Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que leurs heures de travail avaient été modifiées de manière à correspondre à un quart de travail qui n’existe pas et que, par conséquent, ils avaient le droit d’être rémunérés en heures supplémentaires - l’employeur devait offrir aux agents une formation sur l’utilisation d’une nouvelle arme à feu - la formation s’est déroulée sur quatre jours - les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient tous les deux un quart modifié de 12heures et devaient suivre la formation en même temps pendant un quart qui allait de 11h à 23h - l’horaire de quart approuvé à l’établissement en question ne comportait pas un tel quart - la convention collective, à l’Appendice <<K>>, mettait en évidence l’entente entre les parties au sujet de l’établissement efficace d’un quart de travail, et les quarts qui étaient approuvés par l’appendice à l’établissement ne comportaient aucunes heures qui correspondaient à celles du nouveau quart auquel les fonctionnaires s’estimant lésés étaient affectés - le mot <<quart>> était utilisé comme un terme technique dans la convention collective et son utilisation indiquait que l’employeur pouvait faire passer les fonctionnaires d’un quart approuvé à un autre uniquement en demandant et en obtenant l’approbation du comité national en vertu de l’Appendice <<K>> - la situation en litige n’était pas visée par la clause21.03 et l’Appendice <<K>> - la clause21.02b)(ii) s’appliquait à la situation et indiquait que, même si l’employeur était autorisé à modifier le quart d’un employé une fois au cours du cycle de l’horaire, il ne pouvait le faire que pour un quart qui avait été approuvé. Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date:  20140819

Dossier:  566-02-3567 et 3568

 

Référence:  2014 CRTPF 78

Loi sur les relations de travail

dans la fonction publique

PSLRB noT(BW)

Devant un arbitre de grief

ENTRE

 

STEVEN JAMES BYLOW ET STEVEN KYLE BYLOW FILS

 

fonctionnaires s'estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

 

Répertorié

Bylow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

 

 

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

Devant :  Michael F. McNamara, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés :  Sheryl Ferguson, conseillère syndicale, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN)

Pour l’employeur :  Lea Bou Karam, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario),

les 16 et 17 juillet 2013.

(Traduction de la CRTFP)


MOTIFS DE DÉCISION

TRADUCTION DE LA CRTFP

I.  Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

[1]   Les griefs portent sur des circonstances similaires qui découlent du fait que les CX doivent suivre une formation sur les armes à feu en raison de la décision de Service correctionnel du Canada (le « SCC ») de modifier le type d’arme à feu utilisé par ses agents. Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), Steven James Bylow père (« Bylow père ») et Steven Kyle Bylow fils (« Bylow fils »), ont allégué que leurs heures de travail avaient été modifiées de manière à correspondre à un quart de travail qui n’existe pas et que, par conséquent, ils avaient le droit d’être rémunérés en heures supplémentaires.

[2]  Le premier grief se lit comme suit :

[Traduction]

Je présente un grief pour contester le fait que le ou vers le 17 ou le 18 novembre 2009, l’employeur a modifié mes heures de travail habituelles, soit de 7 h à 18 h 30, à 11 h à 23 h; ces heures de travail ne sont pas reconnues d’après mon tableau de service/horaire actuel.

 

[3]  Le deuxième grief est ainsi rédigé :

[Traduction]

Je présente un grief pour contester le fait que le ou vers le 17 ou le 18 novembre 2009, l’employeur a modifié mes heures de travail habituelles, soit de 18 h 30 à 7 h 15, à 11 h à 23 h; ces heures de travail ne sont pas reconnues d’après mon tableau de service/horaire actuel.

 

[4]  La mesure de redressement demandée pour les deux griefs se lit comme suit :

[Traduction]

Que l’employeur n’exige pas que je travaille des heures de travail qui ne sont pas reconnues ou qui ne font pas partie de mon tableau de service/horaire actuel.

Que l’employeur respecte et applique la convention collective des agents correctionnels.

Et tous les autres droits qui me sont conférés dans la convention collective, ainsi que tous les dommages réels, moraux ou exemplaires, et ce, rétroactivement avec intérêt au taux légal, sans préjudice aux autres droits dévolus.

II.  Résumé de la preuve

[5]  Les fonctionnaires, soit le père et le fils, sont des agents correctionnels classifiés CX-1 à l’Établissement Fenbrook, en Ontario. Les deux fonctionnaires ont présenté des éléments de preuve et des témoignages similaires. Ils ont été informés dans un courriel général adressé au personnel de l’exigence de suivre un cours de formation portant sur une nouvelle arme à feu. Les deux fonctionnaires sont affectés à un quart modifié de 12 heures. Ils ont suivi la formation en même temps (comme ils l’ont demandé). La formation a duré quatre jours, soit du 16 au 19 novembre 2009.

[6]  La formation a été donnée à l’établissement de formation de la Police provinciale de l’Ontario (la « PPO ») qui se trouve à Orillia, en Ontario, soit à environ 45 minutes de l’Établissement Fenbrook. L’établissement de formation à Orillia  était réservé à la PPO durant le jour. Par conséquent, les séances de formation des fonctionnaires avaient lieu le soir, soit le seul moment où l’établissement était disponible.

[7]  Il n’y avait aucune urgence à l’époque, la formation ne comportait pas de modification de la classification et il n’a été convenu d’aucun échange de quart. Bien que l’employeur ait tenté de décrire les séances de formation comme étant volontaires, son courriel du 29 octobre 2009 adressé aux CX mentionnait qu’à la suite du changement d’armes à feu, [traduction] « […] l’exigence de formation à la nouvelle arme de poing » [nous soulignons] était un cours de trois jours sur l’utilisation de la nouvelle arme de poing, la quatrième journée étant consacrée à l’utilisation d’une autre arme à feu déjà utilisée au SCC.

[8]  Les heures de travail de Bylow père au cours de cette semaine devaient initialement être les suivantes :

Le mardi 16 novembre :  congé

Le mercredi 17 novembre :  de 7 h à 19 h 45

Le jeudi 18 novembre :  de 7 h à 19 h 45

Le vendredi 19 novembre :  congé

 

[9]  Les heures de travail de Bylow fils au cours de cette semaine devaient initialement être les suivantes :

Le mardi 16 novembre :  congé

Le mercredi 17 novembre :  de 18 h 30 à 7 h 15

Le jeudi 18 novembre :  de 18 h 30 à 7 h 15

Le vendredi 19 novembre :  congé

 

[10]  Dans une réponse aux choix des fonctionnaires en ce qui concerne les heures de formation désignées, les fonctionnaires ont été informés par courriel (pièce 2) le 6 novembre 2009, à 8 h, qu’ils suivraient la formation du 16 au 19 novembre et que, si nécessaire, leur [traduction] « quart serait les soirs pour faciliter la formation » et que les personnes qui travaillent des quarts de douze heures, comme c’est le cas des fonctionnaires, [traduction] « travailleront de 11 h à 23 h lors de leurs jours habituels de travail ».

[11]  Un document intitulé [traduction] « HORAIRE DE FORMATION » était joint au courriel. Il identifiait les deux fonctionnaires et les dates de l’horaire de formation et mentionnait que la formation aurait lieu entre 15 h et 23 h lors de chacun de ces jours.

[12]  À l’audience, l’employeur a déclaré que les fonctionnaires étaient rémunérés au taux des heures supplémentaires pour les heures de travail du mardi et du vendredi, car ces jours devaient être des jours de congé pour les fonctionnaires. Par conséquent, seul le paiement pour les deux autres jours de formation est en litige en l’espèce.

[13]  Conformément aux instructions de l’employeur, les fonctionnaires se sont présentés au travail à 11 h les 16 et 17 novembre avant de se rendre plus tard ce jour-là à Orillia pour leur séance de formation sur les armes à feu.

[14]  Ryan Dewey, président de la section locale de l’agent négociateur, a déclaré qu’il n’y avait aucune entente mutuelle à l’échelon local ou national pour modifier l’horaire convenu pour un poste de travail. Il a indiqué que bien que la formation soit continue et qu’elle constitue un élément nécessaire du travail des CX, par le passé, elle a été réalisée dans le cadre des horaires existants.

[15]  Len Page, gestionnaire correctionnel chargé des horaires et du déploiement pour l’employeur, a témoigné. Il a la responsabilité d’environ 170 employés classifiés CX figurant dans 14 tableaux de service différents qui présentent diverses grilles de quarts. Il a décrit les divers horaires et expliqué comment ils sont établis à l’échelle locale et approuvés à l’échelle nationale. Les agents sont déplacés d’un quart à un autre en période de vacances et d’autres congés ainsi qu’en période de formation pour répondre aux nécessités du service. Pour y parvenir, il doit y avoir des changements de quarts, parfois avec un court préavis. Il a déclaré qu’en vertu de la convention collective, l’employeur devait donner un préavis de 48 heures afin d’éviter une sanction lorsqu’il modifie un quart. Cependant, plus le préavis est long, plus il est facile et agréable pour les employés d’organiser leur vie.

[16]  En contre-interrogatoire, M. Page a été interrogé au sujet de la procédure de modification des horaires qui s’applique lorsque la direction désire effectuer un changement à l’horaire des quarts (plutôt que de modifier les quarts de travail individuels à l’intérieur d’un horaire existant). D’abord, la section locale et le comité de gestion doivent conclure une entente. Celle-ci est ensuite examinée par le Comité régional mixte, puis approuvée par le Comité national. Le processus d’approbation requiert seulement quelques jours s’il satisfait aux critères nécessaires.

[17]  M. Page a désigné le [traduction] « tableau de service des CX-1 » basé sur des quarts de 12 heures. Il comporte des quarts de 12 heures, de 12,5 heures et de 12,75 heures :

Quart de 12 heures :  Jours : 7 h – 19 h  Nuits : 19 h – 7 h

Quart de 12,5 heures :  Jours : 7 h – 19 h 30  Nuits : 18 h 45 – 7 h 15

Quart de 12,75 heures :  Jours : 7 h – 19 h 45  Nuits : 18 h 30 – 7 h 15

 

[18]  Aucun quart de 11 h à 23 h ne figure dans ce tableau de service. Aucune entente n’a été conclue entre SCC et l’agent négociateur pour modifier le tableau de service de manière à ajouter ce quart.

[19]  Deux ans avant les événements en litige, une entente avait été conclue entre le SCC et l’agent négociateur pour intégrer de la formation, mais cette entente n’était plus en vigueur lors des événements en question.

III.  Résumé de l’argumentation

[20]  Selon l’agent négociateur, l’employeur a violé la convention collective lorsqu’il a mis en place un quart de travail pour répondre aux besoins en formation et les parties ne s’étaient pas entendues à ce sujet au préalable. Les articles 21 et 34 et l’Appendice « K » de la convention collective définissent clairement la façon dont les heures de travail d’un employé sont établies et approuvées. Cette procédure n’a pas été respectée en l’espèce.

[21]  Selon l’agent négociateur, la question en litige entre les parties consiste à déterminer si le quart de 11 h à 23 h est autorisé par la convention collective. Il a fait valoir qu’aucun quart du genre n’était en vigueur au moment en question et qu’aucune entente visant la création d’un tel quart n’avait été conclue par les parties.

[22]  L’article 21 de la convention collective définit les heures de travail et les heures supplémentaires d’un employé. Les clauses 21.02 et 21.03 énoncent les dispositions sur le travail par quart.

[23]  La clause 21.03(b) de la convention collective énonce ce qui suit : « L'Employeur convient que, avant qu'un horaire de travail ne soit modifié, la modification doit faire l'objet d'une entente conformément à la lettre d'entente en annexe. »

[24]  La clause 21.02(b)(ii) de la convention collective prévoit notamment ce qui suit : « Quart veut dire heures de travail régulières de l'employé-e portées à l'horaire conformément à la clause 21.03(a) et non le poste de travail auquel l'employé-e est affecté. »

[25]  L’article 34 de la convention collective définit le régime des heures de travail modifiées et prévoit notamment ce qui suit :

L’Employeur et le Syndicat conviennent que les conditions suivantes s’appliquent aux employé-e-s à l’intention desquels des horaires de travail modifiés ont été convenus conformément aux dispositions pertinentes de la présente convention collective. La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée.

1. Conditions générales

Les heures de travail figurant à l'horaire d'une journée quelconque peuvent être supérieures ou inférieures à l'horaire de travail de la journée normale de travail qu'indique la présente convention; les heures du début et de la fin du travail, des pauses-repas et des pauses-repos sont fixées par entente entre le Syndicat et l'Employeur au niveau local et approuvées conformément à la lettre d'entente en annexe. [...]

[...]

 

[26]  L’Appendice « K » de la convention collective est la lettre d’entente mentionnée aux articles 21 et 34 de la convention collective et prévoit notamment ce qui suit :

[…]

PROCESSUS D’APPROBATION ET DE MODIFICATION DES HORAIRES

Les horaires devront être examinés et approuvés par le comité national chargé de surveiller les horaires avant d’être mis en application dans un établissement. Le comité national vérifiera si les principes susmentionnés ont été respectés et pris en considération dans les horaires. Si les horaires ne respectent pas les principes, leur mise en application ne sera pas approuvée et ils seront renvoyés à l’échelon local pour que des modification [sic] y soient apportées.

Après avoir été approuvé et mis en application, un horaire pourra uniquement être modifié d’un commun accord des parties patronale et syndicale locales et après avoir été examiné et approuvé par le comité national. Toutefois, lorsque le niveau de sécurité de l’établissement change ou qu’un changement opérationnel est apporté (par exemple, nombre de postes approuvés, heures d’ouverture des postes, classification ou type de postes aux fins du déploiement), le calendrier sera soumis à nouveau au comité national, qui déterminera s’il est conforme aux principes qui précèdent. Le comité national examinera chaque année les horaires en vigueur dans un établissement afin de veiller à ce qu’ils soient toujours conformes aux principes qui précèdent.

[...]

 

[27]  Dans la présente affaire, l’employeur a modifié les heures de travail des fonctionnaires et leur a demandé de se présenter au travail pour le quart de 11 h à 23 h, qui n’est pas un quart reconnu. L’employeur l’a créé afin de diminuer le nombre d’heures supplémentaires travaillées.

[28]  Les clauses 21.02(b)(ii) et 21.03 de la convention collective prévoient ce qui suit :

21.02 […]

b. L'Employeur prendra toutes les mesures raisonnables possibles :

[...]

ii.  pour veiller à ce qu’un-e employé-e affecté à un cycle de quarts réguliers, ne doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement, sauf en situation d’urgence survenant dans un pénitencier. Un changement de quart suivi du retour au quart d’origine ne constitue qu’un seul changement;

Quart veut dire heures de travail régulières de l'employé-e portées à l’horaire [...]

[...]

21.03

a. Les horaires des quarts de travail doivent être affichés au moins quatorze (14) jours civils avant la date du début du nouvel horaire afin de permettre à un-e employé-e d'obtenir un avis raisonnable pour connaître le quart de travail qui lui est affecté. Le quart de travail, comme il est indiqué dans l'horaire, doit correspondre à l'horaire du quart de travail régulier de l’employé-e.

b. L’Employeur convient que, avant qu’un horaire de travail ne soit modifié, la modification doit faire l’objet d’une entente conformément à la lettre d'entente en annexe.

c. Dans les cinq (5) jours qui suivent la demande de modification d’un horaire de travail présenté par l’une ou l’autre partie, le Syndicat communique par écrit à l’Employeur le nom du représentant autorisé à agir en son nom.

 

[29]  Les fonctionnaires ont reçu un avis par courriel daté du 6 novembre 2009 (pièce 2) concernant les changements apportés à leurs heures de travail, avec effet les 16, 17, 18 et 19 novembre. Les 16 et 19 novembre signifiaient que des jours de repos existants allaient devenir des heures supplémentaires, tandis que les heures de quart régulièrement prévues à l’horaire du 17 et du 18 novembre passaient de 11 h à 23 h, un quart de soir, qui constituait un nouveau quart non autorisé par la lettre d’entente de l’Appendice « K », comme le prévoit la clause 21.03(b) de la convention collective. Le courriel ne donnait pas aux fonctionnaires 14 jours de préavis d’un nouvel horaire, tel qu’il est exigé par la clause 21.03(a) de la convention collective. De plus, l’employeur n’a pas avisé l’agent négociateur par écrit, tel qu’il est exigé par la clause 21.03(c).

[30]  L’agent négociateur a également fait valoir qu’il devait y avoir une consultation à l’échelle locale et un examen à l’échelle régionale avant d’apporter un changement à un horaire de quart. Enfin, tel qu’il est énoncé à l’Appendice « K », une approbation à l’échelle nationale est nécessaire. Aucune de ces conditions n’a été remplie.

[31]  L’agent négociateur a demandé que les fonctionnaires soient rémunérés en heures supplémentaires et obtiennent une prime de poste, ainsi que toute autre rémunération à laquelle ils ont droit qui est mentionnée dans la formule de présentation du grief.

[32]  Les fonctionnaires m’ont renvoyé à Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 120; Cooper c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 38; Spears c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14759 (19850130). L’agent négociateur m’a également renvoyé aux paragraphes 4:2100, 4:2110, 4:2120, 4:2151 et 4:2153 de l’ouvrage de Brown et Beatty.

[33]  L’employeur a fait valoir que la question consiste à déterminer s’il peut modifier les quarts dans le but d’accommoder la formation. Il croit que la réponse est affirmative.

[34]  L’employeur m’a renvoyé à Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au paragraphe 25, pour établir ce que peut faire un arbitre de grief lorsqu’il est confronté à un dilemme lié à l’interprétation :

[25] [...] Je dois décoder ce dont les parties ont convenu à partir des termes qu’elles ont employés. Je ne dois cependant pas, ce faisant, modifier ou altérer les termes qu’elles ont employés lorsqu’elles ont conclu la convention collective. Par ailleurs, en interprétant les termes employés dans une convention collective, il me faut leur attribuer leur sens ordinaire, leur sens courant, à moins que cela conduise à un résultat absurde ou que la convention y attribue un sens particulier. Je dois aussi interpréter les termes employés dans le contexte de l’ensemble de la convention collective en l’espèce. Il m’est par ailleurs interdit en vertu de l’article 229 de la Loi de modifier la convention collective.

 

[35]  L’employeur était d’accord avec les renvois à la 4e édition de Canadian Labour Arbitration, de Brown et Beatty, cités par l’agent négociateur.

[36]  Il a fait valoir que les droits indiqués à l’article 21 de la convention collective étaient structurés différemment dans ce cas, et il a établi une distinction entre un changement d’horaire et un changement de quart. L’article 34 traite des changements d’horaire, tout comme l’Appendice « K ». Un horaire est une combinaison de quarts et de jours de repos. Selon la clause 21.02(b)(ii), quart veut dire « heures de travail régulières de l’employé-e portées à l’horaire conformément à la clause 21.03(a) et non le poste de travail auquel l’employé-e est affecté ».

[37]  Un quart peut être modifié de nombreuses façons. D’après la clause 21.02(b)(i) de la convention collective, l’employeur peut modifier à une reprise le quart d’un employé sans l’autorisation de ce dernier au cours d’un cycle de quart. Selon la clause 21.05 de la convention collective, les employés peuvent échanger des quarts. Les deux cas représentent un changement de quart et non un changement d’horaire. Une sanction est infligée si un quart est modifié sans préavis suffisant.

[38]  L’employeur faisait valoir qu’un changement de quart ne constituait pas un changement d’horaire et qu’un changement de quart était autorisé par le libellé de la convention collective.

[39]  L’employeur m’a renvoyé à Wamboldt et à Campbell et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 57.

IV.  Motifs

[40]  En novembre 2009, les fonctionnaires ont vu leurs heures de travail de quatre jours répartis sur une semaine modifiées en vue d’accommoder les besoins en formation. Leurs premiers quarts, de 7 h à 19 h 45 ou de 18 h 30 à 7 h 15, ont été modifiés de manière à ce qu’ils travaillent de 11 h à 23 h. Les fonctionnaires contestent cette modification à leurs heures au motif que l’employeur leur a imposé un quart non approuvé. Autrement dit, ils ne contestent pas le changement comme tel, mais plutôt le changement aux heures de travail précises imposées par l’employeur aux fonctionnaires.

[41]  Les parties ne contestent pas le fait que les heures de travail de 11 h à 23 h ne sont pas des heures inscrites dans l’horaire de quart approuvé à l’Établissement Fenbrook. Il a été démontré au moyen de la preuve qu’au sein de cet établissement, les quarts de 12 heures qui avaient été approuvés en vertu de l’Appendice « K » débutaient soit à 7 h dans le cas des quarts de jour, soit à 18 h 30, 18 h 45 ou 19 h dans le cas des quarts de soir. Aucun quart de 12 heures ne commençait à 11 h. Les parties ne contestent pas non plus le fait que le processus de modification de l’horaire mentionné à l’Appendice « K » n’a pas été suivi.

[42]  Les fonctionnaires ont fait valoir que bien que l’employeur ait le droit, en vertu de l’article 21 de la convention collective, de les faire changer de « quarts » alors que l’horaire des quarts de travail est entamé, il ne peut attribuer aux fonctionnaires que les heures de travail qui correspondent à l’horaire de quart préalablement approuvé.

[43]  Le concept des horaires des quarts de travail « approuvés » provient de l’Appendice « K » de la convention collective. L’Appendice « K » est une lettre d’entente entre les parties concernant l’établissement efficace des horaires du travail par quarts à SCC. La lettre commence par exposer les quatre principes d’établissement efficace des horaires de travail dont les parties ont convenu, puis expose les règles que les parties ont établies pour « offrir des solutions durables à tous les intervenants et permettre l’établissement d’horaires qui tiennent compte des besoins opérationnels de l’organisation et de la qualité de vie des employé-e-s ». 

[44]  Il est ensuite mentionné dans l’appendice que tout changement d’horaire de quart de travail approuvé à des fins de mise en œuvre dans un établissement doit être examiné et approuvé par un comité national constitué à cette fin. Le prochain paragraphe mentionne qu’une fois que le comité a approuvé un horaire des quarts de travail, celui-ci ne peut être modifié que d’un commun accord des parties patronale et syndicale locales et après avoir été examiné et approuvé par le comité national.

[45]  Pour statuer sur cette affaire, je dois également garder à l’esprit les dispositions de la clause 21.03 de la convention collective qui prévoient ce qui suit :

a. Les horaires des quarts de travail doivent être affichés au moins quatorze (14) jours civils avant la date du début du nouvel horaire afin de permettre à un-e employé-e d’obtenir un avis raisonnable pour connaître le quart de travail qui lui est affecté. Le quart de travail, comme il est indiqué dans l’horaire, doit correspondre à l’horaire du quart de travail régulier de l’employé-e.

b. L’Employeur convient que, avant qu’un horaire de travail ne soit modifié, la modification doit faire l’objet d’une entente conformément à la lettre d’entente en annexe.

 

Ainsi, la clause 21.03 et l’Appendice « K » de la convention collective renvoient à la capacité de l’employeur de modifier l’horaire des quarts de travail d’un employé, mais limitent cette capacité en contraignant l’employeur à demander et obtenir l’approbation du comité national avant d’établir de nouvelles heures.

[46]  Je conclus toutefois que la modification à l’horaire des quarts de travail mentionnée à la clause 21.03 de la convention collective ne s’applique pas aux circonstances en l’espèce, mais s’appliquent plutôt à une situation de fait beaucoup plus générale. Je conclus que la clause 21.03(b) de la convention collective désigne une situation où l’horaire des quarts de travail lui-même est modifié, et non le changement temporaire qui fait l’objet du présent litige.

[47]  Je suis d’avis que la question en litige dans cette affaire porte sur un changement beaucoup plus subtil que celui qui a été décrit précédemment, et que ce changement, comme l’a fait valoir l’employeur, est expressément visé par les conditions de la clause 21.02(b) de la convention collective.

[48]  La question en litige entre les parties est la suivante : l’employeur peut-il, lorsqu’il effectue des changements à l’horaire des quarts de travail, le faire de manière à donner à un employé des heures qui ne correspondent pas à des quarts ayant été approuvés en vertu de l’Appendice « K »? Je conclus qu’il ne le peut pas.

[49]  La clause 21.02(b)(ii) de la convention collective prévoit que lorsqu’« un quart » est prévu pour un employé, l’employeur fait tout effort raisonnable « pour veiller à ce qu’un-e employé-e affecté à un cycle de quarts réguliers, ne doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement », sauf en situation d’urgence institutionnelle, une exception qui ne se produit pas ici. Cette clause, contrairement aux dispositions citées précédemment, prévoit expressément le type de changement subtil à un horaire qui est survenu en l’espèce.

[50]  Cette disposition, après avoir indiqué qu’un changement de quart pouvait être effectué une seule fois au cours du cycle des quarts, dispose qu’un changement de quart suivi d’un retour au quart initial est considéré comme un seul changement.

[51]  Après examen de l’ensemble des témoignages et des positions des parties sur la façon d’interpréter le libellé de la convention collective, j’en suis venu à conclure qu’en incluant des articles aussi exhaustifs qui prévoient un processus aussi détaillé d’établissement et de modifications des quarts, les parties ont fait ressortir l’importance du régime d’établissement des horaires et la nécessité de pouvoir prévoir de telles questions. Les parties à la convention collective ont mis en place un régime d’établissement, d’examen et de modification des horaires de quarts de travail qui est exhaustif et rigoureux et qui répond aux besoins des deux parties.

[52]  Le régime qu’elles ont mis en place prévoit l’établissement et l’administration de quarts approuvés. Les dispositions de la convention collective renvoient toujours à ces quarts établis et le changement mentionné à la clause 21.02(b)(ii) de la convention collective désigne un employé qui change de « quart ».

[53]  L’employeur a fait valoir à juste titre que le changement en question était visé par la clause 21.02(b)(ii) de la convention collective. Toutefois, cette conclusion ne règle pas la présente affaire, parce que même si l’employeur est autorisé, en vertu de cette clause, à modifier le quart d’un employé à une reprise au cours du cycle des quarts, il faut déterminer en l’espèce si l’employeur peut modifier les heures de ce quart à son gré, ou s’il est tenu d’opter pour les heures habituelles d’un autre « quart » ayant été approuvé, conformément à la convention collective.

[54]  Je conclus que compte tenu du soin et de l’attention portés aux clauses qui prévoient le travail de jour par opposition au travail par quart, la durée des quarts, l’établissement de leur horaire et les principes à suivre à cet égard, il est plus raisonnable de conclure que cette clause devrait être interprétée comme si elle signifiait « un changement d’un quart à un autre » plutôt que comme si elle voulait dire « un changement d’un quart aux heures souhaitées par l’employeur ». Aux termes de la convention collective, le mot « quart » est utilisé comme un terme technique et je conclus qu’un « quart » n’est un « quart » que s’il a été créé conformément à la convention collective. Il aurait été si simple pour les parties de mentionner dans la clause 21.02(b)(iii) de la convention collective que l’employeur peut, à une reprise pendant le cycle des quarts de travail, modifier le quart d’un employé en des heures de travail qui répondent aux nécessités du service, ou une formulation similaire. Leur choix d’utiliser plutôt le terme « quart » est révélateur. En outre, je conclus que la dernière phrase de la clause 21.02(b)(ii) de la convention collective appuie mon interprétation, car elle fait référence à un « changement de quart », laquelle expression ne peut être interprétée comme un synonyme de « changement d’heures ».

[55]  Je juge que compte tenu du libellé de la convention collective, l’employeur peut apporter un changement à l’horaire de travail par quart d’un employé, mais que ce changement doit correspondre aux quarts établis qui sont à sa disposition. Les dispositions de la convention collective mentionnent clairement le changement d’un « quart » d’un employé et je conclus qu’il est implicite dans la disposition qu’il doit s’agir du changement d’un quart à un autre. Par exemple, la clause 21.02(b)(ii) de la convention collective prévoit, d’une part, que dans le cas d’un employé affecté à du travail par quart comme les fonctionnaires, l’employeur prend toutes les mesures raisonnables possibles pour veiller à ce qu’un employé affecté à un « cycle de quarts régulier » ne « doive pas changer de quart plus d’une fois au cours de ce cycle de quarts sans son consentement, sauf en situation d’urgence survenant dans un pénitencier » et, d’autre part, qu’un « changement de quart suivi d’un retour au quart d’origine ne constitue qu’un seul changement ».

[56]  Je conclus que le libellé clair de la convention collective envisage un changement à un quart établi et que la convention collective prévoit clairement que de tels quarts peuvent seulement être établis dans le cadre du processus décrit à l’article 21 et à l’Appendice « K » de la convention collective.

[57]  M. Page a déclaré que, par le passé, les parties avaient conclu une entente pour tenir des séances de formation. Cependant, il a également déclaré que toute entente conclue par le passé n’était plus en vigueur. Je conclus par conséquent que son témoignage sur cette affaire ne m’aide pas à tirer une conclusion.

[58]  Dans Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN, au paragraphe 18, l’arbitre de grief a affirmé ce qui suit :

[18] Lorsque les parties ont convenu d’inclure l’Appendice « K » dans la convention collective, elles ont alors convenu d’établir conjointement les horaires. Si l’une des parties, en l’occurrence, l’employeur, n’est pas d’accord avec l’autre, elle ne peut pas imposer de façon unilatérale sa volonté sur l’autre partie. Si l’employeur estimait que l’horaire ne respectait pas les principes d’établissement efficace des horaires énoncés à l’Appendice « K » de la convention collective, il aurait pu présenter un grief de principe contre le syndicat. Il n’avait cependant pas le droit de se faire lui-même justice

 

[59]  Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[60]  Les griefs sont accueillis.

[61]  L’employeur a enfreint l’Appendice « K » de la convention collective

[62]  J’ordonne le paiement d’heures supplémentaires pour les heures travaillées par les fonctionnaires les 17 et 18 novembre 2009, qui ne comptaient pas parmi leurs heures de travail inscrites à l’horaire. Dans le cas de Bylow père, ces heures sont de 19 h 45 à 23 h; dans le cas de Bylow fils, les heures sont de 11 h à 18 h 30.

Le 19 août 2014.

Traduction de la CRTFP

Michael F. McNamara,

arbitre de grief

 

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