Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un travailleur social clinique dans une prison à sécurité minimale, a été renvoyé au cours d’une période de stage probatoire - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que le renvoi était en fait une mesure disciplinaire déguisée parce que ses superviseurs croyaient qu’il allait témoigner en faveur d’un détenu dans le cadre d’une prochaine action en justice - l’employeur a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé pour des motifs liés à l’emploi et que le renvoi n’était pas une mesure disciplinaire - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur s’est acquitté de son fardeau et a prouvé que le renvoi était dû à des motifs liés à l’emploi, principalement l’incapacité du fonctionnaire s’estimant lésé à être responsable de ses actes et son défaut de rendre compte correctement son travail - un courriel présenté par le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été admis, puisqu’il relevait du privilège des relations de travail - l’arbitre de grief a mis en cause la crédibilité du fonctionnaire s’estimant lésé - le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé d’approuver les objectifs de rendement pour sa période de stage probatoire et n’avait pas établi de limites dans son travail - l’arbitre de grief a rejeté l’allégation d’une mesure disciplinaire déguisée et a conclu que toute connaissance de communication entre le fonctionnaire s’estimant lésé et l’avocat du détenu ne constituait pas un facteur dans le renvoi du fonctionnaire s’estimant lésé - il n’y avait pas suffisamment de preuves pour conclure à une mesure disciplinaire déguisée, puisqu’il n’y a eu aucune menace ou menace implicite des conséquences relatives au fait de témoigner - l’arbitre de grief était en désaccord avec l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel il a été renvoyé en cours de stage parce qu’il avait soulevé des préoccupations au sujet du récent placement d’un détenu en isolement - l’arbitre de grief a rejeté l’allégation du fonctionnaire s’estimant lésé selon laquelle il a été perçu de mauvaise foi en étant affecté à de nombreux superviseurs pendant sa période de stage probatoire - le fonctionnaire s’estimant lésé était un professionnel qui était censé s’acquitter de ses fonctions avec peu de supervision et son défaut de satisfaire aux obligations de l’employeur était évident - l’arbitre de grief a rendu une ordonnance de mise sous scellés des preuves données par l’employeur sur certains détenus nommés qui avaient des problèmes de santé mentale et qui étaient toujours incarcérés ou en liberté, en concluant à la possibilité d’un grave préjudice en ce qui concerne les répercussions sur la santé mentale et le traitement des détenus et sur les préoccupations de sécurité. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-09-23
  • Dossier:  566-02-7192
  • Référence:  2014 CRTFP 87

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHRISTOPHER KUBINSKI

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Kubinski c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Paul Love, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Harinder Mahil, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Richard Fader, avocat
Affaire entendue à Vancouver (Colombie Britannique), du 10 au 13 juin 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Christopher Kubinski, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief à l’égard de son renvoi en cours de stage de son poste de travailleur social clinique (planificateur du renvoi et de la mise en liberté) à Service correctionnel Canada (le « défendeur » ou « SCC »).

2 Le fonctionnaire a été embauché à un poste d’une durée indéterminée le 7 décembre 2009. La lettre d’embauche indiquait qu’il était en stage probatoire pour une durée de 12 mois (pièce E-1, onglet 1). Il travaillait à l’Établissement de Ferndale (renommé depuis l’Établissement de Mission à sécurité minimale) à Mission, en Colombie-Britannique. Le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage probatoire, le 1er décembre 2010, au moyen d’une lettre de Debra Gaskell (maintenant partie à la retraite), directrice régionale, Services de santé, région du Pacifique, SCC (pièce E-1, onglet 4). Dans sa lettre, Mme Gaskell soulevait des préoccupations, comme suit :

[Traduction]

[…]

En tant que personne disposant d’un titre professionnel ayant une expérience professionnelle importante en tant que travailleur social, il y avait une attente selon laquelle vous deviez être en mesure d’exercer les fonctions de votre poste conformément à un niveau élevé de compétence et à un minimum d’orientation. Cependant, pendant votre stage probatoire, différents superviseurs et gestionnaires ont soulevé un certain nombre de préoccupations relativement au respect des politiques et des procédures. Dans le cadre de ces discussions et pendant toute la durée de votre stage probatoire, vous avez rencontré votre superviseur direct ainsi que le directeur adjoint, Interventions. L’étendue des questions abordées comprenait les directives qu’ils vous avaient données quant au fait de veiller à ce que vous respectiez les politiques et les procédures de l’établissement, leurs attentes quant à l’atteinte des objectifs, y compris ceux qui vous ont été communiqués par écrit, et votre affirmation selon laquelle vous aviez une compréhension exhaustive du mandat de l’équipe interdisciplinaire relativement à ce que l’Établissement de Ferndale souhaitait accomplir par l’intermédiaire de l’Initiative sur la santé mentale.

On vous a communiqué à plus d’une reprise vos attentes en matière de rendement et vous avez résisté à l’idée de travailler en vue de les respecter. En outre, vous n’avez pas fourni les rapports écrits et les documents qui vous ont été demandés, vous avez nécessité une quantité excessive de directives pour exercer les tâches de base relatives à la planification du renvoi et de la mise en liberté (c.-à-d. obtenir les services de base pour un délinquant sur le point d’être libéré), vous vous êtes présenté d’une façon qui ne favorise pas une image professionnelle lorsqu’on vous a demandé de participer à des rencontres et d’aider à l’examen du rendement du directeur et vous avez ouvertement affiché un manque de professionnalisme pendant les rencontres avec les délinquants, dans le cadre desquelles vos actions ont miné les décisions prises par la direction.

Votre rendement n’a pas servi à améliorer l’Initiative sur la santé mentale à l’Établissement de Ferndale tel qu’il était attendu. Malgré l’aide, la formation et l’orientation que vous avez reçues de la direction pendant toute la durée de votre période probatoire, votre rendement ne s’est pas amélioré. En conséquence, j’ai déterminé que vous n’avez pas les qualités personnelles pour être employé en tant que travailleur social clinique à Service correctionnel Canada.

[…]

3 Dans son exposé introductif, le fonctionnaire a déclaré que cette décision était une mesure disciplinaire déguisée, car le défendeur croyait qu’il allait témoigner en faveur d’un délinquant qui avait entrepris une action en justice à l’encontre du défendeur. Il cherche à être réinstallé dans ses fonctions immédiatement ainsi qu’à obtenir le salaire et les avantages sociaux à compter de la date de son licenciement jusqu’à la date de sa réinstallation, ainsi qu’une réparation intégrale.

II. Audience

4 Au nom du défendeur, j’ai entendu le témoignage d’Irvin Hammond, directeur adjoint, Interventions, de la Dre Gurmeet Dhaliwal, psychologue en chef, Établissement de Mission, de Pierre Ouellet, psychologue en chef intérimaire, Établissement de Mission, de Bryan Williams, gestionnaire des programmes intérimaire, Établissement de Mission, et de Mme Gaskell. Le fonctionnaire a témoigné en son propre nom, tout comme un ancien délinquant, désigné dans les présents motifs comme le « détenu mentor », ainsi que Bryan Nadeau, un ancien psychologue associé à l’Établissement de Ferndale. Dans le témoignage en contre-preuve, j’ai entendu Yvonne Hackett, gestionnaire des opérations à l’Établissement de Ferndale. Je constate que les titres de poste des témoins étaient ceux qu’ils occupaient pendant le stage probatoire du fonctionnaire. Je constate également que l’Établissement de Ferndale est actuellement connu sous le nom d’Établissement de Mission à sécurité minimale. J’ai appelé l’établissement l’Établissement de Ferndale, ce qui correspondait à son nom pendant le stage probatoire du fonctionnaire.

5 Pendant le contre-interrogatoire de Mme Gaskell, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») a tenté de présenter un courriel en date du 1er décembre 2010 de Michele Lindlad à Beth Tyler, chef régionale des relations de travail à SCC, comprenant une copie conforme à Mme Gaskell et à Patricia Demers. Le défendeur s’est opposé au dépôt de ce document au motif du privilège des relations de travail. J’ai déterminé que ce document ne serait pas admis, car sa nature relevait d’un conseil fourni par un conseiller en ressources humaines à une personne ayant la responsabilité d’examiner la question du renvoi du fonctionnaire pendant le stage probatoire. À ce moment-là, j’avais indiqué aux parties que je présenterais des motifs écrits plus complets, mais que je ne permettais pas la présentation du document essentiellement pour les motifs que j’ai présentés dans Horne c. Agence Parcs Canada, 2014 CRTFP 30. J’adopterai le raisonnement que j’avais formulé aux paragraphes 61 et 62, comme suit :

[61]    Un privilège des relations de travail s’applique à l’égard des conseils donnés par un spécialiste des relations du travail à un gestionnaire, car ceux-ci remplissent les [traduction] « conditions de Wigmore ». Ces conditions ont été formulées par Brown et Beatty dans Canadian Labour Arbitration, 4e éd., au paragraphe 3:4340. Ces conditions sont : 1) Les communications doivent avoir été transmises à titre confidentiel avec l’assurance qu’elles ne seraient pas divulguées. 2) La confidentialité doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties. 3) La relation doit en être une qui, selon l’opinion de la collectivité, doit être entretenu [sic] assidûment. 4) Le préjudice qui serait appliqué à la relation par la divulgation des communications doit être supérieur à l’avantage ainsi tiré du règlement approprié du litige.

[62] […] Je signale que les gestionnaires doivent pouvoir demander conseil aux conseillers en relations du travail et avoir l’assurance que le conseil est confidentiel, afin de garantir le traitement équitable des employés, par exemple dans le cadre d’enquêtes ou de décisions prises à l’issue d’enquêtes. De même, un employé doit pouvoir demander conseil à son agent négociateur sans craindre d’être contraint de divulguer ce conseil dans le cadre d’une audience. À mon avis, le préjudice qui serait causé par la divulgation de l’information excède de loin l’avantage qu’entraînerait la divulgation du conseil qui n’est pas particulièrement pertinent relativement à l’évaluation des faits établis et du droit.

A. Contexte

6 L’Établissement de Ferndale est un établissement à sécurité minimale. Au moment de l’embauche du fonctionnaire, une partie de son travail consistait à travailler avec les délinquants ayant des problèmes de santé mentale dans le cadre du programme Favoriser l’accès aux services de soutien aux délinquants présentant une déficience intellectuelle (FASSDDI). Le programme FASSDDI était un projet pilote élaboré à l’Établissement de Ferndale par un ancien directeur en collaboration avec le Centre régional de traitement (CRT) pour héberger les détenus présentant une déficience intellectuelle dans un environnement à sécurité minimale, séparément du reste de la population de détenus. Des services spécialisés étaient offerts à ces personnes dans un environnement plus thérapeutique. Le programme comportait la participation de détenus hautement fonctionnels ne présentant aucun problème de santé mentale agissant comme mentor auprès d’autres détenus. Certains de ces mentors vivaient dans les maisons 10 et 11.

7 L’Établissement de Ferndale et l’Établissement de Mission sont très près l’un de l’autre et sont desservis par une barrière de sécurité. M. Hammond avait des préoccupations concernant le contrôle exercé sur le programme FASSDDI, car un grand nombre de délinquants avaient des antécédents de violence, de graves problèmes psychiatriques, qu’ils prenaient des médicaments et que l’Établissement de Ferndale était un établissement ouvert.

8 Un nouveau programme a été entrepris par l’Administration centrale nationale de SCC, que l’on a appelé « Initiative sur la santé mentale en établissement » (ISME).

9 Dans la présente décision, je n’ai indiqué que les faits et les renseignements personnels requis pour assurer une décision ouverte et responsable. Pour cette raison, le nom d’un témoin, un ancien détenu, qui a comparu au nom du fonctionnaire, ne figure pas dans la décision.

B. Résumé de la preuve

1. M. Hammond

10 M. Hammond a témoigné qu’il occupait un poste de généraliste et qu’il était responsable d’un certain nombre de secteurs à l’Établissement de Ferndale; par exemple, les programmes du service de gestion des cas. En avril 2010, il est devenu responsable de tous les psychologues à l’Établissement de Ferndale, ainsi que de différentes activités liées aux détenus, par exemple les passe-temps et les activités récréatives.

11 M. Hammond a constaté qu’il y avait une possibilité de retenir les services d’un planificateur du renvoi et de la mise en liberté dans le but de travailler avec les détenus dans le cadre du programme FASSDDI, ce qui aurait contribué à réduire la pression exercée sur lui, car il n’aurait plus eu à gérer cette fonction en plus des autres fonctions de son poste. M. Hammond était préoccupé au sujet des mentors et du fonctionnement du programme, il était nécessaire de retenir les services d’une personne ayant une expertise pour qu’elle se mette immédiatement au travail.

12 Le Dr Kubinski a été embauché et M. Hammond était très excité de le compter parmi les membres de son personnel. Le Dr Kubinski s’est présenté avec d’excellents titres de compétence. Au fil de son stage probatoire, M. Hammond est devenu de plus en plus préoccupé, car le Dr Kubinski démontrait son manque de confiance envers la direction et qu’il a donné, à maintes reprises, l’impression que la direction avait une dent contre lui. M. Hammond était préoccupé par la relation entre le Dr Kubinski et le détenu mentor, ce dernier avait des antécédents visant à s’aligner sur les employés marginalisés et à les manipuler. Initialement, le détenu mentor était rémunéré pour agir comme mentor. Il avait de longs antécédents d’antagonisme avec la direction et il avait déposé un certain nombre de griefs contre celle-ci.

13 M. Hammond a indiqué que, pendant la majorité du temps passé par le Dr Kubinski à l’Établissement de Ferndale, il n’était pas le superviseur direct du fonctionnaire. M. Hammond supervisait les programmes et, initialement, le fonctionnaire relevait de l’Administration centrale régionale de SCC. M. Hammond se fiait aux autres pour qu’ils lui en rendent compte. Il a affirmé que sa principale préoccupation était son incapacité à tenir le Dr Kubinski responsable de ses actions, car le fonctionnaire refusait de signer les objectifs de rendement. Selon le témoignage de M. Hammond, une demi-douzaine de tentatives a été faite pour que le Dr Kubinski accepte les objectifs de rendement. Chaque tentative s’est soldée par un échec et, à la fin du stage probatoire, il n’avait toujours pas signé un ensemble d’objectifs.

14 M. Hammond a témoigné au sujet d’un incident survenu au début du mois de mars 2010, alors qu’il y existait une possibilité que des fonds soient disponibles en provenance de CORCAN, une partie de SCC, et qui devaient être dépensés avant la fin de l’exercice. On a demandé au Dr Kubinski de mettre un projet sur pied. M. Hammond a affirmé que cela pouvait s’avérer frustrant, car, dans bien des cas, ces fonds disparaissent soudainement parce que quelqu’un d’autre trouve un usage pour ces fonds qui est considéré comme une plus grande priorité. Lorsque le Dr Kubinski a appris que son programme n’était pas approuvé, il a soulevé différentes questions, par exemple une rupture de contrat. M. Hammond a indiqué qu’il était important de ne pas aliéner CORCAN, car il s’agit d’une partie du même ministère.

15 À la fin du mois de mars 2010, un autre incident est survenu à propos de laisser-passez, de véhicules et de la capacité du Dr Kubinski de se rendre avec des détenus dans la collectivité. Le Dr Kubinski a exprimé des préoccupations selon lesquelles il y avait eu [traduction] « […] certaines mesures délibérées à l’égard de son groupe de détenus » de la part d’agents correctionnels. Mary Daniels, sous-directrice à l’Établissement de Ferndale, a indiqué dans un courriel en date du 30 mars 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000011) que [traduction] « […] il semble entretenir certaines croyances que nous devons traiter avant qu’elles ne deviennent un problème plus important ».

16 En avril 2010, une affaire est survenue relativement à un détenu qui éprouvait des difficultés (pièce E- 1, onglet 2, pages 000013 à 000016). Il avait été déterminé que ce détenu était susceptible de faire preuve d’une grande violence. Il a divulgué qu’il avait des préoccupations relatives à l’anxiété, au fait d’entendre des voix et de la possibilité de devenir violent, et il a été conduit au CRT. Mme Daniels est entrée en communication avec M. Hammond et lui a fait part de la préoccupation soulevée quant au contact entretenu par le Dr Kubinski avec des détenus difficiles, car elle ne l’avait pas entendu exprimer d’inquiétudes au sujet du détenu éprouvant des difficultés, qui faisait partie du groupe du Dr Kubinski.

17 En avril 2010, un problème est survenu relativement aux plans de libération concernant un autre détenu, qui était sur le point d’être libéré (pièce E-1, onglet 2, pages 000017 à 000028). M. Hammond a témoigné que, même si le Dr Kubinski était arrivé tard dans le processus de libération, il a formulé certains commentaires volatiles à propos de la planification de la libération, ce qui a incité Joanna Moore, l’agente de libération conditionnelle concernée, à répondre que [traduction] « l’évaluation de ce cas par M. Kubinski semble exposer son manque d’expérience de la planification de la libération et des réalités de la surveillance dans la collectivité ».

18 M. Hammond a indiqué dans son témoignage qu’il avait reçu un appel de Karen Sloat, coordonnatrice régionale, Initiatives sur la santé mentale, à propos du Dr Kubinski et qu’elle lui avait dit qu’elle semblait avoir besoin de l’orienter au sujet des choses les plus simples relativement à la libération des détenus et de son travail, ce qui était surprenant, compte tenu de ses qualifications. Cet incident particulier se rapportait à un courriel qu’il lui avait envoyé le 28 avril 2010 portant sur les lignes directrices sur la formulation des plans de traitement et ceux qui les rédigent. Elle a renvoyé le Dr Kubinski aux « Lignes directrices » et aux modèles de l’ISME pour les rapports du Système de gestion des délinquants (« SGD ») dans la page Web du Secteur des services de santé de SCC (pièce E-1, onglet 2, page 000065).

19 M. Hammond a déclaré qu’au mois de mars 2010, il a demandé au Dr Kubinski de produire un rapport mensuel sur les activités qui avaient eu lieu, ainsi qu’un calendrier de trois mois. M. Hammond a déclaré qu’il avait reçu un rapport d’activité d’un mois, qui correspond au seul rapport qu’il a reçu et qu’il n’avait pas reçu un calendrier des activités. M. Hammond a déclaré que, dès qu’il a eu l’occasion de poser des questions au Dr Kubinski à propos des rapports et du calendrier, il l’a fait.

20 M. Hammond a indiqué que l’une des frustrations qu’il éprouvait lorsqu’il devait demander quelque chose au Dr Kubinski était que ce dernier lui demandait toujours du temps pour y penser, pour ne jamais aboutir. En fin de compte, M. Hammond a été informé que le fonctionnaire avait refusé de signer un ensemble d’objectifs. Il y avait un certain nombre d’échanges par courriel au cours de l’année à propos des objectifs.

21 Aux environs du 2 juillet 2010, M. Hammond a adopté des changements dans le cadre du programme FASSDDI, éliminant les mentors rémunérés. M. Hammond a témoigné qu’il y avait un certain nombre de préoccupations à propos des mentors. Il a déclaré que certains d’entre eux n’avaient aucune expérience ou formation réelles leur permettant de travailler avec des délinquants ayant des problèmes de santé mentale. Certains des mentors étaient de détenus forts et il existait une certaine préoccupation quant au fait que ces détenus se trouvent dans une situation de pouvoir et d’autorité à l’égard des détenus plus faibles. La nouvelle ISME n’appuie pas le recours à des mentors et avait d’autres façons de traiter et d’appuyer les détenus dans les maisons.

22 L’un des incidents à l’origine de ce changement avait été l’apparition d’un couteau dans l’une des maisons. Lorsque M. Hammond a mené son enquête, on lui a raconté plusieurs histoires à ce sujet. Selon l’une de ces histoires, on sortait et on utilisait le couteau comme « bâton d’orateur », la personne le tenant ayant le droit de parler sans interruption. M. Hammond a signalé que l’un des mentors avait été incarcéré en raison de ce qu’il avait fait avec un couteau. En raison de cet incident, M. Hammond a pris la décision d’accélérer l’élimination des mentors rémunérés et a envoyé des notes de service le 2 juillet 2010 (pièce E-1, onglet 2, pages 000069 et 000070). On a pris la décision d’éliminer le poste de mentor rémunéré, d’exclure les mentors des maisons 10 et 11 et d’avoir recours à des mentors bénévoles n’exerçant aucune autorité.

23 Le 1er septembre 2010, le Dr Kubinski a demandé un horaire de travail comprimé (pièce E-1, onglet 2, page 000101). M. Hammond a déclaré que sa demande avait mal commencé. Il a indiqué que de tels horaires étaient rarement accordés en raison du petit groupe à l’Établissement de Ferndale. M. Hammond a répondu à la demande du fonctionnaire par courriel le 2 septembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, pages 000100 et 000101), indiquant que ses secteurs de responsabilité devraient être à jour et qu’il devait satisfaire à tous ses objectifs avant de pouvoir envisager une semaine de travail comprimée. En outre, M. Hammond a indiqué qu’il avait saisi l’occasion d’aborder la question du calendrier de trois mois et du rapport mensuel dans ce courriel. M. Hammond faisait référence à ce qu’il avait demandé au mois de mars — un calendrier de trois mois et un rapport d’étape mensuel. M. Hammond a déclaré qu’il croyait ne pas avoir reçu ce qu’il avait demandé ou que le fonctionnaire le retardait.

24 M. Hammond était préoccupé par le manque de supervision du fonctionnaire, ce qu’il a signalé dans un courriel à l’intention de Mme Daniels et d’autres, lorsqu’on lui a demandé de passer en revue le rendement du fonctionnaire (pièce E-1, onglet 2, page 000102). À ce stade, il restait trois mois au stage probatoire du fonctionnaire et on n’avait convenu d’aucun objectif. Dans ce courriel, M. Hammond a exprimé des préoccupations quant au fait qu’il n’était pas le superviseur direct du fonctionnaire.

25 M. Hammond a expliqué que, lorsqu’il s’absente du travail, M. Williams le remplace de façon intérimaire. On a demandé à M. Williams de regrouper des renseignements aux fins de l’examen du rendement du directeur. Dans le cadre de ce processus, on passe en revue ce que l’Administration centrale régionale du SCC a demandé au directeur de faire, et le rapport fournit des réponses sur la façon dont il a fait cela et a obtenu le droit de recevoir une rémunération au rendement. Pour ce faire, tous les secteurs de l’Établissement de Ferndale doivent fournir une rétroaction. M. Williams a tenté d’obtenir des renseignements auprès du Dr Kubinski et n’a pas réussi. Un représentant de l’agent négociateur est intervenu. Lorsque M. Hammond est retourné à l’Établissement de Ferndale et que M. Williams l’a informé de l’incident, M. Hammond a demandé à M. Williams pourquoi le Dr Kubinski était toujours un employé. M. Hammond a témoigné qu’il est inacceptable d’expulser de force un gestionnaire d’un bureau. M. Hammond considérait que la conduite du Dr Kubinski était inappropriée et n’arrivait pas à comprendre pourquoi rien n’avait été fait à propos de cette conduite.

26 En octobre 2010, des préoccupations commençaient à être soulevées au sujet du Dr Kubinski après le stage probatoire. Personne ne semblait être en mesure de faire en sorte qu’il s’engage à l’égard d’un ensemble d’objectifs, qui étaient essentiels pour évaluer son rendement.

27 M. Hammond a déclaré que sa participation à la décision de renvoyer le Dr Kubinski en stage probatoire s’est limitée à la communication de ses préoccupations à l’Administration centrale régionale de SCC. Selon l’une de ses préoccupations, le Dr Kubinski ne s’était pas engagé relativement à un ensemble d’objectifs.

28 En contre-interrogatoire, M. Hammond a admis que le Dr Kubinski a eu un certain nombre de superviseurs et qu’il n’a reçu aucune réprimande pendant le temps qu’il a été employé à l’Établissement de Ferndale. Aucun de ses superviseurs n’a préparé d’examen du rendement à son égard. M. Hammond a admis qu’il n’a jamais soulevé de préoccupations liées au rendement avec le Dr Kubinski ou toute préoccupation qui pourrait nuire à l’achèvement du stage probatoire. M. Hammond a admis que tous les employés du SCC avaient des descriptions de travail.

29 En contre-interrogatoire, M. Hammond a déclaré qu’il avait effectivement eu une discussion avec le Dr Kubinski à propos des limites. Dans le réinterrogatoire, M. Hammond a expliqué que cette discussion avait porté sur le fait que le Dr Kubinski avait divulgué qu’il avait été approché par l’avocat du détenu mentor.

30 En contre-interrogatoire, M. Hammond a admis qu’il avait des préoccupations à propos de la relation entre le Dr Kubinski et le détenu mentor, qui avait déposé un certain nombre de griefs. M. Hammond a signé un affidavit le 23 février 2011 (pièce G-1), dans lequel, aux paragraphes 21 et 26, il traitait des déclarations faites par le Dr Kubinski dans un autre affidavit. L’affidavit de M. Hammond portait sur un transfert involontaire du détenu mentor de l’Établissement de Ferndale à l’Établissement de Mission, ainsi qu’une augmentation de sa cote de sécurité de minimale à moyenne.

31 On a contre-interrogé M. Hammond à propos des déclarations qu’il a faites dans son affidavit au sujet du programme FASSDDI.

32 Dans l’affidavit, M. Hammond relevait un certain nombre de préoccupations à l’égard du rendement au travail du fonctionnaire. M. Hammond a admis qu’il n’avait pas discuté de ces préoccupations avec le fonctionnaire, mais qu’il l’avait fait avec le gestionnaire de ce dernier. Toutes les préoccupations qu’il avait ont été traitées par l’intermédiaire du superviseur du fonctionnaire.

33 M. Hammond était au courant du fait que le fonctionnaire était membre d’une profession réglementée. Il n’a fait part d’aucune de ses préoccupations auprès de l’organisme de réglementation du fonctionnaire, car il n’était pas son superviseur.

34 On a demandé à M. Hammond s’il avait dit ou non au Dr Kubinski de ne pas participer à toute action concernant le détenu mentor; il a nié l’avoir fait. M. Hammond a indiqué qu’il avait dit au fonctionnaire qu’il devait faire preuve de prudence, car il était un employé de SCC. M. Hammond a déclaré que le fonctionnaire était recruté par le détenu mentor et son avocat afin de leur communiquer des renseignements. M. Hammond a déclaré que le Dr Kubinski devait faire preuve de prudence en ce qui concerne la confidentialité, car il n’était pas libre de communiquer certains des renseignements qui étaient en sa possession. Il a informé le Dr Kubinski que le détenu mentor avait des antécédents visant à approcher les membres du personnel marginalisés et qu’il devrait être prudent à son égard.

35 M. Hammond a déclaré qu’il était au courant du fait que le Dr Kubinski avait reçu un appel téléphonique de l’avocat du détenu mentor le 21 septembre 2010. M. Hammond comprenait que le Dr Kubinski l’avait informé que l’avocat du détenu mentor avait communiqué avec lui et qu’il n’avait pas parlé avec ce dernier.

36 M. Hammond a convenu que le Dr Kubinski que, dans sa réponse, il n’avait pris aucun engagement lorsqu’il lui a dit qu’il devait faire preuve de prudence dans ses interactions avec l’avocat du détenu mentor. Il a nié qu’il s’agissait de la raison pour laquelle le Dr Kubinski avait été renvoyé et il a affirmé que cela n’aurait eu aucun sens et que cela n’aurait servi à rien.

37 M. Hammond a admis que, en général, il était au courant du fait que le détenu mentor déposait des demandes devant le tribunal, mais qu’il n’examinait jamais ces demandes, sauf si celles-ci avec des répercussions directes sur son travail.

38 M. Hammond a témoigné que le détenu mentor avait allégué dans une affaire devant la Cour fédérale que le directeur avait exercé des représailles envers lui en prenant des mesures, dont l’abolition du programme sur la santé mentale à l’Établissement de Ferndale, pour justifier son renvoi du poste de mentor. M. Hammond a indiqué que le juge n’avait formulé aucune constatation particulière, ce qui concernait une demande formulée par le détenu mentor relativement à un contrôle judiciaire du refus de son grief au troisième palier à propos du refus du directeur d’approuver sa nomination à un poste au sein du comité des détenus de l’Établissement de Ferndale. Dans le cadre du réinterrogatoire, M. Hammond a témoigné que le programme sur la santé mentale n’avait jamais été aboli. Des rajustements ont été apportés à ce programme et on a éliminé les postes de mentors, ce qui ne constituait pas des représailles contre le détenu mentor. Dans ses termes, la référence à l’abolition du programme de santé mentale était une [traduction] « exagération grossière ».

39 M. Hammond a été interrogé au sujet de la nécessité des objectifs, étant donné que le défendeur déterminait l’étendue des fonctions d’emploi du fonctionnaire. L’agent négociateur a suggéré que la question essentielle à trancher consistait à déterminer s’il avait exercé ses fonctions et non pas s’il avait signé les objectifs. M. Hammond a expliqué que ces deux questions étaient différentes. Les objectifs étaient essentiels aux fins d’une évaluation et de tenir le fonctionnaire responsable de son travail.

2. M. Ouellet

40 M. Ouellet occupait le poste de psychologue en chef intérimaire à l’Établissement de Ferndale et à l’Établissement de Mission entre le 15 février et le 28 juin 2010, ainsi que du 7 ou 9 septembre au 9 octobre 2010. Il est retourné à son poste de psychologue en chef à l’Établissement du Pacifique et du CRT en octobre 2010.

41 M. Ouellet a témoigné qu’il était désigné comme le superviseur direct du Dr Kubinski le 12 avril 2010. Avant cela, le fonctionnaire relevait directement de Mme Sloat. Selon la pratique au moment de l’embauche du Dr Kubinski, les nouveaux employés relevaient du gestionnaire régional. La supervision directe du Dr Kubinski a été transférée à M. Ouellet le 12 avril 2010 (voir le courriel du 12 avril 2010 : pièce E-1, onglet 2, page 00073).

42 Le 21 avril 2010, M. Ouellet a indiqué qu’il avait eu une discussion passablement longue avec le Dr Kubinski, traitant entre autres, d’un aperçu de ce que son travail englobait, de son rôle et des attentes à son égard. Il a tenté d’élaborer un rapport et d’obtenir des renseignements sur les antécédents et les compétences du fonctionnaire, ainsi que d’acquérir une compréhension générale de la façon de penser et de travailler du fonctionnaire. Une partie de cette pratique consistait à établir des objectifs de travail et à en faire le suivi.

43 M. Ouellet a déterminé les objectifs suivants dans un courriel en date du 21 avril 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000059) :

[Traduction]

[…]

  1. Contribuer à la stabilité des résidences du programme FASSDDI en aidant à la résolution de conflits et au maintien de relations positives entre les résidents (p. ex. réunions des résidents des maisons, counseling individuel, programmation et travail d’équipe).
  2. Gestion des crises auprès des résidents du programme FASSDDI et des autres détenus renvoyés au programme. Aider, intervenir et consulter la direction lorsqu’un résident di programme FASSDDI vit une situation de crise.
  3. Élaboration de programmes : Élaborer des programmes qui aident les résidents des résidences du programme FASSDDI (p. ex. gestion du stress, trouble de l’humeur, groupe de yoga ou de poterie, etc.).
  4. Contribuer au processus de sélection et d’admission des délinquants dans la résidence du programme FASSDDI en provenance d’établissements externes de SCC.
  5. Planification du renvoi et de la mise en liberté : En tant que membre de l’EGC, la participation active aux aspects liés au travail de la planification de la mise en liberté et de la réinsertion sociale. Il s’agit d’un secteur dont nous devrions discuter davantage – pour préciser les rôles.
  6. Recevoir les renvois (santé mentale) en provenance des ALCE et d’autres professionnels du PCMA à Ferndale aux fins de l’intervention en situation de crise, de l’évaluation, de l’entretien et de la planification du renvoi et de la mise en liberté.
  7. Membre de l’équipe interdisciplinaire de santé mentale : participer activement en tant que membre de l’EISM à l’Établissement de Ferndale. J’ai ajouté ce dernier objectif. Veuillez passer en revue la DC no 843 pour obtenir des renseignements généraux).

[…]

44 Selon l’impression générale de M. Ouellet, le Dr Kubinski ne comprenait pas très bien SCC, ce qui, dans une certaine mesure, est normal lorsqu’une personne se joint à SCC. M. Ouellet a consacré une partie de son temps à expliquer la structure organisationnelle, les missions et les priorités ainsi que ce en quoi consisterait le rôle du fonctionnaire

45 M. Ouellet a été surpris par certains raisonnements et jugements du Dr Kubinski, et il a déclaré que sa présentation était très idéaliste, comme le ferait un étudiant universitaire en première ou deuxième année remettant en question les pratiques et « le système ». Selon M. Ouellet, le Dr Kubinski adoptait une attitude sans nuance. Il exprimait une différence entre ses points de vue et ceux de l’établissement.

46 M. Ouellet a déclaré que cela était surprenant compte tenu des nombreuses années d’expérience du fonctionnaire, il a en outre affirmé qu’il espérait qu’il s’agissait de quelque chose que l’on pourrait résoudre. Selon sa première impression, le Dr Kubinski avait des problèmes de jugements et des façons de penser qui étaient incompatibles avec le rôle, la finalité et la mission des établissements correctionnels et que cela allait à l’encontre des pratiques exemplaires dans un milieu correctionnel.

47 À titre d’exemple, M. Ouellet a déclaré que le rôle d’un travailleur social consiste à aider le client et à fournir des conseils, mais non pas à défendre ses intérêts ou à prendre position pour lui.

48 Tout au long de son interaction avec le Dr Kubinski, M. Ouellet était préoccupé par la question relative aux limites. Un exemple de cela est survenu lorsqu’un psychologue, qui menait une évaluation des risques à l’égard d’un détenu, n’a pu faire autre chose qu’afficher son grand désarroi lorsque le Dr Kubinski a tenté d’assister à l’entrevue et de se porter à la défense du détenu. Cela n’est pas une pratique de SCC. Selon l’avis du psychologue, le jugement du Dr Kubinski était compromis par le manque d’une limite adéquate par rapport au délinquant. Je signale que le défendeur n’a pas appelé ce psychologue comme témoin. M. Ouellet a perçu cette conduite comme une défense inappropriée des intérêts d’un détenu, ce qui ne fait pas partie du rôle d’un travailleur social.

49 Le Dr Kubinski a suivi une formation sur les limites par l’intermédiaire de SCC (pièce E-1, onglet 2, pages 000003 et 000004). M. Ouellet a formulé des commentaires relativement à son importance, indiquant qu’il n’avait pas suffisamment de doigts pour compter le nombre de membres du personnel qui avaient été compromis par des délinquants en raison de leur incapacité à établir des limites, allant même jusqu’à établir des relations amoureuses et à introduire de la contrebande à l’intérieur de l’Établissement de Ferndale. Cette formation fait partie du programme d’orientation des nouveaux employés, il y a une séance intitulée « Comment répondre aux comportements manipulateurs » (pièce E-2). Chaque employé doit achever un module d’autoapprentissage (pièce E-3). Le Dr Kubinski a suivi les séances de formation résumées dans le sommaire de la formation des étudiants (pièce E-4).

50 M. Ouellet a parlé de l’importance d’établir des objectifs. Il a affirmé que le Dr Kubinski avait été embauché afin de travailler avec les hommes incarcérés dans deux résidences dans le cadre du programme FASSDDI. L’Administration centrale nationale lançait l’ISME. M. Ouellet a expliqué que SCC disposait des membres du personnel avant d’avoir reçu une politique et une orientation claires de l’Administration centrale nationale. Dans son courriel en date du 21 avril 2010, M. Ouellet a établi sept objectifs de travail. Le fonctionnaire devait utiliser les dossiers des cas pour consigner les activités, ainsi que les notes versées au dossier.

51 Le Dr Kubinski a répondu par courriel le 21 avril 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000058) en déclarant qu’il devait réfléchir aux objectifs avant de les fixer et il a proposé une rencontre la semaine suivante. Il y a eu un échange d’autres courriels les 22 et 26 avril, mais il n’y a eu aucune autre rencontre entre M. Ouellet et le Dr Kubinski. M. Ouellet était surpris par le courriel du Dr Kubinski du 21 avril et croyait bien que l’affaire avait été réglée, car ils avaient eu une discussion claire et candide à propos des objectifs.

52 M. Ouellet s’est ensuite absenté de l’Établissement de Ferndale, mais y est retourné en septembre. Il a repris la supervision du fonctionnaire des mains de Wayne Reardon. Il se souvenait que certaines préoccupations avaient été soulevées à l’égard du travail du Dr Kubinski et, le 24 septembre 2010, M. Ouellet a écrit un courriel au fonctionnaire (pièce E-1, onglet 2, page 000111) pour prendre le pouls de ce qui se passait. Cette pièce contient les questions de M. Ouellet et les réponses du fonctionnaire.

53 M. Ouellet avait de graves préoccupations relativement aux réponses qu’il avait reçues du Dr Kubinski. D’après les renseignements fournis par le Dr Kubinski, il s’était vu refuser une demande de remplir un formulaire de tri à l’égard de tous les délinquants dans les maisons 10 et 11; il n’avait pas commencé un examen des programmes, car cela relevait, selon lui, de la responsabilité de la Direction de la psychologie; il consignait les interactions individuelles et en groupe à l’aide de notes, de RDI et de feuilles de calcul Excel, plutôt que dans le SGD; et il ne disposait d’aucun calendrier des activités de programmes qui avaient lieu dans les maisons 10 et 11. Il n’envoyait pas ses renseignements sur les interventions aux fins de saisie dans la base de données de suivi. Il n’avait pas communiqué ses commentaires quant à ses propres plans de formation pour les 12 prochains mois et il demandait à M. Ouellet de lui indiquer ce qui était offert. M. Ouellet a décrit un grand nombre de ces préoccupations en utilisant l’expression [traduction] « introduction au travail social », ce qui, selon mon interprétation, signifie qu’il s’agissait d’exigences de base liées au poste que le fonctionnaire ne respectait pas.

54 Dans son témoignage, M. Ouellet a fait part de ses préoccupations en date du 30 septembre 2010. La période d’évaluation commence en septembre et, au plus tard le 30 octobre, le système doit afficher tous les rapports d’évaluation du rendement établis par les superviseurs des employés. Cela signifie la rédaction d’un rapport et l’évaluation du rendement en fonction d’un ensemble d’objectifs établis au cours de l’année précédente. Pour rédiger un rapport d’évaluation du rendement, une personne doit avoir supervisé l’employé pendant plus de six mois.

55 M. Ouellet a déclaré qu’il arrive souvent qu’une personne occupe un poste de façon intérimaire et qu’une note au dossier soit rédigée par ce superviseur, mais il incombe au superviseur qui a supervisé l’employé pendant une période de six mois de rédiger le rapport d’évaluation. M. Ouellet a posé des questions à la Direction des ressources humaines et on lui a laissé entendre que M. Hammond avait rédigé le rapport.

56 Selon son témoignage, M. Ouellet a présenté les objectifs au Dr Kubinski pour qu’il les signe à 10 h le 1er octobre 2010. M. Ouellet est revenu récupérer le document à 11 h. Le Dr Kubinski ne l’avait pas signé et a déclaré qu’il voulait avoir plus de temps. M. Ouellet a exprimé sa frustration en indiquant que c’était comme d’essayer de clouer du Jell-O au mur. Selon lui, le Dr Kubinski démontrait son refus de travailler ensemble, de collaborer et d’assumer ses responsabilités.

57 Aux environs du 29 septembre 2010, le Dr Kubinski a demandé à Joy Burme, une conseillère en ressources humaines à l’Établissement de Ferndale et à l’Établissement de Mission, de lui fournir sa description de travail. Celle-ci lui a été communiquée le 30 septembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000120). Il a envoyé un autre courriel à Mme Burke le 7 octobre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 00120), dans lequel il exprimait sa préoccupation à propos de son évaluation des neuf mois à venir ainsi que de la fin de son stage probatoire dans huit semaines. Le Dr Kubinski faisait part de sa préoccupation quant au fait d’avoir relevé de cinq superviseurs différents n’ayant pas les mêmes objectifs, ainsi qu’aux objectifs et aux critères qui seraient utilisés pour évaluer son rendement.

58 M. Ouellet trouvait que les courriels du Dr Kubinski à Mme Burke étaient déconcertants compte tenu du fait qu’il avait tenté d’établir des objectifs et qu’il considérait le Dr Kubinski comme un professionnel qui faisait preuve d’un mauvais jugement et d’un manque de confiance envers le processus. Il n’avait jamais eu affaire à ce type de comportement auparavant et il était préoccupé pour lui en raison du milieu correctionnel où les personnes qui démontrent des problèmes relatifs aux limites s’exposent à un risque pour la sécurité.

59 M. Ouellet a fait part de ses préoccupations au sujet de la planification du renvoi et de la mise en liberté pour le détenu sur le point d’être libéré ainsi qu’à propos des types de questions que le Dr Kubinski avait posées à Mme Sloat dans un courriel en date du 28 avril 2010. Mme Sloat avait renvoyé le Dr Kubinski aux lignes directrices de l’ISME dans le site Web du Secteur des services de santé de SCC. Selon la description de M. Ouellet, les principales priorités de la planification du renvoi et de la mise en liberté sont la santé, les aliments et le logement. Il a qualifié cela de travail social de base et a déclaré que le Dr Kubinski aurait dû être connaître ces documents et qu’il n’aurait dû éprouver aucune difficulté à trouver les documents et à élaborer un plan de traitement. Il a indiqué qu’il s’agissait de tâches de base pour un travailleur social, notamment pour quelqu’un comme le Dr Kubinski, qui prétendait avoir de nombreuses années d’expérience en tant que travailleur social dans un milieu correctionnel.

60 Dans un courriel en date du 2 juin 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000098), M. Ouellet a soulevé auprès du fonctionnaire l’importance de lui communiquer un rapport hebdomadaire sur les heures supplémentaires. Ces heures seraient saisies dans le système de gestion des ressources humaines à titre de temps compensatoire. À quelques reprises, le Dr Kubinski avait travaillé plus d’heures que le temps approuvé et avait quitté les lieux sans en informer un superviseur.

61 Dans son témoignage, M. Ouellet a fait référence à une autre situation concernant une entrevue menée dans le cadre de l’arrivage éventuel d’un détenu le 16 septembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000109), à l’unité de détention provisoire à l’Établissement de Matsqui, à l’extérieur de l’Établissement de Ferndale. M. Ouellet a exprimé des préoccupations quant au fait qu’il ne savait pas que le Dr Kubinski avait rencontré quelqu’un en dehors du site et à propos de l’identité de la personne qu’il avait rencontrée. Le courriel ne comprenait aucun renseignement quant à l’admissibilité du détenu dans les maisons 10 et 11, aucun renseignement sur le caractère gérable de celui-ci s’il était transféré et aucune indication selon laquelle le Dr Kubinski avait consulté la base de données des RADAR. M. Ouellet a déclaré que, s’il s’agissait d’un renvoi approprié, le fonctionnaire devait réunir les renseignements de base, établir les faits et formuler une recommandation si l’arrivage éventuel d’un détenu était admissible à la maison de santé mentale à l’Établissement de Ferndale.

62 M. Ouellet a fait référence à un déplacement en dehors du site effectué par le Dr Kubinski le 21 octobre 2010, annoncé dans un courriel (pièce E-1, onglet 2, page 000124), qui indiquait uniquement [traduction] « Chris au CRT lundi matin – de retour aux environs de midi » et qui n’indiquait aucune raison expliquant son absence du site. Le Dr Kubinski a fourni des renseignements plus tard ce jour-là. Il a témoigné qu’il n’avait plus de contact avec M. Ouellet relativement à cette question après sa réponse par courriel.

63 M. Ouellet a mentionné une série de courriels portant sur l’exigence de suivre un cours obligatoire à l’École de la fonction publique du Canada à laquelle était assujetti le fonctionnaire. Plutôt que de communiquer avec l’école, il avait communiqué avec Mme Sloat pour savoir comment s’inscrire. M. Ouellet a trouvé qu’il était surprenant que le Dr Kubinski communique avec une cadre supérieure à ce sujet.

64 M. Ouellet a souligné ses préoccupations à propos du rendement au travail du Dr Kubinski et de son incapacité de répondre aux normes minimales auprès de Mme Demers, Ressources humaines à l’Administration centrale nationale, le 25 novembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000145). Il a consigné son point de vue sur le refus du Dr Kubinski d’accepter les objectifs, y compris ce qu’il considérait comme un refus délibéré d’une rencontre, qui était prévue le 8 octobre 2010.

65 Le 8 octobre 2010, le Dr Kubinski a rédigé un courriel à l’intention de M. Ouellet (pièce E-1, onglet 2, page 000147), dans lequel il indiquait qu’il appuyait un détenu à l’occasion d’une audience de la Commission nationale des libérations conditionnelles et qu’ensuite, s’il ne se sentait pas mieux, il retournerait chez lui. Il s’excusait si la réunion sur le rendement devait être reportée. Dans son contre-interrogatoire, M. Ouellet a déclaré qu’il s’agissait de la seule date à laquelle il était disponible, car il retournait à son poste d’attache. M. Ouellet n’avait aucun renseignement permettant de contredire la maladie du Dr Kubinski, mais ce dernier se trouvait à une audience de la Commission nationale des libérations conditionnelles et il s’est ensuite absenté alors qu’il était censé avoir une discussion importante avec M. Ouellet à propos des objectifs. M. Ouellet croit que le Dr Kubinski avait un motif secret pour ne pas le rencontrer. Selon mon interprétation de cette dernière affirmation, M. Ouellet croyait que le Dr Kubinski avait délibérément évité de participer à la discussion sur les objectifs.

66 M. Ouellet a fait part de sa préoccupation selon laquelle le Dr Kubinski avait un problème d’attitude de base en ce sens qu’il se voyait lui-même comme un défenseur des délinquants et qu’il considérait que ceux-ci avaient besoin de protection contre son employeur. Il était préoccupé par le fait que le Dr Kubinski éprouvait des problèmes relatifs aux limites, ce qui le mènerait éventuellement à être compromis. On lui a offert une orientation et du soutien dont il n’a pas su tirer avantage.

67 Dans son contre-interrogatoire, M. Ouellet a admis que son bureau physique se trouvait à l’Établissement de Mission, mais qu’il avait également un bureau à l’Établissement de Ferndale, auquel il se rendait régulièrement pour des réunions et qu’il avait l’habitude d’y prendre contact avec les membres du personnel.

68 M. Ouellet a admis que le Dr Kubinski l’avait informé d’un incident où un garde avait eu une relation intime avec un détenu, prétendant qu’il existait une relation avec un agent correctionnel à un établissement différent en Alberta, et que tous deux se trouvaient alors à l’Établissement de Ferndale. Le détenu a été envoyé au CRT pour être stabilisé, puis il a été transféré à l’Établissement William Head, à Victoria, en C.-B. M. Ouellet avait indiqué au Dr Kubinski d’accompagner le détenu dans l’unité résidentielle pour récupérer des lettres et des photos. Peu de temps après cela, le détenu a été placé dans une cellule de détention près de l’agent de service. Selon des allégations, M. Ouellet aurait dit au Dr Kubinski de ne rien indiquer par écrit dans le SGD. Le Dr Kubinski avait déjà indiqué certains renseignements dans le SGD et M. Ouellet lui a dit de ne pas en indiquer davantage. M. Ouellet a déclaré qu’il n’était pas approprié d’inscrire ces renseignements confidentiels dans le SGD, auxquels peuvent éventuellement accéder 25 000 employés de SCC. Ces renseignements auraient dû être indiqués dans un rapport d’observation ou déclaration d’un agent, ce qui est indiqué dans la politique, et ce rapport aurait été versé au dossier de sécurité préventive.

69 M. Ouellet a convenu qu’il n’avait jamais demandé au fonctionnaire de signer la description de travail nationale générique (pièce G-4). Il voulait que le fonctionnaire signe les objectifs qui lui avaient été présentés.

70 M. Ouellet a été interrogé au sujet d’un courriel de Mme Tyler, chef régionale, Relations de travail, SCC, en date du 1er décembre 2010 (pièce G-6), dans lequel elle demandait si quiconque avait déjà informé le Dr Kubinski, verbalement ou par écrit, qu’il ne faisait pas son travail correctement. M. Ouellet a répondu dans un courriel détaillé en date du 1er décembre 2010, dans lequel il concluait [traduction] « […] dans la mesure où je suis concerné, oui, il l’a été de nombreuses façons et à maintes reprises ».

71 M. Ouellet a nié les affirmations du Dr Kubinski selon lesquelles il n’avait pas consacré beaucoup de temps à ses interactions avec le Dr Kubinski. M. Ouellet a indiqué qu’un grand nombre de rencontres étaient informelles – 15 minutes ici et là – et qu’elles avaient eu lieu dans le cadre de consultations des cas. Il n’a pas consigné toutes ses communications; s’il l’avait fait, il y aurait consacré tout son temps.

72 Lorsqu’on lui a posé des questions à propos des problèmes relatifs aux limites, M. Ouellet a mentionné une situation dans laquelle le Dr Kubinski menait ses activités dans son bureau pendant que les fenêtres étaient ouvertes. Les détenus en profiteront pour se réunir à l’extérieur dans un secteur comme celui-ci pour obtenir des renseignements, qu’ils utiliseront par la suite. M. Ouellet l’a rappelé au Dr Kubinski, mais n’a pas consigné cette discussion par écrit. M. Ouellet a mentionné un autre problème relatif aux limites dans lequel le Dr Kubinski a cherché à participer à une entrevue d’évaluation, prenant le rôle de défenseur du détenu, qui est survenu en avril 2010. Il n’a pas consigné cet événement par écrit et il n’a pas donné une réprimande formelle ni imposer une mesure disciplinaire au Dr Kubinski. M. Ouellet a expliqué qu’il est important de faire preuve de soin et de tact pour parvenir au bon équilibre. Il a dit qu’il est difficile de recruter et de maintenir en poste des professionnels en santé mentale dans le milieu correctionnel. M. Ouellet a indiqué qu’il avait donné des directives au Dr Kubinski, à l’égard desquelles il n’a pas fait de suivi, mais ne lui a donné aucun ordre. Il a indiqué que, contrairement à un commis qui a besoin d’ordres précis, on devrait donner uniquement une orientation générale à un professionnel quant à ce qu’il doit faire.

73 En contre-interrogatoire, M. Ouellet a relevé deux cas dans lesquels le Dr Kubinski n’a pas consigné adéquatement les interactions avec les détenus. Ces cas sont présentés dans le courriel de M. Ouellet à l’intention de Mme Tyler en date du 25 novembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000149). Dans le SGD, il n’y avait aucune trace de la visite du Dr Kubinski au CRT à deux délinquants le 1er octobre 2010. Les renseignements qu’il avait consignés concernaient ses interactions avec le détenu éventuellement admissible aux environs du 17 octobre 2010 étaient, en règle générale, inférieures à la norme. Je signale qu’une rétroaction écrite a été communiquée au Dr Kubinski sur ces points, mais qu’il n’a reçu aucun avertissement ou aucune réprimande par écrit.

74 Dans son contre-interrogatoire, on a renvoyé M. Ouellet aux Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor (pièce E-1, onglet 9) (les « lignes directrices »). Il avait déjà vu ce document, mais a déclaré qu’il ne pouvait pas [traduction] « le réciter par cœur ». Il souscrivait aux procédures suivantes :

[…]

Les gestionnaires et le superviseur devraient s’assurer que le stagiaire :

  • Connaît les fonctions et exigences particulières du poste;
  • Est au courant des normes de rendement et des normes de conduite;
  • Est avisé lorsqu’il doit améliorer son rendement ou sa conduite;
  • Reçoit la formation nécessaire pour exercer les fonctions du poste.

[…]

75 Il souscrivait également aux Lignes directrices selon lesquelles [traduction] « [l]a décision de renvoyer une personne en cours de stage devrait être fondée sur des motifs objectifs et démontrables et non pas être prise de façon arbitraire et discriminatoire ou de mauvaise foi ».

76 En contre-interrogatoire, M. Ouellet a déclaré qu’un autre superviseur, M. Reardon, l’avait assuré que le Dr Kubinski n’avait pas rempli les formulaires de tri en matière de santé mentale pour les délinquants des maisons 10 et 11, il s’agit d’une tâche de base. Il semble qu’il est important de procéder au tri des détenus pour évaluer les risques et fournir des services appropriés. Il est également important de démontrer que ce travail a été effectué en le consignant.

77 On a renvoyé M. Ouellet à l’extrait suivant tiré de la page 10 du document intitulé [traduction] Un guide sur l’évaluation du rendement à Service correctionnel Canada, août 2009 (le « Guide » : [traduction] « Pendant un stage probatoire, les superviseurs devraient rencontrer régulièrement les employés à intervalles réguliers pour discuter du rendement ». Il a concédé qu’aucune rencontre officielle n’avait eu lieu, mais que chaque employé doit faire preuve de collaboration. Il a déclaré avoir exprimé beaucoup de préoccupations, avoir donné des directives et que, s’il était resté plus longtemps à l’Établissement de Ferndale, il aurait rencontré le fonctionnaire à propos de son rendement.

78 M. Ouellet a admis qu’il n’avait pas officiellement observé les interactions du Dr Kubinski avec les détenus. M. Ouellet a admis qu’il n’avait pas rencontré le Dr Kubinski de façon officielle pour l’informer qu’il ne respectait pas la politique. M. Ouellet a déclaré qu’il avait effectivement donné des directives au Dr Kubinski sur les heures supplémentaires et sur le fait de remplir un rapport d’observation ou déclaration d’un agent concernant le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel.

79 Dans le réinterrogatoire, M. Ouellet a expliqué que l’Établissement de Ferndale et l’Établissement de Mission sont adjacents et qu’ils partagent une barrière de sécurité. L’Établissement de Ferndale se trouve à deux minutes de route de l’Établissement de Mission. M. Ouellet s’y rendait de deux à trois jours par semaine aux fins des séances d’information sur les opérations et de prendre contact avec les membres du personnel.

80 Dans le réinterrogatoire, M. Ouellet a expliqué la nécessité d’avoir des objectifs lorsque, comme c’est le cas du fonctionnaire, le poste a une description de travail générique. Cette description parle des principales activités de façon générale, mais les objectifs étaient propres au site et aux programmes à l’Établissement de Ferndale.

3. Mme Dhaliwal

81 La Dre Dhaliwal est devenue la psychologue en chef intérimaire pour l’Établissement de Mission et l’Établissement de Ferndale au début d’octobre 2010. Le Dr Kubinski travaillait dans le cadre de l’ISME en tant que travailleur social clinique. Elle était la psychologue en chef intérimaire lorsque le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage probatoire. À l’époque, ce dernier relevait directement d’elle aux fins de la supervision, mais le modèle de gouvernance était différent.

82 La Dre Dhaliwal a déclaré que l’ISME était une initiative nouvelle. On ne l’a pas avertie à propos du fonctionnaire et aucune préoccupation particulière n’avait été soulevée à son égard à l’époque où elle a commencé à occuper son poste intérimaire.

83 On a demandé à la Dre Dhaliwal de veiller à ce que le Dr Kubinski signe un ensemble d’objectifs. Elle a déclaré que cela a été difficile, qu’elle n’a jamais réussi à conclure une entente avec lui et qu’il n’a jamais signé les objectifs. Elle lui a envoyé un ensemble d’objectifs aux fins de signature le 15 novembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000141).

84 La Dre Dhaliwal a passé en revue les objectifs en pièce jointe au courriel du 15 novembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000142). Elle a déclaré qu’elle avait très peu de rencontres sur place avec le fonctionnaire et qu’il avait effectivement atteint les objectifs suivants :

  • il a acquis une connaissance des routines de l’emplacement ainsi que des rôles et responsabilités des membres de l’équipe interdisciplinaire;
  • il a participé aux réunions appropriées à l’établissement ou dans la collectivité (p. ex. réunions de l’équipe de santé mentale de l’établissement, les conférences sur les cas, les réunions des membres du personnel, etc.);
  • il a contribué à la stabilité des maisons 10 et 11 en aidant à la résolution de conflits et au maintien de relations positives entre les résidents (p. ex. réunions des résidents des maisons, counseling individuel, programmation et travail d’équipe, etc.).

85 La Dre Dhaliwal a indiqué que le fonctionnaire n’avait pas fait ce qui suit :

  • élaborer des séances de sensibilisation essentiellement axée sur la santé mentale;
  • élaborer des programmes aidant les délinquants ayant des troubles mentaux, notamment ceux résidant dans les maisons 10 et 11 (p. ex. gestion du stress, aide à la gestion des troubles de l’humeur, yoga, groupe de poterie, etc.);
  • lui envoyer des ébauches de rapport aux fins de saisie dans le SGD;
  • effectuer la collecte des données pour la base de données de suivi sur la santé mentale;
  • présenter un calendrier trimestriel des activités à inscrire dans le calendrier des activités ou des opérations de l’Établissement de Ferndale;
  • présenter une liste mensuelle des partenaires communautaires ou des registres des activités ou des communications.

86 La Dre Dhaliwal n’a pas été en mesure d’évaluer si le fonctionnaire avait effectué ce qui suit :

  • mettre sur pied et entretenir un groupe-témoin à partir de la population actuelle des délinquants à l’établissement;
  • travailler en collaboration avec le personnel de gestion des cas afin de promouvoir le travail d’équipe en vue d’atteindre les objectifs de l’ISME;
  • entreprendre et réintégrer la planification pour les délinquants ayant des problèmes de santé mentale.

87 La Dre Dhaliwal a déclaré avoir eu très peu d’interactions avec le fonctionnaire. Les principales préoccupations concernaient l’exercice de ses fonctions réelles et le fait de les superviser. Le fonctionnaire avait l’habitude d’indiquer qu’il était à l’extérieur, mais il n’y avait ni horaire ni compréhension de son horaire quotidien. Selon sa description, il se précipitait tout simplement à faire des trucs. La Dre Dhaliwal a affirmé qu’elle lui avait rappelé de signaler ses heures supplémentaires et d’obtenir une approbation préalable pour celles-ci et qu’il avait éprouvé des difficultés à le faire. Elle ne l’a toutefois pas consigné.

88 En contre-interrogatoire, la Dre Dhaliwal a admis que son bureau se trouvait dans l’Établissement de Mission, non pas dans l’Établissement de Ferndale. Elle n’a pas été en mesure de confirmer le nombre de rencontres qu’elle avait eu avec le fonctionnaire pendant la période au cours de laquelle elle l’avait supervisé. La Dre Dhaliwal a confirmé qu’elle ne l’avait jamais vu interagir avec des détenus. Elle a déclaré qu’il n’avait jamais refusé d’entreprendre une tâche qui lui avait été assignée. Elle ne se rappelait pas avoir eu des préoccupations particulières à propos des tâches liées à son travail. Elle n’a eu aucun motif de le réprimander. Elle ne l’a pas informé de lacunes dans son rendement. Elle se souvenait effectivement avoir eu affaire à lui au sujet de la signature des objectifs, ainsi que des politiques relatives aux congés et aux heures supplémentaires.

89 La Dre Dhaliwal ne se souvenait pas d’une conversation qu’elle avait eue avec le représentant du fonctionnaire le 4 janvier 2011. Les notes de l’avocat du fonctionnaire sur son entrevue téléphonique, comme suit, ont été admises en preuve par consentement mutuel (pièce G-11) :

[Traduction]

Je traitais avec lui au sujet de ses objectifs de travail. C’était difficile. C’était l’un des problèmes avec lesquels les superviseurs de MK ont eu à composer. J’ai parlé au superviseur précédent. Je n’ai obtenu aucun résultat.

L’ACR est intervenue.

Mon rôle était limité. À certains égards, je commençais à éprouver de la frustration.

90 La Dre Dhaliwal a confirmé ne jamais avoir reçu de rapport du SGD en provenance du fonctionnaire. Elle n’a consigné par écrit aucune directive s’adressant à lui. Elle a confirmé qu’elle ignorait ce qu’il faisait au quotidien. Par exemple, il pourrait avoir offert des séances sur la santé mentale sans qu’elle en soit informée.

4. M. Williams

91 M. Williams occupe actuellement le poste de gestionnaire des programmes intérimaire à l’Établissement de Mission. Au moment pertinent du présent grief, il était gestionnaire de l’évaluation et des interventions à l’Établissement de Mission. À l’époque pertinente, il se trouvait à l’Établissement de Mission pour la période d’octobre 2009 à novembre 2011. Il supervisait les agents de libération conditionnelle et les agents de gestion des cas, en plus de superviser le service de gestion des cas à l’Établissement de Mission. Il n’était pas le superviseur direct du Dr Kubinski, mais le Dr Kubinski travaillait avec les agents de libération conditionnelle qu’il supervisait.

92 Lorsque M. Hammond s’absentait du travail, M. Williams occupait par intérim le poste de directeur adjoint, Interventions. Il avait des contacts avec le fonctionnaire relativement à la plupart des enjeux quotidiens entourant l’ISME. On lui a signalé un courriel qu’il avait envoyé à M. Reardon, le superviseur du Dr Kubinski, le vendredi 30 juillet 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000071). Lorsqu’il est arrivé au travail, il y avait un message vocal du Dr Kubinski indiquant qu’il prenait une journée de congé en raison d’un rendez-vous chez le dentiste. Rien dans l’appel n’indiquait qu’il s’agissait d’une urgence et M. Williams a renvoyé l’appel à M. Reardon pour qu’il fasse un suivi. Il a affirmé que les rendez-vous chez le dentiste non urgent doivent être prévus, ce qui signifie que le rendez-vous du fonctionnaire n’était pas un motif acceptable pour justifier son absence. Ce jour-là, un délinquant ayant des troubles de santé mentale arrivait en provenance du CRT et une réunion importante de la gestion des cas avait été prévue pour veiller à l’intégration sans heurt du délinquant à l’Établissement de Mission, un établissement à sécurité minimale et ouvert. En contre-interrogatoire, M. Williams a concédé qu’il était possible que le Dr Kubinski ait eu un problème dentaire urgent, mais son message ne comprenait aucun renseignement pour justifier le congé; la question de savoir s’il était légitime ou non devait être tranchée par M. Reardon.

93 Il est évident que M. Williams n’a pas approfondi auprès du Dr Kubinski les motifs de son absence ce jour-là. Puisque M. Reardon, le superviseur du Dr Kubinski n’a pas été appelé comme témoin, il n’y a aucune preuve selon laquelle M. Reardon en a discuté avec le fonctionnaire. Le Dr Kubinski a par la suite témoigné qu’il s’était cassé une dent, ce qui lui causait une certaine douleur et qu’il devait s’en occuper. Son superviseur, M. Reardon, ne lui en a pas parlé.

94 M. Williams a reçu la tâche de préparer une note d’information pour l’évaluation de la rémunération au rendement du directeur. L’un des objectifs du directeur portait sur les délinquants ayant des problèmes de santé mentale. Il avait besoin de renseignements du Dr Kubinski pour achever cette tâche.

95 M. Williams avait préparé une ébauche de courriel et avait demandé au Dr Kubinski de venir à son bureau pour en discuter.

96 M. Williams a consigné ses demandes de renseignements dans l’ébauche d’un courriel (pièce E-1, onglet 2, page 000138), dont il a discuté verbalement avec le Dr Kubinski dans son bureau. Il a demandé ce qui suit au fonctionnaire :

  • un calendrier de trois mois décrivant les activités et les réunions dans les maisons du FASSDDI;
  • des renseignements sur ce qui a été accompli dans les maisons;
  • l’échéancier et la date d’exécution des procédures de sélection et de la mise en œuvre du projet;
  • ses coordonnées.

97 Lorsque M. Williams a passé en revue l’ébauche du courriel avec le Dr Kubinski, le fonctionnaire est devenu agressif, déclarant qu’il s’agissait d’une question relevant de la discipline et du rendement. M. Williams a poursuivi en lui disant que ce n’était pas le cas et que ces renseignements étaient requis aux fins de l’évaluation de la rémunération au rendement du directeur. Le Dr Kubinski a quitté son bureau.

98 Le matin suivant, M. Williams a envoyé un courriel au Dr Kubinski pour lui demander une rencontre. Il ne se souvenait pas s’il avait reçu une réponse, mais il s’est rendu au bureau du Dr Kubinski. Ce dernier a refusé de venir à la porte et a parlé à M. Williams à travers la porte fermée. Le Dr Kubinski a informé M. Williams qu’il était trop occupé. M. Williams a ouvert la porte du bureau du Dr Kubinski à l’aide d’un passe-partout. M. Williams a informé le Dr Kubinski qu’il souhaitait avoir une rencontre avec lui. Le Dr Kubinski se tenait à quatre ou cinq pas. La porte était ouverte à un angle d’environ 60 degrés. Le Dr Kubinski s’est levé et a tenté de pousser M. Williams à l’extérieur de la porte en refermant la porte sur ce dernier. M. Williams est parti et est allé chercher un représentant de l’agent négociateur. La rencontre s’est déroulée en présence d’un représentant. Cependant, M. Williams a expliqué avoir communiqué avec un représentant du mauvais agent négociateur.

99 M. Williams a indiqué qu’il était surpris par l’incident. Il ne prenait aucune mesure disciplinaire à l’encontre du Dr Kubinski, et c’est exactement ce qu’il lui a répété à plusieurs reprises. Il a déclaré que, en tant que gestionnaire, il avait observé que le Dr Kubinski était trop près des détenus et qu’il avait franchi des limites. Il s’agissait d’un plus long échange de nature négative qu’il avait eu avec le Dr Kubinski.

100 En contre-interrogatoire, M. Williams a expliqué qu’il était présent aux séances d’information du matin à l’Établissement de Ferndale. Il a décrit son poste comme se situant [traduction] « en deçà des gestionnaires, entre le personnel d’exécution et les cadres supérieurs ». Il a déclaré que les détenus mentors ne constituaient pas un sujet de discussion régulier et que, si son nom a été mentionné, il l’avait été relativement à ce dont on avait discuté.

101 M. Williams a déclaré que le fait de s’en prendre physiquement à un gestionnaire est un incident plutôt grave. Il a indiqué qu’on aurait probablement dû faire quelque chose à propos de cet incident, car il s’agissait d’une question disciplinaire.

102 M. Williams a indiqué qu’à l’Établissement de Ferndale, puisqu’il s’agit d’un établissement à sécurité minimale, on n’encourage pas les membres du personnel à verrouiller les portes, notamment lorsqu’un détenu se trouve dans le bureau, car une porte verrouillée peut devenir un obstacle en cas d’incident. Les détenus ne bénéficient pas d’un accès immédiat au secteur où se situe le bureau du Dr Kubinski.

103 M. Williams ne se souvenait pas s’il avait consigné cet incident par écrit immédiatement après qu’il est survenu en février et a constaté qu’il ne figurait pas dans le recueil des pièces (pièce E-1). Il a rédigé un courriel à l’intention de M. Hammond à propos de cet incident le 7 septembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000138).

104 M. Williams a préparé un affidavit au nom du défendeur relativement au grief déposé par le détenu mentor. M. Williams a témoigné que le programme de santé mental était annulé et que tous les détenus mentors avaient été exclus de la maison. Il ne se souvenait d’aucun incident où l’avocat du détenu mentor avait communiqué avec le Dr Kubinski en septembre 2010.

105 Puisque l’incident à proximité de la porte n’était pas clair, j’ai posé quelques questions à M. Williams. En guise de réponse, M. Williams a expliqué qu’il avait un poids de 95 kilogrammes au moment de l’incident et que le Dr Kubinski avait poussé la porte contre son corps, ce qui avait fait en sorte de le déplacer dans le cadre de porte.

106 J’ai donné aux deux représentants l’occasion d’interroger M. Williams au sujet de cet autre élément de preuve. En réponse à une question posée par le représentant du Dr Kubinski, M. Williams a nié le fait qu’il ne s’agissait que d’une conversation et qu’il n’avait pas été poussé. Le représentant du défendeur n’avait pas de question sur ce sujet.

5. Mme Gaskell

107 Mme Gaskell occupait, pendant la période pertinente, le poste de directrice régionale des Services de santé, responsable des services de santé de la région du Pacifique de SCC et était classée au niveau EX-02. Elle faisait également partie de l’équipe des cadres sur la santé, qui établit l’orientation ou les Services de santé. Elle n’a jamais rencontré le fonctionnaire.

108 Mme Gaskell a décrit que, en vertu de l’ISME, les Services de santé étaient responsables du poste du fonctionnaire, mais n’assumait aucune responsabilité quant aux membres du personnel. Il n’existait aucun lien hiérarchique entre le fonctionnaire et Mme Gaskell.

109 Mme Gaskell a rédigé la lettre d’offre d’emploi au Dr Kubinski ainsi que la lettre de renvoi en cours de période de stage probatoire le 1er décembre 2010 (pièce E-1, onglet 4). La lettre de renvoi en cours de stage a été signée en son nom par une autre personne, car elle était absente du bureau, cependant, elle était informée du contenu de la lettre et l’avait approuvé. Elle a été informée des problèmes par Mme Sloat.

110 Mme Gaskell a indiqué que la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de période de stage probatoire était fondée uniquement sur les motifs présentés dans la lettre. Elle ne l’a pas renvoyé en cours de stage probatoire en raison du fait qu’il avait déposé un affidavit dans le cadre d’une action en justice intentée par le détenu mentor. Elle n’en était pas informée.

111 En contre-interrogatoire, Mme Gaskell a admis avoir rencontré le fonctionnaire à l’occasion de la rencontre de règlement du grief au premier palier. Elle a admis s’être fiée aux renseignements fournis par d’autres lorsqu’elle a rédigé la lettre de renvoi. Elle savait que le fonctionnaire avait eu plus de deux à trois superviseurs pendant sa période d’emploi. Elle a convenu que la période probatoire permet au superviseur immédiat de constater si l’employé est un bon candidat pour l’organisation et les clients. On l’a renvoyée au Guide (pièce G-7) et elle a convenu qu’il incombe au superviseur immédiat d’évaluer le rendement de l’employé pendant sa période de stage probatoire.

112 Mme Gaskell a témoigné que le fonctionnaire n’avait pas signé un ensemble d’objectifs. Elle croyait que des évaluations verbales du rendement avaient été effectuées à son égard, mais que la Dre Dhaliwal n’avait pas effectué une évaluation officielle.

113 Mme Gaskell a convenu qu’elle n’était pas informée de réprimandes quelconques à l’endroit du Dr Kubinski. Elle a convenu, selon les lignes directrices (pièce E-1, onglet 9), qu’un employé doit recevoir une rétroaction et qu’il est important que les employés reçoivent une rétroaction. Elle croyait que M. Ouellet avait consacré passablement de temps avec le fonctionnaire au sujet de sa relation avec les clients et le défendeur. Mme Gaskell a déclaré qu’elle aurait été surprise si le fonctionnaire avait reçu une description de travail uniquement le 20 septembre 2010, mais elle a indiqué qu’elle savait, d’après ce que d’autres lui avaient dit, que ses superviseurs lui avaient donné des directives.

6. Dr Kubinski

114 On a informé le Dr Kubinski aux environs du 9 février 2010 qu’il travaillerait à l’Établissement de Ferndale. Il a indiqué qu’il ne savait pas avec certitude qui était son superviseur lorsqu’il a commencé à y travailler. Mme Sloat l’a embauché. Le Dr Kubinski a déclaré qu’il a rencontré le Dr Evan Lopez à un moment quelconque en février et que ce dernier lui a dit qu’il était son superviseur, mais ils ne se sont rencontrés qu’une seule fois.

115 Le Dr Kubinski a témoigné qu’il n’avait reçu aucune description de travail pendant sa première semaine d’emploi. Il a en a reçu une lorsqu’il en a fait la demande en septembre 2010. Je signale que le grief dont je suis saisi n’est pas un grief relatif à une description de travail.

116 Le fonctionnaire a reçu une orientation pour l’Établissement de Ferndale, ce qui comprenait une visite des lieux et une rencontre avec les détenus, le directeur et M. Hammond. Il comprenait, d’après ce que lui avait dit Mme Sloat, qu’il fournirait des services de travail social au programme qui y était exécuté.

117 Après environ un mois de son entrée en fonction dans le poste, le Dr Kubinski a demandé une révision de son taux de traitement à la nomination (pièce E-5). Il a passé en revue ses titres de compétence. Il est titulaire d’un baccalauréat, d’une maîtrise et d’un doctorat. Il compte 30 années d’expérience en tant que travailleur social. Il est membre du BC College of Social Workers depuis 1996 et est lié par son code de déontologie (pièce G-8). Il a travaillé au Canada, en Australie et aux États-Unis, principalement dans un milieu communautaire, mais également dans un milieu correctionnel. Dans le cadre de son diplôme en travail social, il a travaillé avec des agents de libération conditionnelle ainsi que dans un établissement correctionnel en Australie. Aux États-Unis, il était lié à un collège communautaire qui offrait des programmes dans des prisons de comté à sécurité minimale, moyenne et maximale dans la région de Portland, en Oregon. Il était situé dans les prisons et était responsable de tous les programmes, dont la supervision du personnel. Selon son affirmation, il a servi des milliers de détenus pendant les 11 ou 12 années qu’il a passées à cet endroit.

118 Le Dr Kubinski a expliqué son concept de limites. Selon son concept, il s’agit de ce qui est partagé avec les clients et de ce qui ne l’est pas. Il a affirmé que cela est important dans le milieu correctionnel en raison de la nature des clients, qui peuvent être manipulateurs.

119 Le fonctionnaire a déclaré compter 30 années d’expérience de travail avec des populations à risque élevé. Il n’a jamais dépassé ses limites et personne à SCC n’a soulevé de problèmes liés aux limites auprès de lui.

120 Pour ce qui est de la question relative à CORCAN, le Dr Kubinski a témoigné qu’il n’acceptait pas le fait que M. Hammond avait des préoccupations quant à son interaction avec CORCAN. Il a témoigné qu’il était bien au fait de l’importance d’entretenir les relations entre les ministères. Il a indiqué que CORCAN n’avait pas reçu copie de sa communication et que ni M. Hammond ni son superviseur n’avaient exprimé de préoccupation à propos de son interaction avec les gens de CORCAN. Son courriel en date du 4 mars 2010 à l’intention de M. Hammond se lit en partie comme suit (pièce E-1, onglet 2, page 000005) :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne la subvention de CORCAN – nous en étions au stade, Silvia Ehrke (travailleuse sociale) et moi, de nous rencontrer aujourd’hui pour mettre au point la programmation en matière de santé mentale. Notre plan était de lancer le programme au début de la semaine prochaine. Nous avons consacré beaucoup d’effort à ce projet.

Selon tous les indicateurs, CORCAN allait fournir le soutien négocié auquel ils avaient convenu. Cependant, Laura Maddess (CORCAN) a écrit il y a quelques heures; « Nous avons décidé de ne pas financer ce contrat […] » (voir la correspondance ci-dessous).

Selon mes attentes, lorsqu’une personne dit qu’elle fera quelque chose, cette chose se fait. Il est impossible de fonctionner si nous ne sommes en mesure de nous fier aux autres secteurs et ministères pour agir.

Les excuses de dernières minutes présentées ne semblent pas légitimes et semblent simplement constituer un moyen pour se retirer de leurs ententes verbales et écrites.

J’ai fait ce que j’ai pu et il semble que la correspondance avec CORCAN a cessé de leur côté. Je crois que c’est maintenant une affaire qui relève de la direction.

Que pouvons-nous faire?

[…]

121 Le Dr Kubinski n’avait pas vu un courriel de Mme Daniels en date du 30 mars 2010 adressé à M. Hammond et à M. Ouellet (pièce E-1, onglet 2, pages 000011 et 000012) et n’était pas informé des préoccupations de Mme Daniels relativement à l’annulation des laissez-passer de véhicules. Cependant, il doit avoir été au courant de la situation, car il l’a soulevée auprès de Mme Daniels.

122 La superviseure du fonctionnaire n’a pas discuté de problèmes avec lui relativement à une entrevue avec le détenu éprouvant des difficultés le 13 avril 2010 (pièce E-1, onglet 2, pages 000013 et 000014). Selon la préoccupation soulevée par Mme Daniels auprès de Mme Demers à l’époque, le Dr Kubinski, en tant que travailleur en santé mentale affecté à ce cas très médiatisé concernant un délinquant potentiellement violent, avait peu de renseignements, voire aucun, quant au fait que le détenu éprouvait des difficultés.

123 Le Dr Kubinski a témoigné qu’il connaissait le détenu, car il figurait dans le groupe-témoin à long terme du fonctionnaire. Il a déclaré qu’il devait avoir des notes sur le cas et qu’elles ne figuraient pas dans la pièce.

124 En réponse à l’incident concernant M. Williams en février 2010, le Dr Kubinski a déclaré que M. Williams n’avait pas demandé à le rencontrer. Le Dr Kubinski a témoigné que M. Williams était venu dans son bureau et lui avait dit qu’il croyait que le fonctionnaire était manipulé par certains détenus. Le Dr Kubinski trouvait que M. Williams était très agressif; il se tenait au-dessus du fonctionnaire et lui parlait très fort. Il a dit qu’il y a eu une discussion, dont il n’arrivait pas à se souvenir des détails. Selon sa déclaration, en quittant le bureau, M. Williams a placé son pied dans le cadre de porte pendant que le fonctionnaire tentait de la fermer. Le pied de M. Williams est entré en contact avec la porte. Le Dr Kubinski a nié avoir poussé ou bousculé M. Williams.

125 Le fonctionnaire a dit que, le jour suivant, M. Williams est entré sans frapper [traduction] « ce dont il avait l’habitude ». Il était en désaccord avec M. Williams et a dit que toutes les portes devraient être verrouillées dans un établissement correctionnel, plus particulièrement les portes des bureaux des travailleurs sociaux, car des dossiers de nature délicate s’y trouvent. L’exception est lorsqu’un détenu est interviewé; alors, la porte devrait être déverrouillée.

126 Le fonctionnaire a déclaré que M. Williams lui a dit qu’il voulait le rencontrer. Le Dr Kubinski lui a répondu que ce serait bien, mais qu’il voulait avoir le soutien d’une personne ou d’un représentant de son agent négociateur, car il sentait M. Williams agressif à son endroit. Les parties se sont rencontrées après que l’on a appelé un délégué syndical. Le Dr Kubinski a indiqué que ni sa superviseuse ni une personne de la direction ne l’avaient rencontré pour en discuter.

127 Le Dr Kubinski a admis avoir eu une longue discussion avec M. Ouellet à la suite d’une réunion opérationnelle le 21 avril 2010, et que le courriel de M. Ouellet résumait de façon précise leur discussion (pièce E-1, onglet 2, pages 000059 à 000061).

128 Le fonctionnaire a indiqué avoir rencontré M. Ouellet le 26 avril 2010 et que la fois suivante où quelqu’un a parlé avec lui des objectifs de rendement était le 1er septembre 2010.

129 Le Dr Kubinski a signalé qu’il était en vacances entre le 18 juin et le 21 juillet. Lorsqu’il est retourné au travail, il y avait une discussion portant sur l’abolition du programme de santé mentale et la modification des rôles. Il a indiqué que, éventuellement, le programme a été aboli, les mentors, renvoyés, et que les objectifs dont M. Ouellet avait discuté le 21 avril 2010 semblaient redondants. Il a indiqué que, lorsqu’il est parti en vacances, le programme se déroulait sans problèmes importants et qu’il n’y avait rien de concret concernant son abolition.

130 Le Dr Kubinski a expliqué sa compréhension du programme FASSDDI. Près de la limite de la propriété, il y avait deux maisons de style ranch où étaient incarcérés de 10 à 12 détenus ayant des problèmes de santé mentale. Des mentors veillaient à la cohésion de ces maisons — des détenus sans problèmes de santé mentale dont les compétences de leadership étaient éprouvées et faisant preuve de compassion. Le détenu mentor est devenu un mentor rémunéré à un moment donné en février 2010. Il s’agissait d’un meurtrier condamné ayant d’importants antécédents en matière de dépôt de griefs visant la direction. Le détenu mentor a obtenu gain de cause dans le cadre de bon nombre de griefs et n’était pas apprécié de la direction.

131 On a demandé au Dr Kubinski de lire un courriel de M. Ouellet en date du 24 septembre 2010, dans lequel il posait des questions, auxquelles il avait répondu au-dessous de chacune (pièce E-1, onglet 2, page 000111). Il a expliqué ses réponses en indiquant qu’il triait toujours les personnes dans son groupe-témoin. Il pensait que la question portait sur un nouveau formulaire, ce dont il ne se souvenait pas. Il a indiqué qu’on lui avait dit qu’il ne devrait pas saisir tous les renseignements dans le SGD. Il a affirmé qu’on ne lui avait jamais demandé de participer à une révision des programmes et que cette tâche incombait au psychologue, en outre, il n’était pas invité aux réunions. Il ignorait la raison pour laquelle il n’était pas tenu informé. Il a indiqué que, à ce moment-là, le détenu mentor avait été exclu de l’Établissement de Ferndale et le fonctionnaire a supposé que la direction croyait qu’il disposait de renseignements sur cette situation. Le Dr Kubinski a affirmé qu’on lui avait remis des feuilles de calcul pour faire le suivi de ses interactions auprès des personnes, des communications de son groupe ainsi que pour faire le suivi de ses heures. Il a déclaré avoir effectivement consigné ses communications avec les détenus. Il a affirmé que, parfois, lorsqu’il travaillait avec des agents de libération conditionnelle, ces derniers s’occupaient de la documentation, car ils occupaient un poste de niveau supérieur. Il était inutile qu’il rédige exactement la même chose. Il a indiqué avoir supposé que M. Ouellet était satisfait de sa réponse, car ce dernier ne l’a jamais rencontré ou communiqué avec lui.

132 Selon le témoignage du Dr Kubinski, sa question adressée à Mme Sloat à propos de la gestion des cas dans son courriel du 28 avril 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000065) était uniquement une question en vue d’obtenir des précisions, car chaque établissement correctionnel est différent et, dans la communauté correctionnelle, différents documents sont utilisés dans différents établissements.

133 Le Dr Kubinski a déclaré s’être conformé aux directives qui lui avaient été transmises par M. Ouellet le 2 juin 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000098) relativement à l’envoi d’un rapport hebdomadaire sur les heures supplémentaires et que personne n’avait soulevé de préoccupations à cet égard après le 2 juin 2010.

134 Le Dr Kubinski a indiqué que M. Hammond a demandé de lui parler à propos d’un examen du rendement à la mi-octobre ou à la fin d’octobre 2010.

135 Le Dr Kubinski était incapable de se souvenir que M. Ouellet avait dit qu’il souhaitait être tenu informé chaque fois que le fonctionnaire quittait l’Établissement de Ferndale. Il a admis qu’il se rendait au CRT toutes les deux semaines. Il a indiqué qu’il en informait habituellement quelqu’un à l’Établissement de Ferndale. Il a affirmé qu’il partait souvent en compagnie d’un agent de libération conditionnelle ou d’une infirmière.

136 Le 29 septembre 2010, le fonctionnaire a demandé une copie de sa description de travail à Mme Burke. Il l’a reçu le 30 septembre et a écrit à Mme Burke, en indiquant qu’il la signerait (pièce E-1, onglet 2, pages 000117 et 000118).

137 Le Dr Kubinski a témoigné qu’il n’avait pas signé les objectifs de travail que M. Ouellet lui avait présenté le 1er octobre 2010, car, à ce stade, il avait reçu cinq ensembles d’objectifs différents de ses superviseurs au cours de l’année et que chacun d’eux différait grandement. Il a indiqué qu’il avait certaines questions à propos de la façon dont les objectifs s’appliquaient à l’ISME.

138 Le 7 octobre 2010, le Dr Kubinski a exprimé des préoccupations au sujet des critères utilisés pour évaluer son rendement, compte tenu de l’approche d’une révision des neuf mois (pièce E-1, onglet 2, page 000120). Il a demandé une rencontre avec Mme Burke le jour suivant, mais était incapable de se souvenir de l’essence de cette rencontre. Je signale qu’il s’agit du jour où il était censé rencontrer M. Ouellet à propos des objectifs, qu’il a affirmé avoir annulés parce qu’il était malade.

139 Le Dr Kubinski a témoigné qu’il n’avait aucune idée qu’il n’allait pas terminer son stage probatoire. Ce témoignage semble incohérent par rapport à son courriel du 7 octobre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000120), à l’intention de Mme Burke, dans lequel il a indiqué qu’il était préoccupé par sa révision des neuf mois, la fin de la période de son stage probatoire dans les huit semaines ainsi que les critères qui seraient utilisés pour l’évaluer.

140 M. Kubinski a déclaré avoir reçu un appel d’un avocat du détenu mentor le 21 septembre 2010. L’avocat souhaitait parler au Dr Kubinski à propos de l’exclusion du détenu mentor de l’Établissement de Ferndale. Il a communiqué cette information à M. Hammond et il croit que M. Williams était présent à ce moment.

141 Le fonctionnaire a indiqué qu’une réunion avait eu lieu aux environs du 27 octobre 2010, celle-ci devait porter sur son évaluation des neuf mois. Il a indiqué que M. Hammond, la Dre Dhaliwal et une personne de soutien étaient présents. Il a indiqué qu’ils n’ont pas parlé de sa révision; la discussion avait porté sur le détenu mentor. Il a affirmé que c’est M. Hammond qui a soulevé ce sujet. Il a indiqué que M. Hammond l’a mis en garde quant au fait de participer à la poursuite du détenu mentor. Il a indiqué que, à un certain moment, on lui a demandé ce qu’il ferait s’il advenait que le détenu mentor était retourné à l’Établissement de Ferndale. Selon le Dr Kubinski, il a répondu que le détenu mentor ne faisait pas partie de son groupe-témoin et qu’il n’aurait probablement rien à voir avec lui. Il a indiqué qu’il s’était efforcé de ne prendre aucun engagement quant à la mise en garde qu’on lui avait donnée. Il a affirmé que la rencontre s’était terminée de façon abrupte. Je signale que ces allégations n’ont pas été présentées à M. Hammond, à la Dre Dhaliwal ni à M. Williams en contre-interrogatoire.

142 Le Dr Kubinski a indiqué qu’il a présenté deux affidavits portant sur le cas du détenu mentor après son renvoi en cours de stage.

143 Quant à la question concernant le détenu sur le point d’être libéré, le Dr Kubinski a indiqué qu’il était préoccupé à son sujet, de ses problèmes de santé mentale et du placement où il se rendait. Il a indiqué que son courriel interne à l’équipe a été transmis à l’agente de libération conditionnelle au bureau de SCC à Maple Ridge. Il a indiqué qu’il n’avait pas eu l’intention de se montrer critique à l’égard de l’agente de libération conditionnelle. Il croyait que son opinion était plus exacte que celle de l’agente de libération conditionnelle. Il a également indiqué que M. Williams l’avait invité à présenter ses commentaires, mais que ce dernier n’avait jamais discuté du cas avec lui. Je signale que c’est la réponse par courriel du Dr Kubinski au courriel de M. Williams lui demandant ses commentaires qui a donné lieu au courriel de l’agente de libération conditionnelle dans lequel elle s’est plainte du manque de connaissance du fonctionnaire à propos de la planification de la libération.

144 Dans son témoignage, le Dr Kubinski a également indiqué que le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel avait signalé avoir eu une relation avec un membre du personnel d’un établissement en Alberta et que celui-ci avait été transféré à l’Établissement de Ferndale. Conformément à la directive de M. Ouellet, le Dr Kubinski a récupéré des documents dans l’unité résidentielle et les a remis à M. Ouellet. Il a indiqué que M. Ouellet lui a dit de ne pas consigner cet incident. À l’époque, le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel était détenu dans une cage, puis a été transféré ultérieurement en dehors de l’Établissement de Ferndale. Le fonctionnaire a témoigné avoir fait part de ses préoccupations à M. Hammond et à M. Williams quelques jours plus tard et a indiqué que la réponse ne semblait pas adéquate et qu’il y avait lieu de mener une enquête. Ces derniers ne semblaient pas préoccupés. Il a déclaré que, en ses propres mots [traduction] « leur réponse » avait été de [traduction] « fermer les yeux ». Je signale que le fonctionnaire n’a contre-interrogé ni M. Hammond ni M. Williams sur cette question.

145  Quant à la question de ne pas avoir suivi de simples instructions concernant le fait de s’inscrire à un cours, le fonctionnaire a admis avoir vérifié auprès de Mme Sloat en vue d’obtenir un numéro de téléphone. Il n’était pas en mesure de s’inscrire au cours sans devoir d’abord suivre une formation en ligne. Ce sujet n’a fait l’objet d’aucune discussion avec un gestionnaire par la suite.

146 En ce qui concerne la question de ne pas avoir remis une copie signée de ses objectifs à la Dre Dhaliwal, le fonctionnaire a indiqué qu’il avait toujours des préoccupations, qu’il a formulées comme suit dans son courriel en date du 10 novembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000144) :

[Traduction]

[…]

Ceci étant dit, un certain nombre des 15 objectifs et 11 sous-objectifs sont nouveaux. Puisqu’il me reste 17 jours ouvrables avant la fin de mon stage probatoire, je ne suis pas sûr si les objectifs peuvent être évalués de façon équitable pendant cette période de temps. J’aimerais également avoir des précisions sur plusieurs points […]

[…]

147 Le fonctionnaire ne se souvenait pas d’une rencontre avec la Dre Dhaliwal le 17 novembre 2010.

148 Le Dr Kubinski a témoigné qu’il était malade le 8 octobre 2010, qu’il n’évitait pas la tenue d’une rencontre et que M. Ouellet ne lui en avait plus reparlé.

149 En réponse à la suggestion de M. Ouellet selon laquelle il s’instaurait en défenseur des délinquants, comme il l’avait présenté à Mme Tyler dans un courriel en date du 1er décembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000148), le Dr Kubinski a indiqué que son rôle était de prendre la défense des services de santé mentale à l’Établissement de Ferndale, pas des délinquants. Même s’il a concédé à un moment l’exactitude des notes de M. Ouellet à propos de la rencontre en avril, le Dr Kubinski a témoigné que M. Ouellet n’avait pas passé de temps avec lui pour préciser son rôle dans l’organisation. Il a indiqué qu’il n’avait aucune mauvaise perception et que M. Ouellet n’avait pas consacré de temps à corriger ces perceptions. Il a indiqué que la réunion du 21 avril a duré 1,5 heure et, même s’il avait eu des rencontres de 5 à 10 minutes qui ont eu lieu lorsque M. Ouellet est passé devant son bureau, il n’a eu aucune rencontre officielle avec M. Ouellet avant septembre 2010. Le Dr Kubinski ne souscrivait pas à l’affirmation selon laquelle il manœuvrait en vue d’éviter sa responsabilité. Il a indiqué qu’il était plutôt bon dans son travail et qu’il n’avait pas besoin de plus conseils et d’attention que nécessaire. Il a déclaré qu’il ne rédige aucun texte qui est inférieur à la norme.

150 Le Dr Kubinski a renvoyé à la réponse à son grief au troisième palier (pièce G-9, paragraphe 14), dans laquelle il allègue que deux semaines avant son renvoi en cours de stage, sa superviseure de l’époque (la Dre Dhaliwal) a déclaré qu’il ne devrait éprouver aucun problème à terminer avec succès le stage probatoire.

151 Le Dr Kubinski a déclaré qu’il n’y avait aucun motif pour son renvoi, comme il l’a indiqué dans sa réponse au grief de troisième palier (pièce G-9, paragraphe 27), dans laquelle il a allégué avoir été renvoyé pour les motifs suivants :

  • il a été témoin d’une réponse inappropriée de la direction concernant le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel;
  • le programme de santé mentale à l’Établissement de Ferndale a été aboli;
  • il entretenait une relation trop étroite avec le détenu mentor, qui a été renvoyé, puis transféré et placé en isolement ultérieurement.

152 Le fonctionnaire a indiqué qu’il y avait un lien entre sa supervision du détenu mentor, le renvoi de celui-ci, l’abolition du programme et son licenciement.

153 Le Dr Kubinski a confirmé qu’il croit avoir été renvoyé pour les motifs présentés comme suit dans le grief qu’il a déposé au troisième palier (pièce G-9, paragraphe 31) :

[Traduction]

[…]

31. En raison des renseignements et des connaissances du Dr Kubinski à l’égard du cas susmentionné et ce qu’il croyait être d’autres affaires inadéquates dont il avait témoigné , selon la position du Dr Kubinski, la direction est devenue préoccupée par le fait qu’il pourrait être cité à comparaître. Pour cette raison, la direction craignait qu’il fournisse des renseignements contredisant la position de la direction dans le cas d’habeas corpus ou, de manière spéculative, qu’il communique des renseignements sur d’autres activités douteuses se déroulant à l’Établissement de Ferndale. En fait, le Dr Kubinski et le physiologue qui a été suspendu ont fait exactement cela dans leurs présentations sous serment devant les tribunaux, peu après ils ont été licenciés par SCC.

[…]

154 Le Dr Kubinski a contesté le témoignage de M. Hammond selon lequel le programme de santé mentale n’était pas aboli, et il a fait référence au courriel de M. Ouellet du 30 septembre 2010, s’adressant à lui et à d’autres (pièce G-3), dans lequel il annonce : [traduction] « Nous avons convenu que nous ne disposons actuellement pas d’un programme. » Je signale qu’il est important de comprendre le contexte de ce courriel, car le texte dans son ensemble appui le témoignage de M. Hammond. Il se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Ce courriel consigne les discussions que j’ai eues avec le DAI, Irv Hammond, hier, afin de préciser les questions qui ont été soulevées à l’occasion de la réunion sur l’ISME relativement aux maisons 10 et 11.

Nous avons convenu qu’un programme officiel doit répondre à des exigences et à des critères précis pour être considéré comme tel.

Nous avons convenu que nous ne disposons actuellement pas d’un programme.

Nous avons convenu que, ce dont nous disposons, c’est d’un logement spécialisé pour les délinquants qui ont des problèmes ou des troubles de santé mentale. Un environnement protégé à l’intérieur d’un milieu à sécurité minimale pour aider à la réinsertion sociale progressive de ces délinquants dans la collectivité, un environnement où nous pouvons fournir des services ciblés à cette population particulière d’une façon efficace.

[…]

Nous avons convenu que d’autres discussions sont requises à l’égard des « mentors », et de leurs rôles et responsabilités. Nous avons certainement convenu que le terme « mentor » devrait être remplacé.

[…]

155 M. Ouellet parlait des changements qui étaient en cours à l’Établissement de Ferndale et a affirmé que le programme avec les mentors était antérieur à l’ISME et, par conséquent, il n’avait pas commencé dans le cadre de cette initiative. Il s’agissait d’un programme local qui avait été modifié dans le but d’éliminer les mentors, mais les détenus ayant des problèmes de santé mentale résidaient toujours dans les maisons 10 et 11, et avaient des besoins constants, tout comme les autres détenus à l’Établissement de Ferndale.

156 Le Dr Kubinski a témoigné qu’il exécutait adéquatement les travaux liés à la gestion des cas. Le défendeur n’a porté à son attention aucune lacune. Il a témoigné n’avoir jamais contrevenu aux politiques de SCC, y compris aucune des politiques en matière de ressources humaines.

157 Le Dr Kubinski a déclaré qu’on ne lui a jamais donné un avis préalable de la décision du défendeur de le renvoyer en cours de stage probatoire.

158 En contre-interrogatoire,  le Dr Kubinski a été interrogé au sujet de sa relation avec le détenu mentor. Le Dr Kubinski a témoigné que le détenu mentor avait été libéré et qu’il vivait dans la région de la vallée du Fraser, en C.-B. Le Dr Kubinski a indiqué qu’il avait rencontré le détenu mentor à une ou deux reprises pour prendre un café au cours des deux ou trois dernières années.

159 Le Dr Kubinski a été vigoureusement contre-interrogé au sujet de sa version des événements survenus avec M. Williams. Son témoignage comprenait une déclaration selon laquelle M. Williams avait pris l’habitude d’ouvrir les portes et d’entrer à l’aide de son passe-partout. Le Dr Kubinski a qualifié son témoignage en indiquant qu’il ignorait si M. Williams frappait d’abord avant de franchir les autres portes.

160 Le Dr Kubinski était incertain quant à savoir s’il y avait eu une discussion portant sur la modification du programme avant de partir en vacances, le 18 juin 2010.

161 Le Dr Kubinski a admis qu’il n’alléguait pas que le programme avait été modifié en guise de représailles à son endroit.

162 Le Dr Kubinski a été confronté à propos de sa suggestion, dans le cadre de son interrogatoire principal, selon laquelle M. Williams et M. Hammond lui ont dit qu’ils avaient fermé les yeux sur cet incident. Il a changé son témoignage en attestant qu’il ne s’agissait pas de quelque chose qu’ils ont dit, mais que c’était le message qu’il avait reçu.

7. M. Nadeau

163 M. Nadeau est un ancien psychologue associé à SCC, classé au niveau PS-02. Il a déposé un grief contre SCC, dont je ne suis pas saisi des détails.

164 M. Nadeau a occupé un poste à temps plein de 1999 à 2012, qu’il a quitté en novembre ou décembre 2012. Il a été essentiellement employé à l’Établissement de Ferndale de 1999 à 2012. Entre 2010 et 2012, il a principalement été en congé de maladie. M. Nadeau connaît le Dr Kubinski, car il s’agissait d’un collègue.

165 M. Nadeau faisait partie de l’équipe de gestion des cas à l’Établissement de Ferndale. Au cours de 2010, il a eu des réunions mensuelles régulières avec le Dr Kubinski et peut l’avoir vu dans des cas particuliers entre-temps. Il a vu le Dr Kubinski à quelques reprises dans les maisons 10 et 11.

166 M. Nadeau n’a observé aucun problème lié aux limites avec le Dr Kubinski. Il ne l’a pas vu contrevenir à des politiques. Aucun autre membre du personnel ne lui a dit que le Dr Kubinski avait contrevenu aux politiques de SCC. Il a vu que le Dr Kubinski était professionnel et éprouvait de la compassion.

167 M. Nadeau était au courant de l’existence des maisons spécialisées pour les délinquants ayant des problèmes de santé mentale, appuyés par des pairs mentors, mais n’y participait pas directement.

168 M. Nadeau se souvient que, en juin 2010, il a été convoqué à une réunion avec d’autres partenaires de la santé mentale, et on a annoncé qu’on mettrait fin au programme FASSDDI et qu’il serait remplacé par un programme élaboré et agréé à l’échelle nationale. Il a déclaré que cela ne s’était pas produit. Il n’était pas au courant que le programme avait été aboli.

169 M. Nadeau a déclaré qu’il connaissait le détenu mentor. Il a déclaré que le détenu mentor avait été incarcéré à l’Établissement de Ferndale jusqu’au 13 août 2010. Il est informé du fait que le mentor posait des difficultés à l’Établissement de Ferndale et qu’il en avait été exclu.

170 Mme Daniels a rencontré M. Nadeau à propos du Dr Kubinski. Il n’était pas sûr des dates, mais croit qu’il s’agissait au début de la période entre la fin juin et le début octobre 2010. Mme Daniels l’a informé qu’il y avait des préoccupations au sujet du professionnalisme et des limites du Dr Kubinski. Il devait y être au courant et en prendre des notes sur ce qu’il observait.

171 L’avocat du détenu mentor a communiqué avec M. Nadeau en décembre 2010. Il a passé en revue des documents et a présenté des affidavits en janvier 2011 dans l’action du détenu intentée contre SCC.

172 M. Nadeau a déclaré que, lorsque le programme FASSDDI a été annulé en juin 2010, les détenus résidaient toujours dans les maisons 10 et 11. Il croit que le programme a été annulé, car il a été question de sa résiliation et de son remplacement par un programme national à l’occasion de deux réunions.

173 Hormis l’annulation des postes de mentors et l’exclusion du détenu mentor de la maison, il n’y avait pas eu de changement de son point de vue, mais M. Nadeau a indiqué qu’il n’était pas la personne la mieux placée pour répondre à des questions sur ce sujet. Il a dit que, au cours de l’automne, il n’y avait aucun autre programme national, qu’il était préoccupé à propos du processus et qu’il s’agissait essentiellement du même programme, mais qu’on l’on avait attribué un autre nom aux mentors.

174 En réinterrogatoire, M. Nadeau a déclaré que le programme ne semblait pas se terminer; il comprenait des personnes ayant les mêmes titres, faisant les mêmes choses. M. Nadeau a rédigé une note, sur laquelle on s’est fondé pour transférer le détenu mentor. Il a déclaré qu’il en est arrivé à croire que les renseignements qui lui avaient été fournis n’étaient pas factuels. M. Nadeau a témoigné que le SCC l’a accusé de manque de professionnalisme.

8. Le détenu mentor

175 Le détenu mentor a témoigné qu’il était incarcéré à l’Établissement de Ferndale de novembre 2005 au 13 août 2010, purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité et admissible à une libération conditionnelle après 10 ans après avoir été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré. Il a été libéré le 1er juillet 2012. Il se trouve actuellement dans sa période obligatoire de semi-liberté.

176 Le détenu mentor a témoigné à propos du programme de santé mentale à l’Établissement de Ferndale. Il a indiqué qu’il avait commencé de façon informelle en 2008. Il liait des détenus hautement fonctionnels à des détenus peu fonctionnels. Son but était de fournir un appui par l’entremise de pairs résidants et d’amitiés individuelles. En 2009 et 2010, le programme est devenu plus ciblé et structuré. Il a déclaré que le Dr Kubinski a été embauché en tant que travailleur social pour établir un lien entre les détenus et la direction de l’établissement pour les détenus résidant dans les « maisons des mentors ». Il a déclaré que l’on appelait ces maisons les maisons 10 et 11. Je signale que l’expression « maisons des mentors » semble être une expression inventée par le détenu mentor.

177 Le détenu mentor a déclaré être une personne hautement fonctionnelle et qu’il a offert des services de mentorat en ce qui a trait aux capacités nécessaires à la vie courante à d’autres. Son poste est devenu rémunéré en janvier 2010. Avant cela, il s’agissait d’un poste bénévole. Il a déclaré que son poste avait été éliminé et qu’il en avait été renvoyé le 6 juillet 2010. Il a fait référence à une note de service de M. Hammond en date du 6 juillet 2010 (pièce G-10), qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le poste de mentor rémunéré pour le Programme FASSDDI a été supprimé. Puisque ce poste est supprimé. Puisque ce poste supprimé [sic] on vous donnera un délai de deux semaines pour trouver un autre emploi. Votre salaire ne sera pas touché pendant ces deux semaines pendant que vous cherchez et obtenez un autre poste.

Plusieurs changements ont été apportés au Programme FASSDDI, dont le fait de se rapporter à la psychologie par l’entremise du travailleur social. L’élimination du poste de mentor rémunéré est l’un des changements qui ont lieu dans le cadre de la restructuration du programme.

[…]

178 Le détenu mentor a témoigné qu’il voyait le Dr Kubinski de trois à quatre fois par semaine à l’Établissement de Ferndale.

179 Le détenu mentor a déclaré qu’il a quitté la maison en raison de la note de service (pièce G-10). Il a affirmé que les détenus souffraient du manque de soutien. Il y a eu de la consternation et une opposition verbale de la part des détenus des maisons 10 et 11.

180 Le détenu mentor a déclaré qu’il entretenait une relation litigieuse avec la direction de l’Établissement de Ferndale en 2010. Il avait déposé des griefs, dans lesquels il affichait un taux de réussite élevé, ce qui avait donné lieu à de l’animosité. Il a été exclu de l’Établissement de Ferndale le 13 août 2010. À son avis, il a été exclu en raison du fait qu’il contestait les décisions prises par la direction de l’établissement dans le cadre de griefs ainsi que devant les tribunaux. Au moment de son exclusion, il a été placé en isolement, ce que l’on appelle également [traduction] « le trou » ou [traduction] « isolement préventif ». Parfois, il y avait occupation double. Il a entrepris une demande d’habeas corpus (une enquête sur la cause de la privation de la liberté). Il a indiqué que son avocat avait tenté de communiquer avec le Dr Kubinski à l’Établissement de Ferndale. Il a déclaré que le Dr Kubinski avait fourni des éléments de preuve à l’appui à sa demande. Il a déclaré qu’il avait été transféré de nouveau dans un établissement à sécurité minimale en juin 2011.

181 En contre-interrogatoire, le détenu mentor a déclaré qu’il y avait eu une occasion où il est entré en contact avec le Dr Kubinski à l’Établissement de Mission, après la fin de son isolement, avec quelques échanges à travers une clôture. Le Dr Kubinski lui a rendu visite à deux reprises lorsqu’il se trouvait au Village de guérison Kwìkwèxwelhp, près de Harrison Mills, en C.-B. Ces visites étaient de nature sociale ou personnelle. Depuis sa libération conditionnelle, il a pris un café avec le Dr Kubinski en deux ou trois occasions. Le Dr Kubinski a communiqué ses éléments de preuve à l’avocat du détenu mentor entre le 10 décembre 2010 et le 21 février 2011. Le détenu mentor considère le Dr Kubinski comme un ami, mais ne le voit pas très souvent.

182 Le détenu mentor a indiqué que les autres mentors n’avaient pas subi le même sort que lui en juillet, car il était le seul mentor rémunéré. Il avait été le seul à être exclu de la maison. Il a indiqué que les autres mentors ont quitté ultérieurement.

9. Contre-preuve de Mme Hackett

183 L’agent négociateur ne s’est pas opposé à la demande du défendeur d’appeler Mme Hackett comme témoin en réplique. Elle occupait le poste de gestionnaire des opérations à l’Établissement de Ferndale au moment des événements. Elle occupe actuellement le poste de directrice adjointe des opérations à l’Établissement de Mission à sécurité minimale.

184 Mme Hackett a été témoin d’un incident entre M. Williams et le fonctionnaire en février 2010. Elle se trouvait dans le secteur administratif. Elle s’est rendue dans le corridor et a remarqué que M. Williams se tenait dans l’entrée du bureau du Dr Kubinski. Elle a déclaré qu’il était évident que le Dr Kubinski ne voulait pas lui parler. Elle a vu le Dr Kubinski pousser M. Williams en dehors de son bureau en fermant la porte en utilisant un degré de force considérable. Elle considérait cela comme inhabituel, car, dans ses mots, M. Williams est [traduction] « un homme assez passif » et que les activités ne sont habituellement pas menées de cette façon.

185 Mme Hackett a qualifié de considérable la force utilisée par le Dr Kubinski, car M. William se trouvait dans l’entrée de porte et qu’il a été littéralement poussé à l’extérieur par la porte.

186 Mme Hackett se souvenait d’une discussion le jour suivant entre le Dr Kubinski et M. Williams, car ce dernier lui avait demandé d’être présente en guise de témoin. Elle a affirmé qu’il est habituel qu’un autre gestionnaire soit présent à une rencontre en qualité de témoin ou de preneur de notes.

187 La rencontre s’est déroulée dans une petite salle de conférence. Le Dr Kubinski et M. Williams se sont quelque peu disputés quant à savoir qui avait raison et qui avait tort. Le sujet de la rencontre était l’incident de la bousculade. Mme Hackett ne se souvenait pas du reste de la conversation.

188 Mme Hackett a participé à une enquête sur les allégations du détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel. Elle était informée que ce détenu avait divulgué avoir eu une relation amoureuse avec un agent correctionnel. Son rôle en tant que gestionnaire des opérations à l’époque était d’enquêter sur ces allégations. Elle a vu les photos et les lettres provenant de sa chambre. Elle a déterminé que les incidents s’étaient effectivement déroulés après qu’elle, le directeur adjoint et un agent de renseignements de sécurité ont interviewé l’agent correctionnel à deux reprises. Au début, l’agent a menti. Mme Hackett a déclaré que le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel avait été exclu de l’Établissement de Ferndale. Elle a indiqué qu’une enquête prend du temps, car il faut passer en revue les rapports, interviewer les parties concernées et veiller à la sécurité de l’agent et de l’établissement.

189 Mme Hackett s’est fortement opposée à une suggestion selon laquelle il y avait eu quoi que ce soit d’inapproprié dans le traitement du détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel. Elle a déclaré que le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel n’était pas très stable sur le plan psychologique et qu’il présentait un risque en matière de sécurité publique. L’établissement Ferndale est un établissement à sécurité minimale; il n’y a pas de clôtures. C’est la raison pour laquelle ce détenu particulier a été placé en isolement pendant que SCC menait son enquête.

190 En contre-interrogatoire, Mme Hackett a déclaré qu’elle n’avait pas interviewé le Dr Kubinski. Elle ignorait si d’autres l’avaient interviewé. Mme Hackett remettait en question la nécessité de l’interviewer. Même s’il avait récupéré les documents dans la chambre du détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel, Mme Hackett savait ce qui avait été obtenu, car elle l’avait examiné. Éventuellement, le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel a été transféré à l’Établissement de William Head, un autre établissement à sécurité minimale.

191 Mme Hackett ne se souvenait ni de la date ni de l’heure de l’incident survenu en février 2010 entre le fonctionnaire et M. Williams.

192 Mme Hackett a affirmé que, habituellement, elle prend des notes pendant les réunions. Elle a dit que M. Williams et le Dr Kubinski se sont serré la main à la fin de la rencontre. D’après ses souvenirs, M. Williams ne lui a pas demandé de mettre ses observations par écrit.

193 Mme Hackett a exprimé son désaccord avec les suggestions de l’agent négociateur selon lesquelles le Dr Kubinski avait simplement fermé la porte. Elle se trouvait à 2,1 ou 2,4 mètres de la porte au moment en question.

194 Suivant le témoignage en contre-preuve, les trois documents suivants ont été déposés par consentement mutuel :

  • le curriculum vitæ du Dr Kubinski, tel qu’il a été présenté à SCC (pièce G-12);
  • les notes de l’avocat du fonctionnaire sur son entrevue téléphonique avec la Dre Dhaliwal le 6 janvier 2011 (pièce G-11);
  • un affidavit d’un détenu, signé le 27 septembre 2010, qui a été admis dans le but unique de prouver qu’il avait été signifié au ministère de la Justice le 28 septembre 2010 et non pas pour la preuve de son contenu.

C. Résumé de l’argumentation

1. Pour le défendeur

195 Le défendeur a déclaré que cette affaire ne porte pas sur le caractère raisonnable de la décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage probatoire. Qui plus est, la question n’est pas de déterminer si la politique du Conseil du Trésor, telle qu’elle est formulée dans les Lignes directrices et le Guide, a été respectée.

196 Le défendeur a déclaré que, même au vu de l’ensemble de la preuve, si je déterminais que Mme Gaskell avait commis une erreur, cela ne ferait pas en sorte que sa décision constitue une mesure disciplinaire.

197 Si le fonctionnaire souhaitait contester le caractère raisonnable de la décision de Mme Gaskell, il aurait dû déposer une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

198 Le défendeur a déclaré que le pouvoir relatif à un renvoi en cours de stage est prévu au paragr. 62(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22) (la « LEFP »). Il est évident que le fonctionnaire ne pouvait pas renvoyer en arbitrage un grief individuel relativement à un licenciement en vertu de la LEFP, à moins d’établir que la conduite du défendeur était « […] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […] »; voir la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), alinéa 209(1)b).Cela représente un lourd fardeau dont a dû s’acquitter le fonctionnaire. L’expression « pour cause » a été supprimée du nouvel article 62 de la LEFP; voir Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, aux paragr. 94 et 111.

199 Le défendeur a présenté ce qui suit, Canada (Procureur général du Canada) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429, à 438 :

[…] une fois que l’employeur a présenté à l’arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l’audition sur le fond dans l’affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu’à une impasse soudaine. L’arbitre perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l’employé s’estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir à cet égard que l’employeur n’a pas donné de motif valable pour le congédiement.

200 Un employeur a le choix de congédier un employé ou de renvoyer un employé en stage probatoire. Il n’est pas nécessaire de démontrer une apparence de droit suffisante de cause juste, seulement d’établir un motif lié à l’emploi; voir Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529.

201 Le défendeur a fait valoir qu’on en revenait à une question relative à l’intention de l’employeur lorsque la relation d’emploi a pris fin.

202 Le défendeur a invoqué Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada, 2003 CRTFP 33, aux paragr. 74 et 75. Même s’il existe des doutes sur la façon dont le défendeur a évalué les capacités et selon laquelle la période n’était probablement pas assez longue pour évaluer correctement le rendement ou permettre au fonctionnaire de corriger les lacunes constatées, la question de savoir si les mesures du défendeur étaient un subterfuge ou du camouflage constitue une norme très élevée à atteindre.

203 La préoccupation d’un employeur à l’égard d’un incident peut s’avérer suffisante pour renvoyer un employé en cours de stage pour un motif lié à l’emploi; voir Dalen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 73.

204 Si un employeur établit un motif lié à l’emploi pour un renvoi en cours de stage, l’arbitre ne peut pas substituer son jugement à celui de l’employeur; voir Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39.

205 L’employeur n’a pas l’obligation de rencontrer le fonctionnaire avant de prendre la décision de le renvoyer en cours de stage; voir Bilton, au paragr. 36.

206 Dans un grief portant sur un renvoi en cours de stage, il n’est pas nécessaire de juger de la qualité de la formation reçue par l’employé; voir Dyck c. Administrateur général (ministère des Transports), 2011 CRTFP 108.

207 Le défendeur a fait valoir qu’il y avait cinq motifs liés à l’emploi appuyant le renvoi du fonctionnaire en cours de stage, comme suit :

  • on a présenté au fonctionnaire des objectifs de rendement et il a résisté à leur signature;
  • le fonctionnaire n’a pas présenté de rapports écrits et de documents comme il en était tenu;
  • le fonctionnaire avait besoin d’une quantité excessive de directives afin d’assurer la prestation de services de planification du renvoi et de la mise en liberté de base;
  • le fonctionnaire n’a pas agi de façon professionnelle dans ses interactions avec M. Williams en refusant de le rencontrer le premier jour, puis en le poussant en dehors de la porte le deuxième jour; il s’agissait d’une agression, peut-être pas du pire type d’agression, mais cela demeure troublant;
  • le fonctionnaire n’a pas agi de façon professionnelle en prenant la défense d’un détenu dans le cadre d’une évaluation.

2. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

208 Le fonctionnaire a présenté un résumé écrit réfléchi de 20 pages de son argumentation. Il a fait valoir que les allégations du défendeur dans sa lettre de renvoi en cours de stage n’ont pas été établies. La principale allégation était la question de savoir si le fonctionnaire travaillant à établir des objectifs. Il incombe à la direction d’attribuer les fonctions; rien n’est activé par le fait qu’il ait signé ou non les objectifs de rendement. Ce qui est essentiel, c’est la question de savoir s’il a exercé les fonctions et exécuter les tâches qui lui étaient attribuées. Il n’y a aucun élément de preuve pour appuyer qu’il ne l’a pas fait.

209 En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le fonctionnaire n’a pas présenté les rapports écrits et les documents qui lui étaient demandés, si M. Ouellet n’avait pas été satisfait des documents tenus par le fonctionnaire, il aurait écrit à celui-ci. Le témoignage du fonctionnaire selon lequel tous les rapports et documents avaient été remplis tel qu’il était demandé devrait être accepté, car le défendeur n’a présenté aucune preuve contraire.

210 Le fonctionnaire contestait l’allégation selon laquelle il a requis une quantité excessive de directives pour exécuter des tâches de planification du renvoi et de la mise en liberté de base. En tant que nouvel employé, il avait des questions mineures et appropriées à propos des procédures du défendeur dans un nouveau milieu de travail. Il n’y a aucun élément de preuve selon lequel le défendeur l’a informé ou rencontré à propos de ces allégations de préoccupations.

211 Le fonctionnaire contestait les frais allégués par M. Williams. Personne de la direction n’a discuté de l’incident de la bousculade avec le fonctionnaire. Cela n’a pas été documenté avant le 7 septembre 2010, quelque sept mois après l’incident survenu en février, qui n’était pas suffisamment grave pour justifier une discussion. Cet incident est maintenant considéré comme une justification importante de son renvoi en cours de stage, mais il n’avait pas été considéré comme grave au moment pertinent.

212 Le fonctionnaire a fait valoir que son renvoi était un subterfuge, un camouflage ou une mesure disciplinaire déguisée.

213 En moins d’un an, le fonctionnaire a eu sept superviseurs. La personne qui l’a supervisé le plus longtemps – pendant quatre mois – ne lui a pas envoyé un seul courriel et n’a pas été appelée comme témoin.

214 Le défendeur a accordé au fonctionnaire des vacances de cinq semaines, ce que l’on ne peut pas tenir contre lui, car le défendeur les a approuvés.

215 Le défendeur a contrevenu aux Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage (pièce E-1, onglet 9).

216 Le fonctionnaire croit qu’il a été licencié en raison de l’appui qu’il a offert à un détenu qui était un mentor dans le cadre du programme de santé mentale. Il ne s’est pas engagé lorsque M. Hammond lui a ordonné de ne pas prendre part aux affaires liées à ce détenu.

217 Les principes qui s’appliquent aux employés en stage probatoire dans le secteur privé s’appliquent également aux employés dans la fonction publique; voir Jacmain c. Canada (Procureur général) et al., [1978] 2 R.C.S. 15.

218 Lorsque la décision de l’employeur de renvoyer un employé en cours de stage était capricieuse et arbitraire, celle-ci est nulle. La détermination de la question de savoir s’il y a bonne foi ou non doit être prise en considération dans toutes les circonstances connexes : McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens Combattants), dossier de la CRTFP 166-02-23967 (19931119).

219 Un arbitre devrait examiner la période de stage probatoire, d’une façon semblable dont celle-ci est perçue dans le secteur privé, comme une occasion pour un employeur d’évaluer un employé aux fins de la poursuite de l’emploi. Un employeur qui met fin de façon injuste ou prématurée à l’emploi d’un employé en cours de stage est passible d’une décision donnant lieu à la réintégration et au versement d’une indemnité; voir Canadian Forest Products Ltd. v. Pulp, Paper and Woodworkers of Canada, Local 25 (2002), 108 L.A.C. (4e) 399.

220 Le défaut du défendeur d’attirer l’attention du fonctionnaire s’estimant lésé sur ses préoccupations précises à l’égard de son rendement de façon continue pendant la période de stage probatoire constitue un motif pour annuler son renvoi en cours de stage; voir Canadian Union of Labour Employees v. Public Service Alliance of Canada, [2004] C.L.A.D. No. 612 (QL).

221 Le fonctionnaire a fait valoir que le défendeur doit prouver que son rendement était insatisfaisant en ce qu’il n’a pas répondu à des normes raisonnables établies par le défendeur, et qu’une telle évaluation doit être faite d’une façon qui n’est pas arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi; voir British Columbia Telephone Co. v. Federation of Telephone Workers of British Columbia (1977), 15 L.A.C. (2e) 310.

222 Le fonctionnaire a fait valoir que, lorsque les normes de rendement ne sont pas définies et évidentes, un employeur devrait attirer l’attention de l’employé sur toutes lacunes dans son rendement. Il n’est pas nécessaire qu’un employeur applique une mesure disciplinaire progressive à l’égard des employés en stage et, habituellement, les arbitres sont réticents à intervenir à l’égard de l’exercice du jugement de l’employeur; voir Barnes Security Services Ltd. v. Construction and General Workers’ Union, Local 602, [1996] B.C.C.A.A.A. No. 349 (QL), au paragr. 186.

223 Le fonctionnaire a invoqué Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Procureur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 09, aux paragr. 80 à 93, ainsi que la définition du Black’s Law Dictionary, 7e édition, du terme « good faith » (bonne foi) et a déclaré [traduction] « À mon avis, si une décision n’a pas été prise de bonne foi à l’aide des lignes directrices contenues dans la politique du Conseil du Trésor, le résultat est une décision rendue de mauvaise foi. »

224 Le fonctionnaire a également présenté une copie de Procureur général du Canada c. Bergeron, 2013 CF 365, au paragr. 31, portant sur le principe selon lequel la compétence de l’arbitre n’est pas anéantie du seul fait qu’un licenciement est invoqué par l’employeur dans le cadre d’un renvoi en cours de stage.

225 Le fonctionnaire a fait valoir qu’il a été injustement et prématurément licencié. La décision n’a pas été rendue de bonne foi, car le défendeur n’a pas respecté sa propre politique. On ne lui a donné aucune rétroaction constructive. Le défendeur n’a jamais informé le fonctionnaire de ses préoccupations à l’égard de sa conduite. Le défendeur a agi de mauvaise foi, car le fonctionnaire a appuyé le détenu mentor.

226 Le fonctionnaire demande sa réintégration en tant qu’employé nommé pour une période indéterminée. Il a demandé que je renvoie cette question aux parties, de sorte qu’elles puissent tenter de régler d’autres éléments relatifs à une mesure corrective, et que je réserve ma compétence sur la mise en œuvre de la décision.

3. Contre-preuve du défendeur

227 Le défendeur a fait valoir qu’il y a un manque de fondement factuel pour la théorie du complot supposée par le fonctionnaire. Le fait qu’il pourrait avoir négligé ses propres politiques ne permet pas de conclure à la mauvaise foi.

228 L’arbitre ne devrait pas être saisie sur la question du bien-fondé de cette affaire. Différents principes s’appliquent au moment d’évaluer les employés en stage dans les secteurs public et privé. La question n’est pas de déterminer si le défendeur a réussi à prouver le manque d’aptitudes du fonctionnaire, mais s’il a établi un motif lié à l’emploi pour expliquer son renvoi en cours de stage. Le défendeur a satisfait au critère peu exigeant d’établir un motif lié à l’emploi en l’espèce et le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son fardeau.

III. Motifs

229 Il existe une différence importante entre le témoignage du fonctionnaire et les témoignages des autres témoins. J’ai pris en considération et j’ai appliqué le critère de crédibilité suivant, énoncé dans Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, à la page 357 :

[Traduction]

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances. Ce n’est qu’ainsi que le tribunal peut évaluer de façon satisfaisante la déposition des témoins expérimentés, confiants et vifs d’esprit tout autant que le témoignage des personnes habiles qui manient avec facilité les demi-vérités et qui ont acquis une solide expérience dans l’art de combiner les exagérations habiles avec la suppression partielle de la vérité. Là encore, une personne peut témoigner de ce qu’elle croit sincèrement être la vérité tout en étant honnêtement dans l’erreur. Le juge du fond qui dit : « Je crois cette personne parce que j’estime qu’elle dit la vérité » tire en fait une conclusion après avoir examiné seulement la moitié du problème. Le juge qui agit ainsi s’expose en réalité à faire fausse route.

Le juge de première instance devrait aller plus loin et dire que la preuve du témoin qu’il croit est conforme avec la prépondérance des probabilités dans le cas et, si son avis est d’inspirer confiance, il devrait également énoncer ses motifs pour en arriver à cette conclusion. Le droit ne revêt pas le juge de première instance d’une connaissance divine des cœurs et des esprits des témoins. Une cour d’appel doit être convaincue que la conclusion sur la crédibilité tirée en première instance repose non pas sur un seul élément de preuve, à l’exclusion de tout autre, mais bien sur l’ensemble des éléments permettant d’apprécier la crédibilité dans le cas considéré.

230 Je privilégie le témoignage de M. Williams et de Mme Hackett sur celui du fonctionnaire relativement à l’incident où le fonctionnaire a poussé M. Williams en dehors de sa porte. Je rejette le témoignage du fonctionnaire, car, selon Faryna, il ne cadre pas avec [traduction] « […] la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances ». M. Williams avait des motifs légitimes de tenir une discussion avec le fonctionnaire, car il prenait part à la tâche urgente d’établir des rapports sur les questions liées à la rémunération au rendement du directeur. Il avait besoin de renseignements du Dr Kubinski, qui a entièrement nié l’incident et qui n’a aucun souvenir de la conversation ou de l’essence du différend.

231 Je suis d’avis que la réaction du fonctionnaire dans ces circonstances, soit de refuser de rencontrer M. Williams et de le pousser en dehors de la porte, était un comportement bizarre, inapproprié et non professionnel. Le fait que le défendeur n’ait pas pris de mesure disciplinaire à son endroit ne l’empêche pas de tenir compte de cet incident dans le cadre de l’évaluation de son aptitude. Dans le cadre d’une affaire de renvoi en cours de stage, je ne m’engage pas dans une analyse de la cause juste. Même si le défendeur peut éprouver des problèmes relativement au fait de se fonder sur une telle conduite n’ayant pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire dans le cadre d’un grief sur le renvoi d’un employé qui n’est pas en stage, cet incident constitue clairement un motif lié à l’emploi pouvant être pris en considération dans l’évaluation de l’aptitude de fonctionnaire aux fins de la poursuite de l’emploi pour le défendeur. Il s’agit d’un motif lié à l’emploi qui, à lui seul, peut justifier le renvoi du Dr Kubinski en cours de stage.

232 Le Dr Kubinski n’a pas été franc dans le cadre de son témoignage sur cette question, ce qui soulève des préoccupations concernant la mesure selon laquelle on peut se fier aux éléments de preuve qu’il a présentés lorsqu’ils sont en conflit avec les témoignages d’autres témoins. Je signale que cet incident est antérieur à toute discussion entre le fonctionnaire et M. Hammond à propos de l’appel téléphonique de l’avocat du détenu mentor. Je signale également que M. Williams a consigné cet incident dans un courriel à l’intention de M. Hammond en date du 7 septembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, p. 000138), ce qui démontre qu’il s’agissait là d’une préoccupation pour le défendeur antérieure à toute discussion à propos de l’appel téléphonique de l’avocat du détenu mentor au Dr Kubinski.

233 Cet incident révèle également l’attitude de confrontation du fonctionnaire à l’endroit de la direction. Le fonctionnaire a confondu la demande de renseignements avec une mesure disciplinaire, alors que, dans les faits, il s’agissait d’une demande de renseignements. Cela tend à indiquer l’incapacité du fonctionnaire à examiner sa propre conduite et le besoin du gestionnaire de lui parler. Mme Daniels a souligné l’attitude de confrontation du fonctionnaire relativement à un problème lié aux laissez-passer et aux véhicules le 30 mars 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000011), tout comme M. Ouellet, dans sa conversation du 21 avril 2010 avec le fonctionnaire.

234 Le fonctionnaire a, de façon inappropriée, formulé des allégations d’inconduite contre M. Ouellet, M. Williams et M. Hammond relativement à l’incident concernant le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel. D’après son témoignage, il est évident qu’il ne fait pas confiance à ces personnes, avec lesquelles il était tenu de travailler. Je signale que cela appuie les points de vue du défendeur tels qu’ils ont été exprimés par M. Ouellet, M. Hammond et M. Williams selon lesquels le fonctionnaire s’identifiait avec les détenus, et cela donne un certain appui à leur préoccupation selon laquelle le Dr Kubinski avait des problèmes liés aux limites.

235 Je suis préoccupé par le fait que le cœur des problèmes était lié aux croyances du Dr Kubinski selon lesquelles la direction avait des motifs inappropriés n’a jamais été présenté aux témoins d’une façon approfondie et adéquate. Je n’accepte pas le témoignage du fonctionnaire sur les questions suivantes :

  • Dans le cadre de l’allégation du fonctionnaire selon laquelle son renvoi en cours de stage était de nature disciplinaire, il a soulevé le fait qu’il y avait eu une discussion à propos d’un appel de l’avocat du détenu mentor le jour de la réunion pour son évaluation du rendement des neuf mois. Comme je l’ai signalé plus tôt dans mes motifs, le fonctionnaire n’a pas présenté intégralement ses allégations à M. Hammond en contre-interrogatoire et son témoignage sur la conversation diffère grandement de celui de M. Hammond. Aucun élément de preuve ne permet de corroborer le témoignage du Dr Kubinski selon laquelle une conversation a eu lieu à une date prévue aux fins de l’examen du rendement du fonctionnaire et on aurait pu s’attendre à l’existence de certains documents sur ce point, sous forme d’un courriel invitant le Dr Kubinski à une discussion sur l’évaluation de son rendement. Je signale que la Dre Dhaliwal ne se souvenait pas de discussions à propos du détenu mentor relativement à une discussion sur les objectifs le 25 octobre 2010. Je privilégie le témoignage de M. Hammond concernant cette discussion avec le fonctionnaire au sujet du détenu mentor, car M. Hammond a témoigné d’une façon très directe à propos des détails de la conversation et la version du fonctionnaire n’a pas été présentée à M. Hammond en contre-interrogatoire. Je signale que le fonctionnaire a également rétracté les commentaires qu’il a formulés concernant le camouflage d’une situation concernant le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel. Je me fonde sur la décision rendue dans Faryna pour privilégier le témoignage de M. Hammond par rapport à celui du fonctionnaire. Je parviens à la conclusion que cela ne s’est pas produit à une date qui était prévue aux fins de l’examen du rendement du fonctionnaire. Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’une discussion à propos de la communication de l’avocat du détenu mentor avec le fonctionnaire a constitué un facteur dans la décision du défendeur de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.
  • J’accepte le témoignage de M. Ouellet selon lequel il était important, pour des motifs liés à la protection des renseignements personnels, de consigner les allégations formulées par le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel dans un système distinct et séparé du SGD, et je parviens à la conclusion qu’il n’a pas suggéré au fonctionnaire qu’il ne devait pas les consigner. Je conclus également qu’il était contraire à la politique de SCC de consigner ce type de renseignements dans le SGD et qu’ils auraient dû être consignés dans un rapport d’observation ou déclaration d’un agent et être versés dans le dossier de sécurité préventive. Je n’accepte pas les allégations du fonctionnaire selon lesquelles M. Williams et M. Hammond lui ont dit de [traduction] « fermer les yeux » au sujet des allégations concernant le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel. Ces allégations sont extrêmement graves et auraient dû être présentées à M. Williams et à M. Hammond en contre-interrogatoire. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a modifié son témoignage en attestant qu’il avait l’impression qu’ils voulaient qu’il ferme les yeux.

236 À mon avis, les allégations du Dr Kubinski à propos d’un camouflage de l’incident visant le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel sont révélatrices d’une attitude à l’égard de la direction qui est conforme à celle signalée par Mme Daniels et M. Ouellet. Je n’accepte pas les suggestions du Dr Kubinski selon lesquelles il y a eu un camouflage à l’égard du détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel.

237 Il est bien établi que les employés qui sont en stage probatoire jouissent d’un ensemble de droits moindres que ceux des employés nommés pour une période indéterminée. Je signale que, même dans le secteur privé, la jurisprudence indique un niveau élevé de retenue arbitrale par rapport à la décision d’un employeur de déterminer l’aptitude d’un employé en stage probatoire aux fins de la poursuite de l’emploi. Je signale qu’un employeur en vertu de la LEFP jouit d’une plus grande latitude d’accepter ou de renvoyer les employés en cours de stage comparativement aux employeurs dans le secteur privé. Sous le régime de la LRTFP, en règle générale, il n’existe aucun droit de se prononcer sur un renvoi en cours de stage, sauf s’il peut être qualifié, au vu de l’ensemble de la preuve, comme une mesure ayant entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Cela est consacré au critère permettant de déterminer si l’employé a été renvoyé pour des motifs liés à l’emploi. Si le renvoi en cours de stage était pour un véritable motif lié à l’emploi, un arbitre n’a pas la compétence pour examiner le bien-fondé de tout grief relatif à cette cessation d’emploi.

238 La jurisprudence existante est bien indiquée dans Bilton, dans laquelle l’arbitre a déclaré ce qui suit au paragraphe 33 :

Même s’il n’a pas la compétence pour instruire un grief concernant un renvoi en cours de stage, un arbitre de grief doit d’abord, avant d’en arriver à une telle conclusion, déterminer si le renvoi était lié à l’emploi et si l’employeur a recouru au motif du stage comme subterfuge ou camouflage pour cacher un autre motif de renvoi. Comme mentionné dans Leonarduzzi, l’employeur doit seulement fournir à l’arbitre de grief un minimum de preuve que le renvoi est lié à l’emploi ou qu’il ne considérait pas que l’employé possédait les aptitudes requises. Contrairement aux affaires relatives à des mesures disciplinaires, l’employeur n’est pas tenu de justifier sa décision par un motif valable. Il incombe alors à la fonctionnaire de démontrer que la décision de la renvoyer n’était pas liée à l’emploi, mais qu’elle constituait plutôt un camouflage ou un subterfuge et a été prise de mauvaise foi.

239 Le fardeau de l’employeur est relativement léger, alors que le fardeau du fonctionnaire est lourd.

240 J’estime que ma tâche n’est pas d’évaluer si le défendeur a été raisonnable dans son évaluation de l’aptitude du fonctionnaire aux fins de la poursuite de l’emploi.

241 Les activités de SCC comprennent l’exécution d’un ensemble de programmes complexe. SCC a la prérogative de la direction de gérer l’effectif pour mettre en œuvre des programmes en vertu de son régime législatif. Si la direction considérait que le mentorat des détenus ayant des problèmes de santé mentale par d’autres détenus était un mécanisme de prestation de services qu’elle souhaitait abandonné, c’était à la direction d’en décider. En tant qu’arbitre, ma prérogative n’est pas de dicter les services que doit offrir ou non SCC aux détenus. Le fait que l’opinion du Dr Kubinski était que le programme FASSDDI avec les mentors fonctionnait bien n’est pas pertinent à la tâche qui m’incombe, qui est de trancher la question relative au renvoi en cours de stage. Je signale qu’il y avait un besoin continu quant aux services du Dr Kubinski, peu importe si le défendeur avait éliminé les interactions entre les mentors et les détenus dans les maisons 10 et 11. Il restait des objectifs en milieu de travail qui devaient être accomplis, peu importe la présence ou non de mentors dans les maisons 10 et 11.

242 Je signale également dans le témoignage de M. Ouellet qu’il est difficile de recruter et de maintenir en poste des professionnels dans le milieu correctionnel, et je signale le témoignage de M. Hammond selon lequel il avait vu une possibilité de retenir les services d’un planificateur du renvoi et de la mise en liberté à l’Établissement de Ferndale et qu’il était initialement heureux de compter parmi les membres du personnel quelqu’un ayant les titres de compétence du Dr Kubinski.

243 Dans ce cas, le défendeur n’a pas réussi à prouver chacune des allégations dans la lettre de renvoi du fonctionnaire en cours de stage de Mme Gaskell. Je suis convaincu que Mme Gaskell croyait à la véracité de ces allégations. J’estime que la fin de l’analyse n’est pas la détermination de savoir si le défendeur a établi un motif lié à l’emploi pour renvoyer le Dr Kubinski en cours de stage.

244 Je ne suis pas convaincu que la preuve s’élève à un niveau de force probante en ce qui concerne certaines allégations soulevées par le défendeur dans la lettre de renvoi en cours de stage (pièce E-1, onglet 4), comme suit :

[Traduction]

  • […] vous avez nécessité une quantité excessive de directives pour exercer les tâches de base relatives à la planification du renvoi et de la mise en liberté (c.-à-d. obtenir les services de base pour un délinquant sur le point d’être libéré) […];
  • […] le fait d’avoir ouvertement affiché un manque de professionnalisme pendant les rencontres avec les délinquants, dans le cadre desquelles vos actions ont miné les décisions prises par la direction;
  • [v]otre rendement n’a pas servi à améliorer l’Initiative sur la santé mentale à l’établissement Ferndale tel qu’il était attendu.

245 Le Dr Kubinski était un employé qui travaillait sans beaucoup de contacts directs avec ses superviseurs. Il se peut très bien qu’il ait fourni des services aux détenus avec professionnalisme et compassion, comme c’est l’avis de M. Nadeau. Je ne suis saisi d’aucun élément de preuve qui laisse supposer qu’il n’offrait pas de services aux détenus de façon professionnelle.

246 Le fonctionnaire a expliqué certaines des allégations du défendeur. Je signale que j’accepte ses explications relatives à ce qui suit :

  • son absence de l’Établissement de Ferndale le vendredi 30 juillet 2010 en raison d’un problème dentaire urgent;
  • le fait qu’il a reçu des directives de M. Ouellet à propos des rapports sur les heures supplémentaires;
  • l’entrevue du détenu éprouvant des difficultés.

247 Je crois que certains des exemples donnés par le défendeur sont simplement des exemples de questions ou de l’absence de connaissances qu’un nouvel employé à SCC pourrait avoir par rapport au milieu correctionnel, plutôt que des exemples d’une inaptitude au travail. En toute évidence, il faut du temps pour devenir pleinement compétent dans un emploi. Il ne faut pas oublier que le Docteur avait été embauché à l’externe et qu’il s’agissait de son premier emploi à SCC. Des exemples de ces points sont des préoccupations que le défendeur a soulevées à propos de la planification du renvoi et de la mise en liberté pour le détenu sur le point d’être libéré ainsi que la correspondance liée à la prise de cours et à la consignation des heures supplémentaires.

248 Le défendeur n’était pas tenu de prouver chaque allégation présentée dans sa lettre de renvoi en cours de stage; il n’avait qu’à établir un motif lié à l’emploi pour le renvoi. Un motif lié à l’emploi peut s’avérer suffisant; voir Dalen. Le défendeur a prouvé un certain nombre de motifs liés à l’emploi pour renvoyer le Dr Kubinski en cours de stage.

249 J’accepte le fait que le Dr Kubinski a refusé ou négligé de signer les objectifs de rendement. Même si le libellé dans la transmission des documents laisse supposer que les objectifs étaient provisoires, il est évident au vu de l’ensemble de la preuve que le défendeur considérait que les objectifs constituaient un point important pour tenir le Dr Kubinski responsable. En deux occasions différentes, le fonctionnaire n’a pas remis les copies signées des objectifs lorsqu’on le lui a demandé. Je trouve surprenant le refus du Dr Kubinski de signer les objectifs, mais la preuve est claire sur ce point. Je ne suis pas d’avis qu’il s’agit là d’une question de faible importance, compte tenu de la prérogative générale du demandeur de diriger ses travailleurs dans son milieu de travail, comme l’a laissé entendre le fonctionnaire. Il est évident qu’il a reçu une description de travail, mais celle-ci était générique, et il était important que le défendeur établisse des buts et des objectifs significatifs pour tenir le Dr Kubinski responsable de son travail à l’Établissement de Ferndale. Le Dr Kubinski était un professionnel, il était tenu de travailler de façon indépendante et d’exercer son jugement professionnel; cependant, le défendeur avait effectivement le droit à ce que le fonctionnaire s’engage à respecter des objectifs. Je signale qu’un aspect de l’aptitude dans le milieu correctionnel pour lequel on évalue le rendement est de déterminer si l’employé est prêt à s’engager à être tenu responsable de ses actions. Les préoccupations du défendeur étaient donc justifiables. Il s’agit d’un motif lié à l’emploi.

250 Je n’accepte pas les excuses du Dr Kubinski pour ne pas avoir signé les objectifs. Il a prétendu que différents objectifs lui ont été présentés par différents superviseurs. Les objectifs étaient, essentiellement, les mêmes objectifs qu’on lui avait présentés après sa rencontre du mois d’avril avec M. Ouellet. Son explication selon laquelle son travail n’était pas de produire des gadgets et que certains des objectifs de rendement n’étaient pas mesurables ne constituaient pas des motifs pour refuser de les signer. Il aurait pu les signer tout en protestant, puis déposer un grief concernant les résultats d’une évaluation du rendement.

251 Cependant, il est évident que le défendeur avait des préoccupations concernant la documentation par le fonctionnaire de son travail et de ses activités, tel que l’indiquent les faits suivants :

  • il a négligé de présenter un calendrier de ses activités;
  • il a négligé d’informer son superviseur à propos de ses absences de l’Établissement de Ferndale pendant la journée de travail ou a présenté des explications inadéquates;
  • il n’a pas tenu de notes sur les cas dans le formulaire adéquat;
  • dans certains cas, il n’a pas documenté adéquatement et entièrement son travail; par exemple :
    • en ce qui concerne l’arrivage éventuel d’un détenu le 16 septembre 2010 (pièce E-1, onglet 2, page 000109);
    • relativement à l’absence de documentation dans le SGD de sa visite à deux délinquants au CRT le 1er octobre 2010.

252 Le fait de documenter son travail dans un milieu correctionnel est important, car il s’agit d’un milieu sensible sur le plan de la sécurité. Les notes du fonctionnaire sur les interactions des détenus doivent être accessibles à d’autres pour examiner la continuité d’un traitement en cours et traiter toute préoccupation en matière de sécurité. L’emplacement physique du fonctionnaire peut devenir important en cas d’incident.

253 À mon avis, toutes ces questions sont importantes, ce qui va au-delà du simple fait de s’ajuster à un nouveau poste à SCC.

254 Tous ces points ont été portés à son attention, même s’il n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire relativement à ceux-ci. Je signale qu’il n’est pas nécessaire de discipliner ou d’avertir un employé avant de le renvoyer en cours de stage. Je ne suis pas tenu d’analyser si ces manquements de la part du fonctionnaire constituent une cause juste. Tous ces points sont des motifs liés à l’emploi.

255 Tel qu’il est exprimé dans la lettre de renvoi en cours de stage (pièce E-1, onglet 4), je suis convaincu qu’il existe une preuve probante des questions liées à l’emploi formulées dans la lettre :

[Traduction]

  • On vous a communiqué à plus d’une reprise vos attentes de rendement et vous avez résisté au fait de travailler en vue de les atteindre;
  • En outre, vous n’avez pas fourni les rapports écrits et les documents qui vous ont été demandés […];
  • [vous vous êtes] présenté d’une façon ne favorisant pas une image professionnelle lorsqu’on vous a demandé de participer à des rencontres et d’aider à l’examen du rendement du directeur […]

256 Dans l’examen des questions liées à la mauvaise foi, au camouflage et à la mesure disciplinaire déguisée, je signale que la décideuse dans cette affaire, Mme Gaskell, semble avoir honnêtement cru qu’il y avait des préoccupations liées à l’emploi en ce qui concerne le fonctionnaire. Je signale que, même si Mme Gaskell avait la charge d’embaucher et de renvoyer le fonctionnaire, elle n’avait aucune connaissance indépendante de son rendement. Par conséquent, je ne peux pas me fier uniquement à sa lettre et à son témoignage sans tenir compte des témoignages des autres témoins. J’ai pris en considération les arguments soulevés par le fonctionnaire, dont l’incidence du détenu, la question concernant l’allégation relative au détenu alléguant entretenir une relation avec agent correctionnel, le défaut de superviser le fonctionnaire ainsi que le défaut de respecter le guide et les lignes directrices.

A. Détenu mentor

257 Il m’est inutile d’exprimer un point de vue sur la validité des interactions du détenu mentor avec la direction à l’Établissement de Ferndale. Il est possible que le détenu mentor d’avoir eu des griefs légitimes contre le défendeur et d’avoir eu une capacité de manipuler les employés vulnérables – ces concepts ne s’excluent pas mutuellement. Pendant la courte période au cours de laquelle j’ai entendu le détenu mentor, il m’a semblé être une personne brillante, aimable, articulée et persuasive. Toutefois, son témoignage n’a pas permis d’ajouter beaucoup d’éléments à la preuve dont je suis saisie. Il est évident qu’au plus tard le 28 septembre 2010 à tout le moins, la date à laquelle la signification de l’affidavit d’un détenu a été acceptée (pièce G-13), SCC était informée d’une poursuite intentée par le détenu mentor contre le directeur de l’Établissement de Mission. Il semble que M. Hammond était à tout le moins informé de l’action en justice lorsque le Dr Kubinski l’a informé que l’avocat du détenu mentor avait communiqué avec lui.

258 Je n’accepte pas la théorie du fonctionnaire selon laquelle il a été congédié en raison de son appui au détenu mentor dans le cadre de son litige avec le défendeur. Mme Gaskell n’en était pas informée et c’est elle qui a rédigé la lettre de congédiement. Aucun des témoins n’a laissé directement entendre qu’ils avaient omis d’en informer Mme Gaskell. Je souligne que l’appui du fonctionnaire au détenu mentor en signant des affidavits est survenu après son licenciement, non pas avant. J’accepte la version de M. Hammond selon laquelle il avait l’intention de prévenir le fonctionnaire, car il était évident que l’avocat du détenu mentor allait agir en faveur du détenu et pouvait ne pas avoir l’intérêt du fonctionnaire à l’esprit. J’accepte également le témoignage de M. Hammond selon lequel ce détenu mentor en particulier avait des antécédents d’exploiter les employés marginalisés ou vulnérables. Le témoignage de M. Hammond sur ce point n’a pas été contesté en contre-interrogatoire. En tant qu’employé en stage probatoire, on peut qualifier le Dr Kubinski d’employé vulnérable. Je signale qu’il n’y a eu aucun avertissement que le fonctionnaire subirait des conséquences s’il aidait le détenu mentor dans son litige et il n’y a aucun motif selon lequel je peux déduire qu’il y a eu un avertissement implicite des conséquences.

259 Il est évident que le Dr Kubinski a été approché par l’avocat du détenu mentor pendant sa période de stage probatoire pour aider le détenu mentor dans le cadre de son litige avec le défendeur. Je ne suis pas convaincu que la preuve montre selon la prépondérance des probabilités que cela a été un facteur dans son licenciement. Je ne crois pas qu’il est probable, voire plausible, que le Dr Kubinski a été renvoyé en cours de stage en raison de la crainte du défendeur qu’il aide le détenu mentor dans une action en justice. Cela est contre-intuitif. Compte tenu des loyautés qu’un employé doit à un employeur, le défendeur aurait été mieux en mesure de contrôler la conduite du Dr Kubinski en le maintenant à son emploi au sein de l’organisation. En outre, le défendeur n’aurait eu aucun contrôle si le détenu mentor avait choisi d’envoyer une assignation à témoigner au Dr Kubinski. Une fois congédié, il exerçait peu de contrôle sur le comportement du fonctionnaire. Je signale que le Dr Kubinski n’a pris aucune mesure pour appuyer le détenu mentor avant d’être renvoyé en cours de stage probatoire. En règle générale, j’estime qu’un employé ferait preuve d’une prudence considérable relativement au fait d’appuyer une partie dans un litige défavorable aux intérêts de son employeur. Je signale qu’à ce moment, le défendeur avait des préoccupations de longue date à propos du défaut du fonctionnaire de s’engager à respecter des objectifs de rendement ainsi qu’au sujet de ses limites.

B. La question concernant le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel     

                                                                                  

260 Je ne crois pas qu’il est probable, voire plausible, que le Dr Kubinski a été licencié en raison de la préoccupation qu’il a déclaré avoir soulevée à l’égard du traitement du défendeur à l’égard du détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel. Évidemment, lorsque le détenu soulève une question relative à une relation amoureuse avec un agent correctionnel, celle-ci doit faire l’objet d’une enquête. Même si le Dr Kubinski a joué un rôle, en ceci que le détenu alléguant entretenir une relation avec un agent correctionnel faisait partie de son groupe témoin, à mon avis, la nature de l’enquête n’aurait pas requis que le défendeur interview le Dr Kubinski. Hormis la continuité des renseignements de la preuve, il n’aurait rien eu à contribuer quant à savoir si l’employé avait une relation amoureuse avec le détenu, plus particulièrement alors que l’incident, s’il est survenu, est survenu en Alberta et non pendant la période de stage probatoire du Dr Kubinski. Il va de soi qu’une telle allégation doit faire l’objet d’une enquête de façon rapide et délicate, car elle soulève des préoccupations en matière de sécurité. Il pourrait également y avoir d’importantes conséquences liées à l’emploi pour l’agent, si la plainte relative à la relation s’avérait fondée. J’estime qu’il n’était pas nécessaire que le défendeur informe le Dr Kubinski des détails ou du résultat de l’enquête. Il est probable que préoccupations en matière de protection des renseignements personnels en ce qui concerne l’agent empêcheraient la divulgation des détails de l’enquête au Dr Kubinski. Mme Hackett a déclaré que la procédure standard consistait à placer le détenu en isolement préventif pendant l’enquête, étant donné que l’Établissement de Ferndale était un établissement à sécurité minimale, sans les limites solides habituelles d’un établissement à sécurité moyenne. Je signale que ce détenu a été envoyé au CRT pour être stabilisé peu de temps après la fin de son isolement préventif. Dans les faits, l’hypothèse soulevée dans le cadre du témoignage du Dr Kubinski selon laquelle [traduction] « rien n’a été fait » est inexacte. Le fait qu’on ne lui a communiqué ni les détails de l’enquête ni son résultat ne signifie pas qu’elle n’a pas eu lieu. Une enquête a eu lieu et, en fin de compte, le détenu a été transféré. Il était improbable que M. Hammond ou M. Williams lui aient dit de [traduction] « fermer les yeux », alors que, dans les faits, Mme Hackett a participé à une enquête en compagnie du directeur adjoint et d’un représentant de la sécurité au moment pertinent. Son allégation n’est pas conforme à la [traduction] « […] la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances »; voir Faryna. En fait, en contre-interrogatoire, le Dr Kubinski a rétracté son témoignage sur ce point et a indiqué qu’il s’agissait d’une [traduction] « impression » de sa part. Pour moi, le fait que le Dr Kubinski a formulé une allégation très grave contre M. Hammond et M. Williams, deux gestionnaires, qu’il n’a pas abordée avec eux en contre-interrogatoire et qu’il semble s’être rétracté est une préoccupation importante. Je signale que cela tend à appuyer quelque peu les points de vue de M. Ouellet et Hammond selon lesquels le fonctionnaire n’est pas en mesure de maintenir sa neutralité et qu’il avait un degré élevé de méfiance à l’égard de la direction.

C. Superviseurs multiples

261 Le Dr Kubinski a eu de nombreux superviseurs pendant sa période de stage probatoire. Il est difficile de voir comment un employeur aurait pu évaluer adéquatement ses progrès sur la période de près d’un an avant son licenciement. Je signale également que le Dr Kubinski a été embauché en tant que professionnel en raison de son expertise. Il aurait dû nécessiter peu de supervision et de surveillance. Comme l’a déclaré M. Ouellet, il n’était pas un commis qui avait besoin de directives.

262 J’estime que le fait d’avoir eu de multiples superviseurs ne se prête pas à des décisions de qualité à propos de l’aptitude des employés et pourrait avoir une incidence sur la capacité de l’employé qu’il est en mesure de faire le travail. Cependant, à mon avis, une situation concernant de multiples superviseurs en soi ne constitue pas un motif pour conclure à la mauvaise foi, à une mesure disciplinaire ou qu’il y a eu un camouflage ou un subterfuge. Dans ce cas, il semble y avoir eu des changements légitimes de superviseurs pour des motifs opérationnels, ce qui ne visait pas à discipliner le Dr Kubinski.

263 Cependant, je ne peux pas affirmer que le fait d’avoir eu de multiples superviseurs a mené à une décision arbitraire, à une décision prise de mauvaise foi, ou à une décision qui constitue un subterfuge ou un camouflage. Je signale que les superviseurs multiples ne représentaient pas un acte de mauvaise foi ciblant le fonctionnaire. Il ne semble pas que ce soit une mesure du défendeur qui a ciblé le fonctionnaire s’estimant lésé, mais plutôt le résultat de changements aux programmes et aux membres du personnel.

D. Défaut de suivre les lignes directives

264 Le Dr Kubinski a allégué que le défendeur avait omis de respecter les Lignes directrices (pièce E-1, onglet 9) et le Guide. J’accepte que, parfois, le défaut de respecter une politique puisse entraîner une décision prise de mauvaise foi ou une décision arbitraire. À mon avis, un arbitre devrait se concentrer sur l’essence de la question en litige et non pas sur les nuances procédurales dans l’application de la politique. Je rejette l’approche dans Dhaliwal, qui semble laisser entendre qu’un défaut de respecter la politique signifie que la décision connexe a été prise de mauvaise foi. J’indiquerais également que le simple fait que le défendeur a respecté sa politique ne signifie pas que la décision a été prise de bonne foi.

265 Je signale que le défendeur a renvoyé le fonctionnaire en cours de stage pour des motifs liés à l’emploi, peu importe si les Lignes directrices ou le Guide ont été respectés.

266 J’en conclus qu’il est difficile d’accepter le témoignage du fonctionnaire selon lequel le renvoi en cours de stage l’a pris par surprise. Il savait qu’il n’avait pas fourni les objectifs signés, notamment le 30 septembre 2010, lorsque M. Ouellet a amené les objectifs à son bureau, puis qu’il est revenu une heure plus tard pour les récupérer. Pendant cette même période, il a également écrit à Mme Burke à propos de sa description d’emploi et a exprimé des préoccupations à propos de son examen du rendement à venir. Je signale qu’il a également refusé de signer les objectifs que lui a présentés la Dre Dhaliwal. Toute personne raisonnable comprendrait que ceux-ci représentaient des points importants pour son employeur.

267 Même si le défaut de suivre les lignes directrices sur le renvoi en cours de stage ou les évaluations du rendement pourrait parfois équivaloir à de la mauvaise foi, ou à une conduite arbitraire, je ne suis pas convaincu que la décision de renvoyer le Dr Kubinski en cours de stage était arbitraire ou de mauvaise foi. Elle semble fondée sur des motifs liés à l’emploi. À mon avis, son refus de s’engager à respecter des objectifs était un facteur important pour expliquer le fait qu’il n’a pas reçu une évaluation officielle. Il est clair qu’il a omis de fournir les documents qu’on lui a demandés de façon répétée sous la forme d’un calendrier. Il a effectivement reçu de la rétroaction informelle pendant sa période de stage probatoire. Il est clair qu’il n’existe aucune obligation de prévenir un employé qu’il n’atteint pas les objectifs, le défaut de prévenir l’employé n’empêche pas de le renvoyer en cours de stage.

268 Je suis convaincu que le défendeur a renvoyé le Dr Kubinski en cours de stage de probatoire pour des motifs liés à l’emploi. Je signale que le Dr Kubinski n’a pas établi une mauvaise foi, un subterfuge ou une mesure camouflée du défendeur. Il peut ne pas être d’accord que le défendeur a des préoccupations, mais il n’est pas nécessaire que ces préoccupations équivaillent à une cause juste pour le congédiement de l’employé en stage probatoire.

269 Puisque l’employeur a établi des motifs liés à l’emploi pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage je n’ai donc pas la compétence pour examiner ce grief.

270 Je ne suis pas préoccupé par le fait qu’une partie de la pièce E-1, onglet 2 comprend des renseignements sur les problèmes de santé mentale comprenant les noms de certains détenus, qui peuvent toujours être incarcérés ou être en liberté surveillée. Aucune de ces personnes n’a témoigné à l’audience, mais ces renseignements font partie de la preuve de l’employeur pour renvoyer le Dr Kubinski en cours de stage. Aucune des parties n’a demandé une ordonnance de mise sous scellés. Je prononce une ordonnance de mise sous scellés de mon propre chef, pour certaines pages de la pièce E-1, onglet 2.

271 La position par défaut dans une audience devant la CRTFP est le principe de transparence judiciaire. C’est-à-dire que tous les membres du public, dont les médias, doivent pouvoir accéder aux renseignements présentés à la CRTFP. Les audiences sont publiques. La Commission a publié sa Politique sur la transparence et la protection de la vie privée dans le site Web de la CRTFP. La CRTFP a déclaré :

[…]

Le principe de transparence judiciaire occupe une place importante dans notre système de justice. Suivant ce principe, la Commission tient ses audiences en public, sauf dans des circonstances exceptionnelles. De par son mandat et la nature des affaires qu’elle entend, la Commission pratique une politique d’ouverture qui favorise la transparence de ses procédures, la responsabilisation et l’équité dans la conduite de ses audiences.

[…]

Les parties et leurs témoins sont soumis à l’examen du public lorsqu’ils témoignent devant la Commission; ils sont donc plus enclins à dire la vérité si leur identité est connue. Les décisions de la Commission indiquent le nom des parties et des témoins et fournissent toute information à leur sujet qui est pertinente et nécessaire pour décider du différend.

Parallèlement, la Commission reconnaît que, dans certains cas, la mention de renseignements personnels au cours d’une audience ou dans une décision écrite peut avoir des répercussions sur la vie de la personne concernée. Des préoccupations liées à la protection de la vie privée surviennent le plus souvent lorsque des renseignements sur certains aspects de la vie d’une personne deviennent publics. Il peut s’agir de l’adresse domiciliaire de la personne, de son adresse électronique personnelle, de son numéro de téléphone personnel, de sa date de naissance, d’informations financières à son sujet, de son NAS, de son numéro de permis de conduire, ou encore de renseignements figurant sur sa carte de crédit ou son passeport. La Commission s’efforce de ne mentionner ce genre de renseignements que s’ils sont pertinents et nécessaires pour décider du différend.

272 Le critère Dagenais Mentuck est le critère applicable dont il faut tenir compte pour sceller les renseignements ou les pièces : Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76. Les éléments de ce critère sont les suivants :

[Traduction]

a) L’ordonnance est-elle nécessaire pour prévenir un risque élevé à l’égard d’un droit important, y compris un intérêt commercial, dans le cadre d’un litige, car d’autres mesures raisonnables ne préviendront pas le risque?

et :

b) Les effets bénéfiques de l’ordonnance, y compris les effets sur les droits des parties civiles à un procès équitable, l’emportent-ils sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur le droit à la liberté d’expression, ce qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans des procédures judiciaires ouvertes et accessibles?

273 La Cour suprême du Canada a précisé qu’il incombe à la partie qui demande l’ordonnance de mise sous scellés de justifier la délivrance de cette ordonnance en se fondant sur une preuve suffisante — une assertion générale de préjudice n’est pas suffisante. En plus d’examiner les éléments de preuve produits par les parties, le décideur est tenu légalement de tenir compte de la protection constitutionnelle accordée au droit du public d’accéder à la preuve, même si aucune partie ne plaide en faveur de ce droit.

274 En appliquant le critère Dagenais Mentuck, je suis préoccupé par le fait que la publication des noms et des renseignements particuliers sur la santé mentale des détenus puisse avoir une incidence sur la réhabilitation de ces détenus ou soulever des préoccupations en matière de sécurité, car ces personnes pourraient être exposées à la manipulation par d’autres détenus si ces renseignements deviennent publics. La publication de ces renseignements dans la pièce n’est pas essentielle à une compréhension transparente de la présente décision. J’ordonne que l’onglet 2 soit supprimé de la pièce E-1 et scellé. J’ordonne que cet onglet soit remplacé par une version expurgée de l’onglet 2, comprenant toutes les pages de l’onglet 2, expurgé des pages suivantes en ce qui a trait aux noms des détenus, et à leurs besoins en matière de médicaments de traitements : pp. 000017 à 000056; 000062 à 000064; 000084 à 000097; et 000109 à 000110.

275 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

276 Le grief est rejeté.

277 J’ordonne que l’onglet 2 soit supprimé de la pièce E-1 et scellé. J’ordonne que cet onglet soit remplacé par une version expurgée de l’onglet 2, comprenant toutes les pages de l’onglet 2, expurgé des pages suivantes en ce qui a trait aux noms des détenus, et à leurs besoins en matière de médicaments de traitements : pp. 000017 à 000056; 000062 à 000064; 000084 à 000097; et 000109 à 000110.

Le 23 septembre 2014.

Traduction de la CRTFP

Paul Love, arbitre de grief

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