Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le mandat a été établi par le président intérimaire - l’agent négociateur s’est opposé à la proposition de l’employeur de faire retirer certains articles de la convention collective au motif que ceux-ci portent sur la dotation - les objections ont été retirées - un mandat a été établi à l’égard des articles en question dans 2013 CRTFP 153 - avant l’audience devant le conseil d’arbitrage, l’employeur a remis en question la compétence du conseil arbitrage, en vertu de l’article150 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>), de rendre une décision arbitrale concernant les articles - une audience a eu lieu devant le président intérimaire - les deux parties ont convenu que le conseil d’arbitrage n’avait pas la compétence pour rendre une décision arbitrale concernant les articles - un mandat supplémentaire a été établi dans 2014CRTFP 33, lequel retirait les articles de la compétence du conseil d’arbitrage - de plus, à l’audience, l’employeur a demandé au président intérimaire de constituer une formation de la Commission et de statuer sur une demande présentée en vertu de l’article36 de la Loi visant à supprimer les articles de la convention collective - l’employeur a affirmé que les articles devaient être retirés de la convention collective, car ils violaient l’article7 de la Loi et l’alinéa5(1)g) de la Loi sur le conseil national de recherches du fait qu’ils limitaient le pouvoir de l’employeur de procéder à des nominations et de doter des postes - les articles empiétaient sur les droits de la direction de l’employeur - l’employeur a soutenu que la Commission disposait d’un vaste pouvoir lui permettant d’accorder la réparation demandée, c’est-à-dire de supprimer les articles de la convention collective en vertu de l’article36 de la Loi et de la théorie de la déduction nécessaire - l’agent négociateur a soutenu que les articles n’étaient pas visés à l’article7 de la Loi ou à l’alinéa5(1)g) de la Loi sur le conseil national de recherches - la Commission a conclu que les articles empiétaient bel et bien sur l’article7 de la Loi et l’alinéa5(1)g) de la Loi sur le conseil national de recherches - elle a également conclu que l’article36 de la Loi et la théorie de la déduction nécessaire lui donnent le pouvoir de statuer sur un certain nombre de situations pour lesquelles la Loi ne prévoit pas expressément de réparation - or, la Commission n’avait pas ce pouvoir dans la présente affaire, car les articles sont demeurés en vigueur en application du gel des conditions prévu à l’article107 de la Loi. Déclaration rendue.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-05-30
  • Dossier:  585-09-52
  • Référence:  2014 CRTFP 59

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


DANS L’AFFAIRE DE LA
LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
et d’un différend entre
l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l’agent négociateur,
et le Conseil national de recherches du Canada, l’employeur,
relativement à l’ensemble d’une unité de négociation composée des employés de l’employeur appartenant à la catégorie Scientifique et professionnelle qui sont affectés à la sélection, à l’acquisition, à l’organisation et à l’analyse thématique du savoir écrit dans les bibliothèques ou les centres de documentation; à la prestation de services de référence et bibliographiques; à l’élaboration et à la compilation de catalogues, de bibliographies, d’index et autres publications semblables; à l’élaboration et à l’utilisation de guides et de systèmes automatisés pour consigner, stocker et extraire l’information des systèmes de bibliothèque et à la prestation de conseils (« unité de négociation LS »)

Répertorié
Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada


Demande en vertu de l’article 36 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.


Devant:
David P. Olsen, président par intérim de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour l’agent négociateur:
Michael Urminsky, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Caroline Richard, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 5 mars 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

1      Dans la décision 2013 CRTFP 153 rendue le 21 novembre 2013, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») a émis un mandat dans le dossier de la CRTFP 585-09-52 (le « mandat ») à la suite d’une demande d’arbitrage présentée par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »). La demande a été faite relativement à une unité de négociation au Conseil national de recherches du Canada (l’« employeur ») composée des employés de l’employeur appartenant à la catégorie Scientifique et professionnelle qui sont affectés à la sélection, à l’acquisition, à l’organisation et à l’analyse thématique du savoir écrit dans les bibliothèques et les centres de documentation; à la prestation de services de référence et bibliographiques; à l’élaboration et à la compilation de catalogues, de bibliographies, d’index et autres publications semblables et à l’élaboration et à l’utilisation de guides et de systèmes automatisés pour consigner, stocker et extraire l’information des systèmes de bibliothèque et à la prestation de conseils (« unité de négociation LS »).

2 La décision expliquait que l’agent négociateur s’était d’abord opposé à la proposition de l’employeur sur les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective. Toutefois, après un échange de diverses lettres, l’agent négociateur, dans un courriel daté du 7 novembre 2013, a retiré son opposition à la proposition de l’employeur portant sur les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective. 

3      Comme il n’y avait pas d’opposition à la proposition de l’employeur sur les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective, la proposition a été incluse dans le mandat dans le cadre des questions en litige sur lesquelles le conseil d’arbitrage devait rendre une décision arbitrale.

4      Les parties ont été informées dans la décision que si une question de compétence était soulevée au cours de l’audience relativement à l’inclusion d’une question dans ce mandat, cette question devait être soumise sans délai au président de la CRTFP qui est, en vertu du paragraphe 144(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), la seule personne autorisée à prendre une telle décision.

5      Dans une lettre datée du 9 décembre 2013, l’employeur a soulevé une question de compétence au sujet de sa proposition sur les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective. L’employeur a indiqué qu’une fois que l’agent négociateur a retiré son opposition à la proposition et que le mandat a été délivré, les parties ont poursuivi la négociation collective. La négociation collective n’a pas donné lieu à une entente provisoire. Toutefois, l’employeur a ajouté que dans le cadre de ces négociations, il est apparu que la même question de compétence concernant les clauses 30.01 à 30.03 que celle qui avait été initialement soulevée avant la délivrance du mandat serait soulevée au cours de l’audience devant le conseil d’arbitrage.

6      En conséquence, l’employeur a expressément soulevé, entre autres questions, la question de compétence ayant pour but de déterminer si l’article 150 de la Loi interdit au conseil d’arbitrage de rendre une décision arbitrale qui pourrait annuler les clauses 30.01 à 30.03 existantes. 

7      Une audience a eu lieu devant le président de la CRTFP le 5 mars 2014, notamment pour trancher cette question de compétence. L’audience avait pour but de régler le présent dossier, mais également les mêmes questions que celles qui ont été soulevées dans les dossiers 585-09-57 et 585-09-58 concernant les mêmes parties, mais des unités de négociation différentes.

8      Au cours de l’audience, les deux parties ont reconnu que la proposition de l’employeur sur les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective contrevenait à l’article 150 de la Loi et que, par conséquent, elle ne pouvait être incluse dans les questions en litige devant faire l’objet d’une décision arbitrale par le conseil d’arbitrage. Les parties ont donc demandé sur consentement que le mandat soit modifié de manière à supprimer la mention de la proposition de l’employeur d’annuler les clauses 30.01 à 30.03 actuelles de la convention collective.  

9      Le 19 mars 2014, en vertu de l’article 144 de la Loi, le mandat délivré le 21 novembre 2013 dans la décision 2013 CRTFP 153 a par conséquent été modifié dans la décision 2014 CRTFP 33.

10 À l’audience du 5 mars 2014, l’employeur a demandé à la CRTFP de rendre une ordonnance en vertu de l’article 36 de la Loi pour annuler les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective. La présente décision porte sur cette demande présentée en vertu de l’article 36 devant une formation de la CRTFP.

Faits

11 Pour des motifs qui ne sont pas encore connus, l’employeur, le Conseil national de recherches, a négocié avec l’agent négociateur au cours d’une ronde de négociation précédente et a convenu d’inclure les clauses 30.01 à 30.03 dans la convention collective.

12 L’employeur demande maintenant l’annulation de ces clauses. L’agent négociateur ne sera pas d’accord avec l’annulation de ces clauses.

13 Au cours des rondes de négociation antérieures, l’employeur n’est pas parvenu, dans le cadre de la négociation collective, à conclure une entente avec l’agent négociateur pour faire annuler ces clauses.

14 Les parties conviennent que compte tenu de l’application de l’article 150 de la Loi, un différend entre les parties concernant l’annulation de ces clauses ne peut être renvoyé à un conseil d’arbitrage à des fins de règlement.

Observations de l’employeur sur la demande

15 L’employeur fait valoir que l’objet de ces clauses relève des droits et autorités qui sont préservés pour le Conseil du Trésor ou un organisme distinct en vertu de l’article 7 de la Loi et de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.  L’article 7 de la Loi prévoit que :

7. La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

L’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches prévoit :

5. (1) Dans l’exécution de sa mission, le Conseil peut notamment :

[…]

g) nommer les experts et autres membres du personnel proposés par le président, définir leurs fonctions et la durée de celles-ci et, avec l’approbation du gouverneur en conseil, fixer leur rémunération […]

16 En vertu des clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective, l’employeur s’engage à annoncer à l’interne les postes vacants qu’il entend combler parmi ses employés de l’unité de négociation; à procéder à des nominations d’employés compétents de l’unité de négociation lorsqu’il est raisonnable de le faire; à nommer sans tenir de concours des employés qui ont reçu un avis de licenciement ou des employés qui sont en congé non rémunéré dont les postes ont été abolis pour combler un poste pour lequel l’employé est compétent à un niveau qui n’est pas supérieur au niveau de classification correspondant à l’ancien niveau de l’employé.

17 Ces dispositions limitent l’autorité de l’employeur de nommer des personnes et de combler des postes.

18 Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada et le Conseil national de recherches, dossier de la CRTFP 169-9-509 (19911112), une décision portant sur un grief de principe relatif à une disposition de la convention collective intitulée « Dotation de postes », l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique, prédécesseur de l’actuelle CRTFP, a conclu que la clause 2.02 de cette disposition de dotation engageait l’employeur à donner préséance à ses employés pour la dotation de postes. L’agent négociateur a fait valoir qu’il incombait à l’employeur d’annoncer ou d’afficher les avis d’emplois vacants. L’ancienne CRTFP a statué que la clause 2.02 ne fait qu’exiger que l’employeur donne priorité « […] aux employés du Conseil pour combler des postes ».

19 Cette décision établit qu’une disposition de cette nature affecte le pouvoir de dotation de l’organisme. L’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches préservent le droit des organismes distincts de déterminer l’organisation de leurs lieux de travail, y compris le droit de doter des postes et de faire des nominations.

20 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et Centre de la sécurité des télécommunications, ministère de la Défense nationale, [1988] C.R.T.F.P.C. no 208, une décision de la CRTFP qui porte sur sa compétence de rendre une décision arbitrale sur certaines des propositions de l’agent négociateur, l’ancienne CRTFP a examiné la question de savoir si une disposition portant sur un congé sabbatique prévoyant que les employés doivent, une fois la formation ou le congé terminé, reprendre leur ancien poste ou un poste conforme à leurs qualifications à une classification et un niveau salarial équivalents relevait de sa compétence. À la page 11 de sa décision, l’ancienne CRTFP a conclu qu’elle n’avait pas la compétence pour procéder à l’arbitrage de la disposition proposée parce qu’elle entrait directement en conflit avec l’article 7 de la Loi. La disposition en litige dans cette affaire est similaire à la clause 30.03.

21 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor, [1986] C.R.T.F.P.C. no 74, à la page 5, un conseil d’arbitrage a statué qu’une disposition qui limiterait l’attribution de travail en heures supplémentaires à des employés qui exercent habituellement les fonctions exigerait que l’employeur s’abstienne d’affecter certaines tâches à des employés qui, habituellement, n’exécutaient pas les fonctions, et il a conclu que cette proposition empiéterait sur l’autorité de l’employeur d’affecter des fonctions à des postes, cette autorité étant réservée à l’employeur en vertu de l’article 7 de la Loi. Le conseil d’arbitrage a conclu qu’il n’avait pas la compétence pour examiner cette proposition.

22 L’employeur soutient que les clauses en question s’inscrivent parfaitement dans les protections prévues à l’article 7 de la Loi. Elles tombent également sous le coup de l’autorité du Conseil national de recherches, prévue à l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

23 À première vue, les clauses en question empiètent sur la compétence exclusive de l’employeur de nommer des employés. Les dispositions dictent comment l’employeur doit choisir des candidats parmi un groupe restreint ou comment l’employeur doit nommer des employés à des postes parmi un groupe limité; par conséquent, ces dispositions traitent des questions énoncées à l’article 7 de la Loi et à l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

24 Quel est l’impact des dispositions relevant des matières énumérées à l’article 7 de la Loi et à l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches?

25 Selon un principe d’interprétation législative bien établi, l’article 7 doit être interprété dans le contexte de la Loi prise globalement. L’un des objets principaux de la Loi consiste à créer un régime de négociation collective étayé par un mécanisme de règlement des différends offert aux parties si elles ne sont pas en mesure de conclure une entente à la table de négociation. La Loi renferme deux de ces mécanismes, à savoir la conciliation/grève et l’arbitrage devant un conseil d’arbitrage, généralement connu sous le nom d’arbitrage de différends. La Loi, par le mécanisme d’arbitrage de différends, aide les parties à créer une convention collective qui régira leurs relations.

26 Il convient d’adopter une approche fondée sur l’objet de l’interprétation législative. Voir Sullivan, Statutory Interpretation, 2e édition, 2007, Irwin Law Inc., à la page 201. À l’aide de cette approche, l’objet de l’article 7 de la Loi consiste à s’assurer qu’un conseil d’arbitrage de différends ne rende pas de décision qui nuira à la capacité de l’employeur de structurer le lieu de travail. L’article 150 de la Loi confirme cet objet en excluant les mesures de dotation du mandat d’un conseil d’arbitrage de différends. Les deux parties conviennent que les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective doivent être exclues du mandat en vertu de l’article 150 de la Loi. On ne peut remédier à cet empiètement à l’article 7 de la Loi au moyen d’un conseil d’arbitrage.

27 C’est la CRTFP qui possède le pouvoir de remédier à cet empiètement à l’article 7 de la Loi.

28 L’article 7 de la Loi doit être interprété dans le contexte des autres articles de la Loi. L’article 113 de la Loi fait en sorte qu’une convention collective ne peut renfermer de dispositions qui limitent les droits de l’employeur en matière de dotation. L’article 144 de la Loi, qui doit être lu en parallèle avec l’article 150, empêche la CRTFP de renvoyer à un conseil d’arbitrage les questions qui relèvent du droit exclusif de l’employeur de s’occuper de dotation.

29 Dans ce contexte, la protection des droits de l’employeur constitue un objectif important de la Loi. L’article 7 et l’alinéa 5(1)g) confèrent à l’employeur des droits inaliénables de conserver son autorité en matière de dotation. Pour des motifs qui demeurent inconnus, l’employeur a négocié ces dispositions avec l’agent négociateur et a accepté de les inclure dans la convention collective. L’employeur tente maintenant de faire retirer ces dispositions, qui sont en violation directe de l’article 7 de la Loi et de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

30 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (groupe de l’enseignement), dossier de la CRTFP 148-02-124 (19860910), une affaire similaire à la situation de fait actuelle, la CRTFP devait prendre en compte l’effet de l’article 7 de la Loi. Lorsque l’avis de négocier a été donné, la convention collective renfermait une disposition qui limitait le nombre maximal d’heures d’enseignement par jour et par semaine pour les professeurs de l’unité de négociation du groupe de l’enseignement. Cette disposition ou une disposition similaire avait été acceptée au cours de la première ronde de négociation collective des parties et avait été intégrée à toutes les conventions collectives ultérieures des parties. Le mécanisme de règlement des différends était l’arbitrage. Les parties ne sont pas parvenues à négocier une nouvelle convention collective.

31 L’agent négociateur cherchait à modifier la disposition portant sur les heures d’enseignement en arbitrage. L’employeur a proposé que la disposition soit supprimée de la convention collective. Le conseil d’arbitrage a conclu qu’il n’avait pas la compétence pour statuer sur les propositions. Le conseil a statué qu’en vertu de la Loi, telle qu’elle se lisait alors, il pourrait statuer sur les propositions concernant uniquement les heures de travail, mais il ne pourrait se prononcer sur les propositions relatives à la répartition de l’amalgame des tâches pouvant être attribuées aux employés.

32 L’employeur a informé l’agent négociateur qu’il n’était plus tenu de respecter ces conditions d’emploi pendant le gel des négociations imposé par l’article 51 de la Loi d’alors et qu’il avait l’intention d’attribuer des responsabilités d’enseignement comme il le jugeait approprié.

33 L’agent négociateur a demandé à l’ancienne CRTFP une déclaration selon laquelle l’employeur enfreignait l’article 51, en faisant valoir que le conseil d’arbitrage, en concluant qu’il n’avait pas la compétence pour rendre une décision concernant les heures d’enseignement, n’avait pas rendu de décision arbitrale au sens de la disposition de la Loi.

34 L’ancienne CRTFP a conclu que le conseil d’arbitrage, en se dessaisissant de la demande, avait statué et avait, ce faisant, rendu une décision arbitrale sur cette proposition au sens de l’article 51 de la Loi. De l’avis du conseil, le gel des négociations prévu à l’article 51 a cessé de s’appliquer à cette modalité d’emploi quand la décision arbitrale sur cette disposition a été rendue.

35 De même, comme il est établi que le conseil d’arbitrage n’a pas la compétence pour statuer sur l’annulation de ces clauses, l’employeur souhaite remédier lui-même à la situation et ne veut pas être limité par les dispositions de l’article 30 de la convention collective.

36 Dans le mandat contenu dans la décision du conseil d’arbitrage sur un différend touchant le Conseil des Unions des employés des Postes et le Conseil du Trésor relativement aux employés du groupe des opérations postales, dossier de la CRTFP 190-02-7 (19680104), le président d’alors de l’ancienne CRTFP, Jacob Finkelman, a commenté l’article 7 de la Loi à la page 19 :

[…]

L’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique est ce que l’on pourrait appeler une "clause des droits de la direction", dont certains aspects sont également traités dans les articles 56(2) et 86(2) de la Loi. Dans la mesure où une question tombant sous le coup de l’article 7 est identique à quelque autre question régie par l’un ou l’autre des deux paragraphes précités, celle-ci ne peut être incluse dans le mandat. Mais il n’existe aucune interdiction expresse d’inclure dans le mandat toute autre question tombant sous le coup de l’article 7. L’article en question stipule clairement qu’aucune modification ne peut être apportée à la Loi qui puisse porter atteinte au droit ou à l’autorité de l’employeur dans certains cas. En d’autres termes, même si l’employeur devait accepter certaines conditions relativement à ces questions, il serait libre, aux termes de la Loi, de répudier celles-ci aussitôt après. Si l’employeur devait accepter d’inclure dans une convention collective une disposition limitant son droit et son autorité, par exemple en matière de classement de postes dans la Fonction publique, il ne serait pas lié par cette disposition. […]

[…]

37 L’employeur pourrait faire valoir qu’en droit, il est libre de répudier une telle disposition qui va à l’encontre de l’article 7 de la Loi; cependant, il recherche une réparation plus définitive.

38 La CRTFP possède le pouvoir général d’accorder la réparation demandée, conformément à l’article 36 de la Loi, en vertu de la théorie de la déduction nécessaire.

39 Dans Quadrini c. Agence du revenu du Canada et Hillier, 2009 CRTFP 104, dans le contexte d’un cas dans lequel la CRTFP a décidé qu’elle avait le pouvoir de statuer sur la validité d’une prétention de secret professionnel de l’avocat, elle s’est appuyée sur la théorie de la déduction nécessaire. L’employeur a fait valoir que la CRTFP n’avait ni le pouvoir d’ordonner la production de documents soumis au secret professionnel de l’avocat ni de déterminer la validité d’une prétention de secret.

40 La CRTFP a fait référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, [2008] 2 RCS 574, arrêt dans lequel la Cour a statué que les pouvoirs généraux du commissaire à la protection de la vie privée d’imposer la production de documents et d’accepter des preuves au cours d’une enquête sur une allégation de violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5, n’autorisaient pas implicitement le commissaire à statuer sur les demandes de confidentialité de documents effectuées.

41 La CRTFP, ayant fait référence à l’analyse de la Cour suprême du Canada, a déclaré au paragraphe 84 :

Le simple fait que la Cour suprême soulève la question de savoir si la LPRPDE confère implicitement le pouvoir de décider si l’on peut revendiquer à bon droit le privilège du secret professionnel de l’avocat laisse entendre que l’absence d’une disposition accordant explicitement ce pouvoir n’est pas une raison suffisante pour conclure qu’il n’existe pas. […]

42 La Cour suprême affirme que la nécessité de considérer les dispositions dans leurs contextes législatifs différents était toujours présente. La Commission a conclu au paragraphe 87 :

Contrairement au commissaire à la protection de la vie privée, la Commission est un tribunal quasi judiciaire auquel le législateur a confié de vastes responsabilités décisionnelles. Elle agit indépendamment et impartialement, ses intérêts ne sont jamais opposés à ceux des parties qui comparaissent devant elle, et ces facteurs situent dans un contexte entièrement différent l’absence de la Loi de dispositions expresses sur le privilège du secret professionnel de l’avocat. […]

43 La CRTFP a conclu qu’elle avait la compétence pour décider que le document est visé par le secret professionnel de l’avocat et que l’absence de disposition expresse dans la Loi conférant ce pouvoir n’avait pas la même signification que pour le commissaire à la protection de la vie privée.

44 La CRTFP est un tribunal quasi judiciaire chargé par le Parlement de gérer les relations de travail dans la fonction publique. De plus, en vertu de l’article 36 de la Loi, qui établit les attributions générales de la Commission, celle-ci possède le pouvoir implicite d’annuler une disposition d’une convention collective qui contrevient à l’article 7 de la Loi.

45 Dans leur texte, intitulé Collective Bargaining in the Public Service: The Federal Experience in Canada, Institut de recherches politiques, 1983, Jacob Finkelman et Shirley B. Goldenberg ont commenté l’exercice des pouvoirs accessoires de l’ancienne CRTFP en vertu de l’article 18 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique aux pages 672 et 673. Cette disposition est essentiellement transposée dans l’article 36 de la Loi actuelle :

[Traduction]

Comme nous l’avons vu, la CRTFP a fait valoir que cette disposition lui conférait le pouvoir de régler certaines situations pour lesquelles la LRTFP ne prévoyait pas expressément de réparation : par exemple, des allégations de défaut de négocier de bonne foi ou de défaut de faire des efforts raisonnables pour conclure une convention collective ou pour donner effet aux dispositions d’une convention collective.

46 Dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [2011] A.C.F. no 1325 (QL), la Cour d’appel fédérale a statué que la décision de la Commission selon laquelle elle possédait le pouvoir conféré par l’article 36 de revoir la décision de l’employeur établissant le niveau de services essentiels à offrir pendant une grève en cas d’utilisation abusive d’un pouvoir discrétionnaire n’était pas déraisonnable.

47 En vertu de l’article 36 de la Loi, la CRTFP a la compétence pour supprimer les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective.

Observations de l’agent négociateur

48 L’agent négociateur soutient que l’article 7 de la Loi ne vise pas les dispositions sur la dotation. L’article 7 renvoie à l’organisation de la fonction publique, à l’affectation de fonctions et à la classification des postes. L’article 7 ne régit pas la dotation.

49 L’organisation de l’administration publique renvoie aux groupes constitués par le Conseil du Trésor. La fonction publique est structurée en secteurs de groupes professionnels. Le terme « organisation » de l’article 7 désigne les groupes professionnels.

50 L’employeur fait valoir que l’article 7 comprend la notion de dotation. Les décisions rendues dans les affaires déposées en preuve étaient erronées. Si l’organisation de l’administration publique comprenait la dotation, et si ces affaires sont correctes, cette disposition empêcherait l’inclusion de pratiquement n’importe quelle disposition dans une convention collective. Une des affaires concernait les heures supplémentaires. Bon nombre de conventions collectives contiennent des clauses relatives aux heures supplémentaires. L’article 7 doit être interprété de façon plus stricte et comme étant une disposition renvoyant aux groupes professionnels de la fonction publique.

51 L’agent négociateur reconnaît que l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches pourrait être interprété comme s’il faisait référence à la dotation parce qu’il fait mention du Conseil national de recherches qui nomme des agents, établit la durée des nominations et prévoit les fonctions. La disposition permet également à l’employeur de fixer la rémunération des employés, ce qui s’inscrit dans le processus de négociation collective.

52 Le fait d’interpréter l’alinéa 5(1)g) de manière à ce qu’il constitue un obstacle à la négociation des dispositions sur la dotation est incompatible avec la façon dont cette disposition a été appliquée jusqu’à maintenant.

53 L’employeur a choisi de négocier ces dispositions à un moment donné. Des changements à ces dispositions doivent être apportés dans le cadre du processus de négociation collective. Si les parties ne peuvent s’entendre, aucun mécanisme de règlement des différends n’est disponible.

54 En vertu de la Loi, telle que modifiée par le projet de loi C-4, un processus pourrait être disponible au cours de la prochaine ronde de négociations afin de régler la question si le mécanisme de règlement des différends passe par la conciliation/grève.

55 Si l’on présume que l’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches incluent des dispositions traitant de la dotation, la Loi prévoit que des dispositions sur la dotation peuvent être intégrées dans une convention collective. L’alinéa 150(1)c) de la Loi empêche un conseil d’arbitrage de modifier ou de supprimer les conditions d’emploi existantes ou d’établir de nouvelles conditions d’emploi si celles-ci ont trait à des procédures ou processus types qui régissent les nominations. Si les articles 7 ou 113 de la Loi doivent être interprétés de manière à empêcher les négociations sur les nominations, l’alinéa 150(1)c) serait superflu. Les rédacteurs de la loi ont prévu les situations dans lesquelles les dispositions sur la dotation seraient négociées dans une convention collective. L’article 150 protège ces dispositions de la compétence d’un conseil d’arbitrage.

56 L’agent négociateur reconnaît que si l’employeur a raison d’affirmer que la Loi empêche l’inclusion de dispositions sur la dotation dans une convention collective, la CRTFP possède le pouvoir d’annuler ces dispositions.

57 D’un point de vue stratégique, la négociation d’une convention collective nécessite des compromis. Cette affirmation aurait été vraie au moment où la disposition sur la dotation a été ajoutée à la convention collective, et c’est ce qui fait que l’annulation de cette disposition par la CRTFP est problématique. La contrepartie offerte par le syndicat perd toute sa valeur si la CRTFP annule cette disposition.

58 L’employeur a bien énoncé la théorie de la déduction nécessaire. Toutefois, les exemples ne portent pas sur la suppression des dispositions de la convention collective. L’article 36 de la Loi exige que pour que le pouvoir soit exercé sous le régime de la théorie de la déduction nécessaire, la loi doit prévoir un objet ou un objectif précis.

59 À la conclusion de l’argumentation principale, la CRTFP a signalé aux parties que la Cour d’appel fédérale, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, avait annulé la décision de la CRTFP dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe de l’enseignement), précitée, mentionnée dans l’argumentation de l’employeur. Voir A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor), (C.A.F.) [1987] A.C.F. no 240 (QL).

60 La Cour a conclu qu’il était impossible de soutenir le raisonnement de la Commission, selon lequel le conseil d’arbitrage avait réglé la condition d’emploi concernant la limite du nombre d’heures quotidiennes d’enseignement, ces questions étant visées par l’article 7 de l’ancienne LRTFP, en se dessaisissant de la question. Par conséquent, la disposition a été visée par le gel des négociations imposé par l’article 51 de l’ancienne LRTFP qui maintenait les conditions d’emploi en vigueur le jour où l’avis de négocier collectivement a été donné, jusqu’à ce qu’une convention collective ait été conclue ou qu’une décision arbitrale ait été rendue ou encore jusqu’à ce qu’il ait été satisfait aux exigences de l’article 51.

61 Après avoir donné aux parties une occasion d’examiner la décision, la CRTFP a demandé qu’elles présentent en réponse des observations sur l’impact de la décision sur leurs arguments.

Arguments en réplique de l’employeur

62 L’article 7 de la Loi a changé et diffère du libellé de l’article 7 contenu dans l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique examiné par la Cour d’appel fédérale. L’article 7 de l’ancienne LRTFP est ainsi rédigé : « Rien dans la présente loi ne doit s’interpréter comme portant atteinte au droit ou à l’autorité que possède l’employeur de déterminer comment doit être organisée la Fonction publique, et d’attribuer des fonctions aux postes de classer ces dossiers. »

63 L’article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique se lit comme suit :

La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

64 L’article 7 a été modifié de manière à s’appliquer expressément à des organismes distincts.

65 De même, les dispositions qui imposent des limites particulières aux pouvoirs des tribunaux d’arbitrage prévus par la Loi, tel qu’il est décrit dans la décision de la Cour d’appel fédérale, ont changé.

66 Néanmoins, la Cour a confirmé à la page 5 de la décision que tous les aspects des heures de travail ayant été traités dans l’affaire du groupe de l’enseignement s’inscrivaient dans une question de droits de la direction en vertu de l’article 7 de la Loi et ne pouvaient être portés en arbitrage.

67 Dans la décision, le juge MacGuigan a affirmé que si le gouvernement avait pris en compte les inconvénients de la négociation collective qui sont nuisibles pour l’intérêt public, une réparation serait, contrairement aux autres employeurs, disponible par l’intermédiaire du Parlement.

68 L’avocat fait valoir que ce n’est pas encore une bonne loi. L’article 113 de la Loi fait en sorte que les conventions collectives ne peuvent exiger la promulgation ou la modification d’une loi par le Parlement.

69 Les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective empiètent indûment sur le pouvoir de l’organisme prévu à l’article 7 de la Loi et à l’article 5 de la Loi sur le Conseil national de recherches. L’employeur doit régler ces problèmes au cours de cette ronde de négociations même si les dispositions ne sont pas susceptibles d’arbitrage. L’employeur demande à la CRTFP d’exercer les pouvoirs que lui confère l’article 36 de la Loi et d’annuler les clauses de la convention collective.

Arguments en réplique de l’agent négociateur

70 L’agent négociateur est d’accord avec le raisonnement du juge MacGuigan à la page 7 de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale, selon laquelle l’employeur ne peut se libérer d’une disposition à laquelle il a librement consenti par l’expiration de la convention collective. En l’espèce, l’employeur franchit une étape de plus en tentant de faire déclarer les clauses illégales.

71 L’employeur fait valoir que l’article 113 limite le contenu des conventions collectives qui exigent la promulgation ou la modification de la loi. Rien dans l’article 113 ne suggère que les parties ne peuvent modifier, par le processus de négociation collective, les conditions d’emploi actuelles. Elles avaient pour but d’assurer la souveraineté du Parlement afin que les nouvelles conditions d’emploi établies au moyen du processus de négociation collective n’affectent pas la loi actuelle.

Motifs de décision

72 Au cours des rondes de négociation précédentes, l’employeur a convenu avec l’agent négociateur d’inclure les clauses 30.01 à 30.03 dans la convention collective. En vertu de ces clauses, l’employeur s’engage à annoncer les postes vacants à l’interne à l’intention des employés qui font partie de l’unité de négociation, à nommer des membres de son personnel lorsqu’il est raisonnable de le faire, et à nommer à des postes vacants des employés qui ont été mis en disponibilité, qui sont en congé autorisé ou dont les postes ont été abolis, et ce sans concours.

73 L’employeur, au cours de cette ronde de négociations, a demandé l’annulation de ces clauses, et a demandé le renvoi de celles-ci à un conseil d’arbitrage à des fins de règlement lorsqu’il n’a pu s’entendre avec l’agent négociateur.

74 Les deux parties conviennent maintenant qu’un conseil d’arbitrage n’a pas la compétence pour inclure ces propositions dans une décision arbitrale et je souscris à cette position.

75 L’employeur demande une ordonnance en vertu de l’article 36 de la Loi pour annuler les clauses des conventions collectives. À cet égard, il fait valoir que l’objet de ces clauses relève des droits et autorités qui sont préservés pour le Conseil du Trésor ou un organisme distinct en vertu de l’article 7 de la Loi et de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

76 La première question à régler consiste à déterminer si les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective relèvent de l’article 7 de la Loi ou de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches.

77 Tel qu’il a été expliqué précédemment, l’article 7 de la Loi préserve les droits du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct de déterminer l’organisation de l’administration publique fédérale en tant qu’employeur et d’attribuer des fonctions et de classifier les postes et les personnes ainsi employées.

78 Dans A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor) (C.A.F.), précitée, le juge MacGuigan a cité les motifs du juge Marceau énoncés dans AFPC c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 C.F. 471, précitée, dans le contexte d’une demande antérieure fondée sur l’article 28 présentée à la Cour d’appel fédérale au sujet d’une autre proposition d’inclusion dans la convention collective. Dans ses motifs de jugement, le juge Marceau traitait de la portée de l’article 7, et a conclu qu’une proposition qui aurait limité le nombre d’heures qu’un professeur de langues pourrait être tenu d’enseigner dans la salle de cours chaque jour enfreindrait l’article 7 :

[…] La détermination du nombre maximal d’heures pendant lesquelles les titulaires de certains postes peuvent être tenus quotidiennement de remplir certaines fonctions, à mon sens, ne fait pas qu’entraver la liberté de l’employeur, mais elle fait partie intégrante de l’attribution de fonctions à des postes. […]

79 La Cour d’appel fédérale a également infirmé la décision de la Commission selon laquelle la proposition du syndicat visant à contraindre l’employeur à offrir des heures supplémentaires aux administrateurs financiers qui exécutent habituellement les fonctions contrevenait à l’article 7 de la Loi. La Cour a annulé la décision de la Commission au motif que l’article 7 traite de l’organisation de la fonction publique et expressément de l’affectation de fonctions à des postes de la fonction publique, mais n’abordait pas l’affectation de fonctions à des personnes.

80 Il convient d’observer que l’article 7 de la Loi préserve maintenant les droits de l’employeur, y compris un organisme distinct, de déterminer l’organisation de l’administration publique à titre d’employeur et d’affecter des fonctions à des personnes et de classifier des postes et des personnes ainsi employées (je souligne).

81 L’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches habilite l’employeur à nommer des agents, à établir la durée de leurs nominations, à prévoir leurs fonctions et, sous réserve de l’approbation du gouverneur en conseil, à fixer leur rémunération.

82 L’interprétation conjointe de l’article 7 de la Loi, de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches et de la jurisprudence citée par l’employeur m’amène à conclure que les clauses 30.01 à 30.03 limitent la capacité de l’employeur de doter des postes et tombent sous le coup de l’article 7 de la Loi et de l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches. Je ne donne pas à l’article 7 une interprétation si étroite qu’elle m’amène à conclure que l’expression « […] l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale […] » est limitée aux groupes professionnels formés par l’employeur, comme le prétend l’avocat de l’agent négociateur.

83 Qu’en est-il alors de l’impact des clauses 30.01 à 30.03 qui tombent sous le coup des questions mentionnées dans l’article 7 de la Loi et dans l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches?

84 Lorsque la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a d’abord été édictée, le point de vue dominant en ce qui concerne l’interprétation et l’impact de l’article 7 a été mis en évidence par les affirmations du président d’alors, M. Finkelman, dans l’affaire du Conseil des Unions des employés des Postes de 1968 citée précédemment au paragraphe 36, selon lesquelles si l’employeur devait intégrer des stipulations sur les droits ou les pouvoirs régis par l’article 7, il serait libre, en droit, de répudier la stipulation dès le lendemain, et s’il a convenu de son plein gré d’inclure une telle disposition dans une convention collective, il ne serait pas lié par la disposition.

85 Toutefois, le vice-président Nesbitt, dans la décision de 1986 sur le groupe de l’enseignement, précitée, a affirmé dans des remarques incidentes à la page 11 de la décision ce qui suit :

A mon avis, en supposant que l’attribution de fonctions aux employés d’une unité de négociation entre dans le champ d’application de l’article 7 de la Loi, le défendeur peut néanmoins conclure de son plein gré une convention collective contenant une disposition de cet ordre. Une fois qu’il l’a fait, il ne peut pas ensuite se dérober à l’obligation qu’il a librement contractée en invoquant l’article 7 de la Loi. […] De 1969 à 1984, le défendeur a conclu huit conventions collectives qui incorporaient une disposition limitant le nombre quotidien d’heures d’enseignement des professeurs de langue faisant partie de l’unité de négociation du groupe de l’enseignement. Il s’est conformé à cette disposition jusqu’en 1986, année où il a refusé pour la première fois de l’inclure dans une nouvelle convention collective. Une disposition limitant le nombre quotidien d’heures d’enseignement ne peut pas être incorporée dans une décision arbitrale rendue dans le cadre de la Loi, mais l’article 7 de celle-ci n’empêche pas le défendeur de consentir à l’inclusion d’une disposition de cette nature dans une convention collective comme il l’a déjà fait huit fois. Cependant, si le défendeur décide de ne pas le faire, les parties ne disposent d’aucune méthode de règlement des différends dont l’application aurait l’effet d’imposer une limitation de cette nature. C’est là l’effet de l’article 7 de la Loi.

86 Manifestement, le point de vue dominant en 1968, selon lequel l’employeur pouvait accepter lors de la négociation collective une disposition qui tombait sous le coup de l’article 7, mais la résilier par la suite ou la juger inexécutable avait changé en 1986.

87 Par ailleurs, les parties ne disposent d’aucune méthode de règlement des différends prévue par la loi, dont l’application aurait pour effet d’annuler une telle limite. Je soupçonne que compte tenu du point de vue prédominant en 1968 selon lequel l’employeur pouvait se soustraire à un tel engagement ou le traiter comme inexécutoire, l’on ne s’est pas penché à l’époque sur la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends en vue de l’annulation d’une telle clause dans les cas où les parties ne pouvaient conclure une entente lors de la négociation collective.

88 Par conséquent, la CRTFP possède-t-elle le pouvoir conféré par l’article 36 de la Loi d’annuler les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective, compte tenu du fait qu’elles enfreignent l’article 7 de la Loi et l’alinéa 5(1)g) de la Loi sur le Conseil national de recherches?

89 L’article 36 prévoit ce qui suit :

La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

90 La CRTFP et l’ancienne CRTFP ont invoqué cette disposition pour justifier leur pouvoir de traiter un certain nombre de situations pour lesquelles la Loi ne prévoyait expressément aucune réparation. La théorie de la déduction nécessaire vient étayer ce pouvoir général.

91 Toutefois, je ne suis pas convaincu que la CRTFP peut exercer ce pouvoir dans les circonstances dans lesquelles les clauses en question demeurent en vigueur par l’application d’une disposition législative expresse, soit la disposition sur le gel des négociations prévue à l’article 107 de la Loi.

92 L’article 107 de la Loi prévoit ce qui suit :

Une fois l’avis de négocier collectivement donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve du paragraphe 125(1), les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou

a) dans le cas où le mode de règlement des différends est l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue;

b) dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

93 Dans A.F.P.C. c. Canada (Conseil du Trésor) (groupe de l’enseignement), précitée, la Cour d’appel fédérale a statué dans une situation de fait similaire qu’une disposition qui tombait certes sous le coup de l’article 7 de l’ancienne LRTFP et qui avait été intégrée volontairement par l’employeur demeurait en vigueur pendant la période de gel, conformément à l’article 51 de l’ancienne LRTFP, et que l’employeur ne pouvait faire fi de la disposition dans l’attribution des responsabilités dans la salle de cours.

94 Le juge MacGuigan a déclaré ce qui suit à la page 7 :

[…] En termes simples, la question en litige est de savoir si, puisqu’il a depuis les débuts de la négociation collective dans la Fonction publique volontairement accepté une clause de plafonnement, vraisemblablement dans le cadre de l’entente globale, le gouvernement peut se libérer de cette clause par la simple expiration de la convention collective, alors que toutes les clauses de cette convention « qui peuvent faire l’objet d’une négociation » sont maintenues en vertu de la Loi jusqu’à la conclusion de la nouvelle convention collective. À mon avis, ni la loi, ni l’intérêt public ne permet à l’employeur de se soustraire si facilement à une obligation qu’il a volontairement assumée. Tout comme le syndicat, le gouvernement doit accepter les inconvénients de la négociation collective au même titre que ses avantages. S’il estime que ces inconvénients nuisent à l’intérêt public, il peut, contrairement aux autres employeurs, s’adresser au Parlement pour y remédier.

95 Je ne suis pas convaincu que l’article 113 de la Loi, qui prévoit qu’une convention collective ne peut modifier ou éliminer directement ou indirectement des conditions d’emploi ou en établir des nouvelles si une telle mesure nécessite l’édiction ou la modification d’une loi par le Parlement, se révèle utile à l’employeur dans son argumentation selon laquelle la décision de la Cour d’appel fédérale est erronée en droit à la lumière de cette disposition. Je conviens avec l’agent négociateur que l’objet de l’article 113 de la Loi consiste à assurer la souveraineté du Parlement et à veiller à ce que les conditions d’emploi conclues lors du processus de négociation collective n’affectent pas la loi actuelle. En outre, le paragraphe 51(2) de l’ancienne LRTFP en vigueur au moment de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale en 1986 était pratiquement identique à l’article 113 de la Loi.

96 Je conclus par conséquent que les clauses 30.01 à 30.03 de la convention collective demeurent en vigueur du fait de l’application de l’article 107 de la Loi jusqu’à ce qu’il ait été satisfait à l’exigence de l’article. Les dispositions expresses de la loi empêchent la CRTFP d’exercer ses pouvoirs accessoires en vertu de l’article 36 de la Loi.

Le 30 mai 2014.

Traduction de la CRTFP

David P. Olsen,
président intérimaire de la
Commission des relations de travail dans la fonction publique

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