Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le demandeur a déposé un grief à l’égard d’un avis de licenciement - l’employeur a contesté la compétence de l’arbitre de grief pour instruire ce grief, car celui-ci n’a pas été déposé dans le délai prescrit par la convention collective - l’employeur a présenté des éléments de preuve qui témoignent des efforts qu’il a déployés pour remettre la lettre de licenciement au fonctionnaire s’estimant lésé pendant les heures normales de travail, par messager, par courrier prioritaire, par courrier express, par courrier recommandé, par courrier ordinaire, en lui remettant en mains propres et en communiquant avec l’agent négociateur - il a reconnu qu’il n’était pas parvenu à confirmer que l’employé avait été avisé du licenciement - le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il avait été suspendu pour une durée indéterminée, qu’il avait déposé d’autres griefs liés à cette affaire à temps et qu’il avait intérêt à ce que celle-ci prenne fin - il a déclaré qu’il avait reçu l’avis de licenciement pour la première fois en janvier2012, quand il a reçu la réponse portant sur un grief connexe au troisième palier de la procédure de règlement des griefs - au moment de déterminer qu’il avait la compétence pour statuer sur le grief, l’arbitre de grief a déclaré que le libellé de la convention collective était sans équivoque et que celle-ci imposait à l’employeur d’aviser par écrit les employés de leur licenciement - aucune disposition de la convention collective n’impose à l’agent négociateur de faire preuve de diligence raisonnable pour remplir l’obligation de l’employeur d’aviser un employé de son licenciement - l’arbitre de grief a examiné la Loi sur la preuve au Canada (LPC), laquelle énonce les principes à respecter dans certaines situations afin de déterminer si l’avis a été reçu quand il a été envoyé par courrier recommandé, ainsi que les principes des services juridiques de l’Ontario- à la lumière des faits, et de l’examen de ces cadres législatifs par analogie, l’arbitre de grief a conclu qu’aucun avis de licenciement n’avait été remis au fonctionnaire s’estimant lésé - l’employeur doit faire des efforts raisonnables afin d’aviser un employé de son licenciement, sauf s’il est établi qu’il est impossible de le faire ou si l’employé cherche à se soustraire à l’avis- l’employeur aurait pu s’assurer que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été avisé de la situation dans la soirée, après le travail, ou la fin de semaine, ou il aurait pu tenter de communiquer avec lui par téléphone et prendre les dispositions nécessaires pour l’informer -l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est plus probable que le contraire que le fonctionnaire s’estimant lésé cherchait à se soustraire à l’avis de licenciement. Objection rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-04-28
  • Dossier:  568-02-289 XR: 566-02-7428 et 7429
  • Référence:  2014 CRTFP 48

Devant le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

CONRAD MCNEIL

demandeur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
McNeil c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)


Affaire concernant une demande de prorogation d’un délai visé à l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


Devant:
David Olsen, président intérimaire
Pour le demandeur:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Pierre Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Toronto, Ontario, les 17 et 18 décembre 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant le président

1 Le 8 août 2012, l’Alliance de la Fonction publique du Canada a renvoyé à l’arbitrage trois griefs déposés par Conrad McNeil. Le fonctionnaire s’estimant lésé est membre du groupe Services de l’exploitation du ministère de la Défense nationale à la base des Forces canadiennes (BFC) Borden, à Barrie, en Ontario. Les trois griefs renvoyés à l’arbitrage étaient le grief no 0000004255, daté du 8 février 2012, concernant un licenciement pour motif disciplinaire et une contravention de l’article 19, la disposition de la convention collective du groupe Services de l’exploitation qui interdit la discrimination; le grief no 000003354, daté du 4 février 2011, contestant une suspension sans solde de durée indéterminée; le grief no 0000002753, daté du 11 août 2010, concernant une contravention de l’article 19, la disposition de la convention collective pertinente qui interdit la discrimination.

2 Le 11 septembre 2012, le défendeur, le ministère de la Défense nationale, a écrit à la Commission, en affirmant que le grief no 0000004255, concernant le licenciement pour motif disciplinaire et une contravention de l’article 19 de la convention collective, était hors délai, puisque le grief avait été déposé au-delà de la limite de temps prescrite dans la convention collective et que, par conséquent, un arbitre de grief nommé pour instruire le renvoi à l’arbitrage n’avait pas la compétence voulue pour entendre le grief.

3 Le 28 septembre 2012, l’Alliance de la Fonction publique du Canada a écrit à la Commission, en déclarant que le grief de M. McNeil n’était pas hors délai et que ce dernier avait déposé son grief dans la limite de 25 jours après avoir pris connaissance initialement des circonstances à l’origine de son grief. L’agent négociateur a toutefois demandé que si la Commission estimait que le grief déposé par M. McNeil était en fait hors délai, M. McNeil soit exempté du respect du délai obligatoire, aux termes de l’article 61 du Règlement de la Commission.

II. Résumé de la preuve

4 Avec l’accord des parties, l’employeur, qui avait soulevé l’objection selon laquelle le grief était hors délai, a présenté en premier ses éléments de preuve à l’appui de sa position que le grief n’avait pas été présenté à temps.

A. Commandant Lionel Smith

5 Le commandant Smith est actuellement le commandant de la police militaire à Ottawa. Pendant toute la période pertinente, avant l’été de 2012, il était grand prévôt à la Base des Forces canadiennes Borden. Il a occupé le poste d’officier d’administration par intérim du printemps de 2011 jusqu’à la fin de l’été de cette même année.

6 Dans ce poste, il était responsable, entre autres, de la Direction des services techniques, de la Direction de l’administration de la base, ainsi que de la Section des vivres et du logement où M. McNeil (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») était employé.

7 Il a indiqué, lors de son témoignage, que M. McNeil, pour reprendre son expression, était persona non grata à la base, du fait qu’il y avait eu certains incidents et tensions avec les autres membres du personnel qui avaient conduit à sa suspension sans solde de durée indéterminée en attendant que soit menée une enquête, à partir de novembre 2009.

8 Une lettre signée par KE Murphy, officier des services de soutien des vivres et du logement, datée du 13 juin 2011, adressée à M. McNeil, avait été apportée au commandant Smith pour qu’il la fasse parvenir à son destinataire, puisque les employés opérationnels au service postal étaient en grève. La lettre informait M. McNeil que M. Murphy recommandait la cessation de son emploi à cause de sa présumée inconduite durant l’automne de 2009 et qu’il continuerait d’être suspendu sans solde en attendant la prise d’une décision définitive à son égard.

9 Le 15 juin 2011, le commandant Smith et Kevin Peach, des Ressources humaines, se sont rendus au domicile de M. McNeil à bord d’un véhicule. M. Peach s’est rendu à la porte du domicile et a commencé à discuter avec l’épouse et la fille de M. McNeil. Il leur a demandé de s’assurer que M. McNeil recevrait la lettre. Cet entretien a eu lieu vers 9 h 20.

10 La recommandation de licenciement a été examinée par le bureau du commandant, Académie canadienne de la Défense, à Kingston, en Ontario, et dans une lettre datée du 21 juin 2011 et adressée à M. McNeil, le commandant a conclu que ce dernier avait enfreint les normes de conduite et le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et il a mis fin à son emploi, de façon rétroactive à la date de sa suspension sans solde, en attendant l’ouverture d’une enquête, c’est-à-dire au 20 novembre 2009.

11 La conclusion de la lettre renfermait notamment les phrases suivantes : [traduction] « À la réception de cette lettre, vous n’êtes plus tenu de vous présenter au travail […] En conformité avec votre convention collective, vous avez le droit de déposer un grief. » Après le bloc de signature, la lettre précisait ceci :

[Traduction]

Veuillez accuser réception de cette lettre en la signant ci-dessous. En signant la lettre, vous n’indiquez pas que vous êtes d’accord avec son contenu, mais vous indiquez que vous avez été informé de la raison pour laquelle vous faites l’objet de la mesure disciplinaire.

J’accuse réception de la présente lettre le                                  .

Signé par :                                                   

                                                                                     
Date                                          Signature

12 La lettre a été remise au bureau du commandant Smith afin qu’elle soit envoyée à M. McNeil. Le service de messagerie de la base a pris les arrangements nécessaires pour que la lettre soit livrée au domicile de M. McNeil par Dynamex, une entreprise de messagerie, à cause de la grève postale qui se poursuivait à ce moment-là. L’entreprise de messagerie a tenté de livrer la lettre à deux reprises, soit le 24 juin et le 27 juin 2011. Les tentatives ont échoué, puisqu’il n’y avait personne au domicile de M. McNeil chaque fois. La lettre a été retournée au bureau du commandant Smith. Les documents présentés en preuve par Dynamex montrent que la lettre devait être livrée avant 16 h. Le moment exact de la tentative de livraison le 24 juin n’est pas indiqué; cependant, le 27 juin, la tentative de livraison s’est faite à 14 h 22.

13 Le commandant Smith a discuté d’autres options de livraison avec Mme Lightheart, l’agente des ressources humaines de la base. Ces options incluaient une visite personnelle au domicile de M. McNeil, la communication d’une copie de la lettre au président de l’agent négociateur et l’envoi de la lettre par courrier recommandé au domicile de M. McNeil.

14 Le 28 juin 2011, le commandant Smith s’est de nouveau rendu au domicile de M. McNeil dans un véhicule pour lui remettre la lettre; cependant, personne n’était à la maison. La preuve documentaire montre que cette tentative de livraison a eu lieu à 10 h.

15 Le commandant Smith a envoyé un courriel à Jacques Séguin, le président de l’agent négociateur, en y joignant la lettre de licenciement en format de document portable, ou PDF. Il a déclaré qu’il avait envoyé le document à l’agent négociateur dans le cadre d’un effort général visant à faire en sorte que toutes les tentatives soient faites pour remettre la lettre à M. McNeil.

16 Il a envoyé une lettre recommandée à M. McNeil, mais celui-ci n’en a pas pris possession. La lettre a été retournée à son adjoint administratif par Postes Canada, puisque personne ne l’avait réclamée et n’avait signé pour la lettre au bureau de poste local.

17 Il a précisé qu’il avait eu des discussions avec M. Séguin. M. Séguin avait demandé à obtenir des documents d’information concernant le licenciement de M. McNeil, y compris l’ensemble des constatations contenues dans le rapport d’enquête, ainsi que des copies des réponses/rapports pour chacun des quatre présumés incidents d’inconduite dont M. McNeil était accusé. Le commandant Smith a indiqué à M. Séguin qu’il ne pensait pas qu’il avait le pouvoir de lui fournir les documents demandés. Il a informé M. Séguin que si M. McNeil l’autorisait par écrit à fournir les documents à l’agent négociateur, il le ferait. Il n’a pas obtenu ce consentement.

18 Le commandant Smith et Mme Lightheart ont décidé de faire une dernière tentative pour faire parvenir la lettre au domicile de M. McNeil. De nouveau, il n’y avait personne à cette adresse lorsque le commandant Smith et M. Peach se sont rendus au domicile le 11 juillet 2011, à 9 h 30. Ils ont placé la lettre entre la porte moustiquaire et la porte de devant. Une note manuscrite versée au dossier précise que l’enveloppe [traduction] « ne fournissait aucun indice quant à son contenu » (voir la pièce 2, onglet 12).

19 Du fait que le commandant Smith était en voie d’être affecté à une autre base, Mme Lightheart a repris la responsabilité de la livraison de la lettre à M. McNeil.

20 Durant le contre-interrogatoire, le commandant Smith a reconnu qu’il n’avait pas reçu de confirmation selon laquelle M. McNeil avait en fait reçu la lettre de licenciement.

21 Il a reconnu que s’il avait informé M. Séguin du licenciement de M. McNeil, c’était en raison de la clause 17.03 de la convention collective, qui oblige l’employeur d’informer le représentant local de l’agent négociateur dès que possible lorsque survient une suspension ou un licenciement.

22 Il a également reconnu que la raison pour laquelle il voulait signifier la lettre de licenciement personnellement était que cette lettre contenait un espace où le destinataire pouvait en accuser réception, après le bloc de signature du major Gosselin. Il a reconnu que cette partie n’avait pas été signée.

B. Louise Pepin

23 Mme Louise Pepin est l’adjointe administrative de l’officier d’administration à la base Borden, un poste qu’elle occupe depuis 2005. En 2011, elle fournissait un soutien au commandant Smith. Elle a témoigné que le commandant Smith lui avait demandé de prendre les arrangements nécessaires pour que les lettres soient envoyées à M. McNeil et signées par lui en tant que courrier recommandé les 14 et 29 juin 2011.

C. Annette Lightheart

24 Mme Lightheart est l’agente des ressources humaines à la Base des Forces canadiennes Borden, un poste qu’elle occupe depuis 2011, et elle était responsable du dossier personnel de M. McNeil.

25 Elle savait que plusieurs tentatives avaient été faites pour faire parvenir la lettre de licenciement à M. McNeil.

26 M. Larry Woodward, un représentant de l’agent négociateur à la base, s’était mis en rapport avec elle et avait demandé à obtenir des copies de la lettre recommandant le licenciement de M. McNeil ainsi que de la lettre de licenciement. Elle avait accepté de copier les lettres et de les placer dans une enveloppe dans son bureau, que M. Woodward viendrait ensuite chercher. Or, M. Woodward n’est pas venu prendre les lettres.

27 Elle a envoyé une copie de la lettre de licenciement à M. Séguin. M. Séguin a communiqué avec elle le 21 juillet 2011. Elle lui a subséquemment envoyé des courriels les 5 et 8 août 2011 pour décrire les tentatives qui avaient été faites pour faire parvenir la lettre de licenciement à M. McNeil. Elle n’a reçu aucune réponse à ses courriels.

28 Puis, elle a pris des arrangements avec son adjoint pour renvoyer une fois de plus la lettre de licenciement à M. McNeil par courrier recommandé et par le courrier ordinaire. Postes Canada n’a pas pu livrer la lettre recommandée. Elle a été retournée par Postes Canada le 18 août 2011 parce que personne n’était venu la réclamer.

29 Durant le contre-interrogatoire, on lui a demandé si elle avait obtenu une confirmation que M. McNeil avait en fait reçu la lettre de licenciement en 2011. Elle a déclaré que toutes les lettres qui avaient été envoyées par courrier recommandé avaient été retournées, parce que personne ne les avait réclamées.

D. Kevin Peach

30 M. Peach est le coordonnateur de la Direction de l’administration à la BFC Borden.

31 Le 15 juin 2011, le commandant Smith lui a demandé de l’accompagner à Ashburton pour remettre une lettre à M. McNeil. Il a accompagné le commandant Smith jusqu’à l’adresse de M. McNeil. Il s’est rendu à l’avant du domicile et a parlé à deux femmes qui se trouvaient sur le palier avant. Il a demandé à parler à M. McNeil. Il a appris que M. McNeil était au travail. Il a remis la lettre à l’une des femmes et a demandé qu’elle soit remise à M. McNeil. Il a supposé que les femmes en question étaient l’épouse et la fille de M. McNeil. Il avait vu l’une des femmes à la cuisine à la base auparavant.

32 Le 28 juin 2011, il a de nouveau accompagné le commandant Smith pour livrer une autre lettre au domicile de M. McNeil. Il s’est rendu à la maison et a frappé à la porte. Il n’y avait pas de réponse.

33 Le 11 juillet 2011, il a une fois de plus accompagné le commandant Smith pour remettre une lettre au domicile de M. McNeil. Il est resté dans le véhicule, tandis que le commandant Smith s’est rendu à la porte de devant. Ce dernier a frappé à la porte, mais il n’y avait pas de réponse. Le commandant Smith a placé la lettre entre les deux portes. Puis, ils sont retournés à leurs bureaux respectifs. Durant le contre-interrogatoire, on a demandé à M. Peach s’il avait obtenu une confirmation que M. McNeil avait reçu la lettre. Il a répondu « non ».

E. Conrad McNeil

34 M. McNeil a expliqué, durant son témoignage, qu’il avait commencé à travailler dans la fonction publique en tant que cuisinier à la BFC Borden en 1978. Il avait commencé en tant que cuisinier à temps partiel et il lui avait fallu plus de 10 ans pour obtenir un poste à plein temps. Il a travaillé la majorité de sa vie professionnelle comme cuisinier au mess des officiers. À l’époque du licenciement, il était cuisinier de grade 5.

35 Il a confirmé qu’il était l’auteur d’un certain nombre de griefs. Le grief no 2753 a été signé le 10 août 2010. Les détails du grief sont les suivants :

[Traduction]

Détails du grief

En réponse au courriel de KE Murphy du 12 juillet 2010, je conteste le refus de l’employeur de m’autoriser à retourner au travail et de prendre des mesures d’adaptation à mon égard, tel que recommandé dans la lettre de Santé Canada en date du 29 juin 2010.

Mesures correctives demandées

Que l’on me permette de retourner au travail et que l’on prenne des mesures d’adaptation à mon égard de la façon recommandée dans la lettre de Santé Canada du 29 juin 2010 et que ma rémunération et mes avantages sociaux soient entièrement rétablis, rétroactivement à ma dernière journée de travail.

36 Le grief no 3354 a été signé le 4 février 2011. Le grief était formulé comme suit :

[Traduction]

Détails du grief

Je dépose un grief en réponse à la lettre du 19 janvier 2011 portant le numéro 6000 R et QSS0 [sic] dans laquelle il m’informe que ma suspension sans solde est maintenue.

Mesures correctives demandées

Je veux que cette lettre soit retirée. Je veux être rétabli immédiatement dans mon poste. Je veux que ma rémunération et mes avantages sociaux soient rétablis rétroactivement à novembre 2009 et que l’on prenne toute autre mesure à laquelle j’ai droit, afin que je puisse retrouver mon intégrité.

37 M. McNeil a témoigné qu’il n’avait pas reçu la lettre de licenciement de l’employeur durant l’été de 2011. Il a reçu des avis de courrier recommandé qu’il devait aller chercher au bureau de poste. Il a déclaré qu’il n’était pas allé chercher le courrier recommandé au bureau de poste parce qu’il avait deux emplois et tentait de remplacer le revenu qu’il avait perdu et que le bureau de poste n’était pas ouvert au moment où il retournait chez lui. Ses heures de travail étaient de 6 h 30 le matin jusqu’après 19 h 30 le soir. Il ne savait pas à quelles heures le bureau de poste était ouvert. Il a expliqué qu’on lui avait ordonné de quitter la base sans aucune explication en 2009 et qu’il avait été suspendu par la suite.

38 On lui a demandé s’il essayait d’éviter de recevoir la lettre de licenciement. Il a répondu « non », parce qu’il souhaitait faire entendre son cas le plus rapidement possible.

39 Lors de son témoignage, il a précisé qu’il avait reçu la lettre de licenciement ainsi que la réponse au dernier palier à son grief contestant sa suspension de durée indéterminée le 16 janvier 2012, mais qu’il ne se souvenait pas comment il les avait reçues. Il a déclaré que c’était la première fois qu’il voyait la lettre de licenciement et qu’immédiatement après l’avoir reçue, il avait pris des mesures pour déposer un grief, ce qu’il a fait le 8 février 2012.

40 Il a affirmé qu’il souhaitait contester son licenciement et qu’il n’avait jamais eu l’intention de renoncer à son droit de présenter un grief.

41 M. McNeil n’a pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire concernant les éléments de preuve qu’il a présentés.

III. Résumé de l’argumentation

A. Argumentation de l’employeur

42 L’avocat de l’employeur a passé en revue les faits entourant les tentatives de l’employeur de faire parvenir la lettre de licenciement à M. McNeil durant l’été de 2011 et a déclaré que l’employeur avait fait preuve de diligence raisonnable. Il n’y avait aucun élément de preuve qui laisserait supposer que M. McNeil n’avait pas reçu la lettre. Autre que son propre témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas fourni d’autres éléments de preuve selon lesquels il n’aurait pas reçu la lettre.

43 La question à trancher est une question de crédibilité. Si l’on décide de croire les affirmations faites par le fonctionnaire s’estimant lésé, il serait nécessaire de croire les faits suivants : l’épouse et la fille de M. McNeil n’ont jamais reçu la lettre d’intention visant à mettre fin à son emploi; M. McNeil n’était jamais disponible pour aller chercher le courrier recommandé au bureau de poste puisqu’il avait deux emplois; les représentants de l’agent négociateur n’ont pas fourni une copie de la lettre de licenciement à M. McNeil; personne n’a trouvé la lettre qui avait été placée entre les deux portes; M. McNeil n’a pas reçu la lettre de licenciement envoyée par le courrier ordinaire en août 2011, mais il a reçu une lettre envoyée par le courrier ordinaire en janvier 2012, qui comprenait la réponse à ses griefs originaux, ainsi que la lettre de licenciement.

44 La clause 17.01 de la convention collective prévoit ceci :

[l]orsque l’employé-e est suspendu de ses fonctions ou est licencié […], l’Employeur s’engage à lui indiquer, par écrit, la raison de cette suspension ou de ce licenciement. L’Employeur s’efforce de signifier cette notification au moment de la suspension ou du licenciement.

45 Il y a suffisamment d’éléments de preuve pour établir que le fonctionnaire s’estimant lésé avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de son licenciement avant janvier 2012.

46 Subsidiairement, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles il est impossible de notifier un employé de la raison de sa suspension ou de son licenciement. La clause 17.01 de la convention collective oblige l’employeur à indiquer à l’employé, par écrit, la raison de la suspension ou du licenciement. Elle précise par ailleurs que l’employeur doit s’efforcer de signifier cette notification au moment de la suspension ou du licenciement. La clause 17.03 stipule que l’employeur doit informer le plus tôt possible le représentant local de l’Alliance qu’une telle suspension ou qu’un tel licenciement a été infligé. Il y a une raison pour laquelle cette disposition est contenue dans la convention collective. L’agent négociateur doit faire preuve de diligence raisonnable en apportant la lettre le licenciement à l’attention du fonctionnaire s’estimant lésé.

47 Il y a suffisamment d’éléments de preuve permettant d’établir que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû avoir connaissance du licenciement avant janvier 2012. L’employeur a fait preuve de diligence en tentant de notifier M. McNeil de son licenciement; cependant, M. McNeil et son agent négociateur n’ont pas fait preuve de diligence. M. McNeil a cherché à éviter de prendre connaissance de son licenciement.

48 Pour satisfaire aux critères de prorogation du délai de présentation d’un grief, le fonctionnaire s’estimant lésé doit avoir fait preuve de diligence raisonnable; voir Virdi c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2006 CRTFP 124. Dans ce cas-là, le fonctionnaire s’estimant lésé avait été renvoyé en cours de stage. Il était représenté par son agent négociateur tout au long du processus de présentation d’un grief. La réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs avait été fournie le 25 août 2005.

49 Le fonctionnaire s’estimant lésé avait personnellement présenté une demande de renvoi à l’arbitrage le 12 janvier 2006 et avait demandé une prorogation du délai. On a fixé une audience pour entendre la demande. Ayant été informé de la tenue de l’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’y était pas présenté. L’avocat de l’employeur avait fait valoir que le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’était pas acquitté de sa responsabilité puisqu’il n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable dans la protection de ses droits, ce qui incluait la nécessité de communiquer avec son ancien employeur et agent négociateur pour établir si une décision avait été prise à l’égard de son grief. Par ailleurs, son omission d’informer son ancien agent négociateur de son changement d’adresse témoignait également d’un manque de diligence raisonnable. La Commission avait pris ces facteurs en considération avant de rejeter la demande.

50 Dans les circonstances en l’espèce, M. McNeil n’a pas fait preuve de diligence raisonnable. Il aurait dû essayer de communiquer avec l’agent négociateur. De même, on ne sait pas quelles mesures l’agent négociateur a prises, le cas échéant, pour faire preuve de diligence raisonnable et porter la lettre de licenciement à l’attention de M. McNeil.

51 Dans Salain c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 117, le demandeur a déposé un grief pour contester la fin de son emploi pour une période déterminée à l’Agence du revenu du Canada. L’employeur s’est opposé au renvoi à l’arbitrage du grief au motif qu’il était hors délai. Le demandeur a soumis que le grief avait été déposé à temps et, subsidiairement, a demandé une prorogation du délai en vue du dépôt d’un grief. La raison avancée par M. Salain pour expliquer le retard dans la présentation de son grief est qu’il n’était pas conscient de son droit de présenter un grief avant de communiquer avec la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

52 Au moment où elle a rejeté sa demande de prorogation du délai, la Commission a fait la déclaration suivante, au paragraphe 47 de la décision :

La diligence raisonnable dont aurait fait preuve le demandeur n’a pas été démontrée. D’un côté, il a fourni des éléments de preuve montrant qu’il avait assuré le suivi auprès d’un certain nombre d’organismes gouvernementaux, y compris, en fin de compte, la CRTFP. D’un autre côté, il savait pertinemment qu’il était un employé syndiqué et qu’il avait accès à un agent négociateur. En fait, il avait eu recours aux services de représentation de son agent négociateur. S’il avait fait preuve de diligence et avait communiqué ses préoccupations à son agent négociateur, ce dernier aurait pu l’informer de ses droits en vertu de la convention collective. Selon moi, le demandeur n’a pas fait preuve de diligence.

53 Le fait que M. McNeil évitait d’être informé de son licenciement est un aspect pertinent lorsque la Commission cherche à établir si elle devrait proroger le délai de présentation d’un grief, puisqu’il est clair que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas exercé de diligence raisonnable dans le cadre de la présentation de son grief.

54 Dans Tench c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) et ministère de la Défense nationale, 2013 CRTFP 124, la Commission a statué, en réponse à une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail et à des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique selon lesquelles l’employeur défendeur n’avait pas respecté les modalités d’une entente de règlement, que le plaignant, sur le fondement des faits de l’affaire, était responsable pour la non-réception de la lettre de son employeur qui lui avait été envoyée par Xpresspost et qui n’avait pas été réclamée.

55 Par analogie, M. McNeil, dans les circonstances du présent cas, était responsable pour le fait de n’avoir pas reçu la lettre de licenciement qui lui avait été envoyée par courrier recommandée et qui n’avait pas été réclamée.

56 Les erreurs commises par l’agent négociateur ne sont pas nécessairement des motifs convaincants justifiant la prorogation du délai. Il faut qu’il y ait des motifs clairs et logiques pour le délai. Il doit y avoir de la stabilité dans le régime des relations de travail et il est nécessaire de se conformer strictement aux délais, sauf dans des circonstances exceptionnelles, qui sont absentes en l’espèce.

B. Argumentation de l’agent négociateur

57 Il y a trois griefs qui sont reliés entre eux : un grief contestant le licenciement, un grief concernant la suspension sans solde pour une durée indéterminée et un grief concernant une présumée omission de respecter l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

58 Les trois griefs découlent de la décision de demander à M. McNeil de quitter son lieu de travail en novembre 2009. Le grief contestant la suspension de durée indéterminée et le grief concernant l’obligation de prendre des mesures d’adaptation ont été déposées dans les délais prévus.

59  C’est à l’employeur de prouver que le grief concernant le licenciement n’a pas été présenté à temps.

60 L’agent négociateur affirme que M. McNeil a déposé son grief dans les 25 jours qui ont suivi la réception de la lettre de licenciement, ce qui est conforme à la convention collective.

61 La position de l’agent négociateur est que le grief a été présenté dans le délai voulu. Si la Commission rend que le grief était hors délai, il demande que la Commission exerce son pouvoir en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement de la CRTFP et proroge le délai de dépôt. L’équité est le principe directeur. À la lumière de la preuve déposée, par souci d’équité, il doit y avoir prorogation du délai afin que M. McNeil puisse faire entendre le bien-fondé de son grief déposé en réponse à son licenciement.

62 Quand le temps commence-t-il à s’écouler en vertu de la clause 18.15? Il ne s’agit pas tant d’une question juridique que d’une détermination reposant sur les faits. De l’avis de l’agent négociateur, le temps a commencé à s’écouler dès la réception, par M. McNeil, de la lettre de licenciement officielle. Il s’agit du moment où il a été avisé de son licenciement. La clause 17.01 de la convention collective précise que lorsqu’un employé est licencié, c’est l’employeur qui doit informer par écrit l’employé de la raison du licenciement.

63 La clause ne mentionne pas que l’agent négociateur doit fournir un avis à l’employé. La clause 17.03 est une disposition distincte dans la section consacrée aux mesures disciplinaires qui oblige l’employeur à informer le représentant local du syndicat dès que possible, lorsqu’un licenciement est survenu. Il y a deux obligations séparées, qui incombent toutes les deux à l’employeur.

64 Un employé qui a été licencié pour des raisons disciplinaires peut déposer un grief contestant son licenciement et le renvoyer à l’arbitrage sans obtenir l’approbation de son agent négociateur. L’employé doit être informé de son licenciement, séparément de son agent négociateur, parce que l’employé a le droit d’agir tout seul.

65  M. McNeil jouissait du droit personnel d’être informé de son licenciement. Le moment où il a reçu la notification dans les faits n’est pas quelque chose que l’on peut supposer qui s’est produit ou qui ne s’est pas produit ou, dans le même ordre d’idées, on ne peut supposer qu’il aurait dû être au courant de son licenciement. La notification doit être claire. Il y a eu plusieurs tentatives de notifier M. McNeil des motifs de son licenciement. Il n’y avait aucune confirmation que M. McNeil avait reçu la lettre de licenciement.

66 Étant donné le nombre de tentatives de notifier M. McNeil de son licenciement, il est clair que l’employeur comprenait l’importance de fournir un tel avis.

67 Or, aucune preuve n’a été présentée montrant que si M. Séguin avait reçu une copie de la lettre de licenciement par courrier électronique, il l’a fait parvenir ensuite à M. McNeil. Rien dans la convention collective n’oblige l’agent négociateur à transmettre une lettre de licenciement à un employé. L’agent négociateur n’est pas l’agent de l’employeur. Quoi qu’il en soit, aucune requête n’a été faite par l’employeur à l’agent négociateur qu’il agisse comme son agent aux fins de communication de la lettre à M. McNeil.

68 En janvier 2012, le ministère a fourni une réponse au dernier palier aux deux autres griefs qui étaient considérés comme ayant été présentés dans les délais. La lettre de licenciement était jointe aux griefs. Si l’employeur a comme position que M. McNeil aurait dû être au courant de son licenciement, pourquoi a-t-il de nouveau envoyé la lettre de licenciement? L’employeur, en agissant ainsi, reconnaît qu’il n’avait pas réussi à signifier la lettre de licenciement à M. McNeil.

69 M. McNeil a déclaré, durant son témoignage, qu’il ne cherchait pas à éviter que la lettre lui soit signifiée. Il se souvenait avoir reçu des avis de courrier recommandé; toutefois, il ne pouvait se rendre au bureau de poste parce qu’il avait deux emplois. Il n’avait pas l’intention de retirer aucun des griefs et voulait que le processus aille de l’avant. Pour être logique, M. McNeil avait déjà déposé deux griefs concernant la même question, qui était à l’origine du départ de son lieu de travail. Pourquoi ne souhaiterait-il pas déposer un grief contestant son licenciement, qui était la plus grave des mesures prises par l’employeur?

70 M. McNeil n’a pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire. Sa crédibilité n’est pas en jeu. Son témoignage devrait être considéré comme conforme à la réalité. Il bénéficiait d’un droit indépendant d’être notifié de son licenciement. Il n’a pas reçu la notification avant un moment donné en janvier 2012. Il a déposé un grief dans les 25 jours qui ont suivi la réception de la notification, ce qui est conforme aux délais fixés dans la convention collective.

71 Subsidiairement, si la Commission rend que le grief était hors délai, M. McNeil demande qu’elle exerce son pouvoir en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission et proroge le délai de dépôt de son grief contestant le licenciement.

72 L’équité doit être le principe directeur dans cette affaire, selon les facteurs énoncés dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1. Ces principes ont été résumés à l’alinéa 61b) du Règlement, qui permet, soit au président, soit au vice-président, de proroger les délais « par souci d’équité » (voir Richard c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 180, au paragraphe 54).

73 Dans ce cas-là, la fonctionnaire s’estimant lésé avait été suspendue pour une durée indéterminée et avait fini par être licenciée. Au moment de son renvoi, elle avait été une employée de la fonction publique fédérale depuis 22 ans. Elle a tenté de déposer des griefs, mais ils étaient environ huit mois en retard.

74 La Commission, qui avait décidé que l’état médical de la demanderesse était un facteur dont il fallait tenir compte durant l’examen de la demande, a noté qu’il s’agissait de l’un des nombreux facteurs à prendre en considération. La Commission estimait que la perte d’emploi était un grave problème pour la fonctionnaire s’estimant lésé et qu’il fallait tenir compte du fait qu’elle avait été une employée dans la fonction publique pendant 22 ans. Par ailleurs, le court laps de temps qui s’était écoulé au-delà des limites de temps, approximativement huit mois, était également un facteur important. Puisque l’employeur reconnaissait que le délai ne nuirait pas à sa capacité de présenter ses arguments contestant le grief et en raison de la nature de la mesure disciplinaire imposée, le rejet de la demande aurait eu d’importantes conséquences négatives pour la fonctionnaire s’estimant lésée. Cela a amené la Commission à accueillir la demande de prorogation du délai.

75 L’employeur n’a pas indiqué la date à laquelle commence à s’écouler le temps aux fins du calcul permettant de savoir si le grief est hors délai ou non. Si l’on se base sur la date de la lettre de licenciement, soit le 21 juin 2011, le pire scénario est un délai de huit mois. En l’espèce, il faut tenir compte du fait que le fonctionnaire s’estimant lésé était suspendu de son emploi depuis novembre 2009 et que l’employeur a mis plus d’un an et demi pour arriver à la conclusion qu’il fallait mettre fin à son emploi. Le délai de huit mois est une période relativement courte dans ce contexte.

76 Tout comme dans Richard, afin d’établir un juste équilibre entre les différents intérêts, il faut reconnaître que le préjudice subi par l’employeur est limité, tandis que la nature de la mesure disciplinaire, à savoir le licenciement, aurait d’importantes conséquences négatives pour le fonctionnaire s’estimant lésé. Dans le droit du travail, la perte d’un emploi équivaut à la punition capitale. La Commission a été saisie de deux autres griefs découlant des mêmes faits. La preuve présentée par l’employeur n’a pas montré du tout quel préjudice il subirait.

C. Réfutation de l’employeur

77 L’agent négociateur a fait valoir qu’il n’a aucun rôle à jouer puisqu’il s’agit d’un grief concernant une mesure disciplinaire et parce que le fonctionnaire s’estimant lésé peut se représenter lui-même dans la procédure de règlement des griefs et renvoyer son grief à l’arbitrage. En réalité, l’agent négociateur était au courant du licenciement depuis juin 2011 et avait assuré le suivi auprès de l’employeur. L’agent négociateur avait un rôle à jouer. L’employeur ne savait pas si l’agent négociateur avait joué un rôle. L’employeur a noté que l’agent négociateur avait demandé à obtenir plus de documents.

78 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas fait preuve de diligence raisonnable dans le cadre de la présentation de son grief. Tant l’agent négociateur que M. McNeil savaient que la lettre de licenciement circulait.

79 Durant l’été de 2011, ni M. McNeil ni l’agent négociateur n’ont fait ce qu’ils auraient dû faire pour exercer une diligence raisonnable.

80 L’agent négociateur a déclaré qu’il n’y avait aucune contradiction dans la preuve et que M. McNeil n’a pas été soumis à un contre-interrogatoire. Or, il n’est pas nécessaire de procéder à un contre-interrogatoire. M. McNeil n’était pas crédible.

81 La prorogation du délai ne fournirait aucun avantage du point de vue des relations de travail. Si la Commission accordait une prorogation du délai, elle causerait un grave préjudice à l’employeur, parce qu’en ne présentant pas un grief contestant son licenciement, le fonctionnaire s’estimant lésé avait rendu théoriques les deux griefs présentés.

IV. Motifs

82 Le grief en date du 8 février 2012, en réponse à la lettre de licenciement de M. McNeil, qui entrait en vigueur le 20 novembre 2009, a-t-il été présenté dans les délais prévus dans la convention collective?

83 Les dispositions pertinentes de la convention collective sont les suivantes.

84 La clause 18.15 de la convention collective prévoit en partie ce qui suit :

Un employé-e s’estimant lésé peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite par la clause 18.08 au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est informé ou prend connaissance de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief […]

85 La clause 17.01 de la convention collective, sous la rubrique « Mesures disciplinaires », précise ce qui suit :

Lorsque l’employé-e est suspendu de ses fonctions ou est licencié aux termes de l’alinéa 11(2)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, l’Employeur s’engage à lui indiquer, par écrit, la raison de cette suspension ou de ce licenciement. L’Employeur s’efforce de signifier cette notification au moment de la suspension ou du licenciement.

86 En l’espèce, l’action ou les circonstances donnant lieu au grief désignent la réception de la notification écrite du licenciement. C’est à l’employeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est plus probable que non que la lettre de licenciement a été signifiée à M. McNeil durant l’été de 2011. Cela ressort clairement de la clause 17.01, qui impose à l’employeur une obligation de signifier à un employé la fin de son emploi par écrit. La convention collective est ferme sur ce point, et l’obligation de l’employeur est formulée comme un engagement. L’obligation que l’employeur « s’efforce de signifier cette notification » au moment du licenciement doit être interprétée ainsi.

87 Les parties ont également invoqué la clause 17.03 de la convention collective, dont le libellé est le suivant :

L’Employeur informe le plus tôt possible le représentant local de l’Alliance qu’une telle suspension ou qu’un tel licenciement a été infligé.

88 La clause 17.03 est une obligation séparée et distincte. À mon avis, elle n’établit pas une relation de mandataire entre l’agent négociateur et l’employeur, ni impose-t-elle une obligation de diligence raisonnable à l’agent négociateur en exigeant que ce dernier remplisse l’obligation de l’employeur de notifier l’employé qui fait l’objet du licenciement.

89 Un employé licencié pour des motifs disciplinaires peut présenter un grief contestant son licenciement et renvoyer celui-ci à l’arbitrage avec ou sans l’approbation de l’agent négociateur. De plus, il me semble que le seul objectif de cette disposition est de permettre au représentant de l’agent négociateur de se préparer à l’éventualité d’une rencontre ou d’une audition où il sera question de la mesure disciplinaire. Cela ressort clairement, par exemple, de la clause précédente, soit la clause 17.02, qui accorde au fonctionnaire s’estimant lésé le droit de demander à un représentant de l’agent négociateur d’être présent à une réunion disciplinaire.

90 Les parties n’ont pas pu m’aider en ce qui concerne le cadre approprié à utiliser pour déterminer si un employé a été notifié effectivement ou non des motifs de son licenciement ou, subsidiairement, pour déterminer si cet employé doit être considéré comme avoir été notifié des motifs de son licenciement. Leur argument était fondé essentiellement sur les faits qui m’ont été présentés et les déductions que je devrais en tirer. Je me pencherai sur ces faits et je formulerai des conclusions à leur égard.

91 J’ai décidé que les dispositions législatives suivantes m’aident également à trancher cette question.

92 Le paragraphe 26(3) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, énonce les principes sur lesquels repose la preuve de l’envoi par la poste de tout document communiqué par les ministères ou autres composantes de l’administration publique fédérale. Essentiellement, il prévoit que le récépissé postal décerné pour la livraison de la lettre recommandée fait foi, juste qu’à preuve contraire, de l’envoi de l’avis lorsque la loi ou le règlement régissant les activités du ministère exige l’envoi d’un avis par le courrier. La disposition est libellée comme suit :

Preuve de l’envoi par la poste de tout document ministériel

(3) Lorsqu’une loi fédérale ou un règlement pris sous son régime prévoit l’envoi par la poste d’une demande de renseignements, d’un avis ou d’une réquisition formulée par un ministère ou autre secteur de l’administration publique fédérale, un affidavit d’un fonctionnaire du ministère ou de cet autre secteur de l’administration publique fédérale, reçu par un commissaire ou une autre personne autorisée à recevoir les affidavits, énonçant qu’il a la charge des archives appropriées, qu’il est au courant des faits relatifs au cas particulier, que cette demande, cet avis ou cette réquisition a été expédié par courrier recommandé, à une date déterminée, à la personne ou firme à laquelle elle était adressée (indiquant l’adresse) et qu’il identifie, comme pièces jointes à cet affidavit, le certificat postal de recommandation de la lettre et une copie authentique de la demande, de l’avis ou de la réquisition en question, fait foi, sur la production et la preuve du récépissé postal décerné pour la livraison de la lettre recommandée au destinataire, jusqu’à preuve contraire, de l’envoi et de la demande, de l’avis ou de la réquisition en question.

[Je souligne]

93 L’article 40 de la Loi sur la preuve au Canada précise que les lois sur la preuve qui sont en vigueur dans la province où les procédures sont exercées, y compris les lois relatives à la preuve de la signification de n’importe quel document, s’appliquent aux procédures qui relèvent de l’autorité législative du Parlement du Canada. Cet article se lit comme suit :

Lois provinciales concernant la preuve

40. Dans toutes les procédures qui relèvent de l’autorité législative du Parlement du Canada, les lois sur la preuve qui sont en vigueur dans la province où ces procédures sont exercées, y compris les lois relatives à la preuve de la signification d’un mandat, d’une sommation, d’une assignation ou d’une autre pièce s’appliquent à ces procédures, sauf la présente loi et les autres lois fédérales.

[Je souligne]

94 Les procédures dont il est question ici se sont déroulées en Ontario. Les Règles de procédure civiles, R.R.O. 1990, Règlement 194 de l’Ontario, édictées en conformité avec la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O., chap. C-43, portent sur la signification des documents.

95 La règle 16 traite de la signification des documents : « Signification à personne : Le document qui doit être signifié à personne l’est comme suit […] en lui laissant une copie du document. »

96 Les règles prévoient d’autres modes de signification directe. La signification peut se faire des façons suivantes :

i) acceptation de la signification par l’avocat;

ii) signification du document par la poste à la dernière adresse connue accompagné d’une carte d’accusé de réception, mais cette signification n’est valide qu’à compter du jour où l’expéditeur reçoit la carte;

iii) laisser une copie au domicile du destinataire, dans une enveloppe scellée adressée à celui-ci, à une personne qui paraît majeure et qui semble habiter sous le même toit que lui, et envoyer par la poste, le jour même ou le lendemain, une autre copie du document au domicile du destinataire.

97 Il y a également des dispositions sur la signification indirecte et sur la validation de la signification irrégulière. Si un document a été signifié d’une façon autre que celles autorisées par les règles ou une ordonnance, le tribunal peut, par ordonnance, valider la signification s’il est convaincu :

i) soit, que le destinataire en a pris connaissance;

ii) soit, que le document a été signifié de telle sorte que le destinataire en aurait pris connaissance s’il n’avait pas tenté de se soustraire à la signification.

98 Selon la jurisprudence établie au sujet de la disposition de validation, l’auteur de la demande d’ordonnance a l’obligation de montrer qu’il n’est pas en mesure d’assurer une prompte signification au destinataire. Les dispositions concernant la signification indirecte et la validation de la signification ne visent pas à dispenser le demandeur de l’effort ou de la dépense d’une signification à personne si cette signification peut se faire. La simple difficulté à assurer la signification à personne n’est pas suffisante (voir, par exemple, Laframboise v. Woodward, [2002] O.J. No. 1590 (QL)).

99 Voici les faits tels que je les perçois. L’agent négociateur a renvoyé à l’arbitrage trois griefs déposés par M. McNeil; un grief daté du 8 février 2012 portait sur son licenciement pour motif disciplinaire et une contravention de la disposition de la convention collective qui interdit la discrimination; un deuxième grief daté du 4 février 2011 contestait sa suspension sans solde de durée indéterminée, et le dernier grief daté du 11 août 2010 portait sur la disposition de la convention collective interdisant la discrimination. Dans ces griefs, il demandait à être réintégré dans son poste.

100 Tous ces griefs trouvent leur origine dans une situation qui était survenue à l’automne de 2009 et qui avait abouti à la suspension sans solde de M. McNeil en attendant la tenue d’une enquête, qui au bout du compte a conduit à son licenciement rétroactivement à la date de sa suspension, qui était le 20 novembre 2009.

101 Le défendeur a déclaré que le grief ayant trait au licenciement et à la contravention de l’article 19 était hors délai. Il n’a soulevé aucune objection à l’égard des deux autres griefs pour ce motif. Ces griefs ont été soumis à la procédure de règlement des griefs et ont été rejetés au dernier palier en janvier 2012.

102 Durant l’été de 2011, M. McNeil avait deux emplois pour tenter de remplacer le revenu qu’il avait perdu. Ses heures de travail étaient de 6 h 30 à 19 h 30.

103 Le 15 juin 2011, le commandant Smith et Kevin Peach se sont rendus au domicile de M. McNeil pour lui remettre personnellement une lettre recommandant son licenciement, période durant laquelle sa suspension demeurerait en vigueur. Deux femmes, qu’ils supposaient être son épouse et sa fille, les ont informés que M. McNeil était au travail. Ils ont demandé que la lettre soit remise à M. McNeil. M. McNeil n’a pas nié avoir reçu cette lettre.

104 Le ministère a décidé de mettre fin à l’emploi de M. McNeil. Une lettre datée du 21 juin 2011 et adressée à M. McNeil, l’informant de son licenciement, a été remise à une entreprise de messagerie pour qu’elle la lui remette personnellement. Les instructions fournies à l’entreprise de messagerie étaient qu’elle devait venir chercher la lettre après 13 h 30 et la livrer avant 16 h. Deux tentatives de livraison en mains propres ont été faites, le 24 juin 2011 et le 27 juin 2011. La preuve documentaire montre que personne n’était au domicile aux deux occasions.

105 Le 28 juin 2011, le commandant Smith et M. Peach se sont rendus au domicile de M. McNeil à ou vers 10 h, pour lui remettre la lettre personnellement. Toutefois, personne n’était au domicile.

106 Le commandant Smith a envoyé un courriel à Jacques Séguin, président de l’agent négociateur, en y joignant la lettre de licenciement en format PDF. M. Séguin a demandé à obtenir les documents d’information ayant trait au licenciement de M. McNeil. Le commandant Smith lui a dit qu’il ne pensait pas avoir le pouvoir nécessaire pour fournir les documents demandés et qu’il aurait à obtenir l’autorisation de M. McNeil.

107  Le 29 juin 2011, Postes Canada a tenté de livrer la lettre de licenciement par courrier prioritaire, ce qui nécessitait la signature par M. McNeil du récépissé. Étant donné qu’il n’y avait personne au domicile, la lettre a été retournée au bureau de poste local. La lettre n’a pas été réclamée et a été retournée à l’expéditeur.

108 Le 11 juillet 2011, le commandant Smith et M. Peach se sont rendus au domicile de M. McNeil pour lui remettre personnellement la lettre de licenciement, à 9 h 30. Personne n’était au domicile. La lettre a été laissée entre les portes. Je présume que l’enveloppe ne précisait pas son contenu.

109 Le 29 juillet 2011, Mme Lightheart a envoyé la lettre de licenciement par Xpresspost, ce qui nécessitait une signature confirmant la réception du document. Postes Canada n’a pas pu livrer la lettre, puisqu’il n’y avait personne au domicile, et elle a été retournée au bureau de poste local. Elle n’a pas été réclamée et a été renvoyée à l’expéditrice. Mme Lightheart a également envoyé la lettre de licenciement à l’adresse de M. McNeil par le courrier ordinaire.

110 Le commandant Smith et Mme Lightheart ont reconnu tous deux qu’ils n’avaient pas reçu de confirmation indiquant que M. McNeil avait en fait reçu la lettre de licenciement.

111 M. McNeil, durant son témoignage, a indiqué qu’il n’avait pas reçu la lettre de licenciement de l’employeur durant l’été de 2011. Il a reçu des avis de courrier recommandé; toutefois, il a précisé qu’il ne pouvait aller les chercher parce qu’il avait deux emplois afin d’essayer de remplacer le revenu qu’il avait perdu lorsqu’il avait été suspendu sans solde pour une durée indéterminée. Ses heures de travail étaient de 6 h 30 le matin jusqu’après 19 h 30 le soir. Il a nié qu’il essayait d’éviter de recevoir la lettre de licenciement, parce qu’il voulait que son cas soit entendu dès que possible.

112 Le 16 janvier 2012, M. McNeil a reçu la lettre de licenciement, qui était accompagnée de la réponse fournie au dernier palier de la procédure de règlement des griefs à son grief contestant sa suspension pour une durée indéterminée.

113 M. McNeil a déposé un grief contestant son licenciement le 8 février 2012.

114 La clause 17.01 de la convention collective impose une obligation à l’employeur de notifier l’employé par écrit des motifs de la suspension ou du licenciement. Dans la lettre de licenciement, il était prévu que M. McNeil confirme la réception personnelle de la lettre, par écrit.

115 Les tentatives de signifier la lettre en faisant appel à une entreprise de messagerie, à Postes Canada, à la poste prioritaire et à Xpresspost, et les visites personnelles au domicile de M. McNeil montrent que le défendeur considérait l’obligation de notifier M. McNeil des motifs de son licenciement comme une obligation nécessitant la signification personnelle à ce dernier.

116 L’employeur a soulevé son objection en invoquant la question de la compétence. Il appartient à l’employeur de montrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est plus probable que non que la lettre de licenciement a été signifiée à M. McNeil durant l’été de 2011 ou, subsidiairement, que M. McNeil devait être considéré comme ayant eu connaissance ou qu’il aurait dû avoir connaissance de la lettre de licenciement.

117 Si je me base sur les faits, je conclus que l’avis renfermant les motifs de son licenciement n’a pas été signifié personnellement à M. McNeil durant l’été de 2011.

118 Il n’y a pas non plus d’éléments de preuve indiquant la réception par le bureau de poste des lettres envoyées par courrier recommandé. Ni la Loi ni le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique ne renferment une exigence explicite concernant l’envoi par le courrier d’une notification de licenciement. De plus, l’article de la convention collective qui porte sur la notification ne mentionne pas expressément l’envoi d’un avis par le courrier, mais uniquement l’obligation de fournir un avis par écrit. Le paragraphe 26(3) de la Loi sur la preuve au Canada ne s’applique peut-être pas directement en l’espèce, mais fournit toutefois un cadre par analogie en vue de l’évaluation de la question de savoir si du courrier recommandé a été reçu ou non. Il ne l’a pas été.

119 L’employeur soutient que M. McNeil aurait dû avoir connaissance ou devrait être considéré comme ayant eu connaissance de son licenciement durant l’été de 2011. Essentiellement, l’employeur demande à la Commission de valider la signification de l’avis à M. McNeil durant l’été de 2011. Or, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que le document a été porté à l’attention du fonctionnaire s’estimant lésé ou que ce dernier s’est soustrait à la signification. De plus, l’employeur disposait d’autres options de signification, dont il ne s’est pas prévalu.

120 Prenant en considération, par analogie, les Règles des procédures civiles de l’Ontario, la signification d’un document peut être validée lorsque le document a été porté à l’attention de la personne faisant l’objet de la signification ou que le document a été signifié d’une manière qui l’aurait porté à l’attention de la personne à signifier, sauf si cette personne faisait des tentatives pour se soustraire à la signification.

121 Étant donné la nature du licenciement et le libellé de la clause 17.01, l’employeur doit prendre des mesures raisonnables pour signifier le licenciement à un employé, à moins qu’il soit établi qu’il est impossible de le faire ou que l’employé évite la signification. Par analogie, la jurisprudence ayant trait aux Règles des procédures civiles de l’Ontario établit que ce type de disposition concernant la validation de la signification ne vise pas à dispenser un demandeur du dérangement ou de la dépense d’une signification personnelle, si celle-ci peut se faire. La simple difficulté à signifier un document à un défendeur personnellement ne suffit pas. Toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour assurer une prompte signification personnelle.

122 Certes, l’employeur a fait un certain nombre de tentatives pour signifier personnellement la lettre de licenciement à M. McNeil. Il y a eu deux tentatives de la part d’une entreprise de messagerie, deux tentatives de Postes Canada par courrier prioritaire et Xpresspost, et deux tentatives faites par le commandant Smith et M. Peach. Une lettre a également été envoyée par le courrier ordinaire.

123 À mon avis, il est significatif que le 15 juin 2011, lorsqu’ils ont tenté de remettre la lettre recommandant le licenciement à M. McNeil à 9 h 20 le matin, le commandant Smith et M. Peach ont été informés soit par l’épouse, soit par la fille de M. McNeil que ce dernier était au travail. Pourtant, toutes les tentatives de signifier la lettre de licenciement personnellement à M. McNeil ont été faites à son domicile durant les heures de travail le jour.

124  On n’a fait aucune tentative de signifier le document à M. McNeil le soir ou la fin de semaine. On n’a fait aucune tentative pour communiquer avec lui par téléphone et prendre les arrangements nécessaires en vue de la signification. Je ne suis pas convaincu que l’employeur ait pris toutes les mesures raisonnables pour assurer la signification à personne.

125 Ni suis-je convaincu que l’employeur a satisfait à son obligation d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était plus probable que non que M. McNeil cherchait à éviter la signification de sa lettre de licenciement. En raison de ces faits, il n’y a aucune raison logique pour moi de douter de l’assertion de M. McNeil qu’il n’a pas reçu la lettre durant l’été de 2011. Il n’y a aucune preuve qui laisse supposer que M. McNeil savait que le défendeur tentait de lui signifier personnellement l’avis de licenciement. On n’a pas suggéré que l’entreprise de messagerie avait laissé un quelconque avis indiquant sa tentative de lui signifier la lettre personnellement. Le commandant Smith et M. Peach n’ont laissé aucune note au moment de leur première tentative de signification. Pour ce qui est de la deuxième tentative, ils ont indiqué qu’une lettre avait été laissée entre les portes de son domicile. Je n’ai aucune raison de ne pas ajouter foi à l’affirmation de M. McNeil qu’il n’aurait pas reçu la lettre. Les cartes laissées par Postes Canada indiquant qu’il y avait un document à ramasser, lesquelles il a reçues, n’indiquent pas l’expéditeur, selon la pratique établie.

126 En ce qui concerne les différentes lettres envoyées par le courrier ordinaire, la Loi sur la preuve au Canada ne prévoit pas la création d’une preuve lorsque l’envoi se fait par le courrier ordinaire. Je note également que les Règles des procédures civiles de l’Ontario prévoient un autre mode de signification consistant à envoyer le document par le courrier à la dernière adresse connue, mais l’expéditeur doit toutefois obtenir l’accusé de réception. L’employeur n’a jamais reçu cet accusé de réception signé par le fonctionnaire s’estimant lésé. Durant son témoignage, le commandant Smith a reconnu que la raison pour laquelle il souhaitait signifier la lettre personnellement était qu’il voulait obtenir l’accusé de réception. Il convient également de signaler que le 16 janvier 2012, l’employeur a envoyé la notification du licenciement en même temps que la réponse fournie au troisième palier au grief du fonctionnaire s’estimant lésé contestant sa suspension pour durée indéterminée. Je suis d’accord avec l’observation de l’agent négociateur à cet égard que l’employeur, en agissant ainsi, reconnaissait qu’il n’avait pas réussi à notifier le fonctionnaire s’estimant lésé du licenciement.

127 La preuve montre également que M. McNeil avait été suspendu pour une durée indéterminée en novembre 2009. Il avait présenté un grief contestant sa suspension rapidement et le grief franchissait les différentes étapes de la procédure de règlement des griefs durant l’été de 2011. Comme il l’a indiqué durant son témoignage, c’était dans son intérêt de conclure cette affaire dès que possible.

128 Je suis d’accord avec l’affirmation de l’avocat de l’employeur que le fait que M. McNeil n’a pas subi de contre-interrogatoire ne signifie pas nécessairement qu’il faut supposer que la preuve déposée par lui était véridique. Je conviens qu’un décideur peut rejeter les éléments de preuve auxquels il ne croit pas, même si le témoin n’a pas été contre-interrogé .Voir Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 3e édition, Lexis Nexus Canada Inc., à la page 1162. Comme je l’ai indiqué, à mon avis, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur n’a pas rempli son obligation d’établir qu’il était plus probable que non que M. McNeil tentait d’éviter la signification. Ni suis-je d’avis que l’agent négociateur avait une quelconque obligation d’agir comme agent de l’employeur en signifiant la lettre de licenciement à M. McNeil. La clause 17.03 de la convention collective impose une obligation séparée et distincte à l’employeur de fournir une copie de la lettre de licenciement à l’agent négociateur. Le fait que l’agent négociateur s’est informé au sujet de l’affaire ne change rien à cela.

129 Par conséquent, je rends que le grief daté du 8 février 2012 a été présenté dans les délais et en conformité avec la clause 18.15 de la convention collective, au plus tard le 25e jour qui suivait la date à laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé avait été informé des raisons de son licenciement, le ou vers le 16 janvier 2012.

130 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

131 L’objection préliminaire de l’employeur que le grief n’a pas été présenté à temps est rejetée.

132 J’ordonne que le greffe de la Commission fixe une date pour une audience sur le fond du grief et des autres griefs ayant trait à cette question.

Le 28 avril 2014.

Traduction de la CRTFP

David Olsen,
président intérimaire

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