouvé un autre emploi.

3 Les FP déclarés touchés examinent les plans des immeubles et les plans de rénovation pour s’assurer qu’ils se conforment à la norme, procèdent à des évaluations techniques, proposent des changements aux immeubles, et fournissent des services limités aux collectivités des Premières Nations. Les administrateurs généraux des ministères pourraient choisir d’avoir recours aux services de RHDCC ou d’offrir les services par d’autres moyens, comme leurs propres employés ou des consultants externes, en vertu de la norme. En conséquence du budget du 29 mars 2012, tous les ministères doivent instituer une autre méthode pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la norme d’ici le 31 mars 2014. Dans l’intervalle, RHDCC continue de mettre en œuvre le PPI dans le but de faciliter la transformation.

4 Mark Kohli a témoigné pour le compte du fonctionnaire s’estimant lésé (le fonctionnaire). Il a fait ses débuts comme FP dans la fonction publique en janvier 1989 et a passé 24 ans à travailler au PPI, quoique dans plusieurs ministères, car le mandat du PPI a relevé de divers ministères au cours de cette période. M. Kohli a recensé les trois rôles suivants du PPI relativement à la norme : fournir des services de protection contre les incendies au Conseil du Trésor et aux Premières Nations, donner des conseils stratégiques au Conseil du Trésor en ce qui concerne la protection contre les incendies, et surveiller la conformité à la norme pour le Conseil du Trésor. M. Kohli consacrait la majeure partie de son temps dans un rôle de service, à examiner les plans des immeubles pour déterminer s’ils étaient conformes au Code national du bâtiment du Canada et au Code national de prévention des incendies du Canada, à mener des inspections pendant la construction, à réaliser des levés techniques de protection contre les incendies sur les propriétés existantes, et à conseiller des clients. Il est l’un des 33 FP déclarés excédentaires et, au moment de l’audition, était le seul FP toujours en attente d’un autre emploi.

5 M. Kohli a également occupé plusieurs postes élus au sein de l’unité de négociation, et au printemps 2012, il était délégué syndical et président de la consultation nationale entre RHDCC et l’IPFPC. Le premier avis reçu par l’IPFPC de la suppression du PPI figurait dans une lettre inscrite en tant que pièce 1, onglet 2. Il n’a pris part à aucune discussion en tant que délégué syndical ou en tant que représentant de la consultation avant le 22 juin 2012. Il a été avisé lors d’une réunion nationale sur le réaménagement des effectifs convoquée pour annoncer les compressions.

6 En contre-interrogatoire, il a été établi que le « Plan d’action sur la réduction du déficit » (PARD) et l’avenir du PPI étaient inscrits à l’ordre du jour pour faire l’objet d’une discussion aux réunions du Comité de consultation syndicale-patronale tenues le 19 septembre 2012 et le 30 avril 2013. M. Kohli a présenté ses excuses et n’a pu assister à aucune des deux rencontres (voir les pièces 4 et 5). Au moment de ces réunions, M. Kohli était le seul représentant de l’IPFPC au sein du comité. La question a également fait l’objet d’une séance de discussion ouverte tenue par RHDCC le 27 septembre 2012 (voir la pièce 4, pages 2 et 3).

7 Les 33 FP touchés ont reçu leurs lettres les informant de leur statut d’employé touché le 27 juin 2012, date à laquelle M. Kohli a lui aussi reçu la sienne (pièce 1, onglet 3). Les représentants de RHDCC ont expliqué à la réunion que le PPI était éliminé à compter du 1er avril 2014 parce qu’il ne s’inscrivait pas dans le mandat de base de RHDCC. En outre, la loi n’exigeait pas que RHDCC mette en œuvre le PPI. D’autres voies donnaient accès aux services fournis par le PPI, dont le secteur privé. Les 20 et 27 juin 2012, il y a eu des réunions avec la direction de plusieurs ministères. Des notes d’allocution et des présentations PowerPoint utilisées dans ces réunions dressaient la liste des trois motifs qui suivent pour justifier l’élimination du programme : il ne s’inscrivait pas dans le mandat de base de RHDCC, ce n’était pas une exigence établie par la loi et ses services étaient facilement accessibles dans le secteur privé.

8 M. Kohli a témoigné qu’en 2010, il a participé à l’élaboration de la norme. Il a indiqué que la pièce 1, onglet 1, sous-paragraphe 8.2, constituait la source du rôle spécifique de RHDCC dans le PPI. L’article 32 de la convention collective (pièce 1, onglet 4) exige que l’employeur maintienne les usages pratiqués dans le passé de fournir un emploi raisonnable dans la fonction publique à tous les fonctionnaires qui seraient par ailleurs déclarés excédentaires en raison de la sous-traitance. Le PPI a été créé initialement sous le nom de Commissaire fédéral des incendies au Département des Assurances. Il est passé au ministère des Travaux publics en 1950, puis à Travail Canada en 1986. Les usages pratiqués dans le passé ont démontré qu’il est possible de déplacer le programme et ses employés d’un ministère à un autre selon les besoins. Il n’a pas été envisagé de transférer le PPI plutôt que de l’éliminer. La mutation des employés touchés dans un autre ministère n’a pas non plus été envisagée, comme ce fut le cas lors d’années antérieures lorsque le PPI et ses employés ont été mutés plutôt que d’être déclarés touchés. Le 13 avril 2013, M. Kohli a reçu une lettre lui offrant un choix, mais s’est fait refuser une garantie d’une offre d’emploi raisonnable (GOER). D’après RHDCC, il est encore trop tôt pour envisager une GOER.

9 RHDCC a lancé une demande de propositions (DDP) et des demandes d’offres à commandes (DOC) (pièce 1, onglets 10 à 14) du secteur public pour offrir les services du PPI. M. Kohli a témoigné qu’au moment de l’audience, le processus de DOC avait pris fin et que ses collègues passaient en revue les demandes. En éliminant le programme, l’employeur, le Conseil du Trésor, contraint les ministères à sous-traiter les services offerts par le PPI.

10 Jusqu’au 31 mars 2014, le PPI demeure. Même à cette date, ses fonctions n’auront pas été éliminées, car la norme demeure en vigueur et les obligations du gouvernement aux termes de celle-ci n’ont pas été supprimées. Après le 31 mars 2014, il demeurera nécessaire d’offrir une gamme limitée de services au ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien et aux Premières Nations. L’élimination du PPI ne supprime pas la fonction; elle ne fait que la transférer ailleurs.

11 Irwin Bess, directeur général des Programmes fédéraux à la Direction générale de la conformité, des opérations et du développement des programmes, RHDCC, Travail Canada, a témoigné pour le compte de l’employeur. Il est chargé de gérer conjointement lePPI.

12 En conséquence de l’examen stratégique et fonctionnel de tous les services offerts par RHDCC et du PARD ultérieur, le Cabinet a décidé de supprimer les services fournis par RHDCC dans le cadre du PPI et de rendre chaque administrateur général responsable de l’application de la norme dans son ministère ou organisme. La norme sur la protection contre les incendies datée du 1er avril 2010 (pièce 2, onglet 1) rend chaque administrateur général responsable de sa mise en œuvre. RHDCC a été informé de cette décision à la mi-juin 2012, soit après le budget du 29 mars 2012. Quelque 33 FP ont été touchés par cette annonce.

13 Le PPI ne s’inscrit pas dans le mandat de base de RHDCC, mais constitue plutôt un service fourni au Conseil du Trésor. Ce service a été éliminé. Ce ne sont pas tous les ministères ou organismes qui utilisaient ce service au moment de l’annonce de l’élimination. Le 1er avril 2014, les utilisateurs du service n’y auront plus accès. On ne prévoyait ni ne prévoit sous-traiter ces services dans l’intervalle. Les mécanismes de DOC et de DDP ont été lancés afin de veiller à ce que RHDCC puisse continuer à respecter son engagement d’offrir des services dans le cadre du PPI jusqu’au 31 mars 2014, certains membres du personnel du PPI ayant décroché un autre emploi ou ayant quitté complètement la fonction publique. Une fois réalisé, l’établissement d’une offre à commandes principale et nationale (OCPN) aiderait d’autres ministères ou organismes à obtenir des services liés à la norme advenant qu’ils ne disposent pas de la capacité ou des ressources requises à l’interne.

14 M. Bess a témoigné que RHDCC n’a pas favorisé le recours à des entrepreneurs du secteur privé. Chaque ministère ou organisme a le choix de la façon de développer et d’appliquer la capacité de s’acquitter de ses obligations aux termes de la norme. L’une de ces options consiste à obtenir des services dans le secteur privé. Les administrateurs généraux peuvent décider de la façon dont leurs ministères ou organismes s’acquittent de leurs obligations.

15 Le 27 juin 2012, une réunion coordonnée a eu lieu dans l’ensemble du pays pour annoncer que le PPI serait éliminé et pour produire des lettres à l’intention des employés touchés du programme. Depuis, RHDCC a fait le plus de publicité possible aux employés touchés. Un système de priorité a été mis en place pour aider RHDCC à trouver pour les personnes touchées des débouchés à l’interne et ailleurs. On a demandé aux employés de s’inscrire au « système de gestion des postes vacants » pour aider RHDCC à relever les choix. Les 33 FP touchés ont été informés qu’aucune GOER ne serait donnée dans le Programme du Travail de RHDCC parce qu’il n’y avait pas de débouchés pour les ingénieurs. On ignorait comment les ministères et les organismes réagiraient à l’élimination du PPI par RHDCC, mais des débouchés pour les FP auraient pu se développer, en fonction de la réaction de chaque ministère ou organisme et de la méthode d’établissement de sa capacité de s’acquitter de ses obligations aux termes de la norme qui serait retenue. Leur capacité de recruter des ingénieurs était inconnue.

16 À l’automne 2012 et à l’hiver 2013, RHDCC a fait la promotion de ses employés touchés auprès des autres ministères et organismes. Un « groupe de travail des directeurs généraux » a été constitué pour étudier les options en vue de faciliter la transition du PPI. Douze des plus gros clients du PPI faisaient partie du groupe de travail. Le nombre d’équivalents temps plein dont chacun aurait besoin pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la norme a été établi, et l’on a fait la promotion des FP touchés pour combler ces équivalents.

17 En date de janvier 2013, des détachements étaient en place pour nombre des FP touchés, et d’autres attendaient des offres. À l’automne 2012, on se préoccupait surtout de garder les employés touchés dans la fonction publique. M. Bess s’est adressé à des ministères et a tissé des liens entre RHDCC et les employés. Des séances de discussion ouvertes ont eu lieu afin que tous les employés connaissent les possibilités d’emploi. C’est Travaux publics et Services gouvernementaux Canada qui a d’abord manifesté son intérêt face à la possibilité de faire du PPI l’un de ses secteurs d’activités. Les FP sont des employés recherchés, et en date d’août 2012, plusieurs ministères avaient manifesté leur intérêt à l’égard des employés touchés (voir la pièce 2, onglets 18 à 23 inclusivement). Les employés touchés ont reçu une lettre d’option le 15 avril 2013 (pièce 2, onglet 24). À la date de la présente audience, seulement deux FP demeuraient excédentaires, quoique l’un des deux attende tout simplement les documents requis pour finaliser son déploiement. Le seul FP qui n’avait pas encore d’emploi était M. Kohli.

18 M. Bess a préparé une présentation PowerPoint (pièce 2, onglet 4) à l’intention de son sous-ministre adjoint à des fins de discussion avec ses collègues. Elle avait pour but de susciter une discussion de haut niveau de la question en termes généraux, et non une discussion sur la méthode de transition de RHDCC à la responsabilité individuelle de l’administrateur général. La diapositive 10 de la présentation indique le changement de responsabilité. L’indication selon laquelle il ne serait plus obligatoire d’avoir recours au PPI ne signifie pas qu’il n’existerait plus d’obligation de se conformer à la norme, ni ne recommande que les travaux soient confiés au secteur privé. À ce moment-là, on ne savait pas comment les administrateurs généraux s’acquitteraient de leurs obligations, mais il existait des options. Le premier point de cette diapositive fait référence à l’existence des options. La présentation avait pour but de lancer un examen et une discussion des options.

19 Un article de presse paru en ligne (pièce 2, onglet 5) comprenait un extrait de cette présentation comportant deux diapositives. Le reste de la présentation et l’objectif des discussions de la réunion n’étaient pas situés en contexte. M. Bess était étonné des commentaires sur la sous-traitance contenus dans l’article. Il s’agissait d’une présentation fausse de l’objectif de la réunion, qui consistait à établir une stratégie de transition du PPI à la responsabilité ministérielle individuelle. Il n’y a eu aucune discussion pour privatiser les services de prévention des incendies du secteur public. L’élimination du PPI constituait un geste du gouvernement du Canada en vue d’adapter les programmes à leurs responsabilités.

20 Tout au long du processus, RHDCC s’est efforcé de demeurer transparent. L’IPFPC a toujours participé, notamment aux réunions du Comité de consultation syndicale-patronale (pièces 4 et 5) à la séance de discussion ouverte, où il a été question des plans. M. Bess a parlé directement à M. Kohli de la question et a fait un suivi avec lui par téléphone lorsqu’il était absent des réunions. Depuis l’annonce, les parties ont souvent discuté de la question. La communauté connaissait les ressources disponibles et le succès de la baisse du nombre des FP touchés de 33 à 1 le confirme.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

21 L’employeur et RHDCC n’ont pas maximisé les possibilités d’emploi ni n’ont limité l’impact du réaménagement des effectifs sur les FP touchés. Les employés touchés n’ont pas eu de possibilités raisonnables de continuer à travailler dans la fonction publique en raison de la sous-traitance. En outre, l’employeur n’a pas consulté l’agent négociateur. Les pièces 4 et 5 sont des comptes rendus de réunions du Comité de consultation syndicale-patronale. Elles ne constituent pas une indication que l’agent négociateur a été consulté et a eu un rôle à jouer avant les annonces de juin 2012.

22 Le fonctionnaire ne contestait pas le droit de l’employeur de supprimer le PPI, mais plutôt les obligations qui accompagnent ce droit. C’est la question de savoir si le PPI a été sous-traité qui est au cœur du litige. La DDP et les DOC (pièce 1, onglets 10 à 14) révèlent que l’employeur tente d’établir une offre à commandes en vue de la prestation des services du PPI. La pièce 1, onglet 5, est une déclaration qui indique clairement que la sous-traitance du PPI constitue une option. Le fonctionnaire n’acceptait pas l’explication de M. Bess selon laquelle le processus d’appel d’offres entrepris par RHDCC pour les services du PPI a été exécuté seulement pour s’assurer qu’il avait la capacité de maintenir son niveau de service dans l’intervalle précédant le 1er avril 2014. Le fonctionnaire n’acceptait pas non plus l’explication que l’établissement d’offres à commandes aiderait les ministères et organismes à respecter leurs obligations aux termes de la norme advenant que l’administrateur général décide d’avoir recours au secteur privé plutôt qu’à des ressources internes.

23 M. Kohli a témoigné au sujet d’une pratique qui remontait aux années 1980, selon laquelle le PPI, sous divers noms, est passé d’un ministère à un autre. La clause 32.01 de la convention collective exige que l’employeur maintienne les usages pratiqués dans le passé. Le PPI n’avait jamais été sous-traité lorsqu’il est passé d’un ministère à l’autre.

24 Les courriels de M. Bess (pièce 2, onglets 8 à 20) montrent que des efforts ont été déployés pour préserver les emplois des FP touchés. Toutefois, ces efforts n’atteignent pas le niveau des efforts raisonnables ni n’équivalent à envisager raisonnablement de maintenir les emplois des FP dans la fonction publique. Le défaut de RHDCC de donner des GOER constitue une indication claire de la mesure dans laquelle l’employeur n’a pas déployé tous les efforts raisonnables. D’après ces courriels, au début du processus, certains ministères ont fait part de leur intérêt à prendre les employés touchés. Sur la base de cet intérêt, des GOER auraient pu être offertes, comme l’exige le paragraphe 1.1.7 de la Politique sur le réaménagement des effectifs. Parmi les 33 FP touchés, nombreux sont ceux qui travaillent ailleurs dans la fonction publique. Dix-huit ont choisi de prendre leur retraite ou de tirer profit des choix qui leur ont été offerts par l’employeur. Ces employés auraient pu se faire offrir un autre emploi sous forme de détachement, de mutation ou d’échange de poste. On s’attendait à ce que les employés restants trouvent un emploi par eux-mêmes; l’employeur n’a pas cherché activement d’emploi pour les employés touchés. Il a déployé certains efforts, mais ils ne répondaient pas à l’exigence de faire, pour les employés touchés, tout effort raisonnable pour qu’ils continuent d’occuper leur emploi dans la fonction publique.

25 L’appendice G de la PRE (pièce 1, onglet 6) expose les obligations de l’employeur dans de telles circonstances. Le paragraphe 1.1.1 exige que l’employeur donne aux employés touchés des possibilités raisonnables de conserver leur emploi dans la fonction publique. Comme RHDCC avait la capacité de découvrir s’il existait des postes vacants ou des possibilités ailleurs, il n’aurait pas dû se contenter de communiquer avec d’autres ministères. RHDCC aurait dû accorder des GOER.

26 Le paragraphe 1.1.2 exige que la planification des ressources humaines atténue l’impact des changements, notamment l’élimination d’un programme par l’employeur. L’employeur avait le droit de supprimer le PPI, mais l’atténuation de l’incidence de cette décision excède la responsabilité de RHDCC. C’est une question qui relève de l’intérêt de la fonction publique. L’employeur, par une planification adéquate de ses ressources humaines, peut prévoir les possibilités et donner des GOER. Une GOER n’est pas limitée dans le temps; la possibilité d’emploi peut se présenter ultérieurement. Elle n’est pas tenue d’exister au moment de l’offre.

27 L’employeur pouvait prévoir qu’il y aurait des possibilités d’emploi dans l’administration publique centrale. Les services fournis par le PPI étaient obligatoires et continueraient d’être offerts par RHDCC jusqu’en 2014. Par la suite, les obligations seraient dévolues aux administrateurs généraux, qui auraient besoin des compétences des FP pour faire face à leurs obligations. Les usages pratiqués dans le passé révèlent que les FP s’acquitteraient de ces responsabilités. En conséquence, une GOER était possible.

28 Le paragraphe 1.1.27 de la PRE interdit de recruter des experts conseils ou de sous-traiter des services lorsque des employés excédentaires peuvent exercer ces fonctions. L’employeur a envisagé une autre façon d’offrir le service, mais non de faire appel aux employés excédentaires avant la sous-traitance. La sous-traitance du PPI ne constitue pas une option; c’est une certitude. Comme elle était dans les plans depuis le début, l’employeur a démontré son intention de sous-traiter. L’employeur ne peut prétendre qu’il n’a pas enfreint le paragraphe 1.1.27 de la PRE. La preuve établit nettement la violation.

29 Une GOER est une mesure de dotation selon laquelle l’employeur pense qu’il y aura des possibilités d’emploi. On a manifesté de l’intérêt à l’égard des FP touchés au fil du temps, ce qui était suffisant pour produire une GOER.

30 Le fonctionnaire a établi que l’employeur avait manqué à ses obligations aux termes de la PRE et de la convention collective.

31 Le représentant du fonctionnaire n’a présenté ni des décisions publiées ni d’autres documents pour étayer son argumentation.

B. Pour l’employeur

32 Le fonctionnaire a formulé des allégations générales selon lesquelles les mesures prises par RHDCC à la suite de l’élimination du PPI allaient à l’encontre de l’esprit, des définitions et des objectifs de la PRE. C’est un principe élémentaire de droit que les clauses générales d’une convention collective qui sont censées tenir lieu d’introduction à la convention, comme les clauses définitoires et les objectifs, ne confèrent pas de droits substantifs aux employés (voir Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874, au paragr. 28).

33 La décision de mettre fin au PPI a été prise par le Cabinet. Le 1er avril 2014, les administrateurs généraux choisiront comment s’acquitter de leurs obligations en vertu de la norme. Le PPI ne sera plus tenu d’offrir des services pour le compte du Conseil du Trésor. La suppression du PPI entraînera la modification de la norme. Le fonctionnaire a allégué qu’il s’agit d’une violation de la clause 32.01 de la convention collective et de la PRE.

34 Les articles 6 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (LGFP) confèrent au Conseil du Trésor un vaste pouvoir illimité d’établir une politique administrative générale pour la fonction publique fédérale, d’organiser la fonction publique fédérale, et de déterminer et contrôler la gestion du personnel au sein de la fonction publique fédérale. Le paragraphe 7(1) confère à l’employeur le pouvoir de créer et d’éliminer des programmes.

35 Les articles 6 et 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (LRTFP), énoncent clairement que la Loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit de l’employeur de gérer la fonction publique fédérale. Un arbitre de grief n’a pas compétence pour restreindre ce pouvoir. On ne peut tirer une telle conclusion, sauf si une limitation est expressément formulée dans une convention collective (voir Babcock et al. v. Attorney General (Canada), 2005 BCSC 513, paragraphes 10 à 12, et Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236, paragraphes 42 à 45).

36 Dans l’exercice d’une fonction de gestion qui lui est conférée en vertu de la LGFP, l’employeur peut faire ce qui ne lui est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou par une convention collective (voir P.S.A.C. v. Canada (Canadian Grain Commission) (1986), 5 F.T.R. 51, aux pages 12, 15 et 16, et Peck c. Parcs Canada, 2009 CF 686, au paragr. 33). La loi ou une convention collective n’empêche ni le gouvernement du Canada ni l’employeur d’éliminer le PPI. Si les parties avaient eu l’intention de restreindre le droit de l’employeur d’organiser la fonction publique fédérale, elles l’auraient indiqué expressément (voir Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 110, au paragr. 26).

37 L’employeur a le pouvoir de sous-traiter des services en vertu de la LGFP, sous réserve des limites contenues dans la convention collective (voir Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941). Les seules restrictions de la convention collective concernant la sous-traitance des services sont énoncées dans la clause 32.01 et au paragraphe 1.1.27 de la PRE. Le paragraphe 1.1.27 exige qu’un contrat soit en place lorsque des employés sont touchés. Il n’y en avait pas en juin 2012 et il n’y en a pas non plus aujourd’hui. La clause 32.01 n’a pas non plus d’incidence, car il doit également y avoir situation de sous-traitance pour qu’elle s’applique. D’après l’employeur, le grief est prématuré. Aucun emploi n’a été sous-traité. Il était raisonnable pour RHDCC de planifier l’éventualité de ne pouvoir continuer à offrir des services de PPI jusqu’au 31 mars 2014 s’il n’y avait plus de FP en poste. RHDCC n’avait qu’un plan d’urgence; il ne sous-traitait pas le PPI.

38 Dans le cadre de l’évaluation des limites prévues par la convention collective, un arbitre de grief doit se pencher sur la signification usuelle des termes utilisés par les parties et s’abstenir de modifier les modalités et conditions qui sont claires. L’arbitre de grief doit également tenir compte de l’ensemble de la convention collective. Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour en faire abstraction, si la disposition est clairement formulée (voir Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, aux paragraphes 50 et 51, et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragraphes 25 à 28). Contrairement à ce que soutient le fonctionnaire, les administrateurs généraux n’étaient pas tenus d’avoir recours aux services du PPI. Ils avaient la possibilité de s’acquitter de leurs obligations par d’autres moyens de leur choix. De fait, c’est exactement ce qu’ont fait certains ministères. Un administrateur général pouvait toujours sous-traiter ses obligations en vertu de la norme, faire faire le travail à l’interne, s’en remettre à un autre ministère ou avoir recours au PPI.

39 La question de savoir ce qui se produira en 2014 n’est pas pertinente dans ce grief. Ce sont les gestes posés par RHDCC en 2012 qui sont pertinents. RHDCC a établi clairement son intention de faire la promotion des employés touchés. Le témoignage de M. Bess démontre clairement le succès de cette intention. Il reste un seul FP excédentaire. Il le demeurera jusqu’en août 2014, il reste donc amplement de temps pour lui trouver un poste. Comme il y a eu un délai de presque deux ans entre l’annonce contenue dans le budget de 2012 et la suppression effective du PPI, il était impossible de savoir en 2012 s’il y aurait encore des employés touchés, car RHDCC ignorait alors comment les ministères et organismes réagiraient à l’élimination du PPI ou comment ils choisiraient de faire face à leurs obligations après l’élimination du PPI. Il était doncraisonnable de déclarer les FP touchés.

40 Le fardeau de présentation reposait sur l’IPFPC en vertu de la clause 32.01 de la convention collective et du paragraphe 1.1.27 de la PRE. Les croyances et les opinions ne suffisent pas pour s’acquitter d’un tel fardeau. M. Bess a témoigné que RHDCC a fait tout son possible dans les circonstances et son témoignage n’a pas été contredit. Il était impossible de déterminer les occasions de placement au sein de RHDCC, à plus forte raison dans les autres ministères, qui mettaient en œuvre leurs propres initiatives du PARD. Le groupe de travail des directeurs généraux ne se concentrait pas à placer les FP; il se concentrait plutôt sur le maintien des services du PPI jusqu’en 2014 et sur la façon dont les administrateurs généraux feraient face à leurs obligations en vertu de la norme après cette période. Les nombreux placements des FP dans d’autres ministères ont constitué un produit dérivé.

41 Le 31 juillet 2012, il était prématuré d’alléguer une violation des paragraphes 1.1.1 et 1.1.2 de la PRE. Pour établir qu’il y a eu violation du paragraphe 1.1.27 et manquement par l’employeur de donner des GOER, il doit y avoir des preuves claires, fortes et convaincantes que l’administrateur général savait ou pouvait prévoir l’emploi futur des FP. Il s’agit d’un fardeau de preuve élevé. Aucune preuve n’étayerait cette conclusion. Les onglets 19 et 20 de la pièce 1 dressent la liste de numéros non vérifiables, qui ne sont pas pertinents à juillet 2012. Le nombre d’employés du PPI ne constitue pas une indication de prévisibilité de l’emploi futur. Les FP sont des employés spécialisés hautement qualifiés. À un moment donné, il aurait pu devenir possible de prévoir l’emploi futur de ces employés, mais au moment du grief, ce n’était pas possible. Même si les participants au groupe de travail des directeurs généraux ont manifesté de l’intérêt à prendre des FP, le fait d’exprimer son intérêt n’équivaut pas à la prévisibilité de l’emploi. Le grief allègue que l’emploi futur était prévisible à la date de son dépôt, et non qu’il deviendrait prévisible au fil du temps.

42 Quand l’IPFPC a déposé ce grief de principe, il reposait sur la crainte de sous-traitance du travail des FP par RHDCC ou d’autres ministères. Le 31 juillet 2012, aucun ministère ne sous-traitait des services par ailleurs offerts par les FP dans le cadre du PPI. Le fait que le PPI a porté de nombreux noms et a existé puis est passé d’un ministère à l’autre par le passé n’est pas pertinent. La clause 32.01 de la convention collective ne restreint aucunement le droit du gouvernement du Canada ou du Conseil du Trésor d’éliminer un programme ou d’y mettre fin et de décider de sous-traiter des services.

43 La décision Association canadienne des employés professionnels c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 100 (la « décision ACEP ») a statué sur une violation des paragraphes 1.1.1 et 1.1.2 de la PRE. En rejetant le grief, l’arbitre de grief a traité du fardeau de la preuve dont il faut s’acquitter pour établir une violation de la PRE aux paragraphes 18, 19, 21 et 23. En rejetant le grief, l’arbitre de grief a statué que dans cette affaire, l’agent négociateur ne s’était pas acquitté de son fardeau de la preuve. Il en va de même en l’espèce. Le fonctionnaire n’a pas soumis de preuve claire et forte établissant une violation des paragraphes 1.1.1 et 1.1.2. Le témoignage de M. Bess a établi que RHDCC a fait exactement ce que l’on exige de l’employeur lorsque surviennent des situations de réaménagement des effectifs.

44 L’employeur a en outre soutenu que les principes énoncés par l’arbitre de grief dans la décision ACEP s’appliquent également à la violation alléguée du paragraphe 1.1.27 de la PRE en l’espèce. Pour démontrer qu’un administrateur général connaissait ou aurait pu prévoir la disponibilité de l’emploi futur d’un employé touché, il faut présenter une preuve claire et forte à cet égard. L’IPFPC n’a soumis aucune preuve que l’administrateur général de RHDCC connaissait ou aurait pu prévoir la disponibilité de l’emploi futur dans l’administration publique centrale le 27 juin 2012, date à laquelle les FP ont été avisés de leur statut d’employé touché.

45 Le grief n’est pas fondé et était prématuré. Il devrait être rejeté.

C. Réplique du fonctionnaire s’estimant lésé

46 Le grief a été déposé en conséquence d’une déclaration (contenue dans la pièce 1, onglet 5) selon laquelle il y avait des possibilités de prestation des services du  PPI dans le secteur privé. Aucune preuve n’était disponible quand le grief a été déposé. Pour éviter toute argumentation au sujet du respect des délais, le grief a été déposé en juillet 2012. Dans les faits, il était prématuré.

47 L’argument de l’employeur selon lequel des GOER sont données seulement si, lors de la prise d’une décision touchant des employés, on peut prévoir qu’il y aura des possibilités d’emploi n’a aucun sens. Les GOER ont trait à l’avenir. Elles ne seraient pas applicables si elles étaient fixées dans le temps. L’employeur savait que la norme serait maintenue au-delà de l’élimination du PPI. L’administrateur général avait assez d’information pour donner des GOER aux FP touchés.

IV. Motifs

48 Les responsabilités et les pouvoirs du Conseil du Trésor sont énoncés aux articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent à l’employeur le vaste pouvoir d’énoncer une politique administrative générale pour la fonction publique fédérale, d’organiser la fonction publique fédérale, et de déterminer et contrôler la gestion du personnel de la fonction publique fédérale. L’alinéa 7(1)b) de la LGFP accorde à l’employeur le pouvoir exclusif sur toutes les questions qui ont trait à « […] l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie […] ». Dans l’exercice de ces fonctions, notamment la sous-traitance de services, l’employeur peut faire tout ce qui n’est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou la convention collective. (Voir par exemple Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, au paragr. 56; et A.F.P.C. c. Canada (Commission canadienne du grain), à la page 12). À l’audience d’arbitrage, le fonctionnaire ne contestait pas le droit de l’employeur d’éliminer le PPI, mais faisait plutôt valoir qu’il y avait eu manquement aux obligations qui s’y rattachent. Il alléguait que l’employeur ne s’était pas assuré de respecter son obligation de veiller à l’emploi continu dans la fonction publique des employés nommés pour une période indéterminée et à ce que les mesures soient prises pour éviter la sous-traitance de ces services au secteur privé. Il a soutenu que la clause 32.01 de la convention collective et les articles 1.1.1, 1.1.2 et 1.1.27 de la PRE, qui est intégrée dans la convention collective, avaient été violés.

49 L’article 32 de la convention conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dont la date d’expiration s’établit au 30 septembre 2014, exige que l’employeur maintienne les usages pratiqués dans le passé lorsque des employés deviendraient excédentaires en raison de la sous-traitance de travaux :

L’Employeur maintient les usages pratiqués dans le passé selon lesquels il fait tout effort raisonnable pour que les employés qui deviendraient excédentaires en raison de la sous-traitance de travaux continuent d’occuper un emploi dans la fonction publique.

50 Les paragraphes 1.1.1 et 1.1.2 de l’appendice G, « Réaménagement des effectifs », traitent des responsabilités et du rôle du ministère en situation de réaménagement des effectifs, et indiquent par exemple que les employés touchés se voient accorder toute possibilité raisonnable de poursuivre leur carrière dans la fonction publique et que le ministère doit réduire au minimum les répercussions du réaménagement des effectifs par une planification efficace des ressources humaines. Ces clauses comme suit :

Partie 1

Rôles et responsabilités

1.1 Ministères ou organisations

1.1.1 Étant donné que les employés nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères ou aux organisations de veiller à ce qu’ils soient traités équitablement et à ce qu’on leur donne toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.

1.1.2 Les ministères ou les organisations réalisent une planification efficace des ressources humaines afin de réduire au minimum les répercussions d’un réaménagement des effectifs sur les employés nommés pour une période indéterminée, sur le ministère ou l’organisation et sur la fonction publique.

En situation de réaménagement des effectifs, le paragraphe 1.1.27 exige que les ministères examinent leur utilisation de personnel temporaire d’agence, d’entrepreneurs, d’experts conseils, d’employés nommés pour une période déterminée et de tous les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée. Dans toute la mesure du possible, le ministère évite de réembaucher ces entrepreneurs ou de renouveler l’emploi des employés nommés pour une période autre qu’indéterminée si une telle mesure est de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité. Cette disposition se lit ainsi :

1.1.27 Les ministères ou les organisations examinent leur utilisation de personnel temporaire d’agence, d’entrepreneurs, d’experts conseils, d’employés nommés pour une période déterminée et de tous les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée. Dans toute la mesure du possible, les ministères ou les organisations ou les organisations évitent de réembaucher le personnel temporaire d’agence, les entrepreneurs, les experts conseils, les employés nommés pour une période déterminée et tous les autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée si cela est de nature à faciliter la nomination d’employés excédentaires ou de personnes mises en disponibilité.

51 Le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait sous-traité les services des employés touchés. Pour étayer cette allégation, le fonctionnaire a invoqué la DDP et les DOC de la pièce 1, onglets 10 à 14, qui indiquent que l’employeur tente d’établir une offre à commandes en vue de la prestation des services du PPI. Ayant situé en contexte l’ensemble de la preuve qui m’a été soumise, je ne peux souscrire à la proposition selon laquelle une manifestation de l’intérêt d’offrir les services du PPI équivaut à la sous-traitance de ces services par l’employeur. D’après le témoignage non contredit de M. Bess, au moment du grief et, de fait, depuis ce temps, aucune offre à commandes sur la prestation de services du PPI n’a été signée par l’employeur. La preuve révèle également que l’employeur a produit une DDP et une DOC afin d’assurer le maintien des services pendant la transition. M. Bess a témoigné que l’employeur planifiait de maintenir les services jusqu’en avril 2014 advenant qu’il ne puisse plus offrir les services du PPI tel qu’annoncé, en raison de la migration des FP vers d’autres emplois. Comme il l’a déclaré dans son témoignage, le fait que la présentation PowerPoint indique qu’il ne serait plus obligatoire d’avoir recours au PPI ne signifie pas que le travail serait sous-traité au secteur privé. La pièce 2, onglet 7 expose également le mandat du groupe de travail des DG relativement au Programme de protection contre les incendies et mentionne que les objectifs principaux du groupe de travail comprennent le soutien aux plans ministériels visant à assurer la continuité des conseils et des services en matière de protection contre les incendies jusqu’en avril 2014 et au-delà. Dans la mise à jour portant sur l’élimination du PPI, il est fait mention des offres à commandes à titre de mesure d’urgence (pièce 2, onglet 25). Cette mise à jour indique également qu’un certain nombre des employés touchés du PPI possèdent des postes sécurisés dans la fonction publique fédérale dans le cadre desquels ces personnes peuvent continuer à appliquer leurs connaissances et leur savoir-faire dans le domaine de la prévention des incendies.

52 Le fonctionnaire a également fait valoir que l’employeur avait violé la clause 32.01 de la convention collective, qui exige que l’employeur observe les usages pratiqués dans le passé. Il a ajouté que l’employeur n’a pas fait tout son possible pour permettre aux FP de conserver leur emploi dans la fonction publique et qu’il aurait dû muter les FP du programme en masse dans un autre ministère comme cela a été fait il y a de nombreuses années. Toutefois, le témoignage de M. Kohli à cet égard portait sur le transfert du programme PPI, sous divers noms, d’un ministère à un autre. Il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle le programme lui-même a été transféré en tant qu’entité, comme le décrivait M. Kohli. La situation est telle que RHDCC n’assumera plus la responsabilité de la norme pour le compte des administrateurs généraux. Il incombera maintenant à chaque administrateur général de faire face à ses obligations en vertu du protocole du Conseil du Trésor. Cela s’inscrit dans le droit par ailleurs inconditionnel de l’employeur d’organiser le lieu de travail, tel qu’étayé par la loi et la jurisprudence citée par l’avocat de l’employeur. En outre, toujours d’après le témoignage non contredit de M. Bess, tous les FP qui désiraient demeurer dans la fonction publique, sauf un, ont eu l’occasion de le faire. Comme rien n’a été sous-traité, il est permis de croire que l’application de la clause 32.01 de la convention collective est prématurée. Toutefois, on m’a clairement démontré que l’employeur a déployé « tout effort raisonnable pour que les employés qui deviendraient excédentaires […] continuent d’occuper un emploi dans la fonction publique ».

53 Enfin, le fonctionnaire a également fait valoir que le paragraphe 1.1.2 de la PRE exige une planification des ressources humaines pour réduire au minimum les répercussions des changements, comme l’élimination d’un programme par l’employeur. Le fonctionnaire ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve requis pour l’établir, à savoir la prépondérance des probabilités. M. Bess a longuement témoigné au sujet des efforts déployés par RHDCC et lui-même pour promouvoir les employés touchés à partir de l’annonce jusqu’au moment de l’audience. L’employeur a soutenu que c’est exactement ce que l’on exigeait de lui dans ces circonstances. La preuve révèle que ces efforts ont contribué avec succès à limiter les effets de l’élimination du PPI sur les FP.

54 D’après le fonctionnaire, l’employeur peut, au moyen d’une planification appropriée de ses ressources humaines, prévoir les possibilités d’emploi et donner des GOER. Une GOER n’est pas limitée dans le temps; la possibilité d’emploi peut survenir ultérieurement. Elle n’a pas à exister au moment de l’offre. Le refus de l’employeur de présenter et de donner une GOER en juin 2012 constituait une violation du paragraphe 1.1.2 de la PRE. Le placement d’un si grand nombre de FP depuis représente une preuve concluante de la prévisibilité de l’emploi futur des FP dans la fonction publique.

55 Dans la convention collective, la PRE donne cette définition d’une garantie d’une offre d’emploi raisonnable :

Garantie d’une offre d’emploi raisonnable (guarantee of a reasonable job offer) – Garantie d’une offre d’emploi d’une période indéterminée dans l’administration publique centrale faite par l’administrateur général à un employé nommé pour une période indéterminée touché par le réaménagement des effectifs. Normalement, l’administrateur général garantira une offre d’emploi raisonnable à un employé touché pour lequel il sait qu’il existe ou qu’il peut prévoir une disponibilité d’emploi dans l’administration publique centrale. L’employé excédentaire qui reçoit une telle garantie ne se verra pas offrir le choix des options offertes à la partie VI de la présente directive.

56 Le libellé du paragraphe qui précède mentionne que les administrateurs généraux sont censés garantir une offre d’emploi raisonnable aux employés touchés pour lesquels ils savent qu’il existe ou peuvent prévoir une disponibilité d’emploi dans l’administration publique centrale. M. Bess a témoigné que ce refus s’appuyait sur l’incapacité de l’employeur de prévoir la nature de l’application des exigences du PPI par les administrateurs généraux quand RHDCC n’offrirait plus le service. Il a également soulevé le fait que les ministères faisaient face à leurs propres initiatives dans le cadre du PARD. De plus, M. Bess a également expliqué que les 33 FP touchés avaient été informés qu’ils n’obtiendraient pas de GOER dans le cadre du Programme du travail de RHDCC, car il n’existait pas de possibilités pour les ingénieurs. Dans le présent cas, le fait qu’il aurait pu être possible après le fait de garantir une offre d’emploi raisonnable ne se traduit pas nécessairement par la disponibilité d’un emploi prévisible ou connue au moment pertinent. Je suis convaincue que l’annulation du PPI et le transfert des responsabilités et obligations en vertu de la norme à chaque administrateur général étaient tels que l’employeur ne pouvait connaître ou prévoir la disponibilité des emplois dans l’administration publique centrale lorsque les employés ont été déclarés touchés.

57  Dans son témoignage, M. Bess a reconnu que des possibilités auraient pu prendre naissance pour les FP, selon la façon dont le ministère ou l’organisme a décidé de répondre à sa capacité. Il s’est avéré que tous les FP, sauf un, ont trouvé un autre emploi dans la fonction publique depuis ou ont choisi de quitter la fonction publique. Toutefois, il n’existait qu’une certitude, c’est-à-dire qu’au moment de l’annonce de l’élimination du programme en juin 2012, et de la production ultérieure des avis aux personnes touchées, personne ne savait ou aurait pu prévoir comment les services du PPI seraient fournis dans les autres ministères ou organismes. Dans les circonstances, il n’était pas déraisonnable pour RHDCC de s’abstenir de donner des GOER. Le problème réside dans le fait que c’est que le fonctionnaire qui a soutenu que les GOER auraient dû être données au moment établi par le dépôt du grief.

58 D’après la dernière ligne de la définition d’une GOER contenue dans la convention collective, « [l]’employé excédentaire qui reçoit une telle garantie [la GOER] ne se verra pas offrir le choix des options offertes à la partie VI de la présente directive ». Les définitions de l’appendice indiquent également qu’un « employé optant » qui n’a pas reçu de GOER dispose de 120 jours pour envisager les options contenues dans l’appendice. Le libellé de ces définitions suggère fortement que la GOER est arrêtée dans le temps. Comme je l’ai mentionné dans mes motifs précédemment, le fonctionnaire n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l’administrateur général savait ou aurait pu prévoir l’emploi futur des FP au moment où les fonctionnaires ont été déclarés excédentaires et ont reçu les autres options disponibles dans la partie VI de l’appendice de la convention collective.

59 La majeure partie de l’argumentation du fonctionnaire reposait sur une présomption selon laquelle la clause 32.01 de la convention collective et le paragraphe 1.1.27 de la PRE avaient été enfreints parce que les services des employés touchés avaient été sous-traités. Le fonctionnaire a reconnu en contre-argument que le grief était prématuré. Je suis d’accord. Il faut satisfaire à plusieurs critères pour établir une violation des paragraphes 1.1.1., 1.1.2 et 1.1.27 de la PRE. Pour pouvoir commencer à établir que cette disposition a été violée, le fonctionnaire devrait démontrer que le ministère avait sous-traité ou avait réembauché un entrepreneur afin qu’il offre les services du PPI. J’ai conclu que l’employeur n’a ni sous-traité ni réembauché un entrepreneur pour qu’il offre les services du PPI et qu’il n’y a pas eu de réembauche de personnel temporaire d’agence, d’entrepreneurs, d’experts conseils, d’employés nommés pour une période déterminée et d’autres employés nommés pour une période autre qu’indéterminée, plutôt qu’une déclaration de FP touchés. De plus, comme le fonctionnaire a reconnu que ce grief était prématuré et qu’il a été déposé pour fixer les délais plutôt que sur la base d’une violation réelle de la clause de la convention collective sur la sous-traitance ou de la PRE, le grief, tel qu’il a été déposé, n’est pas fondé.

60 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

61 Le grief est rejeté.

Le 20 février 2014.

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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