Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement pour inconduite - son agent négociateur a mis fin à sa représentation parce qu’il n’arrivait pas à la joindre depuis un certain temps - l’employeur et la Commission ont également tenté de communiquer avec la fonctionnaire s’estimant lésée, sans succès - la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à l’audience - l’employeur a demandé que le grief soit rejeté pour cause d’abandon - un avis d’audience avait été envoyé à la fonctionnaire s’estimant lésée à sa dernière adresse connue, et l’employeur a confirmé qu’il avait envoyé, à cette adresse, des lettres dont la fonctionnaire s’estimant lésée avait accusé réception - l’arbitre de grief a affirmé qu’il incombait à la fonctionnaire s’estimant lésée d’informer la Commission de tout changement à ses coordonnées - étant donné que la dernière communication de l’agent négociateur avec la fonctionnaire s’estimant lésée remontait à une date antérieure au renvoi à l’arbitrage, la fonctionnaire s’estimant lésée aurait pris les mesures nécessaires pour connaître où en était rendu son grief si elle avait sérieusement voulu le faire progresser - le grief a été considéré comme ayant été abandonné. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-02-28
  • Dossier:  566-02-8509
  • Référence:  2014 CRTFP 24

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ADRIENNE SMID

fonctionnaire s’estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service administratif des tribunaux judiciaires)

défendeur

Répertorié
Smid c. Administrateur général (Service administratif des tribunaux judiciaires)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Elle-même
Pour le défendeur:
Christine Langill, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 10 février 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Adrienne Smid, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), occupait un poste de commis au soutien (CR-04) au bureau de Toronto (Ontario) du Service administratif des tribunaux judiciaires. Le 30 avril 2012, l’administrateur général l’a licenciée pour inconduite. Le 25 mai 2012, elle a déposé un grief pour contester la décision de l’employeur de la licencier; elle a allégué qu’il s’agissait d’un congédiement abusif et a demandé à réintégrer ses fonctions sans perte de salaire.

2 L’employeur a rejeté le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, et le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 13 mai 2013.

3 La fonctionnaire fait partie du groupe Services des programmes et de l’administration et, à ce titre, elle était représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) jusqu’au 3 février 2014, date à laquelle l’AFPC a mis un terme à sa représentation.

4 Dans une lettre datée du 16 mai 2013, le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a informé les parties que l’audience relative à la présente affaire était provisoirement prévue pour la semaine du 10 au 14 février 2014, à Ottawa (Ontario). Les parties devaient aviser la Commission au plus tard le 17 juin 2013 si elles n’étaient pas disponibles aux dates proposées. La fonctionnaire a précisément été prévenue qu’elle avait la responsabilité d’informer la Commission de tout changement d’adresse domiciliaire ou de numéro de téléphone. Une copie de la lettre de la Commission a été directement envoyée à la fonctionnaire à ce moment-là.

5 Le 24 juin 2013, la Commission a écrit aux parties pour leur confirmer que l’audience relative à cette affaire aurait lieu dans la semaine du 10 au 14 février 2014, à Ottawa, et que ces dates étaient considérées comme étant définitives.

6 Le 14 janvier 2014, l’avocate de l’employeur a écrit à la Commission pour demander une conférence préparatoire à l’audience (CPA). L’avocate de l’employeur a confirmé qu’elle avait vérifié les disponibilités auprès du représentant de l’AFPC agissant pour le compte de la fonctionnaire, et elle a donné à la Commission les disponibilités communes des parties. Une CPA a été fixée au 20 janvier 2013, à 9 h, par téléconférence. Les détails de l’accès par téléphone ont été fournis aux parties dans un courriel envoyé par la Commission le 15 janvier 2014.

7 Le 20 janvier 2013, à 9 h, j’ai présidé la CPA par téléconférence. L’avocate de l’employeur et les représentants de l’employeur étaient présents, de même qu’un représentant de l’AFPC, pour le compte de la fonctionnaire. Au début de la CPA, le représentant de l’AFPC a fait savoir qu’il n’arrivait pas à joindre la fonctionnaire depuis un certain temps, et il a demandé un délai jusqu’au vendredi 31 janvier 2014 pour tenter de joindre la fonctionnaire. Le représentant de l’AFPC a déclaré que s’il parvenait à communiquer avec la fonctionnaire avant le 31 janvier 2014, cela lui laisserait suffisamment de temps pour se préparer en vue de l’audience, qui devait débuter le 10 février 2014. Le représentant de l’AFPC a également affirmé que s’il n’avait toujours pas réussi à joindre la fonctionnaire le 31 janvier 2014, l’AFPC mettrait un terme à sa représentation. Compte tenu de cette information, j’ai reporté la CPA au lundi 3 février 2014, à 9 h 30.

8 La CPA par téléconférence a repris le 3 février 2014, à 9 h 30. L’avocate et les représentants de l’employeur étaient présents, de même que le représentant de l’AFPC agissant pour le compte de la fonctionnaire. Le représentant de l’AFPC a fait savoir qu’il n’avait pas pu joindre la fonctionnaire depuis la dernière CPA. Il a expliqué qu’il avait tenté de communiquer avec elle par écrit et par téléphone, et que le dernier contact confirmé de l’AFPC avec la fonctionnaire remontait à juin 2012. Le représentant de l’AFPC a affirmé que l’AFPC cesserait de représenter la fonctionnaire, et qu’une lettre à cet égard serait envoyée à la Commission. L’avocate de l’employeur a fait savoir que celui-ci demanderait que l’abandon du grief soit prononcé.

9 Le 3 février 2014, la Commission a reçu une lettre de l’AFPC, qui l’informait qu’elle mettait fin à sa représentation de la fonctionnaire. L’AFPC a confirmé qu’elle ne parvenait pas à joindre la fonctionnaire à la plus récente adresse connue et au dernier numéro de téléphone figurant au dossier, et elle a communiqué à la Commission l’adresse et le numéro de téléphone en question.

10 Le 4 février 2014, le greffe de la Commission a envoyé une lettre à la fonctionnaire, par courrier ordinaire et par poste prioritaire, à l’adresse qu’il avait au dossier, c’est-à-dire celle que lui avait communiquée l’AFPC. La lettre confirmait les dates et le lieu de l’audience et avisait la fonctionnaire de communiquer avec la Commission.

11 L’agent du greffe responsable du dossier a tenté de joindre la fonctionnaire par téléphone, au numéro figurant au dossier de la Commission, qui était celui que lui avait fourni l’AFPC. L’agent du greffe a appelé à ce numéro les 4, 5, 7 et 10 février 2014. Personne n’a répondu.

12 L’audience a débuté le 10 février 2014, à 9 h 30. La fonctionnaire n’était pas présente.

13 L’avocate de l’employeur m’a fait savoir que, depuis qu’elle avait reçu de l’AFPC la confirmation que celle-ci mettait un terme à sa représentation de la fonctionnaire, elle et son client avaient tous deux tenté de joindre la fonctionnaire au numéro de téléphone fourni par l’AFPC, sans succès.

14 L’avocate de l’employeur m’a informé que l’adresse de la fonctionnaire figurant au dossier de l’employeur était la même que celle confirmée par l’AFPC, et que c’était aussi à cette adresse que l’employeur avait envoyé des lettres à la fonctionnaire dans le passé, avant et après son licenciement, lettres dont la fonctionnaire avait accusé réception et qu’elle avait retournées à l’employeur.

15 L’avocate de l’employeur a demandé que le grief soit rejeté pour cause d’abandon.

16 L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire aurait dû être au courant des dates de l’audience, étant donné qu’elle avait reçu une copie de la lettre envoyée aux parties le 16 mai 2013 pour les informer que l’audience était provisoirement prévue du 10 au 14 février 2014. L’employeur a invoqué Tshibangu c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments),2011 CRTFP 143, pour faire valoir que la fonctionnaire avait la responsabilité de veiller à ce que ses coordonnées figurant au dossier de la Commission soient à jour. Ni l’employeur ni la Commission n’ont l’obligation de courir après la fonctionnaire.

17 Le représentant de la fonctionnaire connaissait les dates d’audience et a confirmé que l’AFPC avait tenté de joindre la fonctionnaire, en vain. La fonctionnaire a l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour se renseigner sur l’état d’avancement du grief qu’elle a présenté. À cet égard, l’employeur s’est appuyé sur Cardinal c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration),2013 CRTFP 137; Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2013 CRTFP 119; Gallan c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2012 CRTFP 19.

18 L’employeur a fait remarquer que le dernier contact de l’AFPC avec la fonctionnaire, en juin 2012, était antérieur au renvoi à l’arbitrage, qui avait eu lieu le 13 mai 2013.

19 L’employeur m’a également renvoyé à Laroque c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord),2004 CRTFP 117, qui appuie l’assertion selon laquelle la Commission n’a pas à tenir d’audience de vive voix pour statuer sur l’abandon d’une affaire.

20 Enfin, l’employeur m’a renvoyé à Rupolo c. Canada, 2010 CAF 289, qui étaye l’affirmation selon laquelle, lorsqu’une affaire est mise au rôle, les parties doivent être disposées à comparaître à la date et à l’heure prévues, sans quoi elles risquent de perdre leur cause. La décision d’accorder ou de refuser un report d’audience est discrétionnaire.

Motifs

21 La fonctionnaire a été avisée que l’audience était provisoirement prévue pour la semaine du 10 février 2014, au moyen d’une lettre envoyée au représentant de son agent négociateur le 16 mai 2013, lettre qui lui a aussi été envoyée directement. Le 24 juin 2013, la Commission a écrit aux parties pour confirmer que l’audience relative à cette affaire aurait lieu dans la semaine du 10 février 2014 à compter de 9 h 30, à Ottawa, et qu’elle durerait cinq jours. Le 23 décembre 2013, un « avis d’audience » a été envoyé aux parties pour confirmer le lieu exact de l’audience prévue dans la semaine du 10 février 2014, à compter de 9 h 30.

22 La fonctionnaire a déposé son grief le 25 mai 2012. Sur le formulaire de grief figuraient son adresse et son numéro de téléphone, et ce sont les mêmes que la Commission possède à son dossier et qui lui ont été fournis par l’AFPC (le 3 février 2014) à titre de plus récents numéro de téléphone et adresse connus qu’elle avait au dossier, et qui se trouvaient aussi dans le dossier de l’employeur; en outre, l’employeur a pu confirmer avoir envoyé, à l’adresse en question, des lettres dont la fonctionnaire avait accusé réception.

23 Comme l’a indiqué la Commission dans sa lettre du 16 mai 2013, il incombe à la fonctionnaire d’informer la Commission de tout changement d’adresse résidentielle ou de numéro de téléphone. Ce point de vue est aussi exprimé dans Tshibangu, aux paragraphes 15 et 17, qui sont rédigés en ces termes :

[15] […] La lettre de la Commission, datée du 14 octobre 2011 et dont le fonctionnaire a obtenu copie, stipulait expressément qu’il lui incombait d’informer la Commission de tout changement visant son adresse ou son numéro de téléphone.

[…]

[17] […] malgré les efforts de la Commission pour communiquer avec lui, le fonctionnaire n’a fait aucune tentative pour communiquer avec la Commission. Cela démontre qu’il n’a aucun intérêt dans la résolution de son grief.

24 D’après l’information dont dispose la Commission, l’adresse et le numéro de téléphone de la fonctionnaire n’ont jamais été changés depuis la période précédant son licenciement. La fonctionnaire a la responsabilité d’aviser la Commission de tout changement à ses coordonnées. Celles qui figurent au dossier de la Commission sont les mêmes que celles que possédait l’employeur avant le licenciement de la fonctionnaire et lorsqu’elle a été licenciée, et les mêmes que celles qu’avait l’AFPC au moment de la présentation du grief et lorsqu’elle a mis fin à sa représentation. Aucun élément de preuve n’indique que la fonctionnaire a déménagé ou changé de numéro de téléphone. Le représentant de l’AFPC a fait savoir qu’il avait tenté de joindre la fonctionnaire à l’adresse et au numéro de téléphone figurant au dossier, mais sans succès. L’employeur a informé la Commission que lui non plus n’arrivait pas à joindre la fonctionnaire à l’adresse et au numéro de téléphone en question, et il a également été impossible pour le greffe de la Commission de communiquer avec la fonctionnaire à cette adresse et à ce numéro.

25 Soit la fonctionnaire a déménagé et n’a pas communiqué ses nouvelles coordonnées à son représentant et à la Commission, soit elle souhaite que personne ne puisse la joindre. Au strict minimum, un fonctionnaire s’estimant lésé devrait répondre à son représentant et à la Commission lorsqu’ils tentent de le joindre. Puisque ni l’AFPC, ni l’ancien employeur de la fonctionnaire, ni la Commission ne parviennent à la joindre, et étant donné que le dernier contact de l’AFPC avec la fonctionnaire remonte à une date antérieure au renvoi à l’arbitrage, il est évident que, si la fonctionnaire prenait au sérieux l’avancement de son grief, elle aurait pris des mesures pour savoir où en était la procédure de règlement des griefs.

26 Comme il a été établi dans Cardinal, Cooper et Gallan, la fonctionnaire est tenue de prendre des mesures raisonnables pour se renseigner au sujet de la procédure qu’elle a entamée. Au strict minimum, un fonctionnaire s’estimant lésé devrait demeurer en contact avec son représentant, de manière à ce que l’information importante puisse lui être communiquée. La fonctionnaire n’a pas fait le strict minimum et, par conséquent, je conclus à l’abandon de son grief.

27 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

28 Le grief est rejeté.

Le 28 février 2014.

Traduction de la CRTFP

John G. Jaworski,
arbitre de grief

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