Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) fondée sur les articles7, 10 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne au nom des interviewers et des interviewers principaux - dans sa plainte, l’agent négociateur a allégué que les plaignants avaient droit aux rajustements relatifs à l’équité salariale versés au groupe CR (commis aux écritures et aux règlements) dans la fonction publique à la suite de la plainte générale en matière d’équité salariale - même s’ils n’occupent pas et n’ont jamais occupé un poste classifié CR, la demande des plaignants reposait sur le fait qu’ils ont été traités comme des employés du groupe CR aux fins de la paie pendant la période en question - la CCDP a renvoyé la plainte à la Commission en application du paragraphe396(1) de la Loi d’exécution du budget de 2009 - les parties ont demandé que la formation de la Commission rende une décision préliminaire quant à savoir si les interviewers et les interviewers principaux faisaient partie du groupe professionnel CR pendant la période après 1985, alors qu’ils étaient officiellement employés par le Conseil du Trésor du Canada (CTC) jusqu’à l’établissement des Opérations des enquêtes statistiques (OES) - en 1985, le prédécesseur de la Commission a soutenu que le CTC était l’employeur du groupe de plaignants et a ordonné que l’agent négociateur soit attesté comme l’agent négociateur pour le groupe de plaignants, mais n’a pas statué sur la question du groupe professionnel auquel ce groupe devait être attribué - les membres de ce groupe étaient rémunérés conformément à l'échelle des salaires du groupe CR en attente du règlement de l’attribution de leur groupe - des discussions ont été entreprises, mais ont été abandonnées lorsque les OSE ont été créées en tant qu’employeur distinct - en 1990, le CTC a annoncé qu’il verserait aux plaignants un paiement forfaitaire rétroactif en tant que mesure intérimaire portant sur la période de 1985 à 1987 pendant que les organismes individuels menaient leurs propres études sur l’équité salariale, mais tous les autres rajustements relatifs à l’équité salariale leur ont été refusés et ils ont déposé la présente plainte - la formation de la Commission a déterminé qu'il n'était pas nécessaire de classifier rétroactivement le poste des plaignants pour donner suite à la plainte - le groupe de plaignants faisait partie d’une catégorie d’employés ou un groupe professionnel approprié aux fins de l’équité salariale - il s’agit d’un groupe relativement homogène présentant des caractéristiques, des conditions de travail et une communauté d’intérêts semblables - la plainte portait sur une question relative aux salaires plutôt qu'à la classification - les plaignants avaient le droit d’établir qu’ils constituaient un groupe à prédominance féminine et de comparer leur travail à un groupe comparateur qui reste à déterminer - la formation de la Commission avait compétence à l’égard de la plainte. Directives données.

Contenu de la décision



Loi d’exécution du budget de 2009

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-09-17
  • Dossier:  666-24-0008
  • Référence:  2014 CRTFP 83

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignante

et

OPÉRATIONS DES ENQUÊTES STATISTIQUES

défendeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Opérations des enquêtes statistiques


Affaire concernant une plainte renvoyée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique visée au paragraphe 396(1) de la Loi d’exécution du budget de 2009


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour la plaignante :
Andrew Astritis, avocat
Pour le défendeur :
Lynn Marchildon et Elizabeth Kikuchi, avocates
Affaire entendue à Ottawa (Ontario) du 31 mars au 4 avril 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique

1 Le 6 janvier 2011, la Commission canadienne des droits de la personne a renvoyé cette plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») en vertu du paragraphe 396(1) de la Loi d’exécution du budget de 2009 (L.C. 2009, ch. 2) (la « LEB »), qui est entrée en vigueur le 12 mars 2009. L’article 396 prévoit ce qui suit :

396. (1) Les plaintes ci-après qui concernent des employés et dont la Commission canadienne des droits de la personne est saisie à la date de sanction de la présente loi, ou qui ont été déposées devant elle pendant la période commençant à cette date et se terminant à la date d’entrée en vigueur de l’article 399, sont, malgré l’article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, renvoyées sans délai par la Commission canadienne des droits de la personne devant la Commission :

a) les plaintes fondées sur les articles 7 ou 10 de cette loi, dans le cas où celles-ci portent sur la disparité salariale entre les hommes et les femmes instaurée ou pratiquée par l’employeur;

b) les plaintes fondées sur l’article 11 de la même loi.

(2) La Commission statue sur les plaintes conformément au présent article.

(3) La Commission dispose, pour statuer sur les plaintes, en plus des pouvoirs que lui confère la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, du pouvoir d’interpréter et d’appliquer les articles 7, 10 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et l’Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, même après l’entrée en vigueur de l’article 399.

(4) La Commission procède à un examen sommaire de la plainte et la renvoie à l’employeur qui en fait l’objet ou à celui-ci et à l’agent négociateur des employés qui l’ont déposée, selon ce qu’elle estime indiqué, à moins qu’elle ne l’estime irrecevable pour le motif qu’elle est futile ou vexatoire ou entachée de mauvaise foi.

(5) La Commission peut aider l’employeur ou l’employeur et l’agent négociateur, selon le cas, à qui elle a renvoyé la plainte au titre du paragraphe (4) à régler les questions en litige de la façon qu’elle juge indiquée.

(6) Si l’employeur ou l’employeur et l’agent négociateur, selon le cas, ne règlent pas les questions en litige dans les cent quatre-vingts jours suivant la date à laquelle la plainte leur a été renvoyée ou dans le délai supérieur précisé par la Commission, celle-ci fixe une date pour l’audition de la plainte.

(7) La Commission établit sa propre procédure; elle est toutefois tenue de donner à l’employeur ou à l’employeur et à l’agent négociateur, selon le cas, toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et leurs arguments.

(8) La Commission rend une décision écrite et motivée sur la plainte et en envoie copie à l’employeur ou à l’employeur et à l’agent négociateur, selon le cas, et aux employés.

(9) La Commission peut, à l’égard des plaintes visées au présent article, rendre toute ordonnance que le membre instructeur est habilité à rendre au titre de l’article 53 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais elle ne peut accorder de réparation pécuniaire que sous la forme d’une somme forfaitaire et que pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 394.

2 Le 9 janvier 2002, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « plaignante » ou l’« agent négociateur ») a déposé devant la Commission canadienne des droits de la personne une plainte en vertu des articles 7, 10 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) (la « LCDP »). La plaignante a allégué que l’employeur avait agi de façon discriminatoire à l’endroit de membres de l’unité de négociation employés à titre d’interviewers et d’interviewers principaux. La plaignante a précisé que l’employeur ne leur avait pas accordé les rajustements au titre de l’équité salariale qui leur étaient dûs, et ce, en raison du genre. En outre, elle a allégué que l’employeur avait continué d’agir de façon discriminatoire à leur endroit en maintenant une disparité salariale entre l’effectif féminin et les employés accomplissant un travail à prédominance masculine équivalent.  

3 L’article 7 de la LCDP prévoit ce qui suit :

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

4 L’article 10 de la LCDP prévoit ce qui suit :

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

L’article 11 de la LCDP prévoit ce qui suit :

11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

[…]

5 Le 7 avril 2011, la Commission a examiné la plainte en vertu du paragraphe 396(4) de la LEB et l’a renvoyée aux Opérations des enquêtes statistiques (les « OES » ou l’« employeur »), soit l’employeur qui fait l’objet de la plainte, et à l’agent négociateur.

6 Une demande a été reçue des parties le 23 janvier 2014, pour une décision préliminaire sur la question de savoir si les interviewers et les interviewers principaux des OES relevaient du groupe professionnel Commis aux écritures et règlements (CR) au cours de la période suivant 1985, alors qu’ils étaient officiellement employés par le Conseil du Trésor du Canada (le « CT ») jusqu’à la création des OES. Le but de la présente décision est de répondre à cette seule question.

7 En résumé, il est allégué dans la plainte dont je suis saisie que les plaignants ont droit aux rajustements au titre de l’équité salariale versés aux employés du groupe CR de la fonction publique en raison de la plainte globale en matière d’équité salariale. Même si les plaignants ne sont pas et n’ont jamais été classifiés au groupe CR, la demande repose sur le fait qu’ils ont été traités comme des employés du groupe CR durant la période en question aux fins de la rémunération et que la question de l’omission de l’employeur de les classifier en tant que tel ne les prive pas de leur droit de donner suite à leur réclamation. L’article 10 de la LCDP renvoie à une « catégorie » d’employés plutôt qu’à la classification des employés. Les dispositions en matière d’équité salariale de la LCDP portent sur le travail accompli par le groupe invoquant l’inéquité salariale plutôt que sur la classification du groupe dans le régime de classification de l’employeur. Ainsi, les plaignants ont allégué qu’ils avaient le droit de fonder leur plainte sur le fait que, en tant que catégorie d’employés, ils relèvent du groupe professionnel CR aux fins des comparaisons en matière d’équité salariale.

II. Résumé de la preuve

8 Avant 1985, les interviewers et les interviewers principaux n’étaient pas reconnus comme des employés en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-33) (l’« ancienne LEFP »), qui a depuis été abrogée et remplacée par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13). Ils n’étaient pas non plus des employés du CT. En 1985, le prédécesseur de cette Commission, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne CRTFP »), a conclu que le CT était en fait l’employeur (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP 144-02-240 et 241 (19850501); « Bendel »). Dans Bendel, le commissaire a laissé ouverte la question de « […] savoir si les personnes visées par […] les demandes font partie d’un groupe professionnel, peu importe que ce soit un groupe à l’égard duquel une association d’employés a été accréditée ». Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et les Opérations des enquêtes statistiques, dossier de la CRTFP 144-24-282 (19880627), l’ancienne CRTFP a ordonné que la plaignante soit accréditée à titre d’agent négociateur de l’unité de négociation composée des employés de l’employeur chargés d’effectuer des enquêtes sur les entreprises. Cette ordonnance a plus tard été modifiée afin d’inclure les fonctionnaires menant des enquêtes dans les bureaux régionaux de l’employeur (2000 CRTFP 7) et a de nouveau été modifiée dans l’affaire 2000 CRTFP 107 afin d’inclure « [t]ous les fonctionnaires de l’employeur menant des enquêtes principalement à l’extérieur des bureaux de Statistiques [sic] Canada ».

9 Avant Bendel, les interviewers et les interviewers principaux ne faisaient pas partie de l’administration publique centrale. Ils ont été embauchés dans le cadre de contrats en vertu de la Loi sur les statistiques (L.R.C. (1985), ch. S-19) sur la recommandation de députés locaux responsables de la région où le besoin existait. Leurs taux de rémunération étaient fondés sur ceux du groupe CR. Annuellement, le ministre responsable de Statistique Canada recommandait au CT d’augmenter le taux de rémunération des interviewers et des interviewers principaux conformément au taux de rémunération des employés du groupe CR pour la même période.

10 Après Bendel, le CT est devenu l’employeur officiel des interviewers et des interviewers principaux et il les rémunérait en tant que membres du groupe professionnel CR en attendant le règlement de la question dans Bendel relativement à leur attribution et à leur classification appropriées. Statistique Canada s’inquiétait du fait que ses intérêts, la nature de ses exigences opérationnelles et la flexibilité ministérielle pour la dotation envisagée en vertu de la Loi sur les statistiques pourraient ne pas être respectés si les interviewers et les interviewers principaux étaient regroupés dans le groupe CR. L’employeur a exigé une structure en matière de ressources humaines qui répondait à ses besoins particuliers et non pas nécessairement à ceux de l’administration publique centrale, ce qui a été réalisé par la création des OES à titre d’employeur distinct.

11 Statistique Canada et la plaignante ont entamé des discussions à divers niveaux au sujet de l’attribution et de la classification appropriées de ces employés. Afin de régler une impasse, les interviewers et les interviewers principaux ont été transférés à un nouvel employeur distinct nouvellement créé, les OES, où ils ont continué à être payés selon des postes non classifiées en utilisant le groupe professionnel CR comme référence. Les postes d’interviewers et d’interviewers principaux n’ont jamais été officiellement classifiés par le CT et, à ce jour, n’ont pas été classifiés par les OES qui utilisent une norme de classification du CT pour interviewers.

12 Le CT a autorisé des organismes distincts, y compris l’employeur, à faire des paiements de relativité salariale à leurs employés le 15 juin 1990 (voir la pièce 1, onglet 106). Peu de temps après, le CT a annoncé qu’il offrirait aux interviewers et aux interviewers principaux un paiement forfaitaire rétroactif en tant que rajustement au titre de l’équité salariale couvrant la période de 1985 à 1987, alors que le CT était l’employeur. Tout autre rajustement au titre de l’équité salariale versé au groupe CR a été refusé aux interviewers et interviewers principaux. Ce refus constitue le fondement de la plainte et donc la décision préliminaire que souhaitent obtenir les parties.

13 Joyce Hendy a témoigné au nom de la plaignante. Elle a commencé à travailler pour Statistique Canada en 1981 en tant qu’intervieweuse et, depuis ce temps, elle a occupé divers postes au sein de Statistique Canada et des OES. Selon Mme Hendy, le mandat de Statistique Canada consiste à recueillir et de compiler des données statistiques portant sur la situation économique de la population canadienne et d’en rendre compte, et ce, périodiquement. Le travail des interviewers consistait et consiste en la collecte de données. Même si elles nécessitaient parfois de demander des précisions afin de préciser certaines questions auprès des Canadiens et Canadiennes qui répondaient aux sondages, les entrevues consistaient principalement à poser les questions déjà préparées inscrites sur une liste et à l’enregistrement des réponses des répondants. Les descriptions de travail des interviewers et des interviewers principaux (pièce 1, onglets 11 et 12) qualifiaient précisément la nature du travail accompli par ces employés.

14 Ann Marie Smith a été acceptée par la Commission à titre d’experte en classification pour la fonction publique fédérale. Elle a été accréditée par le Secrétariat du Conseil du Trésor en tant que spécialiste en matière de classification jusqu’à sa retraite en 2004. Depuis ce temps, elle a travaillé comme experte-conseil dans le même domaine. Mme Smith a témoigné au sujet de l’élaboration de la structure de classification des emplois au sein de la fonction publique fédérale. Elle a expliqué qu’avant 1999, les groupes professionnels établis dans les diverses normes de classification étaient également les unités de base pour la négociation collective. Tous les postes devaient correspondre à un groupe professionnel. En 1999, les changements à la structure de classification ont entraîné la réduction du nombre des groupes professionnels, qui est passé de 72 à 29. Ces 29 groupes forment maintenant les unités de base pour la négociation collective. Les normes de classification, comme le groupe CR, ont été transférées dans les définitions professionnelles élargies. Elles sont pertinentes pour déterminer la rémunération et la valeur relative du travail accompli par les employés dans la norme de classification.

15 Mme Smith a indiqué dans son témoignage que, selon son évaluation des descriptions de travail des interviewers et des interviewers principaux, l’objet principal de leur travail correspond à la catégorie du soutien administratif, où est situé le groupe professionnel CR. Selon Mme Smith, les deux emplois sont clairement visés par cette définition, tout comme les autres postes de la fonction publique fédérale où le titulaire travaille avec le public et des renseignements protégés.

16 Elizabeth Millar était employée par l’agent négociateur comme agente de recherche spécialisée dans la classification. De 1976 jusqu’à sa retraite, elle était responsable de la classification de la plaignante. Son emploi consistait à déterminer le groupe de négociation approprié pour les interviewers et les interviewers principaux. Elle a présenté des éléments de preuve à cet égard durant les audiences post-Bendel, devant l’ancienne CRTFP. Les postes ne pouvaient être attribués à une unité de négociation sans que soit mené un quelconque exercice de classification. La conclusion qu’elle a formulée, à la suite d’un examen des descriptions de travail et des entrevues avec les employés occupant ces postes, était que les postes devraient être attribués de façon appropriée au groupe CR de la catégorie du soutien administratif. Les audiences dans le cadre desquels elle a témoigné ont été interrompues à la création des OES et une unité de négociation distincte a été créée pour les interviewers et les interviewers principaux.

17 Hermel Long a témoigné pour le défendeur en ce qui concerne les événements qui ont eu lieu à Statistique Canada dans les années 80 et 90, au moment où il était le gestionnaire des services de gestion pour Statistique Canada. Entre 1986 et 1987, il a fait des recherches sur les conséquences de Bendel.

18 Entre 1985 et 1987, alors qu’ils étaient des employés du CT, les interviewers et les interviewers principaux faisaient partie de la Direction générale des opérations régionales de Statistique Canada. Leur rôle consistait principalement à recueillir des renseignements auprès des répondants aux sondages pour Statistique Canada, soit l’organisme de statistiques nationales; une infrastructure à l’échelle du pays. Le pouvoir en matière d’embauche des interviewers et des interviewers principaux était fondé sur l’article 5 de la Loi sur les statistiques (voir la pièce 3, onglet 148, à la page 2). Selon le [traduction] « contrat de travail des interviewers » (pièce 1, onglet 25, puce 1 de l’annexe 10), Statistique Canada a accepté de payer les interviewers conformément aux échelles salariales établies par le CT et aux directives pertinentes publiées par Statistique Canada. Annuellement, le ministre responsable de Statistique Canada recommandait une augmentation du taux de rémunération conformément à ceux obtenus par les CR employés par le CT. La mise en œuvre de cette augmentation nécessitait l’adoption d’un décret en conseil.

19 M. Long connaissait bien Bendel et il a indiqué dans son témoignage que Statistique Canada avait contesté cette décision devant la Cour fédérale. À la suite de Bendel, Statistique Canada a dû faire des représentations sur le groupe professionnel approprié pour les interviewers et les interviewers principaux. Ce processus n’a jamais été terminé en raison des demandes de contrôle judiciaire. Entre 1985 et 1987, aucun changement n’a été apporté au processus de recrutement ou d’embauche. La méthode de détermination des taux de rémunération s’est poursuivie jusqu’au 1er avril 1988, moment de la création des OES, et le défendeur s’attendait à recevoir un avis de négocier de la part de la plaignante.

20 Au moment de la publication de Bendel, il y avait toujours une question sans réponse au sujet de l’attribution des postes d’interviewers à un groupe de classification. Pour répondre à cette question, Statistique Canada a examiné la question de savoir si les interviewers relevaient de la classification CR. Il a été décidé que le travail des interviewers était unique et qu’aucun autre ministère, à ce moment, n’effectuait des fonctions semblables dans des conditions semblables. La plaignante aurait pu soutenir que les interviewers auraient dû être classifiés au groupe CR, mais Statistique Canada n’était pas d’accord. À l’appui des arguments de Statistique Canada, M. Long a comparé les tâches des interviewers à celles des commis aux statistiques classifiés au groupe CR. Selon cette comparaison et les opinions exprimées par les directeurs régionaux de Statistique Canada de qui relevaient les interviewers (pièce 1, onglets 18, 42, 43, 44, 47 et 49), il a été conclu que les interviewers ne faisaient pas partie du groupe CR.

21 M. Long a élaboré divers scénarios liés à la classification des interviewers et des interviewers principaux et a examiné la répercussion de chaque scénario sur la prérogative d’embauche du ministre en vertu de l’article 5 de la Loi sur les statistiques, les consommations par personne par année et la souplesse opérationnelle. Étant donné la nature du travail, qui était à temps partiel et payé à l’heure sans un nombre minimal et maximal d’heures garanti puisqu’il était fondé sur les sondages, les manuels de gestion du personnel du CT rendaient très difficile pour le défendeur de respecter son mandat. Les OES avaient besoin de leur propre libellé dans la négociation collective afin de durer. Les interviewers et les intervieweurs principaux auraient été envahis s’ils avaient été classifiés dans le groupe CR au sein de l’administration publique centrale beaucoup plus large. Il a été conclu qu’un nouveau groupe était nécessaire, ce qui a permis au défendeur de rédiger des conventions collectives portant sur ses propres besoins opérationnels. Une ébauche de plan de classification (pièce 1, onglet 70) a été créée en 1988, qui a plus tard été écartée en faveur d’une structure à deux niveaux, même si aucune évaluation officielle n’a été menée au sujet des emplois (pièce 1, onglet 65). À ce jour, les emplois n’ont pas fait l’objet d’une évaluation.

22 En 1990, le CT a fait des paiements en matière d’équité salariale à ses employés rétroactivement au 1er avril 1985. Cela a été annoncé à l’administration publique centrale dans une note de service (pièce 2, onglet 93) et a plus tard été précisé dans une lettre distincte aux employeurs (pièce 2, onglet 95), qui a reconnu qu’ils n’étaient pas obligés d’adopter la même méthode de mise en œuvre de l’équité salariale que celle adoptée par le CT.

23 Lorsque le CT a fait l’annonce à l’administration publique centrale en 1990 concernant les paiements en cours d’équité salariale, les interviewers et les interviewers principaux ont commencé à demander pourquoi ils n’avaient pas droit à ces paiements. Les OES ont posé la même question au CT, lequel a répondu (pièce 2, onglet 106) que des mesures intérimaires devaient être prises pour assurer la relativité salariale avec les groupes CR et ST. Ces mesures intérimaires devaient être en vigueur pour une période de deux ans, au cours de laquelle les organismes individuels devaient mener leurs propres études sur l’équité salariale.

24 Le défendeur n’a jamais mené d’étude sur l’équité salariale. Il a rencontré la plaignante au début de 1991 et a expliqué qu’aucune étude ne serait effectuée puisque les interviewers et les interviewers principaux faisaient partie d’un groupe autonome à deux niveaux sans facteur de comparaison à prédominance masculine au sein de l’organisation. En octobre 1990, les mesures intérimaires ont été approuvées par le ministre des Approvisionnements et Services. Les paiements rétroactifs ont été approuvés pour la période au cours de laquelle les interviewers et les interviewers principaux étaient réputés être des employés du CT (du 1er avril 1985 au 5 novembre 1987), ce qui, selon le défendeur, représentait l’entière responsabilité en vertu de la LCDP pour les interviewers et les interviewers principaux (pièce 2, onglets 117 et 123). Selon le défendeur, les interviewers et les interviewers principaux ont été attribués au groupe CR uniquement aux fins de la rémunération.

25 Au bout du compte, les interviewers et les interviewers principaux ont reçu une rémunération rétroactive pour toute la période du 1er avril 1985 au 31 mars 1991, inclusivement (pièce 3, onglet 136). Ces paiements de péréquation étaient des paiements de relativité salariale et ils n’étaient pas considérés comme des paiements en matière d’équité salariale.

26 Edith Kehoe a longuement témoigné au sujet de l’ancienne LEFP, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35) (l’« ancienne LRTFP ») et de la Loi sur la modernisation de la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22), qui, bien qu’elle soit instructive, n’était pas particulièrement pertinente à la question de compétence. Une chose qui revêtait une importance particulière dans la présente affaire était qu’à sa connaissance, les interviewers n’avaient jamais été classifiés en fonction des descriptions de classification du groupe CR.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

27 Il y a peu de différences entre la version des faits de la plaignante et celle de l’employeur, quoique leur interprétation n’est pas la même. L’agent négociateur met l’accent sur l’analyse du groupe professionnel. L’employeur quant à lui met l’accent sur un argument juridique. L’objet principal de la question dont est saisie la Commission consiste à déterminer si les postes d’interviewers et d’interviewers principaux relèvent du groupe professionnel CR.

28 Il ne s’agit pas d’un grief de classification ou d’une demande d’accréditation. Il s’agit d’une plainte portant sur les droits de la personne déposée en 2002 en vertu des articles 7, 10 et 11 de la LCDP au sujet de laquelle la Commission a compétence. Le présent grief concerne une discrimination fondée sur le salaire et on y allègue une violation de la LCDP. La LCDP est une loi quasi constitutionnelle qui l’emporte sur la convention collective.

29 Par le présent grief, on ne souhaite pas empêcher l’employeur de classifier les employés en question et, à ce titre, l’action ne relève pas de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, s. 2; la « LRTFP »). Le présent grief veille à s’assurer que, conformément à la jurisprudence sur les droits de la personne, la direction exerce ses doigts d’une façon non discriminatoire (voir Canada (Procureur général) c. Walden, 2010 CF 490). La Commission ne peut imposer des restrictions sur la façon de classifier un poste, mais elle peut examiner ces décisions afin de déterminer si une violation des droits de la personne a eu lieu.

30 Avant 1985, les interviewers et les interviewers principaux étaient des employés contractuels. Puis, en mai 1985, l’ancienne CRTFP a conclu qu’ils étaient des employés aux fins de la négociation collective. Les audiences portant sur la question de savoir à quel groupe professionnel les employés touchés devaient être attribués ont pris fin à la création des OES. Au bout du compte, l’agent négociateur a été accrédité à titre d’agent négociateur pour ses employés.

31 L’employeur n’a pas nié que l’objet principal des postes d’interviewers et d’interviewers principaux consistait à recueillir des renseignements et des données auprès des répondants aux sondages. La nature du travail n’est pas en litige. La preuve non contredite dans la présente affaire quant à l’objet principal de leur travail et l’application de normes pertinentes confirme qu’ils relevaient de la norme de classification du groupe CR. Cette décision relève directement de la compétence de la Commission et la plainte devrait être entendue sur le fond. La preuve essentielle en l’espèce n’est pas contestée ni contredite. M. Long et Mme Hendy ont tous les deux indiqué dans leur témoignage que l’objet principal du travail consistait à recueillir des données au nom de Statistique Canada. Cette conclusion a été confirmée par l’analyse de Mme Smith. Aucun fondement ne permet au défendeur de contester l’analyse d’expert de Mme Smith, puisqu’il n’a pas contesté la substance de cette analyse en contre-interrogatoire. Il n’a présenté aucune autre possibilité à la conclusion de Mme Smith selon laquelle les postes correspondent clairement au groupe professionnel CR. Le défendeur n’a pas non plus présenté le témoignage d’un témoin ayant des qualifications semblables indiquant qu’une autre analyse était vraisemblable.

32 Quant à la question du préjudice pour l’employeur, en raison de l’écoulement du temps, cela n’est pas non plus vraisemblable. Les questions en l’espèce remontent au dépôt de la plainte en 2002, dont l’employeur était parfaitement au courant.

33 Le défendeur s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre la question, puisque l’ancienne LRTFP et la LRTFP protègent le pouvoir du CT de classifier des postes. Cette protection du droit de la direction de classifier des postes est interprétée de façon étroite selon la classification réelle de postes et ne limite pas le pouvoir de la Commission de déterminer l’attribution à un groupe professionnel à d’autres fins, comme celle de la négociation collective.

34 La compétence de cette Commission d’entendre les plaintes en vertu des articles 7, 10 et 11 de la LCDP alléguant une discrimination est autorisée par l’article 396 de la LEB. Lorsqu’il a transféré la compétence à la Commission, rien n’indiquait que le législateur ait voulu limiter la portée de la protection prévue par la LCDP. Il a clairement démontré que la protection des droits de la personne n’était pas limitée par les droits de la direction, qu’elle ait été prescrite par une loi ou autrement (voir Walden, aux paragr. 14 à 20). Aucun fondement en matière de droit de la personne ne laisse entendre que le droit de la direction de l’employeur de classifier un poste lui permet de classifier ce poste d’une façon discriminatoire.

35 En outre, la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel fédérale ont reconnu que les lois sur les droits de la personne l’emportaient sur toutes les autres lois (voir Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink, [1982] 2 R.C.S. 145). Dans Canada (Procureur général) c. Druken, [1989] 2 C.F. 24, aux paragraphes 5 et 6, la Cour fédérale a établi la nature quasi constitutionnelle d’une loi sur les droits de la personne et les principes d’interprétation qui découlent de la désignation.

36 Pour ce motif, rien n’appuie la prétention du défendeur selon laquelle cette Commission n’a pas compétence pour instruire cette affaire, qui porte consiste à déterminer s’il y a eu discrimination fondée sur le salaire, en contravention des articles 7 et 10 de la LCDP.

37 Toute décision de la Commission d’attribuer des postes à un groupe professionnel ne contrevient pas aux droits de l’employeur de classifier des postes. Cette Commission a souvent conclu que l’interdiction de modifier le droit de la direction de classifier des postes ne limite pas le pouvoir de la Commission de déterminer si certains postes relèvent de la définition d’un groupe professionnel à d’autres fins, comme celle de la détermination d’une unité de négociation (voir Bendel, au paragr. 15, Le Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (Défense nationale), [1974] C.R.T.F.P.C. no 74, aux paragr. 30 à 32, Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 147-02-34 (19890717) au paragr. 23, Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 42, et Fraternité internationale des ouvriers en électricité, locale 2228 c. Conseil du Trésor et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 109).

B. Pour le défendeur

38 La plaignante a demandé à la Commission de conclure qu’au moment de la création des OES en novembre 1987, les interviewers et les interviewers principaux avaient conservé leur classification au groupe CR de l’administration publique centrale. Rien dans la preuve n’a démontré que les OES ou le CT avaient déjà classifié les postes d’interviewers au groupe CR pour la période où ils étaient réputés être des employés du CT. En outre, il n’est pas sensé, 30 ans plus tard, de refaire l’histoire en classifiant ces employés au groupe CR, alors que la Commission, dans Bendel, a renvoyé l’affaire aux parties pour règlement. La question de la classification a finalement été réglée par la plaignante et l’employeur avec la création des OES.

39 Si la Commission conclut que les interviewers relevaient de l’unité de négociation du groupe CR au cours de la période de 1985 à 1987, cela ne signifie pas automatiquement que ces postes auraient été classifiés dans le groupe CR pour cette période. Le défendeur se serait clairement opposé à une classification au groupe CR, puisque cela faisait obstacle à la souplesse opérationnelle pour laquelle les OES ont été créées.

40 Pour réussir à obtenir pour ses membres l’indemnisation en matière d’équité salariale versée à l’administration publique centrale à la suite de l’ordonnance de 1999 du Tribunal canadien des droits de la personne (le « TCDP »), il faudrait que la plaignante demande à la Commission de classifier les interviewers rétroactivement à un niveau de classification au groupe CR précis, ce que la Commission ne devrait pas accepter. On devrait répondre négativement à la question préliminaire qui consiste à savoir si les interviewers et les interviewers principaux relevaient du groupe professionnel CR au cours de la période de 1985 à 1987. L’employeur, le CT, a choisi de ne pas classifier les postes d’interviewers au sein du groupe CR, et la Commission ne peut imposer une classification pour des postes que l’employeur a choisi de ne pas classifier.

41 Mme Long a indiqué dans son témoignage qu’au cours de la période de 1985 à 1987, Statistique Canada n’avait pris aucune mesure pour créer et classifier les postes d’interviewers dans quelque groupe professionnel fédéral que ce soit. Les interviewers n’ont pas été recrutés en vertu de l’ancienne LEFP, mais plutôt selon la prérogative ministérielle prévue à la Loi sur les statistiques. M. Long a indiqué dans son témoignage qu’il avait participé personnellement à la classification des interviewers et que, si un type de classification ministérielle officielle avait été fait, il l’aurait su.

42 Au moment de la publication de Bendel, une question au sujet de l’attribution des postes d’interviewers à un groupe de classification est restée sans réponse. Il a été décidé que le travail des interviewers était unique et qu’aucun autre ministère, à ce moment-là, n’avait de fonctions semblables dans des conditions semblables. La plaignante aurait pu soutenir que les interviewers auraient dû être classifiés en tant qu’employés du groupe CR, mais Statistique Canada n’était pas d’accord. À l’appui des arguments de Statistique Canada, M. Long a comparé les tâches des interviewers à celles des commis aux statistiques classifiés au groupe CR. Selon cette comparaison et les opinions exprimées par les directeurs régionaux de Statistique Canada de qui relevaient les interviewers (pièce 1, onglets 18, 42, 43, 44, 47 et 49), il a conclu que les interviewers n’étaient pas des employés du groupe CR.

43 M. Long a élaboré une ébauche de plan de classification pour les interviewers (pièce 1, onglet 18). L’ébauche de classification avait pour but de fournir à la haute direction une représentation visuelle de ce à quoi ressemblerait une norme de classification pour les interviewers. Après la création des OES, l’employeur a utilisé l’ébauche de classification pour déterminer si une nouvelle classification pour les interviewers était même nécessaire. L’ébauche n’a jamais mis été mise au point, puisque l’employeur a conclu qu’elle n’était pas requise et il a continué simplement à utiliser un seul groupe composé de deux niveaux afin de rémunérer les employés. Les OES avaient le droit de choisir d’utiliser une norme de classification de l’administration publique centrale, de créer leur propre norme ou de ne pas en utiliser. Au bout du compte, les OES ont décidé qu’une norme de classification officielle n’était pas nécessaire étant donné qu’il y avait deux postes au sein des OES, c.-à-d. les interviewers et les interviewers principaux.

44 M. Long a poursuivi en indiquant dans son témoignage que les interviewers n’avaient jamais été rémunérés en vertu des taux de rémunération du groupe CR. Plutôt, aux fins de la détermination des augmentations salariales annuelles, Statistique Canada a examiné les augmentations salariales que le CT autorisait aux employés de l’administration publique centrale, y compris les employés classifiés dans le groupe CR. Statistique Canada a fondé ses demandes d’augmentations salariales pour les interviewers en vertu de l’article 11 de la Loi sur les statistiques sur celles offertes aux employés de l’administration publique centrale. Cependant, le document [traduction] « contrat de travail des interviewers » (pièce 1, onglet 25) indique précisément que les interviewers seraient rémunérés conformément aux échelles salariales établies par le CT. À cette fin, pour la rémunération uniquement, les interviewers ont été comparés aux employés du groupe CR.

45 Il ne suffit pas pour la Commission de conclure que les interviewers auraient dû faire partie de l’unité de négociation des CR pour la période de 1985 à 1987. Les versements faits aux employés du groupe CR en vertu de l’ordonnance sur consentement du TCDP de 1999 sont fondés sur le groupe et le niveau. Les interviewers ne se sont pas vus attribuer un groupe ou un niveau. Ainsi, au bout du compte, pour ordonner le paiement en vertu de l’ordonnance, la Commission doit effectuer un exercice de classification, ce qui est interdit par ce qui était l’article 7 de l’ancienne LRTFP, qui est maintenant l’article 7 de la LRTFP (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 125-02-41 (19851113), au paragr. 15). Le pouvoir de l’employeur de classifier des postes revient au CT et aux ministères qu’il autorise à exercer une telle responsabilité, comme c’est le cas pour les OES (voir Brochu c. Canada (Conseil du Trésor), [1992] A.C.F. no 1057 (C.A.) (QL)).

46 Il est injuste et inutile pour cette Commission de formuler des conclusions rétroactivement en ce qui concerne l’attribution appropriée des interviewers à un groupe de négociation. En mai 1986, la plaignante connaissait le projet de créer un employeur distinct pour qui les interviewers travailleraient, tel qu’il est confirmé par la note de service de Mme Millar du 28 mai 1990 aux bureaux régionaux de la plaignante au sujet du paiement du rajustement au titre de la parité salariale (pièce 2, onglet 103). En 1990, la plaignante a continué à soutenir que les interviewers appartenaient au groupe CR et a renvoyé la question à l’ancienne CRTFP pour une décision pour déterminer l’unité de négociation appropriée des interviewers entre 1985 et 1987. L’ancienne CRTFP n’a pas formulé une telle conclusion puisque la question a été réglée au moyen de la création des OES. Maintenant, 28 ans après la décision initiale Bendel, la plaignante tente de redonner vie à son projet en vue d’amener la Commission à se prononcer sur l’unité de négociation appropriée pour les interviewers. Un retard aussi extrême fait qu’il est difficile pour l’employeur de présenter une preuve pertinente, étant donné que la plupart des témoins du gouvernement ont depuis pris leur retraite et que très peu se rappellent des détails précis des faits essentiels. Cette commission a conclu que, dans le cas de longs délais, il y avait une présomption de préjudice pour le défendeur (voir McConnell c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 140, au paragr. 17).

47 Si la Commission choisit de se prononcer sur cette question, elle doit tenir compte du plan de classification de l’employeur lorsqu’il a pris sa décision relative à l’unité de négociation appropriée pour les interviewers. Lorsqu’elle se penche sur la question de l’unité de négociation, il est interdit à la Commission de prendre des mesures qui modifient directement ou indirectement la classification des employés. Le défendeur s’est expressément opposé à l’inclusion des interviewers dans le groupe CR et il a au bout du compte pris des mesures qui ont entraîné la création d’une classification pour les interviewers au sein de l’organisation d’un employeur distinct. En outre, bien que les OES et le CT aient fourni aux interviewers les rajustements au titre de l’équité salariale, et ce, même s’ils n’étaient pas officiellement classifiés comme des CR, ils l’ont fait en réponse à la demande des interviewers et afin de s’assurer qu’ils conserveraient leur relativité salariale par rapport à l’administration publique centrale. Ce geste de bonne volonté ne devrait pas être interprété comme une admission par le défendeur que les interviewers ont été correctement classifiés au groupe CR, une position qu’il a constamment rejetée.

48 La demande de la plaignante voulant que la Commission détermine que le groupe CR aurait constitué le groupe de négociation approprié pour les interviewers en 1985 ne devrait pas être acceptée par la Commission.

IV. Motifs

49 Pour rendre une décision liée à la question préliminaire posée par les parties, il est essentiel qu’un certain degré de clarification soit offert quant à la véritable nature d’une plainte en matière d’équité salariale. Bien que l’article 10 de la LCDP renvoie à une « catégorie » de personnes et que l’Ordonnance de 1986 sur la parité salariale renvoie à un groupe professionnel, rien n’indique que la structure de classification de l’employeur est déterminante pour attribuer les plaignants à une catégorie ou à un groupe professionnel aux fins de l’équité salariale. Un groupe d’employés peut déposer une plainte en matière d’équité salariale dans la mesure où il peut établir qu’il représente une catégorie d’employés qui fait l’objet de discrimination dans le domaine de la rémunération. La LCDP n’exige pas du tout que les employés qui déposent une plainte soient même classifiés ou qu’ils soient dans le même groupe conformément au système de classification d’un employeur. La loi exige plutôt qu’ils constituent un groupe d’employés ayant des caractéristiques suffisamment communes pour leur permettre d’être considérés comme une catégorie d’employé aux fins de l’équité salariale. L’omission d’un employeur de classifier des employés ne peut être utilisée pour les priver du droit de déposer une plainte en matière d’équité salariale.

50 En l’espèce, selon l’employeur, la position de la plaignante voulant que les employés soient [traduction] « classifiés » au groupe CR aux fins de l’analyse de leur plainte en vertu de la LCDP équivaut à une demande que les interviewers soient classifiés rétroactivement dans le cadre du système de classification de l’employeur comme ayant occupé des postes du groupe Commis aux écritures et règlements. Pour sa part, le syndicat a soutenu que les plaignants devraient être [traduction] « identifiés », [traduction] « classifiés » ou [traduction] « déclarés » équivalents au groupe CR aux fins de la comparaison en ce qui concerne l’équité salariale. Je conclus que les affirmations des deux parties sont erronées.

51 Premièrement, et contrairement à l’argument de l’employeur, les plaignants n’ont pas à être [traduction] « classifiés » au groupe CR d’une façon rétroactive pour que la présente plainte soit entendue. Cela est appuyé par le paragraphe 18 de la décision du Tribunal canadien des droits de la personne dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du trésor), (1998) 32 CHRR 349 :

18. Après la collecte de toutes les données de fait sur les emplois, la Commission constitue normalement un comité d’évaluation des emplois, d’ordinaire composé de trois personnes, qui est chargé d’évaluer les postes. Si l’employeur possède déjà un système d’évaluation des emplois, la Commission se prévaut de l’article 9 de l’Ordonnance pour analyser ce système et en déterminer la pertinence dans le cadre d’une plainte d’iniquité salariale. Sinon, elle a recours au plan Aiken ou au plan Hay d’évaluation des emplois. L’article 9 de l’Ordonnance est ainsi libellé :

Méthode d’évaluation

9. Lorsque l’employeur a recours à une méthode d’évaluation pour établir l’équivalence des fonctions exécutées par des employés dans le même établissement, cette méthode est utilisée dans les enquêtes portant sur les plaintes dénonçant une situation de disparité salariale si elle :

(a) est exempte de toute partialité fondée sur le sexe;

(b) permet de mesurer la valeur relative des fonctions de tous les emplois dans l’établissement; et

(c) permet d’évaluer les qualifications, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail visés aux articles 3 à 8.

[Je souligne]

52 Cette déclaration confirme qu’un groupe d’employés qui n’est pas officiellement classifié peut toujours constituer une catégorie d’employés aux fins de l’équité salariale et que l’omission d’un employeur de classifier des employés conformément à son système de classification n’empêchera pas cette catégorie d’employés de déposer une plainte en matière d’équité salariale. En effet, cette citation démontre que la détermination d’un groupe qui est approprié aux fins de l’équité salariale ne se fait pas uniquement en identifiant un groupe qui a déjà été identifié comme approprié aux fins de la négociation. La détermination de la question de savoir si une catégorie d’employés est appropriée aux fins de l’équité salariale est une question de fait qui peut être influencée par le système de classification de l’employeur, mais non déterminée par lui.

53 En l’espèce, mon rôle consiste d’abord à déterminer si le groupe de plaignants forme une catégorie d’employés ou un groupe professionnel approprié aux fins de l’équité salariale, et je conclus que c’est le cas. Pour en venir à ma décision, j’ai examiné plusieurs éléments, y compris l’historique de l’unité de négociation, le travail accompli par les membres de cette unité, les conditions de travail, la structure de rémunération et la preuve portant sur la façon dont elle a été créée ainsi que le témoignage des témoins.

54 La classification des postes comporte un objectif à deux volets : attribuer un poste à un groupe de négociation et déterminer le niveau de rémunération approprié. L’un de ces objets n’a pas nécessairement prédominance sur l’autre, puisque l’un ou l’autre peut survenir en premier. En l’espèce, Statistique Canada exigeait une échelle salariale afin de payer les Canadiens embauchés en vertu de la Loi sur les statistiques pour accomplir la fonction d’interviewer. Chaque année, Statistique Canada examinait l’administration publique centrale afin de déterminer l’augmentation salariale annuelle recommandée pour les interviewers. D’autres méthodes de détermination des augmentations salariales annuelles appropriées étaient disponibles à l’employeur, pourtant il a choisi, de façon continue, d’utiliser les augmentations salariales attribuées au groupe qui, selon les plaignants, était le groupe professionnel approprié auquel attribuer les interviewers aux fins de la négociation.

55 Le témoignage et les pièces n’appuient pas la déclaration du défendeur que Statistique Canada souhaitait déterminer uniquement le niveau de l’augmentation annuelle à verser à la fonction publique dans son ensemble. Selon la preuve, au sein de l’administration publique centrale durant la période en question, les groupes de négociation n’ont pas tous reçu le même niveau d’augmentation annuelle. La preuve documentaire a également démontré que Statistique Canada avait précisément tenté de déterminer ce à quoi avait droit le groupe des interviewers à titre d’augmentation annuelle. De plus, selon M. Long, le ministre des Approvisionnements et Services avait alors recommandé que le taux appliqué aux CR soit le taux approprié d’augmentation à appliquer, ce qui a alors été mis en œuvre au moyen d’un décret en conseil. En outre, le témoignage de M. Long selon lequel le groupe des interviewers n’a jamais été comparé au groupe CR est contredit par le [traduction] « contrat de travail des interviewers » (pièce 1, onglet 25) qui indique clairement que les interviewers devaient être payés conformément aux échelles salariales établies par le CT. À cette fin, l’échelle salariale utilisée était celle des CR.

56 À mon avis, cela s’explique par le fait que Statistique Canada reconnaissait que les interviewers et les interviewers principaux, n’eut été des conditions de travail applicables à ce groupe en particulier, effectuaient des tâches qui auraient été correctement classifiées dans le groupe CR. En d’autres termes, si la chose a l’air d’un canard et qu’elle cancane comme un canard, il doit s’agir d’un canard. Cela est confirmé par le fait que les interviewers ont reçu des rajustements au titre de l’équité salariale, sous forme de paiement de relativité salariale, pour la période au cours de laquelle le CT était réputé être l’employeur. Il était loisible à Statistique Canada de classifier les postes d’une autre façon, mais il a choisi de ne pas le faire, ajoutant foi à l’argument de la plaignante selon laquelle le groupe de classification CR était approprié pour les interviewers. Tout compte fait, les interviewers ont été traités comme des employés classifiés au groupe CR par l’employeur en ce qui concerne la rémunération et les fins liées à la rémunération.

57 Il est fallacieux de la part de l’employeur de soutenir que les paiements de relativité en matière d’équité salariale ont été faits par grandeur d’âme. De toute évidence, il a conclu que les interviewers, en ce qui concerne les tâches, pouvaient être correctement classifiés dans le groupe CR mais, en même temps, il a réalisé que cela engendrerait des problèmes opérationnels. Le fait de s’assurer que la négociation collective reconnaisse les besoins particuliers de Statistique Canada était la source de sa préoccupation. En fait, cette reconnaissance a entraîné la création des OES. Bien que les actions de l’employeur en autorisant ces rajustements rétroactifs au titre de l’équité salariale ne constituent pas une reconnaissance de sa part que l’équité salariale est due au groupe de plaignants, cela est néanmoins un facteur dans ma décision selon lequel les interviewers et les interviewers principaux représentent une catégorie d’employés aux fins de l’équité salariale puisque ces paiements reconnaissent l’homogénéité du groupe.

58 Les interviewers et les interviewers principaux travaillaient tous pour le même employeur. Ils avaient la même description de travail et le même objectif, ils ont reçu la même rémunération, ils étaient assujettis aux mêmes conditions de travail et ils ont reçu les paiements de relativité salariale en tant que groupe. Dans Bendel, ils ont été déterminés comme un groupe approprié aux fins de la négociation. Après la création des OES, ils sont demeurés un groupe distinct et ils le sont encore à ce jour. L’ensemble de la preuve m’amène à conclure qu’ils composent également un groupe qui est approprié aux fins de l’équité salariale. De plus, l’employeur ne m’a fourni aucun argument pour réfuter une telle conclusion. L’employeur n’a jamais nié que le groupe de plaignants était un groupe relativement homogène partageant des caractéristiques et des conditions de travail semblables ainsi qu’une communauté d’intérêts. Au contraire, l’employeur a concentré ses arguments pour tenter de me convaincre que le groupe ne devrait pas être classifié rétroactivement au groupe CR, une chose que j’ai précisément refusé de faire dans la présente décision.

59 Pour rendre la présente décision, je ne classifie pas rétroactivement les interviewers à une classification ou à un niveau de classification précis. Statistique Canada et le CT, par leurs actions afin de déterminer le niveau approprié de rémunération des interviewers en fonction des niveaux de rémunération du groupe CR, ont traité les postes comme s’ils étaient comparables au groupe de classification CR aux fins de la rémunération. Ma décision interdit simplement au défendeur de nier l’incidence de ses actions.

60 Il ne s’agit pas d’une question de classification, mais plutôt d’une question de rémunération, ce qui relève de la compétence de la Commission. En outre, une décision selon laquelle les interviewers et les interviewers principaux représentaient une catégorie d’employés aux fins de l’équité salariale ne donne pas automatiquement droit à ces employés à des rajustements rétroactifs au titre de l’équité salariale, mais leur donne le droit de voir leur emploi comparé à un groupe de comparaison, groupe qui n’a pas encore été déterminé, afin de décider si le niveau de rémunération pour leur travail était comparable à celui du groupe de comparaison. Pour se rendre à cette étape, les interviewers et les interviewers principaux doivent établir qu’ils représentaient un groupe à prédominance féminine et déterminer un groupe de comparaison approprié à prédominance masculine.

61 Dans Bendel, la question du statut d’employé a été réglée. Les interviewers étaient des employés du CT. La question de leur attribution à une unité de négociation est demeurée jusqu’à la création des OES. Lorsque les interviewers ont été transférés aux OES, ils sont devenus un groupe de négociation distinct pour lequel la plaignante a été accréditée à titre d’agent négociateur (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Opérations des enquêtes statistiques). Leurs conditions d’emploi ont été maintenues jusqu’à la conclusion d’une convention collective entre l’agent négociateur accrédité et les OES et la signature de la première convention collective.

62 L’une des conditions d’emploi, lesquelles ont été gelées au moment de la demande d’accréditation, était la classification des interviewers aux fins de la rémunération et le taux de rémunération. Par conséquent, pour la période commençant avec Bendel jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention collective, les interviewers ont continué à être payés comme des CR aux fins de la rémunération. Une fois que les interviewers sont devenus des employés d’un employeur distinct, une étude interne sur la relativité salariale est devenue nécessaire afin de déterminer s’il existait un problème d’équité salariale. Cette étude devait être menée au sein de cette organisation et non dans l’administration publique centrale dans son ensemble.

63 Le défendeur a également invoqué un problème de diligence (retard indu à intenter une action en justice). Il a également indirectement fait valoir que la doctrine de la préclusion s’appliquait (une règle juridique qui empêche une personne d’énoncer une position incompatible avec une autre déjà énoncée, en particulier lorsque la représentation précédente a été invoquée par d’autres) en soutenant que la plaignante avait accepté le fait que la création des OES réglerait la question de l’attribution des interviewers à un groupe de négociation, laquelle question a été soulevée dans Bendel. Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour rendre une décision sur ces arguments. Par conséquent, ils devraient faire partie de l’argument portant sur le fond de la présente demande.

64 Pour ces motifs, je conclus que, pour la période de 1985 jusqu’à la création des OES, les interviewers étaient visés par une catégorie d’employés ou un groupe professionnel qui est approprié aux fins de l’équité salariale et que la présente plainte devrait être entendue au fond.

65 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

66 La Commission a compétence pour entendre la présente plainte sur le fond.

67 L’affaire sera renvoyée aux Opérations du greffe de la Commission pour mise au rôle.

Le 17 septembre 2014

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la Commission des
relations de travail dans la fonction publique

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