Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son licenciement, et son agent négociateur a renvoyé son grief à l’arbitrage - l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence de l’arbitre de grief de la Commission pour entendre et juger le grief, puisque la révocation de la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé a été ordonnée par la Commission de la fonction publique et n’était pas le résultat de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général, elle n’était pas une mesure disciplinaire et ne remplissait pas les critères prévus à l’article209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>) - l’employeur a affirmé que le recours du fonctionnaire s’estimant lésé était à la Cour fédérale, que le fonctionnaire s’estimant lésé a exercé ce recours et n’a pas eu gain de cause - l’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé a retiré son soutien au grief - le fonctionnaire s’estimant lésé a omis de répondre à la demande de la Commission de répondre à l’objection préliminaire de l’employeur et il a omis de se présenter au jour prévu pour l’audience de son grief - la conjointe du fonctionnaire s’estimant lésé a communiqué avec la Commission ce soir-là pour l’informer que le fonctionnaire s’estimant lésé était hospitalisé - le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite fourni plus de renseignements sur son hospitalisation et la Commission a par la suite demandé une téléconférence pour présenter les arguments sur la question de compétence puisque l’affaire serait jugée en fonction des arguments écrits, qu’il a fournis - l’arbitre de grief a décidé que le licenciement n’était pas le résultat de mesures prises par l’employeur du fonctionnaire s’estimant lésé et que sa nature était identique à celle d’une décision antérieure de la Commission dans Krahn c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement) et Commission de la fonction publique), 2012 CRTFP 7, qu’il n’était pas visé par l’article209 de la Loi puisque la mesure visée par la plainte n’était ni disciplinaire, ni en violation de la convention collective, et qu’elle a été appliquée en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et non de la Loi sur la gestion des finances publiques. Objection accueillie; dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-10-29
  • Dossier:  566-02-8792
  • Référence:  2014 CRTFP 93

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARC ST-AMOUR

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

employeur

Répertorié
St-Amour c. Agence des services frontaliers du Canada


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
David Olsen, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui même
Pour l'employeur:
Richard E. Fader, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario) le 6 mai 2014. Conférence téléphonique tenue le 19 août 2014. (Traduction de la CRTEFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage  

A. Contexte

1 Le 27 février 2013, Marc St-Amour (le « fonctionnaire s’estimant lésé », ci-après le « fonctionnaire ») a contesté la décision de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur ») de mettre fin à son emploi, ainsi que le contenu de la lettre de licenciement datée du 4 février 2013. Il a allégué que la décision de le licencier et le contenu de la lettre de licenciement étaient contraires à la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) et aux lois applicables.

2 À titre de mesure corrective, il a demandé à réintégrer son poste d’analyste technique principal, classifié CS-02, à l’Agence des services frontaliers du Canada. Il a également demandé le retrait de son dossier et la destruction de la lettre de licenciement datée du 4 février 2013 et de tout autre document connexe; le remboursement de toute rémunération, avantages sociaux et pensions perdus en raison de son licenciement; toute autre mesure jugée nécessaire pour remédier à la situation; à être indemnisée intégralement. Le 28 février 2013, l’agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC »), a approuvé et signé une entente pour représenter le fonctionnaire.

3 Le 14 août 2013, l’Agence des services frontaliers du Canada a notamment répondu ce qui suit au palier final de la procédure de griefs :

[Traduction]

Je comprends que la Commission de la fonction publique (PSC) a conclu que vous avez commis une fraude en vertu de l’article 69 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) dans le processus de nomination 08-BSF-IA-HQ-IST-CS-8152 lorsque vous avez présenté votre curriculum vitæ dans lequel vous indiquez avoir obtenu un diplôme général, secondaire V, alors que ce n’était pas le cas.

Je comprends également que la CFP a ordonné que votre nomination faite à la suite du processus de nomination mentionné ci-dessus soit révoquée. Conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, votre recours relatif à la décision de la CFP doit se faire devant la Cour fédérale du Canada.

Rien dans la preuve ne prévoit que la révocation de votre nomination était un licenciement contraire à la convention collective de groupe Systèmes d’ordinateurs (CS).  

Par conséquent, votre grief est rejeté et la mesure corrective que vous demandez ne sera pas appliquée.

4 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 18 juillet 2013 par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) portant sur la rétrogradation ou le licenciement d’un employé de l’administration publique centrale conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) pour rendement insuffisant ou en vertu de l’alinéa 12(1)e) de cette même loi pour une raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

5 Le 26 mars 2014, l’Agence des services frontaliers du Canada a écrit à la Commission pour soulever une objection préliminaire, faisant valoir qu’un arbitre de grief nommé pour entendre un grief en vertu de l’article 209 de la LRTFP n’a pas compétence sur ces questions pour les raisons énumérées dans la présentation. La lettre indiquait notamment ce qui suit :

[Traduction]

En 2011, la Commission de la fonction publique (CFP) a mené une enquête en vertu de l’article 69 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) et a conclu que M. St-Amour avait commis une fraude dans le processus de nomination. L’article 69 de la LEFP accorde à la CFP le pouvoir de mener une enquête si elle a des motifs de croire qu’il y a eu fraude dans un processus de nomination et de prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées. Le paragraphe 15(1) de la LEFP prévoit que ce pouvoir de mener des enquêtes et d’imposer des mesures correctives ne peut être délégué à l’administrateur général d’un autre ministère.

La CFP a exercé son pouvoir législatif de rendre la décision de révoquer la nomination de M. St-Amour. L’Agence des services frontaliers du Canada s’est vu ordonner de mettre en œuvre la décision. L’administrateur général a appliqué l’ordonnance de révoquer la nomination de M. St-Amour conformément à l’ordre de la CFP. Ce licenciement n’était pas une mesure disciplinaire.

Comme la révocation de la nomination de M. St-Amour a été ordonnée par la CFP, elle ne découlait pas du pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général (voir Krahn c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2012 CRTFP 7. Par conséquent, l’employeur soutient respectueusement que la CRTFP n’a pas compétence pour entendre ce grief.

6 L’employeur a soutenu qu’en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, le recours de M. St-Amour à l’égard de cette décision devait se faire devant la Cour fédérale du Canada, recours qu’il a en fait exercé. L’employeur a ajouté que selon la clause 33.08(a) de la convention collective du groupe CS, un fonctionnaire a le droit de présenter un grief sauf lorsqu’il y a une autre procédure administrative, ce qui serait le cas en l’espèce. Enfin, il a soutenu que le grief ne respectait aucun des critères énumérés à l’article 209 de la LRTFP.

7 L’employeur a déclaré que cette affaire avait été présentée devant la Cour fédérale, par M. St-Amour, le 23 septembre 2013 (numéro de dossier T-188-13), et qu’elle avait été rejetée le 30 janvier 2014 (2014 FC 103).

8 Le 28 mars 2014, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada a écrit à la Commission pour l’aviser qu’il ne représenterait plus M. St-Amour dans le cadre du renvoi à l’arbitrage. L’IPFPC a également indiqué que le dossier devrait demeurer ouvert, puisque M. St-Amour pouvait décider de se représenter lui-même ou de trouver un autre représentant. L’IPFPC a informé la Commission d’envoyer toute correspondance future directement à M. St-Amour.

9 Le 31 mars 2014, la Commission a écrit à M. St-Amour pour lui dire qu’elle avait été avisée que l’IPFPC ne le représentait plus dans son renvoi à l’arbitrage. Elle lui a demandé de lui confirmer au plus tard le 14 avril 2014 s’il donnait suite à son renvoi à l’arbitrage.

10 Il a été avisé que, s’il souhaitait aller plus loin, et qu’une autre personne que lui-même le représentait, il devait donner à la Commission le nom, l’adresse, l’adresse électronique et les numéros de téléphone et de télécopieur de la personne pour que tous les documents pertinents puissent être transmis de manière appropriée. Il a aussi été avisé que l’employeur avait soulevé une objection quant à la compétence de l’arbitre de grief et que la réponse de l’IPFPC à cette objection était due au plus tard le 11 avril 2014. La Commission lui a demandé de l’informer s’il avait l’intention d’aller de l’avant avec la procédure et de donner sa position quant à l’objection de l’employeur au plus tard le 14 avril 2014.

11 Le 8 avril 2014, un avis d’audience a été livré par poste prioritaire et remis en main propre à M. St-Amour et à l’Agence des services frontaliers du Canada pour indiquer que l’audience était prévue du 6 au 8 mai 2014. L’adresse ainsi que l’heure du début de l’audience étaient indiquées dans l’avis. Il était également précisé que, si les parties n’assistaient pas à l’audience ou à toute continuation de cette dernière, la Commission pourrait régler la question selon la preuve et les représentations faites à l’audience, sans autre avis. La Commission a reçu confirmation d’une livraison personnelle de la lettre du 31 mars 2014 à M. St-Amour, le 2 avril 2014, de la Société canadienne des postes.

12 Le 15 avril 2014, l’avocat de l’employeur a écrit à la Commission et à M. St-Amour pour les informer que la Commission avait donné au fonctionnaire jusqu’au 14 avril 2014 pour lui répondre au sujet de la question de la compétence. L’employeur a encore une fois adopté la position qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le présent grief. L’employeur a fait valoir que, puisque le fonctionnaire n’a pas communiqué avec la Commission, l’affaire devrait être rejetée immédiatement sans qu’il soit nécessaire que des arguments soient présentés ou qu’une audience soit tenue sur la question.

13 Le 17 avril 2014, la Commission a envoyé un courriel à M. St-Amour et à l’avocat de l’employeur leur indiquant que la réponse du fonctionnaire à la lettre de la Commission du 31 mars 2014 était due au plus tard le 14 avril 2014 et que les registres de Postes Canada confirmaient que M. St-Amour avait signé une confirmation de réception de la lettre du 31 mars 2014 ainsi que l’avis d’audience daté du 8 avril 2014; cependant, la Commission n’a reçu aucune réponse de sa part.

14 La Commission a également avisé les parties que l’audience prévue du 6 au 8 mai 2014 se déroulerait comme prévu. La Commission a rappelé au fonctionnaire que s’il omettait d’assister à l’audience, elle pourrait régler la question en se basant sur la preuve et les représentations faites à l’audience, sans autre avis.

15 La Commission n’avait reçu aucune réponse ou lettre du fonctionnaire à la date limite.

16 Le 6 mai 2014, l’audience du grief de M. St-Amour a commencé à 9 h 30. Les représentants de l’employeur et son avocat étaient présents, tout comme l’arbitre de grief saisi de l’affaire. Ni M. St-Amour ni un représentant n’ont assisté à l’audience. La Commission a commencé la procédure. L’avocat de l’employeur a fait valoir qu’en raison de l’absence du fonctionnaire et de l’objection à la compétence, la Commission devrait rejeter le grief. La Commission a suspendu son audience après avoir attendu environ 30 minutes.

17 Le 6 mai 2014 à 21 h, la Commission a reçu un courriel de Natacha Morin au nom de M. St-Amour qui indiquait ce qui suit : [traduction] « Je réponds au présent courriel au nom de mon mari. Marc St-Amour ne peut se présenter en cour puisqu’il est actuellement hospitalisé ».

18 Le 9 mai 2014, la Commission a envoyé un courriel à M. St-Amour, exigeant qu’il fournisse plus de renseignements au sujet de son omission à assister à l’audience du 6 mai 2014 ou qu’il demande un ajournement. La Commission a également demandé au fonctionnaire d’indiquer quelles étaient ses intentions en ce qui concerne la présente affaire. Elle a ajouté que s’il avait l’intention d’aller de l’avant avec les procédures, il devait fournir un certificat médical de l’hôpital confirmant la date à laquelle il a été admis et attestant le fait qu’il ne pouvait assister à l’audience du 6 mai 2014. Le fonctionnaire a été avisé que l’omission de produire les renseignements mentionnés ci-dessus au plus tard le 16 mai 2014 entraînerait la fermeture du dossier.

19 Le 12 mai 2014, le fonctionnaire a informé la Commission qu’une demande avait été présentée au Centre de réadaptation en dépendance de l’Outaouais. Il a dit : [traduction] « […] j’attends une réponse, je vous ferai parvenir la lettre par courriel dès que je la recevrai ». Le 15 mai 2014, le fonctionnaire a écrit à la Commission qu’il attendait toujours la lettre, qu’il avait présenté une nouvelle demande et qu’il demandait un ajournement.

20 Le 20 mai 2014, toujours par courriel, la Commission a avisé le fonctionnaire que la date limite pour répondre aux directives émises par la Commission avait été prolongée au 30 mai 2014 au plus tard. Le 23 mai 2014, la Commission a reçu une note du fonctionnaire, auquel était jointe une note du Centre de réadaptation en dépendance de l’Outaouais, confirmant que M. St-Amour était traité à l’interne du 5 au 9 mai 2014.

21 Le 23 mai 2014, la Commission a écrit au fonctionnaire pour lui demander de répondre à la question de savoir s’il avait l’intention de donner suite à l’audience et, dans l’affirmative, de répondre aux questions soulevées dans la lettre du 9 mai 2014.

22 Le 26 mai 2014, le fonctionnaire a répondu ce qui suit : [traduction] « La présente a pour but de démontrer que l’ASFC savait que je n’avais pas de diplôme et qu’elle m’a embauché selon mon expérience ». Sur réception de ce courriel, la Commission a encore une fois écrit au fonctionnaire, le 3 juin 2014, pour lui demander de répondre intégralement à sa lettre du 9 mai 2014, et ce, au plus tard le 5 juin 2014.

23 Le fonctionnaire a écrit à la Commission le même jour pour répondre ce qui suit : [traduction] « La présente a pour but de démontrer que l’ASFC m’a embauché en fonction de mes qualifications et non de mes études ».

24 Le 10 juin 2014, la Commission a demandé la position de l’employeur.

25 Le 16 juin 2014, l’employeur a adopté la position selon laquelle le fonctionnaire n’avait pas répondu à la demande raisonnable de renseignements et qu’il n’y avait aucune raison pour excuser son omission à assister à l’audience. Il a fait valoir que l’affaire devrait être rejetée immédiatement.

26 Le 7 juillet 2014, la Commission a avisé les parties qu’une conférence téléphonique aurait lieu au cours de laquelle l’arbitre de grief aborderait la question de l’absence du fonctionnaire à l’audience et confirmerait s’il a l’intention d’aller plus loin avec l’affaire.

27 Selon la disponibilité du fonctionnaire et de l’avocat de l’employeur, une conférence téléphonique a été prévue le mardi 5 août 2014, à 11 h, et a plus tard été changée pour le mardi 19 août 2014, à 11 h.

28 La Commission a commencé la conférence téléphonique le 19 août 2014. Les participants étaient M. St-Amour, le fonctionnaire, et l’avocat de l’employeur.

29 Le fonctionnaire a expliqué qu’il souffrait d’une maladie et qu’il suivait un traitement à l’interne au Centre de réadaptation en dépendance de l’Outaouais du 5 au 9 mai 2014 et qu’il n’a pu assister à l’audience.

30 La Commission a demandé au fonctionnaire de répondre à l’objection de l’employeur selon laquelle la Commission n’avait pas compétence pour entendre son grief.

31 Le fonctionnaire a déclaré que son employeur savait depuis le début qu’il n’avait pas de diplôme d’études secondaires et qu’il avait modifié sa lettre d’offre pour en tenir compte. En raison de ses faibles aptitudes à écrire et à lire, il n’a pas préparé son propre curriculum vitae. Il a dit que, même si son curriculum vitae faisait mention d’un diplôme d’études secondaires ou d’un diplôme d’études postsecondaires, l’employeur avait été avisé qu’il n’avait pas de diplôme d’études secondaires. Il a expliqué que l’employeur savait qu’il n’avait pas de diplôme d’études secondaires et qu’il l’avait dit à l’enquêteur de la Commission de la fonction publique.

32 Après la conférence électronique, le 16 octobre 2014, la Commission a avisé les parties que j’avais décidé d’exercer mes pouvoirs d’entendre la question de la compétence sur le fond au moyen d’arguments écrits, tel qu’il est prévu par la Loi. Comme l’employeur avait déjà déposé des arguments écrits sur la question, dont une copie avait été fournie au fonctionnaire, la Commission a décidé que ce dernier devait fournir ses arguments écrits en réponse à la question de la compétence au plus tard le 23 octobre 2014 et que l’employeur devait fournir ses observations écrites en réfutation au plus tard le 30 octobre 2014.

II. Arguments écrits

A. Arguments de l’employeur sur la compétence

33 L’employeur a fait valoir qu’il s’agit d’une affaire évidente et que l’arbitre de grief n’a pas compétence. La décision de mettre fin à l’emploi n’était pas celle de l’employeur et, en conséquence, l’employeur n’a pas pris la décision de présenter un grief en vertu de l’article 208 de la Loi ou de renvoyer un grief à l’arbitrage en vertu de l’article 209.

34 Le recours du fonctionnaire pour contester la décision de la Commission de la fonction publique devait se faire devant la Cour fédérale. Une demande de révision a été déposée devant la Cour fédérale, qui l’a finalement rejetée. Si le fonctionnaire n’était pas satisfait de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale, son recours aurait dû être présenté devant la Cour d’appel fédérale. Le fonctionnaire était représenté par un avocat chevronné de l’IPFPC tout au long de la procédure devant la Cour fédérale. Cette affaire est semblable à Krahn c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement) et Commission de la fonction publique, 2012 CRTFP 7, où l’employeur, suivant les ordres de la Commission de la fonction publique, a placé le fonctionnaire malgré lui en congé sans solde à cause de ses activités politiques. La Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre et trancher son grief dans ces circonstances.

B. Argumentation du fonctionnaire

35 Le 20 octobre 2014, le fonctionnaire a écrit ce qui suit à la Commission :

[Traduction]

Faisant suite à votre lettre du 16 octobre 2014, je souhaite faire la déclaration suivante au moyen d’un argument, puisque je n’étais pas disponible pour assister à l’audience prévue du 6 au 8 mai 2014, et ce, pour des raisons médicales.

M. Greg Cameron m’a demandé par téléphone, avant que l’offre du poste CS-02 soit préparée et publiée, de lui fournir une copie de mon diplôme d’études secondaires. Je l’ai alors informé que je n’en avais pas, puisque je n’avais pas terminé un programme d’études secondaires.

Greg Cameron a transmis ces renseignements au personnel des ressources humaines, qui a vérifié si une solution de rechange (une combinaison d’études, de formation ou d’expérience) était mentionnée dans l’affiche annonçant le poste CS-02 (08-BSF-IA-HQ-IST-8152) et, comme cela a été confirmé par le personnel des ressources humaines à M. Cameron, l’offre d’un poste de groupe et de niveau CS-02 a par la suite été préparée, faite et acceptée par moi.

Cette nomination était fondée sur la solution de rechange annoncée, elle était donc légale, peu importe l’erreur où j’affirmais le contraire dans mon CV.

Merci de m’offrir la possibilité de présenter ce texte.

C. Réplique de l’employeur

36 Le 21 octobre, l’avocat de l’employeur a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Je fais suite à la directive de la Commission du 16 octobre 2014 et réponds à l’argument du fonctionnaire du 20 octobre 2014. Veuillez accepter ce qui suit comme la réponse de l’employeur dans l’affaire mentionnée ci-dessus.

Dans la lettre […] en date du 16 octobre 2014, le fonctionnaire devait fournir sa réponse à l’objection quant à la compétence soulevée dans la lettre du 26 mars 2014 de l’employeur. Cependant, le fonctionnaire a simplement répété pourquoi la décision de la Commission de la fonction publique (« CFP ») est erronée à son avis. Comme cela a été indiqué lors de la conférence téléphonique du 19 août 2014, cette question a été renvoyée à la Cour fédérale dans le cadre d’un contrôle judiciaire et la requête a été rejetée. Le fonctionnaire n’a pas interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale. En conséquence, nous soumettons respectueusement que la décision de la CFP ne relève pas de la compétence d’un arbitre de grief, conformément à l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La CFP a ordonné à l’employeur de mettre en œuvre sa décision et de révoquer la nomination du fonctionnaire. Rien dans ces faits ne donnerait compétence en vertu de l’article 209.

III. Motifs

37 La décision de la Section de première instance de la Cour fédérale établit les faits pertinents qui ne sont pas contestés.

38 Le fonctionnaire s’est joint à la fonction publique fédérale en 1997, dans un poste classifié dans le groupe Systèmes d’ordinateurs, en tant que CS-01. Le 25 juin 2008, il a participé à un processus de nomination interne afin de créer un répertoire des candidats qualifiés, au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada, pour doter des postes d’analystes techniques principaux classifiés au groupe et au niveau CS-02. Sa candidature a été retenue et il a été nommé le 1er octobre 2008.

39 Dans une lettre datée du 17 janvier 2012, la Commission de la fonction publique a informé le fonctionnaire qu’une enquête serait menée pour examiner la possibilité qu’il ait commis une fraude dans le processus de nomination interne qui a mené à sa nomination au poste en 2008.

40 Dans un rapport d’enquête en date du 16 mai 2012, la Commission de la fonction publique a conclu que le fonctionnaire avait, en vertu de l’article 69 de la LEFP, commis une fraude en fournissant de faux renseignements au sujet de son niveau d’études afin de respecter les critères d’études pour le poste de 2008.

41 Le 1er août 2012, la Commission de la fonction publique a informé le fonctionnaire des résultats de l’enquête et de la mesure corrective proposée, qui comprenait la révocation de sa nomination en tant qu’analyste technique principal. Le fonctionnaire a eu la possibilité de présenter des arguments en réponse au rapport et aux mesures correctives proposées.

42 Le 23 août 2012, l’agent des relations de travail du fonctionnaire a répondu au rapport d’enquête et à la mesure corrective proposée, affirmant que la révocation de sa nomination était disproportionnée et inutile.

43 Le 21 décembre 2012, la Commission de la fonction publique a informé le fonctionnaire de sa mesure corrective proposée et lui a donné la possibilité d’y répondre par écrit. Le fonctionnaire a refusé de formuler des commentaires.

44 Enfin, le 22 janvier 2013, la Commission de la fonction publique, en vertu de l’article 69 de la LEFP, a informé le fonctionnaire que sa nomination était révoquée et elle a enjoint l’Agence des services frontaliers du Canada de terminer les documents requis pour mettre en œuvre la révocation et de lui confirmer qu’elle l’avait fait dans un délai de 60 jours suivants la signature du rapport de décision. La Commission de la fonction publique a également déclaré qu’après la révocation de sa nomination, M. St-Amour ne serait plus un employé de la fonction publique fédérale.

45 M. St-Amour a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de la fonction publique en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Comme il est indiqué ci-dessus, la Cour a rejeté la requête en contrôle judiciaire le 30 janvier 2014.

46 L’article 209 de la LRTFP donne à la Commission le pouvoir d’instruire des renvois précis à l’arbitrage. Cet article prévoit ce qui suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

47 L’article 211 de la LRTFP prévoit une exception à la compétence de la Commission pour entendre et trancher les renvois à l’arbitrage, comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

[…]

48 L’article 69 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique prévoit ce qui suit :

69. La Commission peut mener une enquête si elle a des motifs de croire qu’il pourrait y avoir eu fraude dans le processus de nomination; si elle est convaincue de l’existence de la fraude, elle peut :

a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas;

b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées.

49 Il ressort clairement des faits que la Commission de la fonction publique a exercé son pouvoir législatif prévu à l’article 69 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) en rendant sa décision de révoquer la nomination de M. St-Amour, ce qui a entraîné son licenciement de la fonction publique. L’Agence des services frontaliers du Canada a eu l’ordre de mettre en œuvre la décision. L’administrateur général a appliqué l’ordonnance de révoquer la nomination de M. St-Amour. Il est évident en l’espèce que le licenciement ne découlait pas d’une mesure prise par l’employeur du fonctionnaire.

50 Selon moi, l’affaire dont je suis saisie est identique sur le fond à la décision de la Commission dans Krahn. Comme dans Krahn, le présent grief ne relève pas de l’article 209 de la Loi, puisque l’acte contesté n’était pas une mesure disciplinaire ni une violation de la convention collective. Pour être une mesure disciplinaire, l’acte doit être accompli par l’employeur du fonctionnaire, soit l’ASFC, et non la CFP. Le grief, tel qu’il a été écrit et présenté, ne soulève aucune question d’interprétation de la convention collective qui permettrait de mettre en cause le licenciement. Enfin, ce licenciement a été effectué en vertu de la LEFP et non de la LGFP.

51 Étant donné que le licenciement du fonctionnaire a été effectué en vertu de la LEFP, l’article 211 de la LRTFP s’applique au présent grief et je n’ai donc pas compétence pour l’instruire.

52 Comme l’employeur l’a fait valoir, le recours du fonctionnaire devait être présenté devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, une conclusion qui est mise en évidence par les arguments du fonctionnaire sur la compétence. Ces arguments reposaient sur des faits et alléguaient que le fonctionnaire n’avait commis aucune fraude, puisque l’employeur avait toujours été au courant du fait qu’il n’avait pas de diplôme d’études secondaires. Conformément à l’article 69 de la LEFP, la CFP avait compétence pour trancher cette question et, dès qu’elle a rendu sa décision, le seul recours du fonctionnaire était devant les Cours fédérales et non cette Commission.

53 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

54 L’objection quant à la compétence est accueillie. J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 29 octobre 2014.

Traduction de la CRTEFP.

David Olsen,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.