Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté ce qu’il a qualifié de congédiement abusif - l’employeur avait refusé de lui permettre de revenir au travail après une période de congé de maladie - l’employeur a soulevé une objection préliminaire à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre et de trancher le grief au motif que le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait l’objet d’une mesure administrative plutôt que disciplinaire - il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé de prouver qu’un licenciement avait eu lieu - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé la permission d’enregistrer les procédures, mais se l’est vu refuser - l’employeur s’est inquiété du comportement du fonctionnaire s’estimant lésé au travail et il a fourni la preuve d’une hostilité, d’une colère, d’une agressivité et d’une confrontation en apparence non provoquées - à plusieurs occasions, l’employeur a avisé le fonctionnaire s’estimant lésé qu’il devait se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail (EAT) menée par Santé Canada avant de pouvoir revenir au travail - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas subi l’EAT - la demande de l’employeur était motivée par des préoccupations légitimes en ce qui concerne la santé du fonctionnaire s’estimant lésé et la sécurité du lieu de travail - le fait que l’employeur avait envoyé un relevé d’emploi au fonctionnaire s’estimant lésé pour lui indiquer qu’il avait quitté le lieu de travail en raison d’une maladie ou d’une blessure ne constituait pas une preuve qu’il avait fait l’objet d’un licenciement puisque le document devait être envoyé selon la loi lorsque l’employeur a cessé de payer le fonctionnaire s’estimant lésé puisque ce dernier avait épuisé ses crédits de congé de maladie - l’employeur avait correspondu avec le fonctionnaire s’estimant lésé après le dépôt de son grief pour indiquer qu’il attendait les résultat de l’EAT, ce qui contredisait son allégation selon laquelle il avait fait l’objet d’un licenciement - il n’y avait aucune intention disciplinaire de la part de l’employeur, et les actions de ce dernier n’étaient pas un prétexte - l’arbitre de grief n’avait pas la compétence. Objection accueillie, dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-08-22
  • Dossier:  566-02-7727
  • Référence:  2014 CRTFP 79

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PIUS GREGORY BURKE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Michael F. McNamara, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même
Pour le défendeur :
Allison Sephton, avocate
Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse), du 9 au 12 juillet et du 3 au 5 décembre 2013. (Traduction de la CRFTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Pius Gregory Burke, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté un grief concernant le congédiement abusif dont il affirme avoir fait l’objet. Il s’estime apte à travailler et conteste le fait que le Conseil du Trésor (l’« employeur ») refuse de le laisser reprendre le travail. Il a demandé une indemnité pour perte de revenu et atteinte à son intégrité et à sa réputation. Il a demandé de récupérer sa carte de sécurité et retourner à son emploi.

2 Au début de l’audience, le fonctionnaire a demandé la permission d’enregistrer la procédure, car cela l’aiderait à se représenter. Après une discussion où il a été question d’une demande semblable qu’il avait présentée lors d’un autre arbitrage, j’ai rejeté la demande. Dans 2012 CRTFP 119, l’arbitre de grief s’était prononcé sur la question au paragraphe 8 :

[8] J’ai rejeté les objections de M. Burke. J’ai indiqué que, conformément à la règle, les audiences sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne sont pas enregistrées, sauf dans des circonstances exceptionnelles, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire en instance. Le fait qu’une audience ne soit pas enregistrée ne contrevient pas aux règles de justice naturelle : voir Turner c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2004 CF 1558 et Nash c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CF 1389 […]

3 À ce moment-là, l’avocate de l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à ma compétence pour instruire cette affaire. Elle a soutenu que le fonctionnaire n’avait pas été congédié, mais qu’il était en congé de maladie non rémunéré, une simple mesure administrative qui n’est pas visée par l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2, la « Loi »).

4 Le fonctionnaire a répondu qu’il avait fait l’objet d’un congédiement abusif et a fait référence à une lettre de l’employeur datée du 5 avril 2013 dans laquelle ce dernier lui demandait de se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail (EAT). Il a précisé qu’il était indiqué dans la lettre qu’il n’était pas autorisé à se présenter au travail.

5 Le fonctionnaire a aussi présenté des documents provenant de son médecin et indiquant qu’il était d’emblée disponible pour travailler et apte à exercer toutes ses fonctions.

6 Étant donné que l’employeur a réitéré son refus de le laisser reprendre le travail et lui a envoyé un certificat de cessation d’emploi, le fonctionnaire en a conclu qu’il était congédié.

7 J’ai dit aux parties que je réserverais mon jugement quant à la question de la compétence et que je passerais au résumé de la preuve.

II. Résumé de la preuve

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

8 Le fonctionnaire travaille pour le ministère de la Défense nationale (MDN) en tant que charpentier de marine de classification SR-WOW-08 à l’Installation de maintenance de la Flotte (IMF) Cape Scott à Halifax (Nouvelle-Écosse).

9      Au début de l’audience, le fonctionnaire a présenté trois recueils de documents, auxquels il a indiqué vouloir faire référence tout au long de son témoignage.

10 Le témoignage du fonctionnaire portait sur les mesures prises par l’employeur pour l’empêcher de reprendre son poste, ainsi que sur sa preuve qu’il était apte à retourner travailler, certificat médical à l’appui.

11 Le fonctionnaire a d’abord expliqué que l’employeur avait produit un relevé d’emploi, sans qu’il en fasse la demande, et que ce relevé était inexact. En discutant avec une personne de son bureau de paye, il s’est fait dire qu’un employeur devait produire un relevé d’emploi quand il y avait interruption de la rémunération, ce qui, en l’occurrence, s’était produit lorsque le fonctionnaire avait épuisé ses crédits de congé. Le fonctionnaire voulait contester le code « maladie ou blessure » utilisé sur le relevé d’emploi comme raison de l’interruption de la rémunération. Bien qu’il ait quitté les lieux de travail le 11 mai 2011 parce qu’il ne se sentait pas bien, son état de santé s’était maintenant rétabli et, s’il n’était pas au travail, ce n’était pas à cause d’une « maladie ou blessure ». Le Bureau de l’assurance-emploi lui a dit qu’il pouvait demander une enquête sur les motifs de la production du relevé d’emploi seulement s’il soumettait une demande de prestations d’assurance-emploi. C’est donc ce qu’il a fait. Au terme de l’enquête, Service Canada a établi qu’il avait perdu son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté (pièce 6). Il en a conclu qu’il s’agissait d’un congédiement abusif.

12 Le fonctionnaire a ajouté qu’il avait continué de recevoir des lettres de l’employeur au sujet de l’EAT. Il convient de reproduire ici une de ces lettres (pièce 1), dans laquelle l’employeur demande à un médecin militaire une EAT pour le fonctionnaire et résume les démarches qu’il a entreprises à cet égard.

[Traduction]

5 avril 2013
Médecin militaire, Services cliniques
Agence d’hygiène et de sécurité au travail
Centre maritime, bureau 1817

1505, rue Barrington
Halifax (Nouvelle-Écosse)  B3J 3Y6

OBJET : DEMANDE D’ÉVALUATION DE L’APTITUDE AU TRAVAIL

Bonjour,

J’écris au sujet d’un employé, M. Greg Pius Burke, qui travaille depuis mai 2007 pour le ministère de la Défense nationale, à l’Installation de maintenance de la Flotte Cape Scott, en tant que charpentier de marine.

En 2009, la direction a commencé à observer chez M. Burke un comportement agressif et dangereux. M. Burke a notamment fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir eu une altercation physique avec un collègue. Par la suite, M. Burke a présenté un grief concernant la mesure disciplinaire prise par la direction; le grief a récemment été instruit par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. L’arbitre de grief a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, M. Burke avait agressé physiquement son collègue. En juin 2010, M. Burke a fait l’objet d’une suspension de cinq jours au terme d’une enquête sur des allégations selon lesquelles il aurait tenu des propos menaçants et agressifs à l’endroit d’un collègue. Le 11 mai 2011, M. Burke a de nouveau fait l’objet d’allégations d’inconduite selon lesquelles il aurait menacé un collègue à une réunion d’équipe et aurait eu un comportement intimidant. Après cet incident, M. Burke a pris un congé de maladie avec certificat médical. Le 16 mai 2011, la direction a envoyé une lettre à l’intention du médecin traitant de M. Burke pour exposer les préoccupations qu’elle nourrissait au sujet du comportement de ce dernier au travail. Cette lettre a été envoyée à M. Burke par courrier recommandé; il y était indiqué qu’il devait la remettre à son médecin traitant. La direction y expliquait les préoccupations qu’elle nourrissait au sujet du comportement de M. Burke au travail et précisait que ce dernier ne serait pas autorisé à reprendre le travail tant que la direction n’aurait pas reçu de nouvelles de son médecin. La lettre en question est jointe à la présente en tant que Document de référence A.

Le 9 juin 2011, M. Burke a appelé son gestionnaire, Charles Hawker, pour lui expliquer que son médecin considérait qu’il était apte à retourner au travail. M. Hawker a indiqué à M. Burke qu’il n’avait pas reçu de réponse à sa lettre du 16 mai 2011 et qu’il aurait besoin de plus de renseignements pour lui permettre de revenir au travail. M. Hawker a aussi suggéré à M. Burke de se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail auprès de Santé Canada, mais ce dernier jugeait que cette démarche n’était pas nécessaire. M. Hawker a consigné à son dossier qu’il avait trouvé que M. Burke avait eu une attitude agressive et inappropriée durant leur entretien téléphonique et qu’il avait notamment levé le ton pour affirmer que M. Hawker n’avait pas le droit de l’empêcher de retourner travailler. Le 13 juin 2011, une lettre a été envoyée à M. Burke, lui rappelant de demander à son médecin de répondre aux questions énoncées dans la lettre du 16 mai 2011; il lui était également suggéré de se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail auprès de Santé Canada. Le 22 juin 2011, M. Burke a été avisé par écrit qu’à compter de ce jour, il serait en congé de maladie non rémunéré.

Par la suite, la direction a appris du représentant syndical de M. Burke que celui-ci acceptait de demander à son médecin de répondre aux questions de la direction. Le 27 juillet 2011,M. Burke a téléphoné au Bureau des ressources humaines pour expliquer qu’il avait un nouveau médecin de famille, qui considérait qu’il n’avait pas besoin d’une évaluation de son aptitude au travail.

Le 28 juillet 2011, M. Burke a envoyé par télécopieur aux Ressources humaines quatre certificats médicaux. Le premier provenait d’un médecin, et les autres, de son nouveau médecin. Un des certificats indiquait que M. Burke serait absent pour cause de maladie jusqu’au 24 mai 2011. Un autre certificat précisait que M. Burke serait en congé de maladie jusqu’au 10 juin 2011, et il y était demandé que la direction fournisse à M. Burke les formulaires relatifs à une invalidité de courte durée. Le dernier certificat était daté du 22 juillet 2011; il y était écrit que M. Burke était apte à retourner au travail. Le 28 juillet 2011, le Bureau des ressources humaines a téléphoné à M. Burke pour l’aviser que la direction avait besoin des réponses aux questions énoncées dans la lettre du 16 mai 2011 pour pouvoir lui permettre de reprendre le travail.

Au cours des mois qui ont suivi, la direction a continué d’envoyer des lettres par courrier recommandé à M. Burke pour lui exposer les raisons pour lesquelles elle avait besoin de renseignements supplémentaires afin d’établir s’il était apte à reprendre le travail. Dans ces lettres était exposée la possibilité pour M. Burke de se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail auprès de Santé Canada, et les documents nécessaires à une telle procédure étaient joints. M. Burke a répondu à la direction que son médecin avait déjà déclaré qu’il était apte à retourner travailler et qu’il n’avait pas besoin d’une évaluation de son aptitude au travail. Pour s’assurer que M. Burke comprenait bien les raisons pour lesquelles la direction exigeait une évaluation de son aptitude au travail, elle lui a offert de le rencontrer en dehors du lieu de travail pour lui permettre de discuter de ses préoccupations.

La direction a demandé à rencontrer officiellement M. Burke le 5 janvier 2013 en dehors du lieu de travail. Étaient présents à la réunion moi-même, agente des relations de travail, M. Charles Hawker, M. Greg Burke et Lorne Brown, représentant syndical. Le représentant de la direction a expliqué que le but de la réunion était d’aider M. Burke à comprendre les raisons pour lesquelles il n’était pas autorisé à reprendre le travail et devait se soumettre à une évaluation de son aptitude au travail. Durant la réunion, M. Burke semblait agité et incapable de se concentrer sur le sujet en question, car il revenait sur des situations s’étant produites plusieurs années auparavant. Il était évident que M. Burke avait de la difficulté à communiquer et à organiser ses idées. Il est devenu de plus en plus agité à mesure que la réunion avançait; il se levait comme pour partir, puis se rasseyait. De plus, il voulait montrer un document au représentant de la direction, mais lorsque celui-ci a tendu la main pour le prendre, il ne voulait plus le lâcher. M. Burke a fait remarquer qu’il estimait avoir été congédié parce qu’il avait reçu un relevé d’emploi pour qu’il soumette une demande de prestations d’assurance-emploi. La direction lui a expliqué qu’il n’avait pas été congédié et que le relevé d’emploi était un document standard envoyé aux employés quand il y avait interruption de la rémunération. La direction a fourni à M. Burke un formulaire de consentement à l’intention de Santé Canada et un formulaire autorisant la consultation de son médecin. M. Burke a expliqué qu’il avait consenti à ce qu’on communique avec son médecin, mais il a quand même pris les formulaires de consentement, et c’est ce qui a mis fin à la réunion.

À la fin de janvier 2012, M. Burke a appelé le sous-ministre délégué de la Défense nationale pour l’aviser qu’il déposerait un grief au motif qu’il avait fait l’objet d’un congédiement abusif. Peu de temps après, la direction a reçu la trousse de présentation du grief de M. Burke, laquelle comprenait sur CD l’enregistrement d’une entrevue de la CBC portant sur l’intimidation et le harcèlement en milieu de travail. Depuis, le grief a gravi les différents paliers; il a été rejeté au troisième palier le 20 septembre 2012 au motif que M. Burke n’a pas été congédié du ministère de la Défense nationale, mais qu’il était en congé de maladie non rémunéré. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage; l’audience est prévue pour juillet 2013.

En janvier 2012, la direction a envoyé une lettre à M. Burke pour lui demander de remplir le formulaire de consentement autorisant la consultation de son médecin ou le formulaire de consentement à l’intention de Santé Canada. Le 10 février 2012, M. Burke a envoyé une lettre à mon attention, à laquelle était jointe une nouvelle lettre de son médecin traitant datée du 28 janvier 2012. La lettre indiquait que M. Burke n’avait aucune limitation qui l’empêchait d’exercer ses fonctions et qu’il pouvait retourner au travail à temps plein. Le 17 février 2012, j’ai téléphoné au médecin traitant de M. Burke pour vérifier si elle avait reçu la lettre du 16 mai 2011 et si elle l’avait prise en considération pour établir que M. Burke était apte à reprendre le travail. Elle a répondu qu’elle ne se souvenait pas d’avoir reçu de lettre du Ministère ni de formulaire de consentement de la part de M. Burke l’autorisant à communiquer avec le Ministère. Plus tard, elle a dit avoir reçu la lettre, mais ne pas comprendre ce que nous lui demandions et ne pas savoir ce qu’elle pouvait faire d’autre pour nous. Au cours de la conversation, elle est devenue très agitée et m’a clairement fait savoir qu’elle ne voulait pas en dire plus.

Une lettre de suivi a été envoyée à M. Burke le 27 février 2012 et le 8 juin 2012 indiquant que le certificat médical qu’il avait fourni ne confirmait pas que son médecin traitant avait tenu compte de la lettre du Ministère dans son évaluation. De plus, le médecin traitant avait confirmé que M. Burke ne lui avait pas fourni le formulaire de consentement autorisant à communiquer directement avec elle. Par conséquent, comme la direction n’avait toujours pas reçu de renseignements concluants au sujet de l’aptitude au travail de M. Burke, elle lui demandait de se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail auprès de Santé Canada.

En novembre 2012, M. Burke a écrit à la Commission canadienne des droits de la personne pour formuler des allégations de discrimination. Depuis, l’affaire de M. Burke a été soumise à la procédure interne de règlement des griefs.

En décembre 2012, une dernière lettre a été envoyée à M. Burke lui demandant de se soumettre à une évaluation de l’aptitude au travail auprès de Santé Canada. M. Burke a été informé, dans cette lettre, que s’il refusait toujours d’acquiescer à cette demande, la direction renverrait son dossier au responsable délégataire pour qu’il procède à un licenciement motivé.

En janvier 2013, la direction a reçu une réponse de la part de M. Burke dans laquelle il consentait à subir une évaluation de son aptitude au travail. Comme les formulaires de consentement étaient valides jusqu’au 28 mars 2013, j’ai appelé Santé Canada pour savoir comment procéder. On m’a informé que M. Burke avait déjà discuté avec le gestionnaire régional et qu’il avait consenti à un délai de huit mois. Ainsi, une nouvelle lettre et de nouveaux formulaires ont été envoyés à M. Burke pour qu’il les remplisse. M. Burke a répondu par écrit et a retourné les formulaires de consentement, ceux-ci valides jusqu’au 11 mai 2013. Il a également fait parvenir une copie de cet envoi à M. Donald Monty, gestionnaire régional de Santé Canada.

Il convient de préciser qu’entre juin 2009 et février 2012, un des collègues de M. Burke a déposé une plainte de violence en milieu de travail contre ce dernier. L’enquête a permis de conclure que les allégations n’étaient pas fondées, et aucune mesure n’a été prise.

M. Burke a été en congé de maladie non rémunéré durant presque deux ans. Il a affiché un comportement agressif et dangereux, et la direction n’a pas reçu de renseignements concluants de la part de son médecin traitant quant à son aptitude au travail. C’est pourquoi la direction demande une évaluation de Santé Canada. La direction veut surtout obtenir des réponses aux questions suivantes :

  • M. Burke est-il apte à retourner au travail?
  • Si M. Burke n’est pas apte à retourner au travail, quand le sera-t-il?
  • M. Burke est-il apte à exercer toutes les fonctions de son poste d’attache? Si non, M. Burke est-il apte à exécuter des fonctions connexes ou modifiées? Si certaines modifications sont requises, pendant combien de temps le seront-elles avant que M. Burke puisse reprendre toutes ses fonctions habituelles?
  • L’état de santé de M. Burke occasionne-t-il certaines limitations? Ces limitations sont-elles permanentes ou temporaires? Recommandez-vous de prendre certaines mesures d’adaptation? Ces mesures d’adaptation devraient-elles être prises de façon permanente ou temporaire?
  • Quand M. Burke sera-t-il réévalué?

Veuillez ajouter tout commentaire ou renseignement que vous jugez utile.

Pour vous aider à traiter cette demande, je joins à la présente une évaluation du degré d’effort physique et la description de travail associées au poste qu’occupe M. Burke. Je joins également les formulaires de consentement dûment signés ainsi que le formulaire 3312 rempli en bonne et due forme. Si vous avez besoin d’autres renseignements ou précisions, veuillez communiquer avec moi aux coordonnées indiquées ci-dessous.

Je vous remercie d’avance; votre aide est grandement appréciée.

[Signature]
Lindsay Gallivan
Téléphone :902-427-3010
lindsay.gallivan@forces.gc.ca
Agente des relations de travail
Ministère de la Défense nationale – CSRHC (Atlantique)
C.P. 99000, succ. Forces
Halifax (Nouvelle-Écosse) B3K 5X5

c.c.    Greg Pius Burke
10, rue Emerson, Bedford (Nouvelle-Écosse) B4A 1V7

c.c.    Charles Hawker
Gestionnaire de groupe – Support de coque
C.P. 99000, succ. Forces
Halifax (Nouvelle-Écosse) B3K 5X5

Pièces jointes :
Analyse d’emploi
Description de travail – SR WOW08
Formulaires de consentement
Formulaire 3312
Document de référence A :lettre du 16 mai 2011 au médecin traitant

13 Au cours de la même période, le fonctionnaire a aussi envoyé des lettres à l’employeur et à son agent négociateur pour expliquer qu’il ne voyait aucune raison justifiant de l’empêcher de retourner au travail. Cependant, il n’a pas suivi les directives de l’employeur au sujet de la lettre qu’il lui avait envoyée le 16 mai 2011 ni au sujet de la demande d’EAT.

14 Dans la lettre datée du 4 janvier 2012, Lorne Brown, président du Conseil de l’est des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (l’« agent négociateur »), a répondu aux lettres envoyées par le fonctionnaire au sujet de la demande de l’employeur concernant l’EAT. L’agent négociateur a indiqué qu’il conseillait au fonctionnaire de remettre la lettre du 16 mai 2011 à son médecin et de lui demander d’y répondre en précisant qu’il ou elle en avait pris connaissance. Ce conseil est toujours donné aux membres de l’agent négociateur. L’agent négociateur a aussi expliqué au fonctionnaire que l’employeur avait le droit de demander une évaluation à Santé Canada s’il l’estimait nécessaire, et lui a conseillé de recourir d’abord aux services de son médecin pour régler toute question d’ordre médical.

15 En janvier 2013, après avoir reçu la dernière lettre de l’employeur datée du 21 décembre 2012, le fonctionnaire a accepté de se soumettre à une EAT, mais a laissé peu de temps pour le faire en inscrivant une échéance serrée sur les formulaires de consentement qu’il devait signer pour permettre à l’employeur de communiquer avec son médecin et d’obtenir des renseignements sur son état de santé. Santé Canada exige normalement un avis d’un an afin d’avoir assez de temps pour effectuer l’EAT. Le fonctionnaire s’attendait à ce que le processus prenne entre une semaine et 10 jours et ne voyait pas l’intérêt de donner plus de temps.

16 En mars 2013, le fonctionnaire a de nouveau écrit à l’employeur pour donner son avis au sujet du problème d’échéance pour l’EAT et résumer une conversation qu’il avait eue avec Donald Monty, gestionnaire régional du Programme de santé au travail de la fonction publique de Santé Canada. M. Monty aurait dit au fonctionnaire que c’était bien connu qu’une EAT pouvait être faite en aussi peu que deux semaines pour ce type de demande, quand un médecin de famille en a déjà effectué une. Pour ce qui est du délai d’un an, M. Monty aurait expliqué que, dans certains cas, il fallait consulter un spécialiste, et que Santé Canada voulait éviter d’avoir à téléphoner au demandeur toutes les trois semaines pour qu’ils mettent à jour les autorisations. M. Monty a conseillé d’autoriser un délai de huit mois, ce à quoi le fonctionnaire n’a pas consenti; il a plutôt accordé un délai de deux mois, c’est-à-dire jusqu’au 11 mai 2013.

17 Finalement, le fonctionnaire n’a pas subi d’EAT, car Santé Canada a retiré son consentement.

18 Tout au long de cette période, et dans toute la correspondance et toutes les rencontres avec l’employeur et l’agent négociateur, le fonctionnaire a insisté sur le fait qu’il était apte à retourner travailler, que son médecin était d’accord et que, comme il n’avait pas l’autorisation de reprendre le travail, il faisait l’objet d’un congédiement abusif et déguisé.

B. Pour l’employeur

19 L’employeur a cité sept témoins : Charles Hawker, Michel Hache, Lindsay Gallivan, Sandra Clattenburg, Roger Foster, Fred Cox et Scott Wournell.

20 M. Hawker, gestionnaire de groupe 2, travaille pour l’IMF Cape Scott depuis le 5 août 2008. En 2011, M. Hawker était le superviseur de M. Hache. M. Hache, quant à lui, a longtemps été le superviseur direct du fonctionnaire.

21 Le 10 juin 2009, un incident opposant le fonctionnaire et un autre employé, Dave Turnbull, est survenu dans la salle de repos. À la suite de cet incident, M. Turnbull a déposé une plainte pour signifier son refus de travailler. Les deux employés ont été séparés, et une fois la poussière retombée, il n’y a pas eu d’autres incidents de ce genre.

22 Environ un an plus tard, les deux employés ont à nouveau été affectés au même projet, et M. Turnbull a déposé une plainte officielle pour signifier son refus de travailler. Une enquête officielle a été entreprise dans le but de confirmer ou d’infirmer une allégation de harcèlement formulée contre le fonctionnaire; au final, l’allégation a été jugée sans fondement.

23 Dans son témoignage, M. Hawker a parlé de la situation d’emploi actuelle du fonctionnaire. Celui-ci est en congé de maladie non rémunéré; il n’a pas été licencié et il n’est pas présent sur les lieux de travail parce qu’il a besoin d’une EAT afin que l’employeur puisse prendre les mesures nécessaires pour lui garantir, ainsi qu’aux autres employés travaillant à cet endroit, un milieu de travail sécuritaire. Le fonctionnaire n’a pas suivi les consignes de l’employeur. M. Hawker a mentionné des incidents au cours desquels le fonctionnaire a manqué de respect par ses gestes ou son comportement, de même que des préoccupations attribuables au fait qu’il a démontré de la colère à l’endroit de collègues et qu’il a posé un risque pour la sécurité en lançant des objets.

24 Dans la lettre du 16 mai 2011 qu’il a envoyée au fonctionnaire, M. Hawker a présenté la procédure suivie par l’employeur pour veiller à la sécurité des lieux de travail et permettre au fonctionnaire de recommencer à travailler. Il a également expliqué pourquoi il avait demandé que le médecin du fonctionnaire remplisse un rapport et réponde ainsi à plusieurs questions de l’employeur. M. Hawker a ensuite déclaré que des mesures d’adaptation seraient prises si cela s’avérait nécessaire, et que l’employeur ne serait pas en mesure de juger de la sécurité des lieux de travail pour le fonctionnaire ou d’autres employés si ce dernier refusait de répondre à la demande qui lui avait été faite. Tant que les choses en resteraient là, le fonctionnaire n’aurait pas accès aux lieux de travail. Dans cette lettre, M. Hawker incitait le fonctionnaire à donner une suite positive aux événements et lui offrait de le rencontrer, accompagné de son ou ses médecins et du représentant de son agent négociateur, afin de faciliter une discussion qui pourrait l’aider à retourner au travail.

25 M. Hawker a fait savoir au fonctionnaire qu’un certain nombre d’incidents l’avaient amené à croire que les lieux de travail n’étaient pas sécuritaires. Parmi ces incidents, il a mentionné l’agression d’un collègue, Vince Covey, commise par le fonctionnaire, une altercation avec un mécanicien, des renseignements obtenus d’un autre collègue, Fred Cox, à propos d’un incident impliquant un échafaudage, l’absence de remords chez le fonctionnaire et le fait qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été prise contre lui, de même que son refus de reconnaître l’agression dont M. Covey avait été victime.

26 Bien que la décision arbitrale concernant la suspension de cinq jours imposée au fonctionnaire à la suite de l’incident avec M. Covey n’eût pas encore été rendue, M. Hawker avait terminé son enquête et avait tenu compte de cette affaire dans une mesure raisonnable.

27 M. Hawker a confirmé qu’il y aurait enquête sur la conduite qu’avait eue le fonctionnaire le 11 mai 2011, lorsqu’il avait quitté les lieux de travail. L’enquête a été mise en suspens entre-temps.

28 M. Hache était le superviseur du fonctionnaire. Le 11 mai 2011, M. Hache a convoqué les membres de l’équipe de pose de panneaux insonorisants pour qu’ils discutent d’une question que le chef de cette équipe, Scott Wournell, avait portée à son attention. M. Wournell lui avait dit que l’équipe avait des problèmes et que le fonctionnaire ne communiquait pas beaucoup, voire pas du tout, avec les autres membres de l’équipe, ce qui rendait l’atmosphère tendue. Il avait affirmé qu’à son avis, la situation était sur le point d’exploser.

29 Pendant la table ronde tenue lors de la réunion du 11 mai, M. Burke est devenu agité et s’est mis à argumenter sur la question des spécifications appliquées à [traduction] « l’espacement » entre les panneaux insonorisants ainsi que sur la collecte et la consignation des données en temps opportun. Après que le groupe eut discuté un temps de la question des conflits de personnalités, M. Hache a demandé aux membres de l’équipe de mettre ces conflits de côté et de travailler ensemble. Tout le monde était prêt à le faire à l’exception du fonctionnaire, qui a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je suis payé pour travailler, alors c’est ce que je vais faire. » À la suite de cette discussion et d’un autre échange au cours duquel il a été affirmé que M. Wournell était l’expert de la maison pour la pose des panneaux, le fonctionnaire a fait valoir que, étant donné que personne à ce moment-là ne possédait un certificat en pose de panneaux, aucun d’eux n’était un expert. M. Hache a confirmé qu’aucun membre de l’équipe ne possédait de certificat à cet égard, mais il a fait remarquer que tous avaient reçu une formation, que les certificats des employés n’avaient pas été renouvelés uniquement par manque de fonds, et que le mot « expert » ne convenait peut-être pas. Le fonctionnaire est ensuite revenu sur l’utilisation du mot « expert » par M. Hache en demandant [traduction] « Lequel est-ce? », c’est-à-dire « Sommes-nous des experts ou non? ».

30 M. Hache s’est aperçu que le fonctionnaire ne semblait pas adhérer à l’intention sous-tendant la réunion ni vouloir discuter de ces questions. Le fonctionnaire avait toujours l’air agité et prêt à argumenter, et cet état n’a fait qu’empirer lorsque M. Foster a fait remarquer que M. Wournell était la personne-ressource dans l’équipe. Le fonctionnaire ne partageait pas du tout cet avis.

31 Vers la fin de la réunion, après avoir entendu le fonctionnaire prononcer quelques grossièretés, les trois autres membres de l’équipe ont affirmé qu’ils ne voulaient plus être affectés à la même équipe de travail que celui-ci.

32 M. Hache s’est aperçu que c’était la première fois qu’il était témoin de ce type de comportement de la part du fonctionnaire, bien qu’il en eût entendu parler. À la fin de la réunion, M. Hache craignait que celle­-ci ne se fût pas déroulée comme il l’avait prévu et que des préoccupations graves avaient été mises au jour. Il a donc décidé de changer d’équipe le fonctionnaire.

33 Après la réunion, le fonctionnaire était toujours agité. Lorsque M. Foster a quitté la salle de réunion, le fonctionnaire est parti lui aussi et semblait suivre M. Foster. M. Hache s’en est aperçu et s’est mis à suivre le fonctionnaire, qui a continué de suivre M. Foster jusqu’à ce que, semble-t-il, il remarque la présence de M. Hache. M. Hache s’est ensuite approché du fonctionnaire et lui a demandé s’il voulait parler à M. Hawker. Le fonctionnaire a répondu par l’affirmative avant de se diriger vers le côté nord du bâtiment. M. Hache est allé dans la même direction. Après avoir discuté d’un sujet complètement différent avec un autre superviseur, le fonctionnaire est venu voir M. Hache pour lui dire qu’il ne se sentait pas bien et qu’il rentrait chez lui parce qu’il était malade.

34 M. Hache a rencontré M. Hawker pour lui faire part de ses préoccupations. Trois membres de l’équipe de pose de panneaux insonorisants ont demandé à être transférés de manière à ne plus travailler avec le fonctionnaire. Certains membres de l’équipe ont affirmé qu’ils avaient du mal à dormir, qu’ils ne pouvaient soumettre aucune observation au fonctionnaire, que celui-ci ne communiquait pas et qu’il était très agressif, et que son imprévisibilité leur causait un stress indu.

35 Après avoir consulté Darlene Nelson, agente des relations de travail (ART), M. Hawker a rédigé la lettre du 16 mai destinée au fonctionnaire, qui portait sur une EAT.

36 Mme Gallivan est une ART qui travaille pour le MDN à Halifax. C’est l’ART qui a conseillé la direction à propos du dossier du fonctionnaire. Le dossier était géré par Charles Hart et Mme Nelson avant d’être transféré à Mme Gallivan.

37 Mme Gallivan a passé en revue le contenu de la lettre du 5 avril 2013 qu’elle avait rédigée à l’intention du médecin militaire (pièce 1), étant donné qu’il s’agissait d’une demande d’EAT visant le fonctionnaire. Elle a également fait mention d’un courriel de M. Monty, qui avait reçu sa demande d’EAT, et de la conversation subséquente que celui-ci avait eue avec le fonctionnaire. M. Monty a déclaré que le fonctionnaire s’était montré agressif au téléphone et qu’il avait tenu des propos injurieux et inappropriés. En raison de l’attitude du fonctionnaire et de son refus de suivre la procédure établie, son dossier a été classé (pièce 76).

38 Mme Clattenburg occupe un poste de coordonnatrice des services au Centre intégré de soutien du personnel du MDN. Ses tâches comprennent la communication de conseils et de renseignements à propos de la rémunération, des pensions, des avantages sociaux et des assurances.

39 Le 26 mai 2011, Mme Clattenburg a envoyé une note de service au fonctionnaire (pièce 77) au sujet de son congé de maladie non rémunéré, dans laquelle elle lui présentait des renseignements pertinents sur les possibilités qui s’offraient à lui et les responsabilités dont il devait s’acquitter. En application de la Loi sur l’assurance-emploi (L.C. 1996, ch. 23), elle lui a également indiqué qu’un relevé d’emploi serait produit.

40 Dans la note de service envoyée au fonctionnaire figuraient également une remarque comprenant des renseignements sur la date à laquelle il aurait épuisé ses crédits de congé et la date à laquelle il serait considéré comme étant en congé non rémunéré, de même que les demandes de congé remplies pour lui, qu’il se voyait prier de signer et de retourner dès que possible.

41 Un relevé d’emploi a été produit (pièce 78) lorsque le fonctionnaire a épuisé ses congés. Même s’il n’avait pas rempli les demandes de congé requises, l’employeur a continué à lui verser sa rémunération jusqu’à ce qu’il épuise ses crédits de congé. L’employeur a présumé que le fonctionnaire était en congé de maladie, et c’est ce qu’il a indiqué sur le relevé d’emploi de celui-ci.

42 M. Foster est charpentier de marine qualifié à l’IMF Cape Scott et président de la section locale 1405 de la Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique. Il travaille également comme superviseur de centre de travail à l’occasion.

43 M. Foster connaissait le fonctionnaire depuis un certain nombre d’années. Leur relation, bien que professionnelle et agréable à ses débuts, est devenue difficile un peu avant la dissolution de l’équipe de pose de panneaux, lorsque celle-ci n’était composée que de quatre membres.

44 Le fonctionnaire a été chef de cette équipe pendant une courte période, puis a été remplacé par M. Wournell. À cette époque, le fonctionnaire semblait de plus en plus distant et travaillait seul la plupart du temps.

45 Des problèmes sont survenus relativement à l’espacement entre les panneaux. L’espace laissé entre les panneaux était d’une importance capitale. Le fonctionnaire est devenu agité lorsqu’il lui a été fait remarquer que l’espace qu’il laissait entre les panneaux était trop grand. Il a pris ce commentaire comme une insulte à son travail et est devenu difficile d’approche. La possibilité d’une altercation physique a été soulevée; c’était une perspective préoccupante.

46 Selon les souvenirs de M. Foster (pièce 80), la réunion du 11 mai 2011 a débuté de la manière habituelle, mais les choses se sont détériorées quand le fonctionnaire s’est mis à poser une rafale de questions à M. Hache, sans lui laisser le temps d’y répondre complètement.

47 En outre, le fonctionnaire voulait savoir qui refusait de travailler avec lui pour des raisons de sécurité, car il ne voulait pas se voir jeter le blâme si quelqu’un se blessait. M. Hache ne trouvait pas que la réunion était le bon moment pour discuter de cette question et il a refusé de donner le nom des membres de l’équipe qui s’étaient plaints.

48 Pour tenter d’arriver à un consensus sur la dynamique souhaitée au sein de l’équipe de travail, l’employeur a demandé aux membres de l’équipe s’ils étaient prêts à faire les efforts nécessaires en ce sens. Ils ont tous répondu par l’affirmative à l’exception du fonctionnaire, qui s’est contenté de déclarer qu’il était [traduction] « là pour travailler ». Lorsque M. Hache lui a demandé si cela constituait une réponse positive, le fonctionnaire a répété qu’il était là pour travailler.

49 M. Hache a poursuivi la réunion en indiquant que M. Wournell était le chef de l’équipe et que, bien que tous les membres aient reçu la même formation et possédaient une expertise, les dernières instructions viendraient de M. Wournell étant donné son expérience et son expertise de la pose de panneaux insonorisants. Le fonctionnaire a demandé pourquoi M. Wournell aurait le dernier mot si chaque membre de l’équipe était un expert chevronné. M. Foster a répondu que M. Wournell avait de l’expérience, qu’il faisait partie du premier groupe de charpentiers de marine formés dans ce domaine, qu’il avait plus d’heures de travail à son actif, qu’il était celui qui possédait le plus d’expérience, de connaissances et de formation et que, par conséquent, il était le plus compétent de l’équipe.

50 Après deux ou trois autres contestations de ce genre, l’ambiance de la réunion a semblé devenir assez hostile. À un certain moment, un peu avant la fin de la réunion, le fonctionnaire s’est exclamé, à l’endroit de M. Foster : [traduction] « Ta gu****. Ferme ta gu****. » La réunion a pris fin peu de temps après.

51 M. Foster a déclaré que, lorsqu’il a quitté la réunion pour retourner au travail, il avait l’impression que le fonctionnaire le suivait et il s’est mis à anticiper un face à face jusqu’à ce que leurs chemins se séparent.

52 Richard S. Gaetz, charpentier de marine à l’IMF Cape Scott, a déjà travaillé avec le fonctionnaire, en général au sein d’une équipe. Il a fait observer qu’après environ un an, le fonctionnaire cherchait querelle à tout le monde, et que ce comportement a semblé empirer. Il a donné deux exemples pour illustrer son propos. Le premier incident donné en exemple est survenu lors du démantèlement de cadres d’échafaudage, alors que des tuyaux étaient descendus au sol. De l’eau provenant des tuyaux dégoulinait sur le visage du fonctionnaire. Cela n’était pas inhabituel, mais le fonctionnaire en semblait irrité et a pu penser que c’était intentionnel. M. Gaetz lui a proposé qu’ils changent de place puis, alors qu’il passait un tuyau de sept pieds au fonctionnaire, celui-ci a tiré le tuyau de manière agressive, de sorte que M. Gaetz a failli avoir la main coincée. L’incident a été signalé à M. Hache.

53 Le deuxième incident donné en exemple portait sur une nouvelle ponceuse à panneaux que devait utiliser l’équipe de pose de panneaux insonorisants. Le fonctionnaire était dans les environs pendant l’installation de la ponceuse. M. Gaetz et un autre travailleur étaient d’avis que des procédures relatives à la bonne utilisation de l’appareil devaient être établies une fois l’installation terminée et l’appareil prêt à être utilisé. Toutefois, le fonctionnaire s’est arrogé le fonctionnement de l’appareil et, de l’avis de M. Gaetz, a commencé à l’utiliser trop rudement, endommageant l’appareil et les panneaux et, peut-être, détruisant le produit. Le partenaire de M. Gaetz ce jour-là, Dennis Edwards, a alors éteint la ponceuse, mais le fonctionnaire, furieux, l’a remise en marche. Ayant en tête leurs expériences passées avec le fonctionnaire, MM. Gaetz et Edwards sont partis, et M. Edwards a ensuite signalé l’incident à M. Hache.

54 M. Wournell est un charpentier de marine à l’IMF Cape Scott comptant 31 ans et demi d’expérience. Il a travaillé avec le fonctionnaire en tant que pair et chef d’équipe au sein de l’équipe de pose de panneaux insonorisants. De manière générale, il trouvait que le fonctionnaire était une personne d’humeur changeante, prompt à l’argumentation et avec laquelle il était difficile de travailler. M. Wournell a été témoin d’un échange houleux et d’une bousculade survenus dans la salle de repos entre le fonctionnaire et M. Turnbull.

55 Un matin, pendant une réunion périodique de l’équipe de pose de panneaux insonorisants, le fonctionnaire s’est vu poser une question sur les progrès réalisés dans le ponçage des panneaux, une tâche pour laquelle il accomplissait la majorité du travail, et sa réaction a été d’exploser, de jurer deux fois et de s’en aller.

56 En réponse à un commentaire sur l’espacement entre les panneaux, le fonctionnaire a complètement perdu la maîtrise de lui-même et est parti en claquant la porte.

57 Vers la fin du projet ayant nécessité la création de l’équipe de pose de panneaux insonorisants, toute la confiance s’était envolée et les membres de l’équipe, à l’exception du fonctionnaire, essayaient tous de se protéger, tout particulièrement après l’incident dont avait été victime M. Covey.

58 M. Wournell a approché M. Hache pour tenter de recoller les pots cassés entre les membres de l’équipe. Lors de la réunion du 11 mai, M. Wournell a été le dernier à prendre la parole. Il a d’abord dit qu’il ne souhaitait plus travailler avec le fonctionnaire. Le fonctionnaire a réagi à cette affirmation en lançant à M. Wournell qu’il était un visage à deux faces, tout comme M. Foster, et en terminant par un sous-entendu, soit [traduction] « il y a d’autres façons de régler ça ». M. Wournell a alors décidé qu’il en avait assez et a compris qu’il ne s’entendrait jamais avec le fonctionnaire. Il a eu l’impression qu’une altercation physique finirait par avoir lieu, et il voulait simplement que tout cela s’arrête.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

59 Le fonctionnaire a commencé par déclarer qu’il s’opposait au fait que M. Foster témoigne contre lui, car ce n’était pas son rôle à titre de président de la section locale. Il a été précisé au fonctionnaire que tous les témoins de l’unité de négociation s’étaient vu délivrer une assignation à comparaître et à témoigner à la demande de l’employeur.

60 Le fonctionnaire a tenté de faire admettre en preuve ce qui semblait être de nouveaux documents, ce à quoi l’employeur s’est opposé. Cependant, après examen, il est devenu évident qu’il ne s’agissait pas de présenter de nouveaux éléments de preuve, mais que le fonctionnaire tentait plutôt de simplifier le traitement des documents en réorganisant de manière différente des documents qui avaient déjà été versés en preuve.

61 Le fonctionnaire a mentionné les trois possibilités qui lui avaient été offertes et a affirmé qu’il avait donné suite à chacune d’elles. Premièrement, en réponse à la demande voulant qu’il établisse son aptitude au travail, son médecin a fourni des certificats médicaux attestant qu’il était apte à retourner travailler. Deuxièmement, il a donné l’autorisation de communiquer avec son médecin mais, contrairement à ce qu’il avait demandé, il n’a pas reçu la liste des questions qui seraient posées au médecin. Troisièmement, il avait accepté de se soumettre à une EAT auprès de Santé Canada, sous réserve que celle-ci soit effectuée à l’intérieur d’un délai restreint. Il était impatient de reprendre le travail et il ne voulait pas faire l’expérience de retards inutiles.

62 Le fait que le fonctionnaire continue à travailler à l’extérieur de la fonction publique indique qu’il est apte au travail et que l’employeur se montre malveillant en lui interdisant de reprendre le travail.

63 Le fonctionnaire a fait mention des résultats de l’enquête menée par Service Canada et de sa déclaration selon laquelle il ne lui était pas permis de retourner au travail [traduction] « pour des raisons indépendantes de sa volonté ».

64 Le fonctionnaire s’est dit d’avis que des désaccords surviennent inévitablement au travail, peu importe le lieu de travail, et qu’il n’est pas surprenant d’entendre des grossièretés ou de subir de la mauvaise humeur à l’occasion. Les gens sont censés être capables de composer avec des personnes hostiles, mais ce qualificatif ne s’applique pas à lui. Il n’a pas l’habitude de se plaindre constamment. Le projet de pose de panneaux insonorisants avait deux ans de retard; l’employeur devrait congédier les gens qui n’ont aucune utilité.

65 Le fonctionnaire s’est décrit comme un bon travailleur vaillant. Il s’occupait des tâches d’envergure, faisait plus d’heures supplémentaires que tous ses collègues et effectuait le travail dont personne ne voulait. Il demandait souvent de l’aide. Mais l’employeur essayait de se débarrasser de lui. Si M. Hawker n’était jamais venu sur les lieux de travail, comment pouvait-il décider qu’une EAT était nécessaire? Les seuls renseignements dont il disposait lui provenaient des récits des événements faits par les autres témoins.

66 La réunion du 11 mai avait pour unique objet de provoquer le fonctionnaire. Pourquoi cette réunion avait-elle eu lieu alors que l’équipe de pose de panneaux insonorisants allait être dissoute deux semaines plus tard?

67 Comme le fonctionnaire ne se sentait pas bien le matin du 11 mai, il est finalement rentré chez lui.

68 Mme Clattenburg a rempli le relevé d’emploi et a indiqué « maladie ou blessure » comme raison le justifiant, ce qui était une erreur; en fait, c’est cette raison qui a été donnée parce que rien d’autre ne convenait. Est-ce donc pour cela qu’une EAT était exigée? Le fonctionnaire n’était plus malade; il pouvait fournir un certificat médical et il était dans son intérêt d’être présent au travail.

B. Pour l’employeur

69 L’employeur a soulevé trois points dans son argumentation.

70 Premièrement, le fonctionnaire n’a pas été congédié; dans les faits, il ne peut pas reprendre le travail parce qu’une EAT a été demandée. Pour cette raison, un arbitre de grief n’a pas la compétence pour trancher cette question.

71 Deuxièmement, une EAT est une procédure administrative et non une mesure disciplinaire; pour cette raison, un arbitre de grief n’a pas la compétence pour trancher cette question.

72 Troisièmement, l’employeur avait des motifs raisonnables et probables justifiant sa demande d’EAT; il a fait référence à la décision Campbell c. Conseil du Trésor (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), dossier de la CRTFP 166-2-25616 (19960513), dans laquelle il est énoncé qu’un fonctionnaire s’estimant lésé qui refuse de se soumettre à une EAT est responsable des conséquences pouvant découler de ce refus.

73 Le relevé d’emploi a été produit en raison d’une exigence législative, et non parce que le fonctionnaire avait été congédié. Mme Clattenburg a expliqué pourquoi la loi exigeait la production d’un relevé d’emploi. M. Hawker a déclaré que le fonctionnaire n’avait été ni congédié ni suspendu; il devait fournir une EAT, ce qui n’avait toujours pas été fait.

74 La Loi et la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11) régissent l’emploi et la cessation d’emploi dans la fonction publique, et aucune mesure n’a été prise pour mettre fin à l’emploi du fonctionnaire.

75 Si l’EAT était une forme de mesure disciplinaire déguisée contre le fonctionnaire, le fardeau de la preuve lui incomberait; or, aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir que c’est bien le cas en l’espèce.

76 De nombreux éléments de preuve permettent d’établir que la demande d’EAT de l’employeur était justifiée. De nombreux incidents préoccupants mettant en cause le fonctionnaire sont survenus, dont de la violence sur les lieux de travail, un comportement agressif et intimidant, un comportement excessivement imprévisible et belliqueux, ainsi que des pertes de contrôle fréquentes sans préavis.

77 L’employeur avait des préoccupations quant à la sécurité du fonctionnaire et de ses collègues.

78 La conduite adoptée par le fonctionnaire n’était pas le moyen approprié de gérer les désaccords au travail. L’intimidation et un comportement agressif ne sont pas des réponses justifiées. L’employeur a décidé de chercher à savoir si la conduite du fonctionnaire pouvait être attribuable à des problèmes médicaux, ce qui était une décision raisonnable. Il n’était pas possible de traiter avec le fonctionnaire au travail sans compromettre la sécurité.

79 Par conséquent, il est justifié que l’employeur n’autorise pas le fonctionnaire à reprendre le travail tant que celui-ci ne l’a pas convaincu qu’il est apte à recommencer à travailler.

IV. Motifs

80 Le fonctionnaire a présenté le présent grief pour établir qu’il a été congédié, qu’il a fourni à l’employeur de nombreux éléments de preuve de son aptitude à travailler et qu’il est prêt à retourner au travail et à être indemnisé comme il se doit pour les pertes qu’il a subies. En bref, le fonctionnaire conteste ce qu’il estime être son congédiement. De son côté, l’employeur nie que le fonctionnaire a jamais été congédié et affirme que les mesures prises étaient de nature administrative.

81 Étant donné ce qui précède, et conformément à un grand nombre de décisions antérieures rendues par la Commission et son prédécesseur ainsi que par la Cour fédérale du Canada, le fardeau de prouver qu’il y a bel et bien eu congédiement incombe au fonctionnaire : Ho c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 114, Flynn c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-2-29015 (1999) (QL), Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi (2001), 205 F.T.R. 238 (CFPI), Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2004 CRTFP 10, Thibault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-26613 (1996) (QL); Hamelin c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-2-19440 (1991) (QL).

82 J’estime que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

83 Comme preuve de son congédiement, le fonctionnaire s’est reporté à un rapport produit par Service Canada après qu’il eut présenté sa demande de prestations. À la suite de l’enquête menée sur les événements entourant l’absence du travail du fonctionnaire, il a été conclu dans ce rapport que le fonctionnaire avait [traduction] « perdu son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté ». Malheureusement pour lui, le rapport en question a été rédigé pour une raison et en application d’un texte législatif qui ne cadrent pas avec le contexte dans lequel le présent grief doit être tranché, et il ne peut donc pas jouer un rôle déterminant dans la question sur laquelle je dois statuer. Je fais également remarquer que, dans le rapport en question, il n’est pas conclu – et il ne pourrait l’être – que le fonctionnaire a été [traduction] « congédié », car ce mot est reconnu aux termes de la législation applicable en matière de relations de travail. Le rapport porte plutôt sur l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi du fonctionnaire aux termes de la législation applicable à ce programme. En outre, j’observe que le même document indique que, dans sa demande de prestations, le fonctionnaire a déclaré qu’il ne travaillait pas [traduction] « en raison d’une grève ou d’un lock-out », ce qui semble contredire la déclaration qu’il a faite devant moi, à savoir qu’il croyait que la raison pour laquelle il ne travaillait plus était qu’il avait été congédié.

84 Le fonctionnaire s’est également appuyé sur le relevé d’emploi versé en preuve par l’employeur pour attester qu’il avait été congédié. Cependant, l’employeur a expliqué qu’il avait produit ce document uniquement pour respecter une exigence législative, dans l’éventualité où la rémunération du fonctionnaire serait interrompue, et la preuve qu’il a présentée à cet égard n’a pas été contredite. J’accepte la preuve de l’employeur sur cette question.

85 Dans son argumentation, le fonctionnaire a également affirmé qu’il avait répondu aux demandes de l’employeur : il avait fourni des documents médicaux attestant son aptitude à retourner au travail, il avait donné son autorisation pour qu’on communique avec son médecin, et il avait accepté de se soumettre à une EAT auprès de Santé Canada. Cette déclaration pourrait s’avérer utile s’il s’agissait d’une affaire dans laquelle le fonctionnaire avait été congédié, mais elle ne permet en rien d’établir qu’il a bel et bien été congédié. Qui plus est, contrairement à la prétention du fonctionnaire, la documentation médicale fournie par son médecin ne répondait pas aux questions précises que l’employeur voulait régler au moyen de l’EAT. Plus particulièrement, les renseignements médicaux indiquaient uniquement que le fonctionnaire était apte à travailler sans restriction; il ne s’y trouvait aucune réponse aux questions précises de l’employeur et rien ne permettait de savoir si le médecin était ou non au courant des antécédents du fonctionnaire au travail. Je conclus donc que le fonctionnaire n’a pas suivi les directives de l’employeur, n’a pas répondu à la demande de renseignements de celui-ci et n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour dissiper ses préoccupations, et que la demande de renseignements est donc toujours en suspens.

86 La preuve dont je dispose permet de confirmer l’observation de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure administrative et non d’un congédiement. Les éléments de preuve présentés par le fonctionnaire lui-même indiquent que l’employeur a continué à communiquer avec lui même après qu’il eut été, selon lui, congédié. La pièce 1 présentée par le fonctionnaire consiste en une lettre qui lui est adressée, qui a été rédigée le 5 avril 2013 par l’employeur, dans laquelle ce dernier lui demande encore une fois de se soumettre à une EAT s’il veut reprendre le travail. Le fonctionnaire peut bien contester le droit de l’employeur de demander qu’il se soumette à une EAT, mais le fait que l’employeur a continué à formuler de telles demandes corrobore son affirmation selon laquelle la relation d’emploi se poursuit et qu’il n’y a pas été mis fin.

87 À ce moment-ci, je crois qu’il est important de souligner que le fonctionnaire a présenté un grief de congédiement et a défendu sa cause jusqu’à l’arbitrage. Dans la section de la formule de grief intitulée [traduction] « Détails concernant le grief », il a simplement écrit ceci : [traduction] « Congédiement abusif, voir les détails ci-joints. » Les détails auxquels il fait référence se trouvent dans une lettre ayant pour objet [traduction] « Détails concernant la présentation d’un grief individuel de congédiement abusif » et se terminant par la phrase suivante : [traduction] « C’est pourquoi je présente ce grief de congédiement abusif. » S’il avait contesté le droit de l’employeur de le suspendre, l’audience n’aurait pas été orientée exactement de la même manière et la question dont je suis saisi aurait été différente, bien que je doute que le résultat ait été différent. Quoi qu’il en soit, il ne l’a pas fait. Il a plutôt contesté le droit de l’employeur de le congédier. Pour contester cette décision, il doit d’abord me convaincre qu’il a bien fait l’objet d’un congédiement déguisé de nature disciplinaire, ce qu’il n’a pas fait.

88 À l’inverse, l’employeur m’a fourni de nombreux éléments de preuve sur lesquels je peux m’appuyer pour conclure qu’il avait tout à fait le droit de formuler une telle demande. À la lumière des nombreux récits faisant état d’une hostilité, d’une colère, d’une agressivité et d’un désir d’affrontement semblant se manifester de façon tout à fait gratuite, et d’après les déclarations des témoins concernant le fait qu’ils n’étaient pas à l’aise de travailler avec le fonctionnaire, je suis d’avis que l’employeur a agi comme il le devait en l’espèce. Les mesures prises par l’employeur ont été motivées par des préoccupations légitimes à l’égard de la santé du fonctionnaire et des répercussions que ces préoccupations pourraient avoir sur la santé et la sécurité des employés au travail (Lacoste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 68, et Hood c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2013 CRTFP 49).

89 Je constate que des parallèles évidents peuvent être établis entre la présente affaire et une décision rendue précédemment par la Commission, à savoir la décision Theaker c. Administrateur général (ministère de la Justice), 2013 CRTFP 163. Dans cette affaire, la fonctionnaire s’estimant lésée était absente pour cause de maladie, et l’administrateur général lui a demandé de fournir un rapport d’évaluation de son aptitude au travail avant de l’autoriser à reprendre son poste au sein du ministère. La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté cette décision, alléguant qu’il s’agissait d’un congédiement déguisé et, comme c’est le cas en l’espèce, l’administrateur général s’opposait à ce qu’un arbitre de grief instruise l’affaire pour un motif de compétence. L’arbitre de grief a conclu que la preuve démontrait que le fait d’exiger de la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle fournisse un rapport d’évaluation de son aptitude au travail avant de recevoir l’autorisation de retourner travailler n’était pas de nature disciplinaire, et que la preuve établissait même que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas été licenciée, constat ayant amené l’arbitre de grief à conclure qu’elle n’avait pas la compétence pour juger du bien-fondé de ce grief.

90 Comme c’était le cas dans Theaker, je suis d’avis qu’il n’était pas sous-entendu que les mesures prises par l’employeur en l’espèce étaient de nature disciplinaire. En effet, tous les éléments de preuve qui ont été présentés m’amènent à conclure que l’employeur a toujours considéré que la conduite du fonctionnaire était attribuable à la maladie, et je ne trouve aucun signe qui indiquerait la présence de motifs disciplinaires.

91 Le fonctionnaire a consacré énormément de temps et d’énergie à établir ses antécédents de travail pour l’employeur et les événements qui se sont produits au fil des ans. En agissant ainsi, le fonctionnaire avait l’intention – bien qu’il ne l’ait pas déclaré clairement dans son argumentation – de me démontrer que l’employeur avait toujours agi de manière inappropriée et qu’il avait été victime d’une campagne persistante dont le but était de le faire congédier. Je peux uniquement connaître du grief dont j’ai été saisi, lequel conteste un congédiement déguisé de nature disciplinaire, mais je n’ai pas la compétence pour examiner de quelque façon que ce soit des incidents passés qui ne font pas l’objet du grief.

92 Cependant, j’ai néanmoins tenu compte des éléments de preuve du fonctionnaire portant sur ses antécédents de travail dans le contexte de son allégation selon laquelle il avait fait l’objet d’un congédiement de nature disciplinaire, et j’ai tâché de savoir si ces éléments de preuve me permettaient de conclure que les mesures récentes prises par l’employeur cadrent avec son intention de longue date de traiter les cas de comportement du fonctionnaire dans une optique disciplinaire afin de monter un dossier pour le congédier. Il est vrai que l’employeur a pris des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire par le passé, mais je suis d’avis qu’en ce qui a trait à son refus de permettre au fonctionnaire de reprendre le travail, de telles considérations ont depuis été remplacées chez lui par une inquiétude réelle par rapport à la santé du fonctionnaire et aux conséquences que ses problèmes de santé semblaient avoir sur son comportement au travail. Je suis d’avis que l’employeur s’est défait de toute intention disciplinaire qu’il aurait pu avoir et qu’il a, de manière tout à fait raisonnable et appropriée, modifié son approche pour en adopter une qui tenait compte des préoccupations relatives à la santé et du besoin possible de mesures d’adaptation; je juge en outre qu’une telle approche n’était pas de nature disciplinaire ni un prétexte pour prendre d’autres mesures disciplinaires.

93 Pour terminer, je conclus que je n’ai pas la compétence pour examiner le présent grief et le trancher, étant donné qu’il n’y a pas eu cessation d’emploi.

V. Ordonnance

94 J’ordonne que le dossier soit classé.

Le 22 août 2014.

Traduction de la CRTFP

Michael F. McNamara,
arbitre de grief

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