Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Vingt et un employés ont déposé un grief collectif alléguant que la direction avait violé les clauses6.01 et32.01 de la convention collective s’appliquant à l’unité de négociation du groupe Réparation des navires (Est) (SRE) en assignant des tâches relatives aux essais en mer à des employés d’un autre groupe professionnel - les parties se sont entendues pour aborder la question juridique sous-jacente à titre préliminaire et pour ensuite régler les questions relatives à la preuve, si l’arbitre de grief tranchait la question juridique préliminaire en faveur des fonctionnaires s’estimant lésés - les parties ont convenu que la question à trancher consistait à établir si la convention collective avait pour effet de restreindre la capacité de la direction à assigner l’ensemble des tâches faisant partie de la définition du groupe professionnel SRE, ou une partie de celles-ci, à des personnes ne faisant pas partie de l’unité de négociation représentant ce groupe - l’arbitre de grief a rejeté l’argument du syndicat selon lequel l’accréditation confère, outre le droit de représenter les employés, un droit de propriété au regard du travail effectué par les employés de l’unité de négociation - bien que la définition de l’unité de négociation puisse être étroitement liée à la structure du groupe professionnel, cette définition a pour objet de déterminer la portée de la représentation du syndicat aux fins de la négociation collective - la définition de l’<<unité de négociation>> qui figure au paragraphe2(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) appuie cette position, à l’instar de l’article67, qui présente les droits découlant de l’accréditation et ne mentionne pas de droit de propriété à l’égard du travail des membres de l’unité de négociation - la structure du groupe professionnel n’est pas et ne s’est jamais voulue aussi limitative que le soutient le syndicat - les unités de négociation coïncident généralement avec les groupes professionnels, mais ce n’est pas toujours le cas - les définitions des groupes professionnels ne sont pas précises et limitatives, et les postes peuvent comporter des tâches qui relèvent de plus d’un groupe professionnel - l’arbitre de grief n’était pas convaincue que la clause sur la reconnaissance de l’unité de négociation contenue à l’article6 n’avait pas pour seul but de reconnaître la portée des attributions de l’unité de négociation ou qu’elle était suffisamment précise pour qu’il soit possible de conclure que l’employeur avait l’intention de conférer à l’unité de négociation un droit exclusif quant au travail visé par la définition du groupe professionnel en question - il y avait des preuves selon lesquelles la convention collective s’appliquant aux membres de l’unité de négociation du groupe Services techniques contenait un protocole d’accord portant précisément sur les essais en mer - les articles7 et11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) et l’article7 de la LRTFP confèrent à l’employeur de vastes droits en matière de gestion, et la clause5.01 de la convention collective reconnaît ces droits et précise expressément que les droits et les responsabilités <<qui ne sont ni précisés ni modifiés>> appartiennent à l’employeur - aucune disposition précise de la convention collective ne limite le droit de la direction d’assigner des tâches normalement dévolues aux membres de l’unité de négociation à des personnes n’en faisant pas partie - si le syndicat craint que des employés ne faisant pas partie de l’unité de négociation effectuent une part importante du travail relevant de l’unité de négociation, il pourrait présenter une demande en vertu de l’article58 de la LRTFP pour que ces employés soient rattachés à l’unité de négociation et, ainsi, protéger celle-ci. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-05-01
  • Dossier:  567-02-39
  • Référence:  2014 CRTFP 51

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CONSEIL DES MÉTIERS ET DU TRAVAIL DU CHANTIER MARITIME DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL (EST)

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Est) c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)


Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief
Pour l'agent négociateur:
Ronald Pink, avocat
Pour l'employeur:
Christine Diguer, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits déposés le 16 juillet, le 30 septembre et le 18 octobre 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief collectif renvoyé à l’arbitrage

1 Michael Ashley et 20 autres employés, les fonctionnaires s’estimant lésés (« les fonctionnaires ») travaillent à l’Installation de maintenance de la flotte Cape Scott (l’« IMF Cape Scott ») du ministère de la Défense nationale (le « MDN »), à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Au moment pertinent, les fonctionnaires étaient assujettis à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Est) (le « syndicat ») pour le groupe professionnel Réparation des navires (Est), venant à échéance le 31 décembre 2009 (la « convention collective »).

2 Le 20 avril 2009, les fonctionnaires ont déposé un grief collectif, qui se lit comme suit :

[Traduction]

Nous souhaitons contester, par ce grief, la violation par la direction des clauses 6.01 et 32.01 de notre convention collective, en ce qui a trait au groupe professionnel de la Réparation des navires et à l’affectation des fonctions conformément à la Gazette du Canada 1999 et à l’énoncé des fonctions et des responsabilités figurant sur leur description de travail.

3 À titre de mesure corrective, les fonctionnaires ont demandé ce qui suit :

[Traduction]

La direction attribue le travail et le contrôle du travail, des fonctions et des responsabilités tel qu’il est indiqué dans la Gazette du Canada de 1999 pour le groupe professionnel Réparation des navires (Est).

4 L’employeur a rejeté le grief au dernier palier le 31 décembre 2009. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 13 janvier 2010.

5 Le grief devait initialement être entendu à une audience d’arbitrage les 10 et 11 mars 2011. Toutefois, à la demande de l’employeur, l’audience d’arbitrage a été reportée. Les nouvelles dates d’audience sont du 3 au 5 avril 2012.

6 Le 20 février 2012, le syndicat a déposé une demande de divulgation d’un certain nombre de documents que possédait l’employeur. L’employeur s’est opposé à la demande du syndicat le 14 mars 2012 au motif que les renseignements demandés n’étaient pas nécessaires compte tenu de la nature de la question et parce que les faits sous-jacents au grief n’étaient pas contestés. Il a demandé la tenue d’une conférence préparatoire à l’audience pour discuter de la question. Une téléconférence entre les parties a eu lieu le 23 mars 2012.

7 La demande de divulgation présentée par le syndicat portait sur une grande quantité de documents ayant trait à la réalisation d’essais en mer à l’IMF Cape Scott entre 2008 et 2012. Pendant la téléconférence, le syndicat a fait valoir que ces documents étaient nécessaires pour appuyer l’allégation selon laquelle l’employeur attribuait du travail de l’unité de négociation aux employés de l’extérieur de l’unité de négociation. L’employeur était prêt à admettre qu’il avait attribué du travail d’essais en mer à des employés qui ne faisaient pas partie de l’unité de négociation et a donc fait valoir que les documents n’étaient pas nécessaires. Bien que l’employeur ait soutenu que la question soulevée par les griefs était une question de droit, le syndicat était d’avis que les documents étaient nécessaires dans le cadre de sa preuve. En outre, il était clair que le syndicat n’accepterait pas un énoncé conjoint des faits sans avoir l’occasion d’examiner les documents qu’il avait demandé. Après une discussion exhaustive sur la question, l’employeur a accepté de travailler avec le syndicat sur sa demande de divulgation. Par conséquent, l’audience prévue du 3 au 5 avril 2012 a été reportée.

8 Le 28 février 2012, le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Esquimalt) a présenté une demande de statut d’intervenant en vertu du paragraphe 99(1) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79. J’ai rejeté cette demande le 12 septembre 2012, (voir 2012 CRTFP 93).

9 L’audience d’arbitrage a été remise aux 10 et 11 janvier 2013. Toutefois, avant que des éléments de preuve puissent être présentés à l’audience, l’employeur a fait valoir que certains documents que le syndicat entendait présenter en preuve faisaient l’objet du secret sur la base de la sécurité nationale. L’employeur a reconnu qu’il avait autorisé le syndicat à avoir accès aux documents en question et qu’il lui avait donné l’autorisation d’en faire des copies; toutefois, il a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur. L’employeur a exigé le retour de tous les documents en question, dont la plupart constituaient le fondement de la preuve du syndicat.

10 Au cours des deux jours prévus pour l’audience d’arbitrage, les parties ont tenté de trouver une solution à la question de l’accès par le syndicat aux documents qu’il jugeait nécessaires pour établir sa preuve. Toutefois, les parties n’ont pas été en mesure de trouver une solution immédiate et n’étaient pas prêtes à présenter des arguments sur la question de l’allégation selon laquelle les documents contestés étaient confidentiels et non admissibles pour des motifs de sécurité nationale.

11 Après l’audience, les parties ont tenté de s’entendre sur un énoncé conjoint des faits, mais n’y sont pas parvenues. De plus, elles ne se sont pas entendues sur la façon de régler le problème de la preuve. Une téléconférence a eu lieu le 4 mars 2012. À ce moment-là, les parties ont convenu de régler la question juridique sous-jacente à titre préliminaire, et ce, au moyen d’observations écrites. Selon ma décision quant à la question juridique sous-jacente, soit le grief sera rejeté parce que l’employeur avait le droit d’attribuer du travail en dehors de l’unité de négociation, par conséquent il ne serait pas question de violation de la convention collective, soit l’audience d’arbitrage sera reportée et les parties seront alors prêtes à régler les questions de preuve en suspens.

12 La question que les parties ont accepté de régler était la suivante :

[Traduction]

Les clauses 6.01 et (ou) 32.01 de la convention collective du groupe Réparation des navires – Est (SR-E) limitent-elles la capacité de la direction d’attribuer l’une ou l’autre des activités énoncées dans la définition du groupe professionnel Réparation des navires – Est à des personnes autres que les membres de l’unité de négociation SR-E?

13 Les arguments des deux parties renvoient aux clauses 6.01 et 32.01 de la convention collective, aux articles 6, 7, 57 et 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP »), et aux articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11) (la « LGFP »). Par souci de commodité, ces dispositions et la définition du groupe professionnel SR-E (Partie I de la Gazette du Canada, le 27 mars 1999, vol. 133, no 13) sont reproduites à partir du prochain paragraphe. Les autres dispositions des lois ou de la convention collective mentionnées par les parties dans leurs observations seront reproduites au besoin.

14 Les dispositions pertinentes de la convention collective prévoient ce qui suit :

Article 5 – Responsabilités de la direction

5.01 Le Conseil reconnaît et admet que l'Employeur a et doit continuer d'avoir exclusivement le droit et la responsabilité de diriger ses opérations dans tous leurs aspects et il est explicitement entendu que les droits et responsabilités de ce genre qui ne sont ni précisés ni modifiés d'une façon particulière par la présente convention appartiennent en exclusivité à l'Employeur.

L'exercice de tels droits ne doit pas être incompatible avec les dispositions explicites de la présente convention.

5.02 Le présent article ne restreint aucunement le droit qu'un employé a de soumettre un grief conformément à la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique.

Article 6 – Reconnaissance syndicale

6.01 L'Employeur reconnaît le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est) comme agent de négociation unique de tous les employés visés au certificat délivré par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique le vingtième jour d'août 1976 modifié le douzième jour de mai 2000 et le 21 décembre 2005 qui vise tous les employés du groupe de la réparation des navires en poste sur la côte est à l'exception des chefs d'équipes.

[…]

Article 32 – Énoncé des fonctions

**

32.01 Sur demande écrite de l'employé, il lui est remis une copie de l'exposé officiel de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu'un organigramme décrivant le classement de son poste dans l'organisation.

15 Les dispositions pertinentes de la LRTFP sont les suivantes :

Droits de la direction

6. La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité du Conseil du Trésor conféré par l'alinéa 7(1)b) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

7. La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité du Conseil du Trésor ou d'un organisme distinct quant à l'organisation de tout secteur de l'administration publique fédérale à l'égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d'employeur, à l'attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

[]

Détermination des unités habiles à négocier

57. (1) Saisie d’une demande d’accréditation conforme à l’article 54, la Commission définit le groupe de fonctionnaires qui constitue une unité habile à négocier collectivement.

(2) Pour décider si le groupe de fonctionnaires constitue une unité habile à négocier collectivement, la Commission tient compte de la classification des postes établis par l'employeur et des personnes qu'il emploie, notamment des groupes ou sous-groupes professionnels qu'il a établis.

(3) La Commission est tenue de définir des unités correspondant aux groupes et sous-groupes professionnels établis par l'employeur, sauf dans le cas où elles ne constitueraient pas des unités habiles à négocier collectivement au motif qu'elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie.

(4) L'unité de négociation définie par la Commission ne coïncide pas nécessairement avec le groupe de fonctionnaires visé par la demande d'accréditation.

58. À la demande de l'employeur ou de l'organisation syndicale concernée, la Commission se prononce sur l'appartenance de tout fonctionnaire ou de toute catégorie de fonctionnaires à une unité de négociation qu'elle a définie, ou sur leur appartenance à toute autre unité.

16 Les dispositions pertinentes de la LGFP sont les suivantes :

Attributions du Conseil du Trésor

7. (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l'égard des questions suivantes :

a) les grandes orientations applicables à l’administration publique fédérale;

b) l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie;

c) la gestion financière, notamment les prévisions budgétaires, les dépenses, les engagements financiers, les comptes, le prix de fourniture de services ou d’usage d’installations, les locations, les permis ou licences, les baux, le produit de la cession de biens, ainsi que les méthodes employées par les ministères pour gérer, inscrire et comptabiliser leurs recettes ou leurs créances;

d) l'examen des plans et programmes des dépenses annuels ou à plus long terme des ministères et la fixation de leur ordre de priorité;

d.1) la gestion et l’exploitation des terres par les ministères, à l’exclusion des terres du Canada au sens du paragraphe 24(1) de laLoi sur l’arpentage des terres du Canada;

e) la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d’emploi;

e.1) les conditions d’emploi des personnes nommées par le gouverneur en conseil qui ne sont pas prévues par la présente loi, toute autre loi fédérale, un décret ou tout autre moyen;

e.2) la vérification interne au sein de l’administration publique fédérale;

f) les autres questions que le gouverneur en conseil peut lui renvoyer.

[]

Pouvoirs du Conseil du Trésor

11.1 (1) Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e) :

a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

b) pourvoir à la classification des postes et des personnes employées dans la fonction publique;

c) déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés, ainsi que les questions connexes;

d) déterminer et réglementer les indemnités susceptibles d’être versées aux personnes employées dans la fonction publique soit pour des frais de déplacement ou autres, soit pour des dépenses ou en raison de circonstances liées à leur emploi;

e) sous réserve de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, fixer des orientations et établir des programmes destinés à la mise en œuvre de l’équité en matière d’emploi dans la fonction publique;

f) élaborer des lignes directrices ou des directives sur l’exercice des pouvoirs conférés par la présente loi aux administrateurs généraux de l’administration publique centrale, ainsi que les rapports que ceux-ci doivent préparer sur l’exercice de ces pouvoirs;

g) élaborer des lignes directrices ou des directives :

(i) d’une part, sur la façon dont les administrateurs généraux de l’administration publique centrale peuvent s’occuper des griefs présentés sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique auxquels ils sont parties et plus particulièrement de ceux de ces griefs qui sont renvoyés à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de cette loi,

(ii) d’autre part, sur les rapports que ces administrateurs doivent préparer sur ces griefs;

h) élaborer des lignes directrices ou des directives concernant la communication par les personnes employées dans la fonction publique de renseignements sur les actes fautifs commis au sein de celle-ci et la protection de ces personnes contre les représailles lorsqu’elles communiquent ces renseignements conformément à ces lignes directrices ou directives;

i) élaborer des lignes directrices ou des directives concernant la prévention du harcèlement en milieu de travail et le règlement des différends auquel il donne lieu;

j) régir toute autre question, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent article, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion des ressources humaines de la fonction publique.

(2) Le Conseil du Trésor ne peut :

a) exercer ses pouvoirs à l’égard des questions visées au paragraphe (1) si celles-ci sont expressément régies par une autre loi et non par simple attribution de pouvoirs à une autorité ou à une personne déterminée;

b) exercer des pouvoirs expressément conférés à la Commission de la fonction publique sous le régime de laLoi sur les relations de travail dans la fonction publique ou mettre en œuvre des méthodes de sélection du personnel dont l’application relève, sous le régime de cette Loi, de la Commission.

17 La définition du groupe professionnel SR-E est la suivante :

Définition du groupe Réparation des navires (Est)

Le groupe Réparation des navires (Est) comprend les postes du ministère de la Défense nationale de la côte est qui sont principalement liés à la réparation, à la modification et à la refonte de navires et de leur équipement.

Postes inclus

Sans limiter la généralité de la définition énoncée ci-dessus, sont inclus dans ce groupe les postes dont les responsabilités principales se rattachent à l'une ou à plusieurs des activités suivantes :

1. installation, essai, inspection, maintenance, réparation, modification, contrôle de la qualité et essais en mer d’équipement mécanique, d’armes, de missiles et de torpilles, et de systèmes de propulsion de navires;

2. installation, réparation ou modification d’équipement électrique et électronique, y compris réalisation de travaux comme la réparation d’instruments électriques ou de moteurs électriques, et d’essais et de travaux faits par un électricien ou une électricienne, un électronicien ou une électronicienne, un technicien ou une technicienne en communications électroniques, un technicien ou une technicienne de composants électroniques, un technicien ou une technicienne des systèmes électroniques et un technicien ou une technicienne de conduite du tir;

3. réparation et modification de coques de navires;

4. préparation matérielle de navires aux fins de leur refonte ou réparation;

5. installation, réparation et modification de machines-outils, de matériel d'essai et d'appareils utilisés pour l'exécution des activités susmentionnées, à bord de navires et dans des ateliers des chantiers maritimes;

6. préparation de plans détaillés et estimations en ce qui concerne le temps et les matériaux nécessaires pour réaliser divers travaux liés à l'installation, la maintenance, la réparation ou la modification de systèmes ou d'équipement.

Postes exclus

Les postes exclus du groupe Réparation des navires (Est) sont ceux dont la principale raison d’être est comprise dans la définition d’un autre groupe ou ceux dont l’une ou plusieurs des activités suivantes sont primordiales :

1. exercice de leadership de l’une ou l’autre des activités énumérées dans les postes inclus ci-dessus;

2. application de la technologie électronique à la conception, la construction, l’installation, l’inspection, la maintenance et la réparation d’équipement, de systèmes et d’installations électroniques et connexes, et élaboration et application des règlements et des normes régissant l’utilisation de cet équipement;

3. réparation, entretien ou nettoyage de bâtiments, de matériel de génie de la construction, ou d’autres installations du rivage;

4. exploitation de magasins et d’entrepôts;

5. exploitation de navires auxiliaires, de bâtiments de servitude, de matériel d'installations flottantes, ou d'appareils mobiles;

6. fourniture, contrôle de la qualité ou réparation de munitions.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le syndicat

18 Le syndicat a expliqué qu’il est l’agent négociateur accrédité de quelque 800 membres de l’unité de négociation SR-E qui travaillent à l’IMF Cape Scott à Halifax. Les autres employés de l’IMF Cape Scott font partie de cinq autres groupes professionnels : Chef d’équipe de la réparation des navires (SR(C)), Électronique (EL), Services de l’exploitation (SV), Services techniques (TC) et Gestion des ressources humaines (HM).

19 La définition du groupe professionnel SR-E, telle qu’elle a été modifiée en 1999, décrit la composition du groupe dans les termes suivants : « […] les postes du ministère de la Défense nationale de la côte est qui sont principalement liés à la réparation, à la modification et à la refonte de navires et de leur équipement ». Sont également inclus dans la définition du groupe les postes ayant essentiellement la responsabilité des éléments « […] installation, essai, inspection, maintenance, réparation, modification, contrôle de la qualité et essais en mer d’équipement mécanique, d’armes, de missiles et de torpilles, et de systèmes de propulsion de navires […] ».

20 Le syndicat a été initialement accrédité comme agent négociateur du groupe professionnel SR-E en 1976 (Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Est) c. Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP 146-2-161 et 162 (19760820)). L’attestation a été modifiée en 1999 (Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Est) c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 142-2-330 (19990520)) de manière à refléter les changements apportés à la définition du groupe professionnel après l’adoption de l’article 101 de la Loi sur la réforme de la fonction publique (L.C. 1992, ch. 54;) (la « LRFP »). La clause 6.01 de la convention collective intègre par renvoi le certificat de négociation et la définition du groupe professionnel SR-E telle qu’elle a été modifiée en 1999.

21 Le syndicat a déclaré que bien que les articles 6 et 7 de la LRTFP et les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent à l’employeur le droit d’organiser la fonction publique fédérale, des changements aux groupes professionnels ont toujours été apportés sous forme de modifications formelles et de demandes ultérieures à la Commission des relations de travail dans la fonction (la « CRTFP ») et à sa prédécesseure en vue de la révision et de la modification des certificats de négociation. Le syndicat a cité Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2005 CRTFP 107, et Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 22, à titre d’exemple de demandes de modification de certificats de négociation à la suite de modifications apportées à des définitions de groupe professionnel.

22 L’employeur ne possède pas le pouvoir de déterminer la composition ou les champs de compétence des unités de négociation, tel qu’il est indiqué par les groupes professionnels. Seule la CRTFP a le pouvoir de déterminer si l’unité est appropriée dans le cas de la convention collective et, malgré le fait que le paragraphe 57(3) de la LRTFP exige qu’elle tienne compte de la structure du groupe professionnel lorsqu’elle détermine quelles sont les unités de négociation appropriées, elle peut s’écarter de cette structure si une unité qui est basée sur le groupe professionnel n’est pas appropriée dans le cadre de la négociation collective.

23 Le syndicat a fait valoir qu’il est démontré par la jurisprudence de la CRTFP que cette dernière ne permettrait pas à l’employeur de déplacer des employés qui exercent des activités rattachées à un groupe professionnel dans un groupe professionnel différent si les activités en question ne s’inscrivent pas dans la définition du groupe. Citant Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt) c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 147-2-25 (19840524), le syndicat a déclaré que c’est la définition du groupe professionnel, et non la classification, qui influe sur la structure de l’unité de négociation.

24 Dans la présente affaire, la description du groupe professionnel SR-E inclut les essais en mer dans les activités propres au groupe professionnel. De fait, il s’agit du seul groupe professionnel de l’IMF Cape Scott qui comprend les essais en mer dans la liste des activités incluses. Les activités de l’unité de négociation SR-E ne devraient pas être transférées aux employés d’un autre groupe professionnel lorsqu’elles ne font pas partie des activités incluses de l’autre groupe professionnel. Bien que des employés d’autres groupes professionnels puissent être à bord pendant les essais en mer pour superviser le travail des membres du groupe SR-E ou pour exercer des fonctions connexes, l’essentiel du travail accompli pendant les essais en mer doit être exécuté par les membres du groupe SR-E.

25 Le syndicat a fait valoir que la jurisprudence de la CRTFP établit qu’une analyse consciencieuse est effectuée pour déterminer les unités de négociation appropriées. Citant Fraternité internationale des ouvriers en électricité, local 2228 c. Conseil du Trésor et al., 2000 CRTFP 52, le syndicat a déclaré que la CRTFP examinerait sans doute les fonctions et responsabilités actuelles des employés dans une unité de négociation projetée et comparerait celles-ci aux fonctions décrites dans la définition du groupe professionnel. Cette analyse repose sur la prémisse voulant que les employés qui font partie de l’unité de négociation exécutent le travail décrit dans la définition du groupe professionnel et qu’il serait porté atteinte à leurs droits si, dans les faits, l’employeur attribuait le travail selon son bon plaisir.

26 Les attributions de travail effectuées sans tenir compte des définitions de groupe professionnel sont incompatibles avec le pouvoir de la CRTFP de revoir les unités de négociation en vertu de l’article 58 de la LRTFP. Le syndicat a également déclaré que ces attributions menaceraient en outre les relations de travail en occasionnant des tensions et de l’incertitude non nécessaires en milieu de travail. Par exemple, si l’employeur était en mesure d’attribuer du travail qui s’inscrit dans la description du groupe professionnel SR-E aux membres des groupes professionnels EL ou SV, le syndicat ne pourrait aucunement protéger les emplois de l’unité de négociation SR-E. Les définitions des groupes professionnels EL et SV excluent expressément le travail sur les navires militaires et leur équipement. Si l’employeur pouvait faire fi des définitions des groupes professionnels lorsqu’il attribue du travail, il serait inutile de relier les groupes professionnels et les unités de négociation et impossible d’appliquer les descriptions des unités de négociation. Les membres de l’unité de négociation n’auraient pas de sécurité d’emploi, parce que tout le monde pourrait faire leur travail.

27 La description de l’unité de négociation ne confère pas à elle seule au syndicat une compétence exclusive sur le travail qui y est décrit. Cependant, l’intégration par renvoi de la description dans la convention collective laisse croire que le travail est exclusif. Pour déterminer la nature de l’unité de négociation SR-E, la CRTFP a pris en compte la description du groupe professionnel. Par conséquent, l’intégration du certificat de négociation dans la convention collective à la clause 6.01 reflète la décision de la CRTFP établissant que l’unité est appropriée. Pour ce motif, l’employeur ne devrait pas être autorisé à faire fi de la structure de l’unité de négociation lorsqu’il attribue du travail.

28 Bien que l’article 7 de la LRTFP confère à l’employeur certains droits de la direction, comme le pouvoir de modifier des groupes professionnels, de reclassifier des postes et d’attribuer des fonctions au sein de la structure du groupe professionnel, il ne donne pas à l’employeur le droit d’agir à l’extérieur du cadre de la structure qu’il a créé, et ce, de manière arbitraire ou improvisée. Le paragraphe 7(1) de la LGFP ne confère pas non plus à l’employeur le pouvoir de modifier les fonctions décrites dans les définitions de groupes professionnels sans apporter de modifications formelles. Le syndicat a fait valoir que l’employeur n’avait ajouté la responsabilité des essais en mer à aucune autre définition du groupe professionnel.

29 Le syndicat a fait valoir que la clause 6.01 de la convention collective limitait encore plus les droits de direction de l’employeur. L’employeur doit reconnaître que le syndicat est l’agent négociateur des employés dont les fonctions sont décrites dans la définition du groupe professionnel SR-E.

30 Le syndicat a déclaré que la question en litige ne portait pas sur l’impartition ou sur une attribution de travail en particulier. De fait, la question a été soulevée parce que l’employeur a pris une tâche de la description du groupe professionnel SR-E et l’a attribuée régulièrement à un autre groupe professionnel, et ce, régulièrement et à long terme, sans qu’il n’y ait de modification formelle aux définitions des groupes professionnels. Cette action constituait une violation de la clause 6.01 de la convention collective. Par conséquent, l’audience devrait être reprise pour permettre au syndicat de présenter des éléments de preuve à l’appui de ses allégations.

B. Pour l’employeur

31 Le grief soumis à la CRTFP est un grief collectif déposé en vertu de l’article 215 de la LRTFP, qui permet à un agent négociateur de déposer « un grief […] à l'employeur au nom des fonctionnaires de cette unité qui s'estiment lésés par la même interprétation ou application à leur égard de toute disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale ». Selon le grief collectif, il y a eu violation des clauses 6.01 et 32.01 de la convention collective.

32 L’employeur a soutenu que la clause 6.01 de la convention collective n’était qu’une clause de reconnaissance qui ne confère pas de compétence exclusive sur l’une ou l’autre des tâches décrites dans la définition du groupe SR-E. L’employeur a déclaré que la clause 6.01 avait pour objet de déterminer les employés qui font partie de l’unité de négociation et de reconnaître le droit exclusif du syndicat de représenter ces employés. La clause 32.01 de la convention collective confère aux employés le droit de recevoir une description de travail complète et exacte sur demande. Elle ne donne pas aux employés le droit exclusif au travail décrit dans la définition du groupe professionnel SR-E.

33 L’employeur a déclaré qu’il avait le droit et la responsabilité d’organiser et de gérer le travail dans la fonction publique et que rien dans la convention collective ne l’empêchait d’attribuer ces tâches aux employés des autres groupes professionnels. Dans les faits, il n’a cependant pas admis avoir agi comme tel. Il a agi dans les limites de ses droits de la direction et n’a rien fait pour miner la sécurité de l’agent négociateur ou pour enfreindre la convention collective.

34 Les droits de la direction sont expressément reconnus à l’article 5 de la convention collective. Cet article reconnaît le droit de l’employeur de gérer « ses opérations dans tous leurs aspects ». De plus, les droits de direction conférés à l’employeur sont protégés par la loi. Selon l’article 7 de la LRTFP, rien dans la Loi ne doit être interprétécomme portant atteinte aux droits de direction conférés à l’employeur et, en particulier, à son droit d’organiser le lieu de travail, d’attribuer des fonctions et de classifier des postes. Les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent également à l’employeur le vaste pouvoir de gestion qui consiste à organiser le lieu de travail, à gérer les ressources humaines, à déterminer les besoins en ressources humaines, et à « […] assurer leur répartition et leur bonne utilisation […] ». L’employeur m’a renvoyé à Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236, Purchase c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 67, et Peck c. Parcs Canada, 2009 CF 686, et a déclaré qu’en l’absence d’une limitation expresse dans la loi ou la convention collective, son droit d’organisation et de gestion du lieu de travail était vaste.

35 En vertu de l’article 101 de la LRFP, tous les groupes professionnels ont été revus et modifiés. En conséquence de l’examen, certains groupes professionnels ont été regroupés et de nouveaux groupes ont été créés. Les affiliations actuelles de l’unité de négociation ont été maintenues, mais certaines unités de négociation ont été modifiées en raison des changements apportés à la structure du groupe professionnel. Bien qu’aucune modification majeure n’ait été apportée à la définition du groupe professionnel ou au certificat de négociation pour le groupe SR-E, une définition actualisée du groupe SR-E a été publiée dans la Gazette du Canada, et la CRTFP a produit un certificat de négociation mis à jour à la suite de sa décision d’examiner l’unité de négociation (Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (Est) c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 142-2-330)).

36 La définition du groupe professionnel qui s’applique au groupe SR-E est du même format que les autres descriptions de groupe professionnel, tel qu’il est indiqué dans le Guide pour l’attribution des postes selon les définitions des groupes professionnels de 1999 du Conseil du Trésor (le « Guide »;arguments de l’employeur, onglet 7). La définition renferme une description générale du type de travail attribué au groupe professionnel, suivie d’exemples plus précis des tâches comprises et exclues des postes du groupe professionnel.

37 La description générale de la définition du groupe professionnel SR-E indique que le groupe comprend les postes du ministère de la Défense nationale de la côte est qui sont principalement liés à la réparation, à la modification et à la refonte de navires et de leur équipement. L’énoncé qui décrit le type de travail compris dans la définition du groupe inclut les postes dont l’objet principal est notamment les « […] essais en mer d’équipement mécanique, d’armes, de missiles et de torpilles, et de systèmes de propulsion de navires […] ». L’énoncé qui décrit le travail exclu du groupe professionnel SR-E comprend les postes dont la principale raison d'être est comprise dans la définition d'un autre groupe professionnel ou les postes dont l'une ou plusieurs des activités énumérées dans la liste d’exclusions sont primordiales.

38 L’employeur a soutenu qu’un poste est attribué à un groupe professionnel quand la définition du groupe reflète le mieux sa principale raison d’être. Toutefois, le poste pourrait également inclure les fonctions qui s’inscrivent dans la définition du groupe professionnel d’un autre groupe. De la même façon, un poste pourrait également être attribué à un autre groupe professionnel même s’il comprend des fonctions qui s’inscrivent dans le cadre de la définition du groupe SR-E. La fonction publique fédérale n’est pas organisée en silos ou en compartiments étanches. L’employeur a déclaré qu’il avait le pouvoir discrétionnaire d’attribuer un éventail de fonctions à un poste, mais qu’à des fins de classification, il attribuerait le poste au groupe qui correspond le mieux à sa fonction principale.

39 La CRTFP n’a pas compétence pour trancher des questions de classification. Toutefois, en citant l’article 57 de la LRTFP, l’employeur a fait valoir que lorsque la CRTFP se penche sur des demandes d’accréditation, elle doit déterminer si un groupe constitue une unité appropriée à la négociation collective, tout en tenant compte du système de classification de l’employeur et de la structure du groupe professionnel. Le paragraphe 57(3) exige que la CRTFP établisse des unités de négociation qui correspondent aux groupes professionnels, sauf si, en ce faisant, on nuisait à la représentation satisfaisante du groupe aux fins de la négociation collective.

40 La CRTFP a également compétence en vertu de l’article 58 de la LRTFP pour régler des questions qui pourraient être soulevées au sujet de l’unité de négociation à laquelle les employés appartiennent à juste titre. L’employeur m’a renvoyé à Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Conseil du Trésor et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 9, et a déclaré que la CRTFP avait pour rôle d’affecter un employé ou un groupe d’employés à une unité de négociation en se basant sur la raison d’être principale des fonctions clés de l’employé ou du groupe d’employés. L’employeur a déclaré que la prémisse de l’article 58 était que les descriptions de travail des employés comprennent régulièrement des fonctions qui peuvent se ranger dans un ou plusieurs groupes. Il s’ensuit que les employés n’ont pas d’intérêt exclusif dans les activités décrites dans une description du groupe professionnel et que l’affiliation de l’employé à une unité de négociation est fondée sur les fonctions clés du poste et non sur un droit absolu à l’égard d’un travail en particulier.

41 L’employeur m’a renvoyé à Longshoremen’s Protective Union, Local 1953 v. St. John’s Shipping Association Limited, 3 CLRBR (NS) 314, et a déclaré qu’il était bien établi que l’accréditation ne conférait pas des droits exclusifs sur le travail décrit dans le certificat. L’accréditation accorde le droit de représenter des employés, mais n’accorde pas compétence relativement au travail qu’ils font. Les droits exclusifs quant au travail des membres de l’unité de négociation doivent être obtenus à la table de négociation.

42 L’employeur a soutenu qu’une interprétation franche de la clause 6.01 de la convention collective permet clairement d’établir que cette clause avait pour seul but de reconnaître le syndicat comme agent négociateur des employés de l’unité de négociation SR-E, tel que l’unité a été décrite dans le certificat original produit par la Commission des relations de travail dans la fonction publique en 1976 et qui a par la suite été modifié en 2000 et en 2005.

43 L’employeur a également cité Suric c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 44 et Belliveau et Sinnesael c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2013 CRTFP 69. L’employeur a fait valoir que la clause 32.01 de la convention collective conférait aux employés le droit de recevoir, sur demande, des descriptions de travail complètes et à jour, mais n’exigeait pas de l’employeur qu’il leur attribue un travail en particulier.

44 L’employeur a soutenu que ni la clause 6.01 ni la clause 32.01 de la convention collective ne confèrent compétence relativement au travail de l’unité de négociation. De plus, l’employeur a déclaré qu’aucune disposition de la convention collective n’appuie les allégations des fonctionnaires voulant qu’ils aient compétence sur le travail ou que le travail ne peut être attribué en dehors de l’unité de négociation. L’employeur m’a renvoyé à Alcan Smelters and Chemicals Ltd. v. Canadian Association of Smelter and Allied Workers, Local 1 (1979),23 L.A.C. (2d) 123, et British Columbia Maritime Employers Association v. International Longshoremen’s and Warehousemen’s Union, Canadian Area, [1998] C.L.A.D. no 429 (QL), et a déclaré que seul le libellé exprès de la convention collective peut faire en sorte que soit obtenu le droit de propriété exclusif concernant le travail de l’unité de négociation. Il a ajouté que ce droit ne peut être inféré.

45 L’employeur n’est pas tenu de retirer des fonctions énoncées dans la définition du groupe professionnel SR-E pour les attribuer aux employés d’autres groupes. Dans Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt), il n’est pas mentionné que les essais en mer peuvent être réalisés seulement par des employés qui s’inscrivent dans une définition du groupe professionnel qui inclut expressément les essais en mer dans ses dispositions. L’employeur a souligné que les employés du groupe professionnel SR-E ne sont pas les seuls employés responsables d’effectuer des essais en mer. Les membres de l’unité de négociation TC disposent d’un protocole d’entente qui est inclus dans la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services techniques qui porte expressément sur leur travail d’essais en mer.

46 L’employeur a déclaré que les arguments du syndicat font complètement fi du fait qu’aucune disposition explicite de la convention collective n’attribue à l’unité de négociation la propriété de son travail. De plus, les clauses 6.01 et 32.01 de la convention collective ne limitent aucunement le droit exclusif de l’employeur d’attribuer du travail. Par conséquent, l’employeur demande que le grief collectif soit rejeté.

C. Réplique du syndicat

47 La clause 6.01 de la convention collective intègre par renvoi la définition du groupe professionnel SR-E. Par conséquent, l’employeur doit se conformer à la définition du groupe professionnel en ce qui a trait à l’organisation du travail à l’IMF Cape Scott. Cette position n’est pas incohérente avec les droits de la direction de l’employeur lesquels sont énoncés à l’article 7 de la LGFP. L’employeur a exercé ses droits de la direction en créant la structure du groupe professionnel; par conséquent, son pouvoir d’attribuer des fonctions et de classifier des postes doit être exercé conformément à la structure qu’il a créée.

48 Le libellé utilisé dans les définitions de groupes professionnels est précis et restrictif. L’employeur aurait pu utiliser des termes plus souples, mais il a choisi d’employer des définitions précises qui énoncent les tâches de chaque groupe. L’employeur doit donc se conformer aux définitions qu’il a rédigées et ne peut, sans avoir d’abord modifié la définition du groupe professionnel, s’écarter du libellé de la définition.

49 La définition du groupe professionnel SR-E a été modifiée en 1999. La modification incluait expressément le travail consacré aux essais en mer. Au même moment, la définition du groupe professionnel des EL a été modifiée de manière à exclure expressément le travail consacré aux essais en mer. Ces modifications reflétaient l’intention de l’employeur d’attribuer un travail en particulier au groupe professionnel SR-E plutôt qu’à d’autres groupes professionnels, comme le groupe EL.

50 L’organisation du travail à l’IMF Cape Scott doit se conformer aux définitions des groupes professionnels. Les modifications apportées aux définitions des groupes professionnels en 1999 viennent appuyer les allégations du syndicat selon lesquelles le travail consacré aux essais en mer appartient à l’unité de négociation SR-E et non aux autres unités de négociation.

51  Le fait de laisser entendre que l’employeur pourrait affecter des fonctions qui soient comprises dans les responsabilités principales d’un poste à un poste d’un autre groupe professionnel est incompatible avec les définitions des groupes professionnels et la convention collective. Les définitions des groupes professionnels sont accompagnées d’une description générale du travail du groupe et d’une liste d’activités précises qui font partie de ce travail. Il serait dévastateur pour les relations de travail si l’employeur pouvait attribuer à un poste la responsabilité d’activités qui s’inscrivent dans deux groupes professionnels différents. La structure d’un groupe professionnel a été créée à partir d’une intention de doter l’organisation du travail dans la fonction publique fédérale d’une structure cohérente.Les fonctions doivent être affectées conformément à la structure du groupe professionnel parce qu’il s’agit du seul mode de classification de postes significatif.

52 Les affaires citées par l’employeur sur la question des droits de la direction ne sont pas pertinentes à la question de ce grief parce qu’elles ne traitent pas de questions relatives à la structure du groupe professionnel. De même, les affaires qui ont été citées par l’employeur concernant des conflits en matière de compétence ne sont pas pertinentes parce qu’elles ne découlent pas de la compétence de la fonction publique fédérale et ne touchent pas l’interprétation ou l’application des définitions des groupes professionnels.

53 Bien que l’employeur possède le pouvoir de définir et de modifier des groupes professionnels, tel qu’il est énoncé dans la LGFP, la direction locale ne peut s’écarter unilatéralement de la structure créée par l’employeur. La définition du groupe professionnel SR-E était intégrée par renvoi à la convention collective des SR-E et doit être respectée.

III. Motifs

54 Le 20 avril 2009, 21 employés de l’unité de négociation SR-E travaillant à l’IMF Cape Scott à Halifax ont déposé un grief collectif, qui se lit comme suit :

[Traduction]

Nous souhaitons contester, par ce grief, la violation par la direction des clauses 6.01 et 32.01 de notre convention collective, en ce qui a trait au groupe professionnel Réparation des navires et à l’affectation des fonctions conformément à la Gazette du Canada 1999 et à l’énoncé des fonctions et des responsabilités figurant sur leur description de travail.

55 À titre de mesure corrective, les fonctionnaires ont demandé ce qui suit :

La direction attribue le travail et le contrôle du travail, des fonctions et des responsabilités tel qu’il est indiqué dans la Gazette du Canada de 1999 pour le groupe professionnel Réparation des navires (Est).

56 La définition du groupe professionnel SR-E a été publiée dans la Gazette du Canada en 1999 et intégrée par renvoi dans la clause 6.01 de la convention collective. Elle prévoit que les employés du groupe sont « […] principalement liés à la réparation, à la modification et à la refonte de navires et de leur équipement » (arguments du syndicat, onglet 4, page 811). La définition précise que les postes qui comptent parmi leur « raison d’être principale » la responsabilité, entre autres activités énumérées, des activités suivantes : « […] installation, essai, inspection, maintenance, réparation, modification, contrôle de la qualité et essais en mer d’équipement mécanique, d’armes, de missiles et de torpilles, et de systèmes de propulsion de navires […] » font partie du groupe.

57 Ce grief découle de la croyance des employés que les employés qui ne font pas partie de l’unité de négociation SR-E et qui ne sont donc pas visés par la définition du groupe professionnel SR-E ont été affectés par l’employeur à travailler dans le cadre d’essais en mer. Aucune preuve n’a encore été présentée pour établir si et dans quelle mesure les employés d’autres groupes professionnels ont travaillé dans le cadre d’essais en mer. L’employeur a soutenu que les membres de l’unité de négociation SR-E ne possèdent pas de droit exclusif à l’égard du travail de l’unité de négociation. L’employeur a ajouté qu’il possède le droit absolu d’attribuer et d’organiser le travail. Les parties ont donc été invitées à présenter des arguments, à titre de question préliminaire, sur la question suivante :

[Traduction]

Les clauses 6.01 et (ou) 32.01 de la convention collective du groupe Réparation des navires – Est (SR-E) limitent-elles la capacité de la direction d’attribuer l’une ou l’autre des activités énoncées dans la définition du groupe professionnel Réparation des navires – Est à des personnes qui ne sont pas membres de l’unité de négociation SR-E?

58 L’argument du syndicat est relativement clair. Étant donné que l’article 7 de la LRTFP et les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent à l’employeur le droit d’organiser la fonction publique et d’attribuer du travail, le syndicat a fait valoir que l’employeur doit fonctionner dans le cadre de la structure du groupe professionnel qu’il a créée lorsqu’il exerce son droit d’organiser la fonction publique. Bien que l’employeur puisse modifier les définitions de groupes professionnels comme il l’estime nécessaire, le syndicat a fait valoir que ces modifications sont généralement formelles et publiées dans la Gazette du Canada, comme ce fut le casen 1999 pour la définition du groupe SR-E.

59 Le syndicat a fait valoir que le paragraphe 57(3) de la LRTFP exige que la CRTFP crée des unités de négociation qui correspondent aux groupes professionnels de l’employeur lorsqu’elle accrédite un agent négociateur à titre de représentant exclusif d’un groupe d’employés, sauf si cette mesure empêche une représentation satisfaisante. En l’espèce, le certificat émis par la CRTFP pour l’unité de négociation SR-E a intégré par renvoi la définition du groupe professionnel SR-E. Le certificat de négociation et la définition du groupe professionnel SR-E ont été intégrés par renvoi dans la clause 6.01 de la convention collective. Par conséquent, le travail décrit dans le certificat et dans la définition du groupe professionnel SR-E et intégré par renvoi dans la convention collective est le travail de l’unité de négociation et ne peut être exécuté par des employés d’autres groupes professionnels ou transféré à d’autres groupes professionnels sans que des modifications formelles soient apportées aux définitions de groupes professionnels, aux certificats de négociation et à la convention collective.

60 L’argumentation du syndicat repose essentiellement sur le fait que l’accréditation confère non seulement le droit de représenter des employés, mais également un droit exclusif à l’égard du travail des employés de l’unité de négociation. Je ne crois pas que ce soit le cas. La section 5 de la LRTFP, qui couvre la question de l’accréditation, est intitulée « Droits de négociation » et traite de l’attribution des droits de négociation à un agent négociateur. Bien que la détermination d’une unité de négociation appropriée puisse être étroitement liée à la structure du groupe professionnel, son objet consiste à définir la portée de la représentation du syndicat aux fins de la négociation collective. La définition d’une « unité de négociation » au paragraphe 2(1) de la LRTFP appuie cette vision, car elle prévoit qu’une unité de négociation est un « [g]roupe de fonctionnaires dont la Commission a déclaré qu’il constitue une unité habile à négocier collectivement ». En outre, l’article 67, qui énumère les effets de l’accréditation, n’inclut pas un droit exclusif à l’égard du travail des membres de l’unité de négociation dans la liste. Je souscris à la décision citée par l’employeur, Longshoremen’s Protective Union, Local 1953,dans laquelle le Conseil canadien des relations industrielles affirme ce qui suit :

[Traduction]

[] la fonction de travail d’un titulaire de quelque classification d’employés que ce soit constitue un élément du caractère approprié d’une unité de négociation et elle peut jouer un rôle déterminant dans la définition de la portée d’une telle unité, mais l’accréditation ne confère pas de droit absolu sur ces fonctions. Le droit à l’égard du travail, en regard du droit d’attribution ou d’impartition d’un employeur, peut être obtenu seulement à la table de négociation. La compétence du syndicat sur le travail constitue par conséquent une question distincte de celle des droits de négociation. Ceux-ci peuvent être obtenus par l’accréditation ou par la reconnaissance volontaire; les premiers doivent être revendiqués.

61 Toutefois, le syndicat a fait valoir que ce n’est pas seulement son accréditation à titre d’agent négociateur pour les employés du groupe professionnel SR-E qui a donné lieu à un droit exclusif sur le travail de l’unité de négociation, mais également l’intégration par renvoi de son certificat et de la définition du groupe professionnel dans la clause 6.01 de la convention collective. Si je comprends bien la position du syndicat, comme le certificat a été accordé sur la base de la définition du groupe professionnel, et comme celle-ci a été intégrée par renvoi dans la convention collective, l’employeur a convenu que seuls les employés de l’unité de négociation SR-E pouvaient exécuter les tâches décrites dans la définition du groupe professionnel.

62 Si le travail peut être attribué seulement en conformité avec les définitions de groupes professionnels, ces définitions doivent nécessairement être strictes et claires afin d’éviter les fréquents conflits de compétence. Toutefois, je ne crois pas que la structure du groupe professionnel soit, ou était censée être, aussi restrictive que le syndicat le fait valoir dans son argumentation. Le Guide (arguments de l’employeur, onglet 7) définit les groupes professionnels comme « un ensemble de professions ou d’emplois qui sont reliés entre eux de façon générale par la nature des fonctions exercées ».Les postes sont attribués à des groupes professionnels en fonction de la raison d’être principale du travail. Toutefois, le Guide reconnaît que dans le cas de certains postes, le travail pourrait s’inscrire dans plus d’un groupe professionnel. Dans de telles circonstances, le poste est attribué à un groupe professionnel en fonction de la meilleure correspondance avec la raison d’être principale du groupe.

63 Le lien entre l’attribution à un groupe professionnel et l’accréditation d’une unité de négociation et le concept de « meilleure correspondance » a été examiné dans Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 42, et maintenu dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Association des pilotes fédéraux du Canada et Canada (Procureur général), 2009 CAF 223 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada rejetée dans Public Service Alliance of Canada v. Canadian Federal Pilots Assn., [2009] S.C.C.A. no 387 (QL)). D’autres demandes présentées à la CRTFP en vertu des articles 43 et 52 de la LRTFP ont également été rejetées (voir 2011 CRTFP 84). Dans cette affaire, trois postes ayant fait partie du groupe professionnel Navigation aérienne (AO) et de l’unité de négociation ont été reclassifiés et déplacés dans différents groupes professionnels et unités de négociation parce que leurs fonctions ne nécessitaient plus que les titulaires de ces postes possèdent des qualifications en pilotage. Par conséquent, ils ont été expressément exclus de la définition du groupe professionnel AO. L’Association des pilotes fédéraux du Canada, qui est l’agent négociateur de l’unité de négociation des AO, a présenté une demande en vertu de l’article 58 de la LRTFP pour que les postes fassent de nouveau partie de l’unité de négociation AO parce qu’ils correspondaient mieux au groupe professionnel AO qu’aux autres groupes professionnels auxquels ils avaient été affectés.

64 L’arbitre de grief a conclu que le fait que la définition du groupe professionnel AO excluait expressément les postes qui n’exigeaient pas de qualifications en pilotage ne l’empêchait pas de déterminer que l’unité de négociation AO correspondait mieux que les unités de négociation auxquelles les postes avaient été attribués. Par conséquent, les postes ont été réintégrés dans l’unité de négociation AO. Comme la décision de l’arbitre de grief n’a modifié ni la classification ni l’attribution des postes en litige dans le groupe professionnel, elle a eu pour effet d’inclure les postes des divers groupes professionnels dans l’unité de négociation AO.

65 Dans sa révision, la Cour d’appel fédérale a mentionné les liens entre la structure du groupe professionnel et la détermination des unités de négociation appropriées aux fins de la négociation collective. Elle a maintenu la décision de la CRTFP selon laquelle une exclusion spécifique dans une définition du groupe professionnel ne prévalait pas sur la compétence de la CRTFP de statuer sur la composition appropriée des unités de négociation. En outre, la Cour d’appel fédérale a approuvé la méthode employée par l’arbitre de grief pour déterminer quelle unité de négociation cadrait le mieux avec les postes en litige. En approuvant la méthode de la CRTFP, la Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 69 :

[…] À mon avis, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission d’examiner les définitions des groupes dans leur ensemble, c’est-à-dire en considérant les éléments inclus et les éléments exclus. Comme l’a indiqué la Commission, il était impossible d’attribuer les postes à un groupe sans faire injure à un aspect ou l’autre des définitions.

66 Il est clairement établi dans Association des pilotes fédéraux du Canada que bien que les unités de négociation correspondent généralement aux groupes professionnels, ce n’est pas toujours le cas. En outre, cette décision établit manifestement que les définitions des groupes professionnels ne sont pas précises et restrictives et que les postes peuvent comporter des fonctions qui se rangent dans plus d’un groupe professionnel. À mon avis, c’est ce qui appuie la position selon laquelle un certificat de négociation a pour but de définir la portée de l’unité de négociation aux fins de la négociation collective et non de conférer des droits exclusifs à l’égard du travail de l’unité. Compte tenu de ces faits, je ne suis pas convaincue que la clause de reconnaissance, soit l’article 6 de la convention collective, qui intègre par renvoi le certificat de négociation, avait d’autres buts que de reconnaître la portée de l’unité de négociation, ou qu’elle est suffisamment précise pour permettre de conclure que l’employeur entendait conférer une compétence exclusive sur le travail décrit dans la définition du groupe professionnel à l’unité de négociation.

67 Il convient de mentionner à ce stade que l’employeur a soutenu que d’autres unités de négociation renfermaient des postes comportant au moins certaines responsabilités relatives au travail d’essais en mer. Plus particulièrement, l’employeur a fait observer que la convention collective de l’unité de négociation TC renfermait un protocole d’entente ayant trait expressément au travail d’essais en mer. Bien que j’estime que des éléments de preuve seraient nécessaires pour déterminer la similitude entre le travail de l’unité TC et le travail revendiqué par l’unité de négociation SR-E, il est clair qu’il y a chevauchement et que les arguments de l’employeur selon lesquels le travail dans la fonction publique fédérale n’est pas aussi délimité que le syndicat le prétend sont fondés.

68  Les différends sur l’attribution de travail à des personnes qui ne sont pas membres de l’unité de négociation ne sont pas rares dans les autres secteurs de travail. Dans Mitchnick et Etherington, Labour Arbitration in Canada, les auteurs font valoir l’argument suivant au paragraphe 18.1.1 :

[Traduction]

Les arbitres de grief ont constamment souligné que l’accréditation et la conclusion d’une convention collective ne confèrent pas au syndicat un droit exclusif à l’égard du travail exécuté par les membres de l’unité de négociation. Par conséquent, en l’absence de restrictions précises dans la convention collective, l’employeur conserve le droit inhérent d’attribuer ou de réattribuer du travail de l’unité de négociation à des employés qui ne font pas partie de l’unité de négociation, dont des superviseurs. Cependant, les droits de la direction à cet égard ne sont pas tout à fait inconditionnels, malgré le fait que les parties n’ont pas abordé expressément la question [] [l]es arbitres ont généralement été préparés à conclure qu’il existe certaines restrictions dans la convention collective afin que les dispositions sur la classification des emplois, sur l’ancienneté, sur les promotions et sur les mises en disponibilité qui ont été négociées ne deviennent pas vides de sens.

69 Dans Ottawa (City) Hydro Electric Commission v. I.B.E.W., Local 636 (2000), 90 L.A.C. (4e) 62, où il était question d’un superviseur qui accomplissait du travail pour l’unité de négociation, l’arbitre de grief a fait observer qu’en l’absence d’une interdiction expresse d’avoir recours à des employés qui ne font pas partie de l’unité de négociation pour faire du travail de l’unité de négociation, le droit de la direction d’attribuer du travail était illimité, sauf si l’exercice de ce droit devenait une menace pour la sécurité de l’unité de négociation. De même, dans Transport and Allied Workers (TC, Local 855) v. Hickman Motors, Carbonear (2012), 223 L.A.C. (4e) 410, qui portait sur l’affectation de travail de l’unité de négociation à des personnes non membres de l’unité de négociation, l’arbitre de grief a conclu ce qui suit au paragraphe 28 :

[Traduction]

[] Une interdiction implicite ne signifie pas qu’un employé qui ne fait pas partie de l’unité de négociation, comme un ouvrier des services publics, n’est pas autorisé à exécuter du travail du technicien à l’entretien et à la réparation d’automobiles. Si les parties avaient eu l’intention de mettre en place une telle interdiction, elles auraient utilisé un libellé explicite à cet égard. Tel qu’il est indiqué dans la jurisprudence, une interdiction implicite signifie qu’une personne de l’extérieur de l’unité de négociation n’est pas autorisée à faire du travail d’une ampleur telle que cette personne se retrouve visée par l’unité de négociation ou qu’un travailleur de l’unité de négociation est privé d’un emploi. []

70 Les articles 7 et 11.1 de la LGFP et 7 de la LRTFP confèrent à l’employeur de vastes droits de la direction. Plus particulièrement, ces articles confèrent à l’employeur le droit d’organiser la fonction publique, d’attribuer des ressources et d’affecter des fonctions. La clause 5.01 de la convention collective reconnaît les droits de la direction de l’employeur et reconnaît expressément qu’il a « […] exclusivement le droit et la responsabilité de diriger ses opérations dans tous leurs aspects […] » et reconnaît que l’employeur conserve tous les droits et toutes les responsabilités « qui ne sont ni précisés ni modifiés » par la convention collective. Aucune disposition particulière de la convention collective ne limite le droit de la direction de l’employeur d’attribuer du travail de l’unité de négociation à des employés qui n’en font pas partie. Selon moi, compte tenu de l’existence de tels droits de la direction clairs, une interdiction expresse dans la convention collective serait nécessaire pour restreindre le droit de l’employeur d’attribuer du travail à des membres qui ne font pas partie de l’unité de négociation.

71 En ce qui concerne les faits en l’espèce, je ne crois pas que l’on puisse faire valoir que le travail attribué à des non-membres de l’unité de négociation menace la sécurité de l’unité de négociation. Même si je reconnais que les parties n’ont pas présenté de preuve quant à l’étendue des tâches attribuées qui sont contestées, je constate que le syndicat ne prétend pas que des employés extérieurs à l’unité de négociation accomplissent toute la gamme du travail de l’unité de négociation, mais simplement qu’ils exécutent une tâche, soit les essais en mer, parmi une longue série de fonctions rattachées à l’emploi. De plus, advenant la crainte que des employés non membres de l’unité de négociation exécutent une partie importante du travail de l’unité de négociation, le syndicat n’est pas sans recours; il pourrait en effet présenter une demande en vertu de l’article 58 de la LRTFP pour intégrer ces travailleurs dans l’unité de négociation et ainsi protéger la sécurité de l’unité.

72 Bien que le syndicat ait formulé la question en litige comme étant une crainte que l’employeur transfère une tâche qui se trouve uniquement dans la description du groupe professionnel SR-E à un autre groupe, en violation de la structure du groupe professionnel et des articles 6 et 32 de la convention collective, rien ne laisse croire que l’employeur a effectivement modifié les définitions de groupes professionnels. De fait, il s’agit d’un grief contre l’attribution de travail décrit dans la description du groupe professionnel et dans le certificat de négociation pour l’unité SR-E à des non-membres de l’unité de négociation. Que le travail d’essais en mer soit propre à l’unité de négociation SR-E ou non, pour tous les motifs déjà énoncés, je conclus que rien dans l’article 6 n’empêche l’employeur d’attribuer un tel travail à des non-membres de l’unité de négociation. Bien que le syndicat n’ait présenté aucun argument relativement à l’article 32, je conclus également que cet article, qui prévoit simplement que les employés ont droit à une description de travail complète et exacte sur demande, n’empêche pas l’employeur d’exercer son droit de la direction qui consiste à attribuer du travail d’essais en mer à des non-membres de l’unité de négociation.

73 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

74 Le grief collectif est rejeté.

Le 1er mai 2014.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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