Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Quelque temps avant l’expiration de sa nomination intérimaire, le fonctionnaire s’estimant lésé a été avisé qu’il devait retourner à son poste d’attache - il a signifié son mécontentement face à cette décision et a tenté de remettre une lettre de démission à sa directrice, mais celle-ci l’a exhorté à réfléchir plus longuement - le fonctionnaire s’estimant lésé a continué de manifester du ressentiment et a informé son employeur à plusieurs reprises qu’il démissionnerait - il a omis de se présenter à son poste d’attache à la suite de l’expiration de sa nomination intérimaire, et l’employeur a communiqué avec lui pour lui ordonner de se présenter à son poste - le fonctionnaire s’estimant lésé lui a alors envoyé sa lettre de démission - il a déclaré qu’il avait collé sur la lettre une note autocollante demandant qu’elle soit mise <<en attente>>, mais cette note n’a pas été produite en preuve et il n’en a fait aucune mention dans ses communications ultérieures avec l’employeur - l’employeur a accepté la démission du fonctionnaire s’estimant lésé - le fonctionnaire s’estimant lésé est demeuré absent du travail et a communiqué avec l’employeur pour l’informer qu’il était malade - lorsque l’employeur a avisé le fonctionnaire s’estimant lésé que sa démission avait été acceptée, ce dernier a cherché à faire annuler sa démission, ce que l’employeur a refusé de faire - il a contesté le refus de la direction d’annuler sa démission - l’employeur a soulevé une objection préliminaire à l’égard de la compétence d’un arbitre de grief à trancher le grief en faisant valoir que l’affaire ne portait pas sur une question arbitrable en vertu de l’article209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - le grief avait été renvoyé à l’arbitrage en invoquant une mesure disciplinaire - l’argument selon lequel le refus de l’employeur d’annuler la démission constituait une mesure disciplinaire a eu comme conséquence de modifier la nature du grief ayant été présenté dans le cadre de la procédure de règlement des griefs - rien n’a démontré l’intention de l’employeur d’imposer une mesure disciplinaire, même si la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé aurait été susceptible d’entraîner une mesure disciplinaire - la preuve a démontré que la démission du fonctionnaire s’estimant lésé avait été délibérée et calculée et qu’elle n’avait pas été provoquée ou contrainte. Objection accueillie, dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail  dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-06-11
  • Dossier:  566-02-7327
  • Référence:  2014 CRTFP 63

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CURTIS JAMES ROBERTSON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
Robertson c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Andrew Beck, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Christine Langill, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), du 3 au 5 mars 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Curtis James Robertson, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), travaillait au sein du ministère de la Défense nationale (MDN ou le « défendeur ») jusqu’à ce qu’il remette sa démission par écrit le 1er novembre 2011.

2 Le fonctionnaire a tenté de faire annuler sa démission le 24 novembre 2011, mais le MDN l’a informé peu après qu’il avait déjà accepté sa démission et qu’il refusait sa demande d’annulation.

3 Le fonctionnaire a déposé un grief le 30 novembre 2011, qui a été entendu et rejeté au premier, au deuxième et au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Le 26 juillet 2012, il a renvoyé le grief à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »).

4 À l’audience, le défendeur a soulevé une objection à ma compétence pour les motifs que le fonctionnaire avait présenté une démission valide et que son grief n’était pas arbitrable. J’ai informé les parties que j’entendrais la preuve, notamment celle qui a trait à l’objection à la compétence et au bien-fondé du grief.

II. Résumé de la preuve

5 Le fonctionnaire a témoigné qu’il a commencé à travailler au MDN en septembre 2000 comme commis aux opérations postales, un poste de niveau CR-02. En novembre 2006, il a été promu à un poste de commis principal aux opérations postales (CR-03), poste d’attache qu’il occupait en novembre 2011. Lorsqu’il occupait ce poste, il se présentait à l’immeuble Pearkes, à Ottawa (Ontario).

6 En 2011, le fonctionnaire s’est fait offrir et a accepté deux nominations par intérim liées à un projet ayant pour but de moderniser le service local de livraison de courrier au MDN. Il a d’abord occupé un poste CR-05 du 28 février 2011 au 24 juin 2011, puis un poste CR-04 du 27 juin 2011 au 26 octobre 2011. Le fonctionnaire, qui occupait ces postes par intérim, se présentait alors au travail à un immeuble différent situé à Gatineau (Québec).

7 Au début d’octobre 2011, soit peu après la fin de sa deuxième nomination par intérim, le fonctionnaire a été informé qu’il devrait retourner à son poste d’attache à l’immeuble Pearkes et qu’il relèverait de Julie Hahn, la gestionnaire des services postaux à l’époque. Le fonctionnaire a mentionné qu’il était très mécontent de la décision de son employeur, parce qu’il estimait qu’il n’avait pas achevé toutes les tâches qui lui avaient été attribuées et qu’il aurait dû obtenir une autre nomination par intérim pour terminer le projet auquel il se consacrait.

8 Le ou vers le 4 octobre 2011, le fonctionnaire a rencontré sa directrice adjointe, Robyn Hynes, et lui a précisé et qu’il n’avait aucunement l’intention ou le désir de retourner à la salle du courrier de l’édifice Pearkes. Il a même tenté de remettre à Mme Hynes une lettre de démission qu’il avait rédigée au cours de cette réunion, mais Mme Hynes l’a prié de reconsidérer sa décision.

9 Le 18 octobre 2011, Mme Hahn a rappelé au fonctionnaire qu’il devait se présenter à l’édifice Pearkes à la fin de sa nomination par intérim. Il a tout de suite fait parvenir un courriel à Mme Hynes pour lui faire part de son ressentiment et pour l’informer qu’il lui présenterait sa lettre de démission dans quelques jours. Encore une fois, Mme Hynes l’a prié de ne pas prendre de décisions téméraires et de bien réfléchir. Elle a rappelé au fonctionnaire que son poste d’attache était celui de commis principal aux opérations postales (CR-03) à la salle du courrier de l’édifice Pearkes.

10 Le 19 octobre 2011, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Hynes pour l’informer [traduction] « qu’aucune autre réflexion n’était nécessaire », qu’il avait rédigé sa lettre de démission et que le 28 octobre 2011 serait son dernier jour de travail. Il a ajouté qu’il estimait que Mme Hahn [traduction] « [l]’écartait sans ménagement » en refusant de lui offrir une autre nomination par intérim.

11 Le même jour, le fonctionnaire a échangé des courriels avec Mme Hahn. Dans un courriel, il a mentionné que la réponse à la demande d’un client qu’il s’apprêtait à donner constituerait [traduction] « l’un de [ses] derniers gestes pour ce dépotoir », en parlant de son lieu de travail. Dans un autre message, il l’a avisée qu’il remettrait sa lettre de démission à Mme Hynes le lendemain. Le fonctionnaire est allé plus loin en informant le chef d’équipe d’un autre service du MDN auquel il écrivait au sujet d’une initiative de gestion des dossiers qu’il démissionnerait.

12 Il y a eu un autre échange de courriels entre le fonctionnaire et Mme Hynes le 25 octobre 2011. À ce moment-là, Mme Hynes a rappelé au fonctionnaire que sa nomination par intérim se terminerait sous peu et que le secteur des opérations avait établi qu’il devait retourner à la salle du courrier de l’édifice Pearkes, où se trouvait son poste d’attache. Dans sa réponse, le fonctionnaire a établi clairement qu’il démissionnerait de son poste plutôt que de retourner à la salle du courrier de l’édifice Pearkes. Il a demandé à Mme Hynes à quel moment il conviendrait de lui remettre sa lettre de démission. Mme Hynes n’a pas répondu.

13 Le fonctionnaire n’a fourni aucune explication, ni dans les nombreux échanges de courriels avec la direction ni à l’audience, sur les raisons pour lesquelles il tenait tant à ne pas retourner à son poste d’attache à l’édifice Pearkes.

14 Bien que la nomination par intérim du fonctionnaire à un poste de niveau CR-04 a pris fin le mercredi 26 octobre 2011, Mme Hynes avait accepté de lui donner jusqu’au lundi 31 octobre 2011 pour se relocaliser à l’édifice Pearkes. Toutefois, le fonctionnaire ne s’est pas présenté à la salle du courrier de l’édifice Pearkes ce jour-là, ce qui a poussé Mme Hynes à envoyer un courriel au fonctionnaire le 1er novembre 2011 pour l’enjoindre de se présenter à la salle du courrier de l’édifice Pearkes le lendemain.

15 Le 1er novembre 2011, le fonctionnaire a envoyé sa lettre de démission à Mme Hynes par courrier interne. La lettre se lit comme suit :

[Traduction]

Objet : Démission

Madame Hynes,

          La présente lettre a pour but de vous informer que je démissionnerai de mon poste aux Services de soutien partagés avec prise d’effet le 2 décembre 2011, date de mon dernier jour de travail. J’estime que je ne peux plus contribuer à une organisation qui semble suivre son propre programme et qui ne semble pas savoir clairement ce qu’elle fait lorsqu’elle tente de diriger les services de courrier du ministère.

          Par conséquent, je chercherai un emploi ailleurs. Je demanderais respectueusement que les services de la rémunération me versent l’argent qui m’est dû dès que possible, car ce n’est un secret pour personne que j’en aurai besoin. Vous trouverez ci-joint mes crédits de congés annuels.

          Finalement, j’aimerais souhaiter la meilleure chance aux SSP au cours des mois à venir.

16 Lorsqu’il a témoigné, le fonctionnaire a mentionné qu’il avait présenté sa lettre de démission alors qu’il ressentait de la rage et qu’il avait mis un autocollant jaune sur sa lettre de démission comportant l’annotation [traduction] « Robyn, prière de mettre en suspens ». Le fonctionnaire a dit avoir rempli et signé le même jour un formulaire d’« avis de démission/retraite » du MDN, mais ne pas l’avoir soumis avec sa lettre de démission. Il a été découvert à son pupitre ultérieurement, après avoir quitté son bureau de Gatineau.

17 Le 2 novembre 2011, le fonctionnaire a répondu au courriel que Mme Hynes lui avait envoyé la veille et l’a informée qu’il ne se présenterait pas à la salle du courrier de l’édifice Pearkes et que sa lettre de démission avait été postée. Il ne faisait pas mention d’un autocollant jaune ou de la nécessité de mettre sa démission en suspens. Le même jour, Mme Hahn a rappelé par courriel au fonctionnaire que l’on s’attendait à ce qu’il prenne la prochaine navette interne pour se présenter à l’édifice Pearkes. Le fonctionnaire lui a répondu ce qui suit : [traduction] « Qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans le mot non? Robyn a ma lettre de démission. Je terminerai les jours qui me restent ici, j’emballerai mes objets personnels, je laisserai des notes et je partirai. » Encore une fois, il n’a aucunement été fait mention d’un autocollant jaune ou de sa demande de mise en suspens de sa lettre de démission.

18 Le fonctionnaire a continué de refuser de se présenter à l’édifice Pearkes après avoir soumis sa lettre de démission, même si l’on s’attendait à ce qu’il se présente au travail jusqu’au 2 décembre 2011, date qu’il avait choisie à titre de dernier jour de travail. Cette situation a donné lieu à d’autres échanges de courriels entre Mme Hahn et le fonctionnaire, qui n’étaient pas moins agréables pour le fonctionnaire que les précédents. Dans l’un de ces courriels, le fonctionnaire a indiqué qu’il consulterait un médecin « sous peu ».

19 Le 7 novembre 2011, confrontée à un employé qui refusait de se présenter à son poste d’attache, Mme Hahn a écrit au fonctionnaire pour lui proposer les trois options suivantes : 1) se présenter au travail à la salle du courrier de l’édifice Pearkes; 2) prendre un congé de maladie si celui-ci est justifié par un certificat médical; ou 3) démissionner plus tôt. Le même jour, Mme Hynes a accepté la démission du fonctionnaire en remplissant et en signant le formulaire d’avis de démission du MDN. Dans son esprit, cela signifiait que le fonctionnaire devait se présenter au travail à la salle du courrier de l’édifice Pearkes jusqu’au 2 décembre 2011, à moins qu’il choisisse l’option 2) ou 3).

20 Bien que le fonctionnaire a répondu à Mme Hahn le 7 novembre 2011 en indiquant que des meubles et de l’équipement devraient être déménagés s’il devait retourner à l’édifice Pearkes jusqu’à son dernier jour de travail prévu, il n’a donné suite à aucune des options qu’elle avait proposé. Il ne s’est pas non plus présenté à la salle du courrier de l’édifice Pearkes le 8 ou le 9 novembre 2011. Lorsqu’il a témoigné, le fonctionnaire a indiqué qu’il avait tout simplement décidé de demeurer à la maison ces jours-là, parce qu’il était frustré.

21 Le 10 novembre 2011, le fonctionnaire a appelé à son travail pour informer son employeur qu’il était tombé malade et qu’il serait absent. Il a témoigné qu’il avait téléphoné de nouveau 10 jours plus tard pour renseigner son employeur sur son état de santé à ce jour. Bien que le fonctionnaire a mentionné qu’il souffrait de problèmes de santé récurrents depuis un certain temps, il n’a pas allégué que son état de santé avait affecté de quelque manière que ce soit son jugement lorsqu’il a rédigé et envoyé sa lettre de démission à Mme Hynes, ni soumis des documents médicaux pour étayer cette allégation.

22 Le 22 novembre 2011, le fonctionnaire a reçu un courriel qui renfermait un « formulaire de renseignements sur le licenciement/la retraite » qu’il devait remplir et retourner au service de la rémunération.

23 Le 24 novembre 2011, le fonctionnaire a appelé Mme Hynes pour l’informer qu’un rendez-vous médical auquel il devait se présenter avait été retardé et qu’il ne s’attendait pas à revenir au travail avant le lundi suivant, soit le 28 novembre 2011. À ce moment-là, Mme Hynes aurait répondu qu’il n’avait pas à se présenter au travail, car sa démission était sur le point de prendre effet quelques jours plus tard, soit le 2 décembre 2011. D’après le fonctionnaire, il s’agissait du moment où il avait appris pour la première fois que Mme Hynes avait accepté sa démission. Ce même jour, il a répondu au courriel du 22 novembre 2011 du service de la rémunération et a demandé que sa démission soit annulée si possible. Mme Hynes l’a informé le 28 novembre 2011 que sa démission avait été acceptée, qu’elle était considérée comme irrévocable et que la direction avait refusé de l’annuler. Selon Mme Hynes, le fonctionnaire avait pris ce qui lui semblait être une décision réfléchie et volontaire.

24 Peu après, le fonctionnaire a consulté son représentant de l’agent négociateur, Kevin Foran, et a déposé un formulaire de présentation d’un grief le 30 novembre 2011. Dans la case des détails de ce formulaire, le fonctionnaire a indiqué ce qui suit : [traduction] « Je conteste le refus de la direction d’accepter l’annulation de ma démission. » La mesure corrective demandée était la suivante : [traduction] « Que la direction accepte ma demande d’annuler ma démission et que je sois rétabli dans ma situation antérieure à tous égards. »

25 Entre le 10 novembre 2011 et le 2 décembre 2011, le fonctionnaire s’est fait payer des congés de maladie certifiés. Depuis, il a tour à tour obtenu et perdu des emplois et travaille présentement à temps plein à contrat pour le MDN par l’intermédiaire d’une agence dont la spécialité consiste à fournir du personnel de soutien temporaire aux employeurs.

26 Lorsqu’il a témoigné, M. Foran a indiqué qu’il a représenté le fonctionnaire au premier palier et au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Lors de l’audience au premier palier, M. Foran a soulevé deux points clés : la nature involontaire de la démission du fonctionnaire et ce qu’il a décrit comme une [traduction] « mesure disciplinaire déguisée » de la part de l’employeur. Il convient de signaler que bien que les notes de M. Foran sur l’audience au premier palier mentionnent une mesure disciplinaire déguisée, le formulaire de présentation d’un grief ne mentionne aucune mesure disciplinaire ni mesure disciplinaire déguisée. M. Foran a indiqué qu’il a également soulevé la question de la mesure disciplinaire déguisée pendant l’audience au deuxième palier, mais qu’il n’avait pas de notes pour étayer ou corroborer ce point. Larry Surtees, qui était le décisionnaire délégué au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, a témoigné que la question de la mesure disciplinaire n’a jamais été soulevée au cours de la réunion sur l’audience au deuxième palier (pièce 8). Ses notes de l’audience au deuxième palier, qui ont été produites en preuve, ne mentionnaient pas une mesure disciplinaire. Quoi qu’il en soit, le représentant du fonctionnaire a reconnu que la question de la mesure disciplinaire n’a jamais été soulevée par le fonctionnaire ou son représentant à l’audience au troisième et dernier palier.

27 Quand elle a témoigné, Mme Hynes a confirmé que dans les faits, elle avait reçu la lettre de démission du fonctionnaire le 2 novembre 2011 par courrier interne, mais elle a nié la présence d’un autocollant jaune portant la mention [traduction] « Robyn, prière de mettre en suspens » sur cette lettre. Selon elle, si une telle note avait été apposée sur la lettre, elle aurait communiqué avec le fonctionnaire pour s’informer de sa signification. Après avoir reçu la lettre de démission, Mme Hynes a rempli un formulaire officiel d’avis de démission du MDN et y a joint la lettre de démission du fonctionnaire. Elle a signé le formulaire le 7 novembre 2011 et en a acheminé une copie au service de la rémunération le 9 novembre 2011 pour traiter la cessation d’emploi du fonctionnaire auprès du MDN, ainsi qu’une autre copie à l’adresse personnelle du fonctionnaire, parce qu’il n’était pas au travail à ce moment-là et n’avait pas d’ordinateur chez lui. Bien que l’employeur croyait initialement que la copie du fonctionnaire avait été acheminée par courrier recommandé, et que Mme Hynes est certaine que c’est ce qu’elle a fait, l’employeur n’a jamais repéré de confirmation de cette livraison.

28 Mme Hynes a également témoigné qu’elle n’avait jamais envisagé de prendre des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire et qu’elle n’a jamais entamé de processus qui aurait pu entraîner la prise de mesures disciplinaires contre lui.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

29 Invoquant Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) et Shneidman c. Procureur général du Canada, 2007 CAF 192, le défendeur a fait valoir qu’il n’était pas loisible au fonctionnaire de présenter en arbitrage un grief différent de celui qui avait été présenté aux trois paliers précédents de la procédure de règlement des griefs et que seuls les griefs qui avaient été présentés et traités par tous les paliers internes de cette procédure de règlement des griefs devraient être renvoyés à l’arbitrage. Par conséquent, d’après le défendeur, le fonctionnaire ne devrait pas être autorisé à présenter un grief fondé sur une mesure disciplinaire ou sur une démission non volontaire, car ce n’est pas de cette façon que le formulaire de présentation de grief était libellé au départ ni de cette manière que la question a été traitée pendant la procédure interne de règlement des griefs.

30 D’après le défendeur, ce grief porte sur le droit d’accepter la démission d’un employé, de la considérer irrévocable et de refuser d’accepter l’annulation de la démission d’un employé une fois que le défendeur l’a acceptée, toutes questions sur lesquelles je n’ai pas compétence.

31 Le défendeur m’a renvoyé à l’article 63 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13; la « LEFP »), qui se lit comme suit :

63. Le fonctionnaire qui a l’intention de démissionner de la fonction publique en donne avis, par écrit, à l’administrateur général; il perd sa qualité de fonctionnaire à la date précisée par écrit par l’administrateur général au moment de l’acceptation indépendamment de la date de celle-ci.

32 Le défendeur affirmait que je n’ai pas la compétence sur toute forme de cessation d’emploi en vertu de la LEFP. Il m’a renvoyé à l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui se lit comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de laLoi sur l’emploi dans la fonction publique;

b) soit toute mutation effectuée sous le régime de cette loi, sauf celle du fonctionnaire qui a présenté le grief.

33 D’après le défendeur, le fait que le fonctionnaire a changé d’avis ou regrettait sa décision de démissionner ne m’habilite pas à statuer sur cette question. Le défendeur m’a renvoyé à certaines décisions qui étayent cette thèse, dont Byfield c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 52, et Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90.

34 Selon le défendeur, la preuve a établi clairement que le fonctionnaire a donné un préavis écrit de son intention de démissionner le 1er novembre 2011, que l’employeur a accepté sa démission le 7 novembre 2011, que le processus de finalisation de la cessation d’emploi du fonctionnaire avait été mis en place par le service de la rémunération du défendeur et que la date précisée de fin d’emploi du fonctionnaire était le 2 décembre 2011.

35 Le défendeur a également fait valoir qu’il n’y avait rien d’involontaire dans la démission du fonctionnaire, car aucune preuve ne laissait croire que cette décision a été prise sous la contrainte ou la coercition ou que le fonctionnaire n’avait pas la capacité de prendre cette décision.

36 Le défendeur a soutenu que la preuve documentaire établissait clairement que le fonctionnaire avait l’intention de démissionner et que la démission constituait un thème récurrent et constant pendant les nombreux échanges de courriels qui ont eu lieu en octobre et en novembre 2011. Le défendeur m’a également rappelé que pendant la période pertinente, le fonctionnaire a avisé au moins trois personnes par courriel qu’il avait démissionné.

37 D’après le défendeur, le fait qu’il avait accepté sa démission aurait dû apparaître de façon évidente au fonctionnaire le 7 novembre 2011, quand Mme Hahn lui a présenté les trois options, et le 22 novembre 2011, quand le service de la rémunération l’a informé qu’il avait été avisé de sa retraite à compter du 2 décembre 2011, et lui avait fourni des formulaires de cessation d’emploi à remplir.

38 Le défendeur a fait valoir que le fonctionnaire a soumis sa volonté de faire annuler sa démission pour la première fois le 24 novembre 2011, soit longtemps après son acceptation, et n’a jamais mentionné qu’elle était invalide ou involontaire à ce moment crucial. Selon le défendeur, le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que sa démission était attribuable à un quelconque motif disciplinaire de la part du défendeur ou qu’elle était invalide ou involontaire. Il m’a renvoyé à Flynn c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-29015 (19991123), et à White c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25703 (19960221).

39 Enfin, le défendeur a soutenu que le fait que les gestes du fonctionnaire aient pu lui attirer des mesures disciplinaires possibles, voire probables, ne suffit pas pour conclure que le refus du défendeur d’accepter l’annulation par le fonctionnaire de sa démission équivalait à une mesure disciplinaire ou à une mesure disciplinaire déguisée. Sur ce point, il m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Assh, 2005 CF 734.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

40 Le fonctionnaire a reconnu que si je considérais sa démission valide, ce n’était pas à moi d’évaluer le refus du défendeur d’en accepter l’annulation, car je n’avais pas compétence en vertu de la Loi.

41 En réponse à l’objection du défendeur fondée sur Burchill, le fonctionnaire m’a renvoyé à Thibault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-26613 (19960909), et prétend que la forme ne doit pas prévaloir sur le fond et qu’il n’a pas été représenté par des experts juridiques pendant la procédure interne de règlement des griefs. Je constate que cette décision de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a précédé la décision de la Cour d’appel fédérale dans Shneidman.

42 Le fonctionnaire m’a également renvoyé au paragraphe 103 de McMullen c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 64, et a affirmé que le libellé du grief n’est pas le seul élément qui doit être pris en compte pour déterminer s’il est arbitrable.

43 Enfin, le fonctionnaire m’a renvoyé à Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2008 CRTFP 56, et a soutenu que le grief qui avait été renvoyé à l’arbitrage était identique à celui qui avait été plaidé pendant la procédure interne de règlement des griefs.

44 Pour l’essentiel, le fonctionnaire a fait valoir que sa démission était involontaire, qu’aucune démission n’est survenue, car il n’a jamais vraiment voulu démissionner et que le refus du défendeur d’accepter l’annulation de sa démission reposait sur des motivations disciplinaires.

45 Le fonctionnaire a affirmé que l’autocollant jaune qu’il avait placé sur sa lettre de démission et que le fait qu’il n’ait pas soumis le « formulaire d’avis de démission/retraite » du MDN qu’il avait rempli et signé le 1er novembre 2011 constituaient des indications claires qu’il n’entendait pas démissionner.

46 Invoquant Alberta v. Alberta Union of Provincial Employees, [2012] A.G.A.A. No. 32 (QL), une décision sur l’arbitrage d’un grief, le fonctionnaire a affirmé que le caractère volontaire de sa démission devrait être évalué à la lumière des quatre questions suivantes :

1. Le fonctionnaire a-t-il bénéficié d’une période de réflexion raisonnable?

2. L’employeur aurait-il dû étudier avec plus de soin la demande d’accepter la démission?

3. Les mesures prises ont-elles résulté d’antagonismes entre le fonctionnaire et l’employeur?

4. La motivation était-elle une volonté d’échapper à une situation désagréable?

47 Le fonctionnaire a fait valoir que sa démission n’était pas volontaire et qu’elle devrait être considérée invalide et par conséquent inexistante. Il a soutenu que les circonstances entourant sa démission correspondaient à celles qui s’appliquaient dans N.B.U.P.P.E. v. New Brunswick (Department of Public Safety) (Walton) (2011), 212 L.A.C. (4e) 389, un cas impliquant une démission verbale imprévue et subite d’une employée qui avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire récente, qui a subi une dépression et qui a dû faire face au décès de son médecin traitant.

IV. Motifs

48 En l’espèce, il s’agit de déterminer si la démission du fonctionnaire correspondait à un ou plusieurs des types de questions qui pouvaient être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi. Dans l’affirmative, j’ai la compétence pour l’entendre et pour déterminer si le fonctionnaire a droit à la mesure corrective qu’il demande. Dans la négative, je n’ai pas la compétence et je dois refuser de statuer sur son grief.

49 Les types de questions qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage sont expressément énoncés à l’article 209 de la Loi, qui est ainsi rédigé :

Renvoi à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

50 Dans son formulaire de grief, le fonctionnaire a mentionné qu’il renvoyait son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, en raison d’une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Comme l’indiquait Burchill, il n’était pas loisible au fonctionnaire de transformer le grief qu’il a présenté et défendu pendant la procédure de règlement des griefs en un grief nouveau ou différent au stade de l’arbitrage pour s’assurer qu’il cadre dans les questions qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi. Il va sans dire que l’on peut faire valoir qu’un grief qui allègue que le refus d’un employeur d’accepter l’annulation de la démission d’un employé reposait sur des motivations disciplinaires ou qui allègue qu’un employé a été licencié en raison d’une démission invalide ou involontaire est arbitrable en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, respectivement. Cependant, s’agit-il des allégations qui sont décrites dans le formulaire de présentation d’un grief et qui ont été débattues tout au long de la procédure de règlement des griefs? J’estime que la réponse à cette question est non.

51 Je ne suis pas en désaccord avec la suggestion du fonctionnaire selon laquelle le libellé du grief ne constitue pas le seul élément à prendre en compte pour décider si un grief est arbitrable, tel qu’il est mentionné dans McMullen. Cependant, je constate que dans ce cas, la question de la mesure disciplinaire a été discutée et débattue au cours des audiences sur la procédure interne de règlement des griefs (voir les paragraphes 109 et 113). Or, ce n’est pas ce qui s’est produit ici. Et contrairement à la situation de fait dans Delage, le grief présenté au cours du présent arbitrage de grief n’était aucunement similaire à celui qui avait été défendu et débattu pendant la procédure interne de règlement des griefs. En l’espèce, les mesures disciplinaires n’ont été ni discutées ni débattues pendant les audiences au deuxième palier et au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Bien que M. Foran a témoigné qu’il a soulevé la question de la discipline au cours de l’audience au premier palier, je conclus que la preuve n’étaye pas sa version des événements quant à ce qui est survenu au deuxième palier et je préfère la version de M. Surtees, dont les notes ont été déposées pour étayer son témoignage. Quant au fait que la discipline n’a pas été soulevée à l’audience au troisième palier, ce n’est pas contesté. En outre, rien ne prouve que la nature involontaire de la démission a été soulevée à l’audience au troisième palier. Par conséquent, je conviens avec le défendeur que ces questions n’auraient pas dû faire l’objet de discussions ou d’une argumentation à l’étape de l’arbitrage de grief.

52 Selon moi, faire valoir que le refus du défendeur d’accepter l’annulation de la démission du fonctionnaire correspondait à une mesure disciplinaire équivaut à modifier la nature du grief initialement présenté et ultérieurement débattu pendant la procédure de règlement des griefs. Ce n’était pas mentionné dans le formulaire de présentation de grief ni soulevé au cours des deux derniers paliers de la procédure de règlement des griefs. En outre, si le fonctionnaire avait eu l’intention de faire valoir qu’une démission invalide ou involontaire correspondait à une cessation d’emploi pour quelque motif non lié à un manquement à la discipline ou à une inconduite, il aurait dû renvoyer son grief à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, ce qu’il n’a pas fait. Agir ainsi à l’arbitrage équivaut également à modifier la nature du grief présenté initialement. Selon Burchill, il n’était pas loisible au demandeur de remanier son grief de manière à ce qu’il puisse être porté en arbitrage. Dans Boudreau c. Canada (Procureur général), 2011 CF 868, la Cour fédérale a affirmé l’importance qu’un demandeur s’en tienne à son grief initial :

[20] […] compte tenu de la différence de traitement réservée aux affaires susceptibles d’être renvoyées ou non à l’arbitrage sous le régime de l’article 209 de la Loi, il appert qu’un élément essentiel de ce système repose sur l’interdiction faite aux fonctionnaires de modifier la nature de leurs griefs durant leur processus de règlement ou à l’occasion de leur renvoi à l’arbitrage. Autrement, les fonctionnaires dont le grief porte sur un objet non susceptible d’être soumis à l’arbitrage sous le régime de l’article 209 de la Loi le modifieraient de façon à ce que l’arbitre acquière la compétence pour en disposer.

53 Le grief qui était débattu entre les parties pendant l’ensemble de la procédure de règlement des griefs doit être le même grief qui est renvoyé et débattu à l’arbitrage. Il doit demeurer le même pendant tout le processus. Je conclus que dans les circonstances de l’espèce, ce n’est pas le cas. La véritable nature du grief qui a été présenté et débattu à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs réside dans le refus du défendeur d’accepter l’annulation de la démission du fonctionnaire. Or, je n’ai pas la compétence sur cette question, compte tenu de ma conclusion qui précède.

54 En termes simples, la question soulevée dans le présent grief et débattue au cours de la procédure interne de règlement des griefs ne peut être renvoyée à l’arbitrage, ce qui signifie que je ne peux la trancher. Toutefois, s’il est jugé que j’ai erré en concluant que la présente affaire n’est pas arbitrable en vertu de la Loi, je traiterai des arguments clés du fonctionnaire.

55 D’abord, le fonctionnaire n’a pas présenté de preuves probantes et convaincantes indiquant que le refus du défendeur d’accepter l’annulation de sa démission était de quelque façon que ce soit motivé par une certaine intention disciplinaire de la part de l’employeur. Bien que le refus du fonctionnaire de se présenter au travail comme on le lui avait demandé et le comportement d’insubordination générale qu’il avait adopté pendant des semaines avant de présenter sa démission aurait certes pu lui attirer une certaine forme de mesure disciplinaire à laquelle certains des échanges de courriels font allusion, il demeure que Mme Hynes n’a jamais lancé un tel processus ou affiché de véritable intention en ce sens. Quoi qu’il en soit, un lien de causalité entre un refus comme celui qui est en question et une motivation disciplinaire doit être établi davantage qu’en évoquant la simple possibilité ou probabilité de mesure disciplinaire (voir Assh).

56 Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la lettre de démission représente tout à fait ce qu’elle était censée être. La ligne de mention de l’objet de la lettre est « démission ». Elle informe le défendeur de la démission du fonctionnaire. Elle donne la date d’effet de sa démission et son dernier jour de travail projeté. La lettre fournit le motif de la démission du fonctionnaire. Elle demande le paiement de tout l’argent qui lui est dû, dont les crédits de congés annuels. En fait, cette lettre de démission est plus détaillée que le formulaire type du MDN rempli et signé par le fonctionnaire le 1er novembre 2011. Le libellé du courriel du fonctionnaire en date du 24 novembre 2011 est également très révélateur. Dans ce courriel, il affirme : [traduction] « […] de nouvelles circonstances ont fait que je demande respectueusement que ma démission soit annulée […] ».

57 Je ne peux accepter l’affirmation du fonctionnaire selon laquelle l’autocollant jaune qu’il aurait placé sur sa lettre de démission et le fait qu’il n’a pas soumis le « formulaire d’avis de démission/retraite » du MDN constituent des indications claires qu’il n’a jamais eu l’intention de démissionner. D’abord, il n’y a pas de preuve probante ou convaincante qu’une telle note a effectivement été placée sur la lettre de démission du fonctionnaire; en outre, cette version des événements qui est proposée ne concorde pas avec la prépondérance des preuves qui m’ont été présentées pendant l’audience. Cet autocollant jaune n’a jamais été soulevé ou mentionné pendant la procédure de règlement des griefs, ni n’a été mentionné dans de la correspondance ayant suivi la présentation de la lettre de démission. Par exemple, il n’y a aucune mention de l’autocollant dans les notes de M. Foran sur l’audience au premier palier ou dans le courriel du fonctionnaire daté du 24 novembre 2011, dans lequel il demande que sa démission soit annulée. De plus, Mme Hynes a catégoriquement nié la présence d’un autocollant jaune. La preuve qui entoure la note inscrite sur l’autocollant jaune n’est tout simplement pas digne de foi. Ensuite, le fait que le fonctionnaire a fait le nécessaire pour remplir et signer le « formulaire d’avis de démission/retraite » du MDN, révèle, en fait, que la personne avait clairement l’intention de démissionner. La présentation de sa démission en une forme différente ne modifie pas cette conclusion.

58 Le fonctionnaire a obtenu de nombreuses occasions de se présenter à son poste d’attache à Pearkes. Chaque fois, il a refusé, sans jamais donner de motifs, et il a fini par démissionner plutôt que de retourner à son poste, ce qu’il avait menacé de faire en plusieurs occasions pendant tout un mois. Dans les circonstances, il n’était pas déraisonnable pour le défendeur d’accepter sa démission. Il n’était pas non plus déraisonnable que le défendeur refuse de permettre au fonctionnaire d’annuler une démission qui avait déjà été acceptée et traitée.

59 Les gestes et le comportement du fonctionnaire étaient clairs, délibérés et calculés. Ils n’étaient ni subits ni posés sur un coup de tête. Le fonctionnaire n’a été ni contraint ni provoqué; en outre, il avait la capacité de prendre une décision éclairée. Il faisait constamment référence à sa démission, il avait recours au ton approprié lorsqu’il correspondait avec ses supérieurs, il a été insubordonné en refusant de se présenter à son poste d’attache à Pearkes, et il a fait défaut de se présenter au travail tout en s’abstenant d’en donner préavis. En termes simples, il s’est comporté d’une façon incohérente avec le maintien de son emploi. Contrairement à ce que le fonctionnaire a affirmé, les circonstances entourant sa démission ne pouvaient être plus différentes de celles qui s’appliquaient dans Walton. En l’espèce, il s’agit d’une démission claire et sans équivoque, question pour laquelle je n’ai pas la compétence, comme le prévoit l’article 211 de la Loi.

60 Aucune circonstance atténuante ne justifie que le fonctionnaire n’en soit pas tenu à son intention déclarée de démissionner. Le défendeur n’a pas enfreint la Loi en le tenant responsable des conséquences de ses gestes. Son simple choix de démissionner plutôt que de faire face à une solution de rechange pouvant être moins souhaitable, soit un retour à la salle du courrier de l’édifice Pearkes, ou le fait qu’il a réalisé après coup qu’il avait pris une décision mal avisée ne représente pas, à mon avis, des circonstances atténuantes. Je dois de nouveau souligner que le fonctionnaire n’a pas présenté de preuves pour expliquer en quoi un retour à la salle du courrier de l’édifice Pearkes et à son poste d’attache était impossible ou déraisonnable ou représenterait un danger pour sa santé. Outre un motif impérieux justifiant un tel refus, je suis face à un refus inconditionnel de sa part de retourner à son emploi.

61 Je ne suis pas lié par le critère en quatre volets proposé dans Alberta et je ne suis pas convaincu que le caractère volontaire de la démission d’un employé devrait être évalué strictement sur cette base. Cependant, je répondrai comme suit aux quatre questions mises de l’avant par cette affaire :

  1. Le fonctionnaire disposait de tout le temps nécessaire pour réfléchir.
  2. Le défendeur n’avait pas de motif de faire plus attention avant d’accepter la démission. De fait, il s’est montré très patient avec le fonctionnaire.
  3. La démission n’a pas causé d’antagonismes entre les parties. Aucune preuve d’antagonismes entre elles n’a été déposée. Le fait que le fonctionnaire continue de travailler pour le même employeur sur une base contractuelle après sa démission indique une telle situation.
  4. Rien ne prouve que le fonctionnaire ait été motivé par un désir d’échapper à une situation désagréable, car il n’a jamais expliqué pourquoi il ne voulait pas reprendre son poste d’attache à Pearkes.

62  Ayant examiné et soupesé l’ensemble de la preuve présentée par les parties, je conclus sans hésitation que le fonctionnaire a été à l’origine de la fin de cette relation d’emploi qui a constitué une cessation volontaire d’emploi de sa part, tel que prévu à l’article 63 de la LEFP. Comme je l’ai indiqué, et comme le fonctionnaire l’a reconnu, je suis visé par la prescription prévue à l’article 211 de la Loi qui empêche de traiter des questions découlant de cette disposition.

63 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

64 J’ordonne la fermeture du dossier 566-02-7327 de la CRTFP.

Le 11 juin 2014.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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