Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans laquelle elle a allégué que son agent négociateur avait manqué au devoir de représentation équitable relativement à des points en litige découlant de son invalidité et de son absence du travail - l’agent négociateur a indiqué qu’il était disposé à la représenter, et il a déposé un grief en son nom - la plainte a été mise en suspens à la demande de la plaignante, en attendant l’issue de l’audience d’arbitrage du grief - l’audience de la plainte a ensuite été mise au rôle - l’agent négociateur a soulevé une objection préliminaire, soutenant que la plainte était théorique, car la plaignante l’avait déposée afin de bénéficier d’une représentation, ce qui lui avait été offert - il a aussi affirmé qu’il n’y avait eu aucun manquement et a soutenu que la plaignante était également responsable de ce qui s’était produit - la commissaire a conclu que l’agent négociateur avait tenté d’aider la plaignante, mais que, n’étant pas satisfaite du conseil qu’elle avait reçu, elle avait écrit au président du syndicat pour lui faire part de son mécontentement et demander un nouveau représentant et un aperçu des procédures que l’agent négociateur s’apprêtait à intenter en son nom - l’agent négociateur n’a pas répondu à sa lettre - la commissaire a statué que la plainte était théorique - l’agent négociateur ne peut être blâmé du fait que le grief de licenciement de la plaignante a été rejeté pour cause de non-respect des délais prescrits - quand il a été informé de la décision de l’employeur de licencier la plaignante, il a tenté de la joindre et lui a laissé des messages, mais elle n’a pas répondu - l’agent négociateur n’avait pas abandonné la plaignante, et elle était entièrement responsable de sa situation - aucun motif ne justifiait l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour instruire la plainte - il ne restait aucun point en litige à régler - la plaignante ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-01-09
  • Dossier:  561-26-473
  • Référence:  2014 CRTFP 2

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

DIANE BRENNER

plaignante

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Brenner c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Kate Rogers, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Elle-même
Pour le défendeur:
Patrizia Campanella, avocate
Affaire entendue à Calgary (Alberta), les 11 et 12 juin 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1 Diane Brenner (la « plaignante ») était une employée de l’Office national de l’énergie (l’« employeur ») membre de l’unité de négociation représentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « syndicat »). Le 14 juillet 2010, elle a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), alléguant que le syndicat a enfreint l’article 187 de la LRTFP. La plaignante a allégué avoir été victime d’une conduite arbitraire et de mauvaise foi, dans les termes suivants :

[Traduction]

Conduite arbitraire :

Le syndicat n’a pas répondu à mes demandes d’éclaircissements au sujet de la (des) procédure(s) qu’il serait prêt à entreprendre en mon nom si mon employeur devait donner suite à sa menace de me licencier pendant que je suis en congé de maladie certifié. En outre, la question plus générale du harcèlement en milieu de travail, qui a mené à ma maladie prolongée, n’a pas non plus été abordée.

Conduite de mauvaise foi :

La représentante syndicale qui m’avait été affectée m’a notamment dit qu’elle ne croyait pas que ma maladie résultait du traitement que j’ai subi en milieu de travail, que l’avocat qui a plaidé mon incapacité m’a mal conseillé, et qu’elle ne croyait pas que la Sun Life mettrait fin aux prestations d’une personne pendant la maladie de celle-ci. L’attitude de la représentante syndicale à mon égard était hostile, critique et méprisante.

2 À titre de mesure correctrice, la plaignante a demandé [traduction] « […] une représentation respectueuse et équitable à la suite de son licenciement ».

3 Le syndicat a répondu à la plainte le 23 août 2010. Il a fait observer qu’il incombait à la plaignante d’établir que le syndicat avait agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi et a fait valoir que la plaignante ne s’est pas acquittée de ce fardeau. Plus particulièrement, le syndicat a déclaré qu’il avait tenté de la représenter dans un certain nombre de questions liées à son milieu de travail et de comprendre ses préoccupations à cet égard. Il a déclaré qu’elle n’avait ni rappelé sa représentante ni assuré de suivi auprès d’elle. Le syndicat a également fait valoir qu’en écrivant directement au président du syndicat pour obtenir des renseignements et se plaindre de sa représentante, la plaignante n’avait pas suivi les protocoles internes.

4 Le 20 septembre 2010, la plaignante a répondu à la réponse du syndicat à la plainte. Elle a indiqué qu’elle avait écrit directement au président du syndicat parce que sa représentante lui avait dit que les décisions concernant les recours pour licenciements étaient prises à l’échelon national. Elle a également affirmé que même si elle avait reçu des messages vocaux indiquant qu’elle devrait s’attendre à obtenir une réponse du bureau du président, elle n’avait jamais obtenu une telle réponse. Elle a dit qu’elle avait été malade et qu’en conséquence, elle n’avait pas répondu aussi rapidement aux messages vocaux que lorsqu’elle était en santé. Elle a expliqué qu’en raison de la nature imprévisible de sa santé, elle préférait traiter sa plainte sous forme d’arguments écrits plutôt que sous la forme d’une audience.

5 Le 16 novembre 2010, j’ai tenu une téléconférence préparatoire avec les parties. Au cours de celle-ci, le syndicat a indiqué qu’il était prêt à représenter la plaignante au sujet de son licenciement. Les parties ont convenu que la plainte devrait être mise en suspens jusqu’au 12 janvier 2011, pour leur permettre de discuter de son règlement.

6 Les parties n’ont pas été en mesure de négocier un règlement de la plainte. Le 12 janvier 2011, la plaignante a indiqué qu’elle avait obtenu une nouvelle information l’ayant convaincue que le syndicat avait agi de mauvaise foi et de manière arbitraire à son égard. Elle a demandé que la plainte soit entendue. Pour sa part, le syndicat a demandé que l’affaire demeure en suspens parce qu’il avait déposé un grief à l’encontre du licenciement de la plaignante. Le syndicat craignait que l’instruction de la plainte nuise aux relations des parties, au détriment du grief sur le licenciement. Le syndicat a également soutenu que la plainte était prématurée.

7 J’ai ordonné que la plainte soit mise en suspens en attendant l’issue du grief déposé à l’encontre du licenciement de la plaignante pour empêcher toute perturbation de la représentation faite par le syndicat dans cette affaire. L’affaire est demeurée en suspens jusqu’au 30 octobre 2012, date à laquelle la plaignante a indiqué que le grief sur le licenciement avait été entendu et tranché. Elle a ensuite demandé que cette plainte soit inscrite pour audience.

8 Une autre téléconférence préparatoire s’est tenue le 14 mai 2013. À ce moment-là, le syndicat a indiqué qu’il entendait déposer une objection préliminaire au motif que la plainte était théorique. Il a été convenu que l’objection serait traitée à l’audience.

II. Résumé de la preuve

9 Au début de l’audience, les parties ont présenté un exposé conjoint des faits accompagné de certains documents (pièce C-1). De plus, la plaignante a témoigné et a présenté un document additionnel en preuve. Anna Preto et Joanne Harvey ont témoigné pour le compte du syndicat.

10 L’exposé conjoint des faits (pièce C-1, onglet 1) indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  1. Le 12 juillet 2010, Diane Brenner a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la LRTFP alléguant que l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) avait pratiqué [sic] une pratique déloyale de travail. Plus particulièrement, le devoir de représentation équitable (se trouve à l’annexe A ci-jointe) [sic].
  2. >La plainte allègue qu’Anna Preto, « la représentante syndicale qui m’avait été affectée, m’a notamment dit qu’elle ne croyait pas que ma maladie résultait du traitement que j’ai subi en milieu de travail, que l’avocat qui a plaidé mon incapacité m’a mal conseillé, et qu’elle ne croyait pas que la Sun Life mettrait fin aux prestations d’une personne pendant la maladie de cette personne. L’attitude de la représentante syndicale à mon égard était hostile, critique et méprisante ».
  3. Le 23 août 2010, l’Institut a déposé une réponse à la plainte de Mme Brenner (se trouve à l’annexe B ci-jointe).
  4. Le 20 septembre 2010, Mme Brenner a écrit une lettre en réplique à la réponse de l’Institut (se trouve à l’annexe C ci-jointe).
  5. Comme suite à la téléconférence préparatoire du 16 novembre 2010, et tel qu’exigé par le commissaire, les plaintes déposées en vertu de l’article 190 de la LRTFP ont été mises en suspens pour permettre aux parties de discuter du règlement de la plainte.
  6. Le 20 décembre 2010, l’Institut a déposé un grief sur le licenciement pour le compte de la plaignante.
  7. Le 27 avril 2011, l’employeur, l’Office national de l’énergie (ONE), a rejeté le grief sur le licenciement au dernier palier du processus de règlement des griefs en vertu de la convention collective de l’ONE de 2011 (se trouve à l’annexe D ci-jointe).
  8. Le 23 juin 2011, le grief sur le licenciement (no de référence 561-26-473) a été renvoyé à l’arbitrage par l’Institut (se trouve à l’annexe E ci-jointe).
  9. Les 14, 15 et 16 décembre 2011 et les 7, 8 et 9 mai 2012, l’Institut a représenté la plaignante à une audience d’arbitrage portant sur son licenciement de l’ONE.
  10. Le 5 septembre 2012, l’arbitre Paul Love a rendu la décision relative au grief sur le licenciement (dossier no 2011-15) (se trouve à l’annexe F ci-jointe).
  11. De la correspondance entre Anna Preto, représentante de l’Institut, et la plaignante a été échangée du 3 juin 2009 au 19 avril 2010 (se trouve à l’annexe G ci-jointe).
  12. De la correspondance entre Anna Preto et des représentants de l’ONE a été échangée entre le 11 juin 2009 et le 16 avril 2010 (se trouve à l’annexe H ci-jointe).
  13. De la correspondance entre Joanne Harvey, chef des Opérations régionales de l’Institut, et Anna Preto a été échangée du 17 mai 2010 au 22 juin 2010 (se trouve à l’annexe I ci-jointe).
  14. Le dossier de l’administration centrale de l’Institut pour la plaignante comprenait la correspondance et les documents connexes (se trouve à l’annexe J ci-jointe).
  15. Entre décembre 2009 et mai 2010, trois personnes différentes ont occupé le poste de chef des Opérations régionales (COR) pour le défendeur. Danielle Auclair était en congé à compter du 14 décembre 2009. André Lortie était COR par intérim du 15 mars au 7 mai 2010 et Joanne Harvey a été COR par intérim du 11 mai 2010 à sa nomination permanente, le 4 avril 2011.
  16. Le 14 juin 2010, Nicole Gauthier, adjointe de direction au bureau du président, a appelé la plaignante pour lui dire que l’Institut communiquerait avec elle plus tard la même semaine.
  17. La Politique sur le règlement des différends pour les affaires internes de relations de travail décrit le processus de l’Institut relativement à une demande interne de réexamen (se trouve à l’annexe K ci-jointe).
  18. La plaignante n’a pas reçu de réponse de l’Institut à ses lettres du 15 mars, du 21 avril et du 28 mai 2010.
  19. Cet exposé des faits n’empêche aucune des parties à la présente plainte de faire entendre un autre témoin au besoin.

11 La plaignante a témoigné qu’elle avait commencé à éprouver des difficultés en milieu de travail en 2006 et qu’elle avait demandé de l’aide de son syndicat. Elle a déclaré qu’elle n’avait eu aucun problème avec l’aide qui lui avait été fournie par sa représentante syndicale jusqu’en 2010. Toutefois, le 10 mars 2010, elle a eu une conversation téléphonique de 40 minutes avec sa représentante syndicale, Mme Preto, au sujet d’une lettre qu’elle avait reçue de l’employeur. Elle était mécontente de la position adoptée par Mme Preto et avait écrit au président du syndicat, Gary Corbett, le 15 mars 2010 (pièce C-1, onglet A). Sa lettre expliquait sa réaction aux gestes de Mme Preto. Elle a également demandé qu’un nouveau représentant lui soit affecté pour l’aider.

12  La plaignante n’a pas obtenu de réponse de M. Corbett et le 21 avril 2010, elle lui a fait parvenir une autre lettre (pièce C-1, onglet A). N’ayant toujours pas reçu de réponse, elle lui a envoyé une troisième lettre le 28 mai 2010 (pièce C-1, onglet A). Le 14 juin 2010, elle a reçu un appel téléphonique de l’adjoint de M. Corbett, qui l’a informée que M. Corbett communiquerait avec elle sous peu. Toutefois, elle n’a pas reçu de réponse de M. Corbett. En contre-interrogatoire, la plaignante a reconnu que les lettres qu’elle avait fait parvenir à M. Corbett ne renfermaient pas le mot « urgence » et qu’elle y demandait des conseils et de l’aide advenant qu’elle soit licenciée.

13 La plaignante a témoigné qu’elle avait appris plus tard que Mme Preto avait prétendu qu’elle avait tenté de la contacter en mars et en avril 2010, mais qu’elle avait été incapable de la joindre et de lui laisser un message parce que la plaignante n’avait pas de messagerie vocale. Toutefois, la plaignante a déclaré qu’elle avait une messagerie vocale et a présenté en preuve sa facture de téléphone (pièce C-2). La plaignante a déclaré qu’elle tenait un registre de tous ses appels reçus. En contre-interrogatoire, elle a expliqué qu’elle avait extrait les numéros de tous les appels reçus de l’afficheur de son téléphone. Elle a convenu que son service téléphonique bloquait les appels provenant de numéros 900. Elle a reconnu que le registre téléphonique ne constituait pas un document officiel et qu’il était possible qu’elle n’ait pas noté les appels bloqués et qu’elle ait manqué certains appels.

14 En contre-interrogatoire, la plaignante a convenu que Mme Preto n’avait pas refusé de la représenter. Elle a reconnu que Mme Preto avait réussi à convaincre l’employeur de retarder sa prise de décision au sujet du licenciement. Elle a admis que Mme Preto lui avait conseillé d’écrire à l’employeur et que la lettre adressée à l’employeur en date du 11 mars 2010 (pièce C-1, onglet G) avait été rédigée d’après les conseils de Mme Preto. Elle a déclaré que Mme Preto ne savait pas du tout qu’elle était mécontente de sa représentation. Elle a également déclaré que si elle avait été licenciée à ce moment-là, elle aurait demandé l’aide de Mme Preto et déposé un grief. Elle a également déclaré que sa plainte reposait uniquement sur sa perception de l’attitude de Mme Preto et sur son approche de sa situation, bien qu’elle ait cru que Mme Preto aurait agi en son nom s’il avait été nécessaire qu’elle le fasse.

15 Mme Preto a témoigné que depuis 2006, elle représentait la plaignante relativement à un certain nombre de questions. Elle a expliqué que la plaignante était en arrêt de travail pour maladie depuis juillet 2007. La plaignante a commencé à éprouver des problèmes avec ses prestations d’invalidité, et elle a retenu les services d’un avocat pour les régler. Elle a également demandé l’aide du syndicat.

16 En juin 2009, la plaignante a demandé au syndicat de l’aider parce que l’employeur désirait qu’elle choisisse entre un retour au travail, une démission ou une mise à la retraite pour raisons médicales. L’employeur a dit à la plaignante que si elle ne répondait pas à la proposition, elle serait licenciée. Mme Preto a expliqué que la plaignante ne voulait choisir aucune des options qui lui avaient été proposées par l’employeur à ce moment-là. Elle voulait plutôt prendre un congé non payé et a demandé à Mme Preto de l’aider à négocier un tel congé avec l’employeur.

17 Mme Preto a dit qu’elle avait longuement discuté avec la plaignante au sujet de ses options. Elle a fourni à la plaignante des renseignements sur le congé non payé et sur les priorités en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Elle a également remis à la plaignante des copies de la loi et de la convention collective pertinente afin que la plaignante puisse étudier les dispositions sur la cessation d’emploi. Mme Preto a déclaré qu’elle a fait parvenir le tout à la plaignante par courriel. Elle a ajouté qu’après sa discussion avec la plaignante, elle a parlé à l’employeur pour obtenir une prorogation de l’échéance de réponse.

18 Le 15 juin 2009, la plaignante a informé Mme Preto que son médecin ne l’avait pas autorisée à retourner travailler. Le 14 juillet 2009, la plaignante et Mme Preto ont rencontré l’employeur. La plaignante a dit à l’employeur que son médecin n’avait pas approuvé son retour au travail, et elle a fourni un certificat médical à l’appui de cet avis. Elle a également dit à l’employeur qu’elle avait retenu les services d’un avocat et qu’elle interjetait appel de la décision de l’assureur de mettre fin à ses prestations d’invalidité.

19 En janvier 2010, la plaignante a informé Mme Preto et l’employeur que son médecin l’avait avisée de demeurer en congé pour trois mois de plus. Mme Preto a témoigné que l’employeur avait communiqué avec elle en février 2010 parce qu’il n’avait pu joindre la plaignante. L’employeur voulait organiser une autre rencontre avec la plaignante et Mme Preto pour discuter de questions découlant du certificat médical le plus récent. Mme Preto a dit qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de la plaignante.

20 En février 2010, l’employeur a fait parvenir à la plaignante une autre lettre qui lui présentait ses options d’emploi. Bien que Mme Preto avait tenté de communiquer avec la plaignante, elle n’a pas eu de ses nouvelles avant de recevoir une copie d’un billet du médecin de la plaignante envoyé à l’employeur. Le 10 mars 2010, Mme Preto a reçu un appel téléphonique de la plaignante, qui lui a dit qu’elle était impliquée dans un litige contre le fournisseur de prestations d’invalidité et que son avocat dans cette affaire lui avait conseillé de faire fi de la lettre de l’employeur datée du 16 février 2010. Mme Preto a témoigné qu’elle avait conseillé à la plaignante de ne pas faire fi de la lettre. Elle a recommandé que la plaignante demande une remise à une date ultérieure de la décision concernant sa situation d’emploi tant que le litige ne prendrait pas fin. Mme Preto a présenté un projet de lettre à l’employeur dont la plaignante s’est servie. Le 17 mars 2010, Mme Preto a reçu une copie de la lettre que la plaignante a fait parvenir à l’employeur, avec les remerciements de la plaignante.

21 L’employeur n’a pas accepté de retarder la décision concernant la situation d’emploi de la plaignante. Le 25 mars 2010, Mme Preto a reçu une copie de la lettre de l’employeur (pièce C-1, onglet H) à la plaignante et a fait observer que la plaignante s’était fait demander de répondre à l’employeur d’ici le 31 mars 2010. Le 16 avril 2010, Mme Preto a reçu un appel du représentant de l’employeur qui l’a informée que l’employeur n’avait ni eu des nouvelles de la plaignante ni été en mesure de la joindre.

22 Mme Preto a demandé à l’employeur de retarder toute décision pendant qu’elle tentait de joindre la plaignante. Elle a témoigné qu’elle n’y était pas parvenue et qu’elle avait fait sa dernière tentative le 19 avril 2010, lorsqu’elle a envoyé un courriel (pièce C-1, onglet G) à la plaignante pour l’informer de répondre à l’employeur sur-le-champ. Elle n’a eu aucune nouvelle de la plaignante. À ce moment-là, elle ne savait pas si l’employeur avait pris des mesures pour mettre fin à l’emploi de la plaignante.

23 Mme Preto a témoigné qu’elle était frustrée au cours de sa dernière conversation avec la plaignante le 10 mars 2010. Elle a dit que la communication avec la plaignante était difficile parce qu’elle ne tenait pas Mme Preto au courant des progrès de son dossier et qu’elle a tout simplement cessé d’appeler. Mme Preto a dit que bien qu’elle ne pense pas avoir élevé la voix, sa frustration a peut-être été manifeste, et elle a certes amené la plaignante à avoir une confrontation avec la réalité, parce qu’il apparaissait clairement que l’employeur devenait impatient.

24 En contre-interrogatoire, Mme Preto ne se rappelait pas d’avoir formulé des commentaires négatifs au sujet de l’avocat de la plaignante ou d’avoir dit à la plaignante lors de leur conversation du 10 mars 2010 que le fournisseur d’assurance-invalidité ne mettrait pas fin à ses prestations pendant qu’elle était en congé de maladie. Toutefois, elle a convenu que la plaignante et elle avaient discuté des répercussions des conseils donnés par l’avocat de la plaignante de faire fi de la lettre de l’employeur.

25 Mme Preto a témoigné qu’elle avait cessé de se consacrer à des dossiers de représentation pour le syndicat à la fin de mai ou en juin 2010, puis qu’elle avait pris un congé de maladie. Elle a dressé une chronologie de son travail sur les dossiers de la plaignante à la demande de Mme Harvey en mai 2010 (pièce C-1, onglet I).

26 Mme Harvey est devenue chef par intérim des opérations régionales pour le syndicat en mai 2010. Les représentants régionaux comme Mme Preto relevaient du chef des opérations régionales. Mme Harvey a expliqué que le poste de chef a été libre pendant une certaine période en 2009 et en 2010.

27 Mme Harvey a témoigné qu’elle avait vu la lettre de plainte définitive de la plaignante adressée à M. Corbett, mais non la première lettre. Elle a dit qu’elle pouvait constater que la plaignante était fâchée contre la représentante régionale et qu’elle souhaitait qu’un représentant différent soit affecté à son dossier. Il ne s’agissait ni d’une demande inhabituelle, ni, selon elle, d’une question urgente. Elle a consulté le système de gestion de l’information du syndicat afin de déterminer s’il y avait des dossiers actifs au nom de la plaignante. Elle a déclaré que bien que la plaignante avait mentionné la possibilité d’un licenciement dans ses lettres, il n’y avait pas de dossier ouvert concernant le licenciement, mais il y avait trois autres dossiers ouverts.

28 Mme Harvey a écrit à Mme Preto en mai 2010 afin de déterminer si quelqu’un avait communiqué avec elle au sujet des lettres de la plaignante. À ce moment-là, il y avait de la correspondance en attente au bureau et beaucoup de paperasse à traiter. Il y avait une pénurie de personnel et comme les représentants régionaux conservaient leurs propres dossiers, il était parfois difficile d’obtenir des renseignements. Par exemple, Mme Preto conservait tous ses renseignements dans son ordinateur portatif personnel. Mme Harvey a affirmé qu’elle avait fini par recevoir une copie du dossier de la plaignante le 9 juillet 2010.

29 Mme Harvey a déclaré qu’elle aurait dit à la plaignante que Mme Preto fournissait des services de représentation adéquats et que compte tenu de la pratique générale du syndicat, un grief serait déposé en son nom si elle était licenciée. Elle a expliqué qu’en règle générale, le représentant régional déposerait un grief au nom d’un membre licencié et discuterait du cas avec le membre en question, en énonçant ses forces et ses faiblesses. À ce stade, si le membre était mécontent des recommandations du représentant régional, il pouvait demander un réexamen de la décision du syndicat.

30 Mme Harvey a expliqué que le syndicat avait une politique sur le règlement des différends pour les affaires internes (pièce C-1, onglet K). Cette politique expose un processus par lequel les membres du syndicat peuvent demander un réexamen des décisions du syndicat. La politique ne comportait pas d’échéance. Cependant, le processus de réexamen à l’interne nécessitait généralement une ou deux semaines, voire davantage de temps si le dossier ne renfermait pas assez de renseignements. Mme Harvey a fait observer que l’échéancier du grief serait protégé au cours du processus. La décision de renvoyer un grief à l’arbitrage devait être approuvée par le bureau national du syndicat. Mme Harvey a fait observer que la plaignante ne suivait pas le processus syndical interne.

31 Mme Harvey a déclaré qu’en juillet 2010, Mme Preto était en congé. Il aurait donc fallu attribuer le dossier de la plaignante à quelqu’un d’autre. Toutefois, dans le cadre de l’examen du dossier, elle n’a rien constaté qui laissait croire qu’un changement de représentant était nécessaire. En contre-interrogatoire, elle a expliqué que rien dans les lettres envoyées par la plaignante ne laissait croire à une situation d’urgence. La plaignante a demandé ce que ferait le syndicat « si » elle était licenciée. Elle n’a pas dit qu’elle avait été licenciée. Mme Harvey a dit que s’il y avait effectivement eu un licenciement, le dossier aurait été traité en urgence. Toutefois, elle a reconnu que la lettre de la plaignante aurait dû faire l’objet d’une réponse plus tôt. Elle a également dit que le syndicat aurait sans doute déposé un grief au nom de la plaignante si celle-ci avait été licenciée.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

32 La plaignante a déclaré que le syndicat ne l’avait pas représentée pendant son licenciement. Elle a fait remarquer que la preuve établissait que le syndicat croyait qu’il n’était pas urgent de répondre aux trois lettres qu’elle avait écrites au président du syndicat pour lui demander de l’aide. Elle a fait observer que le syndicat avait déclaré qu’elle aurait fini par recevoir une réponse à ses lettres. Elle a ajouté que le syndicat avait dit qu’il avait fait des tentatives pour communiquer avec elle, mais qu’il n’y était pas parvenu parce qu’elle n’avait pas de messagerie vocale. Toutefois, comme son témoignage l’a révélé, elle en avait une. La plaignante a déclaré que ce seul geste représentait de la mauvaise foi.

33 La plaignante a constaté que la politique interne sur le règlement des différends du syndicat ne renfermait pas d’échéances. Elle a affirmé que le défaut de se conformer aux échéances constituait une question litigieuse dans la réponse à un grief au dernier palier et dans la décision d’arbitrage portant sur son grief à l’encontre du licenciement. Elle a fait valoir que sa demande d’aide pour contrer la menace de l’employeur de la licencier n’aurait pas dû être traitée comme une question syndicale interne.

34 La plaignante a fait valoir que bien que le syndicat ait prétendu ne pas avoir refusé de la représenter, aucun effort n’a été déployé pour indiquer que des gestes ont été posés en son nom. En l’absence d’une réponse à sa correspondance, la plaignante a fait valoir que le syndicat ne l’avait pas représentée pendant qu’elle était en train de perdre son travail. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas envisagé de poser des gestes par elle-même ou de téléphoner à Mme Preto pour obtenir de l’aide.

35 La plaignante a déclaré qu’elle avait donné suite à cette plainte parce qu’elle voulait savoir pourquoi elle n’avait pas obtenu l’aide du syndicat lorsqu’elle en avait besoin. Elle a dit qu’elle souhaitait que le syndicat reconnaisse que son absence de réponse signifiait qu’elle n’avait pas eu l’aide dont elle avait besoin pour faire face à son licenciement.

B. Pour le syndicat

36  Le syndicat a réitéré son opposition à la compétence au motif que la plainte est théorique. Il a déclaré que pour établir le caractère théorique, il faut se pencher sur la nature de la plainte. Cette plainte a été déposée dans le but d’obtenir des services de représentation. La mesure corrective demandée par la plaignante était une représentation à l’égard de son licenciement. Le syndicat a assuré des services de représentation. En conséquence, il doit être reconnu que le caractère essentiel de la plainte a changé et que le motif de la plainte initiale a disparu.

37 Le syndicat a fait valoir que l’arrêt faisant autorité sur le caractère théorique, Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, a établi que l’analyse de la question doit être faite en deux temps. Il faut d’abord déterminer s’il subsiste une controverse entre les parties. Si la question entre les parties est essentiellement théorique ou hypothétique, il faut établir s’il conviendrait d’exercer le pouvoir discrétionnaire de se pencher sur la question.

38 Dans ce contexte, Borowski énonce certains des éléments qui devraient être pris en compte, et mentionne notamment que le débat contradictoire sur le système judiciaire pourrait justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire parce que l’un des principes du débat contradictoire est que toutes les questions en litige doivent être pleinement débattues. Il conviendrait également de déterminer s’il vaudrait la peine de consacrer de rares ressources judiciaires à une demande théorique. Il pourrait valoir la peine d’entendre une affaire dans laquelle une décision pourrait avoir un effet pratique sur les droits des parties, même si ça n’avait pas pour effet de permettre de statuer sur la demande initiale. De même, une question d’intérêt public pourrait justifier l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’entendre une affaire. Enfin, la Cour a également fait observer qu’un tribunal judiciaire doit également être sensible à son rôle décisionnel et être conscient que le fait de rendre des décisions en l’absence d’une controverse réelle pourrait être perçu comme une intrusion dans le rôle du pouvoir législatif.

39 Le syndicat a déclaré que Borowski avait été adapté dans Brant Haldimand-Norfolk Catholic District School Board, [2001] rapp. de la CRTO de mars-avril 292, pour cadrer dans le contexte des relations de travail. Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 102, la Commission a rejeté une objection en se fondant sur le caractère théorique et a entendu une plainte sur le fond, au motif que des questions d’ordre public justifiaient l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Toutefois, dans la présente plainte, il n’y a pas de telles questions d’ordre public qui justifieraient l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’entendre une affaire théorique. La Commission doit se demander quelle fin serait servie si elle étudiait la question de savoir si le syndicat avait agi de manière appropriée dans les circonstances du présent cas.

40 Le licenciement de la plaignante n’est plus une question en litige. Le syndicat a déclaré que si la plaignante avait collaboré avec sa représentante syndicale, sa situation aurait été très différente. Elle avait une représentante qui lui donnait des conseils, mais elle n’aimait pas ces conseils. Toutefois, il convient de noter que dans les motifs de la décision sur son licenciement, l’arbitre de grief a confirmé le conseil donné à la plaignante par sa représentante syndicale.

41 Le syndicat a fait valoir qu’il n’était pas logique d’entendre une plainte au sujet de l’obtention de services de représentation après que le syndicat ait fourni de tels services. Il serait difficile d’expliquer quelle serait l’utilité de statuer sur la plainte sur le fond. Le syndicat a fait observer que dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 130, une plainte a été jugée théorique, et la Commission a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire au motif qu’il n’y avait pas de motifs factuels, juridiques ou de principe de le faire.

42 Le syndicat a fait valoir que la plaignante n’avait pas établi de motifs factuels, juridiques ou de principe justifiant que la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire d’entendre la présente affaire, ce qui en fait une affaire manifestement théorique. Par conséquent, la plainte devrait être rejetée en raison de son caractère théorique.

43 Le syndicat a également fait valoir que même si la plainte est tranchée sur le fond, elle devrait être rejetée parce que la plaignante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que le syndicat a manqué à son devoir de représentation équitable. Bien que la plaignante ait allégué que le syndicat ne l’avait pas représentée, la preuve établissait que Mme Preto aurait représenté la plaignante relativement à son licenciement si celle-ci le lui avait demandé, mais elle ne l’a pas fait. Le seul fondement de la plainte est que le syndicat n’a pas répondu aux lettres que la plaignante a fait parvenir au président, ce qui, au dire de la plaignante, constituait de la mauvaise foi.

44 Des décisions comme Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et al., [1984] 1 R.C.S. 509; Ouellet c. Luce St. Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107; et Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, ont établi qu’il incombe à la plaignante de prouver que le syndicat a agi de façon arbitraire, discriminatoire ou abusive dans sa représentation.

45 Citant Judd (Re), (2003) 91 C.L.R.B.R. (2e) 33, le syndicat a fait valoir que les événements ne peuvent être étudiés isolément. L’ensemble de la conduite du syndicat doit être prise en compte. Dans Judd, la Commission a statué que la représentation menée de mauvaise foi s’accompagne d’une fin répréhensible ou trompeuse. Le syndicat a déclaré qu’aucune preuve ne laissait croire à l’existence d’une intention de tromper la plaignante de manière à affecter la qualité de sa représentation ou sa façon de l’assurer. Dans Judd, le traitement discriminatoire était décrit comme un traitement inégal pour un motif interdit. Le syndicat a déclaré que rien n’établissait qu’il avait traité la plaignante de manière discriminatoire. Il a été statué dans Judd que le caractère arbitraire englobait le défaut de connaître les renseignements pertinents, le défaut de prendre une décision motivée, ou une représentation insouciante. Le syndicat a déclaré que rien ne prouvait que la conduite du syndicat ait été arbitraire, tel que décrit dans Judd.

46 Le syndicat a fait valoir que son défaut de répondre aux questions de la plaignante visant à déterminer s’il la représenterait en arbitrage n’équivaut pas à une conduite insouciante. Citant McRaeJackson et autres, 2004 CCRI no 290, le syndicat a déclaré qu’un retard ne constitue pas un comportement arbitraire et a fait observer que quoi qu’il en soit, il avait le droit de commettre une erreur de bonne foi.

47 Le syndicat a soutenu qu’il ne peut être tenu responsable de ne pas avoir déposé de grief au nom de la plaignante alors qu’il ignorait qu’elle avait été licenciée. Citant Ouellet et Sayeed c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 44, le syndicat a soutenu que les employés ont la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour protéger leurs intérêts.

48 Le syndicat a également fait valoir qu’il incombe aux employés de donner des directives claires. Dans le présent cas, la plaignante n’a pas donné de directives claires, et les lettres qu’elle a fait parvenir au président n’ont pas clarifié les questions. Cependant, il importe en outre de tenir compte du contexte de ces événements, car la plaignante avait établi clairement que peu importe ce qui se produisait, elle ne voulait pas mettre en péril son litige contre le fournisseur de prestations d’invalidité. Dans de telles circonstances, le syndicat ne pouvait pas savoir ce qu’elle voulait sans disposer de directives claires. Le syndicat a citéSatnam Manhus v. United Steel, Paper and Forestry, Rubber, Manufacturing, Energy, Allied Industrial and Service Workers International Union (United Steelworkers), Local 3789, (2007) 149 C.L.R.B.R. (2e) 253.

49 Le syndicat a déclaré que pour toutes ces raisons, la plainte devrait être rejetée parce qu’elle n’est pas fondée. Toutefois, si elle est accueillie, le seul redressement approprié dans toutes les circonstances du cas serait une déclaration. Le syndicat a également fait valoir que si une déclaration est rendue, elle devrait tenir compte de la responsabilité partagée de la plaignante dans cette affaire.

IV. Motifs

50 Le 14 juillet 2010, la plaignante a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la LRTFP, dans laquelle elle alléguait que le syndicat avait eu une conduite arbitraire et de mauvaise foi, en violation de l’article 185. Elle demandait comme mesure corrective [traduction] « […] une représentation respectueuse et équitable à la suite de son licenciement ».

51 Par souci de commodité, les gestes qui font l’objet de la plainte de la plaignante sont les suivants :

[Traduction]

Conduite arbitraire :

Le syndicat n’a pas répondu à mes demandes d’éclaircissements au sujet de la (des) procédure(s) qu’il serait prêt à entreprendre en mon nom si mon employeur devait donner suite à sa menace de me licencier pendant que je suis en congé de maladie certifié. En outre, la question plus générale du harcèlement en milieu de travail, qui a mené à ma maladie prolongée, n’a pas non plus été abordée.

Conduite de mauvaise foi :

La représentante syndicale qui m’avait été affectée m’a notamment dit qu’elle ne croyait pas que ma maladie résultait du traitement que j’ai subi en milieu de travail, que l’avocat qui a plaidé mon incapacité m’a mal conseillé, et qu’elle ne croyait pas que la Sun Life mettrait fin aux prestations d’une personne pendant la maladie de celle-ci. L’attitude de la représentante syndicale à mon égard était hostile, critique et méprisante.

52 La preuve présentée dans cette affaire révèle que la plaignante était en congé de maladie de son poste pendant un certain nombre d’années avant les événements qui ont mené à la plainte. Mme Preto, la représentante syndicale affectée à la plaignante, avait assuré sa représentation relativement à certaines questions depuis 2006. En février et mars 2010, l’employeur a tenté d’aborder la situation d’emploi de la plaignante en lui indiquant qu’elle devait prendre une décision sur certaines options ou faire face à son licenciement.

53 Mme Preto a tenté d’aider la plaignante, qui désirait reporter sa décision jusqu’à ce que d’autres questions soient réglées. Le 10 mars 2010, Mme Preto et la plaignante ont longuement discuté par téléphone de l’exigence de l’employeur selon laquelle la plaignante devait choisir l’une des options qui lui avaient été présentées. Bien que la plaignante se soit servie de l’ébauche de lettre fournie par Mme Preto à la suite de cette conversation et a remercié Mme Preto de son aide, dans les faits, la plaignante était mécontente des conseils reçus. Par conséquent, elle a écrit une lettre au président du syndicat le 15 mars 2010. Dans cette lettre, elle a fait part de ses préoccupations au sujet des conseils de Mme Preto et elle a demandé qu’un autre représentant lui soit affecté pour l’aider. Elle a également demandé que le syndicat lui fournisse des éclaircissements sur les procédures qu’il était prêt à entreprendre en son nom si l’employeur la licenciait. La plaignante n’a pas obtenu de réponse à sa lettre et a rédigé de nouvelles lettres le 21 avril et le 28 mai 2010 pour demander une réponse.

54 Dans l’intervalle, l’employeur a rejeté la demande de la plaignante de retarder la prise d’une décision sur les options qui lui avaient été présentées. Dans une lettre en date du 23 mars 2010, dont copie a été transmise à Mme Preto, l’employeur a demandé que la plaignante réponde aux options lui ayant été présentées d’ici le 31 mars 2010, sans quoi elle ferait face à son licenciement. Mme Preto a témoigné qu’elle n’avait eu aucune nouvelle à ce sujet jusqu’au 16 avril 2010, date à laquelle l’employeur a communiqué avec elle pour l’informer que la plaignante ne s’était pas manifestée, malgré les tentatives de l’employeur de communiquer avec elle. Mme Preto a tenté de joindre la plaignante par téléphone et lui a fait parvenir un courriel le 19 avril 2010 informant la plaignante qu’elle devait communiquer avec Mme Preto ou l’employeur. Elle n’a entendu parler de rien à cet égard et la plaignante n’a pas communiqué avec elle.

55 La plaignante a été licenciée le 20 avril 2010. La plaignante n’a pas déposé de grief ni pris de mesures pour protéger ses droits dans le délai de présentation d’un grief. Dans son argumentation, elle a expliqué qu’il ne lui était pas venu à l’esprit d’appeler le syndicat ou d’agir par elle-même.

56 Après le dépôt de cette plainte, le syndicat a déposé un grief à l’encontre du licenciement de la plaignante et l’a représentée dans le cadre du grief. La plainte a été mise en suspens à la demande de la plaignante pendant que le grief suivait son cours dans le processus. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage et a été rejeté parce qu’il était hors délai. Le syndicat a assuré la représentation pendant tout le processus.

57 Le syndicat a soutenu que cette plainte devrait être rejetée parce qu’elle est maintenant théorique. La plaignante avait demandé que le syndicat lui assure une représentation respectueuse et équitable relativement à son licenciement. En guise de réponse, le syndicat a déposé un grief à l’encontre du licenciement de la plaignante et l’a représentée jusqu’à l’arbitrage, inclusivement, ce qui satisfait à la mesure corrective exigée dans la plainte.

58 Je souscris à l’argument du syndicat selon lequel la présente plainte est théorique. La plaignante demandait d’être représentée relativement à son licenciement, ce qu’a fait le syndicat. Le rejet du grief parce qu’il était hors délai ne peut être imputé au syndicat. La représentante syndicale affectée à la plaignante a tenté de la joindre au cours des jours qui ont précédé la décision de l’employeur de la licencier. Mme Preto a témoigné qu’elle avait laissé des messages à l’intention de la plaignante et, pour étayer cette déclaration, elle a fourni une copie d’un courriel envoyé à la plaignante le 19 avril 2010, courriel auquel la plaignante n’a pas répondu. J’accepte le témoignage de Mme Preto sur cette question. Le fait que le système de messagerie vocale de la plaignante n’aurait pas enregistré les appels ne signifie pas qu’ils n’ont pas été faits. Quoi qu’il en soit, la preuve selon laquelle Mme Preto a tenté de joindre la plaignante par courriel n’a pas été contestée.

59 La plaignante a déclaré à l’audience qu’elle avait déposé la présente plainte pour que le syndicat reconnaisse qu’il l’avait abandonnée au moment où elle avait le plus besoin d’aide. Comme la preuve l’a établi, tel n’était pas le cas. Mme Preto a tenté d’aider la plaignante. Par sa plainte, la plaignante a tenté de faire porter au syndicat la responsabilité de son défaut d’agir en temps opportun relativement à son licenciement et de protéger ses propres intérêts. Selon moi, la plaignante était entièrement responsable de sa situation.

60 Compte tenu de ces circonstances, je conclus qu’il n’existe aucun motif d’appuyer l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire d’entendre une plainte que j’ai jugée théorique. Il n’y a pas de litige en cours entre les parties qui serait réglé par l’examen du bien-fondé de la plainte ni de question d’ordre public qui justifierait une décision sur le fond. Il incombait à la plaignante de me convaincre que je devrais instruire la plainte, même si elle est théorique. Elle ne l’a pas fait.

61 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

62 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 9 janvier 2014.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
une formation de la Commission des relations de
travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.