Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que les défendeurs s’étaient livrés à une pratique déloyale de travail contre lui en se retirant de l’affaire - le plaignant était un vérificateur qui travaillait à l’Agence du revenu du Canada (ARC) - il a été licencié en raison de l’insubordination dont il aurait fait preuve en refusant de mettre fin à son travail d’évaluateur des entreprises à l’extérieur de l’ARC - l’employeur a allégué que son travail à l’extérieur créait un conflit d’intérêts avec ses fonctions de vérificateur de l’ARC - le plaignant ne partageait pas sa position - l’employeur a imposé des sanctions disciplinaires progressives au plaignant en raison de son refus de cesser ses activités externes, puis l’a licencié - le plaignant a contesté son licenciement et a présenté plusieurs griefs, dont un touchant l’interprétation ou l’application de la disposition concernant le conflit d’intérêts contenue dans sa convention collective - il était représenté par son agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), dans la préparation de ses griefs, mais la relation a pris une tournure difficile quand le plaignant a refusé de fournir certains documents d’affaires que l’employeur lui avait demandé de produire avant l’arbitrage de ses griefs - le plaignant estimait que ces documents n’étaient pas pertinents, et qu’ils étaient confidentiels et protégés par le secret professionnel - l’IPFPC a nié que le secret professionnel s’appliquait à ces documents et il a reconnu que le privilège relatif au litige, quant à lui, s’appliquait, mais a refusé de protéger ces documents contre les demandes de divulgation raisonnables - l’IPFPC craignait que les documents en question puissent soulever des problèmes quant au fait que le plaignant avait travaillé à l’extérieur pendant un congé de maladie - à la fin, ce différend a fait en sorte que l’IPFPC a mis fin à sa représentation du plaignant pour tous ses griefs, mais a avisé la Commission qu’il autorisait le plaignant à se représenter lui-même - ce n’est qu’après avoir retiré son soutien qu’il a avisé le plaignant que le fait qu’il se représente lui-même pourrait avoir une incidence sur son grief concernant la convention collective - en effet, la Commission a rendu une décision (2014CRTFP 21) dans laquelle elle a conclu que le plaignant ne pouvait se représenter lui-même dans le cadre d’un grief portant sur une convention collective - le plaignant estimait que cela minait le fondement même de son cas concernant le conflit d’intérêts - le commissaire a jugé que l’agent négociateur est en droit de s’attendre à la collaboration de ses membres et peut refuser de les représenter s’ils ne coopèrent pas - l’IPFPC pouvait aviser le plaignant qu’il cesserait de le représenter, compte tenu de son refus de collaborer - son attitude montrait clairement qu’il avait l’intention d’assurer lui-même sa défense - l’IPFPC avait examiné la question liée à la divulgation et en était arrivé à une conclusion raisonnable - il n’était pas tenu d’aviser le plaignant des conséquences possibles avant de cesser de le représenter - le plaignant n’a pas été pris par surprise, étant donné qu’il avait été averti de la possibilité que l’IPFPC mette fin à sa représentation s’il ne collaborait pas - même s’il avait été averti des conséquences, la preuve montre que cela n’aurait rien changé ni à son attitude ni à son comportement. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date:  20140328

Dossier:  561‑34‑522

 

Référence:  2014 CRTFP 39

Loi sur les relations de travail

dans la fonction publique

 

PSLRB noT(BW)

Devant une formation de la

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 

ENTRE

 

SEAN CAVANAGH

 

plaignant

 

et

 

Maeve Sullivan ET

INSTITUT ProfessionNEl DE LA FONCTION PubliQUE DU Canada

 

défendeurs

Répertorié

Cavanagh c. Sullivan

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant :  Michael F. McNamara, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le plaignant :  Lui-même

Pour les défendeurs :  Linelle S. Mogado et Mandy Wojcik, avocates

Affaire entendue à Toronto (Ontario),

du 11 au 13 décembre 2012.

(Traduction de la CRTFP).


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTFP)

Plainte devant la Commission

[1]   Le 28 juin 2011, Sean Cavanagh (le « plaignant ») a signé une plainte contre Maeve Sullivan (la « défenderesse »). La plainte a été reçue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), le 6 juillet 2011. Au moment de la plainte, la défenderesse était agente des relations de travail (« ART ») à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC » ou le « syndicat »). Le plaignant a fait valoir que la défenderesse s’était livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, (L.C. 2003, chap. 22, art. 2), (la « Loi »).

[2]  La plainte met en cause les dispositions suivantes de la Loi :

[...]

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[...]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[...]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[...]

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[...]

[3]  Le plaignant a fait valoir ce qui suit au sujet de la défenderesse :

[Traduction]

Maeve Sullivan, de l’IPFPC à Toronto, s’est retirée de mon dossier parce qu’elle voulait fournir à l’ARC des renseignements que je lui avais communiqués sous le sceau du secret professionnel. En outre, elle m’avait promis qu’ils ne seraient jamais transmis à l’ARC. Elle a consulté Dan Rafferty puis m’a dit qu’elle « revenait sur sa récusation » dans le dossier à la condition que je fournisse les renseignements que j’avais présentés en présumant qu’ils étaient protégés par le secret professionnel. Ce qui m’a amené à chercher un autre représentant, lequel n’était pas offert à l’extérieur de Toronto; j’ai donc décidé de me représenter moi-même. J’ai par la suite demandé à l’AC une nouvelle représentante; cette demande m’a été refusée le 7 avril 2011. Manifestement, l’AC ne travaillait pas au mieux de mes intérêts dans ce dossier, car elle exigeait que je fournisse à l’ARC des renseignements confidentiels qui pourraient nuire à mon dossier. Elle avait d’ailleurs obtenu ces renseignements de ma part après m’avoir dit qu’elle ne les divulguerait pas.

Résumé de la preuve

[4]  Le premier jour de l’audience a été légèrement retardé en raison de l’arrivée tardive du plaignant, puis d’une pause en vue d’achever un exposé conjoint des faits (pièce 1). Après les exposés introductifs, les parties ont cru qu’il y aurait peut-être un motif pour tenter d’obtenir un règlement du litige par la médiation. Après un bref examen des questions et des positions des parties, il était évident que la médiation ne donnerait pas les résultats escomptés. La partie formelle de l’audience a débuté à 14 h 15.

[5]  Voici le libellé de l’exposé conjoint des faits (pièce 1) :

[Traduction]

Exposé conjoint des faits

1. La défenderesse désignée, Maeve Sullivan, est une employée de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « syndicat ») à titre d’agente des relations de travail (« ART »).

2. Pendant toute la période pertinente, Mme Sullivan était agente du syndicat.

3. Pendant toute la période pertinente, le syndicat a été partie à une convention collective conclue avec l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’« ARC ») visant les employés et employées de l’unité de négociation du groupe Vérification, finances et sciences du syndicat.

4. Le plaignant, Sean Cavanagh, était employé comme vérificateur à l’ARC jusqu’au 17 juin 2008, date à laquelle il a été licencié à la suite d’allégations d’insubordination. À titre de vérificateur, M. Cavanagh était membre de l’unité de négociation du groupe Vérification, finances et sciences (onglet 9).

5. Au moment de son licenciement, soit le ou vers le 17 juin 2008, trois griefs concernant M. Cavanagh n’étaient pas réglés (onglets 2, 4, 6).

6. Le premier grief, déposé pour le compte de M. Cavanagh, le ou vers le 30 octobre 2006, avait trait à une ordonnance rendue par l’employeur vers octobre 2006 interdisant à M. Cavanagh d’effectuer en dehors de l’ARC du travail d’évaluation d’entreprises. L’employeur a fait valoir qu’en raison du travail externe d’évaluation d’entreprises fait par M. Cavanagh, il était en conflit d’intérêts avec ses fonctions de vérificateur à l’ARC. Le grief se rapportait à la clause 46.1 de la convention collective (onglet 2).

7. Le deuxième grief, déposé pour le compte de M. Cavanagh, le ou vers le 27 février 2007, portait sur une suspension de dix jours imposée par l’employeur vers février 2007 parce que M. Cavanagh n’aurait pas respecté l’ordonnance de l’employeur lui demander de cesser et d’abandonner le travail d’évaluation d’entreprises en dehors de l’ARC (onglets 3 et 4).

8. Le troisième grief, déposé pour le compte de M. Cavanagh, le ou vers le 13 mars 2008, portait sur une suspension de vingt jours imposée par l’employeur vers mars 2008 parce que M. Cavanagh aurait continué à ne pas respecter l’ordonnance de l’employeur lui demandant de cesser et d’abandonner le travail d’évaluation d’entreprises en dehors de l’ARC (onglets 5 et 6).

9. Le ou vers le 12 mai 2008, l’employeur a rejeté le grief déposé au nom de M. Cavanagh contestant la suspension de dix jours (onglet 7).

10. Le ou vers le 17 juin 2008, l’employeur a licencié M. Cavanagh pour insubordination alléguée concernant le présumé refus de M. Cavanagh de cesser et d’abandonner le travail d’évaluation d’entreprises en dehors de l’ARC (onglet 8).

11. Un grief contestant le licenciement a été déposé au nom de M. Cavanagh le ou vers le 8 juillet 2008 (onglet 9).

12. Le ou vers le 19 janvier 2010, l’employeur a rejeté les trois griefs déposés pour le compte de M. Cavanagh contestant l’ordonnance du 20 octobre 2006, la suspension de vingt jours, ainsi que le licenciement (onglet 10).

13. Le syndicat a renvoyé les quatre griefs non réglés à la Commission des relations de travail dans la fonction publique à des fins d’arbitrage. Les numéros de dossier de la Commission relatifs à ces griefs sont les suivants :

(a) Le grief sur l’ordonnance d’octobre 2006 : 566‑34‑3542;

(b) Le grief sur la suspension de dix jours : 566‑34‑2161;

(c) Le grief sur la suspension de vingt jours : 566‑34‑3543;

(d) Le grief sur le licenciement : 566‑34‑3544.

14. Une audience devant la Commission sur les quatre griefs non réglés devait débuter le 11 avril 2011 et se poursuivre les 12, 13, 14 et 15 avril 2011.

15. En novembre 2010, Mme Sullivan s’est occupée des quatre griefs pour le compte du syndicat et a commencé à préparer l’audience d’avril 2011.

16. Pendant la préparation de l’audience, Mme Sullivan a demandé que l’employeur fournisse au syndicat tous les documents dont la pertinence est défendable, dont un certain nombre de documents précis (onglet 11).

17. Le ou vers le 28 mars 2011, l’avocate de l’employeur a accusé réception des demandes de divulgation du syndicat et a indiqué que la trousse de documents serait envoyée sous peu. De plus, l’avocate de l’employeur a expressément demandé que le syndicat produise : [traduction] « l’ensemble des factures, états de compte, notes et autres documents connexes du fonctionnaire s’estimant lésé et/ou de son entreprise pour les années 2003 à 2008 inclusivement ». Mme Sullivan a transmis la demande de l’avocate de l’employeur à M. Cavanagh par courriel le même jour (onglet 11).

18. Pendant la préparation de l’audience, un différend est survenu entre M. Cavanagh et Mme Sullivan lorsque M. Cavanagh a ordonné à Mme Sullivan de ne pas divulguer certains documents pertinents en réponse à la demande de divulgation de l’employeur (onglets 12a, 12b, 12c).

19. Le 4 avril 2011, M. Cavanagh a pris part à une conférence téléphonique avec Alan Phillips, qui était alors le superviseur de Mme Sullivan. Il occupait le poste de Chef par intérim, Opérations régionales.

20. Après la conférence téléphonique, soit le 4 avril 2011, M. Cavanagh a envoyé un courriel à M. Phillips pour confirmer qu’il ne voulait plus être représenté par le syndicat relativement à ses griefs et qu’il préférait se représenter lui-même devant la Commission (onglet 13).

21. Le 6 avril 2011, Mme Sullivan a demandé et obtenu une remise des dates d’audience d’avril 2011 pour donner le temps à M. Cavanagh de se préparer en vue de l’audience ou de chercher un représentant de l’extérieur. Mme Sullivan a également informé la Commission qu’en ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑34‑3542, [traduction] « le syndicat approuve que M. Cavanagh se représente lui-même à l’arbitrage de ce grief » (onglet 14).

22. Le ou vers le 7 avril 2011, M. Phillips a envoyé un courriel à M. Cavanagh pour l’informer que le syndicat ferait parvenir une lettre à l’avocate de l’employeur et à la Commission afin de les aviser du changement dans la représentation et d’informer la Commission que l’employeur avait consenti à une remise de l’audience. Le courriel de M. Phillips mentionnait également ce qui suit :

Enfin, je devrais vous informer que bien que la Commission exige habituellement que le syndicat représente devant la Commission les fonctionnaires s’estimant lésés dont les griefs ont trait à l’interprétation et à l’application de la convention collective, dans les circonstances particulières de votre dossier, le syndicat est prêt à accepter que vous vous représentiez vous-même relativement au grief qui concerne l’article sur les « activités extérieures » de la convention collective et en informera la Commission. Quant à vos autres griefs, le syndicat n’est pas tenu d’approuver le fait que vous vous représentiez vous-même, car ces griefs n’ont pas trait à la convention collective. (Onglet 15)

23. M. Cavanagh a répondu au courriel de M. Phillips, le 7 avril 2011, demandant que le syndicat lui achemine des documents relativement au dossier (onglet 16).

24. Le ou vers le 8 avril 2011, la Commission a rejeté le grief concernant l’ordonnance d’octobre 2006 (dossier de la Commission 566‑34‑3542) en citant l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (onglet 17).

25. M. Cavanagh a déposé la présente plainte contre Mme Sullivan le 6 juillet 2011.

[6]  Le plaignant s’est représenté lui-même et a témoigné en son nom.

[7]  Le plaignant a d’abord mentionné son grief portant sur un conflit d’intérêts (dossier de la CRTFP 566‑34‑3542). L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC » ou l’« employeur ») lui avait ordonné de cesser ses activités commerciales, puis avait pris des mesures disciplinaires à son endroit parce qu’il avait continué à exploiter une entreprise en dehors des heures de travail régulières, ce qui a été perçu comme un conflit avec son emploi.

[8]  Le plaignant n’a pas répondu de façon satisfaisante à la demande de l’employeur de mettre fin à son entreprise et a fait l’objet de mesures disciplinaires une deuxième, puis une troisième fois avant d’être licencié le 17 juin 2008.

[9]  Les événements qui ont mené à cette plainte ont débuté en novembre 2010, alors que la défenderesse commençait à assumer la responsabilité des quatre dossiers de grief du plaignant. Elle remplaçait alors Dan Rafferty, un autre représentant de l’IPFPC, qui s’apprêtait à prendre sa retraite.

[10]  Le 28 mars 2011, l’employeur a demandé que l’IPFPC divulgue des renseignements en vue de l’audience à venir sur le grief (du 11 au 15 avril 2011), notamment [traduction] « l’ensemble des factures, états de compte, notes et autres documents connexes du fonctionnaire s’estimant lésé et/ou de son entreprise pour les années 2003 à 2008 inclusivement » (pièce 1, paragraphe 17).

[11]  La question de la divulgation a donné lieu à un dilemme pour le plaignant. Tel qu’il est mentionné au paragraphe 18 de la pièce 1, le plaignant s’est opposé à la divulgation de documents demandés par l’employeur au motif que ces documents étaient confidentiels et soumis au secret professionnel de l’avocat. Il a témoigné avoir eu des discussions avec la défenderesse au sujet de ce secret parce que les factures fournissaient des renseignements précis sur les noms de ses clients. Selon lui, la défenderesse désirait établir dans son esprit la nature de ses activités d’[traduction] « évaluation d’entreprises » et les répercussions sur le grief relatif au conflit d’intérêts. Le plaignant a déclaré avoir dit à la défenderesse que rien ne devait être communiqué à l’ARC. Il voulait protéger l’identité de ses clients parce qu’il souhaitait les conserver comme clients après son départ prévu de l’ARC.

[12]  Le plaignant a déclaré que l’employeur avait d’abord demandé ces renseignements en mai 2008 lorsque, dans un avis définitif lui demandant de [traduction] « [...] cesser ou abandonner tout emploi extérieur et/ou toute autre activité commerciale immédiatement », il a inclus le paragraphe suivant : [traduction] « Nous vous demandons de divulguer toutes vos activités externes en tant qu’évaluateur et à tout autre titre commercial ou professionnel au cours des deux dernières années, soit de mai 2006 à mai 2008. »

[13]  Jusqu’en mai 2008, l’employeur a suspendu le plaignant à plusieurs reprises sans demander ces renseignements. Le plaignant ne voulait pas que ces renseignements se retrouvent dans les mains de l’employeur.

[14]  Le plaignant a également témoigné qu’en mai 2008, il avait mis fin à toute activité extérieure et se préparait, en collaboration avec son employeur, à être licencié pour incapacité le 18 juin 2008.

[15]  Le 17 juin 2008, l’employeur a licencié le plaignant pour inconduite, avec entrée en vigueur le 18 juin 2008, à la fermeture des bureaux.

[16]  Le plaignant a présenté un échange de courriels entre lui-même et la défenderesse (pièce 2), qui a eu lieu le 30 mars 2011. Dans cet échange, la défenderesse l’a questionné sur le fait qu’il avait effectué du travail au cours d’une période de congé de maladie (du 28 février 2007 au 22 juin 2007). Le plaignant a répondu qu’il avait pris un congé de maladie en raison d’un problème de dos, de ses déplacements pour se rendre au travail et de sa position assise toute la journée, et non en raison d’un problème de mobilité l’empêchant d’accomplir le travail comme tel. Il a eu de nombreuses occasions en dehors des heures de travail de recevoir de la correspondance, de l’analyser et de visiter des sites les soirs ou les fins de semaine. En ce qui concerne ses visites de site en tant qu’évaluateur d’entreprises, un propriétaire d’entreprise ne voudrait pas que l’on sache que la vente de son entreprise est envisagée. La défenderesse s’inquiétait de l’impression qui allait découler, lors de l’audience des griefs, de la présentation de factures concernant du travail qui aurait été fait au cours d’une période de congé de maladie. Enfin, le plaignant lui a dit : [traduction] « [...] ils n’obtiendront pas les factures, celles-ci étaient réservées à votre usage et vous m’avez certifié qu’elles étaient couvertes par le secret professionnel de l’avocat [...] »

[17]  Le plaignant m’a ensuite renvoyé à un courriel de la défenderesse daté du 31 mars 2011 (pièce 6, page 6), où elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Tous les documents que vous avez partagés avec moi ainsi que notre correspondance par courriel et nos conversations sont protégés par le privilège relatif au litige. Toutefois, ce privilège ne comprend pas les documents qui font l’objet d’une demande raisonnable de l’employeur et qui s’appliquent de façon pertinente à l’objet de votre audience.

Par conséquent, nous sommes tous deux tenus par la loi (a) de nous efforcer de trouver les documents demandés, et (b) de fournir ces documents à l’employeur.

[18]  La défenderesse a en outre expliqué que d’autres documents pourraient être demandés et déclarés pertinents par un arbitre de grief. Elle a informé le plaignant que l’employeur avait le droit de le licencier pendant qu’il était en congé de maladie s’il est démontré qu’il a effectué du travail externe au cours de cette période.

[19]  La défenderesse a informé le plaignant qu’à moins qu’il ne l’autorise à déposer les factures, comme l’a demandé l’employeur, elle devra se récuser comme représentante, demander une remise de l’audience d’arbitrage et formuler une recommandation à son employeur au sujet d’une autre représentation étant donné le refus de collaborer du plaignant.

[20]  Le plaignant a répondu que les déclarations de revenus n’étaient pas en litige parce que l’employeur les avait déjà. Le litige porte sur les factures et l’employeur n’en a pas besoin; le plaignant a été suspendu deux fois parce qu’il avait travaillé ou parce qu’il était prêt à travailler après les heures régulières et non en raison de la nature de ce travail. Selon lui, les factures ne sont pas pertinentes à la question des suspensions. Il a demandé à la défenderesse de demander une remise de l’audience et d’appuyer sa demande de se représenter lui-même en arbitrage.

[21]  La défenderesse a souligné que s’il travaillait effectivement après ses heures régulières, qu’il avait fait l’objet d’une ordonnance de cesser et d’abandonner cette pratique, et qu’il travaillait dans un domaine qui, selon l’employeur, pourrait entrer en conflit avec son emploi à l’ARC, les factures étaient très pertinentes. La défenderesse a alors demandé s’il désirait qu’elle se récuse et s’il voulait se représenter lui-même.

[22]  Enfin, le plaignant écrit ce qui suit :

[Traduction]

[...] lorsqu’une avocate menace de se récuser, cela signifie que la relation a dégénéré et qu’elle veut le faire; il y a perte de confiance des deux côtés. Par conséquent, vous avez déjà pris la décision et je dois l’accepter. Veuillez donc préparer les documents requis en vue de l’autoreprésentation; je crois qu’il serait prudent de procéder à une remise de l’audience à ce stade, car j’ai besoin d’une divulgation et je dois me familiariser avec le processus que j’entreprends. [...]

[23]  Selon le plaignant, il a été abandonné par le syndicat et sa seule option était de se représenter lui-même. Il a en outre estimé qu’il avait perdu le contrôle du processus. Il s’est demandé si la défenderesse travaillait pour lui ou pour l’ARC.

[24]  Le plaignant a parlé à son représentant précédent, M. Rafferty, et a demandé un représentant différent, ce qu’il n’a pas eu. M. Rafferty n’était pas disponible.

[25]  Comme le plaignant n’avait plus confiance en la défenderesse, il a conclu qu’il devait se représenter lui-même.

[26]  Le 4 avril 2011, le plaignant a pris part à une conférence téléphonique avec Alan Phillips, le superviseur de la défenderesse, et peut-être aussi avec M. Rafferty, mais il n’en était pas certain. Il a parlé à M. Phillips du manque de soutien syndical.

[27]  Après l’appel, M. Cavanagh a envoyé le courriel suivant à M. Phillips (pièce 7) :

[Traduction]

M. Phillips,

Comme nous en avons parlé au téléphone, j’aimerais me représenter moi-même dans le cadre de l’arbitrage de mes griefs. Je vous demande de vous assurer que mon bureau local de l’IPFPC ait contacté l’employeur et ses avocates en vue de reporter l’audience, comme mon ancienne représentante de l’IPFPC avait proposé de faire, et pour indiquer que je me représenterai moi-même à tous les égards. J’aimerais également obtenir l’assurance qu’il n’y aura pas d’autres discussions de mon dossier par Maeve Sullivan ou tout autre représentant à l’IPFPC ou qui y est associé avec quiconque, oralement, par écrit ou sous une autre forme. Mme Sullivan s’est récusée du dossier en date du 31 mars 2011 et a lancé ce processus. À l’heure actuelle, elle semble avoir changé d’avis et met volontairement en péril mon dossier. Il y a une perte de confiance à l’égard de ce bureau, lequel ne semble pas avoir la compétence requise pour compléter le dossier. Par conséquent, je dois me représenter moi-même. Tout ce que je demande, c’est que l’IPFPC ne sème pas de confusion administrative dans ce processus, comme il semble le faire, pour nuire à mes chances de réussite.

Je demanderais également que vous ordonniez que toute communication entre l’IPFPC et l’employeur ainsi que son avocate soit retenue, de même que toutes les communications internes au sein de l’IPFPC.

Encore une fois, j’ai besoin d’une confirmation que le syndicat a remis l’audience d’arbitrage, qu’il a mentionné à l’employeur que je me représenterais moi-même, et qu’il mettra fin à toute discussion portant sur mon dossier.

Si, à quelque moment que ce soit, vous souhaitez discuter de cette affaire, notamment des courriels relatifs à la présente situation, n’hésitez pas à me le faire savoir.

[...]

[28]  Le 6 avril 2012, la défenderesse a écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique pour lui indiquer que M. Cavanagh se représenterait lui-même pour ses quatre griefs. Elle a également informé la Commission qu’elle avait parlé à l’employeur et qu’elle demandait une remise de l’audience pour lui permettre de s’occuper de ses dossiers.

[29]  La défenderesse a également informé la Commission (pièce 8) de ce qui suit :

[Traduction]

[...] En ce qui concerne le dossier de la Commission 566‑34‑3542, le syndicat constate qu’il s’agit d’un grief ayant trait à l’interprétation et à l’application de la convention collective, plus précisément la clause 46.01 de la convention collective. Le syndicat a approuvé la présentation de ce grief, a représenté M. Cavanagh tout au long de la procédure de règlement du grief et a renvoyé le grief à l’arbitrage. Le syndicat approuve la décision de M. Cavanagh de se représenter lui-même dans le cadre de l’arbitrage de ce grief. [...]

[30]  M. Phillips a fait parvenir un courriel au plaignant le 7 avril 2011 (pièce 9) pour l’informer des mesures qui avaient été prises à la suite de sa demande de se représenter lui-même. De même, le courriel comprenait un paragraphe portant sur sa demande de se représenter lui-même et la recommandation faite par le syndicat à la Commission au sujet de l’autoreprésentation sur une question qui nécessite habituellement une représentation syndicale :

[Traduction]

[...]

Enfin, je devrais vous informer que bien que la Commission exige habituellement que le syndicat représente devant la Commission les fonctionnaires dont les griefs ont trait à l’interprétation et à l’application de la convention collective, dans les circonstances particulières de votre dossier, le syndicat est prêt à accepter que vous vous représentiez vous-même relativement au grief qui concerne l’article sur les « activités extérieures » de la convention collective et en informera la Commission. Quant à vos autres griefs, le syndicat n’est pas tenu d’approuver le fait que vous vous représentiez vous-même, car ces griefs n’ont pas trait à la convention collective.

[...]

[31]  Le plaignant a répondu à M. Phillips le 7 avril (pièce 25). Il l’a remercié de son aide et lui a demandé que tous les documents soient acheminés à son attention.

[32]  Le 8 avril 2011, la Commission a écrit au plaignant (pièce 3) et a indiqué ce qui suit au dernier paragraphe :

[Traduction]

[...]

Un employé ne peut procéder à un arbitrage de grief dans ce type d’affaire sans le soutien de l’agent négociateur. Le retrait du soutien de l’agent négociateur et la représentation, dans ce cas, est considéré comme un retrait du grief. Cette démarche a pour but d’informer les parties qu’il est mis fin à l’instance et que le dossier est fermé.

[...]

[33]  Le plaignant a réagi à cet événement en affirmant que cette action avait nui à l’essentiel de son dossier sur la question du conflit d’intérêts et sur les autres griefs, ce qui mettait tout le reste en péril. Au vu de la chronologie des événements, il n’a jamais été informé de cette issue possible. Il a déclaré : [traduction] « Le syndicat était de mauvaise foi lorsqu’il affirmait que je pouvais me représenter moi-même alors qu’il savait (ou aurait dû savoir) que je ne le pouvais pas. C’était au cœur de toutes les autres questions, par conséquent, les jeux sont faits. »

[34]  Au début du contre-interrogatoire, la défenderesse a déposé un certain nombre de pièces pour établir la chronologie des gestes posés par l’employeur et les griefs déposés par le plaignant en réaction à ceux-ci. Ces pièces sont les suivantes :

1) Pièce 10 - Le grief sur le conflit d’intérêts déposé par le plaignant le 30 octobre 2006 en réponse à l’ordonnance de l’employeur, le 20 octobre 2006, de cesser toutes ses activités extérieures.

 

2) Pièce 11 - Une suspension de 10 jours imposée au plaignant par l’employeur, le 22 février 2007, pour avoir fait fi des instructions qui lui ont été données le 22 juillet 2004 et de l’engagement qu’il avait pris auprès de l’employeur le 13 août 2004.

 

3) Pièce 12 - Un grief déposé par le plaignant en date du 27 février 2007 contestant la suspension de 10 jours.

 

4) Pièce 13 - Une suspension de 20 jours imposée au plaignant par l’employeur, le 5 mars 2008, pour avoir fait fi des instructions qui lui ont été données le 5 novembre 2003, le 22 juillet 2004, le 20 octobre 2006, le 3 janvier 2007 et le 15 mars 2007.

 

5) Pièce 14 - Un grief déposé par le plaignant en date du 13 mars 2008 contestant la suspension de 20 jours.

 

6) Pièce 15 – La réponse au dernier palier de l’employeur en date du 12 mai 2008 rejetant le grief sur la suspension de 10 jours.

 

7) Pièce 5 - La lettre de licenciement du plaignant, datée du 17 juin 2008.

 

8) Pièce 18 - Un grief déposé par le plaignant sur le harcèlement continu où il conteste son licenciement.

 

9) Pièce 19 – La réponse au dernier palier de l’employeur en date du 19 janvier 2010 rejetant les griefs sur le conflit d’intérêts, la suspension de 20 jours et le licenciement du plaignant.

 

[35]  En contre-interrogatoire, le plaignant s’est fait poser un certain nombre de questions relativement à la production de copies de factures pour l’employeur. Dans la pièce 4, qui est une lettre de l’employeur datée du 23 mai 2008, le plaignant s’est fait ordonner de cesser et d’abandonner tout emploi extérieur et, au paragraphe 3, de divulguer toutes ses activités extérieures à titre d’évaluateur. Le plaignant a reconnu que l’employeur n’avait jamais expressément demandé des factures de ses clients, mais qu’au cours de discussions avec son employeur, il a été découvert qu’il avait exploité une entreprise d’évaluation d’entreprises depuis 1999. Cette question ne constituait pas un conflit par le passé, et l’employeur avait donné son approbation. Quand l’employeur lui a ordonné pour la première fois de cesser et d’abandonner ses activités commerciales, le plaignant a répondu par écrit qu’il acceptait, mais il a demandé des détails à l’employeur sur le conflit. L’employeur n’ayant pas répondu, le plaignant a annulé son engagement de cesser et d’abandonner ses activités, et l’employeur a lancé le processus disciplinaire. Selon le plaignant, l’employeur aurait pu vouloir accéder à ses factures pour établir qu’il travaillait alors qu’il était en congé de maladie autorisé.

[36]  Le plaignant a également été interrogé au sujet du projet d’entente de licenciement avec l’employeur. Il a tenté de négocier un licenciement pour motifs médicaux avant d’avoir de graves problèmes de dos. Il a mentionné que cette question ne s’appliquait aucunement à la question des activités commerciales après les heures de travail, quoique le syndicat se soit intéressé à cette question par l’intermédiaire de M. Rafferty. Le plaignant a déclaré que la décision relative au licenciement lui appartenait, mais qu’il devait le faire avant sa chirurgie pour protéger son assurance pour blessure grave. L’employeur travaillait à ce dossier avant la chirurgie du plaignant.

[37]  D’après le plaignant, l’employeur avait deux stratégies différentes. D’une part, il collaborait avec lui pour le licencier pour incapacité de manière à ce qu’il soit admissible à l’assurance-invalidité tout en conservant son assurance médicale et son assurance-vie et, d’autre part, l’employeur travaillait dans le but de licencier le plaignant avec motif.

[38]  Au cours de cette période, l’employeur a tenté de déterminer le travail que faisait le plaignant à l’extérieur. Le plaignant a dit à l’employeur qu’il avait mis fin à toutes ses activités professionnelles extérieures. L’employeur n’était pas convaincu et l’a licencié ultérieurement.

[39]  En novembre 2010, la défenderesse a pris en charge son dossier. L’une des premières questions qui préoccupait le plaignant était celle du secret professionnel de l’avocat. Il a déclaré qu’au cours d’une réunion tenue au cabinet de la défenderesse en novembre, elle lui avait dit qu’elle était [traduction] « avocate et que telles étaient les règles ». Il a souligné que ce sujet était à l’ordre du jour de chaque rencontre et qu’il y avait eu de nombreuses réunions. Il n’était pas en mesure de fournir des notes ou des dates de réunions. Le plaignant a déclaré que c’est ce qu’il avait compris du secret professionnel de l’avocat avec M. Rafferty et que c’est ce qu’il désirait avec la défenderesse.

[40]  Elle lui a demandé des renseignements en novembre 2010 pour préparer son audience d’arbitrage d’avril 2011. Il n’a fourni ces renseignements que le 30 mars 2011. Il a affirmé que tous les documents demandés se trouvaient déjà dans le dossier du syndicat; il n’avait toutefois pas soumis les factures pour 2007 ou 2008. L’employeur avait demandé ces renseignements avant l’audience d’arbitrage.

[41]  Il croyait que l’employeur voulait obtenir les factures pour établir l’existence d’un conflit d’intérêts.

[42]  La situation a empiré lorsque le plaignant a dit à la défenderesse qu’elle ne devait acheminer aucune facture à l’employeur. Quand elle a répondu qu’elle devrait se récuser du dossier en raison de ce refus, le plaignant a réitéré qu’elle ne devait pas fournir les factures à l’employeur.

[43]  Le 31 mars 2011, le plaignant a répondu ce qui suit à la défenderesse (pièce 6, page 4) :

[Traduction]

[...]

Bien sûr que je parle des factures! Réfléchissez à vos propos : vous leur donnerez mes factures, mais non mes déclarations de revenus. Ils ont déjà mes déclarations de revenus!! Les deux suspensions ne sont pas pertinentes à mes factures. À l’époque, j’avais admis de mon propre gré à l’ARC que je travaillais ou que je travaillerais. J’ai été suspendu pour ce geste, et non en raison de la nature du travail que je faisais, c’est pourquoi ils ne voulaient pas les factures ni n’avaient besoin de celles-ci. Il semble maintenant que vous tentez d’utiliser les factures pour régler leur problème de licenciement, qui n’est pas relié. Oui, il serait préférable que vous vous récusiez du dossier, et ce, nonobstant la position impossible dans laquelle cette situation me place. Vous savez aussi bien que moi que vous êtes la seule personne compétente dans ce bureau. Vous pouvez demander un ajournement si vous le désirez, mais je crois qu’il serait préférable que vous fassiez valoir que je devrais me représenter moi-même dans le cadre de cet arbitrage.

[...]

[44]  La défenderesse a répliqué qu’elle continuerait à représenter le plaignant s’il remettait les factures à l’employeur, mais cette réponse ne l’a pas satisfait.

[45]  Il s’en est suivi un échange de courriels confirmant que la défenderesse demeurait sa représentante, mais demandant au plaignant d’indiquer clairement qu’il voulait se représenter lui-même.

[46]  Le plaignant a répondu ce qui suit le 31 mars (pièce 22, au paragraphe 5) :

[Traduction]

[...]

[...] lorsqu’une avocate menace de se récuser, cela signifie que la relation a dégénéré et […] qu’elle veut le faire; il y a perte de confiance des deux côtés. Par conséquent, vous avez déjà pris la décision et je dois l’accepter. Veuillez donc préparer les documents requis en vue de l’autoreprésentation; je crois qu’il serait prudent de procéder à une remise de l’audience à ce stade, car j’ai besoin d’une divulgation et je dois me familiariser avec le processus que j’entreprends. [...]

[...]

[47]  La défenderesse a continué d’insister sur la question de l’obtention de directives écrites claires, et le plaignant a continué d’affirmer avec insistance qu’il se représentait maintenant lui-même à la suite de la récusation de la défenderesse.

[48]  Le plaignant s’est fait demander s’il croyait à l’époque qu’il perdait le contrôle de son litige et s’il voulait orienter ou contrôler le processus. Il a répondu qu’il voulait mettre ses compétences au profit du dossier. Les questions de titre professionnel sont très techniques. Il ne pouvait faire confiance à la défenderesse en ce qui concerne ses intérêts supérieurs. Il voulait décider de ce qui était pertinent.

[49]  Le plaignant a convenu que M. Rafferty et lui-même avaient déjà eu leurs différends et qu’il y avait eu beaucoup de va-et-vient relativement à leurs préoccupations. Une stratégie avait été élaborée pour un autre grief, puis M. Rafferty a quitté. Mme Sullivan préconisait une approche différente, soit celle de la [traduction] « volonté imposée ». Il y a eu des étincelles avec M. Rafferty. M. Rafferty avait élaboré les griefs. Le grief sur le conflit d’intérêts jetait les bases de la défense du plaignant; il estimait que la nature du travail n’était pas pertinente.

[50]  Le plaignant a convenu que M. Rafferty n’avait pas dit qu’aucun de ses travaux externes n’était pertinent. Il a également convenu que l’employeur croyait que ses travaux externes étaient pertinents. Le plaignant a reconnu qu’il s’agissait d’une question de conflit d’intérêts, et il a été licencié en raison de son refus de cesser et d’abandonner ses travaux externes.

[51]  Le plaignant a choisi de se représenter lui-même à la suite de la déclaration de récusation de la défenderesse. Il ne voulait pas que les factures soient divulguées. Quand Mme Sullivan a offert de ne pas se récuser si le plaignant fournissait les factures directement à l’employeur, le plaignant a eu l’impression de se faire tordre le bras. Il entendait les produire seulement si l’arbitre de grief lui ordonnait de le faire.

[52]  La question de l’autoreprésentation a été réglée lors d’un échange de courriels entre le syndicat et le plaignant (pièce 6) :

[Traduction]

1er avril 2011 9 h 24 – [de la défenderesse au plaignant

Veuillez m’indiquer quelle est votre décision aujourd’hui et, plus précisément, si vous allez continuer à refuser de me permettre de présenter vos factures à l’employeur.

1er avril 2011 9 h 53 – [du plaignant à la défenderesse]

Je ne comprends pas cette question, j’ai affirmé avec insistance dès notre première rencontre et dans toutes les communications orales et écrites par la suite qu’aucune facture ne devait sortir de votre bureau. L’information ne doit sous aucun prétexte être acheminée à qui que ce soit ni être partagée ou discutée avec qui que ce soit. C’est on ne peut plus clair.

1er avril 2011 12 h 11 – [de la défenderesse au plaignant]

J’ai relu, puis partagé vos courriels avec mes collègues. Nous sommes d’avis que vous ne m’avez pas dit assez clairement d’informer la Commission ou l’avocat de la partie adverse que je ne vous représente plus. Comme vous ne m’avez pas fait parvenir un courriel clair indiquant que vous choisissez de vous représenter vous-même et renfermant vos coordonnées à l’intention de la Commission, je présume que je demeure votre représentante et que nous allons de l’avant. Pour les motifs exposés dans la correspondance antérieure, je suis tenue par la loi de divulguer vos factures à l’avocat de la partie adverse parce que ce sont des documents qui s’appliquent de façon pertinente à l’objet de notre litige. Je vous verrai la semaine prochaine pour préparer notre audience.

4 avril 2011 10 h 16 – [de la défenderesse au plaignant]

De plus, je considère toute discussion avec vos collègues au sujet de mon dossier et toute discussion concernant nos conversations comme un abus de confiance. C’est une chose de discuter des répercussions de se récuser du dossier, mais vous ne pouvez aucunement discuter de quelque renseignement, sous quelque forme que ce soit, avec l’un ou l’autre de vos collègues. À partir du moment où vous vous êtes récusée, et où j’ai été contraint de me représenter moi-même, l’IPFPC n’a plus à connaître l’un ou l’autre de mes renseignements. À titre d’avocate, je sais que vous savez cela, mais j’ai besoin d’une confirmation de votre part dans une réponse au présent courriel que comme vous avez déclaré que vous deviez vous récuser du dossier dans le courriel daté du 31 mars 2011 (13 h 28), vous n’avez pas discuté, oralement, par écrit ou de toute autre façon, de mon dossier avec qui que ce soit.

4 avril 2011 10 h 16 – [de la défenderesse au plaignant]

Veuillez consulter mon courriel précédent au sujet du maintien de votre représentation par moi. Je m’attends à vous voir demain, sauf si je reçois un avis contraire de votre part.

4 avril 2011 10 h 51 – [du plaignant à la défenderesse]

Vous avez dit que vous vous récusiez du dossier. J’ai accepté. J’assumerai maintenant la responsabilité de me représenter moi-même. Je ne sais pas dans quelle mesure je dois clarifier cette situation. De plus, j’ai été clair en ce qui concerne le fait que vous NE DEVEZ ABSOLUMENT JAMAIS envoyer quelque facture que ce soit à quiconque. IL N’EST PAS NÉCESSAIRE DE SE RENCONTRER CETTE SEMAINE.

VEUILLEZ M’ENVOYER TOUTE L’INFORMATION QUE VOUS AVEZ EN VOTRE POSSESSION SUR MES GRIEFS. VEUILLEZ NE RIEN COMMUNIQUER AU SUJET DE MON DOSSIER À QUICONQUE, NOTAMMENT VOS COLLÈGUES.

4 avril 2011 11 h 24 – [de la défenderesse au plaignant]

Je demeure votre représentante jusqu’à ce que vous mettiez fin à notre relation. Je vous ai fait part de mes obligations en vertu de la loi. Veuillez m’informer de la façon dont vous voulez procéder.

4 avril 2011 12 h 07 – [du plaignant à la défenderesse]

Je l’ai déjà fait. Sauf si vous avez une formulation en particulier à l’esprit ou si vous préférez que ce soit écrit dans le ciel, c’est clair. En date de jeudi dernier, vous avez rompu la relation, vous vous êtes récusée et j’ai décidé de m’occuper du dossier moi-même. [...]

4 avril 2011 – 12 h 09 – [du plaignant à la défenderesse]

Je déposerai une plainte à l’IPFPC et au Barreau du Haut-Canada.

4 avril 2011 13 h 03 – [du plaignant à la défenderesse]

FIN DE LA RELATION

4 avril 2011 13 h 21 – [du plaignant à M. Phillips]

Comme nous en avons parlé au téléphone, j’aimerais me représenter moi-même dans le cadre de mes griefs en arbitrage. Je demande que vous vous assuriez que mon bureau local de l’IPFPC ait contacté l’employeur et ses avocates et pris des dispositions avec eux pour ajourner l’arbitrage comme mon ancienne représentante de l’IPFPC a dit qu’elle le ferait. Je demande également que vous informiez les intéressés que je me représenterai moi-même relativement à toutes les questions. [...]

7 avril 2011 6 h 38 – [de M. Phillips au plaignant]

[...]

Maintenant que j’ai reçu votre courriel, ci-après, je comprends que vous aimeriez vous représenter vous-même à l’audience de vos griefs qui devraient être instruits le 11 avril 2011.

[...]

Enfin, je devrais vous informer que bien que la Commission exige habituellement que le syndicat représente devant la Commission les fonctionnaires dont les griefs ont trait à l’interprétation et à l’application de la convention collective, dans les circonstances particulières de votre dossier, le syndicat est prêt à accepter que vous vous représentiez vous-même relativement au grief qui concerne l’article sur les « activités extérieures » de la convention collective et en informera la Commission. Quant à vos autres griefs, [...]

7 avril 2011 – 10 h 24 – [du plaignant à M. Phillips]

Je vous remercie de votre aide relativement à cette affaire. Je vous demanderais que tous les documents qui ont trait au présent dossier me soient acheminés. Ces documents comprennent toute la correspondance interne et externe sur mes griefs de 2005 à maintenant.

[Sic dans l’ensemble]

[53]  Le 6 avril 2011, la défenderesse a écrit à la Commission pour l’informer de la demande du plaignant de se représenter lui-même. Elle a également mentionné ce qui suit :

[...] le syndicat constate qu’il s’agit d’un grief ayant trait à l’interprétation et à l’application de la convention collective, notamment la clause 46.01 de la convention collective. Le syndicat a approuvé la présentation de ce grief, a représenté M. Cavanagh tout au long de la procédure de règlement du grief et a renvoyé le grief à l’arbitrage. Le syndicat approuve la décision de M. Cavanagh de se représenter lui-même dans le cadre de l’arbitrage de ce grief. 

[54]  Le 8 avril 2011, la Commission a écrit au plaignant pour l’informer du rejet des griefs dans les termes suivants :

[Traduction]

[...]

Un employé ne peut procéder à un arbitrage de grief dans ce type d’affaire sans le soutien de l’agent négociateur. Le retrait du soutien de l’agent négociateur et de sa représentation, dans ce cas, est considéré comme un retrait du grief. Cette démarche a pour but d’informer les parties qu’il est mis fin à l’instance et que le dossier est fermé.

[...]

[55]  Par la suite, dans la décision 2014 CRTFP 21 rendue le 21 février 2014, il a été confirmé que le plaignant ne pouvait pas se représenter lui-même dans son grief sur la convention collective. Le plaignant ne comprenait pas les conséquences de son projet de se représenter lui-même et il n’a pas questionné M. Phillips à ce sujet dans sa réponse du 7 avril 2011. Il a déclaré que s’il avait su qu’il ne pourrait pas procéder sans représentation syndicale, il aurait probablement demandé un représentant différent en raison de la perte de confiance. Il a indiqué que la Commission lui avait dit qu’il devait être représenté par le syndicat, mais que le syndicat ne voulait pas le représenter.

[56]  En réinterrogatoire et à l’étape des conclusions finales, le plaignant a déclaré que les griefs étaient à la fois stratégiques et techniques. Un autre membre de l’IPFPC avait déposé un grief dans une situation similaire et élaboré une stratégie avec M. Rafferty, qui était responsable de toutes les réponses. Le plaignant a préparé certaines de ses propres réponses, et M. Rafferty a préparé les autres; ils ont collaboré. Le plaignant s’est occupé du volet technique, et M. Rafferty du volet syndical. M. Rafferty a signé certains griefs pour le compte du plaignant. Au fur et à mesure que la défenderesse a progressé dans le dossier, il est apparu que les factures constituaient le point en litige. À leur première réunion, le plaignant lui a dit qu’il voulait que ses clients soient protégés. Les factures n’étaient pas pertinentes et relevaient de sa vie personnelle. Il a déclaré : [traduction] « le syndicat contrôlait le dossier, je ne tenais pas les rênes ».

[57]  La défenderesse a témoigné pour son propre compte. Elle est responsable de donner quotidiennement des conseils et de l’aide lorsque le syndicat décide que la représentation est justifiée, notamment de donner des conseils sur toute décision de mettre fin à la représentation.

[58]  La défenderesse est une ART. Elle a déclaré qu’elle n’est la conseillère juridique d’aucun membre de l’IPFPC.

[59]  Un conseiller juridique demanderait d’abord une somme versée à titre d’acompte. Le client donnerait des instructions, les communications seraient visées par le secret professionnel, et le secret professionnel de l’avocat s’appliquerait et aurait une valeur sacro-sainte. Il n’y aurait aucune divulgation sans instruction du client. Le conseiller juridique ne peut être assigné à comparaître.

[60]  En sa qualité d’ART, la défenderesse est nommée pour représenter un membre de l’IPFPC. Le membre de l’IPFPC ne peut choisir qui sera nommé. Il ou elle pourrait demander un changement de représentant, mais il ne s’agit pas d’un droit. Le syndicat envisage les changements de manière équitable et étudie les circonstances de la demande.

[61]  À titre d’ART qui travaille pour un syndicat, et non pour un client, la défenderesse n’est pas visée par la Loi, et le secret professionnel de l’avocat n’existe pas.

[62]  La défenderesse a déclaré qu’il n’y avait eu aucune discussion sur le secret professionnel. Si le plaignant avait posé des questions au sujet du secret professionnel, elle lui aurait demandé quel était le but de ses questions. Une telle discussion aurait pu donner lieu à des conséquences.

[63]  Dans un courriel daté du 31 mars 2011, la défenderesse a expliqué que les règles du litige prévoient que les documents pertinents doivent être fournis à l’employeur au besoin.

[64]  La défenderesse a assumé la responsabilité du dossier en novembre 2010 à la demande de M. Rafferty, qui lui a dit que le plaignant ne semblait pas heureux de ses services. M. Rafferty s’apprêtait à prendre sa retraite, et une vision nouvelle aurait pu être bonne pour le plaignant. Les griefs avaient tous été renvoyés à la Commission, mais il n’avait pas encore été décidé formellement de procéder sur le fond.

[65]  La défenderesse s’est fait demander d’évaluer s’il convenait d’instruire l’affaire. Elle a rencontré le plaignant au début de décembre 2010 et a eu de la difficulté à entrer dans le vif du sujet. Elle a demandé des renseignements pour effectuer l’évaluation. Elle a envoyé des courriels de suivi pour obtenir de l’information. Elle a demandé des renseignements sur les revenus externes. Elle n’a obtenu aucune corroboration. Ils se sont rencontrés à nouveau à la fin de janvier 2011, mais il était toujours difficile d’obtenir des réponses aux questions.

[66]  La défenderesse s’est alors entretenue avec M. Rafferty et lui a dit qu’elle ne disposait pas de suffisamment de renseignements pour réaliser une évaluation adéquate. M. Rafferty a proposé qu’elle aille de l’avant avec ce que le plaignant voulait relativement au grief sur le licenciement et qu’elle continue à obtenir des renseignements par courriel.

[67]  Dans un échange de courriels avec les représentants de l’employeur, en prévision de l’audience à venir, le syndicat a demandé la divulgation de certains documents pertinents. Dans sa réponse, l’employeur a également demandé des documents, et c’est alors qu’il y a eu rupture dans les relations entre les parties à cette plainte.

[68]  L’employeur a demandé d’obtenir [traduction] « […] l’ensemble des factures, états de compte, notes et autres documents connexes du fonctionnaire et/ou de son entreprise pour les années 2003 à 2008 inclusivement » (pièce 20).

[69]  Quand la défenderesse a transmis cette demande au plaignant, il a répondu qu’il ne voulait pas que les documents soient remis à l’employeur, et qu’il considérerait cela comme un abus de confiance. Il n’avait fourni ces documents qu’au syndicat et ne s’attendait pas à ce qu’ils soient communiqués à l’employeur (pièce 6, page 5).

[70]  La défenderesse a répondu qu’à moins qu’il ne l’autorise à remettre les documents, elle devrait se récuser du dossier et formuler une recommandation à l’IPFPC sur la question de savoir s’il convient de procéder compte tenu du refus du plaignant de collaborer (pièce 6, page 5).

[71]  M. Rafferty a de nouveau été consulté. Il a recommandé que la représentation soit maintenue, mais a ajouté que le plaignant devrait peut-être être informé qu’il devait fournir les factures à l’employeur lui-même. La défenderesse devait poursuivre son échange de courriels avec le plaignant à moins qu’il envoie un message de « fin de la relation » au syndicat.

[72]  Des courriels ont été échangés, mais le syndicat a continué de représenter le plaignant. Le syndicat a demandé la corroboration que le plaignant exigeait clairement et de façon non équivoque de se représenter lui-même et a conclu que ses réponses, qui continuaient à laisser sous-entendre que la défenderesse avait rompu le lien de représentation en se récusant, n’étaient pas satisfaisantes. Ce n’est que le 4 avril 2011, dans un courriel envoyé à M. Phillips, que le plaignant a pour la première fois avisé le syndicat d’une façon qui satisfaisait ce dernier.

[73]  Il y a eu une conférence téléphonique entre la défenderesse, M. Rafferty, M. Phillips et trois conseillers juridiques de l’IPFPC. Pendant la conférence, la défenderesse et M. Rafferty ont parlé des difficultés relatives à la représentation du plaignant. Les courriels récents ont été passés en revue. Les avocats ont accepté l’approche qui était alors actuelle. Le plaignant devait collaborer pour être représenté.

[74]  Pendant la conférence téléphonique, un courriel a été reçu du plaignant dans lequel il demandait de se représenter lui-même dans le cadre de ses griefs. Le courriel a été acheminé aux avocates.

[75]  Les avocates ont alors informé les personnes qui ont pris part à la conférence téléphonique que le plaignant avait pris une décision.

[76]  Le syndicat devait alors informer la Commission du changement de représentant, demander une remise d’audience pour accommoder le plaignant et informer l’employeur afin d’obtenir son consentement à une remise d’audience.

[77]  Le syndicat devait alors écrire au plaignant pour l’informer qu’il pouvait chercher un autre représentant.

[78]  Au cours de la discussion, il a été admis que comme l’un des griefs portait sur l’interprétation et l’application de la convention collective pertinente, il était possible que le plaignant ne puisse procéder sans l’approbation et la représentation de l’IPFPC. On s’est demandé si le plaignant pouvait continuer de se représenter lui-même adéquatement et s’il avait perdu l’occasion de présenter son grief sur l’interprétation de la convention collective. Il a été reconnu que la perte de cette occasion aurait pu être importante pour les autres griefs. Le syndicat a décidé d’écrire au plaignant et de l’informer que le syndicat appuierait sa décision de se représenter lui-même, que le syndicat n’avait pas d’autres préoccupations et qu’il tenterait d’élaborer un texte qui permettrait à la Commission d’instruire le grief.

[79]  M. Phillips est arrivé tardivement à la conférence téléphonique, car il discutait avec le plaignant. Le plaignant a appelé M. Phillips pour l’aviser qu’il ne voulait plus être représenté par le syndicat.

[80]  La défenderesse a alors préparé deux lettres. La première, destinée au plaignant, résumerait la conférence téléphonique et serait signée par M. Phillips. La deuxième devait être envoyée par M. Phillips à la Commission. Les lettres devaient être passées en revue par M. Rafferty et par l’avocate du syndicat avant d’être postées.

[81]  La défenderesse a témoigné qu’il était important d’informer le plaignant que la Commission pourrait ne pas approuver le geste du syndicat et d’identifier le risque accru pour le grief sur le conflit d’intérêts.

[82]  Dans la correspondance subséquente, des conseils ont été transmis au plaignant, mais cette information n’a pu être transmise au moment prévu, soit lorsque le syndicat a écrit à la Commission le 6 avril 2011. En raison d’un vice de fonctionnement du courrier électronique, le plaignant a été avisé seulement le 7 avril. La défenderesse a reconnu que le plaignant n’aurait pas nécessairement compris la conséquence de sa demande de se représenter lui-même avant le 8 avril, alors que la Commission lui a écrit au sujet de la fermeture du dossier de son grief portant sur un conflit d’intérêts pour absence de représentation syndicale.

[83]  Le plaignant a contre-interrogé la défenderesse. Elle a indiqué que même s’il pensait que le grief sur le conflit d’intérêts était au cœur de sa stratégie globale, le syndicat ne partageait pas son point de vue. Toutefois, ce grief était au cœur du désaccord entre M. Cavanagh et elle-même. Bien que le grief sur le conflit d’intérêts revêtait de l’importance pour le plaignant, dans les faits, il n’a pas cessé ni abandonné son travail externe et a fait fi des instructions répétées de l’employeur de le faire, ce qui a entraîné ses suspensions et son licenciement, au motif qu’il a enfreint le code de déontologie de l’employeur.

[84]  La défenderesse a témoigné qu’il n’avait pas été question du secret professionnel de l’avocat au cours de leur conversation initiale. Ultérieurement, ils ont échangé des courriels sur le secret professionnel de l’avocat dans la mesure où il s’appliquait aux documents et à la communication des documents en préparation du litige. Le plaignant a continué de se qualifier comme étant un client en cours de procédure, ce que la défenderesse a clairement nié dans son témoignage.

[85]  La défenderesse a également témoigné qu’elle ignorait que le plaignant travaillait à une autre entente avec l’employeur, laquelle entente prévoyait sa démission. M. Rafferty avait pris part à certaines de ces discussions, mais l’entente n’a pas été concrétisée pour un certain nombre de raisons.

[86]  La défenderesse a témoigné au sujet des factures en question et du fait qu’elle avait toujours de la difficulté à les obtenir et à se procurer d’autres renseignements du plaignant, ce qui nuisait à sa capacité de se préparer à l’arbitrage à venir, et à établir si les factures étaient pertinentes compte tenu de l’échéancier dont l’employeur se préoccupait. Les factures ont aidé la défenderesse à établir les périodes où le plaignant respectait les instructions de son employeur et celles où il ne les respectait pas. Il était important qu’elle dispose de tous les renseignements requis pour évaluer la force du dossier.

[87]  Les factures étaient pertinentes parce qu’elles traitaient de la nature du travail externe du plaignant. Il semblerait qu’il ait travaillé pendant des périodes de congé de maladie. Le plaignant a souligné que le travail aurait pu être effectué en dehors de ses heures de travail régulières ou les fins de semaine ou que les périodes de travail indiquées sur les factures étaient floues. Les factures étaient datées, mais elles n’indiquaient pas à quel moment le travail avait été effectué. Pour ce motif, il pensait qu’elles n’étaient pas factuellement pertinentes à la question.

[88]  La défenderesse a résumé la discussion tenue lors de la conférence téléphonique du 4 avril 2011. Le syndicat croyait que le plaignant pourrait se représenter lui-même dans les quatre griefs, même si l’un d’entre eux avait trait à l’interprétation et à l’application de la convention collective. Le syndicat écrirait alors à la Commission pour appuyer sa décision. Si la Commission ne l’autorisait pas, cela ne posait aucun préjudice, car il pourrait quand même aller de l’avant avec les trois autres griefs.

[89]  Mme Sullivan a déclaré qu’il arrivait que le syndicat retire son appui, même pour des questions touchant la convention collective. Toutefois, en l’espèce, c’est le plaignant qui a décidé de mettre fin à la relation. Il était devenu apparent pour Mme Sullivan qu’il ne collaborerait pas. Le syndicat aurait pu se retirer en raison de ce manque de collaboration, mais le plaignant a agi le premier.

[90]  Enfin, le plaignant a demandé pourquoi il n’avait pas été expressément informé qu’il ne serait peut-être pas autorisé à se représenter lui-même. La défenderesse lui a dit que cette question avait fait l’objet du courriel de M. Phillips daté du 7 avril 2011.

Résumé de l’argumentation

Motifs

[91]  Le plaignant a exposé les motifs de sa plainte. Il voulait que le syndicat reprenne son dossier en charge.

[92]  Selon le plaignant, sa relation avec le syndicat a été rompue en raison d’un manque de confiance à l’égard de la défenderesse.

[93]  Initialement, c’est M. Rafferty qui avait le dossier du plaignant. Ils ont travaillé ensemble, élaboré une stratégie et tenté de trouver une solution. Ils s’orientaient en ce sens lorsque l’ARC a commencé à se montrer très agressive en raison du refus du plaignant de suivre les instructions, ce qui a causé une rupture de la relation du plaignant avec M. Rafferty.

[94]  Quand la défenderesse a pris le relais, elle a nié avoir tous les renseignements nécessaires, mais ils étaient dans le dossier. Elle avait le dossier depuis quatre mois et n’avait réalisé aucun progrès. De même, elle ne suivait pas les conseils du plaignant relativement aux factures et jouait avec les mots en ce qui concerne les questions relatives au litige et au secret professionnel de l’avocat.

[95]  La défenderesse a eu recours à des tactiques de peur pour contraindre le plaignant à faire quelque chose qui mettrait nettement en péril son dossier et qui rendrait ses clients vulnérables. Il a allégué qu’elle avait tenté de l’intimider. Il lui a tenu tête et, par conséquent, a cessé de collaborer. Il ne permettait pas à son représentant de prendre son dossier en charge. Le syndicat a suscité de l’animosité en élaborant sa propre stratégie. Le plaignant a déclaré :

[Traduction]

[...]

Mme Sullivan ne comprenait pas ma stratégie, elle ne la saisissait pas. Je suis ici pour reprendre le contrôle de mon grief sur le conflit d’intérêts. Il jette les bases des autres griefs. C’était le premier grief et il devrait être instruit en premier. Je dois établir que l’employeur doit me fournir des motifs de cesser et d’abandonner mon travail externe. Une fois que ce sera fait, les autres griefs disparaitront parce que la mesure disciplinaire était inappropriée.

Le syndicat aurait dû me dire que je ne pourrais pas me représenter moi-même dans le cadre de mon grief sur le conflit d’intérêts; deux représentants m’ont dit que je pouvais le faire. L’avis ne m’a pas été donné en temps opportun, ni en langage direct. Ils savaient qu’ils étaient tenus de me le dire et ils ne l’ont pas fait.

C’est de la mauvaise foi; par conséquent, fournissez-moi un avocat de l’extérieur.

[...]

[96]  Le syndicat a fait valoir qu’il incombait au plaignant de démontrer qu’il avait été mal représenté, ce qu’il n’a pas fait.

[97]  Pour situer le tout en contexte, quatre griefs ont été déposés. En 2010, la défenderesse s’est vue attribuer les dossiers. À ce moment, aucune évaluation n’avait été préparée relativement au recours à l’arbitrage. Sa première tâche consistait à évaluer les dossiers.

[98]  Il s’agissait d’une lourde tâche. La défenderesse a eu de la difficulté à obtenir des faits, des renseignements et les documents nécessaires et pour lesquels elle avait fait plusieurs demandes. Les factures lui avaient été fournies seulement le 30 mars 2011, soit moins de deux semaines avant l’audience. Ils ne donnaient toujours pas un portrait clair de ce qui s’était produit ni du moment des événements. Elle n’était pas encore en mesure d’évaluer la situation en vue de présenter le meilleur cas.

[99]  Une partie de la tâche de la défenderesse consiste à conseiller les membres de l’IPFPC lorsque l’information peut se révéler problématique. Les dates des factures qui coïncidaient avec des périodes de congé de maladie auraient pu poser problème. La question du secret professionnel de l’avocat a ensuite posé problème et a nettement donné lieu à une rupture entre les parties. La défenderesse désirait obtenir de l’information concernant les factures pour évaluer la situation et le plaignant ne voulait pas que l’information se retrouve entre les mains de son employeur. Toutefois, elle faisait son travail. Elle recueillait toute l’information requise pour évaluer efficacement le bien-fondé de renvoyer l’affaire en arbitrage. Elle ne peut être prise en défaut sur ce point.

[100]  La question de la crédibilité s’est retrouvée à l’avant-scène. La position de la défenderesse est-elle plus crédible que celle du plaignant? Le plaignant a affirmé avec insistance qu’il déciderait tout sur le lieu, le moment et la nature de la divulgation de l’information.

[101]  Jusqu’à la date de l’audience, la défenderesse a continué à représenter le plaignant et à chercher à obtenir sa collaboration. La question établie par le plaignant était que la défenderesse s’était effectivement retirée à titre de représentante du plaignant lorsqu’elle lui a dit qu’elle devrait se récuser s’il refusait de lui permettre de divulguer les documents à l’employeur.

[102]  La défenderesse a discuté avec M. Rafferty et a tenu une conférence téléphonique pour évaluer la situation. Le syndicat a revu les courriels et les griefs. Il a examiné le fond de la conférence téléphonique Phillips-Cavanagh. Elle a établi que le plaignant ne voulait pas de représentation syndicale.

[103]  Le syndicat a alors obtenu une remise et a établi que le plaignant pourrait se représenter lui-même. Il a décidé d’écrire à la Commission pour l’informer de cette décision. Enfin, il a discuté des chances de succès du grief sur le conflit d’intérêts et de la façon dont cela affecterait les autres griefs du plaignant. Il s’inquiétait du fait que l’employeur avait allégué une inconduite remontant à 2003 et qu’il s’agissait d’un plus gros problème que celui du conflit d’intérêts.

[104]  Par mégarde, l’avis a été acheminé à la Commission avant que le courriel soit transmis au plaignant. Lorsque le plaignant a reçu le courriel, mais avant que la Commission écrive au plaignant, il n’a pas répondu au syndicat « Puis-je changer d’avis? », mais plutôt « Je vous remercie et je vous demanderais de me faire parvenir mes renseignements. »

[105]  Le plaignant a laissé entendre qu’il aurait peut-être travaillé plus fort s’il avait connu les conséquences; il aurait pu donner des instructions différentes. Manifestement, il continue de croire qu’il est un client et qu’il a le droit de donner des instructions à son représentant.

[106]  Il est difficile d’accepter que ses instructions auraient été différentes, et le syndicat n’accepte pas cette affirmation.

[107]  Après avoir étudié la jurisprudence, le syndicat m’a renvoyé à Baun c. Élément national de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 127 et Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, pour établir qu’il n’existe pas de droit absolu à la représentation continue et que si un membre du syndicat ne collabore pas, le syndicat peut refuser de continuer à le représenter.

[108]  Le plaignant désirait avoir le contrôle des questions en litige, afin de déterminer leur pertinence et dicter leur divulgation. Finalement, il n’a pas collaboré. C’est lui qui a décidé de se retirer. Il ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait.

Motifs

[109]  Le cœur factuel de ce conflit tournait d’abord autour de la question des factures. Le syndicat estimait que le plaignant était tenu de les divulguer pour deux motifs. Premièrement, le syndicat voulait les obtenir pour évaluer et préparer son dossier. Sur ce point, la position du syndicat était raisonnable et la preuve a démontré que le plaignant n’avait pas accepté ou refusé d’accepter la position du syndicat sur cette question. Le plaignant faisait plutôt valoir que le syndicat était un peu plus que sa marionnette. Comme il l’a lui-même soutenu dans son argumentation, il ne permettrait pas à son représentant de prendre son dossier en charge. Le syndicat était très préoccupé, tout naturellement, de l’instruction de son dossier sur la base de preuves incomplètes et en raison de l’intransigeance du plaignant, plus précisément en ce qui concerne une question comme le conflit d’intérêts et le travail externe. Il se disait également préoccupé, naturellement, par la question de savoir si le plaignant avait consacré des heures à son entreprise externe au cours d’une période de congé de maladie et il voulait voir les factures dans le but de traiter ce problème. Le plaignant connaissait les motifs pour lesquels le syndicat voulait qu’il divulgue les renseignements. Tel qu’il est souligné au paragraphe 11 de la présente décision, il a témoigné qu’il comprenait que la défenderesse voulait que les factures établissent la nature de son entreprise et les répercussions sur le grief sur le conflit d’intérêts. Le syndicat avait le droit d’examiner ces questions et de s’attendre à ce que le plaignant collabore à la préparation de ses griefs. Un syndicat n’est pas tenu de représenter chaque fonctionnaire en arbitrage et peut, à l’intérieur de certaines limites, choisir les dossiers qu’il représentera. Il peut en outre refuser de le faire si, par exemple, l’évaluation du fond du grief l’amène à conclure qu’il devrait se retirer de la représentation ou si un fonctionnaire refuse de collaborer avec lui.

[110]  Dans la présente affaire, je conclus que le syndicat se trouvait, en mars 2011, en position d’informer le fonctionnaire qu’il ne le représenterait plus en raison de son refus de collaborer. Les demandes de renseignements présentées par le syndicat s’étaient butées à un refus et à un retard de la part du plaignant. De plus, son attitude a établi clairement qu’il s’attendait à ce que sa défense lui incombe plutôt qu’au syndicat. Comme la convention collective était en litige et compte tenu de la responsabilité du syndicat à l’égard de l’unité de négociation dans son ensemble, il était raisonnable que le syndicat décide de retirer sa représentation, même si un tel retrait devait signifier que le fonctionnaire ne pouvait se représenter lui-même dans l’un de ses griefs. Toutefois, je conclus également que les conséquences d’une telle décision s’appliquent de manière pertinente à la question de la capacité du syndicat de décider de retirer sa représentation et je reviendrai à cette question plus loin dans les présents motifs. Pour l’instant, je conclus qu’en règle générale, le refus d’un fonctionnaire de collaborer avec son syndicat donnerait à celui-ci des motifs pour retirer sa représentation.

[111]  Le deuxième motif pour lequel le syndicat a estimé qu’il était tenu de divulguer les factures à l’employeur était son évaluation selon laquelle les factures étaient pertinentes dans la preuve contre lui. Toutefois, lors de ses discussions avec le plaignant, la question du secret professionnel de l’avocat s’est retrouvée au cœur des affirmations du plaignant. De fait, les deux parties ont longuement discuté de cette question à l’audience. Bien que l’évaluation du syndicat selon laquelle un arbitre de grief déciderait que les factures étaient pertinentes et qu’il n’y avait pas de secret professionnel de l’avocat entre le syndicat et le plaignant soit peut-être correcte, d’autres formes de secret professionnel, comme celui relatif au litige ou en matière de communications sur les relations de travail, pourraient bien être rattachées aux factures. De fait, le syndicat a soulevé la question de la possibilité du secret professionnel relatif au litige rattaché aux factures dans un courriel envoyé au plaignant en date du 31 mars 2011. Bien que la prétention de l’existence d’un secret professionnel ait pu donner au syndicat des motifs de contester la demande de divulgation de l’employeur, elle n’était pas nécessaire pour faire valoir qu’une forme quelconque de secret professionnel s’appliquait pour exclure les factures de la divulgation si une évaluation adéquate de la question l’amenait à croire que cette mesure ne procurerait pas le résultat souhaité ou ne serait pas dans l’intérêt de l’unité de négociation. Je conclus qu’en l’espèce, le syndicat a examiné la question de façon raisonnable et a conclu que la divulgation devrait avoir lieu; le syndicat était en droit de tirer cette conclusion. La représentante du plaignant connaissait les questions de fait dans son dossier, avait étudié les arguments du plaignant exprimés dans sa correspondance par courriel avec elle et avait tiré la conclusion qu’ils étaient pertinents aux questions soulevées entre le plaignant et son employeur et qu’une divulgation serait vraisemblablement ordonnée par un arbitre de grief. Le syndicat n’est pas tenu d’effectuer une évaluation correcte du bien-fondé de la question; l’évaluation doit être raisonnable et, en l’espèce, elle l’était.

[112]  La question essentielle dans cette affaire consiste à déterminer si le syndicat a renoncé à ses responsabilités envers le plaignant en violation de la Loi, en agissant comme il l’a fait sans d’abord l’informer expressément des conséquences possibles? Dans les circonstances particulières de la présente affaire, je conclus qu’il ne l’a pas fait. D’abord, je conclus que le retrait de la représentation ne constituait pas une surprise pour le plaignant. Le syndicat, dans un courriel en date du 31 mars 2011 (pièce 6, page 5), a informé clairement le plaignant qu’il retirerait sa représentation si le plaignant ne commençait pas à collaborer, quoiqu’il n’a pas énoncé clairement dans ce courriel les conséquences d’une telle décision de sa part. Malgré des mises en garde claires du syndicat selon lesquelles il ne continuerait pas à le représenter à moins qu’il modifie son approche, le plaignant n’est pas devenu plus collaborateur et a défendu sa position.

[113]  Je conclus également que la preuve a révélé que, quoi qu’il en soit, si le syndicat avait prévenu le plaignant des conséquences de son retrait de la représentation, une telle mise en garde n’aurait fait aucune différence dans l’attitude et dans le comportement du plaignant. Je conclus, en me fondant sur la preuve qui m’a été soumise, que le plaignant aurait conservé la même approche envers le syndicat et aurait déposé une plainte de pratique déloyale de travail plutôt que de modifier son comportement. De fait, dans la présente audience, il a clairement fait valoir que le syndicat devrait le représenter de nouveau, mais il n’a pas reconnu que son comportement devait également changer. En effet, dans son témoignage, il a déclaré qu’il estimait que le syndicat l’avait abandonné et qu’il avait « perdu le contrôle du processus ». Il n’a aucunement été reconnu que dans les cas de griefs soulevant une question d’interprétation ou d’application de la convention collective, c’est le syndicat qui est et qui doit être en contrôle. Dans son argumentation, il a soutenu que c’est lui et non le syndicat qui prendrait en charge le dossier. C’est la méprise du plaignant au sujet du rôle du syndicat dans cette affaire qui a mené à la rupture de la relation entre les parties et je conclus qu’il a conservé la même attitude à ce jour. Dans son argumentation, le plaignant a déclaré que la rupture de sa relation avec le syndicat a débuté lorsque l’ARC [traduction] « a commencé à se montrer très agressive en raison du refus du plaignant de suivre les instructions » sans reconnaître qu’il avait joué un rôle dans cette rupture. Il a également fait valoir que sa relation avec Mme Sullivan en particulier était à tout le moins houleuse, entre autres parce qu’elle [traduction] « ne suivait pas ses conseils relativement aux factures ». Même à ce jour, le plaignant continue de croire qu’il doit être responsable de son dossier et de toutes les décisions concernant sa présentation, ce qui reléguerait le syndicat à un rôle de simple mercenaire. Il a fait valoir que le syndicat avait élaboré [traduction] « sa propre stratégie » et qu’il avait résisté aux tactiques d’intimidation de la défenderesse en devenant peu coopératif. Tout cela m’amène à conclure que le plaignant continue de voir le syndicat comme un peu plus qu’une marionnette qui est tenue de poursuivre le dossier de la manière dictée par le plaignant. Bien qu’il se soit opposé à l’approche décrite comme celle de la [traduction] « volonté imposée » de Mme Sullivan, il n’a pas compris qu’il avait lui-même adopté une telle approche. Je conclus que c’est cette opinion de la part du plaignant qui a mené à la rupture de la relation et qu’il conserve cette opinion à ce jour.

[114]  Le plaignant est convaincu que le défaut du syndicat de déposer son grief sur le conflit d’intérêts signifie que la question du conflit d’intérêts et de son rôle dans son licenciement ne peut être abordée. Sur ce point, je crois qu’il a tort. Je devrais d’abord mentionner que je ne tire pas de conclusion sur les arguments qui peuvent ou non être défendus avant que l’arbitre de grief ne soit saisi du grief sur son licenciement. Premièrement, je ne suis pas saisi du grief et il serait, par conséquent, inapproprié de ma part de tirer une conclusion sur la question. Deuxièmement, les parties n’ont pas présenté d’argument sur la question devant moi. Toutefois, j’ai lu la lettre de licenciement (pièce 5) et elle énonce clairement que le fonctionnaire a été licencié parce qu’il a refusé de mettre fin à ses activités externes d’évaluateur d’entreprises compte tenu de l’affirmation de l’employeur selon laquelle de tels travaux constituaient un conflit d’intérêts. La question du conflit d’intérêts est au cœur de son licenciement et il me semble qu’elle sera au cœur de toute audience d’arbitrage sur le bien-fondé de son grief de licenciement. Bien qu’un grief fondé sur l’article de la convention collective portant sur les conflits d’intérêts puisse être nécessaire dans le cas d’un fonctionnaire qui a respecté l’ordonnance de l’employeur de mettre fin à son entreprise externe, mais qui désire contester cette ordonnance, tel n’est pas le scénario factuel en l’espèce. Dans la présente affaire, l’employeur accuse le plaignant de ne pas avoir mis fin à ses activités externes et il l’a licencié pour ce motif. Comme son licenciement est de nature disciplinaire et repose sur son soi-disant défaut de se conformer à l’ordonnance de l’employeur, la capacité de l’employeur de rendre cette ordonnance sera contestée devant l’arbitre de grief.

[115]  Même si ce n’était pas le cas, et si le droit du plaignant de faire valoir l’inexistence d’un conflit d’intérêts a pris fin avec le retrait du soutien du syndicat, la plainte demeurerait non fondée, car le syndicat a le droit de retirer sa représentation dans tous les cas qui s’inscrivent dans les limites du devoir de représentation équitable. Comme je l’ai déjà conclu, le retrait de la représentation d’un membre en raison de son manque de collaboration constitue un motif acceptable de refuser de le représenter et, en l’espèce, le syndicat avait même prévenu le plaignant qu’il le ferait dans son courriel du 31 mars 2011. Rien dans la preuve ne m’indique que le plaignant aurait modifié son comportement s’il avait averti que le retrait de la représentation par le syndicat se serait traduit par le retrait de son grief en vertu de la convention collective. De fait, j’en suis venu à la conclusion contraire et je crois résolument que rien n’aurait changé, même s’il en avait été prévenu.

[116]  Les parties ont consacré beaucoup de temps à la question de savoir qui a mis fin à la relation en premier. Le plaignant a soutenu, à l’audience et dans tous ses courriels, que le syndicat s’était effectivement retiré de sa représentation du plaignant, même si le syndicat, dans toute sa correspondance subséquente au plaignant, avait soutenu qu’il le représentait encore et qu’il continuerait de le faire jusqu’à ce qu’il reçoive des instructions expresses lui intimant de se retirer. Je conclus que la question de savoir qui a mis fin à la relation en premier n’est pas pertinente en l’espèce. Dans la présente affaire, il faut plutôt établir si le syndicat avait le droit de mettre fin à sa représentation du plaignant et s’il devait d’abord l’informer des conséquences de ce retrait. J’ai déjà conclu que peu importe qui a mis fin à la relation en premier, le syndicat était dans ses droits, en mars 2011, d’informer le plaignant qu’il ne le représenterait plus. J’ai également conclu que dans les circonstances de la présente affaire, le syndicat n’était pas tenu d’informer d’abord le plaignant des conséquences d’une telle mesure, en particulier parce qu’une telle mesure n’aurait rien changé.

[117]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


Ordonnance

[118]  La plainte est rejetée.

Le 28 mars 2014.

 

Traduction de la CRTFP

Michael F. McNamara,

une formation de la

Commission des relations de

travail dans la fonction

publique

 

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