Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté la décision de l’employeur de rejeter sa demande de congé d’accident du travail contrairement à l’article37 de la convention collective - elle a allégué que ce refus avait entraîné sa retraite forcée - l’employeur a soulevé une objection préliminaire relativement à la compétence de l’arbitre de grief pour entendre et trancher le grief, faisant valoir qu’aux termes de l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Commission n’a pas la compétence à l’égard de questions relevant de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, comme la retraite - après avoir subi un accident du travail, la fonctionnaire s’estimant lésée a touché des indemnités d’accident du travail (indemnités) pour les blessures alors subies - la commission provinciale des accidents du travail l’a informée que ses indemnités prendraient fin en août2010 puisque, d’après les règles de l’organisme et étant donné l’âge de la fonctionnaire s’estimant lésée à la date à laquelle la demande a été déposée, elle n’avait droit à des indemnités que pendant 24mois, après quoi le dossier de sa demande serait fermé - la fonctionnaire s’estimant lésée avait prévu prendre sa retraite en 2011, mais en raison de sa situation financière difficile lorsque les indemnités ont cessé de lui être versées, elle s’est tournée vers des solutions de rechange, dont une demande en vue d’assurer la transition entre la date d’élimination des indemnités et la date de sa retraite anticipée au moyen d’un congé d’accident du travail - la demande a été rejetée, et la fonctionnaire s’estimant lésée a pris sa retraite et présenté un grief - la fonctionnaire s’estimant lésée avait obtenu 160jours au titre d’un congé d’accident du travail entre 2006 et 2010 - la politique du Conseil du Trésor fixe une limite de 130jours pour ce qui est d’avancer ce congé, après quoi le groupe de gestion de l’assurance-invalidité doit examiner le dossier - la politique indique également que ce congé doit être utilisé uniquement pour garantir l’absence d’une interruption de salaire de la date de la blessure à la date à laquelle l’employé commence à toucher des indemnités d’accident du travail et qu’il ne doit pas être prolongé après que le dossier de la demande d’indemnités est fermé - l’arbitre de grief a rejeté l’objection préliminaire de l’employeur, puisque la fonctionnaire s’estimant lésée demandait non pas que sa démission soit annulée, mais qu’un congé payé lui soit accordé en conformité avec la convention collective - elle ne satisfaisait pas aux conditions préalables à l’obtention du droit à un congé d’accident du travail que prévoit la convention collective au motif qu’elle n’était plus qualifiée à titre de travailleur blessé dans la province où elle avait travaillé - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas prouvé que l’employeur n’avait pas pris en considération certains facteurs importants pour rendre sa décision, ce qui aurait rendu celle-ci déraisonnable - le congé demandé ne devait pas servir de transition vers la retraite - l’employeur a bien examiné les difficultés financières de la fonctionnaire s’estimant lésée et de nombreux autres facteurs - il n’y avait aucune preuve médicale que la fonctionnaire s’estimant lésée retournerait au travail dans un avenir prévisible. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-06-20
  • Dossier:  566-02-6884 et 6885
  • Référence:  2014 CRTFP 66

Devant un arbitre de grief


ENTRE

YOLANDE MONGEON

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

employeur

Répertorié
Mongeon c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Amarkai Laryea, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Magdalena Persoiu, avocate
Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick), les 13 et 14 mars 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Yolande Mongeon, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), occupait un poste classifié CR-03. Elle travaillait au bureau de Shediac (Nouveau-Brunswick) de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC » ou l’« employeur »). La fonctionnaire conteste le fait que l’employeur ait refusé sa demande de congé payé pour accident du travail, contrairement aux articles 19 et 37 de la convention collectivité conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services des programmes et de l’administration (tous les employés), venant à échéance le 20 juin 2011 (la « convention collective »). La fonctionnaire a allégué qu’en raison de la violation de la convention collective par l’employeur, elle a été contrainte de prendre sa retraite. Elle a allégué que sa retraite forcée constituait une forme de discrimination fondée sur l’âge allant à l’encontre de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) (la « LCDP »).

II. Résumé de la preuve

2 Selon la fonctionnaire, la principale question est de savoir si l’employeur a agi de manière raisonnable en refusant de lui accorder un congé en vertu de l’article 37 de la convention collective. L’intention première de la fonctionnaire était de présenter une allégation selon laquelle l’employeur aurait violé l’article 19 de la convention collective (« Élimination de la discrimination »). Toutefois, lors de l’audience, la représentante de la fonctionnaire a avisé la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») de l’abandon de ce grief, ainsi que du retrait de tout argument relié à l’article 19 dans l’autre grief.

3 Par ailleurs, l’employeur a soulevé deux objections préliminaires relativement à ma compétence. Premièrement, l’affaire était chose jugée étant donné que la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP ») avait déjà examiné l’allégation de discrimination et l’avait rejetée. Un contrôle judiciaire de la décision de la CCDP a échoué. L’employeur a fait valoir que le présent renvoi à l’arbitrage constituait une contestation parallèle visant à soulever les mêmes questions devant un autre tribunal. Deuxièmement, l’employeur a fait valoir que la fonctionnaire avait pris sa retraite en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (la « LEFP »). La Commission n’a pas compétence pour entendre les questions liées à la LEFP, conformément à l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « Loi »).

4 En début d’audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits (pièce 6), qui se lit comme suit :

[Traduction]

1. La fonctionnaire s’estimant lésée, Mme Yolande Mongeon, travaillait pour Travaux publics et Services gouvernementaux Canada à Shediac (Nouveau-Brunswick). Elle occupait le poste de commis à l’appui aux opérations, classifié au groupe et niveau CR-03.

2. Mme Mongeon occupait ce poste depuis le 3 février 2003 en vertu de contrats pour une période déterminée et a été nommée pour une période indéterminée le 3 février 2006. Sa description de travail au 6 décembre 2004 est fournie (pièces 8 et 9).

3. Les parties sont liées par les modalités de la convention collective conclue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor (Services des programmes et de l’administration), venant à échéance le 20 juin 2011.

4. Le 20 juin 2006, Mme Mongeon s’est blessée au lieu de travail; elle utilise cette date pour sa réclamation numéro 1210592 auprès de la Commission de la santé, de la sécurité et de l’indemnisation des accidents au travail du Nouveau-Brunswick (CSSIAT). La blessure initiale s’est produite le ou autour du 29 mai 2006 (pièce 10).

5. La CSSIAT a accepté la réclamation numéro 1210592, le 20 février 2008. La demande a été acceptée relativement à la blessure subie le 29 mai 2006. La période visée par la réclamation est du 2 octobre 2006 au 2 janvier 2007. La CSSIAT déclare qu’aucune indemnisation pour perte de revenus ne sera versée parce que l’employeur affirme que Mme Mongeon a continué de toucher son salaire habituel (pièce 11).

6. Mme Mongeon est absente du travail pendant certaines périodes entre le 2 octobre 2006 et le 2 janvier 2007. L’employeur convertit tous les congés de maladie pris par Mme Mongeon pendant cette période en congé pour accident de travail (pièce 7, onglet 27, et pièce 8).

7. Le 26 octobre 2007, Mme Suzanne Auffrey (conseillère en RH pour TPSGC) envoie une lettre à Santé Canada pour demander une évaluation de l’aptitude à travailler de la fonctionnaire (pièce 12).

8. En décembre 2007, Mme Mongeon est envoyée à Santé Canada (pièce 7, onglet 3).

9. Le 14 janvier 2008, Dr Karen MacDonald envoie une lettre à Mme Suzanne Auffrey concernant des restrictions provisoires s’appliquant à Mme Mongeon pendant qu’elle attend la tenue d’une évaluation des capacités fonctionnelles.

10.  Le 15 janvier 2008 est la date établie concernant la réapparition de la blessure de Mme Mongeon. La CSSIAT accepte sa demande d’indemnisation à compter de cette date (pièce 7, onglet 4).

11. Le 27 février 2008, Dr Karen MacDonald envoie une lettre à Mme Suzanne Auffrey indiquant les restrictions fonctionnelles s’appliquant à Mme Mongeon à la suite de l’évaluation de ses capacités fonctionnelles (pièce 7, onglet 2).

12.  À compter du 23 avril 2008, Mme Mongeon est absente du travail encore une fois et ne reprend jamais sa charge de travail complète. Elle fournit à l’employeur des avis du médecin pour justifier ses absences (pièce 7, onglet 26).

13. Le 9 juillet 2008, Mme Suzanne Auffrey envoie une lettre à Santé Canada demandant la tenue d’une nouvelle évaluation de l’aptitude au travail étant donné que Mme Mongeon est absente depuis le 23 avril 2008 (pièce 7, onglet 3).

14. Le 21 octobre 2008, un règlement est conclu entre Mme Mongeon et l’employeur au moyen de la médiation.

15. Le 8 septembre 2008, Mme Ginette Léger-Murray confirme dans un courriel adressé à Lynn Hebert qu’un congé pour accident de travail sera octroyé à Mme Mongeon du 15 janvier 2008 au 19 août 2008 (pièce 13).

16. Le 2 octobre 2008, Dr Karen MacDonald envoie une lettre à Mme Suzanne Auffrey l’informant que les restrictions s’appliquant à Mme Mongeon depuis le 27 février 2008 demeurent inchangées et que le conflit au travail devrait être réglé avant le retour au travail de Mme Mongeon (pièce 7, onglet 5).

17. Le 20 janvier 2009, Travail sécuritaire N.-B. informe Mme Mongeon qu’elle cessera d’être admissible à des indemnités pour perte de revenus, et ce, à compter du 15 janvier 2010 (pièce 7, onglet 6).

18. Le 24 août 2009, Mme Mongeon envoie une lettre à la gestionnaire des ressources humaines de TPSGC pour lui demander quels sont ses droits en vertu des dispositions de la convention collective (pièce 14).

19. Le 3 septembre 2009, Mme Ginette Couturier, gestionnaire des ressources humaines (Shediac), répond par lettre à la demande de Mme Mongeon du 24 août 2009. Mme Couturier déclare que [traduction] « la direction estime lui avoir accordé un nombre raisonnable de congés pour accident de travail, ce qui explique pourquoi elle reçoit des indemnités directement de la CSSIAT ». Elle précise qu’aucun autre congé d’accident de travail ne lui sera accordé (pièce 7, onglet 7).

20. Le 14 janvier 2010, Travail sécuritaire N.-B. envoie une lettre à Mme Mongeon confirmant que ses indemnités cesseront le 15 janvier 2010 (pièce 7, onglet 8).

21. Le 15 janvier 2010, Travail sécuritaire N.-B. cesse de verser des indemnités à Mme Mongeon.

22. Le 25 janvier 2010, Travail sécuritaire N.-B. informe l’employeur que le dossier de Mme Mongeon sera fermé avec date d’entrée en vigueur le 15 janvier 2010 (pièce 15).

23. Le 28 janvier 2010, Jennifer Touhey (conseillère principale en relations de travail) envoie un courriel à Matt Doherty concernant la demande de congé d’accident de travail de Mme Mongeon (pièce 7, onglet 9).

24. Le 29 janvier 2010, Ginette Léger-Murray (chef de l’équipe de la rémunération) envoie une lettre à Mme Mongeon l’informant de ses crédits de congé annuel et de congé de maladie non utilisés et l’avisant de la possibilité de soumettre une demande de prestations de l’assurance-emploi pour cause de maladie (pièce 7, onglet 10).

25. Du 18 janvier 2010 au 31 mars 2010, Mme Mongeon utilise une combinaison de crédits de congé annuel et de congé de maladie. Cependant, une fois que la CSSIAT a accepté son appel et conclu qu’elle était admissible à des indemnités de la CSSIAT, du 15 janvier 2010 au 19 août 2010, l’employeur lui a crédité ses congés annuels et de maladie pour cette période (voir le point no 28 ci-dessous) (pièces 8 et 16).

26. Le 19 mars 2010, Ginette Léger-Murray (chef de l’équipe responsable de la rémunération) envoie une lettre à Mme Mongeon après avoir appris qu’elle prendra des congés de maladie non payés à compter du 1er avril 2010 (pièce 7, onglet 11).

27. Le 30 mars 2010, Travail sécuritaire N.-B. informe M. Doherty par lettre que les indemnités de Mme Mongeon cesseront le 15 janvier 2010 (pièce 7, onglet 12).

28.  Mme Mongeon en appelle de cette décision; son appel est accepté; ses indemnités de la CSSIAT sont prolongées du 15 janvier 2010 au 19 août 2010 (pièce 7, onglet 23).

29. Du 1er avril 2010 au 15 juillet 2010, Mme Mongeon touche des prestations de l’assurance-emploi pour cause de maladie. À la suite de l’appel devant la CSSIAT, on lui accorde des indemnités de la CSSIAT pour cette période (voir le point no 28 ci-dessus).

30. Le 2 juin 2010, Mme Mongeon dépose le grief ATL-02-008.

31. À compter du 15 juillet 2010, Mme Mongeon est en congé de maladie non payé. Cependant, après que la CSSIAT accueille son appel, Mme Mongeon touche des indemnités de la CSSIAT, du 15 janvier 2010 au 19 août 2010.

32. Le 12 octobre 2010, la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) reçoit une plainte de Mme Mongeon (pièce 7, onglet 18).

33. Le 26 octobre 2010, Mme Mongeon envoie une lettre à Rona Ambrose et une copie au directeur général, David Stevens, expliquant les raisons de son départ à la retraite (pièce 7, onglet 13).

34. Le 29 octobre 2010, Mme Mongeon dépose le grief ATL-10-023.

35. Mme Mongeon démissionne en date du 30 octobre 2010.

36. Le 29 novembre 2010, Travail sécuritaire N.-B. déclare par voie d’une lettre envoyée à Mme Mongeon et à l’employeur qu’il n’y a aucune preuve d’incapacité physique permanente (pièce 17).

37. Le 3 décembre 2010, Renée Jolicoeur envoie une lettre à Mme Mongeon lui demandant de confirmer son intention de démissionner (pièce 7, onglet 16).

38. Le 16 décembre 2010, David Stevens accepte la démission de Mme Mongeon (pièce 7, onglet 17).

39. Le 23 juin 2011, la Commission publie son rapport d’enquête (pièce 7, onglet 20).

40. Le 6 octobre 2011, Mme Mongeon est avisée du rejet de sa plainte devant la CCDP et de la fermeture du dossier.

41. Le 1er février 2012, Mme Renée Jolicoeur publie la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs rejetant les griefs ATL-02-008 et ATL-02-023.

5 La fonctionnaire est née en 1944. Pendant qu’elle travaillait pour TPSGC, elle a souffert d’entorses lombaires musculo-squelettiques, d’une torsion intérieure d’un os de la partie inférieure de sa jambe gauche et du déplacement de trois disques de la colonne vertébrale. Le 22 août 2007, on lui a diagnostiqué une scoliose, un blocage pelvien et des nerfs coincés au bas du dos en raison des tâches répétitives qu’elle effectuait en poussant des chariots pesant plus de 122 livres sur du tapis. Elle a reçu des indemnités pour accident du travail en raison de ces blessures. Le 10 janvier 2010, Travail sécuritaire Nouveau-Brunswick (CSSIAT) l’a avisée que ses indemnités cesseraient le 15 janvier 2010 (pièce 15). Cette date a par la suite été modifiée au 15 août 2010. Conformément aux règles de l’organisme et en raison de son âge au moment de la soumission de sa réclamation, elle avait droit à des indemnités pendant une période de 24 mois.

6 Mme Mongeon craignait de perdre sa source de revenus à la cessation de ses indemnités et a commencé à évaluer les options s’offrant à elle pour assurer son bien-être financier au cas où elle ne pourrait pas reprendre le travail. Lorsque ses indemnités pour accident du travail ont cessé prématurément, elle a dû utiliser tous ses crédits de congé de maladie et de congé annuel, après quoi elle a soumis une demande de prestations d’assurance-emploi pour cause de maladie et a demandé un congé non payé. Elle était démunie financièrement. Elle en a appelé de la décision concernant ses droits devant la CSSIAT et a contesté avec succès la date de cessation de ses indemnités pour accident du travail. Cependant, cela n’a fait que retarder la cessation inévitable de ses indemnités.

7 De janvier 2010 à mars 2010, Mme Mongeon a utilisé ses crédits de congé annuel et de congé de maladie. Elle s’est ensuite tournée vers l’assurance-emploi. À compter du 15 juillet 2010, elle était en congé non payé, et ce, jusqu’à son départ à la retraite le 30 octobre 2010. En décembre 2011, l’appel de Mme Mongeon concernant ses indemnités pour accident du travail a été accueilli, et elle a dû rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’elle avait touchées. Une fois l’appel de Mme Mongeon accueilli, l’employeur lui a remboursé les crédits de congé annuel et de maladie qu’elle avait dû utiliser. Ceci n’a pas donné lieu à un paiement en trop parce que les crédits de congé annuel et de maladie ont ensuite été déduits pour couvrir une période de crédits avancés. 

8 En octobre 2010, Mme Mongeon comptait sept années de service ouvrant droit à pension auprès de l’employeur. Elle avait droit à 367 $ bruts par mois du Régime de pension de retraite de la fonction publique. Ses seules autres sources de revenus à ce moment étaient ses prestations du Régime de pensions du Canada, sa prestation de sécurité de la vieillesse et une petite pension de la sécurité sociale des États-Unis parce qu’elle avait déjà travaillé dans l’industrie de l’aviation aux États-Unis.

9 Mme Mongeon n’avait pas l’intention de prendre sa retraite en octobre 2010. Elle prévoyait informer son employeur le 30 septembre 2009 de son intention de se prévaloir d’un programme qui lui aurait permis de réduire ses heures et de travailler à temps partiel tout en cotisant au régime de pension comme si elle travaillait à temps plein (« congé préalable à la retraite »). Conformément à son plan, elle aurait pris sa retraite le 30 septembre 2011. La direction connaissait bien ses intentions parce qu’elle avait affiché un calendrier dans la salle de photocopie de son lieu de travail et y avait marqué le 30 septembre 2011 comme étant la date de sa retraite. En réponse à un courriel de son employeur demandant aux employés quand ils prévoyaient prendre leur retraite, la fonctionnaire a indiqué le 30 novembre 2011. Toutefois, en raison de sa situation financière précaire, elle n’a pas eu d’autre choix que de prendre sa retraite en octobre 2010. En contre-interrogatoire, Mme Mongeon a déclaré qu’elle avait avisé son employeur en 2007 de son intention de prendre un congé préalable à la retraite en septembre 2009 et de prendre sa retraite en septembre 2011 (pièce 18).

10 Pour assurer la transition entre la cessation de ses indemnités pour accident du travail et sa retraite anticipée en septembre 2011, Mme Mongeon a demandé un congé pour accident de travail en vertu de l’article 37 de la convention collective. L’employeur a rejeté sa demande et lui a proposé deux options : prendre sa retraite ou retourner au travail. Elle a présenté sa lettre de démission à la ministre de TPSGC le 26 octobre 2010, avec effet immédiat (pièce 7, onglet 13). Elle a ensuite rencontré les représentants de l’employeur à son domicile pour discuter de ses options. Ils l’ont aidée à remplir les formulaires requis.

11 La fonctionnaire a reçu deux lettres de l’employeur dans lesquelles il était écrit qu’elle n’était pas obligée de prendre sa retraite et qu’elle pouvait retourner au travail en soumettant un certificat de santé de son médecin (pièce 7, onglets 14 et 15). En réalité, il lui était impossible de retourner au travail sans que certaines conditions soient respectées, notamment qu’on lui fournisse une description de travail mise à jour, qu’elle fasse l’objet d’une évaluation d’aptitude au travail et qu’elle soit affectée à de nouvelles tâches tenant compte de ses restrictions. Si ces conditions avaient été réunies, elle aurait pu retourner au travail le 30 novembre 2011, bien que l’employeur n’ait pas été avisé de cette possibilité. Comme ces conditions n’ont pas été réunies, le médecin a maintenu le congé de maladie.

12 La fonctionnaire a déclaré que ses problèmes de santé avaient été aggravés en raison de tous les obstacles rencontrés dans le cadre de ses transactions avec l’employeur concernant les présentes affaires. Elle a eu droit à 160 jours de congé pour accident de travail entre 2006 et 2010. À son avis, l’employeur connaissait sa situation lorsqu’elle a présenté une demande de congé pour accident de travail en janvier 2010 : elle ne pouvait pas retourner au travail et elle était aux prises avec d’importantes contraintes financières. L’employeur a agi de manière insensible et déraisonnable en rejetant sa demande.

13 Jennifer Touhey a témoigné pour le compte de l’employeur. Elle occupe le poste de conseillère principale en relations de travail à l’administration centrale de TPSGC depuis 2004. Sa carrière en relations de travail a commencé en 2000. Elle est chargée de conseiller la direction sur l’interprétation des conventions collectives et les droits des employés et de fournir de l’aide à la direction dans le cadre de procédures de règlement des griefs et de plaintes. Mme Touhey a commencé à s’occuper du dossier de la fonctionnaire autour de janvier 2007. Elle a fourni du soutien au représentant régional des relations de travail en ce qui concerne l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation. À partir du moment où l’affaire est devenue compliquée, elle a pris en charge le dossier à titre de conseillère principale.

14 Le 14 janvier 2008, Santé Canada a indiqué à l’employeur que la fonctionnaire serait considérée comme apte à retourner au travail à la suite d’une évaluation d’un spécialiste et d’une évaluation des capacités fonctionnelles (pièce 7, onglet 1). Le 28 février 2008, l’employeur a été informé des résultats de l’évaluation des capacités fonctionnelles (pièce 7, onglet 2). À ce moment, la fonctionnaire travaillait à temps plein. À la recommandation de Santé Canada, sa semaine de travail a été réduite à quatre jours.

15 La pièce 8 retrace l’historique de la fonctionnaire auprès de l’employeur au bureau de Shediac. En juin 2006, la fonctionnaire a déposé une demande d’indemnités d’accident de travail. Entre juin et décembre 2006, la fonctionnaire a utilisé ses crédits de congé de maladie et de congé annuel pour couvrir les jours où elle n’était pas en mesure de travailler en raison de sa blessure. Une fois que la demande d’indemnité pour accident du travail a été acceptée, le temps perdu en raison de la blessure a été converti en congé pour accident de travail et les crédits de congé annuel et de congé de maladie qui avaient été utilisés ont été remboursés. La fonctionnaire a utilisé des congés pour accident de travail à différents moments de son historique de blessure.

16 En juillet 2008, l’employeur a demandé l’aide de Santé Canada pour évaluer l’aptitude de la fonctionnaire à travailler (pièce 7, onglet 3). La fonctionnaire avait été absente du travail pendant une longue période, et l’employeur avait besoin d’information au sujet des mesures d’adaptation requises pour son retour au travail. Santé Canada a répondu (pièce 7, onglet 5) que les restrictions demeuraient les mêmes et qu’elles devraient être considérées comme permanentes.

17 En janvier 2008, il y a eu réapparition de la blessure dont la fonctionnaire a souffert en 2006 et pour laquelle elle avait utilisé ses crédits de congé de maladie, ainsi que des congés de maladie non payés. Sa réclamation a été acceptée en août 2008 (pièce 7, onglet 4), et on lui a remboursé les congés payés qu’elle avait utilisés. L’employeur a modifié les 130 jours en congés pour accident du travail.

18 En août 2009, la fonctionnaire a communiqué avec l’employeur (pièce 14), par l’entremise de son représentant, Matt Doherty, pour demander si elle était admissible à certaines indemnités. À ce moment, la fonctionnaire avait 65 ans et ses indemnités pour accident du travail devaient cesser en décembre 2009. M. Doherty cherchait notamment à connaître les droits de la fonctionnaire en matière de congé pour accident de travail au cas où elle ne pourrait pas retourner travailler en janvier 2010. En réponse à ces questions, Mme Mongeon a été informée que sa demande de congé pour accident de travail était rejetée parce qu’elle avait épuisé tous ses droits à cet égard (pièce 7, onglet 7). L’employeur était d’avis qu’il lui avait accordé un nombre raisonnable de jours de congé pour accident de travail, soit environ 160 jours, alors que la politique du Conseil du Trésor (pièce 7, onglet 28) prévoyait 130 jours.

19 Comme les indemnités pour accident du travail de Mme Mongeon ont cessé et qu’elle avait utilisé tous ses jours de congé pour accident de travail, il ne lui restait plus qu’à utiliser ses congés de maladie, ses congés annuels et ses congés compensatoires. Mme Touhey a transmis cette réponse à M. Doherty par courriel le 28 janvier 2010 (pièce 7, onglet 9).

20 En vertu de la politique sur le congé pour accident du travail (la « politique ») du Conseil du Trésor, une limite de 130 jours de ce type de congé peut être avancée afin d’éviter une interruption du salaire en attendant la décision de la CSSIAT relativement à une réclamation. Après 130 jours, le groupe responsable de la gestion des dossiers d’invalidité doit examiner le dossier. Si l’employé est susceptible de retourner au travail dans un avenir rapproché, on lui accorde plus de congés pour accident de travail. Ce type de congé couvre la pleine rémunération du salaire de l’employé. Aucun autre congé pour accident de travail n’est accordé une fois que le dossier d’indemnités pour accident du travail est fermé. La politique s’applique à tous les employés, peu importe leur âge. La décision d’accorder des congés pour accident de travail supplémentaires est fondée sur des facteurs tels que le libellé de la convention collective, le nombre de jours utilisés à ce jour et si le dossier a été fermé par la CSSIAT.

21 Selon Mme Touhey, Mme Mongeon voulait utiliser des congés pour accident de travail pour couvrir la période entre la fermeture de son dossier de réclamation d’indemnités pour accident du travail et la date à laquelle elle souhaitait prendre sa retraite. Comme son dossier de réclamation a été fermé, aucun mécanisme ne s’offrait à elle pour obtenir des congés pour accident de travail supplémentaires. Le congé pour accident de travail n’a jamais eu pour objet de fournir à un employé un congé payé d’une durée indéterminée. Son dossier de réclamation d’indemnités pour accident du travail n’a pas été fermé parce qu’elle était apte à retourner au travail, mais bien parce qu’elle avait épuisé ses droits en vertu des mesures législatives en matière d’indemnités pour accident du travail. Mme Mongeon avait 63 ans lorsqu’elle a déposé sa réclamation, ce qui signifie qu’elle avait droit à des indemnités pour accident du travail pendant 24 mois.

22 Au moment de prendre sa décision, l’employeur n’a pas tenu compte de la raison pour laquelle les indemnités pour accident du travail de la fonctionnaire ont cessé. Il a plutôt étudié l’intention du congé pour accident de travail, qui ne doit pas être utilisé pour fournir à un employé un congé payé pendant une période prolongée. L’article 37 de la convention collective ne prévoit pas de plafond en ce qui concerne le nombre de congés pour accident de travail dont dispose un employé. Lorsque Mme Mongeon étudiait les options s’offrant à elle pour maintenir son revenu d’emploi, elle a reçu une lettre lui exposant ses options; le congé pour accident de travail ne faisait pas partie de ces options (pièce 7, onglet 10).

23 Après avoir soumis sa démission, Mme Mongeon a déposé le présent grief. Un représentant de l’agent négociateur a communiqué avec Mme Touhey, le 2 novembre 2010. Le représentant lui a indiqué que Mme Mongeon était apte à travailler et qu’elle avait été forcée de prendre sa retraite afin d’avoir les fonds nécessaires pour vivre. Mme Touhey a expliqué au représentant que Mme Mongeon avait volontairement pris les mesures pour connaître ses droits si elle prenait sa retraite et qu’elle a ensuite présenté sa lettre de démission. Elle n’a jamais mentionné qu’elle était apte à travailler (pièce 7, onglet 14). Quoi qu’il en soit, l’employeur était disposé à rencontrer la fonctionnaire pour examiner les options s’offrant à elle. L’employeur était prêt à lui accorder un congé de maladie non payé en attendant l’issue de l’évaluation de l’aptitude au travail, ce qui lui aurait permis de conserver sa qualité d’employé. Elle n’était pas intéressée; elle voulait obtenir un congé payé.

24 L’employeur a communiqué avec Mme Mongeon en décembre 2010 pour s’assurer de son intention véritable au sujet de sa retraite (pièce 7, onglet 16). Le 14 décembre 2010, la fonctionnaire a envoyé un courriel à l’employeur lui indiquant qu’elle démissionnait sous toute réserve et qu’elle avait renvoyé son grief à l’arbitrage. Elle a également indiqué qu’elle avait déposé deux plaintes auprès de la CCDP, alléguant des violations des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP ») (pièce 7, onglet 17).

25 David Stevens occupe le poste de directeur général du Centre des pensions de la fonction publique à Shediac depuis juillet 2009. Il fournit l’orientation générale à ses 700 employés. Il a répondu au grief de la fonctionnaire au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Avant juillet 2009, il était directeur des opérations liées aux pensions à Shediac. À ce titre, il a approuvé 176 jours de congé pour accident de travail pour la fonctionnaire.

26 Lorsque la fonctionnaire a présenté sa demande de congés pour accident de travail supplémentaires, elle avait déjà dépassé le plafond de 130 jours. M. Stevens a consulté la direction des relations de travail de l’employeur, ainsi que les conseillers en matière d’indemnités pour accident de travail d’Halifax et le Bureau de gestion des conflits. M. Stevens a été avisé que le dossier de réclamation des indemnités pour accident du travail de Mme Mongeon avait été fermé.

27 Le congé pour accident de travail vise à assurer la transition entre le moment où l’employé subit une blessure et le moment où il commence à recevoir des indemnités pour accident du travail. La fonctionnaire avait déjà eu droit à plus de congés pour accident de travail que le nombre normalement accordé aux fonctionnaires. Rien ne laissait croire qu’elle serait apte à retourner au travail dans un avenir rapproché. S’il avait été permis de penser qu’elle serait apte à travailler, elle aurait pu réintégrer son lieu de travail. Le congé non payé et le départ à la retraite sont les options qu’on lui a présentées en réponse à sa demande de congé pour accident de travail. Pour Mme Mongeon, le congé non payé n’était pas envisageable en raison de sa situation financière. Elle a fait valoir qu’elle avait eu l’impression d’être forcée de prendre sa retraite. Toutefois, la retraite ne représentait qu’une des options que lui a présentées l’employeur. L’employeur lui a proposé de rencontrer des spécialistes de la rémunération pour s’assurer qu’elle avait en main toute l’information pertinente avant de prendre une décision (pièce 7, onglet 14). Lorsque Mme Mongeon a soumis sa démission, M. Stevens a vérifié auprès du conseiller en relations de travail que Mme Mongeon avait été complètement informée de ses options et qu’elle était entièrement consciente de ce qu’elle faisait (pièce 7, onglet 17).

28 M. Stevens a accepté la démission de la fonctionnaire le 16 décembre 2010. Il était doté du pouvoir délégué d’accepter les démissions. Il a conclu que la décision était juste et qu’elle prenait en considération l’ensemble des circonstances, l’intention de l’article 37 de la convention collective et le traitement des autres employés.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour la fonctionnaire

29 La fonctionnaire s’est blessée au travail le 29 mai 2006. Sa réclamation d’indemnités pour accident du travail (pièce 10) a finalement été acceptée le 20 février 2008 (pièce 11). La période allant d’octobre 2006 à janvier 2007 est considérée comme faisant partie de la demande. Cependant, la fonctionnaire n’a reçu aucune indemnité pour accident du travail pour cette période parce qu’elle était alors en congé pour accident de travail. Les congés de maladie qu’elle a utilisés pendant la période d’attente de l’approbation de sa réclamation ont également été convertis en congés pour accident de travail. En 2007, la fonctionnaire est retournée au travail. À la fin de 2007 ou au début de 2008, elle a subi une évaluation des capacités fonctionnelles, à la suite de quoi la CSSIAT a accepté sa réclamation d’indemnités pour accident du travail rétroactivement au 15 janvier 2008. Encore une fois, la fonctionnaire n’a touché aucune indemnité parce que les congés de maladie utilisés avaient été convertis en congés pour accident de travail (pièce 8). Entre février 2008 et le 23 avril 2008, la fonctionnaire s’est absentée du travail à plusieurs reprises en raison de sa blessure; elle a alors utilisé ses congés de maladie. Le 23 avril 2008 est une journée importante étant donné qu’après cette date la fonctionnaire n’est jamais retournée au travail. Elle a commencé à toucher directement des indemnités pour accident du travail le 20 août 2008. Tous les congés de maladie qu’elle a utilisés entre le 20 juin 2006 et le 19 août 2008 ont été convertis en congés pour accident de travail.

30 Le 20 janvier 2009, la fonctionnaire a appris que ses indemnités pour accident du travail cesseraient le 15 janvier 2010 parce qu’elle avait plus de 63 ans lorsque sa réclamation a été acceptée. Les employés âgés de 63 ans ou plus au moment de l’acceptation de leur réclamation ont droit à des indemnités pour accident du travail pour une période de 24 mois seulement. Mme Mongeon voulait savoir ce qui se passerait si elle n’était pas en mesure de retourner au travail en raison de son accident de travail en 2010. Elle a écrit une lettre à son employeur le 24 août 2009 pour lui demander quelles étaient ses options (pièce 14). Il s’agissait de la première fois qu’elle cherchait officiellement à savoir si elle avait droit à un congé pour accident de travail après la cessation de ses indemnités pour accident du travail. Il est important de noter que ses indemnités pour accident du travail n’avaient pas cessé parce qu’elle n’était plus blessée.

31 En septembre 2009, l’employeur a répondu que Mme Mongeon n’avait pas droit à des congés pour accident de travail parce qu’elle les avait déjà pris et qu’elle recevait des paiements directement de la CSSIAT. En janvier 2010 (pièce 7, onglet 9), la fonctionnaire a encore une fois demandé si elle avait droit à des congés pour accident de travail à la suite de la cessation de ses indemnités pour accident du travail. Encore une fois, on lui a répondu que non. Cependant, cette fois, le refus était lié au nombre de congés déjà utilisés et au fait qu’on ne s’attendait pas à ce qu’elle retourne au travail dans un avenir rapproché, et ce, malgré le fait que l’employeur savait qu’elle serait absente du travail jusqu’au mois de novembre 2010 (pièce 7, onglet 26). La décision de l’employeur portait sur le nombre de congés pour accident de travail déjà accordés et ne tenait pas compte de son aptitude à travailler.

32 Sans ses indemnités pour accident du travail et sans un congé pour accident de travail, le seul revenu de Mme Mongeon était d’environ 1 060 $ bruts par mois ou 12 720 $ par année; son salaire annuel à titre d’employée classifiée CR-03 était de 38 000 $ à 40 000 $. Avec ce revenu, elle devait payer son loyer, ses services et ses aliments. Elle a cherché des moyens qui lui permettraient de maintenir sa rémunération (pièce 7, onglet 10). Compte tenu de sa situation financière, elle a utilisé ses crédits de congé annuel et de congé de maladie, comme l’a suggéré son employeur, à la suite de quoi elle prendrait un congé non payé avant de soumettre une demande d’assurance-emploi. Pendant qu’elle était en congé non payé, Mme Mongeon a démissionné (pièce 7, onglet 13). Comme elle était en difficulté financière, elle a fait une demande de retraite pour raisons médicales. Il est important de noter qu’elle n’a pas obtenu une pleine pension. Elle comptait seulement sept années de service ouvrant droit à pension, mais la petite pension qu’elle toucherait serait mieux qu’aucun revenu.

33 L’article 37 de la convention collective et la politique exigent qu’une réclamation soit déposée en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (L.R.C. (1985), ch. G-5). Le paiement des indemnités prévu à l’article 37 est obligatoire :

CONGÉ POUR ACCIDENT DE TRAVAIL

37.01 L’employé-e bénéficie d’un congé payé pour accident de travail d’une durée fixée raisonnablement par l’Employeur lorsqu’une réclamation a été déposée en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État et qu’une commission des accidents du travail a informé l’Employeur qu’elle a certifié que l’employé-e était incapable d’exercer ses fonctions en raison :

a) d’une blessure corporelle subie accidentellement dans l’exercice de ses fonctions et ne résultant pas d’un acte délibéré d’inconduite de la part de l’employé-e;

ou

b) d’une maladie ou d’une affection professionnelle résultant de la nature de son emploi et intervenant en cours d’emploi;

si l’employé-e convient de verser au receveur général du Canada tout montant d’argent qu’il ou elle reçoit en règlement de toute perte de rémunération résultant d’une telle blessure, maladie ou affection, à condition toutefois qu’un tel montant ne provienne pas d’une police personnelle d’assurance-invalidité pour laquelle l’employé-e ou son agent a versé la prime.

[Je souligne]

34 Si l’intention de l’article 37 de la convention collective était telle que le prétend M. Stevens, à savoir d’assurer la transition en attendant le début du paiement des indemnités pour accident du travail, l’article serait libellé différemment. Il aurait pu être rédigé de sorte à limiter expressément son application au type d’utilisation décrite. L’agent négociateur a plutôt soutenu que l’article visait à fournir une forme de sécurité du revenu aux travailleurs blessés. La politique appuie cette interprétation de l’article, et non celle de M. Stevens. La période de 130 jours mentionnée dans la politique ne constitue pas un plafond, mais bien un élément déclencheur, soit celui de provoquer la tenue d’un examen du dossier de l’employé. Rien dans la politique n’empêche l’employeur d’accorder d’autres jours de congé pour accident de travail. La politique exige que l’employeur se questionne à savoir s’il serait justifié de continuer de payer des congés pour accident du travail à l’employé. Le but n’est pas seulement d’assurer la transition de l’employé jusqu’au paiement des premières indemnités pour accident du travail; il s’agit d’offrir une sécurité du revenu au travailleur blessé, qu’il touche des indemnités pour accident du travail ou qu’il soit en congé payé.

35 La décision de l’employeur a été communiquée à la fonctionnaire le 3 septembre 2009, puis de nouveau le 28 janvier 2010 (pièce 7, onglets 7 et 9). Les réponses au grief (pièce 4) reprennent la même conclusion. La réponse à la demande de la fonctionnaire concernant des congés supplémentaires pour accident de travail va dans le même sens puisqu’elle mentionne que la fonctionnaire a déjà reçu un nombre suffisant de congés, peu importe sa situation financière. Mme Touhey a déclaré que, comme la fonctionnaire avait atteint le maximum, l’employeur ne pouvait rien faire de plus pour elle.

36 Pour en venir à cette conclusion, Mme Touhey a examiné le nombre de congés pour accident de travail auxquels la fonctionnaire avait déjà eu droit et a consulté la convention collective. Elle ne s’est pas demandé si le dossier de réclamation de la fonctionnaire était fermé ou pourquoi il était fermé. L’incapacité de la fonctionnaire a de toute évidence persisté après la cessation des indemnités pour accident du travail. Les indemnités ont cessé en raison de l’âge de la fonctionnaire. L’employeur savait qu’elle était toujours blessée, et il aurait dû en tenir compte au moment de déterminer si d’autres congés pour accident de travail devaient être accordés. L’employeur aurait dû se demander si la situation justifiait l’octroi de congés pour accident de travail supplémentaires.

37 La convention collective et la jurisprudence n’appuient pas la position de l’employeur. Selon Vaughan c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2010 CRTFP 74, un arbitre de grief doit se demander comment l’employeur a pris sa décision et s’il a omis d’examiner un facteur important. Le processus utilisé par l’employeur dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de congés pour accident de travail ne peut être arbitraire. Un aspect important de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire est qu’il doit tenir compte des circonstances entourant la présentation de la demande de congé. Il doit étudier l’ensemble des facteurs pertinents, et la décision doit être raisonnable par rapport au contexte (King c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2006 CRTFP 37, et Sabiston c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale),dossier de la CRTFP 166-02-10395 (19820105)).

38 L’employeur aurait dû, entre autres, tenir compte de l’accès de la fonctionnaire à un autre revenu (voir Labadie c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 90). Contrairement à la situation dans Colyer c. Conseil du Trésor (Défense nationale),dossier de la CRTFP 166-02-16309 (19871105), la fonctionnaire en l’espèce n’avait aucune autre source de revenu, ce qui constitue un facteur important dont l’employeur aurait dû tenir compte.

39 L’employeur aurait pu approuver un congé pour accident de travail d’une durée qu’il jugeait raisonnable (Demers c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15161 (19860616), et Juteau c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15113 (19851206)). En tenant compte des circonstances en l’espèce, il n’était pas raisonnable de fonder sa décision sur le fait que Mme Mongeon avait déjà eu droit à une période de congé pour accident de travail. Dans le cadre du processus décisionnel, une grande importance a été accordée au nombre de jours de congé pour accident de travail ayant déjà été avancé. Un facteur déterminant dont il n’a pas été tenu compte est le motif de la cessation des indemnités pour accident du travail.

40 L’article 37 de la convention collective et la politique visent à fournir un soutien du revenu au travailleur blessé, que ce soit en vertu de la convention collective ou des mesures législatives en matière d’indemnités pour accident du travail. L’opinion de M. Stevens, selon laquelle le congé pour accident de travail servait de transition jusqu’au paiement des indemnités pour accident du travail, a eu une influence notable sur la prise de décision à l’égard de la demande de Mme Mongeon. L’employeur n’a pas pris en compte les facteurs propres au cas de Mme Mongeon et ne leur a pas accordé le poids approprié au moment de prendre sa décision, ce qui constituait un exercice déraisonnable de son pouvoir discrétionnaire.

41 Le régime en place ne tient pas bien compte des réalités des travailleurs plus âgés qui subissent des accidents de travail. Cependant, l’article 37 de la convention collective peut aider. Lorsqu’il est interprété de manière intégrale et conforme à son objet, l’article 37 pourrait aider les employés à éviter les circonstances comme celles auxquelles a fait face Mme Mongeon. Aucun élément de preuve n’a établi que l’employeur aurait subi un préjudice indu, financier ou autre, si Mme Mongeon avait été rémunérée jusqu’à la date de sa retraite anticipée en 2011.

42 Selon King,l’arbitre de grief peut soit déterminer la période raisonnable de congé pour accident de travail devant être accordée dans les circonstances ou renvoyer l’affaire à l’employeur pour qu’il détermine le nombre approprié de congés à avancer au fonctionnaire. En l’espèce, la première option serait préférable. La fonctionnaire a fait valoir qu’une période appropriée de congé pour accident de travail serait équivalente au montant de congés annuels qu’elle a utilisés immédiatement avant son départ à la retraite, ce qui correspondait à 75 heures.

43 Le fardeau de la preuve incombait à l’employeur. Mme Mongeon avait des avis du médecin à l’appui de ses congés pendant des périodes précises. Aucun élément de preuve n’a démontré qu’elle ne retournerait pas au travail. Les réponses de l’employeur étaient fondées essentiellement sur le fait que, à son avis, elle avait déjà reçu assez de jours de congé pour accident de travail.

B. Pour l'employeur

44 La Commission n’a pas compétence parce que la fonctionnaire a pris sa retraite conformément à la LEFP. L’article 211 de la Loi prévoit expressément que la Commission n’a pas compétence pour entendre les questions visées par la LEFP. La Commission a étudié la question de sa compétence en ce qui concerne la retraite pour des raisons médicales dans Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90, et a conclu ce qui suit au paragraphe 87 : « Un avis de cessation d’emploi est de facto une démission volontaire. Le fonctionnaire a quitté son emploi de son propre chef pour s’assurer un revenu ». Mme Mongeon a présenté sa démission le 26 octobre 2010, et celle-ci n’a pas été acceptée avant le 16 décembre 2010. Pendant cette période de deux mois, Mme Mongeon n’a pas tenté de se rétracter. L’employeur a pris des mesures pour s’assurer qu’elle avait toute l’information nécessaire avant de mettre un terme à son emploi. Elle a bénéficié des conseils de son agent négociateur, ainsi que de ceux des représentants de la direction des relations de travail de l’employeur et de son analyste de la rémunération. L’employeur lui a donné le choix d’être en congé non payé, mais elle a insisté sur son intention de prendre sa retraite. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence pour instruire le grief dans le dossier de la CRTFP 566-02-6885.

45 Les allégations de discrimination soulevées dans les griefs (dossiers de la CRTFP 566-02-6884 et 6885) ont également fait l’objet d’une plainte auprès de la CCDP. Il ressort clairement des onglets 18 et 19 de la pièce 7 que les questions soulevées dans les griefs sont les mêmes que celles soumises à la CCDP. Les parties ont eu la possibilité de présenter des observations au sujet du rapport de la CCDP (pièce 7, onglet 20) avant que la CCDP ne rende sa décision (pièce 7, onglets 21 et 22). Par la suite, la CCDP a examiné de l’information supplémentaire et a rendu une décision complémentaire (pièce 7, onglet 25). La fonctionnaire a demandé sans succès le contrôle judiciaire de la décision de la CCDP (pièce 22). Les deux renvois à l’arbitrage sont un dédoublement des plaintes devant la CCDP. Ces questions ne devraient pas être examinées davantage puisqu’elles sont déjà jugées (voir Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c. Figliola, 2011 CSC 52, Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, et Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44).

46 La fonctionnaire en l’espèce a demandé un congé payé pour une période prolongée. En 2009, elle a signalé son intention de prendre sa retraite en 2011. Cela correspond à une période beaucoup plus longue que les 75 heures évoquées par le représentant de la fonctionnaire comme étant raisonnables dans les circonstances. La décision de l’employeur de refuser la demande de la fonctionnaire était raisonnable. Le congé pour accident de travail est un congé payé, et il aurait été contraire à l’essence du contrat d’emploi de l’accorder pendant une année supplémentaire. Cette mesure d’adaptation aurait causé un préjudice indu (Hydro-Québec c. Syndicat des Employé-e-s de Techniques Professionnelles et de Bureau d’Hydro Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43).

47 Le libellé de l’article 37 de la convention collective est clair et non équivoque. Deux conditions doivent être remplies : l’employé doit toucher des indemnités pour accident du travail et l’employeur peut déterminer ce qui est approprié et raisonnable. Cet article deviendrait absurde s’il fallait l’interpréter de façon aussi large que le prétend la fonctionnaire. La fonctionnaire a fait valoir que dès lors qu’un employé n’est plus admissible à des indemnités pour accident du travail, l’employeur devrait lui verser une rémunération pendant une période prolongée jusqu’à ce qu’il ait accès à une autre source de revenus. Autrement dit, l’employeur devrait rémunérer un employé qui ne travaille pas. L’intention de la convention collective et de la politique est manifestement d’assurer la transition jusqu’à ce que l’employé commence à recevoir des indemnités pour accident du travail.

48 Le fait que la fonctionnaire ait déjà eu droit à 160 jours de congé pour accident de travail ne constituait qu’un seul des facteurs dont il fallait tenir compte. L’autre facteur était qu’elle ne pouvait pas retourner au travail dans un avenir rapproché. Cette question a été discutée à plusieurs reprises avec la fonctionnaire et ses représentants avant novembre 2010. L’employeur a fait preuve de bonne foi en accordant certains congés en vertu de l’article en question, dont l’intention n’est pas d’assurer la transition jusqu’à la retraite d’un employé. La fonctionnaire a eu droit à plus que les 130 jours prévus dans la politique pour assurer la transition jusqu’à ce qu’elle commence à recevoir des indemnités pour accident du travail. Elle a reçu tout ce à quoi elle avait droit en vertu de la convention collective. En réalité, elle a reçu plus que les autres travailleurs blessés. L’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire. Il n’avait aucune obligation de continuer de lui verser une rémunération alors qu’il était fort peu probable qu’elle retourne au travail. Il lui a offert de prendre un congé non payé, ce qu’elle a refusé. L’employeur n’a pas mis fin à la relation d’emploi; c’est elle qui l’a fait. Elle a choisi l’autre option qui s’offrait à elle pour s’assurer un revenu, soit la retraite.

49 Rien ne permet de croire que la décision de l’employeur devrait être réexaminée. Elle a été prise en se fondant sur l’information disponible à ce moment. Compte tenu des circonstances, la décision était raisonnable.

IV. Motifs

50 Comme la fonctionnaire a retiré dès le début de l’argumentation son allégation portant sur la discrimination, je ne suis pas tenue de traiter l’objection préliminaire fondée sur le principe de la chose jugée. Bien qu’une partie du rapport de la CCDP portait sur le refus du congé pour accident de travail, il le faisait dans la perspective des droits de la personne et non en fonction des dispositions sur les congés de la convention collective, comme l’a fait valoir l’agent négociateur devant moi.

51 Cependant, je dois me pencher sur la question de ma compétence aux termes de la LEFP et de la Loi. L’employeur m’a renvoyée à Mutart. Contrairement à Mutart, la fonctionnaire en l’espèce ne cherche pas à annuler sa démission et n’a pas présenté ses griefs sous cet angle.

52 La fonctionnaire a allégué que l’employeur avait refusé de lui accorder un congé pour accident de travail; par conséquent, elle a pris sa retraite prématurément. M. Mutart avait deux options : un licenciement sans faute ou une retraite pour raisons médicales. L’une ou l’autre menait à la cessation de son emploi pour des motifs qui auraient pu outrepasser ou non le champ de compétence de la Commission. D’autre part, une demande de congé payé conformément à un article de la convention collective, ce qui constitue le fondement des griefs de Mme Mongeon, relève sans équivoque de ma compétence. Par conséquent, je traiterai de la question de savoir si l’employeur a agi de manière raisonnable en rejetant la demande de congés supplémentaires en vertu de l’article 37 de la convention collective.

53 Pour pouvoir se prévaloir de l’article 37 de la convention collective, un employé doit être reconnu comme étant inapte à travailler en raison d’un accident du travail.

ARTICLE 37

CONGÉ POUR ACCIDENT DE TRAVAIL

37.01 L’employé-e bénéficie d’un congé payé pour accident de travail d’une durée fixée raisonnablement par l’Employeur lorsqu’une réclamation a été déposée en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État et qu’une commission des accidents du travail a informé l’Employeur qu’elle a certifié que l’employé-e était incapable d’exercer ses fonctions en raison :

a) d’une blessure corporelle subie accidentellement dans l’exercice de ses fonctions et ne résultant pas d’un acte délibéré d’inconduite de la part de l’employé-e;

ou

b) d’une maladie ou d’une affection professionnelle résultant de la nature de son emploi et intervenant en cours d’emploi;

si l’employé-e convient de verser au receveur général du Canada tout montant d’argent qu’il ou elle reçoit en règlement de toute perte de rémunération résultant d’une telle blessure, maladie ou affection, à condition toutefois qu’un tel montant ne provienne pas d’une police personnelle d’assurance-invalidité pour laquelle l’employé-e ou son agent a versé la prime.

[Je souligne]

Jusqu’au moment de la cessation de sa demande, Mme Mongeon était reconnue comme étant une travailleuse accidentée.

54 Au Nouveau-Brunswick, les indemnités pour perte de salaire de la CSSIAT cessent lorsque le travailleur atteint 65 ans. Le travailleur qui est âgé de 63 ans ou plus au moment où commence la perte de revenu peut toucher des indemnités pendant un maximum de deux ans, dès lors qu’il est restreint, en raison de ses blessures, d’exécuter les tâches auxquelles il était affecté avant l’accident. Au terme de la période de deux ans, le travailleur perd sa qualité de travailleur accidenté reconnu. Dès lors, il ne peut plus recevoir d’indemnités du régime provincial du Nouveau-Brunswick pour les accidentés du travail et son dossier de réclamation est fermé. Contrairement aux arguments avancés par l’agent négociateur, la fonctionnaire n’était plus une travailleuse blessée reconnue par la province où elle travaillait. Par conséquent, elle ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité au congé pour accident de travail prévu à l’article 37 de la convention collective, et son grief doit être rejeté en fonction de ce seul motif.

55 Cependant, je poursuivrai mon analyse du caractère raisonnable de la décision de l’employeur de refuser d’accorder des congés pour accident de travail supplémentaires à la fonctionnaire. Conformément à Sabiston, pour déterminer si une période de congé pour accident de travail est raisonnable, un arbitre de grief doit se pencher sur les facteurs que l’employeur a étudiés pour prendre sa décision (page 7). La Commission a adopté cette démarche dans plusieurs de ses décisions. Dans Vaughan, au paragraphe 94, l’arbitre de grief a abordé la question de la preuve requise afin de démontrer que l’employeur n’avait pas examiné tous les facteurs importants et a conclu ce qui suit :

94. […] Si l’on avait produit une preuve que l’employeur a refusé de prendre en considération des renseignements fournis par le fonctionnaire lors de cette rencontre, avant celle-ci ou ultérieurement, peut-être aurait-on pu établir que l’employeur a omis de prendre en considération un « facteur important ». Dans l’état actuel des choses, les déclarations du fonctionnaire selon lesquelles l’employeur n’a pas tenu compte des pertes subies au titre de la pension et des avantages sociaux, de l’impact de l’imposition ou de l’historique de ses transactions avec la Sun Life, relèvent clairement de la conjecture. Pour prouver que l’employeur a agi déraisonnablement en faisant fi de ces facteurs ou d’autres « facteurs importants », il faut établir que, dans les faits, le fonctionnaire a fourni ces renseignements à l’employeur ou que ce dernier y a eu accès par ailleurs et qu’il n’en a pas tenu compte ou qu’il les a écartés déraisonnablement […]

56 Dans la présente affaire, la fonctionnaire n’a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’employeur n’avait pas tenu compte de certains facteurs importants au moment de décider de lui refuser un nouveau congé pour accident de travail, ce qui rendait sa décision déraisonnable. Il ressort clairement de la preuve que l’employeur a tenu compte de l’ensemble des circonstances, notamment de l’incidence sur sa pension, et qu’il n’a pas pris à la légère la décision de refuser le congé.

57 Au moment où elle a été soumise et pendant la durée de la procédure de règlement du grief, la demande de la fonctionnaire ne correspondait pas, comme l’a prétendu la représentante de la fonctionnaire dans l’argumentation, à une demande de deux semaines supplémentaires de congé. L’employeur a examiné une demande de congé pour une période beaucoup plus longue, soit d’environ un an, pour assurer la transition vers la date de départ à la retraite envisagée par la fonctionnaire. Dans son témoignage, Mme Mongeon a affirmé avoir demandé un congé pour accident de travail afin d’assurer la transition jusqu’à la date prévue de sa retraite. Or, ce congé ne peut pas servir à cette fin, comme en témoigne l’exigence prévue dans la convention collective que le congé payé ne peut être accordé que si l’employé a déposé une demande d’indemnités pour accident de travail et qu’il a été reconnu comme étant inapte à travailler en raison de cet accident de travail. Par ailleurs, il semble que l’argument de l’agent négociateur en faveur d’un congé de 75 heures seulement aille à l’encontre de son allégation que l’article en question prévoit une rémunération permettant d’assurer la transition jusqu’à la retraite.

58 La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur avait omis de tenir compte de ses difficultés financières découlant de la cessation de ses indemnités pour accident du travail. L’employeur m’a convaincue qu’il avait dûment examiné la question comme en témoigne le temps qu’il a pris avant d’accepter la démission de la fonctionnaire et l’effort supplémentaire qu’il a déployé pour s’assurer que la fonctionnaire comprenait les conséquences de sa décision de prendre sa retraite au lieu d’accepter un congé non payé jusqu’à la date de sa retraite. L’employeur l’a aussi informée de manière claire qu’un poste l’attendait si elle retournait au travail. Or, l’autorisation médicale n’est jamais arrivée.

59 La fonctionnaire a fait valoir que si l’employeur avait dûment tenu compte de la précarité de sa situation financière, il aurait conclu qu’il était justifié de lui accorder un congé supplémentaire, comme ce fut le cas dans Labadie (paragraphe 24). L’employeur s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait afin de démontrer que tous les facteurs importants avaient été examinés. Pour avoir gain de cause, la fonctionnaire devait démontrer que l’employeur n’avait pas examiné ce facteur et d’autres facteurs importants au moment de rejeter sa demande. Elle n’a pas fait cette démonstration. La preuve de l’employeur a démontré qu’il avait procédé à une analyse exhaustive de la situation entourant la demande et qu’il avait consulté plusieurs personnes avant de prendre sa décision. Plusieurs facteurs ont été examinés notamment l’importance de l’incidence pour l’organisation, la probabilité que la fonctionnaire retourne au travail dans un avenir rapproché et sa qualité de travailleuse blessée, le nombre de jours de congé pour accident de travail lui ayant été accordés dans le passé, la durée du congé demandé et l’objet de l’article 37 de la convention collective.

60 Le simple fait que la fonctionnaire conteste la décision de l’employeur de lui refuser un congé supplémentaire ne fait pas en sorte que cette décision soit déraisonnable ou arbitraire. S’il y avait eu une preuve médicale démontrant que la fonctionnaire serait apte à retourner au travail dans un avenir rapproché, peut-être que la décision de l’employeur aurait été considérée comme déraisonnable, mais ce n’est là qu’une spéculation.

61 Je n’ai pas traité de la question de la mesure d’adaptation parce que cette question se pose uniquement dans le contexte des droits de la personne et de l’invalidité et que la représentante de la fonctionnaire a expressément retiré ces questions. Par ailleurs, aucun élément de preuve n’a été soumis appuyant l’allégation qu’une mesure d’adaptation puisse signifier un congé non payé plutôt qu’une modification des tâches.

62 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

63 Le grief 566-02-6885 est rejeté.

Le 20 juin 2014.

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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