Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief pour contester la décision de l’employeur de la licencier pour des motifs d’incapacité de retourner au travail - elle a allegué que les mesures constituaient de la discrimination - la fonctionnaire s’estimant lésée était représentée par son syndicat - les parties ont conclu une entente, réglant le présent grief ainsi que les trois autres qu’elle avait déposés - la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la "Commission") qu’elle désirait poursuivre son grief concernant le licenciement - l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief qui avait été réglé en médiation - la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’un arbitre de grief avait compétence pour décider si une entente de règlement est définitive et exécutoire, si une partie a respecté ou non l’entente de règlement et, dans le cas de non-respect, de la réparation à accorder dans les circonstances - l’arbitre de grief a conclu que l’entente était définitive et exécutoire et que la fonctionnaire s’estimant lésée avait donné son accord volontairement, même si elle ne connaissait pas ses droits lorsqu’elle a signé - aucune preuve médicale ni argumentation n’a été soumis pour démontrer que sa santé fragile l’avait empêché de comprendre ce qui se passait ou de saisir le contenu de l’entente - bien que l’employeur ait tardé de deux jours à envoyer une lettre au régime de soins dentaires et une autre au régime de soins de santé, la couverture d’assurance a été rétablie rétroactivement à la date de cessation d’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée, et cette dernière n’a subi aucun préjudice à la suite de ce retard mineur - l’employeur a donc respecté l’esprit de cette disposition de l’entente - la fonctionnaire s’estimant lésée a aussi allégué que l’employeur n’avait pas respecté l’entente parce qu’une conseillère en relations de travail lui avait écrit pour confirmer que des lettres avaient été détruites - la fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que la sous-ministre adjointe aurait dû écrire la lettre - rien dans l’entente ne précisait la forme de la communication écrite ou le nom du signataire. Objection accueillie, dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-03-10
  • Dossier:  566-02-7090
  • Référence:  2014 CRTFP 29

Devant un arbitre de grief


ENTRE

NADINE ALIBAY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
ministère de l'Emploi et du Développement social)

défendeur

Répertorié
Alibay c. Administrateur général (ministère de l'Emploi et du Développement social)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Elle-même
Pour le défendeur:
Michel Girard, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 24 février 2014.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Nadine Alibay (la fonctionnaire s’estimant lésée ) occupait un poste de gestionnaire syndiquée au groupe et au niveau EC-07 au ministère de l’Emploi et du Développement social (l’ « administrateur général » ou l’ « employeur »), alors appelé le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. Elle travaillait dans la fonction publique fédérale depuis une dizaine d’années. Le 18 avril 2012, Mme Alibay a déposé un grief pour contester la décision de l’employeur de la licencier pour des motifs d’incapacité de retourner au travail. Dans son grief, Mme Alibay a aussi allégué que les mesures prises par l’employeur constituaient de la discrimination.

2 L’employeur a rejeté le grief au palier final de la procédure interne de règlement des griefs le 30 mai 2012. Le 1er juin 2012, Mme Alibay, avec l’appui de l’Association canadienne des employés professionnels (le « syndicat »), a renvoyé son grief à l’arbitrage. À cette fin, Mme Alibay a utilisé l’avis de renvoi propre au grief portant sur un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire. Sur l’avis, elle a indiqué que le grief était renvoyé à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Le sous-alinéa 209(1)c)(i) se lit comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

[…]

3 L’audience du grief était censée avoir lieu du 12 au 15 février 2013 en même temps que trois autres griefs renvoyés à l’arbitrage par Mme Alibay et le syndicat. L’audience a été annulée car les parties ont conclu une entente le 11 février 2013 réglant le présent grief et les trois autres griefs de Mme Alibay.

4 Le 22 juillet 2013, le syndicat a demandé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») de fermer le dossier du grief et les trois autres dossiers et a aussi avisé la Commission qu’il se retirait des griefs. La Commission a alors fermé les dossiers des trois autres griefs car ces griefs visaient l’interprétation ou l’application de la convention collective et que, dans un tel cas, le paragraphe 209(1) de la Loi empêche un fonctionnaire de procéder à l’arbitrage sans l’appui du syndicat. La Commission a aussi communiqué avec Mme Alibay pour connaître ses intentions eu égard au présent grief. Le 7 août 2013, Mme Alibay a indiqué à la Commission qu’elle désirait poursuivre son grief. La Commission lui a écrit le 13 août 2013, l’informant que son grief serait mis au rôle. Le 27 août 2013, l’employeur a écrit à la Commission, s’objectant à la compétence de l’arbitre d’entendre le grief qui avait été réglé en médiation le 11 février 2013.

5 À la suite d’instructions reçues de ma part, la Commission a indiqué par écrit à Mme Alibay le 24 septembre 2013, puis le 3 février 2014 que la présente audience ne porterait pas sur le fond du grief. Elle viserait plutôt à déterminer si, le 11 février 2013, il y avait eu entente définitive et exécutoire entre les parties et, dans ce cas, si l’entente avait été respectée.

6 L’entente du 11 février 2013, signée par Mme Alibay, le syndicat et l’employeur, comprenait entre autres les dispositions qui suivent :

[…]

En guise de règlement final et définitif de tout litige passé, présent et à venir concernant ou en relation avec les griefs, numéros de référence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique 566-02-6939, 566-02-6940, 566-02-7090, 566-02-7240 (les « Griefs »), les parties conviennent de ce qui suit :

[…]

b.   L’Employée confirme, comme en fait foi sa signature, que sa participation au processus de médiation était volontaire; qu’elle a lu, comprend entièrement et accepte les conditions de cet accord;

c.   En contrepartie des conditions de cet accord, l’Employée accepte et reconnaît que le présent accord représente un règlement définitif de toutes les réclamations que l’Employée peut intenter, ou pourrait intenter à l’avenir, contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, ses employés, mandataires et préposés, découlant de l’emploi de l’Employée au service de l’Employeur et elle accepte de ne pas intenter aucune procédure relativement à ce dit emploi;

LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

[…]

1.3   L’Employeur s’engage à écrire au Conseil de gestion du régime de soins dentaires du Conseil national mixte ainsi qu’à l’Administration du régime de soins de santé de la fonction publique fédérale afin de les informer que madame Alibay a été réintégrée dans son poste, et ce rétroactivement à la date de sa cessation d’emploi. La lettre sera émise au plus tard dans les deux semaines suivant la signature de cette entente.

[…]

6.     Par les présentes, les griefs à l’origine de cette médiation sont retirés ainsi que toute autre plainte adressée par l’Employée contre l’Employeur. L’Employée et le Syndicat s’engagent à informer la Commission des relations de travail de la fonction publique que les griefs sont retirés 60 jours ouvrables suivant la date de l’approbation du Sous-ministre.

7.     L’Employeur s’engage à retirer et détruire les trois lettres de licenciement pour incapacité, soit celles du 1 mars 2012, du 2 mars 2012 et du 10 avril 2012 du dossier de l’Employée. L’Employeur s’engage à confirmer par écrit à Lionel Saurette et l’Employée que les lettres ont été retirées et détruites.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

7 L’entente du 11 février 2013 a été modifiée en mars 2013 afin de retarder de trois semaines la mise en œuvre de certaines dispositions non citées ci-haut. L’employeur a signé la modification le 7 mars 2013 et Mme Alibay le 28 mars 2013.

8 Plusieurs parties de l’entente du 11 février 2013 n’ont pas été citées au paragraphe 6 car l’entente est confidentielle. Je m’en suis tenu au minimum requis pour disposer des questions devant moi. Hormis la partie citée ci-haut, l’employeur m’a demandé lors de l’audience de placer sous scellés les copies de l’entente qui m’ont été soumises. Il m’a renvoyé à la clause de l’entente qui prévoit que son contenu est confidentiel entre les parties et ne peut être divulgué sauf pour son exécution. J’accepte cette demande de placer sous scellés les copies de l’entente qui m’ont été remises. La Loi prévoit plusieurs procédures visant à encourager le règlement volontaire des différends. Les modalités de confidentialité d’une entente de médiation contribuent grandement au règlement volontaire des différends. Sans ces modalités, il serait beaucoup plus difficile d’en arriver à des règlements volontaires. Les avantages de maintenir la confidentialité de l’entente, dans toute la mesure possible, l’emportent largement sur les effets préjudiciables de ne pas le faire. J’ai donc ordonné au personnel de la Commission de placer sous scellés les copies de l’entente qui m’ont été remises.

II. Résumé de la preuve et de l’argumentation

A. Pour Mme Alibay

9 Mme Alibay a allégué que le texte qu’elle a signé le 11 février 2013 laisse croire qu’il y a eu une entente, mais que dans les faits, elle n’était absolument pas d’accord avec le contenu de l’entente. Pour elle, il s’agit plutôt d’une entente entre l’employeur et le syndicat qu’elle a été contrainte de signer sur la base de renseignements incomplets et erronés.

10 Mme Alibay a témoigné que l’entente avait fait l’objet de plusieurs discussions préalables entre le syndicat et l’employeur sans qu’elle puisse fournir son point de vue. Qui plus est, lors de la médiation du 11 février 2013, elle dit avoir été exclue de la plupart des discussions qui se sont tenues entre le syndicat et l’employeur. Elle dit qu’elle n’avait jamais pu discuter du texte même de l’entente. Le syndicat lui aurait dit de se taire. En bout de ligne, elle a été confrontée au texte final que le syndicat l’a exhortée à signer, sans quoi elle perdrait tout et n’aurait plus aucun recours. Lors de la médiation, Mme Alibay ne savait pas qu’elle pouvait poursuivre elle-même le présent grief si le syndicat retirait son appui. C’est ainsi qu’elle a signé l’entente sous la contrainte de tout perdre.

11 Mme Alibay m’a demandé d’annuler l’entente du 11 février 2013 sur la base qu’elle n’était pas valide car elle avait été forcée de la signer alors qu’elle ne possédait pas tous les renseignements qui lui permettraient de prendre une décision éclairée. Plus particulièrement, le syndicat ne lui aurait pas dit qu’elle pouvait poursuivre son grief elle-même. Si elle avait eu cette information, elle n’aurait pas signé l’entente. Mme Alibay a aussi avancé que sa santé était alors fragile et que le syndicat avait mis beaucoup de pression sur elle.

12 Mme Alibay a dit avoir appris seulement en juillet 2013 qu’elle aurait pu poursuivre son grief par elle-même sans l’appui du syndicat. Lors de l’audience, je lui ai indiqué qu’elle aurait pu exercer un recours contre son syndicat si elle croyait que ce dernier avait manqué à son devoir de représentation au sens de la Loi. Elle s’est dite surprise d’apprendre que de tels recours existaient.

13 Mme Alibay a dit qu’elle ne connaissait pas le contenu de la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) lors de la médiation du 11 février 2013, car elle avait été en congé de maladie pour une longue période. Après consultation de l’entente, elle considérait que les options qui existent dans la DRE ne lui avaient pas été offertes et qu’elle n’avait pas eu droit à tous les avantages que procure la DRE. J’ai expliqué à Mme Alibay lors de l’audience que mon rôle n’était pas de déterminer si l’employeur avait respecté la DRE ou si le syndicat avait négocié la meilleure entente possible, mais plutôt de décider s’il y avait eu entente le 11 février 2013 et si l’entente avait été respectée.

14 Tout en maintenant sa position voulant que l’entente du 11 février 2013 devrait être annulée car elle n’y avait pas consentie librement, Mme Alibay a avancé que l’employeur n’avait pas respecté deux des clauses de l’entente, soit celle portant sur l’envoi de lettres par l’employeur aux fournisseurs d’assurances et celle sur la destruction par l’employeur de trois lettres versées à son dossier d’employée.

15 À la clause 1.3 de l’entente, l’employeur s’était engagé à écrire au Conseil de gestion du régime de soins dentaires ainsi qu’à l’administration du régime de soins de santé de la fonction publique dans les deux semaines suivant le 11 février 2013 afin de les informer que Mme Alibay avait été réintégrée dans son poste rétroactivement à la date de sa cessation d’emploi, soit le 19 mai 2012. Selon Mme Alibay, l’employeur a envoyé les deux lettres le 27 février 2013, soit deux jours après l’expiration du délai de deux semaines. Mme Alibay a expliqué plusieurs des problèmes qu’elle avait eus avec le régime de soins de santé de la fonction publique qui avait refusé de lui rembourser plusieurs dépenses totalisant des milliers de dollars. Le 27 mai 2013, un représentantdu régime a finalement avisé l’employeur, qui en a informé Mme Alibay par la suite, que sa couverture d’assurances était rétablie. Par contre, selon les documents soumis par Mme Alibay, la couverture d’assurances se terminait le 31 mai 2013. Au moment de l’audience, Mme Alibay éprouvait encore des problèmes à se faire rembourser plusieurs montants par l’assurance. En contrepartie, elle n’a présenté aucune preuve établissant un lien entre le retard de deux jours de l’employeur à écrire au régime d’assurance et les problèmes en question. Qui plus est, elle n’a éprouvé aucun problème à obtenir des remboursements de la part du régime de soins dentaires.

16 Mme Alibay a aussi allégué que l’employeur n’avait pas respecté la clause 7 de l’entente où l’employeur s’engageait à retirer de son dossier et à détruire trois lettres de licenciement datéee du 1er mars, du 2 mars et du 10 avril 2012. L’employeur s’engageait aussi à confirmer auprès du syndicat et de Mme Alibay que les lettres avaient été retirées et détruites. Mme Alibay est d’avis que l’employeur n’a pas du tout respecté l’intention de cette clause. Elle s’attendait à recevoir une confirmation par lettre de la sous-ministre adjointe qui avait signé les trois lettres de licenciement. Elle a plutôt reçu un courriel de la conseillère en relations de travail attitrée à son dossier de grief.

17 Mme Alibay a aussi témoigné et déposé des documents au sujet de la nature disciplinaire de son grief, d’un désaccord qu’elle a eu avec le syndicat sur l’assurance invalidité, des récriminations qu’elle a soumises au syndicat sur la qualité et la nature de la représentation qu’il lui offrait, des explications personnelles qu’elle avait dû fournir sur son état de santé et de son grand engagement au travail. Je ne reporterai pas la preuve reçue à ces égards car elle ne m’éclaire en rien sur la décision que je dois prendre quant à l’entente du 11 février 2013.

18 Mme Alibay m’a renvoyé à Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38.

B. Pour l’employeur

19 L’employeur a prétendu que l’entente signée le 11 février 2013 était finale et exécutoire pour les parties. Elle mettait fin au litige qui les opposait, car l’entente était définitive. Personne n’a forcé Mme Alibay a signé cette entente. Si elle n’était pas d’accord avec la représentation et les avis reçus de son syndicat, c’est contre lui qu’elle devait exercer des recours, non pas contre l’employeur.

20 Mme Alibay aurait dû savoir à l’avance que la DRE serait discutée lors de la médiation du 11 février 2013. Elle ne peut aujourd’hui prétendre qu’elle en ignorait le contenu.

21 L’employeur a admis avoir envoyé les deux lettres dont il est question à la clause 1.3 deux jours trop tard. Il ne croyait pas pour autant qu’il n’avait pas respecté l’entente, car le retard de deux jours ne changeait rien compte tenu que les lettres visaient le rétablissement rétroactif à avril 2012 de la couverture des assurances.

22 L’employeur dit avoir respecté la clause 7 de l’entente. Cette dernière ne renvoie à aucune forme particulière de communication écrite et ne mentionne pas qui sera le signataire de cet écrit. L’employeur a rempli ses obligations. Il a soumis en preuve un courriel qu’une conseillère en relations de travail a envoyé à Mme Alibay le 9 mai 2013 l’informant que les trois lettres de 2012 avaient été retirées de son dossier et détruites.

23 L’employeur m’a renvoyé à Amos et à Chaudhary c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2013 CRTFP 160.

III. Motifs

24 La Cour d’appel fédérale a déterminé dans Amos qu’un arbitre de grief a la compétence, en vertu de la Loi, pour décider si une entente de règlement est définitive et exécutoire, si une partie a respecté ou non l’entente de règlement et, dans le cas de non-respect, de la réparation à accorder dans les circonstances.

25 Mme Alibay prétend que l’entente n’est pas valide car elle n’a pas donné son accord volontaire. Elle dit plutôt avoir été forcée de signer. Je ne suis pas d’accord avec elle sur ce point. Elle m’a certes convaincu qu’il y a bien des choses qu’elle ne savait pas le 11 février 2013. Elle ne savait pas, qu’à défaut d’entente, elle pouvait poursuivre d’elle-même son grief. Elle ne savait pas non plus qu’elle pouvait déposer une plainte contre son syndicat. Enfin, elle ne connaissait pas le contenu de la DRE et les options que celle-ci offrait aux employés. Je trouve bien dommage que le syndicat n’a peut-être pas pris le temps de bien expliquer à Mme Alibay quels étaient ses droits mais je n’en conclurai pas pour autant qu’elle a été forcée de signer l’entente. Qui plus est, rien dans la preuve présentée ne me laisse croire que le syndicat a induit Mme Alibay en erreur. Le fait qu’elle n’ait pas poursuivie seule son grief est plutôt attribuable à son manque de compréhension de ses droits et recours.

26 Mme Alibay aurait dû connaître la DRE. Elle travaillait dans la fonction publique depuis une dizaine d’années. La DRE faisait partie intégrante de sa convention collective. Elle ne peut blâmer personne de ne jamais avoir consulté la partie de sa convention collective qui lui procure une certaine forme de sécurité d’emploi ou, à tout le moins, des protections en cas de surplus de main-d’œuvre. Mme Alibay aurait aussi dû connaître la Loi. Le 1er juin 2012, elle a signé le formulaire de renvoi de son grief à l’arbitrage et y a indiqué que le renvoi était fait en vertu du sous-alinéa 209(1)c)i) de la Loi. Par le fait même, elle aurait dû savoir que l’objet et la nature de son grief ne nécessitaient pas un appui syndical pour procéder. Une simple lecture et une analyse sommaire des dispositions avoisinantes de la Loi auraient suffi pour lui apprendre qu’elle pouvait procéder seule, refuser de signer l’entente du 11 février 2013 et poursuivre l’arbitrage de son grief sur le fond.

27 En somme, je ne suis pas d’accord avec l’argument de Mme Alibay que l’entente du 11 février 2013 ne soit pas définitive et exécutoire sur la base que Mme Alibay a été forcée de la signer. Mme Alibay a signé cette entente volontairement. Elle a fait une mauvaise évaluation des risques que le refus de signer l’entente impliquait car elle ne connaissait pas les dispositions pertinentes de la Loi. L’ignorance de la Loi ou des droits que confère la convention collective n’est pas une excuse (voir sur ce sujet Allard et al. c. Conseil du Trésor (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-6012 à 6039 (19791115) ouSafire c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2013 CRTFP 97). Toute personne est censée connaître la loi.

28 Certes, le syndicat aurait pu, par souci de transparence, expliquer en détails à Mme Alibay ses droits en vertu de la Loi et de la DRE, y compris son droit de poursuivre seule son grief et son droit de déposer une plainte de pratique déloyale. Il ne semble pas l’avoir fait. Je ne peux évidemment en blâmer l’employeur qui est le défendeur dans ce grief. Il s’agit plutôt d’une question qui tient de la relation que Mme Alibay avait avec son syndicat qui n’est pas une partie au grief qui oppose Mme Alibay à son employeur.

29 Mme Alibay a aussi soulevé le fait que sa santé était fragile en février 2013. Cependant, elle ne m’a rien soumis, ni argumenté pour démontrer que cela l’avait empêché de comprendre ce qui se passait ou l’entente qu’elle a signée le 11 février 2013. Son argument a plutôt porté sur son manque de connaissance de la Loi et de la DRE.

30 Le libellé même de l’entente du 11 février 2013 ne laisse de doute que celle-ci lie les parties qui l’ont signée, en l’occurrence l’employeur et Mme Alibay, et qu’elle est définitive et exécutoire eu égard aux griefs qu’elle vise, incluant le grief qui est devant moi. Je base cette conclusion sur le fait que l’entente est signée par les parties et qu’elle contient les citations suivantes :

  • En guise de règlement final et définitif de tout litige passé, présent et à venir concernant ou en relation avec les griefs, numéros de référence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique 566-02-6939, 566-02-6940, 566-02-7090, 566-02-7240 (les « Griefs »), les parties conviennent de ce qui suit :
  • L’Employée confirme, comme en fait foi sa signature, que sa participation au processus de médiation était volontaire; qu’elle a lu, comprend entièrement et accepte les conditions de cet accord;
  • En contrepartie des conditions de cet accord, l’Employée accepte et reconnaît que le présent accord représente un règlement définitif de toutes les réclamations que l’Employée peut intenter, ou pourrait intenter à l’avenir, contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, ses employés, mandataires et préposés, découlant de l’emploi de l’Employée au service de l’Employeur et elle accepte de ne pas intenter aucune procédure relativement à ce dit emploi;

[Les passages en évidence le sont dans l’original]  

31 Mme Alibay a allégué que deux des dispositions de l’entente n’ont pas été respectées. D’une part, l’employeur a tardé à envoyer une lettre au régime de soins dentaires et une autre au régime de soins de santé de la fonction publique. D’autre part, ce n’est pas la sous-ministre adjointe qui a écrit à Mme Alibay pour l’informer que les lettres de licenciement de mars et avril 2012 avaient été détruites. C’est plutôt une conseillère en relations de travail qui l’a fait au moyen d’un courriel. Examinons si ces événements constituent des bris de l’entente du 11 février 2013.

32 Selon l’entente, l’employeur aurait dû écrire au régime de soins dentaires et au régime de soins de santé de la fonction publique dans les deux semaines suivant l’entente, soit au plus tard le 25 février 2013, pour les informer que Mme Alibay était réintégrée dans son poste rétroactivement à la date de sa cessation d’emploi en 2012 de sorte qu’elle soit couverte par ces deux régimes rétroactivement à cette date. L’employeur a satisfait à son obligation le 27 février 2013, soit deux jours en retard. Comme prévu à l’entente, la couverture des deux assurances a été rétablie rétroactivement à la date de cessation d’emploi en 2012. La preuve révèle que Mme Alibay n’a subi aucun préjudice à la suite de ce retard mineur. Mme Alibay semble avoir éprouvé des problèmes avec le régime de soins de santé dans la fonction publique, mais ces problèmes n’ont rien à voir avec le retard de deux jours. J’en conclus donc que l’employeur a respecté l’esprit de cette disposition de l’entente.

33 Ma conclusion sur ce dernier point est comparable à celle dans Bouchard c. Lahaie et al., 2013 CRTFP 143. Au paragraphe 40 de cette décision, la commission s’exprimait ainsi :

[40] Je ne suis pas d’avis qu’un retard d’une semaine dans un paiement soit si fondamental au respect du protocole d’entente entre les parties qu’il a pour effet de nécessiter une réparation quelconque dans ces circonstances. En l’absence de mauvaise foi de la part des défendeurs ou de préjudice à la plaignante, je suis d’avis qu’un retard de ce genre constitue un défaut mineur dans la mise en œuvre du protocole d’entente. Sur ce point, je souscris entièrement aux commentaires de l’arbitre de grief dans Zeswick c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 8 (paragraphe 49) :

[49][…] De considérer cet élément comme une violation fondamentale de l’entente équivaudrait à imposer aux parties une norme de perfection lorsqu’elles procèdent à la mise en application des ententes de règlement. Dans les relations de travail, la diligence est importante, mais il n’est pas nécessaire d’imposer une norme de perfection pour reconnaitre l’importance d’une entente de règlement, et il n’est pas non plus souhaitable d’imposer une telle norme aux parties, qui, après tout, essaient de résoudre des problèmes le plus rapidement et au moindre coût possible.

34 Sur le dernier point allégué par Mme Alibay, une simple lecture du libellé de la clause 7 de l’entente du 11 février 2013 révèle que l’employeur a mis en œuvre l’entente qu’il a signée. Il s’était engagé à enlever les lettres du 1er mars, 2 mars et du 10 avril 2012 du dossier de Mme Alibay et à les détruire, puis à en informer Mme Alibay quand il l’aurait fait. L’employeur a déposé en preuve le courriel qui a été envoyé à Mme Alibay le 9 mai 2013 l’informant que les lettres avaient été détruites et retirées de son dossier. L’entente a donc été respectée. Rien n’y précise la forme de la communication écrite ou le nom de son signataire. Il aurait sans doute été préférable, et plus respectueux à l’égard de Mme Alibay, que la forme de la communication écrite et son signataire soient les mêmes que pour les lettres d’origine qui étaient visées par cette disposition de l’entente. Néanmoins, l’entente a été respectée car elle ne contient aucun détail sur ce sujet.

35 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

36 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 10 mars 2014.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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