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Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont déposé plusieurs plaintes relatives à l’équité salariale au nom de tous les employés du groupe AS du volet rémunération, alléguant une violation de l’article11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la <<LCDP>>) - ils ont allégué que le système d’évaluation des postes ne parvenait pas à évaluer leur travail en fonction des quatre facteurs indiqués dans l’Ordonnance de 1986 sur la parité salariale (l’<<OPS>>), et que le Conseil du Trésor avait instauré et maintenu une disparité salariale entre les consultants en rémunération, un groupe professionnel à prédominance féminine, et les titulaires de postes de groupes d’emplois à prédominance masculine qui accomplissent un travail d’égale valeur - la formation de la Commission a conclu que, bien que le groupe AS soit à prédominance féminine, le groupe des plaignants ne constituait pas un groupe professionnel aux fins de la LCDP et de l’OPS - l’ancien groupe professionnel AS a été intégré au groupe professionnel PA - le système de classification de l’employeur et la structure de l’unité de négociation ne sont pas déterminants quant à la question des groupes professionnels aux fins de l’équité salariale, mais constituent des indicateurs qui devraient être pris en compte, étant donné qu’ils reflètent directement la structure salariale du groupe et l’organisation du travail - les plaignants ne satisfaisaient pas à tous les critères exposés dans une brochure publiée en1992 par la Commission canadienne des droits de la personne intitulée Mise en œuvre de la parité salariale dans la sphère de compétence fédérale - l’examen n’exigeait pas que tous les critères soient satisfaits - il faut plutôt interpréter les critères comme étant des indicateurs concrets de ce qui devrait constituer un groupe professionnel - la formation a rejeté l’argument des plaignants qu’il serait approprié d’isoler un sousensemble de postes à prédominance féminine (le groupe des plaignants) à même le groupe plus vaste de postes à prédominance féminine (groupe PA) pour rendre le travail effectué par des femmes plus visible - aucune preuve claire n’étayait cet argument - la formation a souligné que la classification AS constituait le groupe professionnel, conformément à l’article12 de l’OPS, et que les conseillers en rémunération constituaient un sousensemble de ce groupe - toute question relative à l’équité salariale devrait être examinée de ce point de vue - les plaignants n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était approprié de les isoler du groupe AS dans son ensemble et de les considérer comme un groupe professionnel distinct. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi d’exécution du budget  de 2009

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-01-22
  • Dossier:  666-02-1 à 3
  • Référence:  2014 CRTFP 7

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

DIANE MELANÇON, MICHAEL BRANDIMORE ET LOUISE IPPERSIEL

plaignants

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

intervenante

Répertorié
Melançon et al. c. Conseil du Trésor


Affaire concernant des plaintes renvoyées à la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu du paragraphe 396(1) de la Loi d’exécution du budget de 2009


Devant:
Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour les plaignants:
Aaron Rubinoff, Joël Dubois et Jessica Barrow, avocats
Pour le défendeur:
Lynn Marchildon et Talitha Nabbali, avocates
Pour l’intervenante:
Edith Bramwell, Alliance de la Fonction publique du Canada
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), du 21 au 24 et du 27 au 31 mai 2013. Arguments écrits déposés les 30 septembre, 30 octobre et 11 novembre 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plaintes devant la Commission

1 Diane Melançon, Michael Brandimore et Louise Ippersiel (les « plaignants ») sont des consultants en rémunération. Leurs postes font partie du groupe professionnel Services administratifs (AS). Le 25 novembre 2004, ils ont déposé devant la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) des plaintes en vertu des articles 7, 10 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP). Des plaintes modifiées ont été déposées le 5 mars 2007. Conformément à l’entrée en vigueur de l’article 396 de la Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2(LEB),la CCDP a renvoyé les plaintes devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »).

2 Les plaintes ont été déposées au nom de tous les AS du volet rémunération employés dans l’administration publique centrale et dans des organismes distincts. En plus d’avoir déposé une plainte individuelle contre le Conseil du Trésor (le « défendeur »), les plaignants ont également déposé une plainte contre leur ministère ou organisme respectif. Les trois ministères ou organismes suivants ont été mentionnés comme défendeurs : le ministère de l’Industrie, le ministère de la Santé et l’Agence canadienne de développement international. Dans Melançon et al. c. Conseil du Trésor et al., 2010 CRTFP 20, la Commission a ordonné que les employeurs distincts soient soustraits des plaintes et que les plaintes contre les trois ministères et organismes nommés soient rejetées, compte tenu du fait que le Conseil du Trésor est l’employeur. Enfin, la Commission a ordonné que les plaintes soient modifiées de manière à exclure les allusions à l’article 7 de la LCDP. Ultérieurement, les plaignants ont retiré les allusions à l’article 10 de la LCDP.

3 À la suite de la décision de 2010 dans Melançon et al. et du retrait de l’allusion à l’article 10 de la LCDP des plaintes, celles-ci visent le Conseil du Trésor et allèguent une violation de l’article 11 de la LCDP. Cet article se lit comme suit :

11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

(2) Le critère permettant d’établir l’équivalence des fonctions exécutées par des salariés dans le même établissement est le dosage de qualifications, d’efforts et de responsabilités nécessaire pour leur exécution, compte tenu des conditions de travail.

(3) Les établissements distincts qu’un employeur aménage ou maintient dans le but principal de justifier une disparité salariale entre hommes et femmes sont réputés, pour l’application du présent article, ne constituer qu’un seul et même établissement.

(4) Ne constitue pas un acte discriminatoire au sens du paragraphe (1) la disparité salariale entre hommes et femmes fondée sur un facteur reconnu comme raisonnable par une ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne en vertu du paragraphe 27(2).

(5) Des considérations fondées sur le sexe ne sauraient motiver la disparité salariale.

(6) Il est interdit à l’employeur de procéder à des diminutions salariales pour mettre fin aux actes discriminatoires visés au présent article.

(7) Pour l’application du présent article, « salaire » s’entend de toute forme de rémunération payable à un individu en contrepartie de son travail et, notamment

a) des traitements, commissions, indemnités de vacances ou de licenciement et des primes;

b) de la juste valeur des prestations en repas, loyers, logement et hébergement;

c) des rétributions en nature;

d) des cotisations de l’employeur aux caisses ou régimes de pension, aux régimes d’assurance contre l’invalidité prolongée et aux régimes d’assurance-maladie de toute nature;

e) des autres avantages reçus directement ou indirectement de l’employeur.

4 Les pouvoirs conférés à cette formation de la Commission eu égard à ces plaintes sont énoncés à l’alinéa 396(1)a) de la LEB, qui prescrit à la Commission de se saisir de certaines plaintes déposées en vertu des articles 7, 10 et 11 de la LCDP. Cet alinéa se lit comme suit :

396. (1) Les plaintes ci-après qui concernent des employés et dont la Commission canadienne des droits de la personne est saisie à la date de sanction de la présente loi, ou qui ont été déposées devant elle pendant la période commençant à cette date et se terminant à la date d’entrée en vigueur de l’article 399, sont, malgré l’article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, renvoyées sans délai par la Commission canadienne des droits de la personne devant la Commission :

a) les plaintes fondées sur les articles 7 ou 10 de cette loi, dans le cas où celles-ci portent sur la disparité salariale entre les hommes et les femmes instaurée ou pratiquée par l’employeur;

b) les plaintes fondées sur l’article 11 de la même loi.

5 Dans leurs plaintes, les plaignants ont formulé un certain nombre d’allégations. Ils ont déclaré que leur travail est évalué d’après un système d’évaluation des emplois qui date de 1965 et qui n’évalue pas leur travail en fonction des quatre facteurs indiqués dans l’Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, DORS/86-1082 (OPS), à savoir les qualifications, les responsabilités, l’effort et les conditions de travail. Ils ont également déclaré que le Conseil du Trésor a instauré et pratiqué une disparité salariale entre les consultants en rémunération, un groupe professionnel à prédominance féminine, et les titulaires de postes de groupes d’emplois à prédominance masculine qui accomplissent un travail d’égale valeur, contrevenant ainsi à l’article 11 de la LCDP.

6 Les plaintes sont censées viser tous les employés qui travaillent dans le champ de travail de la rémunération, ce qui comprend des postes allant des niveaux AS-01 à AS-05. Règle générale, les postes en rémunération de niveau AS-01 sont occupés par des stagiaires ou des consultants en rémunération subalternes et les postes de niveau AS-02 sont occupés par des consultants en rémunération pleinement qualifiés. Les niveaux AS-03 à AS-05 comprennent les consultants en rémunération principaux, les chefs d’équipe de la rémunération et les gestionnaires de la rémunération. D’après les statistiques du Conseil du Trésor, 2 514 employés œuvraient dans le champ de travail de la rémunération en 2011-2012. De ce nombre, 13 % étaient des AS-01, 55 % des AS-02, 17 % des AS-03, 10 % des AS-04 et 6 % des AS-05. Au cours de l’audience et dans nombre des documents produits en preuve, les parties ont utilisé le terme « consultant en rémunération » pour désigner tous les AS travaillant dans le champ de la rémunération. Je ferai de même dans la présente décision.

7 À des fins d’équité salariale, les plaignants se comparaient initialement aux groupes et niveaux suivants : ES-03, SI-04, HR-03, PC-02 et CS-02, à titre de groupes de comparaison possibles à prédominance masculine. Ultérieurement au cours du processus, ils ont laissé tomber les groupes de comparaison ES, SI et HR, mais ils ont inclus plus d’un niveau de PC et de CS. Les groupes de comparaison masculins définitifs comprenaient les PC-01 à PC-03 (Sciences physiques), CO-01 et CO-02 (Commerce), CS-01 à CS-04 (Systèmes d’ordinateurs), GT-01 à GT-05 (Techniciens divers) et EG-01 à EG-06 (Soutien technologique et scientifique).

II. La forme et la structure de la preuve présentée par les parties

8 Les plaignants ont cité Jill Ronan comme témoin. Ils ont également produit des éléments de preuve dans un affidavit signé par Mme Ronan. Mme Ronan est employée dans la fonction publique fédérale depuis 1976, a occupé des postes de consultante en rémunération, de chef de l’équipe de la rémunération et de gestionnaire de la rémunération et a travaillé pendant environ 20 ans au service de la rémunération du ministère de la Défense nationale. Elle est également une ancienne présidente de l’Association interministérielle des consultants en rémunération. Son témoignage a notamment porté sur le rôle des consultants en rémunération, sur leur formation et sur leur cheminement de carrière, ainsi que sur les difficultés liées à leur travail. Elle a également témoigné de l’évolution du poste et des efforts des consultants en rémunération pour obtenir un salaire adéquat. Enfin, elle a apporté plusieurs précisions au sujet des plaintes.

9 Les plaignants ont également cité comme témoin MM. Paul Durber et Alan Sunter. J’ai accepté la demande des plaignants de qualifier M. Durber de spécialiste de l’équité salariale et de sa mise en œuvre ainsi que de l’évaluation de postes dans le contexte de la fonction publique fédérale. J’ai également accepté la demande des plaignants de qualifier M. Sunter de spécialiste des statistiques, notamment de l’estimation de l’écart salarial fondé sur le sexe dans le contexte de la fonction publique fédérale. Les plaignants ont présenté en preuve les rapports dressés par MM. Durber et Sunter.

10 Le défendeur a cité Sylvie Cavanagh comme témoin. Il a également produit de la preuve dans un affidavit signé par Mme Cavanagh. Celle-ci a travaillé pendant 20 ans dans la fonction publique après avoir servi dans les Forces canadiennes comme officier pendant 15 ans. Depuis 2010, elle occupe un poste en gestion au sein de la Division de la classification et de l’organisation des effectifs du Secrétariat du Conseil du Trésor. Sur de nombreux points, son témoignage était comparable à celui de Mme Ronan. Son témoignage et son affidavit portaient notamment sur le système de classification de la fonction publique, sur le rôle des consultants en rémunération, sur l’évolution du poste et sur les examens de la classification qui ont eu lieu au fil des ans.

11 Le défendeur a également cité trois témoins experts, Mme Nan Weiner et MM. John Kervin et Robert Bass. J’ai accepté la demande du défendeur de qualifier Mme Weiner de spécialiste de l’équité salariale et de sa mise en œuvre et de l’évaluation de postes, et de qualifier M. Bass de spécialiste de l’évaluation de postes dans le contexte de l’équité salariale. J’ai également accepté la demande du défendeur de qualifier M. Kervin de spécialiste de l’équité salariale, de l’évaluation de postes, de l’analyse de données, de la méthodologie statistique et de la collecte de données dans le contexte des partis pris sexistes et de l’équité salariale.

12 Mme Bramwell est brièvement intervenue pour le compte de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), qui est l’agent négociateur des consultants en rémunération. Toutefois, elle n’a ni présenté de preuve ni formulé d’arguments sur le fond des plaintes.

13 D’après l’un de leurs témoins experts, les plaignants ont suggéré que les plaintes en matière d’équité salariale devraient être examinées à la lumière du processus d’analyse en huit étapes qui suit :

  • Y a-t-il un groupe de plaignants à prédominance féminine?
  • Y a-t-il un groupe de comparaison à prédominance masculine?
  • Les deux groupes travaillent-ils dans le même établissement?
  • Une méthode d’évaluation des emplois appropriée a-t-elle été utilisée?
  • Le travail des deux groupes est-il d’égale valeur?
  • Y a-t-il un écart salarial?
  • Existe-t-il une justification raisonnable de la différence?
  • Quel est le redressement approprié?

14 Je suis d’accord avec le processus d’analyse proposé par les plaignants et je constate que le défendeur ne s’est pas opposé à l’utilisation de ce processus. De fait, il a fait grand usage de ce processus pour structurer ses arguments définitifs. Après avoir présenté la preuve générale soumise par les parties relativement aux demandes historiques d’une meilleure rémunération pour les consultants en rémunération, je présenterai la preuve et les arguments ainsi que mes motifs sur ces questions dans cet ordre. L’ordre dans lequel ces questions figurent laisse à penser qu’en ce qui a trait à certaines des étapes, une réponse positive ou négative signifierait que l’analyse prend fin à cette question. Par exemple, s’il n’y a pas de groupe de plaignants à prédominance féminine, il ne sert à rien de poursuivre le processus d’analyse. Il serait également inutile de poursuivre l’analyse en l’absence d’un écart salarial dans des groupes d’égale valeur ou s’il est établi qu’il existe une justification raisonnable de cet écart.

III. Les demandes historiques des consultants en rémunération pour obtenir une meilleure rémunération   

                                                                                           

15 Il y a des consultants en rémunération dans tous les ministères et organismes de la fonction publique. Les consultants en rémunération donnent des conseils et une orientation en matière de rémunération à la direction et aux employés. Ils déterminent quels sont les droits des employés relativement à une multitude de questions complexes de rémunération et d’avantages sociaux. Ils effectuent de la recherche et des analyses sur les changements apportés dans les règles et les règlements concernant la rémunération et les avantages sociaux et expliquent et appliquent ces changements. Ils veillent à ce que les fonctionnaires soient rémunérés comme ils le devraient et reçoivent les avantages sociaux qu’ils devraient recevoir. Chaque consultant en rémunération sert environ de 250 à 300 clients. Le poste est devenu de plus en plus complexe car le nombre de règles et de règlements régissant les droits à la rémunération est en hausse.

16 En 1997, les consultants en rémunération qui étaient classifiés au groupe et au niveau CR-05 ont été reclassifiés au groupe et au niveau AS-01. À ce moment-là, plus de 70 000 règles s’appliquaient à la fonction de rémunération. Les guides d’administration sur le personnel et la rémunération du Conseil du Trésor comportaient 12 000 pages de directives. Il a alors été admis que le poste comprenait un volet accru de discrétion et de jugement indépendant.

17 Les consultants en rémunération ont été déçus de la décision de les reclassifier seulement au groupe et niveau AS-01. Le règlement en matière d’équité salariale obtenu par l’AFPC pour le groupe Commis aux écritures et règlements (CR) en décembre 1999 a amplifié cette déception. Ce règlement a fait en sorte que le niveau de rémunération des CR-05 est devenu plus élevé que celui des AS-01.

18 À la suite d’une révision effectuée en 2000, les consultants en rémunération AS-01 ont été reclassifiés au groupe et niveau AS-02. Encore une fois, ils étaient insatisfaits de cette décision. Bon nombre d’entre eux ont déposé une plainte à leur employeur, qui l’a traitée comme un grief de classification. La décision de classifier le poste au groupe et niveau AS-02 a été maintenue.

19 En 2002, des consultants en rémunération ont écrit au président du Conseil du Trésor pour lui demander d’être reclassifiés dans le groupe PE, dont le niveau de rémunération est plus élevé que celui du groupe AS. Le Conseil du Trésor a refusé la demande en juin 2003.

20 En 2007, il est devenu évident qu’il y avait plusieurs problèmes importants au niveau des services de rémunération dans la fonction publique fédérale. Les députés et les agents négociateurs recevaient des plaintes des fonctionnaires selon lesquelles les demandes relatives à la rémunération dans la fonction publique n’étaient pas traitées en temps opportun. Il a longuement été question du problème au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes. Le comité a rédigé un rapport dans lequel il recommandait que le gouvernement prenne des mesures pour verser une rémunération équitable aux consultants en rémunération et qu’il élabore une norme de classification qui reflèterait la complexité de leurs fonctions.

21 En septembre 2009, le Conseil du Trésor a répondu au rapport du comité permanent en affirmant qu’aucune mesure n’était nécessaire parce qu’il était en négociations avec l’AFPC pour obtenir une rémunération équitable pour le groupe Services des programmes et de l’administration, qui comprenait les AS. Le Conseil du Trésor a également indiqué que des plans étaient en place pour simplifier le domaine de la rémunération.

22 En mars 2011, l’AFPC a signé une nouvelle convention collective avec le Conseil du Trésor. Cette convention collective comprenait une prime annuelle de maintien en poste de 2 000 $ pour les consultants en rémunération AS-02. La plupart des consultants en rémunération n’étaient pas d’accord avec cette prime; ils estimaient qu’elle était trop basse, et qu’elle ne s’appliquait pas à l’ensemble du volet de la rémunération.

IV. Les consultants en rémunération sont-ils un groupe de plaignants à prédominance féminine?  

                                                                                             

A. La preuve produite par les parties

23 Le poste de consultant en rémunération est le niveau de travail du champ de travail de la rémunération. Tel qu’il a été mentionné précédemment, les plaintes visent les employés dont l’échelle de classification va des AS-01 aux AS-05. Les consultants en rémunération sont classifiés AS-02 et représentent 55 % du champ de travail de la rémunération ou de la collectivité. Le niveau AS-01 s’adresse aux stagiaires ou aux consultants en rémunération subalternes, et le niveau AS-03 couvre les consultants principaux. Il y a également des chefs d’équipe et des gestionnaires de la rémunération classifiés aux niveaux AS-04 et AS-05. Les attentes professionnelles générales de nombreux fonctionnaires de la collectivité de la rémunération sont indiquées dans des descriptions de poste générales ou dans des descriptions de poste spécifiques qui sont comparables. En d’autres termes, la plupart des stagiaires AS-01 accomplissent le même travail, la majorité des consultants en rémunération exécutent les mêmes tâches, et la majeure partie des consultants principaux s’acquittent des mêmes tâches.

24 D’après le défendeur, le poste de consultant en rémunération cadre bien dans la définition du groupe AS, qui comprend notamment des champs de travail comme la gestion des installations, les finances et l’administration, la vérification interne, la gestion de l’information, la sécurité et la rémunération. Les postes du groupe AS, dont les postes de consultants en rémunération, sont classifiés par l’employeur en fonction de la norme de classification des AS, datée d’août 1965. Selon le défendeur, une norme de classification est un plan d’évaluation des postes qui décrit les facteurs et les éléments qui sont utilisés pour constituer une hiérarchie des emplois au sein d’un groupe professionnel.

25 En date de mars 2013, 28 857 postes étaient classifiés AS dans la fonction publique. La répartition par niveau était la suivante : AS-01, 6 521; AS-02, 8 079; AS-03, 4 490; AS-04, 3 362; AS-05, 3 288; AS-06, 1 786; AS-07, 1 123; AS-08, 98.

26 Même si le groupe AS existe encore à des fins de classification, il a été réuni à d’autres groupes administratifs en 1999 pour former le groupe Services des programmes et de l’administration (PA). Il est ensuite devenu un sous-groupe du groupe PA, qui comprend les sous-groupes suivants : AS, CR, Communications (CM), Traitement mécanique des données (DA), Services d’information (IS), Mécanographie (OE), Administration des programmes (PM), Secrétariat, sténographie et dactylographie (ST), et Programmes de bien-être social (WP). Le 31 mars 2013, le groupe PA comptait 80 898 employés. Chacun des sous-groupes PA a sa propre norme de classification. À des fins de négociation collective, le groupe PA est considéré comme une unité de négociation unique, une convention collective couvrant tous les sous-groupes. Toutefois, les sous-groupes ont leurs propres grilles salariales distinctes.

27 Il est difficile d’établir, d’après les arguments des parties, quel pourcentage des femmes et des hommes forme la collectivité des consultants en rémunération. Néanmoins, il se dégage un consensus entre les parties selon lequel la grande majorité des membres de cette collectivité sont des femmes. Ce fait a été énoncé par les plaignants et n’a pas été contesté par le défendeur. D’après les données du défendeur, qui n’ont pas été contestées par les plaignants, le groupe AS était formé de 75 % de femmes et de 25 % d’hommes en 2004, année du dépôt de ces plaintes. En 2007, l’année de modification des plaintes, le groupe AS comptait 76 % de femmes et 24 % d’hommes. Le groupe PA est également un groupe à prédominance féminine. Il a été constitué en 1999 par le regroupement de 10 groupes existants (AS, CR, CM, DA, OE, ST, IS, PM, WP et OM). La majeure partie de ces groupes existants, dont certains des plus grands, étaient à prédominance féminine suivant l’article 13 de l’OPS aux fins de l’article 12 de la LCDP.

28 En 2002, le Conseil du Trésor a entrepris une réforme pluriannuelle de la classification touchant tous les groupes professionnels, sauf le groupe de la direction. En 2008, le Conseil du Trésor a conclu une entente avec l’AFPC en vue de la tenue de consultations importantes sur la révision du groupe PA, y compris l’élaboration de normes de classification qui refléteraient et mesureraient des éléments de façon non discriminatoire, notamment les qualifications, l’effort, les responsabilités et les conditions de travail qui s’appliquent au travail effectué par des employés des groupes couverts par les nouvelles normes.

29 À ce jour, la réforme de la classification de 2002 n’a pas encore été achevée. Les documents produits à l’audience révèlent que le groupe PA sera divisé en trois groupes, soit le groupe des programmes de réhabilitation (RP), le groupe de soutien aux programmes et services (RS), et le groupe d’élaboration et d’exécution des programmes et services (RL). Une nouvelle norme de classification spécifique sera élaborée pour chacun des trois nouveaux groupes. Ces normes n’ont pas encore été élaborées. Le groupe RP correspondra au sous-groupe WP existant. Le groupe RS sera formé de postes dont les titulaires exercent surtout leurs tâches dans les domaines des activités administratives ou transactionnelles liées à l’exécution de programmes ou aux services. Le groupe RS couvrira surtout les classifications et sous-groupes actuels CR, ST, OE, DA, CM, AS-01 à AS-03 et PM-01 à PM-03. Le groupe RL sera formé de postes dont les titulaires s’occupent principalement de la planification, de l’élaboration, de l’exécution ou de la prestation, ou de la gestion de programmes, de services ou de politiques connexes. Les niveaux supérieurs des sous-groupes de classification AS et PM feront vraisemblablement partie du groupe RL.

30 Le 6 novembre 2000, l’AFPC a déposé une plainte en matière d’équité salariale devant la CCDP, alléguant que le Conseil du Trésor avait fait de la discrimination envers le groupe PA à prédominance féminine, en violation de la LCDP, en ayant recours à des normes de classification discriminatoires pour mesurer la valeur des postes des employés qui faisaient partie de ce groupe. En guise de redressement, elle a demandé qu’une norme exempte de discrimination soit élaborée et que tous les membres du groupe PA soient pleinement dédommagés pour tout le salaire perdu en conséquence de la discrimination. La plainte mentionnait [traduction] « mars 1999 et ultérieurement » comme date de discrimination présumée.

31 La plainte en matière d’équité salariale déposée par l’AFPC en 2000 au nom du groupe PA a été retirée à la suite d’un règlement conclu en novembre 2008 en rapport avec le renouvellement de la convention collective du groupe PA. Les dispositions suivantes de ce protocole d’entente revêtent un intérêt particulier :

[Traduction]

[…]

3.       Chaque fonctionnaire qui est membre de l’unité de négociation le 15 décembre 2008 recevra un paiement forfaitaire personnel de 4 000 $ payable durant la période de mise en œuvre de 150 jours suivant la date de la signature […]

[…]

5.       Le Protocole d’entente entre le Conseil du Trésor du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada concernant une consultation importante sur la réforme de la structure et de la classification des groupes professionnels fait partie de la convention collective.

6.       Les parties conviennent que l’AFPC retirera les plaintes (dossiers 20050122 et 20050123) et signera une renonciation complète (annexe A) dans les 7 jours de la signature de ce projet de règlement, et qu’elles informeront conjointement la Commission canadienne des droits de la personne de ce retrait (annexe B) sur ratification des tableaux de l’AFPC (PA, EB, SV et FB).

[…]

8.       Les parties conviennent que les conventions collectives ratifiées ne seront pas mises en œuvre tant que la Commission canadienne des droits de la personne n’aura pas confirmé le retrait des plaintes mentionnées au paragraphe 6.

[…]

32 Les fonctionnaires fédéraux qui travaillent dans le domaine de la rémunération forment la collectivité de la rémunération. Vers 2002, ils ont créé l’Association de la collectivité de la rémunération (l’« Association ») lorsqu’il leur est apparu clairement qu’ils avaient besoin d’une certaine forme de regroupement pour promouvoir leurs intérêts particuliers. Ils pouvaient alors mettre en commun des enjeux, des pratiques et des idées. L’Association est devenue la tribune dont ils se servaient pour tenter d’obtenir une meilleure classification, une meilleure rémunération et l’équité salariale avec les autres groupes. Tous les membres de la collectivité de la rémunération pouvaient faire partie de l’Association, des stagiaires en rémunération AS-01 aux gestionnaires en rémunération AS-05. L’Association se finançait au moyen de contributions volontaires de ses membres.

33 Les spécialistes de la question ne s’entendent pas sur la question de savoir si les consultants en rémunération constituent un groupe professionnel aux fins de l’équité salariale et pour l’application de la LCDP et de l’OPS.

34 D’après M. Durber, ces plaintes ne sont pas de nature individuelle, mais collective, parce qu’elles ont été déposées par un groupe d’employés. L’article 12 de l’OPS fait référence à des « groupes professionnels », mais ne les définit pas. Il se lit comme suit :

12.Lorsqu’une plainte dénonçant une situation de disparité salariale est déposée par un groupe professionnel identifiable ou en son nom, ce groupe doit être composé majoritairement de membres d’un sexe et le groupe auquel il est comparé doit être composé majoritairement de membres de l’autre sexe.

35 L’OPS ne définit pas le concept de « groupe professionnel identifiable ». Sur cette question, M. Durber a fait référence à une brochure intitulée Mise en œuvre de la parité salariale dans la sphère de compétence fédérale (la « brochure de 1992 de la CCDP »). Cette brochure a été publiée par la CCDP en 1992. M. Durber a participé directement à la rédaction de celle-ci. La CCDP y propose les quatre critères suivants pour évaluer la question de savoir si un groupe est un groupe professionnel :

  • Les emplois qui sont regroupés se caractérisent par un travail similaire.
  • Ils présentent probablement les mêmes qualifications de base.
  • Ils se caractérisent par des profils de carrière similaires et par le caractère interchangeable du personnel.
  • Ils peuvent être déjà regroupés à des fins administratives, comporter des échelles salariales similaires et une base de représentation collective similaire.

36 M. Durber croit que les consultants en rémunération se caractérisent par un travail similaire. Il a passé en revue un échantillon de 100 descriptions de travail au sein du groupe des consultants en rémunération. Celui-ci révèle une grande homogénéité. Bon nombre de ces descriptions de travail sont presque identiques, car ce sont des descriptions de travail génériques. Dans le marché du travail du secteur privé, les spécialistes en rémunération sont reconnus comme titulaires d’occupations distinctes dans la Classification nationale des professions (CNP) dans le cadre du champ de travail de la rémunération et des avantages sociaux. Ces emplois portent des titres comme administrateur de la rémunération et des avantages sociaux, agent aux avantages sociaux, commis de paye, superviseur des commis de paye, agent de la paye, et agent d’administration des salaires. La CNPest une taxonomie des professions que l’on retrouve sur le marché du travail canadien.

37  D’après M. Durber, les postes de consultant en rémunération requièrent  comme qualification commune la réalisation d’un programme ou de cours collégiaux liés au travail. Tous les postes analysés par M. Durber faisaient référence à la connaissance d’une multitude de lois, de règlements et de politiques et supposaient une formation et de l’expérience formelles sous-jacentes.

38 Dans les postes échantillonnés par M. Durber, celui-ci a constaté une progression claire dans les carrières en rémunération dans la fonction publique. La progression va du niveau d’entrée des services administratifs (AS-01) au cinquième niveau (AS-05). Manifestement, ces niveaux de travail comportent des tâches de plus en plus exigeantes. En outre, pour tous les emplois, les salaires qui y sont associés figurent dans les taux de salaire des AS, et le même agent négociateur les représente.

39 M. Durber estime qu’il est approprié que les consultants en rémunération soient séparés du groupe AS plus général. D’après la brochure de 1992 de la CCDP, il pourrait être nécessaire de créer un sous-ensemble d’emplois dans un grand groupe pour donner plus de visibilité au travail effectué par les femmes. En cas de doutes, il est généralement préférable d’opter pour des unités plus petites. D’après M. Durber, l’homogénéité du travail et le sens de la collectivité qui se dégagent manifestement chez les praticiens en cause et leur action collective quant à leur profession et sa reconnaissance constituent des exemples de motifs de séparation entre leur groupe et l’ensemble du groupe AS. On pourrait ajouter que ce dernier groupe est hétérogène, c’est-à-dire qu’il englobe tous les postes concernant l’administration interne dans la fonction publique qui ne font pas par ailleurs partie de groupes plus spécialisés.

40 D’après les quatre critères mentionnés précédemment, M. Durber a témoigné que l’on peut raisonnablement conclure que les consultants en rémunération sont un groupe professionnel au sens de l’OPS.

41 Mme Weiner ne souscrit pas à la conclusion de M. Durber. Elle croit que les consultants en rémunération ne forment pas un groupe professionnel, mais s’inscrivent plutôt dans une série d’emplois qui se trouvent dans les niveaux de classification AS-01, AS-02, AS-03, AS-04 et AS-05. Dans la répartition de l’effectif, si des groupes professionnels complets (les PA) ou des classifications complètes (les AS) ne sont pas utilisés, Mme Weiner croit qu’il est préférable d’utiliser les niveaux de classification comme unité de travail pour assurer l’équité salariale dans l’administration publique centrale.

42 D’après Mme Weiner, le travail dans la fonction publique fédérale est divisé en groupes professionnels. Certains groupes professionnels (à savoir PA) sont subdivisés en classifications, qui renferment elles-mêmes des professions. Les classifications sont divisées en niveaux, et chaque niveau se voit attribuer un salaire. Les postes sont classifiés à un niveau en particulier parce que leur valeur est similaire à celle d’autres postes du même niveau et que leur titulaire devrait par conséquent recevoir la même rémunération. Les consultants en rémunération occupent un sous-ensemble de postes qui se trouvent dans cinq niveaux de classification d’un groupe professionnel.

43 Mme Weiner convient avec M. Durber qu’il pourrait être approprié d’avoir recours à un sous-ensemble d’un groupe professionnel pour faire accomplir le travail par des femmes plus visibles aux fins de l’équité salariale. Toutefois, Mme Weiner a déclaré que cette situation serait problématique si le sous-ensemble couvrait un groupe à prédominance féminine, comme la classification AS. Cette situation donnerait à penser que le travail des consultants en rémunération a été sous-évalué par rapport à d’autres postes AS à prédominance féminine des mêmes niveaux parce que le travail des consultants en rémunération est essentiellement effectué par des femmes. Il s’agirait d’un non-sens. La comparaison du travail à prédominance féminine avec du travail féminin ne s’inscrit pas dans l’équité salariale. De fait, les quatre premiers niveaux de la classification AS sont tous à prédominance féminine, et le cinquième niveau est non sexiste. Si le travail des consultants en rémunération est à prédominance féminine et s’inscrit dans des niveaux de classification qui sont à prédominance féminine, pourquoi retirerait-on les postes en rémunération de leur groupe de classification pour faire faire le travail essentiellement par des femmes visibles aux niveaux AS-01 à AS-05? La nécessité de confier le travail surtout à des femmes visibles survient lorsqu’une femme occupe un poste qui fait partie d’une classification ou d’un niveau de classification à prédominance masculine ou non sexiste et que l’on craint que le travail a été sous-évalué parce qu’il est essentiellement exécuté par des femmes.

44 M. Kervin n’a pas commenté la question de savoir si les consultants en rémunération forment un groupe professionnel aux fins de l’équité salariale, conformément à l’OPS. Il a tout simplement tenu pour acquis que c’était le cas et n’a pas analysé la question, comme l’ont fait M. Durber et Mme Weiner.

45 Plutôt que de faire référence au groupe professionnel comme dans l’OPS, M. Bass a fait référence à des « classes d’emplois » dans son examen de l’équité salariale. Une classe d’emplois comprend les emplois qui font partie de l’unité de négociation qui présente des fonctions, des responsabilités et des qualifications similaires ou identiques et dont la grille des salaires est la même. La façon simple de décrire une classe d’emplois est d’envisager un emploi par son titre. Le concept de classe d’emplois est utilisé dans la loi de l’Ontario sur l’équité salariale. M. Bass croit que les groupes plus grands que les classes d’emplois ne peuvent être précis parce qu’ils englobent de nombreuses classes d’emplois, et par conséquent une multitude de qualifications, de responsabilités et de fonctions.

46 Après s’être penché sur un échantillon de descriptions de travail du champ de la rémunération, M. Bass a conclu que les plaignants font partie de cinq classes d’emplois différentes, à savoir consultant en rémunération (perfectionnement) (AS-01), consultant en rémunération (AS-02), analyste de politiques (AS-03), chef d’équipe de la rémunération (AS-03) et gestionnaire de la rémunération (AS-04). Chacune de ces classes d’emplois devrait être considérée comme un groupe professionnel distinct aux fins de l’OPS. Il convient de noter que M. Bass a analysé les descriptions de travail des AS-05 séparément.

47  M. Durber a réfuté les opinions exprimées par Mme Weiner. Il a affirmé que l’on ne séparait pas les consultants en rémunération des autres AS pour les comparer au reste des AS. De plus, il convient de souligner que l’équité de la rémunération pour des emplois ou pour une série d’emplois du groupe AS n’a jamais été vérifiée. Rien ne justifie de rejeter les plaintes des consultants en rémunération parce que leur travail se trouve maintenant dans une classification à prédominance féminine.

48 De l’avis de M. Durber, le présent cas se compare à Walden et al. c. Développement social Canada et al., 2009 TCDP 16. Dans Walden, les plaignantes étaient des examinatrices médicales de la fonction publique fédérale. Elles étaient employées dans une série d’emplois se trouvant dans un groupe de classification (PM) qui était non sexiste. La plainte a été accueillie par le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) et a mené à un règlement intervenu en 2012. Mentionnons également comme exemple une plainte déposée par des travailleuses sociales cliniques, qui étaient intégrées à un groupe non sexiste. Elles ont prétendu que leurs séries d’emplois étaient distinctes sur le plan professionnel du reste des emplois du groupe, qui étaient essentiellement à prédominance masculine. Selon M. Durber, il ne serait pas raisonnable de laisser croire que l’identification professionnelle des séries d’emplois des plaignantes est fonction de la prédominance masculine ou féminine de leur classification.

49 M. Durber a déclaré que dans un certain nombre d’autres cas d’équité salariale, le terme « groupe professionnel » a été utilisé lorsque des titres de poste constituaient l’unité envahissante d’organisation du travail. Sur ce point, il a fait mention de Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, 2003 CSC 36, dans lequel les organisations du travail et les rémunérations différentes ne représentaient pas un obstacle à l’utilisation de diverses unités de travail aux différents stades de l’examen de l’équité salariale.

B. Argumentation des plaignants

50 Il est bien établi que la législation sur les droits de la personne, comme la LCDP, est de nature quasi constitutionnelle et que ses dispositions devraient être interprétées de manière large et libérale pour promouvoir ses objectifs sous-jacents. Toute ambiguïté contenue dans la LCDP devrait être interprétée de façon à promouvoir la réalisation des objectifs de la LCDP qui consiste à mettre en œuvre la politique gouvernementale de lutte contre la discrimination. Par conséquent, les droits énoncés dans la LCDP doivent faire l’objet d’une interprétation juste, large et libérale qui assurera le mieux possible l’atteinte de leurs objectifs.

51 L’OPS a été promulguée par la CCDP conformément au paragraphe 27(2) de la LCDP. L’OPS constitue une forme de texte de loi, qui s’apparente à un règlement, et qui doit être interprété de manière à favoriser le plus possible les buts de la LCDP dans son ensemble. Ainsi, l’OPS complète les dispositions de la LCDP et comporte des directives sur la façon d’interpréter l’article 11 de la LCDP.

52 L’article 12 de l’OPS permet d’établir une comparaison entre les groupes professionnels à la condition que ces groupes représentent du travail effectué surtout par des hommes et surtout par des femmes, respectivement. L’article 12 fait référence à un « groupe professionnel identifiable »; toutefois, ce type de groupe n’est pas défini. Pour établir s’il s’agit d’un groupe de nature professionnelle, il convient de se reporter aux quatre critères (voir le paragraphe 35 de la présente décision) énoncés par la CCDP et exposés dans sa brochure de 1992.

53 Les plaignants ont fait valoir que d’après le témoignage écrit et verbal de M. Durber, le groupe des plaignants est un « groupe professionnel identifiable » au sens de l’OPS. En ce qui concerne la similitude du travail, M. Durber a passé en revue près de 100 emplois, dont l’échantillon provient du groupe des emplois de consultant en rémunération. Son examen a révélé beaucoup d’homogénéité dans le travail. À certains niveaux, les descriptions de travail qui se rattachent à ces emplois étaient presque identiques, et le travail à accomplir dans tous les emplois est très similaire. M. Durber ajoute que ce groupe est considéré dans le marché du travail du secteur privé comme une profession distincte. Il est clair que les consultants en rémunération effectuent tous un travail très similaire, ont un sentiment d’appartenance à la collectivité et se sont réunis pour remédier à une injustice. La constitution de l’Association est une preuve de ce fait. En outre, le défendeur a reconnu l’homogénéité du travail qu’ils effectuent et leur caractère distinctif par rapport au plus grand groupe de classification AS.

54 La preuve révèle également que les consultants en rémunération ont des qualifications et une formation communes en rapport avec le travail qui est exécuté et qu’ils ont généralement les mêmes échelles salariales, ce qui fait qu’ils ont des salaires communs. En outre, l’échantillonnage des emplois a révélé une progression professionnelle dans les rangs des consultants en rémunération qui représente du travail de plus en plus exigeant. Ils ont donc les mêmes profils de carrière. Enfin, ils sont représentés par le même agent négociateur.

55 En plus de dresser la liste des critères susmentionnés, la brochure de 1992 de la CCDP indique qu’il pourrait être nécessaire de créer un sous-ensemble d’emplois dans un plus grand groupe pour accroître la visibilité du travail exécuté par les femmes. Lorsqu’il existe certains doutes relativement au partage des groupes professionnels, la brochure mentionne qu’il est généralement préférable de choisir de plus petites unités. Tandis que le groupe AS dans son ensemble est surtout hétérogène, le sous-ensemble des consultants en rémunération forme un groupe facilement identifiable, distinctif et homogène. De plus, le caractère distinctif de ce groupe a été reconnu à de nombreuses reprises.

56 Par conséquent, les plaignants font valoir qu’en tant que groupe, ils possèdent toutes les qualités requises, et que d’après la CCDP, ils devraient être reconnus comme un groupe professionnel même s’ils font partie d’un plus grand groupe hétérogène afin de donner plus de visibilité au travail de ces femmes et d’éviter de créer un obstacle à l’égalité.

57 En ce qui concerne la question en litige en l’espèce, les plaignants m’ont renvoyé aux décisions suivantes : Walden; Bell Canada; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor) [2000], 1 C.F. 146 (1re inst.); Canada (Commission des droits de la personne) c. Lignes aériennes Canadien International ltée, 2006 CSC 1; Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, 2003 CSC 36; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, 2005 TCDP 39; Société canadienne des postes c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CAF 56; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor) [1998], D.C.D.P. no 6.

C. Argumentation du défendeur

58 Les plaignants ne se sont pas acquittés de leur fardeau d’établir une preuve prima facie selon laquelle le défendeur a institué ou maintenu des différences de salaires entre les employés de sexe masculin et les employées de sexe féminin qui accomplissent des tâches de valeur égale. Les plaintes doivent donc être rejetées.

59 Bien que le principe d’« égalité de rémunération pour fonctions équivalentes » soit simple, la méthode utilisée pour déterminer si l’équité salariale existe donne lieu à beaucoup de souplesse. Dans le cadre de l’examen d’une allégation de rémunération inéquitable, il convient de garder à l’esprit l’objet de l’article 11 de la LCDP, qui consiste à déterminer et à améliorer la discrimination salariale basée sur le sexe.

60 L’OPS comporte d’autres directives sur la nature comparative d’une enquête en matière d’équité salariale. L’article 12 de l’OPS prévoit que dans le cadre de l’examen de plaintes collectives, lorsqu’une plainte qui allègue des salaires différents est déposée par un groupe professionnel identifiable ou pour le compte de celui-ci, ce groupe doit être composé majoritairement de membres d’un sexe et le groupe auquel il est comparé doit être composé majoritairement de membres de l’autre sexe. Par conséquent, la question de savoir quelle est l’essence des groupes professionnels appropriés dans cette plainte revêt de l’importance.

61 Les spécialistes des plaignants et du défendeur conviennent généralement qu’aux fins de l’examen des différences salariales alléguées, on ne peut simplement adopter la définition que donne le gouvernement fédéral du groupe professionnel, car ces groupes professionnels englobent de nombreux emplois comportant des différences de salaires et de valeurs. Les spécialistes ont également convenu que ce qui constitue un groupe professionnel aux fins de l’équité salariale peut varier d’un cas à l’autre.

62 En l’espèce, Mme Weiner a proposé que l’unité la plus appropriée était la classification AS, car chaque niveau AS et chaque échelle salariale correspondante comporte une valeur ou une gamme de valeurs discrètes.

63 En 2000, l’AFPC a déposé une plainte en matière d’équité salariale pour le compte des membres du groupe professionnel PA à prédominance féminine. La plainte alléguait que les emplois occupés par les membres du groupe PA étaient sous-évalués parce qu’ils étaient mesurés au moyen de normes de classification discriminatoires, dont celles qui sont utilisées pour la classification AS, qui ne mesuraient pas tous les facteurs exigés par l’OPS.

64 En 2008, l’AFPC a retiré cette plainte en matière d’équité salariale à la suite d’une entente avec l’employeur, qui comprenait un paiement forfaitaire de 4 000 $ à chaque employé qui était membre du groupe PA le 15 décembre 2008. Tous les employés occupant des postes de consultant en rémunération ou d’autres postes dans le champ de travail de la rémunération le 15 décembre 2008 avaient droit de recevoir le paiement forfaitaire.

65 Enfin, les faits et les dispositions sur les droits de la personne qui font l’objet du présent cas ne sont pas les mêmes que dans Walden. Dans cette dernière affaire, il ne s’agissait pas d’une plainte en matière d’équité salariale, mais plutôt d’une plainte de discrimination dans l’emploi fondée sur le sexe en vertu des articles 7 et 10 de la LCDP. Dans Walden, le TCDP a statué que le gouvernement fédéral avait fait de la discrimination envers 413 spécialistes en évaluation médicale, qui étaient surtout des femmes, en classifiant leurs emplois comme « administrateurs de programme » dans le groupe professionnel PA tandis que les emplois de médecins effectuant un travail similaire, surtout des hommes, étaient classifiés comme professionnels de la santé dans le groupe professionnel Services de santé. Comme mesure de redressement à la discrimination en emploi, le TCDP a ordonné que les postes d’évaluateurs médicaux soient reclassifiés dans la catégorie des infirmiers et infirmières au sein du même groupe professionnel Services de santé que les médecins.

66 Il convient de noter que ni l’article 7 ni l’article 10 de la LCDP n’utilise le concept de « groupe professionnel ». Ainsi, la question de savoir si les évaluateurs médicaux faisaient partie d’un plus grand groupe à prédominance féminine (le groupe PA) n’était pas pertinente pour statuer sur la plainte dans Walden.

67 Le défendeur m’a renvoyé aux décisions déjà citées par les plaignants.

V. Motifs

68 Tel que mentionné précédemment, la première étape de la présente décision doit consister à déterminer si les consultants en rémunération constituent un groupe professionnel identifiable suivant l’article 12 de l’OPS. La question de savoir si le groupe des plaignants est à prédominance féminine ne se pose pas, car les deux parties ont reconnu que tel est le cas. Ni la LCDP ni l’OPS ne définit ou ne précise ce qu’est un groupe professionnel identifiable. Pour le déterminer, j’analyserai la jurisprudence, les documents et les témoignages de vive voix des parties.

69 En langage courant, une occupation est un emploi ou une profession, et un groupe est formé d’un certain nombre de personnes ou de choses situées ou classées ensemble. Par déduction, un groupe professionnel serait un type d’emploi occupé par un certain nombre de personnes ou un groupe d’emplois classés ensemble.

70 Dans la fonction publique fédérale, toutefois, le terme « groupe professionnel » a une signification très précise. Les groupes professionnels sont d’abord définis par le Conseil du Trésor et publiés dans la Gazette du Canada, partie I. Depuis 1999, les consultants en rémunération font partie du groupe professionnel PA, qui est défini comme suit à la page 802 de la Gazette du Canada, partie I, volume 133, no 13 :

[…]

Le groupe Services des programmes et de l’administration comprend les postes principalement liés à la planification, à l’élaboration, à la mise en œuvre ou à la gestion des politiques, programmes, services ou activités du domaine de l’administration ou du gouvernement fédéral à l’intention du public ou de la fonction publique.

Postes inclus

Sans limiter la généralité de la définition énoncée ci-dessus, sont inclus dans ce groupe les postes dont les responsabilités principales se rattachent à l’une ou à plusieurs des activités suivantes :

[…]

8. réalisation de recherches et d’analyses sur des questions de rémunération, et prestation de conseils à ce sujet aux gestionnaires, aux employées et employés et à leurs familles ou représentantes et représentants;

[…]

71 Un tableau de concordance aux pages 831 à 834 identifie le nouveau groupe professionnel auquel appartient un poste qui fait partie d’un ancien groupe professionnel. Ce tableau montre que l’ancien groupe professionnel AS fait maintenant partie du groupe professionnel PA.

72 Les postes de consultants en rémunération sont tous classifiés dans le groupe AS. En d’autres termes, aux fins des relations de travail et des ressources humaines, les plaignants font tous partie du groupe professionnel PA qui, depuis 1999, a inclus l’ancien groupe professionnel AS. La preuve révèle en outre que l’ancien groupe AS est encore utilisé à des fins de classification et de rémunération, mais que la convention collective s’applique à tout le groupe PA.

73 Tous les cas cités par les parties qui impliquent l’AFPC ont trait à l’ensemble de l’unité de négociation. Dans ces plaintes, l’AFPC alléguait la discrimination salariale pour toutes les unités de négociation. Parmi les exemples de ces plaintes, mentionnons celle portant sur l’ancien groupe professionnel CR à prédominance féminine (qui fait maintenant partie du groupe PA) et le Conseil du Trésor et celle qui  touche le même groupe professionnel et la Société canadienne des postes.

74 Dans AFPC (1998), la question de savoir ce qui forme un « groupe professionnel » a été traitée malgré le fait que la plainte avait été initialement déposée pour le compte de toute l’unité de négociation Commis aux écritures et aux règlements (CR). La plainte a été modifiée après avoir été déposée, et l’AFPC a demandé au TCDP de traiter distinctement et séparément deux sous-groupes du groupe professionnel DA (DA-PRO et DA-CON). L’un de ces sous-groupes était à prédominance masculine et l’autre était à prédominance féminine. L’AFPC a également demandé au TCDP de traiter le travail des sténographes judiciaires (ST-COR) comme un travail distinct de leur classification ST parce qu’elle estimait que le travail était manifestement distinct de celui des autres ST.

75 Dans AFPC (1998), le TCDP a également fait référence aux plaintes déposées par l’AFPC en 1979 pour le compte de trois sous-groupes à prédominance féminine du groupe Services divers (GS) en alléguant qu’il y a eu discrimination par rapport aux quatre sous-groupes à prédominance masculine du même groupe professionnel. L’ancien groupe GS comptait sept sous-groupes, dont les taux de rémunération différaient dans chaque cas. Les trois sous-groupes les moins bien payés, soit l’alimentation, la lessive et les services personnels divers, étaient à prédominance féminine et les quatre restants, soit les services de messagerie, de garde, des immeubles et des magasins, étaient à prédominance masculine.

76 Dans Postes Canada (2005), le TCDP a rejeté la position de l’employeur selon laquelle les plaignants, qui étaient des CR, devraient être comparés au quatrième niveau de l’unité de négociation des Opérations postales (PO). En même temps, le quatrième niveau du groupe PO était non sexiste. Le TCDP a rejeté cet argument. Aux paragraphes 270 et 271 de la décision, il a écrit ce qui suit :

[270] Postes Canada prétend que si l’on prend le Groupe PO dans son ensemble, on se trouve à ignorer la tendance historique voulant que le nombre d’employés de niveau PO-4 devient de plus en plus la catégorie la plus importante et la plus représentative des travailleurs des Opérations postales. En fait, les employés classés au niveau PO-4 au sein du sous-groupe du Traitement du courrier interne et du service postal complémentaire représentaient un peu plus de 83 p. 100 du total du sous-groupe en 1983 et 88 p. 100 en 1992. Par contre, comme pourcentage de l’ensemble du Groupe PO, les employés du niveau PO-4 représentaient 41 p. 100 en 1983 et presque 42 p. 100 en 1992.

[271] Le Tribunal n’accepte pas cet argument. Le système de classification des postes du gouvernement fédéral est fondé sur le concept de groupes d’employés, liés ensemble par des catégories de classes de poste. Au sein de ces groupes, le concept de niveaux est lié aux différences salariales. Historiquement, ces niveaux, avec leur différence salariale, ont reposé sur des facteurs comme l’ancienneté, l’opinion de la direction sur l’importance des fonctions exécutées à chaque niveau, la formation et les compétences exigées. Qu’un syndicat à Postes Canada, représentant de nombreux ou l’ensemble des membres du Groupe PO puissent avoir décidé de tenter de créer une situation où les niveaux de classification n’ont essentiellement rien à voir avec les différences salariales ne peut pas changer le concept historique qui constitue le fondement des groupes et niveaux eux-mêmes. C’est ce concept qui est important pour la désignation de « groupe professionnel » aux articles 12 et 13 de l’OPS de 1986 et pour la question de la « parité salariale » à l’article 11 de la Loi.

77 Dans Air Canada, le groupe professionnel était formé de tous les agents de bord travaillant pour l’employeur, soit la totalité de l’unité de négociation. Aux fins de l’équité salariale, ils étaient comparés aux unités de négociation des mécaniciens et des pilotes, qui étaient à prédominance masculine.

78 Dans Walden, le concept de groupe professionnel n’était pas en litige, car ce cas n’était pas une plainte en matière d’équité salariale, mais plutôt une plainte de discrimination dans l’emploi selon les articles 7 et 10 de la LCDP. Le TCDP a statué que l’employeur avait fait de la discrimination contre les évaluateurs médicaux (surtout des femmes) en classifiant leurs emplois comme PA tandis que les emplois de médecins (surtout des hommes) qui effectuaient un travail similaire étaient classifiés comme professionnels de la santé. Le TCDP a ordonné que les évaluateurs médicaux, qui faisaient partie du groupe PA, soient reclassifiés dans le groupe Services de santé.

79 Dans Wiseman, le TCDP a rejeté une plainte déposée au nom des chefs d’équipe adjoints (CEA) qui travaillent dans les pénitenciers pour femmes de Service correctionnel du Canada. Le groupe des plaignantes CEA à prédominance féminine alléguait que les CEA avaient fait l’objet d’un traitement discriminatoire se traduisant par un salaire moindre pour un travail d’égale valeur. L’allégation reposait sur le fait que le poste de CEA était évalué à la lumière de la norme de classification des Services correctionnels (CX), qui n’apprécie pas le travail en fonction des facteurs d’évaluation exposés dans la LCDP. Le TCDP a conclu que le travail des CEA était d’égale valeur à celle de leurs homologues CX-04 masculins travaillant dans des établissements correctionnels pour hommes et que les deux groupes recevaient la même rémunération. Il convient de noter que les deux postes étaient classifiés dans le même groupe professionnel à prédominance masculine (CX) et que le TCDP n’a pas formulé de commentaires sur les motifs pour lesquels chacun d’entre eux était considéré comme un groupe professionnel au sens de l’article 12 de l’OPS.

80 Compte tenu de la jurisprudence, je ne conclus pas que le régime de classification de l’employeur ou la structure de l’unité de négociation soit déterminante dans la question des groupes professionnels aux fins de l’équité salariale. Toutefois, ces régimes et ces structures représentent des indicateurs qui devraient être pris en compte à cette fin, car ils se reflètent directement dans la structure de rémunération du groupe et dans l’organisation du travail.

81 À l’examen des conventions collectives de la fonction publique fédérale, on constate que certains groupes ou certaines unités de négociation, que l’employeur appelle « groupes professionnels » depuis 1999, correspondent à des champs d’occupation reconnaissables tels que Contrôle de la circulation aérienne, Droit, Service extérieur, Services correctionnels, Finances ou Systèmes d’ordinateurs. Toutefois, la catégorie PA regroupe les postes AS, CM, CR, DA, IS, OE, PM, ST et WP. Les postes de la catégorie WP (agents de libération conditionnelle), par exemple, comportent surtout du travail social. Ils ont très peu de choses en commun avec le travail de bureau effectué par les CR dans les bureaux. On pourrait faire valoir que le groupe PA est un groupe fourre-tout ou un groupe de coordination qui réunit plusieurs « groupes professionnels » aux fins de la négociation. Il serait juste d’affirmer que la plupart des gens considèrent la collectivité de la rémunération comme une activité discrète. Si, au cours d’une conversation informelle, une personne demande à un consultant en rémunération ce qu’il fait, il répondra non pas qu’il est AS ou qu’il fait partie du groupe PA, mais plutôt qu’il travaille dans le domaine de la rémunération. La plupart des gens considèrent que la rémunération est la profession en litige, et ne feraient pas référence à la classification AS ou au groupe PA.

82 Le cas des consultants en rémunération comme groupe professionnel a été abordé indirectement dans AFPC (1998) au paragraphe 262 dans un échange entre le TCDP et M. Durber, qui était alors directeur de la Commission canadienne des droits de la personne. Ce paragraphe se lit comme suit :

262. L’approche empruntée par la Commission pour définir un « groupe » a été précisée davantage par M. Durber lors de son contre-interrogatoire par l’intimé (volume 162, de la ligne 2 de la page 20207 à la ligne 23 de la page 20209) :

Q. Maintenant, est-ce le postulat de la Commission qu’une plainte en matière d’équité salariale peut être déposée au nom d’un groupe quelconque d’individus qui, à la lumière de votre définition de groupe professionnel, constitue un tel groupe professionnel?

R. J’estime qu’il faudrait apporter ici quelques précisions. La Commission n’a pas pour mission de susciter des plaintes. Nous nous employons à préserver notre neutralité. Alors, lorsque vous dites qu’un groupe peut déposer une plainte, je tiens à préciser que la Commission n’a pas pour mandat de favoriser le dépôt de plaintes. Ce qui constitue un groupe raisonnable aux fins du dépôt d’une plainte, voilà une décision qui appartiendrait au premier chef aux individus concernés. Ils pourraient toutefois consulter la Commission à cet égard.

Par exemple, nous avons reçu récemment une demande de renseignements d’infirmières d’une société d’État faisant partie d’une unité de négociation plus vaste. Elles nous ont demandé si elles pouvaient déposer une plainte. Évidemment, n’importe qui peut déposer une plainte.

Or, est-ce qu’elles constituaient ou non un groupe? Cela devra fort probablement être établi dans le cadre de l’enquête. Mais -- je tiens à préciser qu’elles n’ont pas encore déposé de plainte. Maintenant, il me semble, à première vue, qu’il est manifeste que les soins infirmiers constituent une profession, qu’ils sont reconnus comme une profession; il s’ensuit que les réponses à certaines des questions visant à établir s’il s’agit ou non d’un groupe sont assez manifestes. Or, les gens occupant un emploi donné, par exemple, les préposés à la paye, pourraient estimer qu’ils constituent un groupe, même s’ils font partie d’un groupe plus vaste, disons, le groupe des Commis aux écritures et aux règlements de la Fonction publique. Il faudrait ensuite se pencher sur la nature des points soulevés dans la plainte afin de bien comprendre comment s’est manifestée la discrimination, le cas échéant, que font valoir les titulaires de l’emploi en cause.

Q. C’était un bon exemple, M. Durber. Et si vous étiez satisfait, au terme d’une enquête, que les préposés à la paye satisfaisaient à la définition de groupe professionnel ou, il serait peut-être préférable de dire, satisfaisaient à l’esprit de cette définition.

R. Oui.

Q. Ce que j’essaie d’établir c’est si la Commission serait disposées à les considérer comme une entité et à examiner leur plainte comme s’il s’agissait d’une plainte collective aux fins de comparer leur situation à celle d’autres groupes?

R. J’estime qu’en vertu de la Loi, la Commission est tenue, dans tous les cas, de mener une enquête, sauf si elle estime la plainte irrecevable en vertu de l’article 41. Mais, oui, nous nous pencherions sur les particularités des fonctions afin d’établir s’il serait justifié de traiter ces individus collectivement comme s’ils constituaient un groupe professionnel. À mon avis, il faudrait reconnaître que ces préposés à la paye ne justifient pas de leur propre structure salariale, si nous nous reportons à la situation actuelle à la Fonction publique; nous devrions alors examiner la nature des problèmes soulevés, les allégations de discrimination.

Cela pourrait tenir, par exemple, à la façon d’établir l’équivalence de leurs fonctions. Et, de fait, nous avons dû composer avec de telles situations. Par exemple, la plainte des infirmières auxiliaires autorisées que l’on comparait aux préposés aux soins. Or, chacun de ces regroupements, si vous le préférez, constituait un emploi et comme il s’agissait d’un emploi dont les fonctions étaient interreliées, on pouvait qualifier les regroupements de groupes professionnels. La plainte a donc fait l’objet d’un examen et, de fait, les parties ont convenu d’une entente mutuellement satisfaisante.

Q. Et cela, malgré que l’employeur ait établi que ces regroupements faisaient partie d’un groupe plus vaste?

R. Ces deux emplois s’inscrivaient dans un groupe à prédominance féminine, les services hospitaliers, mais la Commission estimait que les infirmières auxiliaires autorisées constituaient un groupe à prédominance féminine et que les préposés aux soins constituaient un groupe à prédominance masculine. Alors, la question à régler n’en était plus une de discrimination quant à la structure salariale générale, dont les deux groupes étaient victimes, mais d’équivalence de fonctions, c’est-à-dire : est-ce que les fonctions des infirmières auxiliaires autorisées étaient de valeur équivalente ou supérieure à celle des préposés aux soins.

Encore une fois, il fallait s’en remettre à la nature des allégations de discrimination, aux objectifs visés par la plainte. Mais, manifestement, il s’agissait d’un groupe professionnel au sens large de l’expression. Je dirais que, dans les deux cas, il s’agissait de groupes professionnels.

83 Bref, M. Durber croyait alors que les consultants en rémunération pouvaient constituer un groupe professionnel aux fins de l’équité salariale parce qu’ils semblaient être une occupation identifiable. Toutefois, il a également souligné qu’il pourrait être difficile de trancher la question parce qu’ils n’avaient pas leur propre structure salariale étant donné qu’ils faisaient partie du plus grand groupe des CR, ce qui continue de poser des difficultés compte tenu de la seule différence de leur appartenance actuelle au groupe AS.

84 À cette audience, M. Durber a mentionné quatre critères (voir le paragraphe 35 de la présente décision) servant à déterminer si les consultants en rémunération forment un groupe professionnel identifiable. Je conclus que les plaignants répondent à certains de ces critères, mais pas à tous. Ils travaillent tous dans le même domaine (la rémunération) même s’ils n’effectuent pas tous le même type de travail. Les consultants en rémunération AS-02 font certes tous le même genre de travail. Toutefois, ce travail diffère de celui que font leurs gestionnaires ou superviseurs (AS-03 à AS-05) dont les emplois sont liés à la gestion. En outre, les qualifications de base varient selon qu’il s’agit d’un consultant ou d’un gestionnaire, sauf que les deux doivent connaître le domaine de la rémunération. Enfin, les employés qui occupent des postes de consultant en rémunération et des emplois de gestionnaire de la rémunération ne sont pas interchangeables, parce que les compétences et les connaissances nécessaires pour les deux emplois diffèrent. Les quatre critères mentionnés précédemment, appliqués avec rigueur, produiraient plutôt une configuration comparable aux classes d’emplois proposées par M. Bass, qui, pour l’essentiel, a trouvé une classe d’emplois par niveau de classification du champ de rémunération des AS, sauf pour le niveau trois, dans lequel il a trouvé deux classes d’emplois. Toutefois, je ne crois pas que chaque critère doit être rempli. Ils devraient plutôt être interprétés comme des indicateurs concrets de ce que constituerait un « groupe professionnel ».

85 La jurisprudence et le matériel produit en preuve à l’audience établissent clairement que la création d’un sous-ensemble d’emplois au sein d’un grand groupe pourrait parfois être nécessaire pour donner plus de visibilité au travail effectué par des femmes. Toutefois, dans les cas où cela a été fait, le sous-ensemble des emplois à prédominance féminine a été créé à partir d’un groupe à prédominance masculine ou non sexiste.

86 Dans le présent cas, les consultants en rémunération, considérés en tant que groupe à part entière ou pris séparément à chaque niveau, sont surtout des femmes qui exécutent un sous-ensemble d’emplois du groupe AS à prédominance féminine. Le groupe AS est aussi un sous-ensemble ou une classification au sein du groupe professionnel PA, qui est également à prédominance féminine. Les plaignants affirment qu’il serait approprié de prendre un sous-ensemble d’emplois à prédominance féminine dans un grand groupe d’emplois à prédominance féminine pour accroître la visibilité du travail effectué par des femmes. Sur la base de la preuve présentée à l’audience, je ne suis pas convaincu du tout que dans le cas qui nous occupe, la structure actuelle de groupe professionnel ou de classification devrait être subdivisée pour, comme l’a dit M. Durber, [traduction] « donner plus de visibilité au travail des femmes ». Les consultants en rémunération sont des femmes qui font partie du groupe féminin AS, qui lui fait partie du groupe féminin PA. Il me faudrait des preuves claires des motifs pour lesquels les consultants en rémunération devraient être isolés du groupe AS aux fins de l’équité salariale pour accepter la proposition selon laquelle il s’agit d’un groupe professionnel distinct. Une telle preuve ne m’a pas été présentée.

87 La preuve révèle que le groupe AS comprend plusieurs champs de travail, comme la rémunération, la gestion des installations, les finances, l’administration, la vérification interne, la gestion de l’information et la sécurité. D’après la logique des plaignants, chacun de ces sous-ensembles ou leurs sous-sous-ensembles pourraient être considérés comme un groupe professionnel, en vertu de l’article 12 de l’OPS. Par exemple, chacun sait que la plupart des adjoints administratifs font partie du groupe AS. En outre, il est bien connu que ces postes sont surtout occupés par des femmes. Les Services d’annuaires gouvernementaux électroniques (SAGE) fournissent un annuaire des fonctionnaires fédéraux qui comporte plus de 1 000 inscriptions au titre « adjoint administratif » et plus de 1 000 autres inscriptions sous le titre « adjoint de direction ». Ces milliers d’adjoints formeraient un groupe professionnel d’après la logique des plaignants. Un examen plus approfondi du groupe AS mènerait à l’identification de nombreux autres de ces soi-disant « groupes professionnels ».

88 Compte tenu du fait que le groupe AS est à prédominance féminine et de la preuve présentée à l’audience, je ne vois pas l’utilité de retirer le sous-ensemble de la rémunération de ce groupe aux fins de l’équité salariale parce qu’il est à prédominance féminine. Au vu de la jurisprudence et de l’historique des groupes professionnels dans la fonction publique fédérale, je conclus en l’espèce que la classification AS est le groupe professionnel en vertu de l’article 12 de l’OPS et que les consultants en rémunération sont un sous-ensemble de ce groupe ou qu’ils effectuent un champ de travail au sein du groupe AS. S’il existe des problèmes au niveau de l’équité salariale, ils devraient être étudiés à ce niveau, et non à celui de chaque sous-ensemble des emplois ou champ de travail qui constitue le groupe AS.

89 Je ne dis pas que les groupes ne devraient pas être subdivisés pour étudier les revendications au titre de l’équité salariale faites par des groupes identifiables ou par des groupes représentant des métiers ou professions au sein du groupe. Toutefois, la jurisprudence montre que cela a été fait pour contribuer à augmenter la visibilité du travail des femmes. Dans la plupart de ces cas, le groupe des femmes faisait partie d’un plus grand groupe qui était à prédominance masculine. Ce n’est pas le cas ici.

90 Les plaignants n’ont pas prouvé d’après la prépondérance des probabilités qu’il est approprié de les isoler du plus grand groupe AS et de les considérer comme un groupe professionnel distinct.

91 Compte tenu de ce qui précède, je ne vois pas l’utilité de commenter le témoignage de l’employeur, rapporté aux paragraphes 63 et 64, au sujet de la plainte en matière d’équité salariale déposée par l’AFPC en 2000 pour le compte du groupe PA. Je ne vois pas non plus de raison de commenter cette question parce que malgré le témoignage du défendeur, il n’a pas exposé d’argumentation juridique concernant ce point en rapport avec la question qui m’a été soumise. Ceci étant dit, je reconnais qu’il pourrait y avoir de sérieux problèmes de relativité de la rémunération à l’interne dans la norme de classification AS, qui a été publiée en 1965, soit bien avant l’introduction massive de la technologie dans les milieux de travail du gouvernement fédéral. En outre, cette norme ne respecte pas les critères d’évaluation du paragraphe 11(2) de la LCDP. Toutefois, le problème se situe au niveau de tout le groupe AS ou entre les sous-groupes qui font partie de ce groupe.

VI. Conclusion

92 Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que le premier critère nécessaire à l’établissement d’une preuve prima facie en vertu de l’article 11 de la LCDP n’a pas été respecté. Les plaignants ne sont pas un groupe professionnel identifiable aux termes de l’article 12 de l’OPS.

93 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII.Ordonnance

94 Les plaintes sont rejetées.

Le 22 janvier 2014.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
une formation de la Commission des relations
de travail dans la fonction publique

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