Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de l’employeur de le licencier pour avoir obtenu de façon inappropriée les questions et les réponses d’un processus de sélection - au début de l’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé a admis qu’il avait reçu les questions et les réponses, mais a nié les avoir volées et a affirmé qu’un collègue qui avait participé au même processus de sélection les lui avait envoyées - le fonctionnaire s’estimant lésé était un agent d’examen des risques avant renvoi - l’employeur a fait valoir que, compte tenu des conséquences que pouvaient avoir les décisions du fonctionnaire s’estimant lésé dans le cadre de son poste, il devait être en mesure de lui faire entièrement confiance au plan de l’éthique et du jugement et qu’il avait perdu cette confiance - le fonctionnaire s’estimant lésé, avec deux collègues, avait participé à un processus de sélection en vue d’une promotion, mais n’avait pas pu faire l’examen comme prévu en raison d’une blessure au bras - il devait faire l’examen à livres ouverts quelques jours après ses collègues - l’employeur a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé était entré dans le bureau de sa collègue après son départ pour le dîner et qu’il s’était servi de son ordinateur pour s’envoyer les questions et les réponses de l’examen - il les avait ensuite envoyées à son adresse courriel à la maison et les avaient utilisées pour se préparer - la collègue s’étant aperçue de ce qui était arrivé, elle en a immédiatement informé son employeur avant que le fonctionnaire s’estimant lésé ne fasse l’examen - l’employeur a confronté le fonctionnaire s’estimant lésé seulement après l’examen, parce qu’il ignorait qu’il n’avait pas passé l’examen en même temps que ses collègues - le fonctionnaire s’estimant lésé a d’abord nié être au courant des courriels, a ensuite admis avoir vu le courriel, mais a nié l’avoir envoyé et a fait valoir qu’aucun dommage n’avait été causé parce que l’examen était à livres ouverts, et qu’il avait suffisamment d’expérience pour ne pas avoir besoin des réponses - la deuxième collègue, qui a participé au processus de sélection, a déclaré que le fonctionnaire s’estimant lésé lui avait demandé les questions et les réponses de l’examen après qu’elle l’eut terminé - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé que le processus disciplinaire se déroule en français, mais l’employeur a refusé - l’arbitre de grief a conclu que les allégations avaient été prouvées selon la prépondérance des probabilités, étaient graves et avaient eu pour effet de rompre le lien de confiance entre l’employeur et le fonctionnaire s’estimant lésé - le fonctionnaire s’estimant lésé est entré dans le bureau de sa collègue, a envoyé les questions et réponses d’abord à son adresse courriel au bureau et ensuite à son adresse courriel à la maison, et s’en est servi pour se préparer à participer au processus de sélection - le fonctionnaire s’estimant lésé a menti au sujet de sa participation jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de mentir - le fonctionnaire s’estimant lésé ne réalisait toujours pas la gravité de ses gestes et la sincérité de son repentir a été mise en doute - le lien de confiance avec l’employeur a été rompu - même si l’employeur aurait dû tenir le processus disciplinaire en français, l’audience a été un processus de novo et s’est déroulée dans la langue choisie par le fonctionnaire s’estimant lésé - aucune allégation n’a été soulevée voulant que le processus disciplinaire, qui s’est déroulé en anglais, a porté un tel préjudice qu’il devrait être déclaré nul ab initio. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-01-20
  • Dossier:  566-02-4248
  • Référence:  2014 CRTFP 6

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MOHAMED BALIKWISHA PATANGULI

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Balikwisha Patanguli c. Administrateur général  (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Linda Gobeil, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Chantal Homier Nehmé, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Martin Desmeules, avocat
Affaire entendue à Calgary, Alberta, du 10 au 13 septembre 2013.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Il s’agit ici d’un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la«Loi»). Mohamed Balikwisha Patanguli (ou le « fonctionnaire ») conteste la décision de l’employeur de le licencier. Dans la lettre de licenciement datée du 19 avril 2010, l’employeur reproche au fonctionnaire d’avoir obtenu les questions et réponses d’un processus de sélection en dotation de façon inappropriée et d’avoir utilisé ces questions et réponses pour se préparer lui-même au dit processus de sélection.

2 Le 11 mai 2010, M. Balikwisha Patanguli a déposé un grief contre cette décision. Le grief se lit comme suit :

Je conteste la lettre de licenciement datée le 19 avril 2010 et signée par Madamme Claudette Deschênes, qui m’a été remise par M. Bram Strain le 19 avril 2010. Je soutiens que la sanction disciplinaire de me licencier à compter de la fin de la journée de travail du 19 avril 2010 est une sanction disciplinaire extrêmement/trop sévère.

Je demande d’être réintégré dans mon poste d’attache rétroactivement à la date de mon licenciement, de retirer toute mention disciplinaire de mon dossier personnel et de me rembourser le traitement et les avantages sociaux et crédits de pension dont j’ai été privé par suite de ce congédiement, et d’être indemnisé pour douleurs et souffrances morales.

[sic pour l’ensemble de la citation]

3 Au moment de son licenciement, le 19 avril 2010, le fonctionnaire occupait un poste d’agent d’examen des risques avant renvoi classifié au groupe et niveau PM-04, auprès du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur » ou le « ministère »), à Calgary.

4 Au début de l’audience, le fonctionnaire a admis qu’il avait reçu les questions et réponses de l’examen du processus de sélection auquel il avait participé. Toutefois, il a nié avoir volé ces questions et réponses à partir de l’ordinateur de sa collègue.

II. Résumé de la preuve

A. Preuve de l’employeur

5 Guylaine Lasonde a été le premier témoin de l’employeur. Mme Lasonde a témoigné que pendant la période d’avril 2009 à novembre 2010, elle était comme le fonctionnaire, agente des examens des risques avant renvoi auprès de l’employeur à Calgary. Mme Lasonde était une collègue de travail du fonctionnaire. Elle a expliqué que le travail d’agent des examens des risques avant renvoi consistait à analyser les risques pour la  sécurité d’un demandeur dans une situation où une décision de renvoi dans son pays d’origine est rendue contre lui. La décision de l’agent d’examen des risques avant renvoi peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

6 Mme Lasonde a témoigné qu’en mars 2009, elle a participé à un processus de sélection pour un poste classifié au groupe et niveau PM-05, à Ottawa (pièce E-1). Selon elle, deux autres de ses collègues, soit Joyce Lewis et M. Balikwisha Patanguli, ont aussi participé au processus de sélection. Mme Lasonde a expliqué que compte tenu du fait qu’il y avait peu d’ouverture au groupe et niveau PM-05, elle et ses deux collègues ont discuté du processus de sélection et du fait qu’ils allaient tous y participer.

7 Mme Lasonde a expliqué que l’examen était fait à partir de l’ordinateur individuel de chaque participant, dans leur bureau respectif. L’examen leur est envoyé à une date et heure connue à l’avance. La gestion de ce processus d’examen était faite à partir d’Ottawa, par Claude-Henri Cormier. L’examen était à « livres ouverts » et devait être rédigé seul, dans le temps déterminé par M. Cormier. Les questions n’étaient évidemment pas disponibles avant  le début de l’examen. Les réponses étaient envoyées à partir de l’ordinateur de chacun des participants, à l’attention de M. Cormier.

8 Mme Lasonde a témoigné que le 26 juin 2009 elle a été avisée qu’elle ferait l’examen à son bureau, le 8 juillet 2009. Comme elle était excitée, elle a envoyé l’avis de convocation à son collègue, M. Balikwisha Patanguli (pièce E-2). Mme Lasonde a témoigné que sa relation avec le fonctionnaire en était une de collègues de travail, que c’était cordial sans plus. Mme Lasonde a indiqué avoir appris que Mme Lewis et M. Balikwisha Patanguli devaient eux aussi faire l’examen le 8 juillet 2009. Toutefois, dans le cas du fonctionnaire, l’examen a dû être reporté car il s’était blessé au bras droit et ne pouvait se servir de son ordinateur le 8 juillet 2009.

9 Mme Lasonde a témoigné que le 8 juillet 2009, elle a complété l’examen du processus de sélection et l’a acheminé par courriel au responsable du processus de sélection, M. Cormier. Mme Lasonde a indiqué que les instructions de l’examen étaient très claires et indiquaient que les questions et réponses ne devaient pas être partagées (pièce E-3, p. 3).

10 Mme Lasonde a affirmé catégoriquement n’avoir jamais partagé avec qui que ce soit les questions et réponses de l’examen du processus de sélection. Mme Lasonde a aussi catégoriquement nié avoir envoyé un courriel, le 7 août 2009, à M. Balikwisha Patanguli qui contenait comme pièces jointes les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde (pièce E-3).

11 Mme Lasonde a témoigné s’être aperçue, le lundi 10 août 2009, en nettoyant la section corbeille de ses courriels, que les questions et réponses de son examen avaient été envoyées au fonctionnaire le vendredi précédent soit le 7 août 2009. Mme Lasonde a déclaré avoir été totalement surprise de voir que les questions et réponses avaient été ainsi transmises à M. Balikwisha Patanguli. Mme Lasonde a affirmé que bien que l’heure indiquée sur le courriel du 7 août 2009 était 13 h 09, le courriel avait en réalité été envoyé à 12 h 09. La différence étant dûe au fait que le courriel avait été imprimé par les responsables de l’informatique à Winnipeg alors que le courriel a été envoyé à l’heure de Calgary. Il est à noter que cette question de l’heure d’envoi du courriel n’est pas contestée et que les parties conviennent que ledit courriel du 7 août 2009 a bel et bien été envoyé à 12 h 09, heure de Calgary (pièce E-3).

12 Mme Lasonde a indiqué avoir été sous le choc lorsqu’elle a réalisé que le courriel incluant les questions et réponses d’examen, avait été envoyé le vendredi 7 août 2009. Mme Lasonde a affirmé qu’à 12 h 09 le vendredi 7 août 2009, elle n’était pas dans son bureau mais bien sortie pour son déjeuner. Elle a affirmé que son heure de lunch était toujours structurée et qu’elle sortait tous les jours à la même heure pour rencontrer son amie Lise Grixti et que les deux en profitaient pour faire une marche. Mme Lasonde a mentionné que le 7 août 2009, elle avait comme à l’habitude quitté son bureau vers 11 h 55 pour rencontrer Mme Grixti et que les deux étaient allées payer une contravention de Mme Grixti à l’hôtel de ville. Mme Lasonde a affirmé être revenue de sa marche vers 13 h 05.

13 Mme Lasonde a témoigné que le 10 août 2009, lorsqu’elle a vu qu’un courriel avait été envoyé au fonctionnaire accompagné des questions et réponses de son examen, elle est immédiatement allée voir son superviseur, Jeremy Fraser, pour l’informer de ce qu’elle venait de constater. Mme Lasonde a indiqué avoir été agitée par sa découverte car elle croyait que son intégrité était compromise. Elle a catégoriquement rejeté l’idée qu’elle avait pu avoir envoyé ce courriel par erreur. Selon elle, si ça avait été le cas, le courriel se serait retrouvé dans la section « envoyé » de sa boite de courriels et non dans la partie « corbeille ». Mme Lasonde a témoigné être retournée chez elle après avoir parlé à M. Fraser tant elle était perturbée. M. Fraser lui a dit qu’il allait soulever cette affaire auprès de Robert Fergusson, son superviseur. Suite à sa rencontre avec M. Fraser, Mme Lasonde a indiqué avoir été convoquée par M. Fergusson, lequel voulait connaitre sa version des faits dans cette affaire.

14 Mme Lasonde a expliqué qu’un mot de passe était nécessaire pour accéder à son ordinateur et qu’elle n’avait jamais partagé ni même écrit son mot de passe. Mme Lasonde a indiqué avoir, le 11 août 2009, testé son ordinateur et réalisé qu’il fallait environ 10 minutes pour que l’ordinateur soit complètement fermé et qu’il fallait entrer le mot de passe de nouveau pour le réactiver. En d’autres termes, Mme Lasonde a expliqué qu’environ 10 minutes s’écoulaient entre le moment de la dernière transaction effectuée à partir de son ordinateur et celui où il faut entrer son mot de passe pour accéder de nouveau à son compte d’ordinateur. Mme Lasonde a aussi demandé à Mme Grixti de lui remettre une copie de la preuve que la contravention avait été payée le vendredi 7 août 2009, afin de démontrer qu’elle n’était pas à son bureau durant l’heure du déjeuner, le 7 août 2009, et qu’elle n’avait donc pas pu envoyer un courriel au fonctionnaire à 12 h 09. Le reçu du paiement de la contravention indique un paiement à 12 h 19, le 7 août 2009 (pièce E-5). Mme Lasonde a expliqué qu’en août 2009, elle occupait un bureau fermé situé juste à côté de celui de M. Balikwisha Patanguli et qu’elle ne fermait pas la porte lorsqu’elle quittait (pièce E-4). Mme Lasonde a aussi précisé qu’il fallait une carte d’accès pour accéder à l’étage où est situé son bureau, de même que celui du fonctionnaire, de ses superviseurs et d’autres collègues.

15 En contre-interrogatoire, Mme Lasonde a mentionné que le lundi 10 août 2009, M. Balikwisha Patanguli n’était pas au bureau. Il est allé la voir le lendemain, mais elle était occupée au téléphone et ne lui a pas parlé; il n’a pas essayé de la contacter par la suite. Selon Mme Lasonde, personne d’autre que le fonctionnaire n’avait intérêt à envoyer ce courriel contenant les questions et réponses de son examen.

16 Mme Grixti a aussi témoigné pour l’employeur. Mme Grixti travaillait pour l’employeur en 2009 et elle connaissait Mme Lasonde depuis 2008. Elle a témoigné être l’amie et collègue de travail de Mme Lasonde et qu’elles avaient l’habitude de prendre le déjeuner ensemble et d’aller faire une marche. Mme Grixti a affirmé être allée avec Mme Lasonde, le vendredi 7 août 2009, payer une contravention à l’hôtel de ville qui est situé à environ cinq à huit minutes de marche. Elle a précisé avoir rencontré Mme Lasonde à l’entrée de l’édifice entre 11 h 50 et 12 h 10. Mme Grixti a témoigné avoir été surprise d’apprendre que le fonctionnaire se serait envoyé les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde car elle le respectait beaucoup et avait confiance en lui. Selon elle, M. Balikwisha Patanguli connaissait mieux le domaine que Mme Lasonde car il était plus expérimenté. Selon Mme Grixti, seuls les fonctionnaires du ministère avaient accès à l’étage où travaillaient Mme Lasonde et le fonctionnaire.

17 Jeffrey Mitchell a aussi témoigné pour l’employeur. Au moment des faits en cause en 2009, M. Mitchell était le gestionnaire régional de l’informatique pour les Prairies et Territoires du Nord-Ouest auprès de l’employeur.

18 Essentiellement, selon le témoignage de M. Mitchell, en août 2009, Barb Pirt-Horodyski, chef des relations de travail pour l’employeur, lui a demandé de copier de l’information contenue dans les boites de courriels de Mme Lasonde, de M. Balikwisha Patanguli et de Mme Lewis sur un disque ce qui a été fait les 11 et 12 août 2009. M. Mitchell a remis ce disque aux ressources humaines.

19 M. Mitchell a expliqué pourquoi le courriel du 7 août 2009 indiquait 13 h 09, soit parce qu’il a été imprimé à Winnipeg. Toutefois, le courriel a véritablement été envoyé à 12 h 09 de Calgary (pièce E-3).

20 M. Fergusson a témoigné pour l’employeur. En 2009, M. Fergusson était assistant directeur des opérations pour l’employeur. À cette époque, environ 55 employés se rapportaient à lui, dont 4 superviseurs. M. Fraser était un de ces superviseurs.

21 M. Fergusson a témoigné connaitre le fonctionnaire depuis 2007 et que ce dernier avait été promu au groupe et niveau PM-04 en 2008 (pièce E-10). Il a indiqué que bien que M. Balikwisha Patanguli parle le français, l’exigence linguistique du poste PM-04 est anglais essentiel et la langue de travail de son unité est l’anglais. M. Fergusson a relaté que les tâches du fonctionnaire étaient de revoir les soumissions écrites afin de déterminer s’il y avait un risque quant à la sécurité d’une personne contre qui une décision de renvoi dans son pays d’origine avait été prise. M. Fergusson a insisté sur l’importance des décisions d’un agent des risques avant renvoi compte tenu de l’impact d’une telle décision sur la sécurité d’un requérant. M. Fergusson a témoigné que la performance du fonctionnaire était bonne et qu’il était un bon ajout à leur équipe.

22 M. Fergusson a relaté avoir été en vacances le lundi 10 août 2009. À son retour, le lendemain, M. Fraser l’a informé de la situation concernant le courriel du 7 août 2009. M. Fergusson a alors contacté les ressources humaines qui, à leur tour, ont contacté M. Mitchell du groupe de l’informatique.

23 Le 13 août 2009, M. Fergusson a reçu les résultats de la recherche effectuée par M. Mitchell, selon lesquels le 7 août 2009, un courriel provenant du compte de Mme Lasonde avait été envoyé au compte de M. Balikwisha Patanguli au bureau et que ce courriel avait comme pièces jointes les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde relativement au processus de sélection pour le poste PM-05 (pièce E-3). M. Fergusson a aussi témoigné avoir été informé que M. Mitchell avait retrouvé dans l’ordinateur de M. Balikwisha Patanguli, un courriel, également daté du 7 août 2009, qui avait été envoyé de l’ordinateur du bureau du fonctionnaire à son adresse courriel personnel à la maison. Ce courriel contenait les questions et les réponses de l’examen de Mme Lasonde (pièce E-12).

24 M. Fergusson a témoigné avoir rencontré le fonctionnaire le jeudi 13 août 2009 en début d’après-midi soit juste après que le fonctionnaire eut rédigé l’examen pour le processus de sélection (pièce E-14) pour obtenir sa version des faits. M. Fergusson a indiqué avoir questionné le fonctionnaire au sujet du premier courriel du 7 août 2009, envoyé au fonctionnaire à 12 h 09 heure de Calgary (pièce E-3). Selon M. Fergusson, le fonctionnaire a nié avoir déjà vu ce courriel, de même que le second courriel envoyé aussi le 7 août 2009, à partir de l’ordinateur du bureau du fonctionnaire à son adresse courriel personnelle à la maison (pièce E-12). M. Fergusson a précisé avoir informé M. Balikwisha Patanguli que l’affaire était sérieuse et qu’il allait en parler aux ressources humaines et lui revenir.

25 Dans son témoignage, M. Fergusson a aussi indiqué avoir reçu des Ressources humaines la copie d’un autre courriel de M. Balikwisha Patanguli en date du 12 août 2009. Selon M. Fergusson, ce courriel démontre que le jour avant sa rencontre avec le fonctionnaire le 13 août 2009, ce dernier avait renvoyé de son adresse courriel personnelle de la maison à son adresse courriel au bureau, les questions d’examen ainsi que les réponses préparées à l’avance par le fonctionnaire. Selon M. Fergusson, cet élément de preuve démontre clairement que contrairement à ce qu’avait prétendu M. Balikwisha Patanguli le 13 août 2009, ce dernier avait non seulement pris connaissance du courriel du 7 août 2009 mais en plus, il s’en était servi pour préparer ses propres réponses pour son examen qui a eu lieu le matin du 13 août 2009.

26 M. Fergusson a témoigné que plus tard dans la soirée du 13 août 2009 il a reçu un courriel de M. Balikwisha Patanguli dans lequel il a admis avoir reçu le premier courriel du 7 août 2009 qui contenait les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde. M. Fergusson a noté que le fonctionnaire avait admis dans son courriel qu’il avait fait une erreur lorsqu’il a décidé de rédiger l’examen alors qu’ il avait déjà en sa possession les questions et qu’il s’agissait d’une erreur de jugement de sa part (pièce E-15).

27 M. Fergusson a témoigné qu’une enquête administrative avait été menée (pièce E-17) et qu’une rencontre à ce sujet a eu lieu le lundi 31 août 2009. M. Fergusson, M. Balikwisha Patanguli et sa représentante syndicale, Sandy McDonal,d et Mme Pirt-Horodyski ont assisté à la rencontre.

28 Selon M. Fergusson, lors de cette rencontre le fonctionnaire a indiqué qu’il ne voyait rien de mal à avoir obtenu les questions à l’avance car le processus de sélection était à « livres ouverts ». De plus, selon M. Fergusson, M. Balikwisha Patanguli a nié s’être envoyé les questions et réponses de l’examen en utilisant l’ordinateur de Mme Lasonde. Le fonctionnaire aurait dit qu’il n’avait aucune idée comment les questions et réponses de l’examen s’étaient retrouvées dans son ordinateur. Pour le fonctionnaire, la seule explication plausible était que Mme Lasonde les lui avait envoyées.

29 Selon M. Fergusson, après avoir rencontré Mmes Lasonde, Grixti et Lewis, Mme Pirt-Horodyski et lui-même ont rencontré le fonctionnaire et sa représentante syndicale une autre fois. Lors de cette rencontre, le fonctionnaire a admis avoir commis une erreur de jugement et qu’il le regrettait, mais il a insisté qu’il ne savait pas comment les questions et réponses de Mme Lasonde s’étaient retrouvées dans son ordinateur et que de toute façon, avec son expérience, il n’en avait pas besoin. Le fonctionnaire a expliqué ne pas avoir avoué à M. Fergusson, le matin du 13 août 2009, qu’il avait pris connaissance du courriel du 7 août 2009 et qu’il s’était servi des questions pour se préparer, parce qu’il voulait protéger Mme Lasonde, laissant donc entendre qu’elle avait envoyé le courriel du 7 août 2009 au fonctionnaire.

30 M. Fergusson a aussi témoigné que son enquête avait révélé que le fonctionnaire avait également tenté d’obtenir les questions d’examen de la troisième personne à participer au processus de sélection soit Mme Lewis. M. Fergusson a expliqué que puisque M. Balikwisha Patanguli s’était blessé au bras, il n’avait pas pu faire l’examen en même temps que les deux autres, soit le 8 juillet 2009. Il a plutôt fait l’examen le 13 août 2009 au matin soit juste avant sa rencontre avec M. Fergusson. Or, selon M. Fergusson, le fonctionnaire aurait envoyé un courriel à Mme Lewis le 8 juillet 2009 pour lui demander comment s’était déroulé l’examen et si elle pouvait partager les questions avec lui (pièce E-20). Il est important de noter que le 8 juillet 2009, Mme Lewis ne savait pas qu’à cause de la blessure à son bras, le fonctionnaire avait obtenu une date ultérieure pour rédiger l’examen. Le courriel du 8 juillet se lit comme suit :

De : Balikwisha Patanguli.Mohamed
Envoyé : le 8 juillet 2009,  à 12 h 16
À : Lewis.Joyce
Objet : Processus de sélection 2009-IMC-IA-DM-08772 – PM-05 conseiller principal / conseillère principale de politique / de programme / Selection Process 2009-IMC-IA-DM-08772 – PM-05 Senior Policy / Program Advisor  

Bonjour Joyce,
Tout de suite après l’examen, je suis allée vous voir afin de vous donner l’accolade et vous féliciter, mais vous n’étiez pas à votre bureau. Je suis convaincu que vous avez très bien réussi. Je voulais également vérifier vos questions, pourriez-vous me les faire parvenir? Merci. Je viendrai vous voir après dîner.
Mohamed

Mohamed Balikwisha Patanguli
Agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) / Pre-Removal Risk Assessment (PRRA Officer)
Citoyenneté et Immigration Canada / Citizenship and Immigration Canada

31 M. Fergusson a témoigné avoir remis au fonctionnaire un rapport préliminaire d’enquête le 3 décembre 2009. M. Balikwisha Patanguli a donné ses commentaires les 6 et 21 décembre 2009. (pièces E-24 à 27).

32 Selon M. Fergusson les commentaires fournis par M. Balikwisha Patanguli n’ont rien appris de nouveau. En conséquence, un rapport d’enquête final a été produit le 26 janvier 2010 (pièce E-28) dans lequel la direction a conclu que M. Balikwisha Patanguli avait accédé à l’ordinateur de Mme Lasonde en son absence le 7 août 2009, qu’il s’était envoyé les questions et réponses de l’examen à son adresse courriel personnelle et qu’il avait utilisé ces questions et réponses à se préparer pour son examen. À cette fin, il a envoyé de son adresse personnelle le 12 août 2009, les réponses à son adresse courriel au bureau, en prévision de son examen qui devait avoir lieu le lendemain matin. Enfin, le fonctionnaire a essayé, sans succès, d’obtenir auprès de l’autre candidate, Mme Lewis, les questions le 8 juillet 2009. Dans les circonstances, selon M. Fergusson, et compte tenu du fait que M. Balikwisha Patanguli avait d’abord nié son implication, le rapport de confiance entre lui et la direction s’est trouvé définitivement brisé.

33 En contre-interrogatoire, M. Fergusson a admis que M. Balikwisha Patanguli était un employé expérimenté et qu’il avait de bonnes relations avec ses collègues. M. Fergusson a aussi convenu que le fonctionnaire faisait partie de l’unité qui avait été recommandée pour le prix de reconnaissance du sous-ministre en 2009. M. Fergusson a aussi expliqué que bien qu’il avait reçu l’information quant à la conduite du fonctionnaire le 11 août 2009 il ne savait pas que ce dernier était candidat au processus de sélection et que c’est pour cette raison que la direction ne l’a pas empêché de participer à l’examen, le matin du 13 août 2009. M. Fergusson a admis que lors de l’entrevue, le 31 août 2009, le fonctionnaire avait exprimé le désir d’être entendu en français. Selon M. Fergusson, le fonctionnaire occupait un poste où l’anglais était la langue de travail. La demande du fonctionnaire était survenue seulement lors de la rencontre du 31 août 2009 et la représentante de M. Balikwisha Patanguli n’avait pas de problème à ce que l’entrevue se déroule en anglais. Selon M. Fergusson, le fait que le fonctionnaire ait admis par la suite avoir reçu les questions et réponses de l’examen ne peut excuser sa conduite. Le fonctionnaire n’a toujours pas admis avoir initié la situation en entrant dans le bureau de Mme Lasonde et en s’envoyant les questions et réponses. Pour M. Fergusson, le contexte de cette affaire fait en sorte qu’on ne peut plus faire confiance au fonctionnaire.

34 Claudette Deschênes a été le dernier témoin de l’employeur. Mme Deschênes est maintenant à la retraite. Elle était la sous-ministre adjointe responsable des opérations à l’époque pertinente et c’est elle qui a pris la décision de congédier M. Balikwisha Patanguli (pièce E-38).

35 Mme Deschênes a expliqué avoir consulté le rapport d’enquête (pièce E-28) ainsi que toutes ses annexes, le Code de valeur et d’éthique de la fonction publique, le Code de conduite de CIC ainsi que la Politique d’utilisation des réseaux électroniques (pièces E-35 à 37).

36 Mme Deschênes a expliqué avoir mis fin à l’emploi du fonctionnaire car celui-ci s’était approprié les questions et réponses d’examen de Mme Lasonde, et qu’il les avait utilisées pour se préparer pour son examen. Pour Mme Deschênes, les agissements du fonctionnaire étaient graves et minaient sérieusement la confiance de l’employeur envers ce dernier.

37 Mme Deschênes a témoigné que le travail du fonctionnaire, soit de revoir les soumissions d’un demandeur qui soutient que le renvoi dans son pays occasionnerait un risque sérieux pour sa sécurité, demande que le décideur fasse preuve d’éthique et de jugement. Pour Mme Deschênes, le résultat du travail a un impact grave et sérieux sur la personne qui fait une demande de révision. Il faut donc que le fonctionnaire qui prend la décision soit crédible et fasse preuve d’un haut niveau d’intégrité. Or, selon Mme Deschênes, l’employeur a justement perdu confiance envers le fonctionnaire; l’employeur estime que M. Balikwisha Patanguli n’a plus la crédibilité requise pour faire son travail.

38 Pour Mme Deschênes, le fonctionnaire a d’abord refusé d’admettre ses torts, lorsque confronté, le 13 août 2009, par M. Fergusson. Ce n’est que plus tard qu’il a admis partiellement ses torts. Pour Mme Deschênes, le fonctionnaire ne réalise toujours pas la gravité de ses gestes et refuse encore de prendre toute la responsabilité de ses actes, préférant faire porter le blâme sur Mme Lasonde.

Mme Deschênes a expliqué que bien que l’employeur n’ait pas de preuve directe que M. Balikwisha Patanguli s’est introduit dans le bureau de Mme Lasonde le 7 août 2009, et ce, dans le dessein de voler les questions et réponses de l’examen, il n’en demeure pas moins que selon la prépondérance des probabilités, l’employeur était en droit de conclure que c’est bien ce que le fonctionnaire a fait. De plus, selon Mme Deschênes, il est admis que le fonctionnaire a eu en sa possession les questions et réponses de Mme Lasonde, qu’ils les a envoyées à son adresse courriel personnelle, à la maison, et qu’il les a utilisées pour écrire son propre examen. Tout ça est en soi suffisamment sérieux pour mériter le licenciement. Mme Deschênes a conclu son témoignage en précisant qu’elle avait bien réfléchi à la sanction à donner au fonctionnaire. Compte tenu du sérieux de l’infraction, du fait que le fonctionnaire ne prenait toujours pas l’entière responsabilité de ses actes et que l’employeur n’avait plus confiance en lui pour effectuer un travail qui a un sérieux impact sur la vie d’une personne, elle n’avait d’autre choix que de mettre fin à son emploi.

B. Preuve du fonctionnaire

39 Mme Lewis a témoigné pour le fonctionnaire. Elle a indiqué que jusqu’en 2011 elle était une collègue de travail du fonctionnaire et qu’elle était aussi un agent d’examen des risques avant renvoi auprès de l’employeur.

40 Mme Lewis a expliqué que lorsque M. Balikwisha Patanguli est arrivé, ils ont travaillé ensemble et que le fonctionnaire l’a plusieurs fois aidé dans des dossiers. Selon Mme Lewis, le fonctionnaire était plutôt tranquille, par contre il connaissait beaucoup de choses et il était prêt à aider les autres.

41 Mme Lewis a témoigné avoir participé au processus de sélection, le 8 juillet 2009 pour le poste classifié au groupe et niveau PM-05, à Ottawa.

42 Mme Lewis a indiqué que le 8 juillet 2009, elle a reçu un courriel du fonctionnaire lui demandant comment avait été l’examen et si elle pouvait lui donner les questions d’examen (pièce E-20). Mme Lewis a expliqué que, sur le coup, elle n’a pas fait attention au contenu du courriel, mais que maintenant elle réalise que le fonctionnaire cherchait à obtenir les questions de l’examen. Elle ne les lui a toutefois pas données.

43 Mme Lewis a expliqué que le fonctionnaire est venu la voir le 9 juillet 2009 et qu’il lui a alors dit qu’il n’avait pas encore fait l’examen en raison d’un plâtre sur son bras droit. Mme Lewis a affirmé que lors de cette rencontre le fonctionnaire n’a pas fait pression sur elle pour qu’elle lui remette les questions d’examen. En contre-interrogatoire, Mme Lewis a admis que le fonctionnaire était venu la voir le 9 juillet 2009 pour discuter de l’examen.

44 M. Balikwisha Patanguli est arrivé au Canada en 1997. Il s’est joint à la fonction publique fédérale en 2003, plus précisément au ministère de Citoyenneté et de l’immigration, en 2004, à un poste classifié au groupe et niveau CR-05. Lors de son licenciement, en 2010, le fonctionnaire occupait le poste d’agent d’examen des risques avant renvoi au groupe et niveau PM-04. Depuis son licenciement, le fonctionnaire est sans emploi.

45 M. Balikwisha Patanguli a témoigné que pendant son emploi à titre de PM-04, au bureau de Calgary, il avait toujours eu de bonnes relations avec ses collègues et que son rendement au travail était très bon.

46 Il a relaté que ses journées de travail commençaient à 7 h pour se terminer à 15 h et qu’il prenait sa pause de repas de 12 h à 12 h 30. Il a affirmé que compte tenu de sa situation financière et du fait qu’il avait une famille à charge, il ne sortait jamais avec les autres pour le déjeuner et qu’il se contentait de prendre une marche pendant sa pause repas.

47 Il a témoigné que le vendredi 7 août 2009, il est sorti de son bureau et est retourné vers 11 h 58; il est ressorti de nouveau pour finalement retourner à 12 h 31 comme le démontre la pièce E-34a), qui indique les entrées sur l’étage où le fonctionnaire et Mme Lasonde avaient leurs bureaux.

48 Selon le fonctionnaire, l’heure du déjeuner est toujours très achalandée et plusieurs employés entrent et sortent en passant devant son bureau et celui de Mme Lasonde. Il a nié être entré dans le bureau de Mme Lasonde sur l’heure du midi, le 7 août 2009.

49 Selon lui, le 7 août 2009, il est revenu de sa marche à 12 h 31, il s’est installé à son bureau et a mis son ordinateur en marche. Il a alors noté avoir reçu un courriel de Mme Lasonde qui avait pour object « Processus de sélection » et qui était adressé au coordonnateur du processus de sélection, M. Cormier. Selon le fonctionnaire, vers 12 h 34, il est allé dans le bureau de Mme Lasonde pour lui parler du courriel. Mme Lasonde n’était pas dans son bureau, alors il est retourné dans le sien. Le fonctionnaire a affirmé qu’à ce moment-là, il ne savait pas que les pièces jointes du courriel contenaient les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde.

50 M. Balikwisha Patanguli a affirmé avoir alors fait suivre le courriel de Mme Lasonde à son compte « Hotmail » à la maison. Selon le fonctionnaire, à chaque fois qu’il recevait un courriel qui n’avait pas trait à son travail, il le faisait suivre à son adresse courriel personnelle pour pouvoir le lire plus tard. Le fonctionnaire a affirmé que bien qu’il savait que le courriel était relatif au processus de sélection pour le poste PM-05, il ne savait pas qu’il contenait les questions et les réponses de Mme Lasonde car il n’avait pas ouvert les pièces jointes. Il a indiqué avoir brièvement parlé à Mme Lasonde un peu avant 15 h le 7 août 2009, sans toutefois avoir parlé du courriel sur le processus de sélection car il ne voulait pas être en retard pour son train.

51 Le fonctionnaire a témoigné s’être absenté pour raison médicale le lundi 10 août 2009. À son arrivée au bureau, le mardi 11 août 2009, il a voulu parler du courriel avec Mme Lasonde mais celle-ci ne voulait pas lui parler et s’est prétendue occupée. Selon le fonctionnaire, Mme Lasonde avait un ton agressif et sa porte était fermée. Il a indiqué ne pas avoir pu parler à Mme Lasonde le 12 août 2009 non plus car la porte de celle-ci est demeurée fermée.

52 M. Balikwisha Patanguli a témoigné qu’en raison de la blessure à son bras droit, il n’avait pu faire l’examen dans le cadre du processus de sélection pour le poste classifié PM-05, le 8 juillet 2009, comme les autres. Dans son cas, l’examen été reporté au mercredi 13 août 2009, de 9 h à 11 h.

53 Le fonctionnaire a témoigné que la veille de l’examen, soit le soir du 12 août 2009, en se préparant pour le lendemain, il a ouvert pour la première fois les pièces jointes du courriel de Mme Lasonde daté du 7 août 2009. Il a alors réalisé qu’il était en possession des questions et des réponses de l’examen de Mme Lasonde. Le fonctionnaire a témoigné s’être dit : « quelle chance d’avoir les questions et réponses d’examen ».

54 Le fonctionnaire a relaté avoir lu les questions. Selon lui, les questions n’étaient pas compliquées, d’autant plus que l’examen était à livres ouverts; tout ça faisait en sorte que la préparation à cet examen n’avait pas besoin d’être « intense ».

55 M. Balikwisha Patanguli a témoigné avoir préparé ses réponses pour l’examen du lendemain en se servant des questions reçues et d’avoir renvoyé le tout à son adresse courriel au bureau. Il a affirmé que le lendemain, après s’être assuré que les questions d’examen étaient les mêmes que celles qu’il avait reçues comme pièce jointe dans le courriel de Mme Lasonde, il a rédigé son examen en utilisant les réponses préparées la veille et a envoyé le tout à M. Cormier, à Ottawa. En réponse à sa représentante, le fonctionnaire a convenu que ce qu’il avait fait était mal et qu’il n’aurait jamais dû faire ça.

56 M. Balikwisha Patanguli a témoigné que tout de suite après avoir complété son examen, il a reçu un appel de M. Fergusson qui voulait le voir à 13 h. Selon le fonctionnaire, lors de cette rencontre, M. Fergusson lui a présenté les courriels du 7 août 2009, soit celui de Mme Lasonde au fonctionnaire et celui du fonctionnaire à son adresse courriel à la maison (pièces E-12 et 13), et lui a demandé si ces courriels lui disaient quelque chose. Le fonctionnaire a témoigné avoir alors nié avoir déjà vu le courriel en provenance de Mme Lasonde (pièce E-12), et ce, dans le but de la protéger. Quant au courriel envoyé à l’adresse courriel personnelle du fonctionnaire à la maison (pièce E-13), ce dernier a simplement admis que c’était bien son adresse courriel sans plus. Selon lui, après que M. Fergusson a appris qu’il avait rédigé l’examen le matin même, il lui a dit qu’il était éliminé du processus de sélection et que les ressources humaines allaient être saisies de cette affaire.

57 Le fonctionnaire a témoigné s’être rendu à la maison après sa rencontre avec M. Fergusson et qu’il a alors été pris de remords. Il a donc décidé d’envoyer un courriel à M. Fergusson dans lequel il a admis avoir reçu les questions de l’examen et de s’en être servi lorsqu’il a fait l’examen, soit le matin même (pièce E-15) M. Balikwisha Patanguli a affirmé qu’il se sentait très mal et qu’il souffrait moralement.

58 Il est à noter que le fonctionnaire a affirmé dans son témoignage qu’il avait fait une erreur en se servant des questions d’examen. Il a toutefois maintenu que bien qu’il ait reçu les questions d’examen et qu’il s’en soit servi, il n’a pas envoyé les questions et les réponses à partir de l’ordinateur de Mme Lasonde et a laissé entendre que c’était Mme Lasonde elle-même qui avait envoyé les questions et réponses au fonctionnaire. Quant à son courriel du 8 juillet 2009 à Mme Lewis, le fonctionnaire a affirmé avoir voulu faire une blague.

59 M. Balikwisha Patanguli a témoigné avoir été convoqué au bureau de M. Fergusson le 27 août 2009. Il a alors été informé qu’un comité allait enquêter sur sa conduite et qu’il était convoqué pour une entrevue avec ce comité le 31 août 2009. Le fonctionnaire a affirmé avoir demandé à ce que l’entrevue ait lieu en français car il était plus à l’aise en français qu’en anglais, mais que M. Fergusson lui aurait répondu que ça aurait lieu en anglais puisqu’il occupait un poste désigné anglais essentiel aux fins des exigences linguistiques.

60 M. Balikwisha Patanguli a témoigné s’être présenté à l’entrevue du 31 août 2009 accompagné de sa représentante syndicale, Mme McDonald. M. Fergusson et Mme Pirt-Horodyski étaient aussi présents comme représentants de l’employeur. Le fonctionnaire a témoigné avoir affirmé à cette rencontre que M. Fergusson l’avait déjà reconnu coupable, l’après-midi du 13 août 2009, lorsqu’il l’avait éliminé du concours. De plus, le fonctionnaire aurait encore une fois soulevé à cette rencontre le fait qu’il désirait que l’entrevue se déroule en français mais qu’il s’est encore fait répondre qu’aux fins des exigences linguistiques, son poste était un poste désigné anglais essentiel et que Calgary n’était pas désignée comme ville bilingue; par conséquent, l’entrevue s’est déroulée en anglais.

61 M. Balikwisha Patanguli a témoigné avoir reçu le rapport final d’enquête le 2 février 2010 (pièce E-28) et avoir été en congé de maladie par la suite jusqu’au 24 mars 2010. Il a insisté sur le fait qu’avant l’incident du 7 août 2009, il avait de bonnes relations avec ses collègues et de bonnes évaluations de rendement, incluant une nomination avec ses collègues pour la prime de reconnaissance du sous-ministre (pièce G-3). Le fonctionnaire a conclu en affirmant que cet épisode avait eu un effet dévastateur sur lui et sa famille tant d’un point vue moral que financier.

62 En contre interrogatoire, le fonctionnaire a convenu que les décisions d’un agent d’examen des risques avant renvoi peuvent avoir comme conséquence la vie ou la mort d’un requérant. Le fonctionnaire a aussi maintenu qu’il n’avait pas reconnu avoir été en possession des questions d’examen lors de la rencontre du 13 août 2009 avec M. Fergusson, et ce, dans le but de protéger Mme Lasonde, et que cette dernière était responsable de son ordinateur.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

63 Selon l’avocat de l’employeur, la preuve est claire. Le fonctionnaire s’est envoyé les questions et réponses de l’examen du processus de sélection de Mme Lasonde à partir de l’ordinateur de celle-ci lorsqu’elle était absente pour son déjeuner. Le fonctionnaire a par la suite envoyé à son adresse courriel personnelle ces questions et réponses afin de les consulter pour se préparer lui-même à rédiger l’examen. La veille de l’examen, soit le 12 août 2009, il a renvoyé à son adresse courriel du bureau les réponses déjà prêtes pour l’examen du lendemain.

64 L’avocat de l’employeur a soutenu que les agissements du fonctionnaire constituaient de la tricherie, étaient très graves et méritaient le congédiement.

65 Selon l’avocat de l’employeur, il n’est pas contesté que M. Balikwisha Patanguli a utilisé les questions de l’examen. Cet acte en soi est tellement grave, qu’à lui seul il justifie le licenciement car le lien de confiance est brisé à tout jamais. On m’a renvoyée à Rivard c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 75 et Thomas c. Chambre des communes, dossier de la CRTFP 466-H-155 (19910415).

66 Quant à savoir si le fonctionnaire est entré dans le bureau de Mme Lasonde le 7 août 2009 pour s’envoyer les questions et réponses de l’examen, l’avocat de l’employeur m’a demandé de conclure en ce sens compte tenu du fait que mis à part Mme Lewis, personne d’autre que le fonctionnaire avait un intérêt à obtenir ces questions à l’avance. Qui plus est, M. Balikwisha Patanguli avait essayé au préalable d’obtenir de Mme Lewis les questions de l’examen.

67 Quant à l’argument du fonctionnaire voulant que Mme Lasonde soit celle qui lui ait envoyé le courriel avec les pièces jointes le 7 août 2009, l’avocat de l’employeur a fait valoir que cette option, compte tenu de la preuve, étaient pratiquement inexistante et que, dans les circonstances et selon la balance des probabilités, je devais conclure que le fonctionnaire avait non seulement utilisé pour ses fins les questions d’examen mais qu’il s’était introduit dans le bureau de Mme Lasonde le 7 août 2009 pour s’envoyer les questions et réponses de l’examen du processus de sélection.

68 Selon l’avocat de l’employeur, non seulement M. Balikwisha Patanguli n’a pas dit la vérité lorsque confronté par M. Fergusson l’après-midi du 13 août 2009, mais il continue encore aujourd’hui à minimiser la portée de ses gestes, notamment en refusant d’accepter l’entière responsabilité de ce qu’il a fait, en accusant Mme Lasonde d’avoir envoyé le courriel et en prétendant que le fait d’avoir eu les questions à l’avance ne lui ont pas donné un très gros avantage sur les autres car il possédait déjà beaucoup de connaissances et que l’examen était à livres ouverts. Selon l’avocat, tous ces facteurs militent pour le maintien du licenciement et appuient la thèse que M. Balikwisha Patanguli ne peut pas être réintégré car le lien de confiance avec l’employeur est rompu. L’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Shaver c. Adminstrateur général (ministère des Ressources humaines et Développement des compétences), 2011 CRTFP 43.

69 L’avocat de l’employeur m’a demandé de tenir compte du fait que le fonctionnaire exerçait des fonctions qui pouvaient avoir des conséquences de vie ou de mort pour la personne qui demande un examen des risques avant renvoi. Selon l’avocat de l’employeur, il est primordial que l’agent qui rend une décision dans ces affaires soit irréprochable et totalement crédible. Dans ce cas-ci, l’employeur ne saurait jamais si le fonctionnaire fait passer ses intérêts personnels avant ceux des personnes visées par le renvoi.

70 Quant à l’argument du fonctionnaire qu’on ne lui a pas permis de s’exprimer en français lors de la rencontre avec le comité d’enquête, l’avocat de l’employeur a maintenu que l’audience du grief devant un arbitre est une audition de novo ce qui a pour effet de corriger tous vices de procédure qui auraient pu être commis avant.

71 Selon l’avocat de l’employeur, les gestes du fonctionnaire étaient calculés et n’étaient pas le résultat d’une aberration momentanée. Si M. Fergusson n’avait pas contacté le fonctionnaire le 13 août 2009, ce dernier n’aurait jamais fait d’admission. Dans les circonstances, le licenciement doit être maintenu.

72 L’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Faryna c. Chorny [1952] 2 D.L.R. 354 et Trenholm c. Personnel des fonds non publics des forces canadiennes, 2006 CRTFP 66.

B. Pour le fonctionnaire

73 La représentante du fonctionnaire a tout d’abord insisté sur le fait que ce dernier était avant son licenciement, un employé exemplaire apprécié de ses collègues et qu’il avait de très bons rapports d’évaluation de ses superviseurs.

74 Selon la représentante du fonctionnaire, bien qu’il soit admis que le fonctionnaire ait eu en sa possession les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde et qu’il les ait utilisées pour se préparer à son examen du 13 août 2009, il n’y a aucune preuve qu’il se soit introduit dans le bureau de Mme Lasonde, le 7 août 2009 vers midi, et qu’il se soit envoyé les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde. Selon la représentante du fonctionnaire, en appliquant le test de la prépondérance des probabilités à la preuve de l’employeur afin de déterminer si M. Balikwisha Patanguli s’est introduit dans le bureau de Mme Lasonde et s’est envoyé le courriel, je me dois de conclure que la preuve de l’employeur ne rencontre pas le test de la « prépondérance des probabilités » et qu’elle ne repose que sur des soupçons et des doutes. Selon la représentante de M. Balikwisha Patanguli, il n’est pas suffisant pour l’employeur d’invoquer que le fonctionnaire avait l’opportunité et la motivation de s’envoyer les questions d’examen à partir de l’ordinateur du bureau de Mme Lasonde; encore faut-il le prouver.

75 Selon la représentante de M. Balikwisha Patanguli, le fait que l’employeur n’ait pas démontré que le fonctionnaire s’était envoyé les questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde est fondamental. En effet, l’employeur a fait état de deux motifs de licenciement dans sa lettre du 19 avril 2010 (pièce E-38) mais il n’a pas été en mesure de prouver un de ces motifs, soit l’introduction de M. Balikwisha Patanguli dans le bureau de Mme Lasonde, le 7 août 2009, et qu’il s’est lui-même envoyé les questions et réponses. Dans les circonstances, la représentante du fonctionnaire a maintenu que l’employeur se devait de présenter une preuve sans équivoque des deux éléments d’infraction cités dans la lettre de licenciement. Comme il n’a pas été démontré que le fonctionnaire s’est introduit dans le bureau de Mme Lasonde et qu’il s’est envoyé les questions et réponses d’examen, le licenciement comme mesure disciplinaire n’est plus approprié.

76 Quant à l’allégation, admise par le fonctionnaire, qu’il s’est servi des questions d’examen pour  préparer  son propre examen, la représentante a maintenu qu’il revenait à l’employeur d’empêcher le fonctionnaire de rédiger l’examen le matin du 13 août 2009 car à cette date, l’employeur savait déjà depuis le 11 août 2009 que M. Balikwisha Patanguli était en possession des questions et réponses de l’examen de Mme Lasonde. En n’intervenant pas, l’employeur a rendu la situation encore plus difficile, ce qui milite encore pour réduire la sanction disciplinaire contre le fonctionnaire.

77 La représentante du fonctionnaire a maintenu que même si le fonctionnaire n’a pas admis sur le champs à M. Fergusson, le 13 août 2009, avoir été en possession des questions d’examen et s’en être servi, le fonctionnaire a quand même fait preuve d’un repentir sincère quelques heures à peine après sa rencontre avec M. Fergusson. Selon elle, le fait que ce dernier ait, le soir même, envoyé un courriel où il admet et s’excuse auprès de M. Fergusson (pièce E-15) démontre son remord sincère et devrait jouer en faveur du fonctionnaire.

78 La représentante du fonctionnaire a aussi soulevé que celui-ci n’a pas pu s’exprimer en français pendant l’enquête ce qui constitue un manquement sérieux aux droits de son client. Elle a maintenu qu’il ne s’agit pas ici juste d’une question de poste de travail mais bien des droits linguistiques du fonctionnaire qui ont été violés. Elle m’a renvoyée au jugement de la Cour suprême dans Renvoi sur la Cessation du Québec, [1998], 2 R.C.S. 217.

79 La représentante du fonctionnaire a plaidé que puisqu’un seul des motifs de licenciement, à savoir s’être servi des questions de l’examen, a été prouvé, il faut donc se demander si le lien de confiance est véritablement brisé comme le prétend l’employeur. Selon elle, il aurait été plus raisonnable, dans un cas comme celui-ci, d’appliquer le principe de discipline progressive surtout quand on tient compte des bons états de service du fonctionnaire. Selon la représentante du fonctionnaire, puisque ce dernier a admis et regrette amèrement, il a démontré qu’il pouvait être réhabilité. Ce ne sont pas tous les manquements à un code de conduite qui méritent le licenciement.

80 La représentante m’a renvoyé à Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124, Canadian Pacific Railway, 2000 GLB 12148, Dosanjh c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 16, Archambault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada, service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-17692 (19881118), Hampton c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-28445 (19981123), et Hickling c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 67.

IV. Motifs

81 Je n’ai aucune hésitation à rejeter ce grief. Malgré les vaillants efforts de la représentante de M. Balikwisha Patanguli, non seulement la preuve contre le fonctionnaire est tout simplement accablante mais, il ne fait aucun doute dans mon esprit que les faits reprochés et prouvés selon la balance des probabilités sont graves et ont de façon irrémédiable rompu le lien de confiance qui doit exister entre un employé et son employeur.

82 À partir de la preuve entendue dans cette affaire, je n’ai en effet aucune peine à conclure, sur la base de la prépondérance des probabilités, que le 7 août 2009, M. Balikwisha Patanguli a profité de l’absence prévisible de Mme Lasonde, qu’il s’est introduit son bureau et qu’il s’est envoyé les questions et les réponses de l’examen du processus de sélection du poste de PM-05 de Mme Lasonde à son adresse courriel personnelle à la maison. Le témoignage non contredit de Mme Lasonde est qu’à chaque jour elle prend sa pause d’une heure autour de midi et qu’il faut une dizaine de minutes pour que son ordinateur se ferme complètement. Le fonctionnaire connaissait cette routine. Il a agi pendant son absence.

83 Je conviens qu’aucun témoin de l’employeur n’a vu M. Balikwisha Patanguli s’introduire dans le bureau de Mme Lasonde à midi, le 7 août 2009. Toutefois, la preuve a démontré que bien que le fonctionnaire ait franchi la porte de sortie de son étage un peu avant midi, le 7 août 2009, il est retourné à 11 h 58 dans l’aire de travail où était situé son bureau juste à côté de celui de Mme Lasonde (pièce E-34A). Le courriel du 7 août 2009 a été envoyé de l’ordinateur de Mme Lasonde à 12 h 09 ce jour-là. Il est donc très plausible de penser que le fonctionnaire était autour du bureau de Mme Lasonde lorsque le courriel a été envoyé. Autre fait accablant, il n’est pas contesté que M. Balikwisha Patanguli avait déjà essayé, sans succès, d’obtenir de Mme Lewis les questions d’examen le 8 juillet 2009. Finalement, tout le reste non contesté de la preuve qui démontre que le fonctionnaire s’est envoyé les questions et réponses d’examen chez lui le 7 août 2009, qu’il a préparé ses réponses d’examen le 12 août 2009 à partir desdites questions et réponses et qu’il a nié avoir vu les courriels du 7 août 2009 à M. Fergusson, m’amènent à croire que non seulement M. Balikwisha Patanguli a utilisé les questions et réponses de l’examen du processus de sélection, mais que c’est bien lui qui au départ s’ést introduit dans le bureau de Mme Lasonde et s’est envoyé le courriel avec lesdites questions et réponses. Ce geste est à mon avis très sérieux et grave.

84 À cet égard, le fonctionnaire a bien tenté pendant l’enquête et à l’audience de laisser croire que Mme Lasonde était celle qui avait envoyé le courriel à 12 h 09 le 7 août 2009 par erreur ou autrement. Je n’y crois pas un instant. Mme Lasonde a donné l’impression à l’audience d’être une personne crédible et de principe. Elle a témoigné de façon non équivoque. De plus, sa réaction lorsqu’elle a pris connaissance du courriel, le lundi 10 août 2009, a été de se précipiter chez son superviseur, M. Fraser, ce qui laisse croire qu’elle a été véritablement choquée de sa découverte et qu’elle a tout de suite informé la direction de la situation. Il va aussi sans dire que Mme Lasonde n’avait aucune raison, ni aucune motivation de partager les questions d’examen avec le fonctionnaire contre qui elle était en compétition dans un processus de sélection.

85 Quant à la partie non contestée des faits, à savoir qu’une fois en possession des questions et réponses de l’examen, le 7 août 2009, le fonctionnaire les a envoyées à son adresse courriel personnelle à la maison; qu’il a préparé, la veille de l’examen, ses propres réponses pour le lendemain, qu’il a envoyé ces réponses déjà prêtes à son adresse courriel au bureau et qu’il a utilisé ces réponses pour rédiger l’examen du processus de sélection, cela constitue un manquement très grave qui doit être pris au sérieux.

86 Il est à souligner que la faute du fonctionnaire ne s’est pas arrêtée là. En effet, M. Balikwisha Patanguli a aussi non seulement prétendu lors de son entretien avec M. Fergusson le 13 août 2009 en après-midi, n’avoir jamais vu le premier courriel du 7 août 2009 en provenance de l’ordinateur de Mme Lasonde mais il a aussi nié avoir vu celui qu’il avoue maintenant s’être envoyé à son adresse courriel personnelle à la maison. Pour moi, tout cela démontre l’intention du fonctionnaire de continuer à vouloir nier l’évidence et d’avouer ses fautes seulement lorsqu’aucune autre avenue n’est possible. Je suis d’accord avec l’avocat de l’employeur que si M. Fergusson n’avait pas confronté le fonctionnaire l’après-midi du 13 août 2009, ce dernier n’aurait jamais pris les devants pour admettre une partie de sa faute.

87 Quant à l’argument de la représentante de M. Balikwisha Patanguli qu’étant donné que l’employeur n’a pas prouvé que c’était bien le fonctionnaire qui a envoyé le premier courriel du 7 août 2009, une mesure disciplinaire plus légère devrait être accordée, tel qu’il a été mentionné ci-dessus, je n’ai, d’une part aucune hésitation à conclure à partir de toute la preuve que M. Balikwisha Patanguli est bien celui qui a envoyé le premier courriel à partir de l’ordinateur de Mme Lasonde et, d’autre part, je me dois d’admettre que je ne suis toujours pas convaincue que même aujourd’hui le fonctionnaire réalise pleinement la gravité de ses gestes. Pour moi, le fait que M. Balikwisha Patanguli ait minimisé l’importance d’avoir les questions et réponses avant l’examen, qu’il relativise cette affaire en disant que de toute façon il avait les connaissances, que l’examen était à livres ouverts et qu’il laisse entendre que Mme Lasonde est celle qui aurait envoyé les questions et réponses me laisse très perplexe quant à l’attitude du fonctionnaire dans cette affaire ainsi que la sincérité de son « repentir. »

88 À cet égard, je suis d’accord avec les commentaires de Mme Deschênes que les gestes posés par M. Balikwisha Patanguli étaient sérieux et ont eu pour effet de briser le lien de confiance entre l’employeur et son employé. J’ajouterais ici que compte tenu de la nature des fonctions d’un agent des risques avant renvoi et des conséquences de leur décision sur la vie d’un requérant, l’employeur se doit d’être en mesure de faire pleinement confiance à ses employés.

89 Quant à l’argument du fonctionnaire à l’effet que l’employeur aurait dû empêcher M. Balikwisha Patanguli de se présenter à l’examen le matin du 13 août 2009, la preuve non contredite démontre que M. Ferguson ne savait pas, l’après-midi du 13 août 2009, que le fonctionnaire ne s’était pas présenté à l’examen le matin même. Dans les circonstances, tout cela n’a aucune incidence sur la décision de licencier le fonctionnaire.     

90 Finalement, quant à l’argument voulant que l’entrevue et l’enquête auraient dû, conformément à la demande de M. Balikwisha Patanguli, se dérouler en français, je me demande pourquoi cette demande n’a pas été accordée. Il aurait été très facile de le faire et il est à espérer que l’employeur reverra cette façon de faire dans le futur. Cela étant dit, il est admis de tous que l’audience devant moi est un processus de novo où le fonctionnaire a pu s’exprimer et faire valoir tous ses arguments dans la langue française. Je considère donc que bien que le fonctionnaire aurait du pouvoir s’exprimer en français pendant l’enquête, l’audience devant moi a remédié à ce vice de procédure et que M. Balikwisha Patanguli a eu l’occasion de présenter une preuve pleine et entière en français. Finalement, le fonctionnaire n’a soulevé aucune allégation à l’effet que le déroulement de la rencontre en anglais lui a porté préjudice et aucune preuve ou jurisprudence appuyant son argument à l’effet que ceci justifie que le congédiement soit déclaré void ab initio.

91 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

92 Le grief est rejeté. J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 20 janvier 2014.

Linda Gobeil,
arbitre de grief

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