Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le mandat a été établi par le président intérimaire - l’agent négociateur s’est opposé à la proposition de l’employeur de faire retirer certains articles de la convention collective au motif que ceux-ci portent sur la dotation - les objections ont été retirées - un mandat a été établi à l’égard des articles en question dans 2013 CRTFP 154 - avant l’audience devant le conseil d’arbitrage, l’employeur a remis en question la compétence du conseil arbitrage, en vertu de l’article150 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>), de rendre une décision arbitrale concernant les articles - une audience a eu lieu devant le président intérimaire - les deux parties ont convenu que le conseil d’arbitrage n’avait pas la compétence pour rendre une décision arbitrale concernant les articles - un mandat supplémentaire a été établi dans 2014CRTFP 34, lequel retirait les articles de la compétence du conseil d’arbitrage - de plus, à l’audience, l’employeur a demandé au président intérimaire de constituer une formation de la Commission et de statuer sur une demande présentée en vertu de l’article36 de la Loi visant à supprimer les articles de la convention collective - l’employeur a affirmé que les articles devaient être retirés de la convention collective, car ils violaient l’article7 de la Loi et l’alinéa5(1)g) de la Loi sur le conseil national de recherches du fait qu’ils limitaient le pouvoir de l’employeur de procéder à des nominations et de doter des postes - les articles empiétaient sur les droits de la direction de l’employeur - l’employeur a soutenu que la Commission disposait d’un vaste pouvoir lui permettant d’accorder la réparation demandée, c’est-à-dire de supprimer les articles de la convention collective en vertu de l’article36 de la Loi et de la théorie de la déduction nécessaire - l’agent négociateur a soutenu que les articles n’étaient pas visés à l’article7 de la Loi ou à l’alinéa5(1)g) de la Loi sur le conseil national de recherches - la Commission a conclu que les articles empiétaient bel et bien sur l’article7 de la Loi et l’alinéa5(1)g) de la Loi sur le conseil national de recherches - elle a également conclu que l’article36 de la Loi et la théorie de la déduction nécessaire lui donnent le pouvoir de statuer sur un certain nombre de situations pour lesquelles la Loi ne prévoit pas expressément de réparation - or, la Commission n’avait pas ce pouvoir dans la présente affaire, car les articles sont demeurés en vigueur en application du gel des conditions prévu à l’article107 de la Loi. Déclaration rendue.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-05-30
  • Dossier:  585-09-57
  • Référence:  2014 CRTFP 58

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


DANS L’AFFAIRE DE LA
LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
et d’un différend entre
l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l’agent négociateur,
et le Conseil national de recherches du Canada, l’employeur,
relativement à l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur compris dans le groupe Services d’information, au sein de la catégorie Administration et Service extérieur (« unité de négociation IS »)

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada


Demande en vertu de l’article 36 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.


Devant:
David P. Olsen, président par intérim de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour l’agent négociateur:
Michael Urminsky, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Caroline Richard, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 5 mars 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

1      Dans la décision 2013 CRTFP 154, rendue le 21 novembre 2013, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a émis un mandat relativement au dossier de la CRTFP 585-09-57 (le « mandat ») à la suite d’une demande d’arbitrage présentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »). La demande d’arbitrage concerne une unité de négociation du Conseil national de recherches du Canada (l’« employeur ») composée de tous les employés de l’employeur pour le groupe Services d’information, au sein de la catégorie Administration et Service extérieur (l’« unité de négociation IS »).

2 Dans la décision, il était expliqué que l’agent négociateur s’était initialement opposé à la proposition de l’employeur en ce qui concerne les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective. Toutefois, après un échange de correspondance, l’agent négociateur, dans un courriel daté du 7 novembre 2013, a retiré son opposition à la proposition de l’employeur concernant les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective. 

3      Étant donné qu’il n’y avait pas d’opposition à la proposition de l’employeur concernant les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective, la proposition a été incluse dans le mandat parmi les questions en litige sur lesquelles le conseil d’arbitrage devait rendre une décision arbitrale.

4      Les parties ont été informées dans la décision que toute question de compétence soulevée à l’audience quant à l’inclusion d’une question dans le mandat devait être soumise sans tarder au président de la CRTFP car, en vertu du paragraphe 144(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), seul ce dernier est habilité à rendre une décision à cet égard.

5      Dans une lettre datée du 9 décembre 2013, l’employeur a soulevé une question de compétence relativement à sa proposition sur les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective. L’employeur a indiqué qu’une fois que l’agent négociateur a retiré son opposition à la proposition et que le mandat a été délivré, les parties ont poursuivi la négociation collective. La négociation collective n’a pas donné lieu à une entente provisoire. Toutefois, l’employeur a aussi expliqué que, dans le cadre des négociations collectives, il est apparu que la question de compétence à l’égard des clauses 22.01 à 22.03 serait soulevée de nouveau lors de l’audience devant le comité d’arbitrage, comme ce fut le cas avant l’émission du mandat.

6      Par conséquent, l’employeur a soulevé, entre autres questions de compétence, celle qui consiste à déterminer si l’article 150 de la Loi interdit au conseil d’arbitrage de rendre une décision qui aurait pour effet d’annuler les clauses 22.01 à 22.03 existantes. 

7      Le 5 mars 2014, une audience a été tenue devant le président de la CRTFP afin de trancher, notamment, la question de compétence. L’audience a été tenue afin de régler le présent dossier, mais aussi les questions soulevées dans les dossiers 585-09-52 et 585-09-58 concernant les mêmes parties, mais des unités de négociation différentes.  

8      À l’audience, les deux parties ont reconnu que la proposition de l’employeur concernant les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective contrevenait à l’article 150 de la Loi et qu’il était par conséquent impossible de l’inclure dans les questions en litige à l’égard desquelles le conseil d’arbitrage devait rendre une décision arbitrale. Les parties ont donc demandé sur consentement une modification du mandat, de manière à retirer la proposition de l’employeur concernant l’annulation des clauses 22.01 à 22.03 actuelles de la convention collective.  

9      Le 19 mars 2014, en vertu de l’article 144 de la Loi, le mandat délivré le 21 novembre 2013 dans la décision 2013 CRTFP 154 a été modifié en conséquence dans la décision 2014 CRTFP 34.

10 À l’audience du 5 mars 2014, l’employeur a présenté une demande à la CRTFP afin d’obtenir une ordonnance en vertu de l’article 36 de la Loi visant à annuler les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective. La présente décision porte sur la demande d’ordonnance au titre de l’article 36 devant une formation de la CRTFP.    

Faits

11 Pour des raisons actuellement inconnues, l’employeur, soit le Conseil national de recherches, a négocié avec l’agent négociateur lors d’une ronde de négociation précédente et a accepté d’inclure les clauses 22.01 à 22.03 dans la convention collective.    

12 L’employeur demande maintenant l’annulation de ces clauses. L’agent négociateur ne consent pas à l’annulation de ces clauses.  

13 Au cours des rondes de négociations précédentes, l’employeur n’est pas parvenu à conclure avec l’agent négociateur une entente visant l’annulation de ces clauses.   

14 Les parties conviennent que, conformément à l’article 150 de la Loi, un différend entre les parties concernant l’annulation de ces articles ne peut être renvoyé à un conseil d’arbitrage à des fins de règlement.  

Arguments de l’employeur concernant la demande 

15 L’employeur avance que l’objet de ces articles relève des droits et autorités réservés au Conseil du Trésor ou à un organisme distinct en vertu de l’article 7 de la Loi et de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches. L’article 7 de la Loi prévoit ce qui suit :  

7. La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

L’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches indique ce qui suit :   

5. (1) Dans l’exécution de sa mission, le Conseil peut notamment :

[…]

g) nommer les experts et autres membres du personnel proposés par le président, définir leurs fonctions et la durée de celles-ci et, avec l’approbation du gouverneur en conseil, fixer leur rémunération […]

16 En vertu des clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective, l’employeur est tenu d’afficher à l’interne tous les postes vacants qu’il a l’intention de doter parmi les employés de l’unité de négociation; de procéder à la nomination d’employés qualifiés de l’unité de négociation, lorsqu’il est raisonnable de le faire; de nommer, sans processus de sélection, les employés qui ont reçu un avis de licenciement ou qui sont en congé sans solde dont les postes ont été abolis à tout poste vacant pour lequel ils sont qualifiés et dont le niveau n’est pas supérieur à leur ancien niveau de classification.  

17 Ces dispositions limitent l’autorité de l’employeur de nommer des personnes aux postes et de doter des postes.  

18 Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada et le Conseil national de recherches, dossier de la CRTFP 169-9-509 (19911112), qui porte sur une disposition de la convention collective intitulée « Dotation des postes vacants », l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique, prédécesseur de la Commission actuelle, a conclu que la clause 2.02 de cette disposition sur la dotation contraignait l’employeur à donner préséance à ses employés au moment de doter des postes. L’agent négociateur a fait valoir qu’il incombait à l’employeur d’annoncer ou d’afficher les avis relatifs aux postes vacants. L’ancienne Commission a établi que la clause 2.02 exigeait simplement que l’employeur considère en premier les « employés du C.N.R.C. pour la dotation des postes vacants ».

19  Cette décision établit qu’une disposition de cette nature affecte le pouvoir de l’organisme en matière de dotation. L’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches maintiennent le droit des organismes distincts de déterminer l’organisation du lieu de travail, ce qui inclut le droit de doter des postes et de faire des nominations.  

20 Alliance de la Fonction publique du Canada et Centre de sécurité des communications, ministère de la Défense nationale,[1988] CRTFP no 208 (QL), porte sur la compétence de l’ancienne Commission à rendre une décision arbitrale en lien avec certaines propositions de l’agent négociateur. L’ancienne Commission s’est penchée sur la question de savoir si elle avait compétence pour trancher une question relevant d’une disposition traitant des congés sabbatiques, soit à déterminer si au terme d’un congé ou d’une formation, les employés doivent être réintégré à leur ancien poste ou être nommés à un poste correspondant à leurs compétences, à un niveau de classification et de rémunération équivalent. À la page 11 de la décision, l’ancienne Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour rendre une décision arbitrale à l’égard de la disposition proposée, car cela contreviendrait directement à l’article 7 de la Loi. La disposition en litige dans cette affaire est similaire à l’article 22.   

21 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor,[1986] CRTFP no 74, à la page 5, un conseil d’arbitrage a conclu qu’une disposition qui limiterait l’attribution des heures supplémentaires aux employés qui effectuent normalement les fonctions exigerait de l’employeur qu’ils s’abstiennent d’affecter certaines tâches aux employés qui ne les effectuent pas en temps normal. Le conseil d’arbitrage a conclu que cette proposition empiéterait sur le pouvoir de l’employeur d’attribuer des fonctions à des postes, pouvoir qui lui est réservé en vertu de l’article 7 de la Loi. Le conseil d’arbitrage a conclu qu’il n’avait pas compétence pour examiner cette proposition.

22 L’employeur a soutenu que les clauses en question relevaient clairement des protections prévues à l’article 7 de la Loi, de même que de l’autorité du Conseil national de recherches prévue à l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

23 À première vue, les clauses en question empiètent sur la capacité exclusive de l’employeur de procéder à des nominations. Les dispositions imposent à l’employeur la façon dont il doit s’y prendre pour sélectionner les candidats à partir d’un bassin restreint, et comment il doit nommer des employés à des postes à partir d’un bassin limité. Par conséquent, ces dispositions portent sur des questions énoncées à l’article 7 de la Loi et de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

24 Quelle est l’incidence du fait que l’article relève des questions énoncées à l’article 7 de la Loi et à l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches?

25 Selon un principe bien établi en matière d’interprétation législative, l’article 7 doit être interprété dans le contexte de la Loi dans son ensemble. L’un des principaux objectifs de la Loi consiste à créer un régime de négociation collective appuyé par un mécanisme de règlement des différends auquel les parties peuvent recourir si elles n’arrivent pas à s’entendre à la table de négociation. La Loi prévoit deux mécanismes à cet égard : la conciliation/grève et l’arbitrage devant un conseil d’arbitrage, communément appelé arbitrage des différends. Grâce au mécanisme d’arbitrage des différends, la Loi aide les parties à mettre au point des conventions collectives qui encadreront leur relation.      

26 Il convient d’adopter une approche téléologique de l’interprétation législative. Voir Sullivan, Statutory Interpretation, 2e édition, 2007, Irwin Law inc., p. 201. Selon cette approche, l’objet de l’article 7 de la Loi consiste à veiller à ce que le conseil d’arbitrage des différends ne rende pas une décision susceptible de restreindre la capacité de l’employeur à organiser le milieu de travail. L’article 150 de la Loi confirme cet objet, car il exclut les mesures de dotation du mandat du conseil d’arbitrage. Les deux parties conviennent que les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective doivent être exclues du mandat en application de l’article 150 de la Loi. Cet empiétement sur l’article 7 de la Loi ne peut être résolu par un conseil d’arbitrage.  

27 C’est la CRTFP qui a le pouvoir de résoudre cet empiétement à l’article7 de la Loi.  

28 L’article 7 de la Loi doit être interprété dans le contexte des autres articles de la Loi. L’article 113 de la Loi indique qu’une convention collective ne peut renfermer de disposition qui limite les droits de l’employeur en ce qui a trait à la dotation. L’article 144 de la Loi, lu en parallèle avec l’article 150, empêche la CRTFP de renvoyer à un conseil d’arbitrage les questions qui relèvent du droit exclusif de l’employeur en matière dotation.   

29 Dans ce contexte, la protection des droits de l’employeur constitue un objectif important de la Loi. L’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches accordent à l’employeur le droit inaliénable de conserver son autorité en matière de dotation. Pour des raisons encore inconnues, l’employeur a négocié ces clauses avec l’agent négociateur et a accepté de les inclure dans la convention collective. L’employeur tente maintenant de faire retirer ces clauses qui sont en violation directe de l’article 7 de la Loi et à l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

30 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (groupe de l’enseignement), dossier de la CRTFP 148-02-124 (19860910), une affaire similaire à la situation de fait actuelle, la CRTFP a dû analyser l’effet de l’article 7 de la Loi. Au moment où l’avis de négocier collectivement a été donné, la convention collective contenait une disposition qui limitait le nombre maximal d’heures d’enseignement par jour et par semaine pour les membres de l’unité de négociation du groupe de l’enseignement. Cette disposition ou une disposition similaire avait été acceptée au cours de la première ronde de négociation collective des parties et avait été intégrée à toutes les conventions collectives ultérieures des parties. Le mécanisme de règlement des différends était l’arbitrage. Les parties ne sont pas parvenues à négocier une nouvelle convention collective.

31 Au cours de l’arbitrage, l’agent négociateur a tenté de modifier la disposition relative au nombre d’heures d’enseignement. L’employeur a proposé que la disposition soit supprimée de la convention collective. Le conseil d’arbitrage a conclu qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur les propositions. Conformément à la Loi, telle qu’elle était alors libellée, le conseil a conclu qu’il pouvait se pencher sur les propositions liées aux heures de travail seulement, mais non sur les propositions relatives à la répartition des tâches pouvant être attribuées aux employés.  

32 L’employeur a avisé l’agent négociateur qu’il n’était plus tenu de respecter cette condition d’emploi pendant le gel des négociations imposé par l’article 51 de l’ancienne Loi, et qu’il avait l’intention d’attribuer les tâches d’enseignement en classe comme il le jugeait approprié.   

33 L’agent négociateur a demandé à l’ancienne Commission de déclarer que l’employeur contrevenait à l’article 51 de la Loi. Il a fait valoir que le conseil d’arbitrage, en concluant qu’il n’avait pas compétence pour rendre une décision au sujet des heures d’enseignement, n’avait pas rendu de décision arbitrale au sens de la disposition de la Loi.

34 L’ancienne Commission a conclu que le conseil d’arbitrage, en se dessaisissant de la demande, avait statué et avait, ce faisant, rendu une décision arbitrale sur cette proposition au sens de l’article 51 de la Loi. De l’avis du conseil, le gel des négociations prévu à l’article 51 a cessé de s’appliquer à cette modalité d’emploi quand la décision arbitrale sur cette disposition a été rendue.

35 De même, comme il est établi que le conseil d’arbitrage n’a pas compétence pour statuer sur l’annulation de ces clauses, l’employeur souhaite remédier lui-même à la situation et ne veut pas être limité par les dispositions de l’article 22 de la convention collective.  

36 Dans le mandat contenu dans la décision du bureau de conciliation concernant un différend mettant en cause le Conseil des Unions des employés des postes du Canada et le Conseil du Trésor au sujet des employés du groupe de la manutention, dossier de la CRTFP 190-02-7 (19680104), Jacob Finkelman, qui était alors président de la CRTFP, a commenté l’article 7 de l’ancienne Loi à la page 16 :

[…]

L’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique est ce que l’on pourrait appeler une « clause des droits de la direction », dont certains aspects sont également traités dans les articles 56(2) et 86(2) de la Loi. Dans la mesure où une question tombant sous le coup de l’article 7 est identique à quelque autre question régie par l’un ou l’autre des deux paragraphes précités, celle-ci ne peut être incluse dans le mandat. Mais il n’existe aucune interdiction expresse d’inclure dans le mandat toute autre question tombant sous le coup de l’article 7. L’article en question stipule clairement qu’aucune modification ne peut être apportée à la Loi qui puisse porter atteinte au droit ou à l’autorité de l’employeur dans certains cas. En d’autres termes, même si l’employeur devait accepter certaines conditions relativement à ces questions, il serait libre, aux termes de la Loi, de répudier celles-ci aussitôt après. Si l’employeur devait accepter d’inclure dans une convention collective une disposition limitant son droit et son autorité, par exemple en matière de classement de postes dans la Fonction publique, il ne serait pas lié par cette disposition.

[…]

37 L’employeur pourrait faire valoir qu’en droit, il est libre de répudier une telle disposition qui va à l’encontre de l’article 7 de la Loi; cependant, il recherche une réparation plus définitive.

38 En vertu de l’article 36 de la Loi, la CRTFP dispose d’un vaste pouvoir pour accorder la mesure de réparation demandée, selon la théorie de la déduction nécessaire.

39 Dans Quadrini c. Agence du revenu du Canada et Hillier, 2009 CRTFP 104, dans le contexte d’une affaire où la CRTFP a conclu qu’elle avait le pouvoir de statuer sur la validité d’une demande concernant le privilège du secret professionnel de l’avocat, la CRTFP s’est fondée sur la théorie de la déduction nécessaire. L’employeur a soutenu que la CRTFP n’avait pas le pouvoir d’ordonner la production de documents soumis au secret professionnel de l’avocat ni de déterminer la validité d’une demande portant sur le privilège du secret professionnel de l’avocat.

40 La CRTFP a mentionné la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health [2008] 2 R.C.S. 574, dans laquelle la Cour a établi que les pouvoirs généraux en vertu desquels le commissaire à la protection de la vie privée peut exiger la production de documents et accepter des éléments de preuve dans le cadre d’une enquête portant sur une infraction présumée à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LRFPDE),L.C. 2000, ch. 5, n’autorisaient pas de façon implicite le commissaire à statuer sur les demandes portant sur un privilège juridique en lien avec des documents demandés.  

41 La CRTFP, ayant fait référence à l’analyse de la Cour suprême du Canada, a déclaré au paragraphe 84 :    

Le simple fait que la Cour suprême soulève la question de savoir si la LPRPDE confère implicitement le pouvoir de décider si l’on peut revendiquer à bon droit le privilège du secret professionnel de l’avocat laisse entendre que l’absence d’une disposition accordant explicitement ce pouvoir n’est pas une raison suffisante pour conclure qu’il n’existe pas […].

42 La Cour suprême affirme que la nécessité de considérer les dispositions dans leurs contextes législatifs différents était toujours présente. La Commission a conclu au paragraphe 87 :  

Contrairement au commissaire à la protection de la vie privée, la Commission est un tribunal quasi judiciaire auquel le législateur a confié de vastes responsabilités décisionnelles. Elle agit indépendamment et impartialement, ses intérêts ne sont jamais opposés à ceux des parties qui comparaissent devant elle, et ces facteurs situent dans un contexte entièrement différent l’absence de la Loi de dispositions expresses sur le privilège du secret professionnel de l’avocat […]

43 La CRTFP a conclu qu’elle avait compétence pour décider que le document était visé par le secret professionnel de l’avocat et que le fait que la Loi ne contienne aucune disposition explicite lui conférant ce pouvoir n’avait pas la même signification pour la CRTFP que pour le commissaire à la protection de la vie privée.

44 La CRTFP est un tribunal quasi judiciaire auquel le Parlement a confié le mandat d’administrer les relations de travail dans la fonction publique; en vertu de l’article 36 de la Loi, qui établit les fonctions et les pouvoirs généraux de la Commission, elle a le pouvoir implicite d’annuler une disposition d’une convention collective qui contrevient à l’article 7 de la Loi.   

45 Dans Collective Bargaining in the Public Service: The Federal Experience in Canada, Institut de recherche en politiques publiques, 1983, Jacob Finkelman et Shirley B. Goldenberg se penchent, aux pages 672 et 673, sur l’exercice des pouvoirs accessoires de l’ancienne Commission, conformément à l’article 18 de l’ancienne Loi. Cette disposition est largement reprise à l’article 36 de la Loi actuelle :  

[Traduction]

Comme nous l’avons vu, la CRTFP a fait valoir que cette disposition lui conférait le pouvoir de régler certaines situations pour lesquelles la LRTFP ne prévoyait pas expressément de réparation : par exemple, des allégations de défaut de négocier de bonne foi ou de défaut de faire des efforts raisonnables pour conclure une convention collective ou pour donner effet aux dispositions d’une convention collective.

46 Dans Canada (procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [2011] A.C.F. no 1325 (QL), la Cour d’appel fédérale a statué que la décision de la CRTFP selon laquelle elle possédait le pouvoir conféré par l’article 36 de revoir la décision de l’employeur établissant le niveau des services essentiels à offrir pendant une grève en cas d’utilisation abusive d’un pouvoir discrétionnaire n’était pas déraisonnable.

47 En vertu de l’article 36 de la Loi, la CRTFP a compétence pour supprimer les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective.  

Arguments de l’agent négociateur

48 L’agent négociateur a fait valoir que les dispositions relatives à la dotation n’étaient pas visées par l’article 7 de la Loi. Cet article porte sur l’organisation de la fonction publique, l’attribution des fonctions et la classification des postes. La dotation n’en fait pas partie.   

49 L’organisation de l’administration publique renvoie aux groupes établis par le Conseil du Trésor. La structure de la fonction publique est fondée sur les groupes professionnels. Le terme « organisation » employé à l’article 7 renvoie aux groupes professionnels.   

50 L’employeur a fait valoir que l’article 7 comprend la notion de dotation. Les décisions rendues dans les affaires déposées en preuve étaient erronées. Si l’organisation de l’administration publique comprenait la dotation, et si ces affaires sont correctes, cette disposition empêcherait l’inclusion de pratiquement n’importe quelle disposition dans une convention collective. Une des affaires concernait les heures supplémentaires. Bon nombre de conventions collectives contiennent des clauses relatives aux heures supplémentaires. L’article 7 doit être interprété de façon plus stricte et comme étant une disposition renvoyant aux groupes professionnels de la fonction publique.   

51 L’agent négociateur a reconnu que l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches pouvait être interprété comme faisant référence à la dotation, car il porte sur la nomination des membres du personnel ainsi que sur la définition de leurs fonctions et de la durée de celles-ci par le Conseil national de recherches. Cet alinéa permet en outre à l’employeur de fixer la rémunération des employés, ce qui se fait dans le cadre des négociations collectives.  

52 L’interprétation de l’alinéa 5(1)g) de manière à ce qu’il constitue un obstacle à la négociation des dispositions relatives à la dotation est incompatible avec la façon dont cet alinéa a été appliqué jusqu’à maintenant.  

53 L’employeur a choisi de négocier ces dispositions à un moment donné. Pour les modifier, il doit passer par le processus de négociation collective. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, aucun mécanisme de résolution des différends ne sera disponible.

54 Aux termes de la Loi, telle qu’elle est modifiée par le projet de loi C-4, il pourrait être possible d’avoir recours, lors de la ronde de négociation suivante, à une procédure visant à régler la question si le mécanisme de règlement des différends passe par la conciliation ou de la grève.   

55 En supposant que l’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches comprennent les dispositions relatives à la dotation, la Loi prévoit que celles-ci peuvent être intégrées dans une convention collective. L’alinéa 150(1)c) de la Loi empêche un conseil d’arbitrage de modifier, de supprimer ou d’établir une condition d’emploi qui porte sur des normes, procédures ou méthodes régissant la nomination. Si les articles 7 et 113 de la Loi devaient être interprétés de manière à empêcher la négociation de dispositions concernant les nominations, l’alinéa 150(1)c) ne serait pas nécessaire et deviendrait redondant. Les rédacteurs du texte de loi avaient prévu des situations où des dispositions relatives à la dotation feraient l’objet de négociations en vue d’être intégrées dans une convention collective. L’article 150 protège ces dispositions de la compétence d’un conseil d’arbitrage.

56 L’agent négociateur a reconnu que, si l’affirmation de l’employeur voulant que la Loi empêche l’inclusion de dispositions concernant la dotation dans une convention collective est exacte, la CRTFP a le pouvoir d’annuler les dispositions.

57 D’un point de vue stratégique, la négociation d’une convention collective nécessite des compromis. Cette affirmation aurait été vraie au moment où la disposition sur la dotation a été ajoutée à la convention collective, et c’est ce qui fait que l’annulation de cette disposition par la CRTFP est problématique. La contrepartie offerte par le syndicat perd toute sa valeur si la CRTFP annule cette disposition.

58 L’employeur a exposé adéquatement la théorie de la déduction nécessaire. Or, les exemples qu’il a fournis ne portent pas sur l’annulation d’une disposition d’une convention collective. L’article 36 de la Loi exige que pour que le pouvoir soit exercé sous le régime de la théorie de la déduction nécessaire, la loi doit prévoir un objet ou un objectif précis.

59 À la conclusion de l’argumentation principale, la CRTFP a porté à l’attention des parties le fait que la Cour d’appel fédérale, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, avait annulé la décision de la CRTFP dans Alliance de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe de l’enseignement), précitée, décision sur laquelle s’est fondé l’employeur dans son argumentation. Voir A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor), (C.A.F.) [1987] A.C.F. no 240 (QL).

60 La Cour a conclu qu’il était impossible d’appuyer le raisonnement de la Commission, soit que le conseil d’arbitrage avait statué sur la condition d’emploi relative au plafond des heures quotidiennes d’enseignement, une question visée à l’article 7 de l’ancienne Loi, en se déclarant sans compétence à cet égard. Par conséquent, la disposition a alors été incluse dans le gel des négociations imposé par l’article 51 de l’ancienne Loi, et prévoyait en outre que les conditions d’emploi en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné restaient valides jusqu’à ce qu’une convention collective soit conclue, qu’une décision arbitrale ait été rendue ou que les exigences prévues à l’article 51 aient été respectées.  

61 Après avoir accordé aux parties l’occasion d’examiner la décision, la CRTFP leur a demandé de préparer leur réplique en ce qui concerne l’incidence de la décision sur leurs arguments.  

Réplique de l’employeur

62 Des modifications ont été apportées à l’article 7 de la Loi, de sorte que son libellé actuel diffère de celui qui se trouvait dans l’ancienne Loi et qui afait l’objet d’un examen par la Cour d’appel fédérale. L’article 7 de l’ancienne Loi est ainsi libellé : « La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité de l’employeur quant à l’organisation de la fonction publique, à l’attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers. »

63 L’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est ainsi libellé :

La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

64 L’article 7 a été modifié afin qu’il s’applique expressément aux organismes distincts.  

65 De même, les dispositions de la Loi qui imposent des limites spéciales aux pouvoirs des tribunaux d’arbitrage, telles qu’elles sont décrites dans la décision de la Cour d’appel fédérale, ont changé.  

66 Quoi qu’il en soit, la Cour a confirmé, à la page 5 de la décision, que tout ce qui touche aux heures de travail dans l’affaire du groupe de l’enseignement relève des droits de la direction en vertu de l’article 7 de la Loi et ne peut être porté en arbitrage.  

67 Dans la décision, le juge MacGuigan a déclaré que si le gouvernement estimait que les inconvénients de la négociation collective nuisaient à l’intérêt public, il pouvait, contrairement aux autres employeurs, s’adresser au Parlement pour y remédier.

68 L’avocat a fait valoir que cette conclusion ne constituait pas une application appropriée du droit. L’article 113 de la Loi restreint le contenu des conventions collectives de sorte que celles-ci ne peuvent nécessiter l’adoption ou la modification d’une loi fédérale.

69 Les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective empiètent indûment sur le pouvoir de l’organisme en vertu de l’article 7 de la Loi et de l’article 5 de la Loi sur le Conseil national de recherches. L’employeur doit aborder ces questions dans la présente ronde de négociations collectives même si les dispositions ne peuvent faire l’objet d’un arbitrage. L’employeur a demandé à la CRTFP d’exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 36 de la Loi et d’annuler les clauses de la convention collective.

Réplique de l’agent négociateur

70 L’agent négociateur souscrit au raisonnement du juge MacGuigan à la page 7 de la décision de la Cour d’appel. Selon ce raisonnement, l’employeur ne peut se soustraire à une obligation qu’il a volontairement assumée par la simple expiration de la convention collective. En l’espèce, l’employeur va encore plus loin en tentant de faire déclarer les clauses illégales.   

71 L’employeur a soutenu que l’article 113 restreint le contenu des conventions collectives lorsqu’il est question de la modification ou de l’adoption d’une loi. Rien dans l’article 113 ne laisse entendre que les parties ne peuvent modifier, lors des négociations collectives, les conditions d’emploi existantes. Il vise à faire en sorte que les nouvelles conditions d’emploi établies à l’issue des négociations collectives n’aient pas d’incidence sur les lois en vigueur, et donc à garantir la souveraineté du Parlement.  

Motifs de décision

72 Au cours des rondes de négociations précédentes, l’employeur a accepté d’inclure les clauses 22.01 à 22.03 dans la convention collective. Ces clauses engagent l’employeur à annoncer à l’interne les postes vacants qu’il a l’intention de doter parmi les employés de l’unité de négociation et de choisir des membres de son personnel aux fins de nomination dans tous les cas où il est raisonnable de le faire, de même que de nommer à des postes vacants, sans qu’il y ait de processus, les employés mis à pied, en congé ou dont le poste a été aboli.

73 Au cours de cette ronde de négociations, l’employeur a tenté de faire annuler ces clauses, puis, lorsqu’il n’a pu s’entendre avec l’agent négociateur, a cherché à renvoyer l’affaire à un conseil d’arbitrage.

74 Les deux parties conviennent maintenant qu’un conseil d’arbitrage n’a pas compétence pour rendre une décision arbitrale au sujet de ces propositions, et je suis du même avis.  

75 L’employeur a demandé qu’une ordonnance soit rendue, suivant l’article 36 de la Loi, visant à supprimer l’article des conventions collectives au motif que le sujet de l’article est visé par les droits et autorités réservés au Conseil du Trésor ou à un organisme distinct en vertu de l’article 7 de la Loi et de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

76 La première question à trancher est celle de savoir si les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective sont visées par l’article 7 de la Loi ou l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

77 Comme il a été expliqué ci-dessus, l’article 7 de la Loi préserve les droits du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct de déterminer l’organisation de l’administration publique fédérale en tant qu’employeur, d’attribuer des fonctions et de classifier les postes et les personnes.   

78 Dans A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor) (C.A.F.), précité, le juge MacGuigan a cité les motifs du juge Marceau exposés dans AFPC c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 C.F. 471, précitée, eu égard à une demande antérieure fondée sur l’article 28 qui avait été présentée à la Cour d’appel fédérale et qui portait sur une autre proposition d’inclusion dans la convention collective. Dans ses motifs de décision, le juge Marceau s’est penché sur la portée de l’article 7, et il a conclu qu’une proposition limitant le nombre d’heures d’enseignement en classe par jour d’un professeur de langue contreviendrait à l’article 7 :

 […] la détermination du nombre maximal d’heures pendant lequel les titulaires de certains postes peuvent être tenus quotidiennement de remplir certaines fonctions, à mon sens, ne fait pas qu’entraver la liberté de l’employeur, mais elle fait partie intégrante de l’attribution de fonctions à des postes […]

79 La Cour d’appel fédérale a également annulé la décision de la Commission selon laquelle la proposition du syndicat visant à obliger l’employeur à offrir toutes les heures supplémentaires aux administrateurs financiers qui effectuent habituellement les tâches en question contrevenait à l’article 7 de la Loi. La Cour a mis de côté la décision de la Commission au motif que l’article 7 traite de l’organisation de la fonction publique et, plus particulièrement, de l’attribution des fonctions aux postes, mais pas de l’attribution des fonctions aux personnes.

80 Il y a lieu de noter que l’article 7 de la Loi protège maintenant les droits de l’employeur, y compris s’il s’agit d’un organisme distinct, de déterminer l’organisation de l’administration publique, d’attribuer des fonctions aux postes et aux personnes employées au sein de l’administration publique et de classifier ces postes et ces personnes. [Je souligne].

81 L’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches habilite l’employeur à nommer des membres du personnel, de définir leurs fonctions et la durée de celles-ci et, avec l’approbation du gouverneur en conseil, de fixer leur rémunération.   

82 Après avoir interprété conjointement l’article 7 de la Loi, l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches et la jurisprudence citée par l’employeur, je conclus que les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective restreignent la capacité de l’employeur de doter des postes et sont visées par l’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches. Je ne souscris pas à une interprétation aussi étroite de l’article 7 qui me mènerait à conclure que l’expression « […] l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale[…] » se limite aux groupes professionnels établis par l’employeur, comme l’a allégué l’avocat de l’agent négociateur. 

83 Quelle est alors l’incidence du fait que les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective entrent dans le cadre des questions visées par l’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches?

84 Lorsque la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a d’abord été édictée, le point de vue dominant en ce qui concerne l’interprétation et l’impact de l’article 7 a été mis en évidence par les affirmations du président d’alors, M. Finkelman, dans l’affaire du Conseil des Unions des employés des Postes de 1968 citée précédemment au paragraphe 36, selon lesquelles si l’employeur devait intégrer des stipulations sur les droits ou les pouvoirs régis par l’article 7, il serait libre, en droit, de répudier la stipulation dès le lendemain, et s’il a convenu de son plein gré d’inclure une telle disposition dans une convention collective, il ne serait pas lié par la disposition.

85 Or, dans la décision de 1986 concernant le groupe de l’enseignement, précitée, le vice-président Nesbitt a fait la remarque incidente qui suit :  

À mon avis, en supposant que l’attribution de fonctions aux employés d’une unité de négociation entre dans le champ d’application de l’article 7 de la Loi, le défendeur peut néanmoins conclure de son plein gré une convention collective contenant une disposition de cet ordre. Une fois qu’il l’a fait, il ne peut pas ensuite se dérober à l’obligation qu’il a librement contractée en invoquant l’article de la Loi. […] De 1969 à 1984, le défendeur a conclu huit conventions collectives qui incorporaient une disposition limitant le nombre quotidien d’heures d’enseignement des professeurs de langue faisant partie de l’unité de négociation du groupe de l’enseignement. Il s’est conformé à cette disposition jusqu’en 1986, année où il a refusé pour la première fois de l’inclure dans une nouvelle convention collective. Une disposition limitant le nombre quotidien d’heures d’enseignement ne peut pas être incorporée dans une décision arbitrale rendue dans le cadre de la Loi, mais l’article 7 de celle-ci n’empêche pas le défendeur de consentir à l’inclusion d’une disposition de cette nature dans une convention collective comme il l’a déjà fait huit fois. Cependant, si le défendeur décide de ne pas le faire, les parties ne disposent d’aucune méthode de règlement des différends dont l’application aurait l’effet d’imposer une limitation de cette nature. C’est là l’effet de l’article 7 de la Loi.

86 Il ne fait aucun doute que le point de vue dominant en 1968 selon lequel l’employeur, pendant les négociations collectives, pouvait consentir à une disposition visée par l’article 7, mais aussi se rétracter à son obligation en ce sens ou la considérer comme inapplicable, avait changé en 1986.  

87 Par ailleurs, les parties ne disposent d’aucune méthode de règlement des différends prévue par la loi permettant l’annulation d’une telle limite. Compte tenu de l’opinion généralement admise en 1968 voulant que l’employeur pouvait se soustraire à un tel engagement ou le considérer comme inapplicable, je présume qu’à ce moment-là, aucune méthode de règlement des différends n’avait été prévu concernant la suppression d’une telle clause quand les parties n’arrivent pas à s’entendre lors de la négociation collective.  

88 Donc, la CRTFP a-t-elle le pouvoir, en vertu de l’article 36 de la Loi, d’annuler les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective, étant donné qu’elles contreviennent à l’article 7 de la Loi et à l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches?

89 L’article 36 de la Loi est ainsi libellé :

La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

90 La CRTFP ou son prédécesseur, l’ancienne Commission, se sont fondés sur cet article pour justifier leur pouvoir sur un certain nombre de situations pour lesquelles la Loi ne prévoit pas expressément de réparation. Ce vaste pouvoir est appuyé par la théorie de la déduction nécessaire.

91 Cependant, je ne suis pas convaincu que la CRTFP peut exercer son pouvoir dans les circonstances où les clauses en question sont maintenues en vigueur en vertu d’une disposition législative expresse, c’est-à-dire la disposition concernant le gel des négociations prévue à l’article 107 de la Loi.

92 L’article 107 de la Loi est ainsi libellé :

Une fois l’avis de négociation collective donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve de l’article 125(1), les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou

a) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue;

b) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

93 Dans A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor) (groupe de l’enseignement), précité, la Cour d’appel fédérale a statué, dans une situation où les faits étaient similaires, qu’une disposition visée par l’article 7 de l’ancienne Loi à laquelle l’employeur avait volontairement souscrit continuait d’être en vigueur pendant le gel des négociations, conformément à l’article 51 de l’ancienne Loi,et donc que l’employeur devait en tenir compte pour attribuer des tâches d’enseignement en classe.   

94 Le juge MacGuigan a indiqué ce qui suit à la page 11 :

[…] En termes simples, la question en litige est de savoir si, puisqu’il a depuis les débuts de la négociation collective dans la Fonction publique volontairement accepté une clause de plafonnement, vraisemblablement dans le cadre de l’entente globale, le gouvernement peut se libérer de cette clause par la simple expiration de la convention collective, alors que toutes les clauses de cette convention « qui peuvent faire l’objet d’une négociation » sont maintenues en vertu de la Loi jusqu’à la conclusion de la nouvelle convention collective. À mon avis, ni la loi, ni l’intérêt public ne permettent à l’employeur de se soustraire si facilement à une obligation qu’il a volontairement assumée. Tout comme le syndicat, le gouvernement doit accepter les inconvénients de la négociation collective au même titre que ses avantages. S’il estime que ces inconvénients nuisent à l’intérêt public, il peut, contrairement aux autres employeurs, s’adresser au Parlement pour y remédier.

95 Je ne suis pas convaincu que l’article 113 de la Loi, qui prescrit qu’une convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir une condition d’emploi si une telle mesure nécessite l’édiction ou la modification d’une loi par le Parlement, appuie l’argument de l’employeur que la décision rendue par la Cour d’appel fédérale est erronée en droit à la lumière de cette disposition. Je souscris à l’argument de l’agent négociateur selon lequel l’article 113 de la Loi vise à préserver la souveraineté du Parlement et à veiller à ce que les conditions d’emploi établies lors des négociations collectives n’aient pas d’incidence sur la législation en vigueur. Par ailleurs, le paragraphe 51(2) de l’ancienne Loi tel qu’il était libellé au moment où la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision en 1986 était pratiquement identique à l’article 113 de la Loi actuelle.     

96 Je conclus donc que les clauses 22.01 à 22.03 de la convention collective demeurent en vigueur en vertu de l’article 107 de la Loi jusqu’à ce que les exigences de cet article soient respectées. Les dispositions expresses de la Loi empêchent la CRTFP d’exercer ses pouvoirs accessoires au titre de l’article 36 de la Loi.    

Le 30 mai 2014.

Traduction de la CRTFP

David P. Olsen,
Président par intérim de la
Commission des relations de travail dans la fonction publique

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