Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son licenciement pour incompétence, alléguant que le licenciement était discriminatoire, injustifié et qu’il était le résultat de mesures de représailles à la suite du dépôt d’autres griefs - lors du processus de renvoi à l’arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que son licenciement était de nature disciplinaire - l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour instruire et trancher le grief - le fonctionnaire s’estimant lésé était au courant de l’insatisfaction de l’employeur et avait fait l’objet de mesures visant à améliorer la qualité de son travail, sans succès - le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que l’évaluation de son travail par l’employeur n’était pas fidèle à la réalité ou conforme à la propre politique de l’employeur, et qu’elle était influencée par une intention disciplinaire - l’arbitre de grief a conclu qu’aucun élément de preuve n’avait démontré que l’employeur avait une intention disciplinaire - il n’avait pas compétence pour juger l’évaluation du travail du fonctionnaire s’estimant lésé par l’employeur - l’arbitre de grief a conclu qu’il ne pouvait associer le présumé manque de conformité de l’employeur envers sa propre politique à des intentions disciplinaires - le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté les allégations de mesures disciplinaires uniquement lors de sa deuxième tentative de renvoi à l’arbitrage. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-01-14
  • Dossier:  566-03-8321
  • Référence:  2014 CRTFP 4

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KOUASSI AGBODOH-FALSCHAU

fonctionnaire s'estimant lésé

et

COMMISSION CANADIENNE DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

employeur

Répertorié
Agbodoh-Falschau c. Commission canadienne de sûreté nucléaire


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
lui-même
Pour l'employeur:
Léa Bou-Karam, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), les 6 et 7 janvier 2014.

MOTIFS DE DÉCISION

I.  Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Kouassi Agbodoh-Falschau était vérificateur interne principal à la Commission canadienne de sûreté nucléaire (l’« employeur » ou la CCSN). Il a été renvoyé le 4 octobre 2012. L’employeur prétend qu’il s’agit d’un renvoi pour incompétence. Dans son grief, M. Agbodoh-Falschau allègue que son renvoi est discriminatoire et injustifié et qu’il s’agit de représailles faites à la suite d’autres griefs qu’il avait déposés précédemment. Le 15 mars 2013, M. Agbodoh-Falschau a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), c’est-à-dire comme une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

2 Le 28 février 2013, M. Agbodoh-Falschau avait déjà renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de d’alinéa 209(1)d) de la Loi. Le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « greffe ») lui avait alors retourné ses documents compte tenu que l’employeur ne faisait pas partie des organismes distincts désignés sous cet alinéa. Le 25 mars 2013, le greffe a accusé réception du renvoi à l’arbitrage du 15 mars 2013 du grief de M. Agbodoh-Falschau et a rappelé à ce dernier qu’il devait au préalable aviser la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) de son intention de soulever à l’arbitrage une question de droit de la personne s’il prévoyait le faire. M. Agbodoh-Falschau n’a pas fourni un tel avis à la CCDP et n’a pas soulevé de telles questions lors de l’audience de son grief en arbitrage.

3 Avant l’audience, l’employeur s’est opposé à la compétence d’une arbitre de grief d’entendre le grief car M. Agbodoh-Falschau y conteste son renvoi pour incompétence, ce qu’il ne peut faire à l’arbitrage en vertu de la Loi. Selon l’employeur, les dispositions 209(1)c)i) ou 209(1)d) qui portent sur l’arbitrage de griefs contestant le renvoi pour incompétence ne s’appliquent pas en l’espèce car M. Agbodoh-Falschau ne travaillait pas dans l’administration publique centrale et que l’employeur n’était pas un des organismes distincts dont il est question à l’alinéa 209(1)d) de la Loi.

II. Résumé de la preuve

4 M. Agbodoh-Falschau a témoigné. Il a aussi appelé Thomas Tobin à témoigner. Pour quelques mois en 2009 et 2010, il était le superviseur immédiat de M. Agbodoh-Falschau. L’employeur a appelé Marc Leblanc à témoigner. M. Leblanc est le secrétaire de la CCSN. Il a pris la décision de congédier M. Agbodoh-Falschau. Les parties ont déposé 36 documents en preuve.

5 M. Agbodoh-Falschau est comptable de formation. Il a été embauché au poste de vérificateur principal interne à la CCSN le 19 octobre 2009. Entre la date de son embauche et la fin janvier 2010, M. Agbodoh-Falschau se reportait à M. Tobin. Ce dernier a témoigné qu’il était pleinement satisfait du rendement de M. Agbodoh-Falschau au cours de la période où il l’a supervisé. Son travail était toujours bien fait et son comportement au travail était exemplaire. M. Tobin a réembauché M. Agbodoh-Falschau au sein de l’entreprise gouvernementale où il travaille actuellement. Il est tout à fait satisfait de son rendement.

6 Après le départ de M. Tobin de la CCSN, M. Agbodoh-Falschau a travaillé sous la supervision directe de Serge Campeau et Diane Lapierre et sous la direction de Joe Anton, le directeur de la vérification à la CCSN. La preuve documentaire déposée à l’audience et le témoignage de M. Leblanc révèlent que M. Anton ne partageait pas le point de vue de M. Tobin eu égard au rendement et à la performance au travail de M. Agbodoh-Falschau.

7 Le 15 novembre 2010, M. Anton a rencontré M. Agbodoh-Falschau pour discuter avec lui de son rendement pour la période d’avril 2010 à novembre 2010. La pratique de l’employeur à l’époque était de procéder à des évaluations verbales et relativement informelles du rendement. C’est ce qui a été fait avec M. Agbodoh-Falschau. Cependant, le 4 août 2011, M. Anton a rédigé a posteriori un compte rendu de cette rencontre tenue huit mois plus tôt. Le 25 mai 2011, M. Anton a de nouveau rencontré M. Agbodoh-Falschau pour discuter avec lui de son rendement pour l’exercice 2010-2011. Le 4 août 2011, M. Anton a rédigé a posteriori un compte rendu de cette rencontre. Les deux comptes rendus en question font état des points forts du rendement de M. Agbodoh-Falschau et de ses points à améliorer.

8 Le 4 août 2011, M. Anton a aussi écrit une lettre à M. Agbodoh-Falschau reprenant une série de points qu’il lui demandait d’améliorer au niveau de son rendement. M. Agbodoh-Falschau a reconnu que ces documents datés du 4 août 2011 lui ont été remis, mais il était en désaccord avec ce qui lui était reproché car, selon lui, il s’agissait de commentaires subjectifs qui ne reposaient pas sur des critères objectifs concrets et mesurables.

9 En octobre 2011, M. Anton a remis à M. Agbodoh-Falschau un plan d’action visant à améliorer son rendement. Ce plan d’action prévoyait une rencontre toutes les deux semaines entre M. Agbodoh-Falschau et Mme Lapierre, sa superviseure. Se disant toujours insatisfait du rendement de M. Agbodoh-Falschau, M. Anton lui fit parvenir une lettre le 21 novembre 2011 lui rappelant leurs discussions antérieures et lui indiquant que s’il ne satisfaisait pas aux exigences de son travail de manière satisfaisante, il pourrait être rétrogradé ou renvoyé pour incompétence.

10 Le 13 juin 2012, M. Anton a rencontré M. Agbodoh-Falschau et lui a fait part de l’évaluation qu’il faisait de son rendement pour l’année 2011-2012. Selon le rapport écrit soumis à l’audience, il conclut alors que M. Agbodoh-Falschau avait fait du progrès, mais que son travail ne satisfaisait pas aux exigences du poste qu’il occupe. Le 11 juillet 2012, M. Anton a informé M. Agbodoh-Falschau par écrit de son insatisfaction à l’égard de son rendement. Il lui a indiqué aussi que s’il ne satisfaisait pas aux attentes de son travail de manière satisfaisante avant le 30 septembre 2012, il serait rétrogradé ou renvoyé pour incompétence.

11 Le 4 octobre 2012, M. Leblanc a renvoyé M. Agbodoh-Falschau pour incompétence. Dans son témoignage, M. Leblanc a expliqué qu’il avait pris cette décision sur la base des renseignements au dossier, des rapports complétés par M. Anton et des discussions qu’il avait eues avec lui au sujet du rendement de M. Agbodoh-Falschau. M. Leblanc a témoigné qu’il avait une très bonne relation avec M. Agbodoh-Falschau, qu’il a d’ailleurs qualifiée d’amitié professionnelle. En réponse à une question en ce sens, il dit ne pas avoir agi pour des motifs disciplinaires. Selon lui, il s’agissait uniquement d’une question de rendement insatisfaisant.

12 M. Agbodoh-Falschau reconnaît avoir reçu les divers documents déposés par l’employeur en preuve eu égard à son rendement. Il reconnaît aussi que l’employeur a partagé avec lui ses préoccupations au sujet de son rendement, plus particulièrement à partir de l’été 2011. Il n’est cependant pas d’accord avec l’évaluation que l’employeur fait de son rendement qui, selon lui, était tout à fait satisfaisant.

13 M. Agbodoh-Falschau a déposé en preuve de la documentation qui fait état de la politique de l’employeur en matière d’évaluation du rendement. Selon cette politique, le rendement doit être évalué à partir d’objectifs de travail clairement établis et facilement mesurables. Or, selon M. Agbodoh-Falschau, ces éléments de la politique n’ont jamais été respectés par l’employeur.

14 M. Agbodoh-Falschau blâme aussi l’employeur d’avoir manqué à son devoir de lui donner une rétroaction régulière sur son travail, de ne pas avoir fait le suivi sur le plan d’action établi et de ne pas avoir réagi aux rapports hebdomadaires qu’il soumettait chaque semaine à partir de l’été 2012.

15 M. Agbodoh-Falschau croît que l’employeur avait des intentions disciplinaires. La décision de l’employeur de lui enlever, en novembre 2010, la flexibilité de 30 minutes qu’il avait au niveau de ses heures de début et de fin de travail, et le refus de lui accorder son augmentation d’échelon salarial, en octobre 2011, ajoutent d’ailleurs à sa croyance que l’employeur voulait le punir. Sur la question de l’augmentation salariale, M. Leblanc a expliqué que le refus de l’employeur était basé sur le fait que M. Agbodoh-Falschau avait un rendement insatisfaisant.

16 M. Agbodoh-Falschau a témoigné que l’employeur l’avait isolé, à partir de 2011, et ne lui avait pas fourni des attentes claires avec des objectifs précis en matière de rendement. Il a d’ailleurs déposé deux griefs en décembre 2011 contestant son évaluation du rendement et alléguant que l’employeur le harcelait. Il fut convenu de référer les deux griefs en médiation. La médiation n’a pas permis de régler les griefs. Par la suite, l’employeur n’a jamais répondu aux deux griefs.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour M. Agbodoh-Falschau

17 M. Agbodoh-Falschau prétend qu’il a été congédié pour des motifs disciplinaires. Il est clair pour lui que ses évaluations du rendement, dont certaines ont été complétées a posteriori ne reflètent pas la réalité. L’employeur a agi de mauvaise foi et il tente de camoufler un congédiement disciplinaire en utilisant comme prétexte le rendement insatisfaisant. M. Agbodoh-Falschau affirme d’ailleurs ne jamais avoir eu de problèmes de rendement dans aucun de ses emplois antérieurs ou postérieurs à la période où il a travaillé pour la CCSN.

18 L’employeur n’a jamais communiqué à M. Agbodoh-Falschau des objectifs de rendement clairs. À ce titre, l’employeur n’a pas respecté sa propre politique de gestion du rendement. Qui plus est, les plans d’action établis n’ont pas fait l’objet de suivi et l’employeur n’a pas fourni de rétroaction à M. Agbodoh-Falschau sur les rapports hebdomadaires qu’il a soumis à partir de l’été 2012. Cela prouve la mauvaise foi de l’employeur et l’argument qu’il s’agit de mesures disciplinaires, d’autant plus qu’il n’a pas daigné répondre aux griefs soumis en décembre 2011.

19 M. Agbodoh-Falschau me demande d’accueillir le grief et d’ordonner à l’employeur de lui verser une indemnisation financière. En appui à ses arguments, il m’a renvoyé aux décisions suivantes : McMullen c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 64; Nnagbo c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2001 CRTFP 1; Gauthier c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 94.

B. Pour l’employeur

20 L’employeur a réitéré son objection à savoir qu’un arbitre de grief n’a pas la compétence pour entendre ce grief car il s’agit d’un grief portant sur un renvoi pour incompétence. Selon l’employeur, les dispositions 209(1)c)i) ou 209(1)d) ne s’appliquent pas en l’espèce, car M. Agbodoh-Falschau ne travaillait pas dans l’administration publique centrale et que l’employeur n’était pas un des organismes distincts dont il est question au sous-alinéa 209(1)c)i) de la Loi.

21 L’employeur nie avoir renvoyé M. Agbodoh-Falschau pour des motifs disciplinaires. La preuve révèle que M. Agbodoh-Falschau avait des problèmes de rendement. M. Anton en a avisé M. Agbodoh-Falschau à maintes reprises lors de rencontres. Le 21 novembre 2011, l’employeur lui a envoyé une autre lettre lui demandant encore une fois d’améliorer son rendement et l’avisant que son incapacité de satisfaire aux attentes de son travail pourrait entraîner une rétrogradation ou un renvoi pour incompétence. Le 11 juillet 2012, devant l’absence d’amélioration du rendement, l’employeur a de nouveau écrit à M. Agbodoh-Falschau lui précisant cette fois que si son rendement ne s’était pas amélioré de façon satisfaisante le 30 septembre, il serait rétrogradé ou renvoyé pour incompétence. N’étant toujours pas satisfait du rendement de M. Agbodoh-Falschau, l’employeur a décidé de le renvoyer le 4 octobre 2012.

22 En appui à ses arguments, l’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Wong c. Administrateur général (Service canadien du renseignement de sécurité), 2010 CRTFP 18; Reddy c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2012 CRTFP 94; Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176; Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada c. Boutziouvis, 2011 CF 1300; Morissette c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 10.

IV. Motifs

23 M. Agbodoh-Falschau prétend qu’il a été renvoyé pour des motifs disciplinaires. L’employeur prétend qu’il s’agit plutôt d’un renvoi pour incompétence. Je dois tout d’abord trancher cette question. Si le renvoi est disciplinaire, je devrai déterminer si l’employeur avait le droit et était justifié de renvoyer M. Agbodoh-Falschau. Si je conclus qu’il s’agit d’un renvoi pour incompétence, je donnerai droit à l’objection de l’employeur à savoir qu’un arbitre de grief n’a pas la compétence pour entendre ce grief, car il s’agit d’un grief portant sur un renvoi pour incompétence.

24 Le paragraphe 209(1) de la Loi limite ma compétence aux seuls griefs de renvoi pour incompétence des fonctionnaires de l’administration publique centrale ou des employés dont l’employeur est un des organismes distincts dont il est question à l’alinéa 209(1)d) de la Loi. Or, la CCSN n’est pas un de ces organismes distincts. Le paragraphe 209(1) de la Loi se lit comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale ;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire ;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire ;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

[…]

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

25 M. Agbodoh-Falschau prétend que son renvoi pour incompétence est une mesure disciplinaire déguisée. Dans Boutziouvis au paragraphe 58, la Cour affirme que le concept de mesure disciplinaire déguisée implique nécessairement « […] qu’un employeur s’est livré à un camouflage, un leurre ou une ruse pour faire apparaitre un licenciement pour ce qu’il n’est pas ».

26 J’ai bien révisé la preuve qui m’a été soumise et absolument rien dans cette preuve ne peut me faire conclure que l’employeur a camouflé quoi que ce soit ou qu’il a tenté de leurrer qui que ce soit pour cacher une mesure disciplinaire lorsqu’il a renvoyé M. Agbodoh-Falschau pour incompétence. Cela ne veut absolument pas dire que je conclus que M. Agbodoh-Falschau était incompétent. Cela veut simplement dire que la preuve me convainc que l’employeur l’a renvoyé parce qu’il était d’avis qu’il était incompétent. Mon rôle ici n’est pas de déterminer qui a raison entre l’employeur et M. Agbodoh-Falschau sur la question de l’incompétence, mais plutôt de décider s’il s’agit de la vraie question devant moi.

27 M. Agbodoh-Falschau a mentionné que l’employeur ne respectait pas sa propre politique de gestion du rendement. Il a aussi avancé que ses objectifs de travail n’étaient pas clairs et que l’employeur ne fournissait pas toujours de rétroaction sur le travail accompli. Si la Loi me donnait le pouvoir d’examiner la justesse d’un renvoi pour incompétence chez cet employeur, les points avancés par M. Agbodoh-Falschau seraient tout à fait pertinents à cet examen, mais là n’est pas la question.

28 Contrairement à ce que laisse entendre M. Agbodoh-Falschau, le manque de rigueur possible de l’employeur en matière de gestion et d’évaluation du rendement ne signifie en rien que le renvoi est disciplinaire. Je n’y vois aucune relation de cause à effet. Je ne vois pas non plus une telle relation entre, d’une part, le fait de ne pas avoir répondu à deux griefs ou d’avoir refusé une augmentation salariale sur la base de problèmes de rendement et, d’autre part, un congédiement pour motifs disciplinaires.

29 De façon générale, la jurisprudence indique que l’intention de l’employeur est centrale pour déterminer s’il s’agit d’une mesure disciplinaire. Aucun fait ne m’a été soumis qui pourrait me laisser croire que l’employeur avait l’intention de discipliner M. Agbodoh-Falschau. Qui plus est, M. Leblanc a témoigné qu’il avait une bonne relation avec M. Agbodoh-Falschau et ce dernier ne l’a aucunement contredit.  

30 Il n’y a donc rien dans la preuve qui me laisse croire que l’employeur a agi pour des motifs disciplinaires. Même si je suis sensible aux récriminations de M. Agbodoh-Falschau sur la façon dont l’employeur s’y est pris pour gérer son rendement et l’évaluer, je ne peux pour autant conclure à des mesures disciplinaires. D’ailleurs, M. Agbodoh-Falschau lui-même semble ne pas être arrivé à conclure qu’il y avait mesures disciplinaires que lorsque le greffe lui a retourné ses documents du 28 février 2013 alors qu’il renvoyait à l’arbitrage son grief de renvoi pour incompétence. Même si son grief semblait invoquer des mesures de représailles, ce n’est qu’après avoir été informé qu’il ne pouvait renvoyer un tel grief à l’arbitrage qu’il a allégué directement avoir été l’objet d’un congédiement disciplinaire.

31 Les faits relatifs à la présente affaire diffèrent significativement de ceux des décisions auxquelles M. Agbodoh-Falschau m’a renvoyé. Dans Gauthier, la preuve révélait que l’employeur avait une approche disciplinaire dès le début afin que l’employé corrige son comportement fautif. À la toute fin, il a changé son approche. Ce n’est pas le cas ici. Dans McMullen, la question était de savoir si le grief initial portait sur des mesures disciplinaires ou pas, et non pas de déterminer si la décision de l’employeur était disciplinaire. Dans Nnagbo, le grief contestait un renvoi pour incompétence et n’impliquait pas une mesure disciplinaire déguisée tel qu’il a été allégué par M. Agbodoh-Falschau. Je n’ai donc pas compétence pour entendre ce grief.

32 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

33 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 14 janvier 2014.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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