Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les trois plaignants contestent leurs mises en disponibilité et allèguent que celles-ci vont à l’encontre de la Politique sur le réaménagement des effectifs (PRE), qui fait partie de leur convention collective, étant donné que l’employeur n’a pas appliqué le principe de l’ordre inverse du mérite (OIM) - les mises en disponibilité faisaient partie d’une transformation qui a eu lieu au Conseil national de recherches du Canada, et qui a fait en sorte qu’une importance accrue a été accordée à la recherche fondée sur l’industrie et à la recherche désignée comme prioritaire par le gouvernement - comme des programmes ont été abandonnés, il a fallu réduire l’effectif - les plaignants étaient des agents de recherche (AR) et ils ont affirmé posséder les qualifications requises pour les postes de recherche restants - l’employeur a soutenu qu’il n’était pas nécessaire de mener un processus d’OIM parce qu’aucun autre AR n’avait beaucoup travaillé dans les domaines de recherche touchés - selon l’employeur, au fur et à mesure que des fonctions étaient éliminées, les personnes qui exerçaient ces fonctions étaient mises en disponibilité - l’arbitre de grief a conclu qu’un processus d’OIM n’était pas nécessaire et qu’il n’y avait pas de disposition affirmant le contraire dans la convention collective - les personnes touchées par la suppression d’un programme sont celles qui exerçaient les fonctions liées à ce programme - dans le cas où une seule personne exerce une fonction, comme c’est le cas des plaignants, un processus d’OIM serait redondant - la décision de l’employeur n’est pas arbitraire et n’a pas été prise de mauvaise foi - les plaignants ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait, soit de convaincre l’arbitre de grief que, selon la prépondérance des probabilités, les autres employés du CNRC des mêmes groupe et niveau exerçaient des fonctions identiques ou connexes à celles exécutées par les plaignants. Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date:  20140707

Dossier:  566-09-5930 à 5932

 

Référence:  2014 CRTFP 69

Loi sur les relations de travail

dans la fonction publique

 

PSLRB noT(BW)

Devant un arbitre de grief

 

ENTRE

 

KRISZTINA MALISZA, HACENE SERRAI ET NICOLINO PIZZI

 

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

 

employeur

 

Répertorié

Malisza c. Conseil national de recherches du Canada

 

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant :  Margaret Shannon, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires :  Jeff Ryder, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),

du 18 au 20 mars 2014.

(Traduction de la CRTFP).


MOTIFS DE DÉCISION

(traduction de la crtfp)

I.  Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1]  Les fonctionnaires s’estimant lésés, Mme Krisztina Malisza, M. Hacene Serrai et M. Nicolino Pizzi (les « fonctionnaires »), étaient tous employés comme agents de recherche par l’employeur, le Conseil national de recherches du Canada (le « CNRC »). Les fonctionnaires étaient visés par la convention conclue entre le CNRC et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour le groupe Agents de recherches et Agents du Conseil de recherches (AR/ACR), dont la date d’expiration est le 19 juillet 2011 (la « convention collective »). Les fonctionnaires ont été informés le 24 mars 2011 qu’ils seraient mis en disponibilité parce que leurs postes ont été déclarés excédentaires en regard des besoins. La date d’entrée en vigueur a été établie au 25 mai 2011. Toutefois, en ce qui concerne M. Serrai, sa date de mise en disponibilité a été reportée au 11 juillet 2011. Les fonctionnaires ont allégué que l’employeur avait enfreint les clauses 3.6.6 et 3.6.13 de la Politique sur le réaménagement des effectifs (la « politique de RE »), qui fait partie de la convention collective, en n’appliquant pas le principe de l’« ordre inverse du mérite » (l’« OIM »). Les trois griefs allèguent également qu’il y a eu violation de l’article 28 (Absence de discrimination) de la convention collective.

II.  Résumé de la preuve

[2]  M. Pizzi était agent principal de recherche au sein du groupe de l’informatique biomédicale de l’Institut du biodiagnostic (l’« Institut ») du CNRC. Il a entrepris sa carrière au CNRC en 1984 et a occupé le poste d’agent principal de recherche de 1992 jusqu’à sa mise en disponibilité. Son poste était financé à même des crédits votés, ce qui signifie que le gouvernement fédéral allouait les fonds pour son poste annuellement. Son poste n’était pas financé à même des revenus.

[3]  Entre 2006 et 2011, M. Pizzi travaillait auprès des systèmes computationnels et les statistiques. Il était le chef du programme, dont les objectifs étaient les suivants : l’utilisation des systèmes computationnels pour l’identification de formes, et le soutien statistique et de calcul aux autres chercheurs de l’Institut.

[4]  M. Pizzi a été informé le 24 mars 2011 que son poste était touché. Il a été invité à assister à une réunion avec le directeur général de l’Institut pour discuter de l’impact des restrictions budgétaires et du réaménagement des effectifs (« RE ») qui en découle. Avant la rencontre, son chef de groupe l’a avisé qu’il serait mis en disponibilité. Lors de la rencontre, M. Ian Smith, directeur général de l’Institut, lui a remis une lettre l’informant que son poste serait supprimé (l’ « avis d’employé excédentaire »; pièce 2, onglet 7).

[5]  M. Pizzi a été très étonné lorsqu’il a pris connaissance de l’avis d’employé excédentaire, car le programme auquel il prenait part n’y figurait pas. À la place, le programme « Scopira », qui a pris fin au cours de l’exercice 2005-2006, y figurait. Scopira est le logiciel élaboré par l’Institut afin d’aider à l’analyse de données médicales. La technologie était arrivée à maturité. Il n’y a pas eu d’autres activités de recherche et développement dans ce domaine, et M. Pizzi est passé à d’autres projets. Dans ses feuilles de temps, M. Pizzi n’a pas inscrit de temps pour le programme Scopira depuis 2006. L’avis d’employé excédentaire de M. Pizzi indiquait également la suppression du « Programme de modélisation des maladies infectieuses », auquel il n’a jamais été affecté. Il a aidé les personnes qui participaient au programme de modélisation, mais il ne s’agissait pas de son secteur d’activité principal.

[6]  Lorsqu’il a demandé pourquoi l’élimination d’un programme basé sur des revenus avait entraîné la mise en disponibilité de postes fondés sur des crédits votés, M. Pizzi a été informé par son chef de groupe, M. Somorjai, qu’il n’avait pas été impliqué dans le processus décisionnel. M. Smith n’a pas consulté les chefs de groupe pour déterminer qui devait être mis en disponibilité. Il a été surpris de la décision.

[7]  M. Pizzi a présenté ses feuilles de temps (pièce 3) à partir de l’exercice 2006-2007 à la fin de l’exercice 2010-2011. Le temps alloué à chaque projet est indiqué sur chaque feuille de temps. Son superviseur immédiat a revu les feuilles de temps, puis y a apposé sa signature. Personne n’a remis en question les feuilles de temps de M. Pizzi au cours des cinq ans ayant précédé sa mise en disponibilité. M. Pizzi a inséré le contenu de ses feuilles de temps (pièce 3) dans un chiffrier Excel, a regardé tous les codes utilisés et a inscrit les résultats dans un chiffrier sommaire (pièce 4). Il a consacré le plus clair de son temps aux services computationnels et aux statistiques. Aucun temps n’a été consacré au projet Scopira. Enfin, il n’a consacré que 5 % de son temps au projet de modélisation mathématique, lequel a été utilisé pour aider les personnes chargées du programme à rédiger des demandes de subvention.

[8]  Entre 2010 et 2011, M. Pizzi s’est surtout consacré aux systèmes computationnels et aux statistiques. Scopira faisait partie de son travail dans ce domaine. La page Web du CNRC décrit le coffre à outils qui a été élaboré au moyen des travaux de M. Pizzi dans le cadre du projet Scopira. Il n’est pas mentionné que les travaux de développement avaient pris fin en 2006, alors qu’il a cessé d’inscrire du temps au titre du programme dans ses feuilles de temps. Les travaux qui se poursuivaient étaient consacrés à la mise à jour du coffre à outils Scopira.

[9]  En contre-interrogatoire, M. Pizzi a été renvoyé aux feuilles de temps de 2012 (pièce 2, onglet 16), dans lesquelles il avait inscrit du temps pour le projet Scopira. Il a nié que ces inscriptions étaient liées au projet Scopira; ces heures reflétaient le temps consacré à l’utilisation du programme dans le cadre de sa recherche. Il a déclaré qu’il travaillait à la sélection de sous-ensembles d’attributs stochastiques et qu’il se servait de Scopira pour ses recherches. Les inscriptions postérieures à 2006 qui se rapportaient à Scopira indiquent qu’il s’en est servi et non qu’il s’y est consacré. M. Pizzi a aidé à régler des problèmes qui sont survenus avec Scopira jusqu’à la fin du projet en 2006. Selon le plan de travail de M. Pizzi pour 2009-2010, le projet constituait l’un de ses objectifs pour cette année-là. Le travail exécuté était de nature promotionnelle et ne constituait pas du développement.

[10]  Les postes touchés et les autres postes classifiés au même niveau qui ont été conservés sont mentionnés dans l’analyse de rentabilisation du réaménagement des effectifs (pièce 2, onglet 5). M. Murray Alexander était le chef du programme de modélisation mathématique qui a été supprimé. M. Pizzi a témoigné qu’il aurait pu occuper n’importe quel des autres postes disponibles d’ARC, dont un était directement lié à ses travaux d’identification des formes. L’autre poste avait trait à l’imagerie, domaine dans lequel il avait déjà travaillé. Les ARC font de la recherche dirigée, telle que déterminée par les AR. Les ARC peuvent se spécialiser dans certains domaines, comme les statistiques.

[11]  Le poste de M. Pizzi est le seul de ce groupe à avoir été touché. M. Pizzi était le responsable du programme. Le programme qui a été supprimé était basé sur les revenus, ce qui n’aurait pas dû avoir de répercussion sur son programme financé à même des crédits votés et sur son poste.

[12]  M. Pizzi a fait valoir que si le principe de l’OIM avait été bien appliqué, le CNRC l’aurait maintenu en poste. C’est lui qui avait le plus d’expérience et d’ancienneté dans le groupe; il possédait environ 26 ans d’expérience dans son domaine. Selon ses évaluations du rendement (pièce 2, onglet 16), son rendement antérieur était entièrement satisfaisant, et son rendement global était excellent.

[13]  M. Pizzi ne devrait pas être pénalisé pour avoir aidé le groupe de modélisation des maladies. On lui a demandé de fournir de l’aide pour contacter les groupes de santé publique, obtenir des subventions et rédiger des demandes de financement. Il n’a jamais été affecté officiellement à ce groupe. Toutefois, il a défendu les intérêts du programme et a fait faire des visites guidées à des personnalités de passage afin de leur expliquer le programme. Il a également aidé des membres du groupe à organiser deux ateliers en matière de santé publique. Son aide était recherchée et il la fournissait en raison de sa connaissance du processus de financement et de ses contacts dans le milieu de la santé publique.

[14]  M. Pizzi ne s’occupait plus de recherche et de développement en lien avec Scopira. La portée des mentions de Scopira dans ses évaluations du rendement et dans ses plans de travail se limitait à indiquer les projets pour lesquels son logiciel était utilisé et ne voulait pas dire que du travail y était consacré.

[15]  Le groupe de M. Pizzi a élaboré un logiciel d’analyse de données et des algorithmes d’analyse de données nécessaires aux fins du logiciel. Son groupe a collaboré avec d’autres groupes au sein de l’informatique biomédicale, notamment les systèmes computationnels, l’élaboration d’algorithmes, l’analyse statistique, la modélisation mathématique et le traitement de l’image. Toutes ces tâches sont reliées, et les techniques utilisées dans une discipline sont transférables à toutes les sous-disciplines applicables. Le groupe d’informatique biomédicale se rencontrait quotidiennement pour discuter de ses recherches. Certaines fonctions exercées par ses collègues étaient liées à son travail. M. Pizzi était convaincu qu’il aurait pu diriger l’un ou l’autre des ARC ou des AR dans les projets de modélisation mathématique.

[16]  M. Pizzi a été déclaré excédentaire en raison de l’élimination de deux programmes : le projet de modélisation des maladies infectieuses et Scopira. Il n’a jamais été officiellement affecté au projet de modélisation des maladies infectieuses, comme en fait foi le site Web du CNRC, qui n’indiquait pas qu’il y était rattaché. Il n’a jamais mené de recherche dans ce domaine, même s’il a été identifié comme coauteur d’un document tiré d’un congrès qu’il a organisé.

[17]  Le travail de M. Pizzi a pris fin en février 2012. Il a travaillé pendant la période couverte par son avis afin de conclure certains travaux à contrat en cours. Il a obtenu un autre emploi en septembre 2013. Lorsqu’il a quitté le CNRC, il gagnait 122 000 $ par année, ce qui comprenait une indemnité provisoire. Son nouveau poste lui procure un revenu de 105 000 $.

[18]  Mme Malisza était employée comme AR au sein du groupe de recherche et développement en résonance magnétique au moment de sa mise en disponibilité. Elle a entrepris sa carrière au CNRC comme titulaire d’une bourse de recherche en 1996 et est devenue une employée nommée pour une période indéterminée au CNRC en 1998. Elle se consacrait essentiellement à l’élaboration du matériel et des logiciels et à la modélisation de la maladie. Elle a travaillé dans le domaine de l’imagerie par résonance magnétique dans le cadre de ses recherches sur les animaux et les êtres humains.

[19]  À titre de directrice des systèmes d’imagerie de l’Hôpital St. Boniface à Winnipeg, au Manitoba, Mme Malisza dirigeait le seul système d’imagerie par résonnance magnétique sur l’être humain; elle avait reçu comme mandat de faire fonctionner le système. En raison de difficultés techniques, le système n’a jamais été suffisamment bon pour effectuer de la recherche sur l’être humain et a été réservé à la recherche animale. Mme Malisza a alors entrepris des travaux relativement à l’imagerie par résonnance magnétique, plus précisément concernant l’élaboration de protocoles sur l’imagerie pédiatrique. Elle a consacré 10 ans à ces travaux, jusqu’en 2009, année ayant marqué l’abandon du programme à cause d’un manque de fonds.

[20]  Après ses travaux en imagerie pédiatrique, Mme Malisza a commencé à effectuer de la recherche sur le cancer, en mettant l’accent sur deux secteurs, soit la recherche et la mise au point de matériel. À l’automne 2010, quelques mois seulement avant d’avoir été informée de sa mise en disponibilité, on lui a demandé de se consacrer au projet sur le cancer du sein. Elle devait s’assurer que le matériel fonctionnait bien et élaborer un logiciel pour utilisation dans le cadre du projet de recherche. Elle travaillait dans ce domaine lorsqu’elle a été informée le 25 mars 2011 qu’elle était touchée par le réaménagement des effectifs (pièce 2, onglet 9). Elle s’est sentie ciblée par l’avis, même si elle a reconnu en contre-interrogatoire que les gestes de l’employeur n’avaient rien de malveillants, car elle ne s’était jointe que récemment au groupe de recherche sur le cancer du sein. Le poste de Mme Malisza est le seul poste qui a été supprimé. La recherche sur le cancer du sein s’est poursuivie avec l’ajout de nouvelles subventions.

[21]  Deux postes ont été touchés par le RE au sein du groupe de recherche et développement en résonance magnétique : celui de Mme Malisza, et le poste de M. Serrai en développement de la technologie de la résonance magnétique. Mme Malisza, tout comme M. Pizzi, a occupé un poste financé à même des crédits votés. Sa compréhension du financement des postes est la même que celle de M. Pizzi. De même, selon elle, les AR et les ARC accomplissent essentiellement le même travail et elle aussi était compétente pour occuper l’un ou l’autre des postes restants dans le groupe de recherche et développement en résonance magnétique et en développement de la technologie de la résonance magnétique.

[22]  Depuis sa mise en disponibilité, Mme Malisza a été incapable de trouver du travail. Elle a obtenu accès à titre de visiteur à l’immeuble pour superviser son étudiant au doctorat, ce qui lui a permis d’avoir un bureau et d’effectuer sa propre recherche.

[23]  Paul Wiebe est le gestionnaire principal du portefeuille Dispositifs médicaux du CNRC. Au moment des mises en disponibilité, il était le directeur des Services commerciaux et institutionnels de l’Institut. Les changements survenus en 2011 ont entraîné un virage fondamental au CNRC; une restructuration a eu lieu, créant ainsi 3 portefeuilles pour 19 instituts. La transformation a fait porter l’accent sur la recherche basée sur l’industrie et sur la recherche qualifiée de prioritaire par le gouvernement plutôt que sur la recherche dictée par la curiosité.

[24]  D’après M. Wiebe, les postes financés par des crédits votés sont essentiellement financés par de l’argent reçu du CNRC, complété par des subventions. L’Institut a reçu des fonds de l’Initiative en génomique et en santé (pièce 2, onglet 4). Ces fonds ont cessé d’être versés quand les priorités gouvernementales ont changé. M. Pizzi a travaillé à contrat auprès de Fermion, une société avec laquelle le CNRC faisait des affaires, tandis que Mme Malisza a travaillé à contrat auprès de l’Université de l’Alberta et l’Université Queen’s. Dans le domaine de la recherche et du développement sur la RM, M. Serrai était l’un des quatre AR qui travaillaient à contrat.

[25]  En 2011, des discussions de haut niveau ont eu lieu au sujet de la situation financière de l’Institut. Les programmes devaient être réduits. Le directeur général a fait la sélection en se fondant sur les programmes les moins prioritaires. Aucune autre discussion n’a eu lieu avec d’autres intervenants de l’Institut concernant les programmes qui devaient être supprimés et les personnes qui seraient touchées.

[26]  Joey Weir est un généraliste en ressources humaines au CNRC et il a pris part au RE de 2011. À la fin de janvier 2011, il a été établi que des réductions de personnel devaient être effectuées, car des programmes n’étaient pas poursuivis. Une analyse de rentabilisation a été réalisée pour appuyer cette recommandation. Au besoin, le directeur général ou le gestionnaire principal lui demandait de contribuer à ce processus. Le comité de gestion a traité avec les chefs de groupe sur une base régulière et au besoin pour déterminer les programmes et les employés touchés. M. Smith l’a avisé des réductions et de ce qui se passerait. M. Weir a ensuite fourni les renseignements nécessaires pour que l’analyse de rentabilisation soit approuvée.

[27]  Après l’approbation de l’analyse de rentabilisation par le vice-président des ressources humaines, M. Weir a organisé la réunion du comité de consultation sur le réaménagement des effectifs, tenue avec l’agent négociateur le 11 mars 2011. À la réunion, l’agent négociateur n’a pas soulevé la question de l’OIM en ce qui concerne le choix des employés devant être mis en disponibilité. Le processus d’OIM pour le groupe des AR est très rare et n’était pas connu au sein du CNRC. Le processus d’OIM est mené lorsque les employés touchés sont choisis dans un groupe de postes qui sont identiques ou pratiquement identiques. Dans les RE précédents qui impliquaient des AR, l’OIM n’a pas été utilisé, car les postes désignés ne comportaient pas les mêmes tâches. Les postes d’AR ne sont pas automatisés et, habituellement, les AR n’effectuent pas tous la même recherche. Les AR touchés devaient être réputés substantiellement impliqués dans la recherche qui a été éliminée. S’il était conclu qu’un AR était impliqué dans des domaines de recherche continue, il n’était pas visé. On a demandé aux fonctionnaires d’indiquer leurs secteurs d’intérêt et l’endroit qu’ils privilégiaient, après quoi l’employeur devait tenter de promouvoir les fonctionnaires, comme l’exige la convention collective.

[28]  Selon les fonctionnaires, l’enjeu principal résidait dans l’absence de recours à l’OIM dans leur sélection. Le CNRC ne jugeait pas le processus de l’OIM nécessaire, car aucun autre AR n’était véritablement impliqué dans les secteurs touchés. Les fonctionnaires étaient également mécontents de ne pas avoir été considérés en vue d’un maintien en poste à titre d’ARC. Même si l’employeur avait lancé un processus d’OIM, les fonctionnaires n’auraient pas été pris en compte aux fins d’un maintien en poste, parce que le processus de l’OIM est propre à un groupe et niveau de classification; l’employeur n’était pas tenu d’étudier la situation d’autres catégories que celle des AR. La différence principale entre les groupes AR et ARC réside dans les études. Les AR ont un doctorat (ou une maîtrise en génie); les ARC peuvent avoir un doctorat. Leurs fonctions peuvent être reliées s’ils travaillent dans le même domaine.

[29]  M. Smith a été le directeur général de l’Institut jusqu’à sa retraite en 2013. L’Institut comptait de nombreuses divisions et de nombreux groupes dont le but visait l’autonomie grâce à la production de revenus. M. Smith a commencé à élaborer l’analyse de rentabilisation et a proposé un RE après 10 ans de réductions budgétaires. Il savait que l’Institut était confronté à une réduction supplémentaire de 1 million de dollars sur un budget de 8 millions de dollars. Une nouvelle analyse de rentabilisation a dû être élaborée pour décrire de quelle façon l’Institut survivrait.

[30]  Pour élaborer l’analyse de rentabilisation, M. Smith a tenu compte du CNRC et de son mandat ainsi que du mandat de chacun des groupes. Il a étudié la production des groupes en regard de leur mandat. Il a évalué la réussite d’un groupe en tenant compte des produits générés, des publications utiles, des sources de revenus et du temps requis pour commercialiser le produit élaboré. L’optimisation des ressources du contribuable est le facteur principal qui a été pris en compte. Pour jauger ces critères, il a consulté le directeur de la recherche de l’Institut et peut-être M. Wiebe. Il n’a pas consulté les chefs de groupe parce qu’ils étaient trop impliqués dans la recherche. Dans le cadre du processus, il a été établi que des membres du personnel devaient être mis en disponibilité. Les programmes qui ne s’inscrivaient pas dans le mandat de base du CNRC ont pris fin. Il n’était pas nécessaire d’évaluer qui devait être mis en disponibilité au moyen d’un processus de l’OIM, car les fonctions étaient éliminées, et les gens qui exerçaient ces fonctions ont été mis à pied.

[31]  Scopira et la modélisation des maladies infectieuses étaient deux fonctions qui ont été éliminées. Scopira a été conçu pour classifier les maladies mais l’objectif n’a jamais été atteint; il a donc été éliminé. Les travaux de développement consacrés à Scopira ont pris fin en 2006, et personne n’a été affecté à ce projet en 2010 et en 2011. M. Smith n’était pas étonné de l’absence de temps inscrit pour Scopira depuis 2006.

[32]  La modélisation des maladies infectieuses ne constitue pas le rôle principal du groupe de modélisation mathématique. M. Pizzi se consacrait à la modélisation des maladies infectieuses, mais M. Smith ne savait pas avec précision ce que M. Pizzi faisait dans le cadre du programme. Le chef de groupe de M. Pizzi a fourni peu de renseignements sur les projets auxquels M. Pizzi a pris part. Il était toujours le porte-parole du programme. Quand l’Institut avait des visiteurs, c’est lui qui leur parlait du programme. Le gouvernement a construit un laboratoire de 500 millions de dollars à Winnipeg pour étudier les maladies infectieuses. Par conséquent, il a été établi qu’il était préférable de le laisser à cette organisation, et le programme de l’Institut a été éliminé.

[33]  M. Alexander a participé à la modélisation mathématique et était le consultant en mathématiques pour l’ensemble de l’Institut. Contrairement aux travaux exécutés par M. Pizzi, ceux de M. Alexander jouaient un rôle primordial dans bon nombre des projets en cours à l’Institut. Pour ce motif, il n’a pas été touché par le RE. M. Somorjai a travaillé à de nombreux projets, dont la classification des maladies, mais ne s’est pas consacré à la modélisation des maladies, comme l’a allégué M. Pizzi.

[34]  Mme Malisza gérait un projet sur le cancer du sein visant à élaborer de nouvelles méthodes permettant de localiser et d’identifier des tumeurs au sein. Elle n’accomplissait pas d’autres travaux, bien qu’elle ait déjà pris part à une étude portant sur l’autisme et le syndrome d’alcoolisme fœtal. Ces projets ont été interrompus, et le projet sur le cancer du sein lui a été confié. Le financement du projet sur le cancer du sein a cessé, et son poste a été éliminé.

[35]  M. Serrai est le seul AR qui a pris part à des applications d’imagerie par résonance magnétique multi-émetteurs, un projet qui a également été supprimé. Le projet s’était déjà étalé sur une trop longue période et n’avait rien donné de valable. Il a donc été éliminé.

[36]  D’autres AR sont demeurés en poste. Leur travail donnait des résultats, notamment le travail de M. Bezabeth, grâce auquel il est possible de détecter les cancers du côlon avec 98 % d’exactitude. M. Hoult était un spécialiste de toutes les facettes de l’imagerie par résonnance magnétique et a rédigé un document à ce sujet. Il était une personne-ressource pour l’ensemble du personnel de l’Institut. M. Ryner était chef de groupe et spécialiste de l’imagerie bidimensionnelle. Il consacrait quatre-vingt-dix pour cent de son temps à gérer le groupe. Les autres personnes qui ont conservé leur poste étaient des chercheurs de niveau postdoctoral occupant des postes à durée déterminée. Le travail des autres AR était interrelié selon la nature du projet. Contrairement à M. Pizzi, qui élaborait le matériel informatique, les autres étaient mathématiciens. MM. Somorjai et Alexander ont pris part à quatre des six projets restants.

[37]  À moins de travailler à la construction d’une bobine devant être utilisée dans le cadre de la recherche sur le cancer du sein, personne ne se consacrait à ce projet. Six AR travaillaient dans le domaine de la recherche et du développement sur la RM sous la direction d’un chef de groupe. Les projets étaient très diversifiés et non homogènes. M. Serrai travaillait seulement à l’élaboration du matériel, tandis que Mme Malisza effectuait de la recherche en biologie. La recherche humaine de ce genre requiert des centaines de sujets et coûte de 1 à 2 millions de dollars par année. Ces travaux de recherche ne pouvaient plus être poursuivis.

[38]  Aucun processus d’OIM n’a été appliqué à des personnes; ces processus ont plutôt été appliqués aux projets, non aux personnes en cause. Le critère général était le fondement du projet dans le cadre du mandat du CNRC. Les trois fonctionnaires étaient aussi valables que les AR maintenus en poste; il s’agissait de déterminer s’ils étaient essentiels.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour les fonctionnaires

[39]  La question clé réside dans l’application de la PRE dans le cadre de la ronde de mises en disponibilité. Le 24 mars 2011, les fonctionnaires ont été informés par lettre que leurs postes seraient éliminés le 25 mai 2011 en raison de la suppression de leurs projets. Le CNRC a enfreint la clause 3.6.6 de la PRE lorsqu’il a omis d’appliquer les dispositions sur l’OIM de la PRE afin de déterminer les employés excédentaires aux fins de la mise en disponibilité en vertu de la clause 3.6.6.3. De plus, le CNRC a commis une erreur en choisissant de mettre en disponibilité M. Pizzi sur la base des programmes auxquels il n’a pas pris part ou pour lesquels il n’avait pas accompli de travail pendant plusieurs années. Le CNRC n’a affecté Mme Malisza au projet de recherche sur le cancer du sein que récemment. L’employeur l’a fait en sachant qu’il y avait des contraintes budgétaires. Il a agi avec mauvaise foi et de manière arbitraire.

[40]  Le témoignage de M. Wiebe n’est d’aucune valeur, car il n’a pas pris part au processus décisionnel ou au processus de RE.

[41]  Les fonctionnaires faisaient partie d’un groupe qui exécutait des fonctions connexes et formaient une équipe. L’employeur n’a pas justifié adéquatement son défaut d’appliquer le processus de l’OIM. L’affirmation de M. Weir selon laquelle l’OIM ne s’applique qu’aux postes des mêmes groupes et niveaux de classification ne devrait pas être prise en compte, car les AR occupent des postes spécialisés.

[42]  M. Smith était le décideur principal. Il a témoigné qu’à son avis, il n’était pas nécessaire d’appliquer le processus de l’OIM aux AR, car il était appliqué aux projets. Les personnes touchées ont été affectées aux projets désignés. Il a décidé lui-même quels projets devaient être éliminés, et ce, sans consulter les chefs de groupe qui auraient été mieux à même de déterminer les contributions de chaque AR. Bien que les AR soient spécialisés et reconnus pour leur savoir-faire dans leurs domaines respectifs, il arrive fréquemment qu’ils passent d’un poste à un autre. Ils font partie d’une équipe et, à ce titre, peuvent exercer des fonctions liées entre elles.

[43]  L’agent négociateur était en désaccord avec l’affirmation de M. Smith selon laquelle les résultats auraient été identiques si le processus d’OIM avait été appliqué. Il est clair que d’autres AR qui font partie des organigrammes du groupe de modélisation mathématique et du groupe de recherche et développement en résonance magnétique n’auraient pas obtenu un pointage aussi élevé que les fonctionnaires aux évaluations dans le cadre du processus de l’OIM. L’employeur a dit que seuls les programmes devaient passer par le processus de l’OIM, lequel établissait qui devait être mis en disponibilité. M. Smith a reconnu que le projet Scopira avait été interrompu six ans auparavant. Il n’était pas étonné que M. Pizzi n’ait pas inscrit de temps pour le projet Scopira sur ses feuilles de temps (pièce 3) ou dans l’analyse qu’il en a fait (pièce 4).

[44]  D’après ces pièces, la modélisation des maladies infectieuses occupait seulement 5 % du temps de M. Pizzi. Aucun des témoins de l’employeur n’a contesté cette conclusion. M. Smith a confirmé que l’analyse de rentabilisation a été élaborée juste avant l’envoi des avis du 24 mars 2011, soit six mois après l’affectation de Mme Malisza au projet de recherche sur le cancer du sein. Néanmoins, le site Web du CNRC révèle que le projet s’est poursuivi en 2012. M. Smith a écarté ce fait en affirmant que le site Web n’était pas à jour.

[45]  M. Pizzi comptait 27 ans de service au moment de sa mise en disponibilité. Il a fourni des preuves claires et fortes concernant les deux programmes indiqués dans sa lettre du 24 mars 2011. Il n’avait pas pris part au projet Scopira depuis 2006, et n’a consacré que 5 % de son temps à la modélisation des maladies infectieuses. Ses feuilles de temps (pièce 3) révèlent de façon exhaustive le travail qu’il a accompli au cours des cinq dernières années.

[46]  M. Pizzi et Mme Malisza étaient des employés nommés pour une période indéterminée occupant des postes financés à même des crédits votés, et non à même des revenus. L’absence de financement de l’Initiative en génomique et en santé a été identifiée dans l’analyse de rentabilisation comme motif de l’élimination de projets. M. Pizzi n’a jamais été officiellement affecté aux projets supprimés; cette affirmation n’a été contredite par aucune preuve. La description du programme de modélisation mathématique (pièce 5) n’indique pas qu’il fait partie de ce groupe.

[47]  Mme Malisza avait 15 ans de service au moment de sa mise en disponibilité. Au cours des 10 dernières années de cette période, elle travaillait dans le domaine de l’imagerie pédiatrique, jusqu’à ce que le programme soit éliminé. Elle a ensuite été affectée au projet de recherche sur le cancer du sein. Six mois plus tard, le programme a été mentionné à des fins d’élimination, et elle a été identifiée pour être mise en disponibilité. Depuis qu’elle s’était jointe au projet sur le cancer du sein, elle se consacrait surtout à l’imagerie de diffusion, à la construction de bobines et à l’obtention de fonds. Les organigrammes du groupe de recherche et développement en résonance magnétique qui ont été présentés identifient des AR des autres secteurs, et rien n’a démontré que ces AR n’exécutaient pas des fonctions connexes. Le groupe de la technologie de RM faisait également partie du groupe de Mme Malisza. Trois AR sont identifiés dans cet organigramme. Le processus de l’OIM aurait dû être appliqué simultanément aux groupes de la technologie et de la recherche et du développement.

[48]  La cinquième édition du Black’s Law Dictionary définit l’arbitraire comme un synonyme de la mauvaise foi ou du défaut d’exercer un jugement honnête. Ce dictionnaire définit la mauvaise foi comme une fraude ou une intention de tromper ou de poser consciemment un geste répréhensible. La clause 3.6.1.3 de la PRE (pièce 2, onglet 3) exige que l’employeur traite les employés équitablement et leur donne toutes les occasions raisonnables de poursuivre leurs carrières au CNRC ou à l’externe. L’équité exige que l’employeur agisse de bonne foi et non de façon arbitraire pour déterminer quels programmes sont éliminés et quels employés sont touchés. La PRE aurait dû être appliquée intégralement. Les fonctionnaires n’ont pas été traités équitablement. Malgré le fait qu’ils faisaient partie du même groupe et niveau de classification que d’autres qui exerçaient des fonctions connexes et qui fonctionnaient dans le cadre d’une équipe, ils ont été isolés aux fins de la mise en disponibilité. Il s’agissait d’une décision arbitraire de la part de M. Smith. Elle n’était pas transparente et le motif de mise en disponibilité était incorrect. Une personne ne devrait pas décider qui sera mis en disponibilité sans consulter celles qui connaissent les projets à l’étude. Les décisions d’éliminer des projets et de mettre des gens en disponibilité ne devraient pas reposer sur des hypothèses comme l’identité des personnes qui font des visites guidées et qui coûtent le plus cher.

[49]  L’employeur n’a jamais envisagé sérieusement l’OIM. On a affirmé à tort qu’un fonctionnaire avait été affecté au mauvais programme. Il n’a pas été démontré que le projet de recherche sur le cancer du sein avait effectivement été interrompu.

[50]  Quand la PRE n’est pas respectée, comme ce fut le cas dans Powell c. Conseil national de recherches du Canada, 2010 CRTFP 25, les parties devraient avoir le loisir de décider de la réparation. Dans Powell, le fonctionnaire a obtenu un an de salaire, car il aurait été mis en disponibilité un an plus tard qu’il l’a été. Si les projets de M. Pizzi avaient été bien définis, il serait vraisemblablement demeuré en poste pendant une autre année. En raison de son rendement, de son expérience et de ses compétences comportementales, Mme Malisza n’aurait pas été mise en disponibilité avant que le reste des employés des groupes de travail soient touchés si l’OIM avait été appliqué correctement.

B.  Pour l’employeur

[51]  L’employeur a fait valoir que les conditions préalables à l’OIM n’avaient pas toutes été respectées; par conséquent, il n’y avait aucune obligation d’effectuer cette évaluation. Malgré le témoignage de M. Pizzi, il apparaît clairement qu’il avait pris part au projet Scopira et à celui de la modélisation des maladies infectieuses. Son poste faisait partie intégrante de ces programmes.

[52]  Les trois fonctionnaires ont fait valoir deux arguments principaux à l’appui de leurs griefs : l’employeur n’a pas appliqué le processus de l’OIM comme l’exigeait la PRE, par conséquent, il a enfreint la convention collective; M. Pizzi a été retenu à tort en vue de la mise en disponibilité. Les fonctionnaires n’ont pas contesté la légitimité de la décision de l’employeur de faire cesser ou d’éliminer les six programmes décrits dans l’analyse de rentabilisation (pièce 2, onglet 5). Conformément au mandat du CNRC, l’Institut avait comme objectif clair d’élaborer des appareils médicaux afin de diagnostiquer des maladies humaines et de transférer rapidement la technologie à l’industrie et aux utilisateurs finaux. En conséquence, il a été décidé de mettre fin aux programmes indirectement liés à l’orientation stratégique de l’Institut ou qui ne respectaient plus celle-ci. Les fonctionnaires prenaient part à la recherche menée dans le cadre des programmes interrompus.

[53]  La nature du travail d’un AR est liée à la personne ou au titulaire, ce qui ne se prête pas facilement au processus de l’OIM, comme le font les postes comportant des descriptions de travail axées sur les fonctions. En l’espèce, chaque fonctionnaire devait exercer des fonctions liées aux programmes interrompus et travaillait exclusivement à ces projets. Contrairement à la position adoptée par M. Pizzi, ses évaluations de rendement, ses publications et sa correspondance appuyaient la conclusion selon laquelle son poste faisait partie intégrante de deux programmes interrompus, à savoir la modélisation des maladies infectieuses et Scopira.

[54]  Aucun des fonctionnaires n’a contesté la décision de l’employeur d’éliminer des programmes. Ils ont reconnu le pouvoir de l’employeur de prendre des décisions en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; la « LGFP ») et de la Loi sur le Conseil national de recherches (L.R.C. (1985), ch. N-15; la « LCNR »). En vertu de la LCNR, l’employeur possède le même pouvoir en vertu de l’article 7 de la LGFP qu’un employeur distinct (Association des employés du Conseil de recherches c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 26, au paragr. 28). Les articles 7 et 11.1 de la LGFP confèrent à l’employeur un vaste pouvoir illimité quant à l’établissement des politiques administratives d’ordre général pour l’administration publique fédérale, notamment pour déterminer et contrôler sa gestion du personnel. L’alinéa 7(1)b) de la LGFP accorde à l’employeur le pouvoir exclusif sur toutes les questions qui ont trait à « […] l’organisation de l’administration publique fédérale ou de tel de ses secteurs ainsi que la détermination et le contrôle des établissements qui en font partie » (Babcock v. Canada (Attorney General), 2005 BCSC 513, aux paragr. 10 à 12, et Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236, aux paragr. 42 à 45).

[55]  Dans l’exercice des fonctions de gestion qui lui sont conférées en vertu de la LGFP, l’employeur peut faire ce qui ne lui est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou par une convention collective (voir P.S.A.C. v. Canada (Canadian Grain Commission) (1986), 5 F.T.R. 51, aux paragr. 3 et 4 et 9 et 10, et Peck c. Parcs Canada, 2009 CF 686, au paragr. 33; Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 110, au paragr. 26; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2014 CRTFP 18, au paragr. 48; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2013 CRTFP 165, au paragr. 83).

[56]  Le rôle d’un arbitre de grief, lorsqu’il interprète les dispositions d’une convention collective, consiste à découvrir l’intention des parties relativement à l’affaire en litige (R.M. Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada (4e édition), aux paragr. 2.1 et 2.2). Dans l’évaluation des limites prévues à la convention collective, un arbitre de grief doit se pencher sur la signification usuelle des termes utilisés par les parties et s’abstenir de modifier les modalités et conditions qui sont claires. L’arbitre de grief doit également tenir compte de l’ensemble de la convention collective. Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour en faire abstraction, si la disposition est clairement formulée (Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et Océans), 2010 CRTFP 112, aux paragr. 50 et 51, et Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, aux paragr. 25 à 28).

[57]  La PRE ne rend pas obligatoire un processus de l’OIM dans toutes les situations de RE. L’application de ce processus est nécessaire seulement lorsqu’il existe certaines conditions. L’agent négociateur doit démontrer clairement que, selon la prépondérance des probabilités, l’employeur a enfreint la clause 3.6.6.3 de la PRE. La preuve nécessaire pour s’acquitter de ce fardeau de la preuve doit être assez claire, convaincante et déterminante pour répondre au critère de la prépondérance des probabilités (Association canadienne des employés professionnels c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 100, aux paragr. 19 et 21). En l’espèce, il incombait à l’agent négociateur de démontrer que le nombre de postes classifiés au même niveau avait été réduit et que les postes étaient nécessaires pour l’exécution d’une fonction unique ou connexe. L’obligation d’exécuter un processus de l’OIM entre en jeu seulement lorsqu’il a été établi que nombre de postes permettent d’exécuter une fonction unique ou connexe.

[58]  La recherche peut être regroupée par thème. Une interprétation restrictive dans le contexte de la convention collective est cohérente avec l’approche de l’employeur. Il n’y a pas de disposition sur l’énoncé des fonctions dans la convention collective. Les postes sont basés sur leur titulaire. Aucun processus de l’OIM n’a été déclenché en l’espèce. La fonction exécutée par le titulaire d’un poste donné est la recherche à laquelle se consacre l’employé qui occupe le poste. Le programme éliminé qui a touché M. Pizzi a affecté deux autres chercheurs, dont les rôles avaient des implications dans d’autres domaines des programmes. La fonction de M. Pizzi était liée directement au programme qui a été éliminé.

[59]  La clause 3.6.1.2 prévoit un RE advenant l’élimination d’un programme. Le processus de l’OIM équivaut au processus de SMPMD (sélection des fonctionnaires aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité) en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), ce qui s’inscrit dans la compétence du Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le processus de SMPMD, comme le processus de l’OIM, n’est pas nécessaire dans tous les cas. Il incombe à un employé touché de démontrer que les titulaires d’autres postes du même groupe et niveau de classification exerçaient des fonctions identiques ou similaires (Lishman c. le sous-ministre d’Environnement Canada, 2013 TDFP 0012, aux paragr. 45 à 48). La mesure dans laquelle il faut interpréter une fonction au sens large est une question de fait (Maclean c. le secrétaire du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2012 TDFP 0021, aux paragr. 12 à 14, 27 et 28 à 31). L’argumentation présentée dans Maclean est similaire à celui qu’à fait valoir Mme Malisza : l’employée occupait un poste classifié EX-01 et était donc en mesure d’exercer des fonctions d’un poste classifié EX-01.

[60]  Pour faire valoir la clause 3.6.6.6 de la PRE, il faut avoir satisfait aux conditions de la clause 3.6.6.3. Il incombe à l’employé touché de produire des preuves claires, fortes et convaincantes qui établissent, selon la prépondérance des probabilités, que les conditions ont été respectées (Molander c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et al., 2007 TDFP 0042, aux paragr. 44 à 46, et Association canadienne des employés professionnels, au paragr. 20). L’agent négociateur n’a pas présenté de preuve contestant la décision de l’employeur. La preuve a révélé que M. Pizzi avait pris part à la modélisation des maladies infectieuses et au projet Scopira (pièce 2, onglets 16 et 17). La seule preuve présentée à l’appui de l’argument de M. Pizzi était ses feuilles de temps (pièce 3), lesquelles ne constituent pas une façon valide ou fiable de déterminer avec exactitude en quoi consistait son travail. Par exemple, la mention « développement de logiciel » n’indique pas à quoi il travaillait. M. Smith a témoigné que Scopira n’était plus utilisé. Par conséquent, il n’était plus nécessaire de le maintenir. La prétention de M. Pizzi selon laquelle il n’était plus affecté au projet sur la modélisation des maladies infectieuses était contredite par ses évaluations de rendement et sa planification de travail. Il a communiqué clairement sa participation à Scopira et à la modélisation des maladies infectieuses à son employeur (pièce 2, onglet 6).

[61]  La question du financement fondé sur les crédits votés ou sur les revenus pour les postes est une habile diversion. Un RE touche à la fois les employés nommés pour une période indéterminée et les employés nommés pour une période déterminée.

[62]  Pour l’essentiel, Mme Malisza a témoigné qu’elle était affectée au projet de recherche sur le cancer du sein six mois avant qu’il soit désigné en vue d’être éliminé. Elle a reconnu qu’il n’y avait rien de néfaste entourant son affectation à ce projet. Elle a l’expérience d’être transférée de projet en projet. La seule preuve de mauvaise foi ou de conduite arbitraire réside dans sa déclaration selon laquelle elle se sentait ciblée. La mauvaise foi ne se présume pas; elle doit être démontrée.

[63]  Il n’y a aucune preuve (outre le témoignage de M. Smith) concernant l’élimination du projet de M. Serrai. Ce témoignage n’a pas été contesté, et ce grief devrait être rejeté de façon sommaire.

[64]  Il apparaît clairement à la lumière du témoignage de M. Weir que l’employeur a pris des mesures pour faire de la publicité aux fonctionnaires. Mme Malisza a reçu un laissez-passer d’invitée pour pouvoir continuer à superviser son étudiant. M. Pizzi a obtenu l’autorisation de terminer son travail dans le cadre du projet Fermion.

[65]  M. Smith a identifié des domaines de recherche discrets à éliminer. Les AR ne forment pas un groupe hétérogène, mais plutôt un groupe de personnes possédant leurs propres compétences. Le fait que les AR se rencontraient régulièrement pour discuter de leur travail en prenant un café n’équivaut pas à du travail d’équipe. Le vocabulaire utilisé par M. Smith lorsqu’il a fait référence à l’application d’un processus de l’OIM aux projets plutôt qu’aux individus était déplorable. Ce qu’il faut retenir, c’est que lorsque les projets ont été éliminés, les seules personnes touchées étaient celles qui effectuaient ces recherches. S’il est possible d’établir qu’une seule personne a été affectée par l’élimination d’un programme, un processus de l’OIM n’est nullement nécessaire.

IV.  Motifs

[66]  Avant de déterminer si le CNRC a enfreint les dispositions de la PRE contenues dans la convention collective, je traiterai de certaines questions de preuve qui doivent être réglées pour statuer sur les questions secondaires soulevées par les fonctionnaires. M. Pizzi a soutenu que le CNRC croyait à tort qu’il avait été affecté aux projets de modélisation des maladies infectieuses et de Scopira. Il a prétendu que les travaux liés au projet Scopira avaient pris fin en 2006 et qu’il n’avait pas inscrit de temps à cet égard depuis. L’examen de ses feuilles de temps pour les exercices 2006-2007 à 2010-2011 inclusivement (pièce 3) a clairement démontré que jusqu’à l’exercice 2009-2010, M. Pizzi avait pris part au projet Scopira et que son analyse (pièce 4) était inexacte. En outre, M. Pizzi a témoigné que ces inscriptions devaient refléter à quels moments le projet Scopira avait été utilisé dans la recherche, ce qui, selon moi, est douteux car les inscriptions de temps sont censées faire état de son temps aux fins de la vérification de la paie. M. Pizzi a également témoigné avoir consacré du temps à entretenir Scopira après 2006, mais aucune feuille de temps ne reflète cela après 2008-2009. Les feuilles de temps sont tellement floues qu’elles sont inutiles pour évaluer le temps consacré au soutien de Scopira. De plus, la liste des publications de M. Pizzi (pièce 8) a clairement démontré qu’il avait participé à l’étude de la modélisation des maladies infectieuses, compte tenu du fait que les trois plus récentes publications connues du CNRC au moment où la décision a été prise de mettre en disponibilité M. Pizzi étaient liées à la modélisation des maladies infectieuses. Il était un ardent défenseur du programme, cherchait du financement de façon dynamique pour le projet et le représentait régulièrement auprès des visiteurs de l’extérieur qui venaient au CNRC. Par conséquent, il était logique et raisonnable pour le CNRC de le considérer comme faisant partie intégrante du projet sur la modélisation des maladies infectieuses comme il l’était pour le projet Scopira.

[67]  La représentante du CNRC a demandé qu’une observation désinvolte de M. Smith sur la question de savoir si une OIM était nécessaire ou non ne soit pas utilisée pour déterminer si l’employeur avait bien traité de la question de l’OIM. Je suis d’accord avec elle. Lorsque des programmes sont éliminés, les personnes touchées sont celles qui exercent les fonctions rattachées à ce programme, à moins d’une disposition contraire contenue dans la convention collective. Lorsqu’une seule personne remplit cette fonction, comme c’est le cas des fonctionnaires, un processus de l’OIM ne servirait à rien. Dans un tel cas, une seule personne est touchée par l’élimination de cette fonction en particulier; il est donc inutile de mener un processus de l’OIM. Conformément à la clause 3.6.6.3 de la PRE, lorsque des programmes sont éliminés, les personnes touchées sont celles qui exercent les fonctions propres à ce programme, à moins d’une disposition contraire dans la convention collective. La clause 3.6.6.3 de la PRE prévoit ce qui suit :

3.6.6.3 Dans le cas d’une réduction du nombre de postes du même niveau de classification nécessaire pour exécuter une seule fonction ou des fonctions connexes, le DG doit appliquer le processus d’ordre inverse du mérite uniquement pour déterminer les employés excédentaires et l’ordre des mises en disponibilité possibles.

 

[68]  Je conviens également avec elle que la nature du financement des postes est une diversion. La PRE, à la base de l’argumentation des fonctionnaires, n’établit aucune distinction entre les postes financés à même des crédits votés et ceux qui sont financés au moyen des revenus. Le libellé clair de la PRE indique plutôt qu’elle s’applique seulement aux employés. On ne m’a exposé aucun argument établissant que les fonctionnaires n’étaient pas des employés aux fins de la PRE.

[69]  La majeure partie de l’argumentation de M. Pizzi était axée sur le travail qu’il a prétendu ne pas avoir fait. M. Pizzi a soutenu que l’employeur avait désigné Scopira et la modélisation des maladies comme étant le travail qu’il effectuait, et qui n’était plus requis. Il a présenté cet argument à l’appui de son allégation que sa mise en disponibilité avait été faite de mauvaise foi. Toutefois, ce seul élément de preuve ne constitue pas une preuve de mauvaise foi ou de préjudice à son égard et le témoignage de l’employeur m’a persuadée que la désignation du travail dans les lettres des personnes touchées qui ont été transmises aux trois fonctionnaires n’était pas arbitraire.

[70]  Pour que leurs griefs soient accueillis, les fonctionnaires devaient me convaincre que les AR qui sont demeurés en poste exerçaient les mêmes fonctions ou des fonctions connexes, tel qu’il est indiqué dans Molander et dans la PRE. M. Smith a expliqué avec éloquence pourquoi chacun des fonctionnaires avait été sélectionné à des fins de mise en disponibilité : en ce qui concerne M. Pizzi, c’est en raison de sa participation à Scopira et à la modélisation des maladies infectieuses; dans le cas de Mme Malisza, c’est en raison de l’élimination du projet sur le cancer du sein auquel elle était affectée; dans le cas de M. Serrai, c’est en raison de la faible probabilité que ses recherches donnent lieu à des résultats utilisables dans un avenir prévisible. J’accepte son témoignage selon lequel chaque fonctionnaire participait à des recherches isolées d’une nature telle qu’elles pourraient facilement être interrompues, ce qui aurait peu, voire pas du tout de répercussions sur la conduite des recherches qui devaient se poursuivre.

[71]  Subsidiairement, les fonctionnaires ont également fait valoir leur compétence pour occuper d’autres postes d’AR. Bien que ce pourrait être le cas, on s’éloigne des exigences du RE et de la question cruciale en l’espèce. Il ne s’agit pas de déterminer si les fonctionnaires auraient pu réussir dans d’autres postes au sein de la CNRC, mais plutôt si le RE exige qu’un processus de l’OIM soit exécuté dans la présente affaire.

[72]  Mon rôle en tant qu’arbitre de grief ne consiste pas à déterminer si les décisions d’affaires de l’employeur étaient solides; je dois plutôt établir si la prise et la mise en œuvre de ces décisions enfreignaient la convention collective. Pour conclure qu’il y a eu violation, les fonctionnaires doivent me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, au moyen de preuves claires, fortes et convaincantes, que d’autres employés du CNRC du même groupe et niveau ont exercé des fonctions identiques ou connexes à celles qu’accomplissaient les fonctionnaires (voir Association canadienne des employés professionnels et Lishman). Dans l’affirmative, on doit se demander si un processus de l’OIM était nécessaire.

[73]  Selon moi, les fonctionnaires ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve qui leur incombait. La nécessité d’un processus de l’OIM n’est pas établie simplement parce que d’autres employés du CNRC classifiés AR ou ARC sont demeurés dans les mêmes sections que celles dont les fonctionnaires faisaient partie après les mises en disponibilité et simplement parce que les fonctionnaires ont affirmé qu’ils étaient tout aussi capables d’exercer les fonctions des personnes demeurées en poste. De plus, il n’y avait pas de preuve établissant une violation de l’article 28 de la convention collective.

[74]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[75]  Les griefs sont rejetés.

Le 7 juillet 2014.

 

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,

arbitre de grief

 

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