Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté une suspension de 30jours ainsi que son licenciement - la suspension a été imposée parce que la fonctionnaire s’estimant lésée avait fait des appels interurbains à partir de son téléphone de bureau sans autorisation - le licenciement était le résultat de deux absences du travail - la fonctionnaire s’estimant lésée avait un dossier disciplinaire - elle avait également reçu des directives écrites sur les procédures à suivre si elle ne pouvait se présenter au travail; ces procédures indiquaient également que les appels interurbains personnels étaient interdits, sauf s’ils avaient été autorisés au préalable ou en cas d’urgence - la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir qu’elle avait été victime de discrimination fondée sur sa race (afro-canadienne) et ses activités syndicales - elle a allégué que certains de ses comportements à l’égard de sa superviseure pouvaient s’expliquer par des problèmes médicaux - l’arbitre de grief a jugé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait présenté aucune preuve à l’appui de son allégations qu’elle avait été victime de discrimination fondée sur la race ou l’activité syndicale - la fonctionnaire s’estimant lésée avait enfreint la politique claire de l’employeur sur les appels téléphoniques - même si le coût des appels était minime et qu’elle a reconnu sa responsabilité et remboursé le montant des appels, ce qui a atténué sa culpabilité, la fonctionnaire s’estimant lésée avait un dossier disciplinaire - l’arbitre de grief ne pouvait conclure que la suspension de 30jours n’était pas justifiée - en ce qui concerne ses absences, l’arbitre de grief a rejeté la prétention de la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il y avait au bureau une <<culture>> où il était permis de prendre congé sans avoir obtenu d’approbation au préalable - la preuve sur ce point n’était que du ouï-dire et, quoi qu’il en soit, le défendeur lui avait précisé qu’elle devait faire approuver ses congés au préalable - même si l’on pouvait affirmer que cette exigence était discriminatoire, ce que l’arbitre de grief a rejeté, elle n’avait pas la liberté d’y désobéir et elle aurait dû la contester en présentant un grief, ce qu’elle n’a pas fait - aucune preuve médicale n’étayait les allégations de problèmes médicaux de la part de la fonctionnaire s’estimant lésée - la mesure disciplinaire était justifiée dans le cas de la première absence de la fonctionnaire s’estimant lésée - en ce qui concerne la deuxième absence, l’arbitre de grief n’était pas convaincu que le défaut de la fonctionnaire s’estimant lésée de tenter de joindre sa superviseure constituait de l’insubordination - selon le principe des mesures disciplinaires progressives, la seule absence pour laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée pourrait être prise en défaut était suffisante pour justifier le licenciement. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-03-07
  • Dossier:  566-02-8101 et 8723
  • Référence:  2014 CRTFP 25

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DONNA REID-MONCRIEFFE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

défendeur

Répertorié
Reid-Moncrieffe c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Michael Bendel, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Pierre Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Toronto (Ontario), du 7 au 9 janvier 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

La fonctionnaire s’estimant lésée et les griefs

1 Donna Reid-Moncrieffe, la fonctionnaire s’estimant lésée, (la « fonctionnaire »), une fonctionnaire travaillant au bureau de Mississauga (Ontario) du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « Ministère »), a présenté six griefs qui ont été renvoyés à l’arbitrage. Dans quatre d’entre eux, elle a allégué qu’elle avait été victime de discrimination et de harcèlement. Un autre grief portait sur une suspension de 30 jours sans solde, et un autre encore sur son congédiement. Au début de l’audience, elle a retiré les quatre griefs concernant les prétendus actes de discrimination et de harcèlement.

2 La suspension de 30 jours sans solde, imposée à la fonctionnaire dans une lettre datée du 3 novembre 2011, était attribuable à des appels interurbains qu’elle avait faits de son bureau sans en avoir reçu l’autorisation. Le congédiement, qui lui a été imposé dans une lettre datée du 11 octobre 2012, était attribuable à deux absences du travail, la première le 13 septembre 2012 et la deuxième le 17 septembre 2012.

3 La fonctionnaire, âgée de 48 ans au moment de son témoignage, travaillait pour le Ministère (et son prédécesseur) depuis 1988. Elle avait commencé à y travailler en tant que commis. Au moment de son congédiement, elle occupait un poste d’agente de la citoyenneté des groupe et niveau PM-03. Son horaire de travail habituel était de 7 h 15 à 15 h 15.

4 Il existait déjà un dossier disciplinaire au nom de la fonctionnaire, mais tous les détails de celui-ci n’ont pas été présentés en preuve. Cependant, il a été indiqué qu’en avril 2010, elle avait été suspendue sans solde pendant 25 jours en raison de diverses inconduites décrites par les termes [traduction] « traitement préférentiel ou conflit d’intérêts ». Dans la lettre de suspension qui lui avait alors été envoyée, elle avait été informée du fait que [traduction] « […] une inconduite supplémentaire pourrait entraîner la prise de mesures disciplinaires plus sévères, pouvant aller jusqu’au licenciement ».

5 À son retour au travail le 4 octobre 2010, après sa suspension de 25 jours, la fonctionnaire a rencontré Maureen Lewis, sa gestionnaire, qui voulait [traduction] « réorienter [la fonctionnaire] au travail », pour reprendre ses propres mots. Mme Lewis a donné à la fonctionnaire une note de service dans laquelle étaient énoncées les attentes du Ministère à son égard. En voici un extrait :

[Traduction]

[…]

  • Un congé annuel est assujetti aux exigences opérationnelles et doit donc être demandé à l’avance.
  • Une demande de congé d’un autre type doit être conforme à la convention collective.
  • Si, lors de n’importe quel jour ouvrable, vous n’êtes pas en mesure de vous présenter au travail à l’heure ou que vous devez vous absenter sans que votre congé ait été approuvé au préalable, par exemple en cas de maladie ou de retard imprévu, vous devez déployer tous les efforts raisonnables possibles pour communiquer avec votre superviseure au 905[-XXX-XXXX]. Si elle ne peut prendre votre appel, vous devez déployer tous les efforts raisonnables possibles pour communiquer avec votre gestionnaire au 905[-XXX-XXXX]. Si vous n’arrivez à joindre aucune de ces personnes pendant les heures normales d’ouverture, vous devez laisser un message vocal détaillé dans lequel vous indiquez la raison de votre absence, la durée de celle-ci, le type de congé demandé et un numéro de téléphone auquel vous pouvez être jointe.

[…]

  • Toutes les consignes reçues de la gestionnaire et de la superviseure doivent être lues et suivies.

6 Le 4 janvier 2012, après le retour au travail de la fonctionnaire à la suite de sa suspension de 30 jours, Mme Lewis l’a rencontrée encore une fois pour l’aider à se réorienter au bureau. Elle a remis à la fonctionnaire une nouvelle note de service faisant état des attentes de l’employeur à son égard. La nouvelle note était plus longue et plus détaillée que la précédente, mais répétait une bonne partie du contenu de celle-ci. Soulignons que, dans la nouvelle note, la procédure que devait suivre la fonctionnaire si elle n’était pas en mesure de se présenter au travail était formulée d’une manière légèrement différente. Voici l’extrait de la nouvelle note portant sur cette procédure (nous avons souligné les ajouts faits à la version antérieure et barré les passages supprimés aux fins de la présente décision) :

[Traduction]

Si, lors de n’importe quel jour ouvrable, vous n’êtes pas en mesure de vous présenter au travail à l’heure ou que vous devez vous absenter sans que votre congé ait été approuvé au préalable, par exemple en cas de maladie ou de retard imprévu, vous devez déployer tous les efforts raisonnables possibles pour communiquer avec votre superviseure par téléphone avant l’heure à laquelle vous commencez habituellement votre journée de travail au 905[-XXX-XXXX]. Si elle ne peut prendre votre appel, vous devez déployer tous les efforts raisonnables possibles pour communiquer avec votre gestionnaire au 905[-XXX-XXXX]. Si vous n’arrivez à joindre aucune de ces personnes pendant les heures normales d’ouverture, vous devez laisser un message vocal détaillé dans lequel vous indiquez la raison de votre absence, la durée de celle-ci, le type de congé demandé et un numéro de téléphone auquel vous pouvez être jointe.

7 La nouvelle note de service indiquait également que [traduction] « les appels interurbains de nature personnelle sont interdits, sauf en cas d’urgences et à condition que votre superviseure ou gestionnaire vous en ait donné l’autorisation » [le passage en évidence l’est dans l’original]. La note contenait indiquait également ce qui suit : [traduction] « Tout manquement aux normes décrites ci-dessus entraînera la prise de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. »

8 La fonctionnaire est Afro-Canadienne et elle participait activement aux activités syndicales. Dans les griefs portant sur de prétendus actes de discrimination et de harcèlement, qu’elle a depuis retirés, elle alléguait que le traitement abusif dont elle avait été victime était attribuable à son origine ethnique et à ses activités syndicales, des raisons qui ont également été invoquées dans les griefs qui reste.

Dispositions de la convention collective

9 La convention collective applicable à la fonctionnaire était la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l’administration (tous les employés), qui vient à expiration le 20 juin 2014 (la « convention collective »). On a fait référence aux dispositions suivantes :

[…]

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

[…]

34.06 L’Employeur, aussitôt qu’il lui est pratique et raisonnable de le faire, prévient l’employé-e de sa décision d’approuver, de refuser, de modifier ou d’annuler une demande de congé annuel ou de congé d’ancienneté […]

[…]

35.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

a)       qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine;

et

b)       qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

35.03 À moins d’indication contraire de la part de l’Employeur, une déclaration signée par l’employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessure, il ou elle a été incapable d’exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise à l’Employeur, comme satisfaisant aux exigences de l’alinéa 35.02a).

[…]

Utilisation non autorisée du téléphone

10 Le 19 janvier 2011, Mme Lewis a envoyé un courriel aux membres de son personnel et aux juges de la citoyenneté travaillant au bureau de Mississauga au sujet de l’utilisation des téléphones du bureau. Ce message était ainsi rédigé :

[Traduction]

J’ai examiné la facture de téléphone de Bell et j’ai remarqué un certain nombre d’appels interurbains qui nous ont été facturés. Je comprends que nous devions souvent communiquer avec des clients et des collègues d’une autre région dans le cadre de nos activités, mais vous ne devez pas faire d’appels interurbains de nature personnelle au bureau.

Si vous devez faire un tel appel en raison d’une urgence, veuillez en informer votre superviseur.

Je distribuerai prochainement les parties de la facture associées à chaque numéro de téléphone et je vous demanderai de m’indiquer les appels de nature personnelle et ceux faits pour le travail.

11 Mme Lewis a déclaré qu’avant l’envoi de ce courriel, environ la moitié des destinataires de celui-ci avaient déjà utilisé les téléphones du bureau pour faire des appels interurbains de nature personnelle. Comme Mme Lewis devait approuver le paiement de la facture de téléphone du bureau, le commis aux finances avait porté l’affaire à son attention. Les appels de nature personnelle constituaient des dépenses dont la responsabilité incombait aux employés, et non au gouvernement du Canada. Il était contraire à la politique ministérielle d’utiliser l’équipement du gouvernement à des fins personnelles.

12 Pendant les mois ayant suivi l’envoi de son message, Mme Lewis a effectué un examen rapide des factures de téléphone pour voir si cette pratique inacceptable avait toujours cours.

13 Les factures de téléphone datées du 13 juillet 2011 et du 13 août 2011 ont permis de constater que 33 appels interurbains avaient été faits à partir du numéro de téléphone de la fonctionnaire pendant ces deux mois. Lorsqu’elle s’est fait montrer la facture, la fonctionnaire a reconnu que 32 des appels avaient été de nature personnelle, et qu’un seul avait été fait pour le travail. Il semble que les appels de nature personnelle aient coûté 6,90 $. La durée totale de ceux-ci était de 146,1 minutes.

14 Mme Lewis a affirmé que le non-respect des procédures par la fonctionnaire était pour elle une source de préoccupation. Après avoir consulté les Relations de travail, elle a rencontré la fonctionnaire. Celle-ci lui a dit que les appels avaient été faits en raison de deux situations urgentes de nature personnelle dont elle avait dû s’occuper à l’époque. La première avait trait au fait que sa fille allait fréquenter l’université à Hamilton (Ontario) et qu’elle devait donc lui trouver un logement. La seconde avait trait au fait qu’une de ses tantes habitant à Owen Sound (Ontario) était gravement malade. Mme Lewis, qui avait déjà été mise au courant de ces deux situations par la fonctionnaire, lui avait proposé de prendre congé pour les gérer.

15 La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait pas eu l’intention d’enfreindre la consigne de Mme Lewis. Une réunion entre les deux femmes avait eu lieu en juillet 2011; à cette occasion, la fonctionnaire avait informé Mme Lewis que sa fille irait à l’université à Hamilton et que sa tante était malade. Elle avait cru, à ce moment-là, que Mme Lewis lui avait donné l’autorisation de faire des appels interurbains à partir de son téléphone du bureau pour gérer ces deux situations, mais s’est aperçue par la suite qu’elle l’avait sans doute mal comprise. La fonctionnaire a ajouté qu’elle possédait un téléphone cellulaire, qu’elle aurait utilisé pour faire ces appels si elle avait su que le fait d’utiliser son téléphone du bureau posait problème. Lorsque Mme Lewis a porté la situation à son attention, la fonctionnaire lui a immédiatement donné un billet de 10 $ pour couvrir les coûts des appels. Toutefois, Mme Lewis lui a plutôt demandé de faire un chèque au nom du gouvernement du Canada, ce que la fonctionnaire a fait sans délai. Dans son témoignage, la fonctionnaire s’est excusée de son erreur.

16 Heidi Jurisic, directrice de la région du Grand Toronto – Ouest du Ministère, a été informée de la situation par Mme Lewis et a décidé de suspendre sans solde la fonctionnaire pendant 30 jours, une mesure que n’aurait pas pu prendre Mme Lewis. Mme Jurisic a indiqué qu’avant d’arriver à cette décision, elle avait tenu compte du fait que la fonctionnaire n’avait pas assumé la responsabilité des manquements ni exprimé de remords. Mme Jurisic avait également été frappée par le nombre d’appels de nature personnelle faits par la fonctionnaire. Elle a en outre déclaré que la fonctionnaire n’avait fourni aucune explication pour justifier pourquoi elle n’avait pas été en mesure de respecter la consigne reçue au sujet de l’utilisation du téléphone. Toujours selon Mme Jurisic, la fonctionnaire était la seule employée du bureau à avoir fait des appels interurbains de nature personnelle sans autorisation après le 19 janvier 2011, date à laquelle Mme Lewis avait communiqué la consigne à cet égard. Mme Jurisic a reconnu que la fonctionnaire avait remboursé le gouvernement pour ces appels. Elle a suivi le conseil des Relations de travail selon lequel, suivant l’échelle de gradation des mesures disciplinaires, la seule mesure possible entre une suspension de 25 jours et un congédiement était une suspension de 30 jours.

17 Voici un extrait de la lettre de suspension, datée du 3 novembre 2011 :

[Traduction]

[…]

Je suis convaincue que vous avez agi intentionnellement et que vous saviez ou auriez raisonnablement dû savoir que votre conduite était inappropriée et qu’elle constituait un manquement direct à la consigne de la direction.

Étant donné ce qui précède, j’ai conclu qu’une mesure disciplinaire importante est requise pour corriger votre comportement et empêcher d’autres inconduites éventuelles. Conformément aux principes de discipline progressive, j’ai décidé de vous suspendre sans solde pendant 30 jours […]

[…]

Veuillez prendre note que la présente constitue votre dernier avertissement et que toute autre inconduite mènera à votre licenciement.

Absence le 13 septembre 2012

18 L’après-midi du 31 août 2012, soit le vendredi précédant la fête du Travail, la fonctionnaire n’était pas au bureau. Le 30 août, elle avait rempli une demande de congé pour l’après-midi du 31 août, mais ne l’avait pas envoyée pour approbation avant 15 h 07. Geny Petraki, la superviseure de la fonctionnaire, a témoigné qu’à 15 h 07, le 30 août, elle (Mme Petraki) avait quitté le bureau, étant donné que son horaire habituel de travail était de 7 h à 15 h. Même si elle n’avait pas reçu l’approbation de sa demande de congé, la fonctionnaire a quitté le travail le 31 août plus tôt que l’heure à laquelle elle termine habituellement. Mme Petraki était d’avis que l’absence de la fonctionnaire le 31 août devait être considérée comme une absence non autorisée, qui avait été expressément interdite dans la note de service remise à la fonctionnaire et faisant état des attentes à son égard. Cependant, lors de discussions tenues avec les Relations de travail, il a été noté que la fonctionnaire avait pu se tromper quant à l’heure de départ du bureau de Mme Petraki et que, de ce fait, elle devait se voir accorder le bénéfice du doute. Mme Petraki a donc approuvé le congé, avec réticence, puis a envoyé un courriel à la fonctionnaire le 4 septembre, qui se lit comme suit :

[Traduction]

Bonjour Donna, comme vous le savez, je pars du bureau à 15 h tous les jours. Je n’ai pas pu approuver cette demande de congé, car vous me l’avez envoyée après mon départ et j’étais moi-même absente vendredi. Le fait de prendre congé sans approbation préalable constitue, comme vous le savez, un congé non autorisé. Cela dit, j’approuve votre congé à l’instant, mais je vous prie de prendre note du fait que si une telle situation venait à se produire de nouveau, je n’approuverai pas le congé.

Si je ne suis pas au bureau, faites savoir à Maureen [Lewis] que vous m’avez présenté une demande de congé que je n’ai pas pu approuver, et vous pourrez ensuite rediriger la demande vers elle pour la faire approuver avant votre absence.

Merci de l’attention que vous portez à la présente.

19 Le 13 septembre 2012, un peu plus d’une semaine après le courriel de Mme Petraki, la fonctionnaire s’est encore absentée sans autorisation. La veille, elle avait demandé une journée de congé annuel pour le 13 septembre en envoyant un courriel à Mme Petraki à 15 h 20, qui était ainsi rédigé : [traduction] « Je dois prendre un congé annuel demain, le 13 septembre 2012. Je suis désolée. Mon PeopleSoft ne fonctionne pas, et c’est pourquoi je vous présente une demande en version papier. »

20 PeopleSoft était le logiciel utilisé par le Ministère pour gérer les congés des employés. Comme la fonctionnaire avait été incapable d’y accéder l’après-midi du 12 septembre, elle avait envoyé un courriel à Mme Petraki et avait laissé la demande de congé en version papier sur le bureau de celle-ci.

21 Mme Petraki a affirmé qu’elle avait été stupéfaite de trouver la demande de congé de la fonctionnaire. Cette dernière avait été explicitement informée, le 4 septembre, que Mme Petraki quittait le bureau à 15 h et qu’un congé devait avoir été approuvé avant d’être pris. Mme Petraki a avisé Mme Lewis de la situation.

22 Mme Lewis a déclaré qu’elle était habituellement au bureau de 8 h à 16 h, et que la fonctionnaire aurait pu s’adresser à elle à 15 h 20 le 12 septembre pour faire approuver sa demande de congé. Il semble que la fonctionnaire n’ait pas tenté de joindre Mme Lewis cet après-midi-là. Après avoir consulté les Relations de travail, Mme Lewis a décidé qu’elle devait rencontrer la fonctionnaire pour discuter de ce dernier manquement. Elle avait l’intention de le faire le lundi 17 septembre, mais elle a eu l’impression que la fonctionnaire tentait d’éviter la rencontre. À l’insistance de Mme Lewis, la fonctionnaire a déclaré : [traduction] « Je ne peux pas participer à cette rencontre maintenant. Appelez mon avocat. »

23 Le 21 septembre, alors qu’elle n’avait toujours pas parlé à la fonctionnaire, Mme Lewis lui a envoyé un courriel pour l’aviser que son absence du 13 septembre serait consignée au dossier comme un congé non autorisé.

24 La fonctionnaire a déclaré qu’elle croyait, au moment où elle avait présenté sa demande de congé, que Mme Petraki travaillait jusqu’à 15 h 30. De toute façon, si PeopleSoft avait fonctionné sur son poste, sa demande aurait été envoyée à Mme Petraki avant 15 h. La fonctionnaire savait qu’il lui restait suffisamment de crédits de congé pour prendre cette journée. Elle n’était au courant d’aucun changement au sein du personnel ni d’aucun engagement qui auraient pu l’empêcher de prendre congé ce jour-là. Elle a ajouté qu’il lui était déjà arrivé par le passé de faire approuver des demandes de congé à court préavis.

25 La fonctionnaire a en outre indiqué que, selon la [traduction] « culture » du bureau, où elle avait travaillé 24 ans, un employé pouvait prendre congé s’il en avait fait la demande même sans avoir reçu une approbation préalable, à moins de s’être fait dire que l’employeur refusait la demande.

Absence le 17 septembre 2012

26 Autour de minuit dans la nuit du 16 au 17 septembre, la fonctionnaire a laissé un message vocal à Mme Petraki pour lui dire qu’elle ne serait pas au bureau le 17 septembre parce qu’elle était malade. Elle a aussi donné un numéro de téléphone où on pouvait la joindre.

27 Mme Lewis a décidé que cette demande de congé devait être considérée comme un congé non autorisé parce qu’elle n’avait pas été présentée selon la procédure exposée dans la note de service remise à la fonctionnaire faisant état des attentes à l’égard de celle-ci, procédure qui exigeait de la fonctionnaire qu’elle communique avec Mme Petraki ou Lewis avant l’heure à laquelle elle commençait habituellement sa journée de travail.

28 Mme Lewis a ajouté, lors du contre-interrogatoire, que la fonctionnaire aurait dû pouvoir respecter sans problème les exigences énoncées dans la deuxième note de service faisant état des attentes à son égard, à savoir qu’elle devait appeler avant l’heure à laquelle elle commençait habituellement sa journée de travail. Mme Lewis n’aurait pas été présente avant 8 h, mais Mme Petraki commençait à 7 h, avant la fonctionnaire, qui commençait à 7 h 15.

29 La fonctionnaire a déclaré qu’elle savait qu’elle devait demander un congé de maladie avant le début de sa journée de travail. Or, elle avait été malade cette nuit-là. Elle avait laissé un message à Mme Petraki à minuit. Elle n’avait pas réussi à s’endormir avant 4 h environ, et avait dormi jusqu’aux alentours de 13 h. À son avis, elle avait suivi le protocole donné dans la note de service faisant état des attentes à son égard. Elle n’a jamais eu l’intention d’enfreindre la consigne de l’employeur. Comme elle avait déjà occupé des fonctions de supervision, elle comprenait le point de vue de la direction sur des questions de ce genre. Dans son témoignage, la fonctionnaire a présenté ses excuses une nouvelle fois pour tout ce qu’elle aurait pu mal faire relativement à cette demande de congé de maladie.

30 La fonctionnaire a ajouté que, selon elle, le défendeur agissait de façon discriminatoire contre elle en lui imposant – à elle et à aucun autre employé – l’exigence selon laquelle elle devait signaler une absence pour cause de maladie avant l’heure à laquelle elle commençait habituellement sa journée de travail.

31 La fonctionnaire a également affirmé qu’elle reconnaissait maintenant qu’à l’époque, elle avait été aux prises avec des changements hormonaux, ce qui pourrait expliquer une partie du comportement antagoniste qu’elle avait adopté envers Mme Lewis même si elles se connaissaient depuis de nombreuses années et avaient toujours entretenu de bons rapports. Ces changements pourraient également expliquer une lettre qu’elle a envoyée à Mme Lewis le 10 octobre 2012, dont l’objet était [traduction] « Déclaration de la victime » et dans laquelle elle accusait sa superviseure de malhonnêteté et de harcèlement.

32 Un témoignage en faveur de la fonctionnaire a également été fait par Elaine Bower, une femme récemment à la retraite qui avait longtemps travaillé dans le bureau de la fonctionnaire et qui avait aussi été présidente de la section locale du syndicat. Mme Bower a déclaré qu’elle s’était déjà vu accorder un congé de maladie même si elle n’avait pas parlé à un gestionnaire ou à un superviseur avant l’heure habituelle de début de sa journée de travail. Elle a également affirmé que des employés, dont elle faisait partie, prenaient des journées de congé annuel à raison d’une journée à la fois sans avoir reçu d’approbation préalable, et qu’elle n’avait jamais entendu parler de mesures disciplinaires prises contre quelqu’un pour cette raison avant l’affaire de la fonctionnaire. Elle a toutefois reconnu qu’elle n’avait elle-même jamais eu de problème d’absentéisme et n’avait jamais fait l’objet d’une note de service faisant état des attentes à son égard.

33 Les absences non autorisées de la fonctionnaire des 13 et 17 septembre ont été portées à l’attention de la haute direction, et Robert Orr, sous-ministre adjoint (Opérations), a approuvé le congédiement de celle-ci. M. Orr avait été mis au courant de l’inconduite de la fonctionnaire. Il a conclu que celle-ci semblait être une personne incapable de prendre ses responsabilités ou de travailler au sein du système, et ce, malgré plusieurs avertissements non équivoques. Étant donné l’incapacité répétée de la fonctionnaire de respecter des consignes, M. Orr a conclu que les relations employeur-employé avaient été irrémédiablement brisées et que le défendeur ne pouvait plus lui accorder la confiance nécessaire.

Arguments des parties

34 L’avocat du défendeur a soutenu que les faits étaient simples et incontestés. La fonctionnaire a commis trois manquements à la discipline. Le défendeur a suivi les principes de la discipline progressive, et était donc pleinement en droit d’imposer une suspension de 30 jours suivie d’un licenciement. Les faits ont démontré de manière non équivoque que la fonctionnaire n’était pas disposée à suivre les procédures; pour cette raison, il était impossible qu’elle demeure une employée du Ministère.

35 En ce qui a trait au protocole exposé dans la note de service faisant état des attentes relatives aux demandes de congé de maladie, l’arbitre de grief a demandé à l’avocat du défendeur si ce dernier avait intentionnellement ajouté une condition à l’approbation de congé de maladie qui était incompatible avec la clause 35.02 de la convention collective. L’avocat a répondu que si la fonctionnaire avait l’impression que le protocole n’était pas conforme à la convention collective, elle aurait dû suivre la règle [traduction] « obéir d’abord, déposer un grief ensuite » plutôt que simplement y désobéir.

36 L’avocat du défendeur a renvoyé aux décisions suivantes : City of Calgary v. C.U.P.E., Local 37 (2010), 196 L.A.C. (4e) 225; Wentges c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2010 CRTFP 24; Pugh c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 123; Teti c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 112; Northwest Territories Power Corp. v. Union of Northern Workers (2004), 132 L.A.C. (4e) 275; Weyerhaeuser Co. (Drayton Valley Operations) v. United Steelworkers Local 1-207 (2007), 159 L.A.C. (4e) 56; Dearnaley c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossiers de la CRTFP 166-02-15008, 15009, 15154 et 15155 (19851101).

37 Le représentant de la fonctionnaire a souligné qu’en raison de la note de service remise à la fonctionnaire et faisant état des attentes à son égard, celle-ci devait se conformer à des normes plus élevées que les autres employés. Le représentant a fait valoir que la preuve appuyait la conclusion selon laquelle la fonctionnaire avait été victime de discrimination du fait de son origine ethnique, en violation de l’article 19 de la convention collective. Le défendeur ne devrait donc pas avoir le droit de se fonder sur les règles énoncées dans la note de service.

38 Selon le représentant de la fonctionnaire, le protocole énoncé dans la deuxième note de service faisant état des attentes relatives aux congés de maladie était aussi incompatible avec la clause 35.02 de la convention collective, une autre raison pour laquelle le défendeur ne devrait pas pouvoir se fonder dessus. Qui plus est, l’exigence selon laquelle la fonctionnaire devait prévenir Mme Petraki de toute absence pour raison de maladie était déraisonnable, étant donné que cette dernière ne commençait à travailler que 15 minutes avant la fonctionnaire; dans les meilleures circonstances, cet état de choses faisait en sorte qu’il était très difficile pour la fonctionnaire d’aviser Mme Petraki avant l’heure à laquelle sa propre journée de travail devait commencer.

39 Le représentant a également avancé que rien, dans les actes de la fonctionnaire, ne correspondait à la définition d’un [traduction] « incident déterminant ».

40 Le défendeur n’y était pas allé de main morte quant aux mesures disciplinaires prises contre la fonctionnaire, semblant plus enclin à la punir qu’à l’aider à corriger ses comportements problématiques. En ce qui a trait à l’utilisation du téléphone du bureau, en particulier, le défendeur aurait dû accepter l’explication de la fonctionnaire selon laquelle elle avait agi sur la foi d’un malentendu. Elle possédait son propre téléphone cellulaire, alors le défendeur n’avait aucune raison de ne pas accepter son explication selon laquelle elle croyait avoir eu l’autorisation d’utiliser le téléphone du bureau.

41 Pour ce qui est des journées de congé annuel prises avant que le congé ait été officiellement approuvé, le représentant a soutenu que la fonctionnaire avait agi dans l’esprit de la [traduction] « culture » du bureau, qui voulait que les employés puissent supposer que leur congé avait été approuvé à moins que le défendeur les en ait informés autrement.

42 La fonctionnaire devrait être réintégrée dans ses fonctions, selon son représentant. Il n’y a eu, en l’espèce, aucun mépris volontaire des consignes de la direction, seulement quelques malentendus possibles. La fonctionnaire n’a jamais contesté l’autorité de la direction. Le défendeur a fait de la microgestion dans cette affaire, comme s’il cherchait une occasion de prendre des mesures disciplinaires contre elle. Il est également fort probable que le comportement de la fonctionnaire ait été affecté par les changements hormonaux qui se produisaient chez elle à l’époque. L’arbitre de grief devrait réduire la sanction.

43 Dans ses arguments, le représentant de la fonctionnaire a renvoyé à Wentges; Pugh; City of Calgary; Lâm c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada), 2011 CRTFP 137.

Motifs

44 Tout d’abord, je tiens à faire observer que la fonctionnaire n’a présenté absolument aucun élément de preuve à l’appui de son allégation voulant que son origine ethnique ou sa participation aux activités syndicales aient servi de fondement aux décisions du défendeur relativement à la discipline. Tout ce dont je dispose à l’appui de cette allégation se limite aux simples affirmations de la fonctionnaire et de son représentant, qui ne suffisent manifestement pas à faire passer le fardeau au défendeur.

45 Passons maintenant à la question de savoir s’il y avait lieu de prendre une mesure disciplinaire contre la fonctionnaire au motif qu’elle avait utilisé le téléphone du bureau pour faire des appels interurbains de nature personnelle.

46 La fonctionnaire a fait 32 appels de ce genre pendant une période de deux mois, quelque six mois après avoir reçu le courriel de Mme Lewis informant les employés qu’ils devaient mettre un terme à cette pratique. En gros, l’explication donnée par la fonctionnaire dans son témoignage était qu’elle avait compris à tort que Mme Lewis lui avait donné l’autorisation de faire des appels interurbains à partir du téléphone du bureau et que, dès qu’elle avait compris son erreur, elle avait remboursé au défendeur la somme de 6,90 $ facturée par Bell.

47 Je suis convaincu que le fait de faire des appels interurbains à partir des téléphones de l’employeur sans autorisation constitue un manquement à la discipline, et ce, même si le fonctionnaire n’a pas reçu d’avertissement interdisant précisément cette pratique : voir, p. ex., Quigley c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), [1989] C.R.T.F.P.C. no 67, et Toronto Community Housing Corporation v. Toronto Civic Employees Union, Local 416 (Duncan grievance), [2012] O.L.A.A. 206.

48 Il est indéniable qu’il existe, en l’espèce, des facteurs qui tendent à réduire le degré de culpabilité de la fonctionnaire. Je pense particulièrement au montant peu élevé de 6,90 $ pour les appels en question, par comparaison aux montants de 13 000 $ pour les appels faits dans Toronto Community Housing Corporation, ou de 563 $ pour ceux faits dans Quigley, par exemple. Je pense aussi au fait que la fonctionnaire a tout de suite admis sa responsabilité à cet égard et a remboursé la somme due dès que l’affaire a été portée à sa connaissance.

49 S’il s’était agi d’un premier manquement à la discipline de la part de la fonctionnaire, il aurait été logique de s’attendre à une mesure disciplinaire sans grande conséquence, même au regard du courriel envoyé par Mme Lewis le 19 janvier 2011. Cependant, comme la fonctionnaire avait un dossier disciplinaire et que la plus récente sanction qui y figurait était une suspension de 25 jours, en avril 2010, il m’est impossible de conclure que la suspension de 30 jours sans solde imposée par Mme Jurisic était injustifiée.

50 Le congédiement a été imposé à la fonctionnaire après deux absences du travail.

51 La première absence est survenue le 13 septembre 2012. La fonctionnaire avait demandé un congé annuel pour cette date l’après-midi de la journée précédente. Elle avait envoyé sa demande de congé à sa superviseure, Mme Petraki, à 15 h 20; à cette heure-là, Mme Petraki avait déjà quitté le bureau. La fonctionnaire n’a jamais tenté de joindre Mme Lewis, sa gestionnaire, pour obtenir son approbation, et ce, même si Mme Lewis travaillait habituellement jusqu’à 16 h. Sans savoir si sa demande de congé avait été approuvée ou non, la fonctionnaire ne s’est pas présentée au travail le 13 septembre.

52 De l’avis du défendeur, l’inconduite de la fonctionnaire, soit le fait qu’elle ne s’était pas présentée au travail le 13 septembre, a été aggravée par deux facteurs. Premièrement, les notes de service sur les attentes à l’égard de la fonctionnaire qui lui ont été envoyées le 4 octobre 2010 et le 4 janvier 2012 visaient précisément à lui rappeler la nécessité de faire approuver toute demande de congé avant de prendre le congé. Deuxièmement, le 4 septembre 2012, soit un peu plus d’une semaine avant l’absence non autorisée, Mme Petraki avait réitéré ce message à la fonctionnaire et lui avait rappelé qu’elle quittait le bureau à 15 h.

53 De l’avis de la fonctionnaire, elle n’avait pas pu demander le congé à l’avance parce qu’elle avait eu des problèmes avec le système PeopleSoft utilisé à cette fin au Ministère. Elle a également essayé de se dégager de toute responsabilité relativement à cet incident en alléguant que la [traduction] « culture » du bureau était telle que les employés pouvaient prendre les congés demandés même lorsque les demandes présentées à cet effet n’avaient pas été approuvées, et en affirmant que des changements hormonaux se produisaient chez elle à cette époque-là.

54 Les excuses données par la fonctionnaire pour expliquer pourquoi elle n’a pas respecté l’exigence tout à fait sensée voulant que les employés obtiennent l’approbation des congés demandés avant de les prendre ne m’impressionnent guère.

55 Quant à la prétendue [traduction] « culture » du bureau, la preuve de son existence fournie par la fonctionnaire tenait uniquement à des ouï-dire. Le témoignage de Mme Bower, qui n’était pas entièrement constitué de ouï-dire, manquait tout de même de précision pour que je puisse trancher en faveur de la fonctionnaire sur cette question. Les témoins du défendeur n’ont même pas été questionnés par le représentant de la fonctionnaire au sujet de cette prétendue culture. Plus important encore, même si les employés avaient le droit, selon un accord tacite, de prendre des congés annuels sans qu’ils soient d’abord approuvés, le défendeur avait indiqué clairement à la fonctionnaire, dans les notes de service faisant état des attentes à son égard, qu’elle devait faire approuver toutes ses demandes de congé annuel à l’avance. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui expliquerait les raisons précises ayant amené le défendeur à imposer une telle exigence à la fonctionnaire. Toutefois, même si la fonctionnaire pouvait avoir l’impression que cette exigence était discriminatoire à son égard, elle ne m’a pas convaincu que c’était bien le cas et, de toute manière, elle ne pouvait pas simplement décider d’en faire fi. Elle aurait pu contester l’exigence au moyen d’un grief, mais ne l’a pas fait. Par conséquent, elle était tenue de respecter cette exigence, énoncée dans les notes de service faisant état des attentes à son égard.

56 La fonctionnaire a également affirmé qu’elle n’avait pas respecté cette exigence en raison de changements hormonaux qui se produisaient alors dans son système. Toutefois, à l’exception de son témoignage, aucun élément de preuve n’a été déposé pour soutenir cette affirmation. Si un employé a l’intention d’invoquer des problèmes de santé pour éviter des sanctions disciplinaires, il doit à tout le moins étayer sa cause au moyen d’éléments autres que son propre témoignage, préférablement des éléments de preuve médicale.

57 Je suis convaincu que la mesure disciplinaire prise contre la fonctionnaire pour avoir pris un congé non autorisé le 13 septembre était justifiée.

58 L’absence de la fonctionnaire survenue le 17 septembre 2012 était le dernier manquement pour lequel le défendeur lui a imposé une sanction disciplinaire. La veille, vers minuit, la fonctionnaire avait appelé et avait laissé un message vocal dans lequel elle disait qu’elle était malade et qu’elle serait absente pour la journée. Elle avait aussi donné un numéro de téléphone où on pouvait la joindre. Elle n’a pas tenté de parler directement à sa superviseure ni à sa gestionnaire avant l’heure à laquelle elle commençait habituellement à travailler, soit 7 h 15; ce faisant, elle a manqué à la condition suivante, énoncée dans la deuxième note de service faisant état des attentes à son égard :

[Traduction]

Si, lors de n’importe quel jour ouvrable, vous n’êtes pas en mesure de vous présenter au travail à l’heure ou que vous devez vous absenter sans que votre congé ait été approuvé au préalable, par exemple en cas de maladie ou de retard imprévu, vous devez déployer tous les efforts raisonnables possibles pour communiquer avec votre superviseure par téléphone avant l’heure à laquelle vous commencez habituellement votre journée de travail. Si elle ne peut prendre votre appel, vous devez déployer tous les efforts raisonnables possibles pour communiquer avec votre gestionnaire au 905[-XXX-XXXX]. Si vous n’arrivez à joindre aucune de ces personnes pendant les heures normales d’ouverture, vous devez laisser un message vocal détaillé dans lequel vous indiquez la raison de votre absence, la durée de celle-ci, le type de congé demandé et un numéro de téléphone auquel vous pouvez être jointe.

59 L’explication donnée par la fonctionnaire concernant son manquement à cette exigence était qu’elle avait été malade cette nuit-là. Elle avait laissé le message vocal à minuit, était tombée endormie à 4 h et avait dormi jusqu’à 13 h. Elle était d’avis que, dans ces circonstances, il aurait dû être conclu qu’elle avait agi conformément aux exigences énoncées dans la note de service. Je fais remarquer que le récit de la fonctionnaire concernant son état de santé et son sommeil cette nuit-là n’a pas été contesté lors du contre-interrogatoire.

60 Pendant la présentation des arguments, j’ai fait valoir à l’avocat du défendeur que, en exigeant de la fonctionnaire qu’elle appelle au bureau, le défendeur avait peut-être essayé d’ajouter une condition relative à l’autorisation des congés de maladie, ce qu’il, de toute évidence, n’avait pas le droit de faire. Les parties à la convention collective avaient précisé, à la clause 35.02 de la convention collective, les conditions qu’un employé doit respecter pour pouvoir prendre un congé de maladie, et le défendeur n’avait pas le droit d’imposer des exigences supplémentaires à cet égard à la fonctionnaire. Après réflexion, toutefois, il me semble que, bien que l’exigence d’appeler au bureau ne puisse en aucun temps être considérée comme une condition relative à l’autorisation des congés de maladie, le défendeur avait la latitude d’exiger, pour veiller à bien gérer son effectif, d’être informé en temps opportun du fait qu’un employé ne soit pas en mesure de venir travailler tel qu’il était prévu. Je fais remarquer qu’une conclusion similaire a été tirée dans Wentges.

61 L’exigence imposée à la fonctionnaire, dans l’éventualité où elle ne serait pas en mesure de se présenter au travail à l’heure, était qu’elle déploie tous les efforts raisonnables possibles pour parler à sa superviseure (Mme Petraki) ou à sa gestionnaire (Mme Lewis) avant l’heure à laquelle elle commençait habituellement à travailler. Les trois femmes commençaient toutes leur journée à des heures différentes : Mme Petraki à 7 h, la fonctionnaire à 7 h 15 et Mme Lewis à 8 h. Ainsi, la note de service faisant état des attentes à l’égard de la fonctionnaire exigeait d’elle qu’elle essaie d’appeler Mme Petraki entre 7 h et 7 h 15. Il est certes vraisemblable que la fonctionnaire ait été en train de dormir entre 7 h et 7 h 15 le 17 septembre si elle s’était finalement endormie à 4 h après être tombée malade cette nuit-là, comme elle l’a indiqué dans son témoignage. Même s’il peut paraître pratique, pour la fonctionnaire, d’avoir été endormie au moment critique, de sorte que je doive faire preuve de scepticisme à l’égard de son témoignage, je n’ai aucun motif valable de le rejeter.

62 Il est bien établi qu’un employeur ne peut prendre de mesure disciplinaire contre un employé pour cause d’insubordination, à moins de prouver que le manquement constituait un refus délibéré d’obéir à un ordre de la direction ou une tentative de porter atteinte à l’autorité de celle-ci : voir, p. ex., Volvo Canada Ltd. v. C.A.W., Local 720 (1990), 12 L.A.C. (4e) 129. Je ne suis pas convaincu que le fait que la fonctionnaire n’a pas tenté de joindre sa superviseure pendant la brève période de 7 h à 7 h 15 parce qu’elle dormait constitue de l’insubordination au regard de ce critère. En l’espèce, je ne peux conclure que la mesure disciplinaire prise contre la fonctionnaire au motif que celle-ci n’avait pas respecté l’exigence d’appeler au bureau était justifiée.

63 Le congédiement de la fonctionnaire était fondé sur ses absences non autorisées des 13 et 17 septembre 2012. J’ai conclu qu’une sanction disciplinaire était justifiée pour l’absence du 13 septembre, mais pas pour celle du 17. La question que je dois trancher est donc celle de savoir si, compte tenu du dossier disciplinaire de la fonctionnaire, le congédiement constituait une sanction adéquate pour l’absence du 13 septembre.

64 Je dois dire d’emblée qu’il semble probable, d’après la preuve, que la seule raison pour laquelle la fonctionnaire n’a pas été immédiatement congédiée après son absence du 13 septembre était qu’elle avait évité Mme Lewis, et que cette dernière n’avait réussi à la rencontrer qu’après l’incident du 17 septembre. Croyant que la fonctionnaire s’était absentée deux fois sans autorisation en septembre, le défendeur a décidé de considérer ces deux absences comme des motifs de congédiement.

65 Quoi qu’il en soit, même si j’ai tort sur ce point, je suis convaincu que le congédiement n’était pas une mesure trop sévère à la suite de l’absence non autorisée du 13 septembre. Seule, cette absence ne constitue pas un motif suffisant pour congédier un employé. Toutefois, comme j’ai confirmé la suspension de 30 jours imposée pour les appels interurbains non autorisés, il est impossible de conclure que le congédiement était déraisonnable. Selon le principe de la discipline progressive, il est justifié pour un employeur d’imposer des sanctions graduellement plus sévères à un employé si celui-ci commet des infractions successives à la discipline. Si l’employeur congédie l’employé, le bien-fondé du congédiement dépend de la totalité du dossier disciplinaire de l’employé, et non uniquement de la gravité de l’infraction déterminante. Après la suspension de 30 jours en novembre 2011, il ne peut être reproché au défendeur d’avoir congédié la fonctionnaire à la suite de l’incident du 13 septembre.

66 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

67 Les griefs sont rejetés.

Le 7 mars 2014.

Traduction de la CRTFP

Michael Bendel,
arbitre de grief

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