Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté une sanction pécuniaire d’un jour de paie imposée parce qu’elle avait négligé sa fonction et fait une fausse déclaration - la fonctionnaire s’estimant lésée travaillait comme agente correctionnelle au poste principal de contrôle des communications (PPCC) dans un établissement à sécurité moyenne - durant son quart, la fonctionnaire s’estimant lésée a laissé ouverte une porte menant au PPCC - lorsqu’on l’a confrontée, la fonctionnaire s’estimant lésée a nié l’avoir laissée ouverte - la fonctionnaire s’estimant lésée s’est opposée à l’admissibilité de la preuve sur bande vidéo à l’audience - l’arbitre de grief a jugé la preuve sur bande vidéo pertinente - afin de déterminer si cette preuve devait être exclue, il a pris en compte les questions de savoir: 1) si la Loi sur la protection des renseignements personnels a été violée; 2) si l’admission de la preuve est contraire aux politiques sur les relations de travail; 3) si l’admission de la preuve est dommageable à la relation continue des parties - lorsqu’il a admis la preuve, l’arbitre de grief a jugé que la Loi sur la protection des renseignements personnels n’a pas été violée puisque la caméra a été installée à des fins de sécurité, des avis étaient affichés dans la zone et il n’y avait aucune attente raisonnable de respect de la vie privée dans le secteur du PPCC - il n’y a eu aucune violation à une politique en matière de relations de travail, puisque la séquence vidéo a été obtenue à des fins de sécurité de l’établissement et que le défendeur ne surveillait pas le rendement des employés - l’admission de la preuve ne causera aucun dommage à la relation entre les parties, puisque la preuve sur bande vidéo permettait de préciser des faits à l’audience - l’arbitre de grief a maintenu que l’employeur avait un motif valable pour imposer une mesure disciplinaire, mais que la sanction était trop sévère - la preuve a démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée avait laissé la porte ouverte - l’arbitre de grief a accepté la preuve de la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle elle était distraite, mais il l’a rejetée à titre d’excuse, puisque la fonctionnaire s’estimant lésée, en tant qu’agente de la paix, est tenue à des normes supérieures - la fonctionnaire s’estimant lésée avait l’obligation de s’assurer que la porte était verrouillée et que le fait de la laisser non verrouillée était un acte fautif et une erreur répréhensible- l’arbitre de grief a jugé que la fonctionnaire s’estimant lésée croyait honnêtement avoir bien verrouillé la porte et qu’elle n’avait pas été intentionnellement malhonnête - une réprimande écrite a remplacé la sanction pécuniaire d’un jour de paie. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-09-23
  • Dossier:  566-02-8958
  • Référence:  2014 CRTFP 88

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LORRAIN DESJARLAIS

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Desjarlais c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Paul Love, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Corinne Blanchette, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (UCCO-SACC-CSN)
Pour le défendeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Abbotsford (Colombie Britannique), du 8 au 10 juillet 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Lorrain Desjarlais, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a présenté un grief à l’encontre de la sanction pécuniaire d’une journée de salaire qui lui a été imposée par l’administrateur général du Service correctionnel du Canada (le « défendeur ») le 10 avril 2013 pour avoir maintenu une porte ouverte vers le poste principal de contrôle des communications (le « PPCC ») à l’Établissement du Pacifique (l’« établissement ») du Service correctionnel Canada (SCC) à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage en application de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »).

2 La lettre disciplinaire délivrée par Ian Clark, gestionnaire correctionnel (pièce E-1), se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] on a porté à mon attention que la porte du PPCC n’était pas entièrement fermée. J’ai sécurisé la porte, puis je vous ai demandé si vous l’aviez maintenue ouverte lorsque vous avez quitté le PPCC – où CX2 Mott et vous étiez postés. Vous avez répondu « non » et avez ajouté « elle fait parfois cela ».

On a procédé à un examen des caméras pour traiter cette préoccupation en matière de sécurité et il a été déterminé que vous aviez maintenu la porte ouverte à l’aide de la fiche et qu’elle a été laissée non sécurisée pendant au moins cinq minutes, jusqu’à ce que je la sécurise.

[…]

J’ai passé en revue les circonstances entourant votre défaut de vous assurer que la porte vers le PPCC était adéquatement sécurisée et j’en conclus que vous avez commis une infraction de :

1. NORME UN, RESPONSABILITÉ DANS L’EXÉCUTION DES TÂCHES

Infractions

Commet une infraction l’employé qui :

  • omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons;
  • omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;
  • volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions;

Le PPCC est une section essentielle à la mission de sécurité élevée à laquelle ne doivent accéder que les membres du personnel qui y sont affectés. J’en conclus que, en tant qu’agente correctionnelle chevronnée et entièrement formée, il est plus que raisonnable de s’attendre à ce que vous compreniez que la sécurisation des portes en tout temps constitue une procédure de sécurité fondamentale et de base.

[…]

3 Dans son grief, la fonctionnaire a demandé qu’on lui rembourse la somme de 160 $, plus les intérêts, et que toute mention de mesure disciplinaire soit éliminée de son dossier.

II. Audience

4 Après avoir entendu les exposés introductifs des parties, j’ai rencontré brièvement chaque partie pour déterminer s’il était possible de parvenir à un règlement. Il était évident qu’on ne pourrait parvenir à aucun règlement, j’ai donc entrepris d’écouter la preuve.

5 Au nom du défendeur, j’ai entendu le témoignage de M. Clark. La fonctionnaire a témoigné en son nom, tout comme Susan Mott, une agente correctionnelle classée au niveau CX-02.

6 Pendant la présentation de la preuve de M. Clark, le représentant du Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (l’« agent négociateur ») s’est opposé à l’admissibilité d’un enregistrement vidéo, qui, selon le défendeur, illustrait l’inconduite alléguée. J’ai tenu un voir-dire (une audience à l’intérieur de l’audience pour déterminer l’admissibilité de la preuve) et j’ai entendu le témoignage oral des deux parties. L’agent négociateur a appelé Wayne Unger, premier vice-président de sa section locale et membre de l’équipe régionale de transfert, et M. Clark dans le cadre de son objection à la preuve. Le défendeur a appelé Claude Demers, administrateur adjoint à l’établissement. Je constate que la fonctionnaire a d’abord soulevé un enjeu concernant l’authenticité de la vidéo, car l’heure indiquée dans celle-ci est environ trois heures après le déroulement de l’incident allégué. Il semble simplement que l’horloge de la vidéo indique l’heure de l’Est plutôt que l’heure du Pacifique.

7 Après avoir entendu la preuve dans le voir-dire, j’ai rendu une décision orale déterminant que la séquence vidéo était admissible. Les parties ont accepté que la preuve du voir-dire soit considérée comme une preuve dans l’audience principale. Je souhaite confirmer les constatations importantes et les motifs qui sous-tendent l’admission de cette preuve.

A. Preuve concernant l’objection à l’admissibilité de la séquence vidéo

8 M. Unger a témoigné que la caméra de sécurité (la « caméra ») était installée près de la barrière principale de l’établissement. Il s’agit d’une caméra œil de poisson et elle est habituellement orientée vers l’entrée principale, mais elle est mobile et elle est bien en vue. Des avis sont affichés dans l’établissement et indiquent qu’une personne dans les environs peut être enregistrée.

9 La caméra a été installée dans le cadre de la [traduction] « Stratégie de l’employeur relative à la répression des drogues » (pièce G-3, note de service datée du 24 avril 2006). La partie saillante de la note de service se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

L’installation de caméras à l’entrée principale est à des fins probantes uniquement et elles ne seront pas liées à un moniteur aux fins d’une visualisation continue. Les établissements doivent assurer que l’accès physique au système d’enregistrement de la caméra de l’entrée principale est contrôlé par les membres du personnel qui ont un besoin de savoir et limité à ceux-ci.

[…]

10 M. Unger a témoigné que, lorsque la caméra a été installée, aucun signal vidéo n’était transmis à un moniteur dans le bureau des gestionnaires correctionnels. Le moniteur recevant le signal vidéo a été installé en mars 2013. On le trouve dans ce bureau un certain nombre de fois par jour; le moniteur est bien en vue et la caméra est généralement orientée vers l’entrée principale de l’établissement.

11 M. Unger a déclaré que, à l’origine, lorsque la caméra a été installée, les membres du personnel de l’établissement étaient préoccupés par le fait qu’elle pourrait être utilisée pour les surveiller. Il a indiqué que l’agent négociateur a présenté cette préoccupation au défendeur à l’occasion d’une réunion syndicale-patronale nationale. Il a indiqué que l’intention de l’administration centrale nationale du défendeur n’était pas d’utiliser les caméras pour surveiller le personnel, ce dont tiennent compte les notes de l’agent négociateur intitulées [traduction] « Renseignements du syndicat » du 27 juillet 2007 (pièce G-4), qui sont des notes prises à l’occasion de la réunion syndicale-patronale nationale qui a été tenue le 21 juin 2007. Ces notes se lisent en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Les caméras de surveillance et leur utilisation dans les établissements

Nous avons indiqué au commissaire que les directives concernant les caméras de surveillance ne visent pas les agents correctionnels et, par conséquent, elles ne peuvent pas être utilisées pour les surveiller lorsqu’ils entrent dans l’établissement ou qu’ils en sortent, ou pour tout autre motif dans la mesure où il est lié à une mesure disciplinaire. Le SCC convient qu’une mise à jour devrait être effectuée à cet égard et que plusieurs points devraient être examinés dans le dossier « caméra ».

[…]

12 M. Unger a également fait mention de la Directive du commissaire 568-8 – Pouvoirs concernant l’utilisation d’appareils de surveillance (pièce G-5; la « directive du commissaire »). Il a indiqué que cette directive représente l’autorité concernant l’utilisation d’appareils de surveillance à l’intérieur de l’établissement. Il a témoigné que les employés ont une attente raisonnable en matière de vie privée, dont il est fait mention dans la directive. Plusieurs parties de la directive ont été mentionnées dans le cadre des témoignages et des arguments, comme suit :

6. Le directeur d’établissement/de district :

a. veillera à ce que des avis soient affichés, là où il y a lieu, indiquant qu’un secteur peut faire l’objet d’une surveillance […]

[…]

7. La surveillance par enregistrement vidéo ne doit pas être utilisée dans des endroits où les personnes ont des attentes raisonnables en matière de vie privée (p. ex. un bureau privé, un vestiaire ou un poste de travail dans des bureaux à aires ouvertes).

[…]

13. L’enregistrement vidéo ne sera pas utilisé pour surveiller le rendement des membres du personnel.

13 M. Unger a déclaré qu’à de nombreuses reprises, il a soulevé auprès de M. Clark la question selon laquelle la vidéosurveillance ne devrait pas être utilisée pour surveiller les membres du personnel. Il a également soulevé cette question auprès du directeur et à l’occasion de réunions syndicales-patronales locales et régionales. Il a indiqué que le directeur l’avait confirmé et il a dit qu’il a indiqué au personnel de direction que la vidéosurveillance n’était pas censée être utilisée pour surveiller les membres du personnel.

14 Dans le contre-interrogatoire, M. Unger a confirmé qu’il n’avait pas personnellement pris part aux discussions à l’échelle nationale, mais qu’il avait reçu un courriel. M. Unger a donné son interprétation de l’expression [traduction] « Elle devrait être utilisée à des fins de preuve uniquement ». Il a indiqué que, s’il y avait une bagarre entre des détenus, l’enregistrement vidéo pourrait être utilisé pour porter des accusations au criminel. Un enregistrement vidéo pourrait également s’avérer utile dans une situation où un visiteur devient agressif et refuse de quitter l’entrée principale.

15 Dans le contre-interrogatoire, M. Unger a concédé que les notes prises par l’agent négociateur à l’occasion de la réunion syndicale-patronale nationale qui a eu lieu le 21 juin 2007 (pièce G-4) était le compte-rendu de la réunion de l’agent négociateur et non pas le procès-verbal publié conjointement. Dans le contre-interrogatoire, M. Unger a déclaré qu’il se trouve tous les jours dans le bureau du gestionnaire correctionnel pour pointer son arrivée et sa sortie de l’établissement et s’occuper des formalités administratives. Le moniteur est bien en vue et montre habituellement l’entrée principale.

16 Dans le réinterrogatoire, M. Unger a déclaré qu’il est possible que les directives du commissaire tiennent compte de préoccupations à l’échelle nationale.

17 M. Unger a déclaré qu’il est souvent dans le bureau du gestionnaire correctionnel plusieurs fois par jour pour différentes raisons.

18 M. Clark a témoigné sur le voir-dire. Il a indiqué dans son témoignage qu’il n’était pas sûr du moment où un moniteur avait été installé dans le bureau du gestionnaire correctionnel pour recevoir le signal vidéo. On l’a questionné sur la preuve qu’il avait donnée dans le cadre d’une audience d’arbitrage concernant un autre fonctionnaire s’estimant lésé, selon laquelle les gestionnaires correctionnels surveillaient les employés et que c’était le défendeur qui leur avait indiqué d’éteindre le moniteur.

19 M. Clark a confirmé que la caméra vidéo avait été installée dans le cadre de la stratégie relative à la répression des drogues.

20 M. Clark a confirmé qu’il avait l’obligation de respecter la directive du commissaire (pièce G-5).

21 Dans le contre-interrogatoire, M. Clark a témoigné qu’il ne surveillait pas la caméra lorsque la fonctionnaire est sortie du PPCC le 10 mars 2013. Il a regardé l’enregistrement parce que Mme Desjarlais lui avait indiqué qu’il y avait un problème mécanique avec la porte du PPCC (la « porte »).

22 Dans le réinterrogatoire, M. Clark a indiqué qu’il n’avait pas effectué de suivi auprès d’autres membres du personnel ou de l’agent de sécurité de l’établissement, car il avait déterminé que ce n’était pas nécessaire. Il a regardé le moniteur pendant quelques secondes avant d’aller vérifier la porte.

23 M. Demers a témoigné qu’il était directeur adjoint à l’établissement depuis le 18 juin 2013. Il était un gestionnaire du SCC depuis 1994. M. Demers a témoigné que la caméra de l’établissement avait été installée il y a de cela un bon nombre d’années.

24 M. Demers a déclaré qu’il comprenait que la caméra située à l’entrée principale de l’établissement avait été installée à la suite de longues consultations avec l’agent négociateur. Il a indiqué que la caméra est difficile à faire fonctionner sur le plan technique et qu’un programme particulier est requis pour y accéder.

25 M. Demers a exprimé son point de vue selon lequel la directive du commissaire (pièce G-5) ne s’applique pas, car la caméra n’est pas utilisée aux fins de surveillance au sens le plus strict. Elle est installée de façon permanente, bien en vue et des affiches à l’entrée de l’établissement indiquent que les personnes peuvent être observées. Il a indiqué que l’établissement tente d’informer les personnes qu’elles seront observées.

26 On a contre-interrogé M. Demers à propos de la directive du commissaire (pièce G-5). Il a concédé que l’on pouvait interpréter certaines des directives du commissaire comme s’appliquant à tous les appareils de surveillance, mais que celle-ci est principalement utilisée pour traiter de la surveillance, en réponse au renseignement. M. Demers a également exprimé sa préoccupation selon laquelle il n’était pas à l’aise de répondre à certaines des questions dans le cadre du contre-interrogatoire, car il n’avait pas participé à la rédaction de la directive. On l’a renvoyé aux parties suivantes de la directive :

OBJECTIFS DE LA POLITIQUE

1. Établir et définir les exigences et procédures régissant l’installation et l’utilisation d’appareils de surveillance afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens de l’État.

[…]

6. Le directeur d’établissement/de district :

a. veillera à ce que des avis soient affichés, là où il y a lieu, indiquant qu’un secteur peut faire l’objet d’une surveillance

b. veillera à ce que le principe des motifs raisonnables de soupçonner une inconduite grave, qui peut comprendre un acte criminel, soit respecté avant d’appuyer la surveillance au moyen d’appareils dissimulés.

7. La surveillance par enregistrement vidéo ne doit pas être utilisée dans des endroits où les personnes ont des attentes raisonnables en matière de vie privée (p. ex. un bureau privé, un vestiaire ou un poste de travail dans des bureaux à aires ouvertes).

[…]

10. La surveillance ne doit pas se prolonger au-delà de la période raisonnablement nécessaire pour mener l’enquête.

[…]

12. L’accès à l’enregistrement vidéo et à tout renseignement qui en provient sera strictement limité aux personnes qui ont besoin de savoir. La liste de ces personnes sera dressée dans chaque situation.

13. L’enregistrement vidéo ne sera pas utilisé pour surveiller le rendement des membres du personnel.

14. Seules les parties d’un enregistrement vidéo que l’on croit contenir des éléments de preuve se rapportant à une inconduite grave seront visionnées. Tous les efforts possibles seront déployés pour respecter la vie privée des personnes qui ne sont pas expressément visées par l’enquête, et minimiser les répercussions sur ces dernières.

[…]

17. Les enregistrements réalisés au moyen d’appareils vidéo non dissimulés seront conservés pendant au moins 144 heures (6 jours). Le directeur de l’établissement a le pouvoir d’ordonner la conservation des enregistrements pendant une période prolongée au cas où ils seraient nécessaires :

a. comme éléments de preuve dans une éventuelle enquête criminelle

b. comme éléments de preuve dans une éventuelle enquête du SCC au niveau local, régional ou national, ou

c. pour des raisons autres qu’une enquête.

27 M. Demers a témoigné que le programme pour la caméra vidéo conserve les renseignements pendant six jours et commence à les écraser à compter du septième jour, en commençant par le premier jour enregistré. La période de conservation à l’établissement est conforme au paragraphe 17 de la directive du commissaire.

28 M. Demers était employé à l’Établissement Mountain lorsque la caméra de l’entrée principale a été installée à l’établissement. Il a indiqué que la caméra avait pour but d’appuyer le personnel travaillant au poste de l’entrée principale. Il y avait eu des allégations de conduite ou de rendement inappropriés par les membres du personnel utilisant le détecteur ionique, un appareil utilisé pour détecter les drogues. M. Demers a indiqué qu’il était nécessaire d’aider les membres du personnel à examiner ou à contrer les allégations, le cas échéant.

29 M. Demers avait connaissance de communications semblables à la note de service de Ross Toller, commissaire adjoint OPC (pièce G-3), qui porte sur l’introduction des caméras.

30 M. Demers a déclaré que l’angle de vue de la caméra peut être modifié à l’aide d’un manche à balai et qu’elle peut être utilisée pour suivre quelqu’un.

31 M. Demers comprenait qu’il y avait deux moniteurs pour la caméra, un dans le bureau du gestionnaire correctionnel, et un dans le bureau du coordonnateur des opérations correctionnelles, mais ce dernier poste n’existe pas.

32 Quant aux questions en matière d’éthique, M. Demers a déclaré qu’il est lié par la directive du commissaire, à moins d’obtenir une permission spéciale.

33 Dans le réinterrogatoire, on a renvoyé M. Demers au paragraphe 13 de la directive du commissaire. Il a indiqué que les gestionnaires correctionnels ne devraient pas utiliser les caméras pour observer si un agent exerce ses fonctions; par exemple, pour observer dans le but de déterminer si un agent effectue une patrouille. Les gestionnaires correctionnels sont censés se trouver avec les membres de leur personnel. Si des problèmes surviennent ou sont portés à leur attention, les gestionnaires peuvent visionner les enregistrements vidéo pour s’assurer que les procédures opérationnelles normales ont été respectées.

B. Argumentation des parties sur l’admissibilité de la preuve vidéo

1. Argumentation de la fonctionnaire s’estimant lésée

34 La fonctionnaire a fait valoir qu’en application de l’alinéa 226(1)d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2;« LRTFP »), un arbitre de grief a le pouvoir d’accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice. Cela signifie qu’il a le pouvoir de ne pas accepter des éléments de preuve.

35 Les agents correctionnels ont droit à leur vie privée dans le milieu de travail. La caméra a été installée dans le cadre de la stratégie relative à la répression des drogues. La question consiste à déterminer si l’utilisation qu’en a faite M. Clark était raisonnable dans les circonstances, étant donné que la caméra n’est pas utilisée pour surveiller le rendement du personnel. Malgré l’orientation claire dans la directive du commissaire (pièce G-5) et les discussions du comité syndical-patronal (pièce G-4) selon lesquelles la vidéo ne devrait pas être utilisée pour des mesures disciplinaires à l’encontre des membres du personnel, celle-ci a effectivement été utilisée aux fins de mesures disciplinaires. La caméra envoyait un signal vers le bureau du gestionnaire correctionnel, ce qui contrevient clairement à la note de service de M. Toller (pièce G-3).

36 La question consiste à déterminer si l’utilisation qu’a faite M. Clark de la vidéo était raisonnable. La caméra a été installée pour gérer les drogues à l’entrée principale de l’établissement. La Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21) protège les employés et exige leur consentement au moment d’accéder à leurs renseignements personnels. Le commissaire à la protection de la vie privée a mené une enquête sur un cas semblable, concernant le propriétaire d’une usine de conditionnement des viandes qui avait fait l’installation d’une caméra une capacité d’affichage panoramique ou zoom, qui montrait également les vétérinaires travaillant dans l’usine pour examiner la qualité de la viande. Même si cette caméra ne faisait pas l’objet d’une surveillance, on avait tranché qu’elle portait atteinte à la vie privée; voir le Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2005-290.

37 Le défendeur n’a présenté aucun élément de preuve pour contester le témoignage selon lequel les parties avaient conclu une entente qui faisait en sorte qu’on ne pouvait pas utiliser la caméra pour surveiller les employés qui entrent dans l’établissement ou qui le quittent ou pour surveiller les employés en général. La preuve présentée par M. Demers n’était pas crédible, mais il a admis qu’il ne ferait rien qui ne figure pas dans la directive du commissaire.

38 L’agent négociateur a fait référence aux articles 4, 5, 7 et 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui se lient comme suit :

4. Les seuls renseignements personnels que peut recueillir une institution fédérale sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités.

[…]

5. (2) Une institution fédérale est tenue d’informer l’individu auprès de qui elle recueille des renseignements personnels le concernant des fins auxquelles ils sont destinés.

[…]

7. À défaut du consentement de l’individu concerné, les renseignements personnels relevant d’une institution fédérale ne peuvent servir à celle-ci :

a) qu’aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution de même que pour les usages qui sont compatibles avec ces fins;

b) qu’aux fins auxquelles ils peuvent lui être communiqués en vertu du paragraphe 8(2).

8. (1)      Les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément au présent article.

39  Dans Sabourin c. Chambre des communes, 2006 CRTFP 15, au paragr. 86, l’arbitre de grief a maintenu ce qui suit :

Les arbitres de griefs nommés en vertu de la LRTP ont le pouvoir discrétionnaire d’admettre les preuves ou de les rejeter (article 15). Or, la pertinence est la règle générale en matière d’admissibilité. Bien que je n’aie vu ni la vidéo, ni le rapport qui s’en inspire, on peut alléguer que ce sont des preuves pertinentes, mais une preuve pertinente peut être exclue lorsque son admission est contraire à la loi ou à une saine politique de relations du travail, ou encore susceptible de nuire à la relation établie entre les parties. Qu’elle soit admissible devant un tribunal ou pas n’est pas déterminant. En d’autres termes, tout comme les arbitres de griefs peuvent admettre des preuves qui ne seraient pas admissibles devant un tribunal, ils peuvent aussi en exclure d’autres qui seraient admissibles devant une telle instance.

40 La fonctionnaire a fait valoir que la vidéo ne devrait pas être admissible. Les employés ont une attente raisonnable en matière de vie privée. Il n’était pas raisonnable d’utiliser la bande de la vidéo de surveillance pour prendre des mesures disciplinaires à son encontre.

2. Argumentation du défendeur

41 Le défendeur s’est fié à des extraits de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au paragr. 3:4203; « Videotapes » (Bandes vidéo). Le défendeur a fait valoir qu’il existe un écart entre les employeurs qui utilisent constamment la vidéo pour prendre les membres de leur personnel en flagrant délit – surveiller le rendement – et consulter une bande vidéo au besoin, puis corriger le comportement. Qui plus est, la caméra n’est pas dissimulée; les employés savent qu’elle est là. Le défendeur a consulté la séquence vidéo à propos d’un enjeu de sécurité. Il était raisonnable d’utiliser les outils qui lui étaient disponibles en tant que droit de gestion.

42 Il faut faire la distinction entre les faits de ce cas et le fait d’espionner les employés, comme c’était le cas dans Sabourin, qui concernait la surveillance du fonctionnaire s’estimant lésé dans ce cas à son insu pendant ses activités en dehors du travail. Le défendeur a fait valoir que l’on peut établir une distinction avec le Résumé de conclusions d’enquête en vertu de la LPRPDE no 2005-290 au motif que l’employeur dans ce cas n’a pas été en mesure de convaincre le décideur qu’il avait un motif légitime en matière de sécurité pour expliquer l’emplacement de la caméra.

43 Le défendeur a fait valoir que la charge décisionnelle ne consiste pas à traiter de la validité du système de vidéo dans son ensemble, mais plutôt à déterminer si, pendant la nuit particulière en question, M. Clark a utilisé la séquence vidéo d’une façon acceptable et si cet élément de preuve devrait être admis.

44 Le défendeur s’est fié à Health Employer’s Association of British Columbia (Vancouver General Hospital) v. Hospital Employee’s Union (2002) 107 L.A.C. (4e) 392 (« Vancouver General Hospital »). Dans ce cas, le syndicat s’est opposé à l’utilisation d’une séquence vidéo [traduction] « […] générée de façon routinière par des caméras de sécurité placées à des endroits stratégiques à l’intérieur de l’installation […] » et [traduction] « […] examinée rétrospectivement en réponse à une préoccupation à propos de la validité de la dénégation du fonctionnaire s’estimant lésé d’avoir participé à la conduite inadéquate alléguée contre lui »; voir la page 7. Il existe une distinction entre la collecte de renseignements de façon dissimulée et de façon non dissimulée. L’arbitre dans ce cas a admis la séquence, car rien dans la convention collective en cause n’empêchait son utilisation.

45 Le défendeur a fait valoir qu’il faut faire preuve de prudence au moment d’interpréter la directive du commissaire (pièce G-5), car l’enregistrement en question a été fait de façon non dissimulée plutôt que de façon dissimulée. M. Clark n’a pas contrevenu au paragraphe 13 de la directive du commissaire, car il n’observait ou ne surveillait pas le rendement de l’employée.

46 Le recours à l’utilisation d’une séquence vidéo dans le cadre d’audiences disciplinaires n’est pas nouveau dans un établissement correctionnel. Le défendeur a fait référence à Buchanan c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 91, où une vidéo a été utilisée pour prendre des mesures disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire s’estimant lésé pour une inconduite concernant des portes laissées ouvertes.

3. Réponse de la fonctionnaire s’estimant lésée

47 La jurisprudence présentée par le défendeur est antérieure à Sabourin.

48 La caméra à l’entrée principale de l’établissement ne devait pas être utilisée pour prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des employés. La caméra transmettait un signal vers un bureau, ce qui contrevenait à une politique, et les éléments de preuve connexes ne devraient pas être admissibles.

C. Décision sur l’admissibilité de la preuve vidéo

49 Je constate que la question concernant l’admissibilité de l’enregistrement vidéo a été soulevée pendant l’audience. Cette question faisait partie de la communication préalable à l’audience que j’ai ordonnée le 2 juillet 2014, faite par le représentant de l’agent négociateur après la fermeture des bureaux le 26 juin 2014. Les parties ont débattu de l’admissibilité et il était important de rendre une décision avant de donner suite au bien-fondé de l’audience. J’ai soulevé une préoccupation auprès des parties selon laquelle je n’étais pas sûr qu’on m’avait octroyé tous les pouvoirs applicables, non pas en tant que critique, mais compte tenu du caractère récent de la question soulevée et de l’importance de rendre une décision pour permettre aux parties de conclure une présentation du cas sans avoir recours à un long ajournement. J’ai rendu une décision orale, que je confirme maintenant dans la présente décision.

50 Je rends cette décision dans le contexte d’un grief concernant une mesure disciplinaire, et non pas dans le cadre d’un grief contestant l’introduction d’une surveillance vidéo à l’établissement, car la caméra est en place depuis 2006. Il semble que le moniteur dans le bureau des gestionnaires correctionnels a été installé en mars 2013.

51 La question n’est pas le caractère raisonnable du système d’enregistrement, mais si l’enregistrement peut être admis en preuve.

52 Dans l’évaluation de l’admissibilité de la preuve vidéo, je dois d’abord déterminer si elle est pertinente et, le cas échéant, s’il existe un motif selon lequel, malgré sa pertinence, elle devrait être exclue. Il n’existe aucun doute que la preuve vidéo soit pertinente ou potentiellement pertinente à la question de ce qui s’est produit et si la fonctionnaire a commis une infraction liée à l’emploi justifiant une mesure disciplinaire quelconque. En vertu de l’alinéa 226(1)d) de la LRTFP, les arbitres de grief ont le pouvoir d’accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice. J’accepte à partir du raisonnement dans Sabourin qu’un arbitre de grief a un pouvoir discrétionnaire d’admettre des éléments de preuve ou non. J’accepte que les principes applicables, tels qu’ils sont exprimés dans Sabourin, sont les suivants :

[…]

[…] mais une preuve pertinente peut être exclue lorsque son admission est contraire à la loi ou à une saine politique de relations du travail, ou encore susceptible de nuire à la relation établie entre les parties. Qu’elle soit admissible devant un tribunal ou pas n’est pas déterminant. En d’autres termes, tout comme les arbitres de griefs peuvent admettre des preuves qui ne seraient pas admissibles devant un tribunal, ils peuvent aussi en exclure d’autres qui seraient admissibles devant une telle instance.

[…]

53 Je constate que Sabourin portait sur une surveillance ciblée des activités du fonctionnaire s’estimant lésé en dehors du travail et que les faits de ce cas sont distincts. Le grief dont je suis saisi est un grief disciplinaire et ne constitue pas une contestation stratégique liée à l’introduction des caméras de surveillance. La question consiste à déterminer si, dans les circonstances du cas, l’enregistrement peut être introduit comme un élément de preuve. Ce n’est pas le cas d’une enquête ciblée, comme c’était le cas dans Sabourin; il ne s’agit pas non plus d’un cas de visionnement après-coup d’un enregistrement dans le cours normal d’une surveillance manifeste à des fins de sécurité, comme dans Vancouver General Hospital. Dans cette situation, M. Clark a observé une préoccupation en matière de sécurité sur un moniteur et a enquêté sur celle-ci.

54 La question consiste à déterminer si la vidéo devrait être exclue des éléments de preuve, malgré sa pertinence. Dans le cadre de mon analyse de cette question, j’ai reformulé les questions relatives à la preuve dont il est question dans Sabourin selon le contexte du présent cas et j’ai examiné les trois questions suivantes :

  • A-t-on contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels?
  • L’admission de la preuve vidéo irait-elle à l’encontre d’une saine politique de relations du travail?
  • L’admission de cette vidéo nuirait-elle à la relation continue entre les parties?

55 Il semble que la caméra a été installée pour des motifs de sécurité et non pas dans le but de surveiller les employés ou de les observer pendant qu’ils exercent leurs fonctions. Qui plus est, des avis ont été affichés à proximité, indiquant que le secteur faisait l’objet d’une surveillance vidéo. À mon avis, il n’y a aucune attente raisonnable en matière de vie privée dans le secteur entourant l’entrée principale de l’établissement et de la porte extérieure du PPCC, où la caméra est bien en vue et où des avis sont affichés. On peut voir cette section au fur et à mesure que l’on approche du poste de sécurité de l’entrée principale, là où se trouvent le détecteur de métal et le détecteur ionique. Essentiellement, la porte extérieure du PPCC est à la vue des membres du personnel à l’entrée principale et de tout visiteur approchant du poste de l’entrée principale. Ce n’est pas comme dans les toilettes, un vestiaire ou un bureau privé, où un employé a une attente raisonnable en matière de vie privée.

56 Au paragraphe 37 de la présente décision, j’ai souligné l’argument de l’agent négociateur selon lequel la preuve présentée par M. Demers n’était pas crédible. La preuve de M. Demers est limitée par le fait qu’il était employé à l’Établissement Mountain et non pas à l’établissement au moment où les caméras ont été installées. Il a présenté son point de vue sur la directive du commissaire en réponse aux questions de l’agent négociateur. Dans la preuve qu’il a présenté, cependant, il est clair que la caméra est installée en permanence, elle est bien en vue et il y a des affiches à l’entrée de l’établissement indiquant aux personnes qu’elles peuvent être observées. Les faits du présent cas se rapportent à une lacune importante en matière de sécurité que tout gestionnaire serait tenu de vérifier. Je crois la preuve de M. Clark selon laquelle il ne surveillait pas la fonctionnaire. Je note également qu’il ne peut y avoir d’attente raisonnable en matière de vie privée dans les environs de la porte du PPCC, puisqu’il s’agit d’un corridor, près de l’entrée principale de l’établissement et qu’on ne se trouve pas à proximité d’un bureau ou d’un vestiaire où un employé aurait une attente raisonnable en matière de vie privée.

57 La fonctionnaire a fait valoir que la collecte de renseignements sur vidéo est limitée à la politique relative à la répression des drogues. Comme ces renseignements n’ont pas été utilisés à une fin conforme à la politique relative à la répression des drogues, il y a eu un manquement à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Quant à la finalité de la vidéo, j’adopte un point de vue plus général que celui de l’agent négociateur. Selon la directive du commissaire (pièce G-5), il est évident que les caméras ont été introduites aux fins de sécurité et de recueillir des éléments de preuve pouvant être utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, le cas échéant. Par conséquent, je suis convaincu qu’il n’y a eu aucun manquement à la Loi sur la protection des renseignements personnels, car les renseignements sur la vidéo ont été utilisés à une fin conforme à la raison pour laquelle ils ont été recueillis.

58 Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu un manquement à la politique relative aux relations de travail. Je suis convaincu que la seule entente conclue entre les parties était que la vidéosurveillance ne serait pas utilisée pour surveiller le rendement des employés, ce qui est conforme au témoignage oral et aux documents suivants :

  • Renseignements du syndicat de juillet 2007 (pièce G-4) :
    • [Traduction]

      Nous avons indiqué au commissaire que les directives concernant les caméras de surveillance ne visent pas les agents correctionnels et, par conséquent, elles ne peuvent pas être utilisées pour les surveiller lorsqu’ils entrent dans l’établissement ou qu’ils en sortent, ou pour tout autre motif dans la mesure où il est lié à une mesure disciplinaire. Le SCC convient qu’une mise à jour devrait être effectuée à cet égard et que plusieurs points devraient être examinés dans le dossier « caméra ».
  • Directive du commissaire, paragraphe 13 (pièce G-5) : « L’enregistrement vidéo ne sera pas utilisé pour surveiller le rendement des membres du personnel. »

59  Il était clair que la séquence vidéo pouvait être utilisée à des fins de sécurité et comme élément de preuve. En lisant la directive du commissaire (pièce G-5), je ne suis pas en mesure de conclure qu’une séquence vidéo ne peut jamais être utilisée comme élément de preuve dans le cadre d’une procédure d’arbitrage pour des motifs liés aux relations de travail. Un certain nombre de paragraphes dans la directive du commissaire mentionne l’utilisation de l’enregistrement comme élément de preuve; voir les paragraphes 13, 14 et 17, qui se lisent comme suit :

13. L’enregistrement vidéo ne sera pas utilisé pour surveiller le rendement des membres du personnel.

14. Seules les parties d’un enregistrement vidéo que l’on croit contenir des éléments de preuve se rapportant à une inconduite grave seront visionnées. Tous les efforts possibles seront déployés pour respecter la vie privée des personnes qui ne sont pas expressément visées par l’enquête, et minimiser les répercussions sur ces dernières.

[…]

17. Les enregistrements réalisés au moyen d’appareils vidéo non dissimulés seront conservés pendant au moins 144 heures (6 jours). Le directeur de l’établissement a le pouvoir d’ordonner la conservation des enregistrements pendant une période prolongée au cas où ils seraient nécessaires :

a. comme éléments de preuve dans une éventuelle enquête criminelle

b. comme éléments de preuve dans une éventuelle enquête du SCC au niveau local, régional ou national, ou

c. pour des raisons autres qu’une enquête.

60 Dans la directive du commissaire, on définit la vidéosurveillance au moyen d’appareils non dissimulés comme l’« utilisation d’un appareil vidéo non dissimulé à des fins de surveillance ou pour enregistrer des activités en vue de les visionner par la suite ». L’un des objectifs stratégiques de la directive du commissaire consiste à « 2. Veiller à ce que la surveillance respecte le droit des personnes à des attentes raisonnables en matière de vie privée, comme le garantissent la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur la protection des renseignements personnels ». La directive s’applique à l’installation et à l’utilisation d’appareils de surveillance et je conclus que cela comprend la caméra œil de poisson près de l’entrée principale de l’établissement.

61 À mon avis, l’utilisation de la séquence vidéo comme élément de preuve relatif à une inconduite ne constitue pas un manquement à la politique liée aux relations de travail, dans la mesure où cet élément de preuve est obtenu aux fins de la sécurité de l’établissement et dans la mesure où le défendeur ne surveillait pas le rendement des employés au moyen de la caméra. D’après l’ensemble de la preuve dont je suis saisi, je suis convaincu que, la nuit du 10 mars 2013, M. Clark n’utilisait pas la caméra pour surveiller le rendement de la fonctionnaire. Je comprends qu’il y avait un signal vidéo continu et qu’un moniteur était placé dans le bureau du gestionnaire correctionnel. En tout temps, un gestionnaire avait la possibilité de regarder le moniteur. M. Clark ne surveillait ni le moniteur ni la fonctionnaire. Il a été alerté à propos d’un enjeu de sécurité après avoir regardé le moniteur pendant quelques secondes, puis il a pris d’autres mesures d’enquête, ce qui comprenait une inspection physique et la sécurisation de la porte, une discussion avec la fonctionnaire et Mme Mott, ainsi que le visionnement de la séquence vidéo après que la fonctionnaire a allégué que la porte présentait un problème mécanique et qu’elle n’était pas responsable de l’avoir laissée dans un état non sécuritaire. Compte tenu de la preuve présentée par M. Clark, que j’accepte, selon laquelle il ne surveillait pas le moniteur, j’en conclus que les mesures qu’il a prises ne contreviennent pas au libellé littéral de la note de service de M. Toller (pièce G-3) ou les préoccupations plus générales soulevées dans les notes de l’agent négociateur sur la réunion syndicale-patronale nationale (pièce G-4).

62 Je ne suis pas convaincu que le fait d’admettre l’enregistrement vidéo nuirait à la relation entre les parties. La fonctionnaire était évidemment mécontente à propos de l’utilisation de l’enregistrement, mais l’attention doit porter sur la question de savoir s’il est approprié ou non, selon les circonstances du cas, d’admettre l’enregistrement comme élément de preuve. Dans certains cas, une séquence vidéo peut s’avérer utile pour exonérer un employé. Le fait d’admettre l’enregistrement m’aiderait à tout le moins d’éclaircir ce qui s’est produit la nuit en question. Le fait d’éclaircir les faits dans le cadre d’une audience de grief ne peut pas nuire à la relation entre les parties.

63 Pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, j’ai admis l’enregistrement.

III. Contexte

64 L’établissement est un établissement à sécurité moyenne. L’agente Desjarlais était employée en tant qu’agente correctionnelle classée au niveau CX-01. L’agente Mott et elle étaient en poste au PPCC le soir du 10 mars 2013.

65 Lorsque la caméra est orientée vers l’entrée principale de l’établissement, elle capte aussi la porte externe du PPCC et montre toute personne qui entre ou sort de la porte extérieure vers l’entrée principale et vers le bureau du gestionnaire correctionnel.

66 L’incident s’est produit vers 21 h, après les heures de visite et après le départ de l’ensemble des membres du personnel administratif et de soutien pour la journée. Seuls les membres du personnel de sécurité se trouvaient dans l’établissement. L’agente Desjarlais est passée par les portes doubles entre le PPCC menant jusqu’au corridor près de l’entrée principale de l’établissement. Il s’agit d’un système à deux portes, comprenant un vestibule entre les deux portes. On ouvre la porte interne à l’aide d’une clé, et on ouvre la porte extérieure à l’aide d’un bouton contrôlé par un agent dans le PPCC.

67 Un agent qui approche de la porte externe frappe à la porte pour que l’agent à l’intérieur du PPCC puisse le faire entrer. Après avoir appuyé sur un bouton, lorsque la serrure s’enclenche, au troisième compte, l’agent peut tirer sur la porte pour l’ouvrir. La porte extérieure comprend une serrure, que l’on appelle « serrure demi-tour », qui verrouille automatiquement la porte lorsqu’on la relâche et qu’elles se referment complètement.

68 Le PPCC contient des armes, des communications radio, des systèmes d’urgence, et des appareils d’enregistrement vidéo. M. Clark l’a appelé le « cerveau » de l’établissement. En tout temps, la porte du PPCC doit demeurer sécurisée.

IV. Résumé de la preuve

A. M. Clark

1. Interrogatoire principal

69 Le 10 mars 2013, M. Clark, un gestionnaire correctionnel (classé au niveau CX-04), était en service à l’établissement. Il travaillait dans le bureau du gestionnaire correctionnel. Il a remarqué dans le signal vidéo sur le moniteur que la porte extérieure du PPCC n’était pas dans son alignement normal. Il n’était pas en mesure de voir le cadre de la porte extérieure et il a indiqué qu’on l’avait laissée ouverte. Il est allé à la porte extérieure pour vérifier ce qu’il y avait sur la vidéo. Il a remarqué que la porte n’était pas fermée. Il l’a sécurisée.

70 L’agente Desjarlais se trouvait dans le bureau du gestionnaire correctionnel et parlait avec le partenaire de M. Clark, puis M. Clark a demandé à l’agente Desjarlais si elle avait fermé la porte derrière elle lorsqu’elle a quitté le PPCC. M. Clark a indiqué que l’agente Desjarlais a confirmé avoir fermé la porte et qu’elle ne l’avait pas laissée entrouverte. Il lui a répondu qu’il l’avait trouvée non sécurisée et elle a indiqué que cela se produisait parfois.

71 Croyant qu’il devait gérer un problème plus important, M. Clark a indiqué qu’il avait visionné la séquence de la caméra vidéo pour déterminer si on avait permis à la porte de se refermer complètement. Il voulait voir si la dernière personne à avoir utilisé la porte lui avait permis de se refermer complètement. Sur la séquence, la dernière personne à être passée par la porte était l’agente Desjarlais. Il a indiqué qu’il semblait qu’elle n’avait pas laissé la porte se refermer complètement, qu’elle l’avait retenue et qu’elle l’avait maintenue ouverte à l’aide de la fiche.

72 M. Clark s’est dirigé vers le PPCC et a parlé avec l’agente Mott, classée au niveau CX-02, qui se trouvait également à ce poste ce soir-là. Il a discuté de ce dont il avait vu sur la vidéo avec elle et de l’importance de tenir la porte sécurisée. Elle a confirmé que c’était important et elle a indiqué que, pour sa part, elle s’assurerait que la porte était verrouillée.

73 Plus tard ce soir-là, M. Clark a abordé avec la fonctionnaire le fait qu’elle n’avait pas verrouillé la porte et elle a répondu qu’elle ne l’avait pas fait. Elle est devenue mécontente lorsqu’elle a appris que M. Clark avait visionné la séquence prise par la caméra. Il a offert d’avoir une conversation privée avec elle, mais elle n’a pas répondu. Elle refusait de discuter de l’incident. Il lui a donc émis un avis d’audience disciplinaire prévue deux jours plus tard.

74 M. Clark a indiqué que, à l’audience disciplinaire, l’agente Desjarlais a continué à dire qu’il n’avait pas le droit d’utiliser la caméra et qu’il l’a harcelait. Elle ne lui a donné aucune raison de croire qu’elle comprenait l’importance de sécuriser le poste et il a indiqué qu’elle a continué de lui mentir à propos de ce qu’il avait vu dans la séquence prise par la caméra et qu’elle ne se montrait pas réceptive aux discussions qui permettraient de corriger ce comportement.

75 Après l’enquête disciplinaire, M. Clark a consulté et obtenu des conseils auprès du conseiller en relations de travail du défendeur. En conséquence, il a imposé une sanction pécuniaire d’une journée de salaire à la fonctionnaire. Il a indiqué qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire progressive, car la fonctionnaire avait des antécédents liés au fait de ne pas suivre les directives et de ne pas bien travailler avec un superviseur. Une copie de la lettre disciplinaire a été déposée en tant que pièce (pièce E-1).

76 À ce stade, j’ai invoqué le voir-dire à propos de l’admissibilité de la vidéo. Après ma décision, nous avons visionné entièrement la vidéo une première fois, puis une deuxième fois. On l’a arrêté à certains moments, puis M. Clark a expliqué son contenu en faisant référence à l’horodateur.

77 À 12 h 3 min 15 s, la vidéo montre M. Desjarlais quittant le PPCC; ses doigts sont sur la poignée de porte. Elle guide la porte doucement et la garde ouverte en se servant des fiches de charnière. La porte dispose d’un dispositif de fermeture mécanique et elle est conçue pour se refermer complètement. En lui permettant de se refermer complètement, la porte est toujours maintenue dans une position verrouillée, à laquelle elle revient. M. Clark a indiqué que, si l’on empêche la porte de se refermer complètement, il n’y a pas suffisamment de force pour pousser le mécanisme de verrouillage à l’intérieur du cadre de porte et passer le montant.

78 M. Clark a indiqué que l’agente Desjarlais avait réduit la vitesse de fermeture de la porte, déjouant ainsi le mécanisme de verrouillage. M. Clark a indiqué qu’à ce moment dans la séquence vidéo, on peut voir qu’une partie de la porte obstrue la vue du mur de béton. À ce moment, la porte n’est pas sécurisée.

79 Les portes du PPCC doivent être sécurisées en tout temps, toutes les portes de l’établissement doivent être sécurisées en général.

80 M. Clark pouvait voir que la porte extérieure du PPCC n’était pas fermée en regardant le moniteur pendant quelques secondes seulement. Il s’est dirigé directement à la porte extérieure pour l’inspecter, puis il l’a sécurisée en la refermant complètement.

81 M. Clark a indiqué qu’il avait ensuite discuté avec l’agente Desjarlais, lui demandant si elle avait maintenu la porte ouverte. Elle a répondu qu’elle ne l’avait pas fait et que la porte faisait parfois cela. Il était préoccupé par le fait que la porte pouvait avoir un problème mécanique ou que quelque chose d’autre s’était produit.

82 Entre 12 h 8 min 10 s et 12 h 8 min 15 s, l’enregistrement montre l’agente Desjarlais qui entre dans la section près de la porte et qu’elle pousse sur celle-ci. La porte semblait sécurisée. C’était après que M. Clark a discuté du problème concernant la porte avec elle.

83 Au retour de la fonctionnaire, elle a indiqué qu’elle n’avait pas maintenu la porte ouverte et qu’elle faisait parfois cela. M. Clark a passé en revue la séquence pour vérifier s’il y avait d’autres préoccupations en matière de sécurité.

84 Entre 12 h 9 min 30 s et 12 h 9 min 47 s, selon M. Clark, la vidéo montre un agent approchant de la porte et cognant à celle-ci pour que l’agent à l’intérieur du PPCC lui permette d’entrer. Lorsque la serrure s’enclenche, on peut tirer sur la porte pour l’ouvrir au troisième compte. Dans la vidéo, l’agent tient la porte ouverte pour la fonctionnaire, ils entrent tous deux dans le vestibule. La porte semble ensuite se refermer complètement en position verrouillée.

85 Entre 12 h 10 min 5 s et 12 h 10 min 24 s, la vidéo montre M. Clark s’approcher de la porte et la secouer. Il attend ensuite le troisième compte, ouvre la porte, laisse passer un autre agent, franchit lui-même la porte et la laisse se refermer complètement. Lorsqu’elle se referme complètement, on entend un déclic au moment où elle se place en position contre le montant de la porte et, par le déclic, on peut déterminer que la porte est verrouillée. M. Clark a indiqué qu’il prend la peine d’écouter le déclic. Il a affirmé que cette partie de la vidéo démontre que la serrure fonctionnait adéquatement.

86 M. Clark a expliqué que l’agent occupant ce poste appuie sur un bouton à l’intérieur du PPCC pour permettre de déverrouiller la porte. M. Clark a indiqué que le CX-02 est tenu de rester dans le poste.

87 M. Clark a déclaré qu’il avait d’abord parlé à l’agente Mott. Elle a entièrement reconnu que la porte devait être verrouillée en tout temps et elle a indiqué qu’elle y veillerait. M. Clark a décrit que l’agente Desjarlais était mécontente, qu’elle lui a dit qu’il ne pouvait pas avoir recours à la caméra pour vérifier les préoccupations en matière de sécurité, qu’elle n’était pas réceptive à une discussion et qu’elle n’assumait pas la responsabilité de ses actions, qu’il avait vues sur la séquence prise par la caméra.

88 Une audience disciplinaire a été tenue le 2 avril 2013. La fonctionnaire était présente et était accompagnée d’un représentant de l’agent négociateur. M. Clark a dit qu’il avait discuté de l’incident. Elle a continué de dire qu’elle n’avait pas maintenu la porte ouverte. Elle a fait mention de la définition du terme « insubordination ». Elle a indiqué qu’elle avait fait tout ce qu’elle devait faire depuis sa discussion avec M. Clark. Il a indiqué qu’elle ne l’avait pas assuré que l’incident de la porte maintenue ouverte ne se reproduirait plus. L’agent négociateur a désigné cette réunion comme un « tribunal illégal ».

89 M. Clark a communiqué avec la Direction des relations de travail de SCC à la suite de cette réunion. En conséquence, il a imposé une sanction pécuniaire d’une journée de salaire à la fonctionnaire et lui a remis une lettre disciplinaire le 10 avril 2013. Dans sa lettre ainsi qu’à l’audience, M. Clark a fait référence au Code de discipline (le « Code ») de SCC, à une version électronique du Code (pièce E-2), et à la Directive du commissaire 060 – Code de discipline (pièce E-3). Ces documents décrivent les mesures disciplinaires ainsi que les motifs pour lesquelles elles peuvent être imposées.

90 Dans sa lettre (pièce E-1), M. Clark indique un certain nombre d’infractions disciplinaires appuyées par le Code, dont les suivantes :

[…]

Infractions

Commet une infraction l’employé qui :

  • omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons;
  • omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions.

[…]

91 M. Clark a indiqué qu’une sanction d’une journée de salaire était nécessaire pour prévenir une nouvelle occurrence de l’incident de la porte ouverte, car un membre de son personnel n’assumait pas la responsabilité de ses actions, lui avait menti à propos de ce qu’elle avait fait, et qui ne suivait pas les directives ou ne prenait pas les mesures appropriées. Il a dit que, contrairement à l’agente Mott, la fonctionnaire n’a pas assumé sa responsabilité et a menti à propos de l’incident concernant la porte.

92 Dans le contre-interrogatoire, M. Clark a admis que le PPCC avait deux portes d’entrée. L’entrée principale de l’établissement est munie du même mécanisme de verrouillage. Il est informé du fait qu’il y a eu des problèmes mécaniques concernant les serrures à l’entrée principale.

93 M. Clark a confirmé que l’incident s’est produit vers 21 h, soit après les heures de visite et après le départ de l’ensemble des membres du personnel administratif et de soutien pour la journée. Seuls les membres du personnel de sécurité se trouvaient dans l’établissement.

94 La porte intérieure du PPCC, la plus près du poste, est munie d’une serrure à clé Folger Adams, soit une serrure très grosse et une grosse clé. On ne la referme pas complètement pour la verrouiller; il faut une clé. La porte extérieure peut être poussée, forcée à la main ou refermée complètement.

95 M. Clark ne se souvenait pas d’avoir parlé avec l’agente Mott de ce qui s’était passé lorsqu’il l’a rencontrée le 10 mars 2013.

96 M. Clark s’est souvenu que l’audience disciplinaire a été enregistrée. Il croit qu’il a consulté la Direction des ressources humaines de SCC après l’audience disciplinaire, qui a eu lieu dans le bureau administratif du bureau du gestionnaire correctionnel. Il a choisi cet emplacement pour des raisons d’accessibilité et pratiques. Il a indiqué qu’un store couvre sa porte.

97 M. Clark a confirmé qu’il avait eu une conversation avec la fonctionnaire dans le bureau du gestionnaire correctionnel après avoir vérifié la porte du PPCC.

98 M. Clark a confirmé que la fonctionnaire se sentait plus à l’aise de discuter des questions relatives aux congés de maladie avec une gestionnaire correctionnelle, ce qui ne modifiait pas ses plans le 10 mars 2013.

99 On a demandé à M. Clark s’il avait offert à Mme Desjarlais d’être accompagnée par un représentant de l’agent négociateur lorsqu’il a suggéré la tenue d’une discussion privée avec elle lorsqu’il lui a parlé dans le PPCC. M. Clark n’a pas offert à la fonctionnaire d’être accompagnée d’un représentant de l’agent négociateur, car il s’agissait d’une discussion informelle sur le rendement et non pas d’une réunion disciplinaire.

100 À l’audience, le représentant de l’agent négociateur a fait jouer un enregistrement de la réunion disciplinaire (pièce G-6) du 2 avril 2013. Le défendeur n’a soulevé aucune question quant à l’authenticité de l’enregistrement.

101 M. Clark a confirmé qu’il n’avait pas soulevé la question de l’insubordination pendant la réunion disciplinaire; sa préoccupation relevait du fait qu’il avait vu l’action délibérée de la fonctionnaire en vue de maintenir la porte ouverte, et qu’elle avait menti à ce propos.

102 Dans le réinterrogatoire, M. Clark a exprimé son point de vue à propos du fait que l’incident s’était déroulé vers 21 h, un dimanche. Il voyait cela comme une tentative de la fonctionnaire de minimiser ses actions. Les portes du PPCC doivent être sécurisées, peu importe le moment de la journée. Pour que le PPCC soit sécurisé, les deux portes doivent être verrouillées. Cette nuit-là, il y avait une entrée claire dans le PPCC, car les deux portes étaient déverrouillées.

103 Cette question a été soulevée auprès de 8 à 10 autres employés. La fonctionnaire a été la seule à avoir fait l’objet de mesures disciplinaires, car elle était la seule à ne pas avoir rapidement admis son erreur et reconnu l’importance de maintenir la sécurité du PPCC. Elle était la seule qui a résisté et M. Clark croyait qu’elle mentait à propos de sa conduite.

B. Mme Mott

104 L’agente Mott, classée au niveau CX-02, compte 18 années d’expérience en tant qu’agente correctionnelle. Elle a passé les 10 dernières années à l’établissement. Elle a travaillé au PPCC pendant environ deux ans.

105 L’agente Mott s’est souvenue que M. Clark lui a parlé le 10 mars 2013. Il lui a dit que la porte extérieure du PPCC était appuyée sur ses fiches et que la porte intérieure n’était pas fermée comme elle aurait dû l’être. Elle a indiqué qu’à ce moment, elle a indiqué qu’elle était d’accord, puis s’est excusée. M. Clark a confirmé sa discussion informelle avec l’agente Mott par courriel (pièce G-7) et a confirmé qu’aucune autre mesure ne serait prise à son égard.

106  L’agente Mott était présente lorsque M. Clark s’est adressé à la fonctionnaire. Elle a indiqué que la fonctionnaire avait nié avoir laissé la porte appuyée sur ses fiches, mais qu’elle avait également présenté des excuses pour ses actions si c’était effectivement le cas. L’agente Desjarlais était calme, mais sur la défensive et nerveuse dans ses rapports avec M. Clark. Il est demeuré dans le PPCC pendant environ 10 minutes.

107 L’agente Mott a indiqué que cette soirée-là avait été occupée dans le PPCC. Une escorte médicale d’urgence est arrivée et son ambulance devait faire l’objet d’une fouille à son arrivée ainsi qu’à son départ, ce qui ajoute à l’urgence, car on doit s’assurer que les documents sont en ordre. Parfois, les escortes sont armées, ce qui exige du travail supplémentaire.

108 L’agente Mott n’a pas été contre-interrogée à l’égard de son témoignage.

C. La fonctionnaire s’estimant lésée

109 La fonctionnaire est une employée du SCC qui compte beaucoup d’années d’ancienneté, en outre, elle est agente correctionnelle depuis 1995. Elle avait de l’expérience dans des organismes correctionnels provinciaux avant de se joindre au SCC.

110 La fonctionnaire a témoigné que, au moment où elle a fermé la porte, elle était très fatiguée et qu’elle était sur un quart de travail de 16 heures. Elle était concentrée sur une question qu’elle voulait poser au gestionnaire correctionnel à propos d’une formation qu’elle pouvait prendre le jour suivant.

111 À plusieurs égards, son témoignage confirmait la description des événements survenus le soir en question par M. Clark. Selon son témoignage, après que M. Clark l’a informée que la porte avait été laissée déverrouillée, elle l’a vérifiée et a constaté qu’elle était verrouillée. Elle ne savait pas qu’il avait sécurisé la porte lorsqu’elle l’a vérifiée. Elle est retournée au bureau du gestionnaire correctionnel en espérant parler au gestionnaire correctionnel Brennan à propos de ses questions. À ce moment, elle a entendu un appel en provenance du poste de soins infirmer dans l’unité C à propos d’un détenu éprouvant des douleurs thoraciques. Elle est retournée au PPCC et sa partenaire, l’agente Mott, l’a laissée entrer. L’agente Mott a tourné la clé dans la porte intérieure, la fonctionnaire croyait donc qu’elle était verrouillée. Elle s’est ensuite rendue au PPCC pour se préparer à l’escorte du détenu malade vers l’hôpital.

112 La fonctionnaire a dit qu’à ce moment, M. Clark lui a parlé au sujet d’avoir laissé la porte ouverte, appuyée sur la fiche. Il ne lui a pas offert d’exercer son droit de faire appel à un représentant de l’agent négociateur, et il a continué à parler de l’incident devant un autre membre du personnel. Elle était mécontente, gênée et intimidée. Après la fin de la discussion concernant la porte appuyée sur la fiche, elle a indiqué s’être excusée si elle l’avait laissée ouverte. Elle croit s’être excusée plus d’une fois; elle croit l’avoir fait deux fois.

113 La fonctionnaire a indiqué s’être excusée pendant que M. Clark lui disait qu’elle avait laissé la porte ouverte, appuyée sur la fiche. Depuis, elle a fait un effort concerté pour s’assurer que la porte est sécurisée.

114 La fonctionnaire a témoigné qu’il y avait eu des problèmes avec la porte, qu’elle colle de façon intermittente et que, parfois, il faut la refermer de force.

115 La fonctionnaire était en désaccord avec l’allégation de M. Clark selon laquelle elle lui aurait menti. À l’heure en question, elle travaillait sur un quart de 16 heures et ses pensées étaient axées sur les questions qu’elle voulait poser au gestionnaire correctionnel Brennan et non pas sur la porte. Lorsqu’elle a fermé la porte, elle ne croyait pas qu’elle n’était pas sécurisée.

116 La fonctionnaire a indiqué qu’il s’agissait de la seule journée où elle avait fermé la porte de la façon dont elle l’avait faite.

117 En réponse aux questions quant à savoir pourquoi elle n’a pas accepté l’offre de tenir une discussion privée avec M. Clark, la fonctionnaire a indiqué qu’il y avait une escorte d’urgence, qu’elle se concentrait sur le fait de faire son travail et qu’on ne lui a pas offert d’être accompagnée d’un représentant de l’agent négociateur.

118 La fonctionnaire a dit qu’elle comprend l’importance de sécuriser la porte du PPCC. Elle a confirmé l’authenticité de l’enregistrement de l’audience disciplinaire.

V. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

119 Le défendeur a déclaré qu’il s’agissait d’un cas de discipline simple et explicite, et que je dois tenir compte des questions suivantes :

  • Y a-t-il eu une inconduite?
  • Dans l’affirmative, celle-ci justifiait-elle une mesure disciplinaire?
  • Dans l’affirmative, la mesure disciplinaire était-elle raisonnable dans les circonstances?

120 La lettre disciplinaire (pièce E-1) a été rédigée avec soin et les faits sont explicites. Je dois décider s’il était raisonnable de tenir la porte ouverte. La fonctionnaire a fermé la porte de façon différente à d’autres, qui l’ont claquée pour la fermer dans la vidéo. Il s’agit d’une porte renforcée, il n’y a donc aucune raison pour laquelle une personne devrait la fermer doucement. Il est raisonnable qu’un employé, dans le contexte où il s’agit d’une porte se verrouillant à double tour, prenne des mesures pour s’assurer que la porte est verrouillée.

121 La fonctionnaire a créé une situation où la porte ne s’est pas verrouillée adéquatement. Elle a de façon volontaire ou négligente empêché la porte de se fermer. La question de savoir si la conduite était volontaire ou négligente n’est pas pertinente, car elle a créé une situation à risque constatée par le gestionnaire correctionnel. Peu importe les excuses qu’elle a présentées, elle avait la responsabilité de fermer la porte, ce qui était essentiel à sa mission. Les facteurs aggravants sont qu’elle n’a exprimé aucun remord et n’a pas reconnu sa responsabilité.

122 M. Clark a vu le moniteur, a fermé complètement la porte et a questionné la fonctionnaire à propos de l’incident, qu’elle a nié, répondant que la porte faisait parfois cela. Il a visionné la séquence vidéo. Il a discuté de l’incident avec l’agente Mott, qui a accepté sa responsabilité. La fonctionnaire a continué à nier sa responsabilité et s’est disputée avec lui. La discussion est arrivée au point où elle lui a dit qu’il ne pouvait pas utiliser la caméra et où elle a affirmé qu’elle avait peut-être maintenu la porte ouverte, mais que cela ne l’autorisait pas à avoir recours à la caméra. La fonctionnaire n’a pas fait preuve de collaboration et c’est la raison pour laquelle M. Clark a décidé de tenir une audience disciplinaire.

123 M. Clark a été en mesure de faire comprendre à 8 ou 10 employés l’importance de sécuriser la porte. Lorsqu’il s’est adressé à la fonctionnaire, il n’a pas réussi à lui faire comprendre l’importance de sécuriser la porte ou de lui faire reconnaître que ce qu’elle avait fait était une erreur. Il a décidé de lui imposer une mesure disciplinaire et a appliqué une mesure disciplinaire progressive consistant en une sanction pécuniaire d’une journée de salaire, ce qui était approprié, compte tenu de la conduite de la fonctionnaire, qui avait été d’éviter et de rejeter sa responsabilité.

124 Le défendeur a déclaré que les cas disciplinaires sont axés sur les faits. Il a fait référence à Buchanan c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 91, où l’un des enjeux était une porte déverrouillée. Dans ce cas, le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu une suspension de 20 jours. Le libellé de l’infraction était le même que dans le présent cas. Le défendeur a également mentionné Reid-Moncrieffe c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CRTFP 25, et a affirmé que de vraies excuses exigent une compréhension de ce qui s’est produit.

125 La fonctionnaire n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire en raison d’une insubordination et le défendeur a indiqué que je dois décider si les allégations ont été prouvées et, dans l’affirmative, que la sanction appropriée correspondait à une journée de salaire.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

126 La fonctionnaire a fait valoir que ma tâche consiste à déterminer le bien-fondé du cas, indépendamment de la conclusion du défendeur, et que le défendeur devait assumer le fardeau d’établir les faits au moyen d’une preuve convaincante.

127 L’allégation d’avoir fait une fausse déclaration est grave. Pour mentir, il faut avoir l’intention de tromper et de fournir sciemment de faux renseignements. La fonctionnaire croyait sincèrement que la porte était sécurisée et qu’elle ne savait pas que M. Clark avait quitté le bureau et qu’il avait sécurisé la porte. Il n’a pas réfuté cette déclaration pendant l’audience. Il n’existe aucun élément de preuve permettant de prouver qu’elle a menti; elle croyait que la porte était sécurisée.

128 Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle la fonctionnaire aurait manqué à ses fonctions d’agent de la paix, il n’y a aucun élément de preuve concernant un manquement à l’égard de la directive du commissaire et aucun élément de preuve concernant un manquement à l’égard d’un ordre de poste. Il n’y a aucune preuve convaincante qu’elle a volontairement laissé la porte ouverte, appuyée sur ses fiches.

129 La séquence vidéo montre deux agents correctionnels passant à travers la porte sans remarquer qu’elle était ouverte. Ce n’était pas évident ou apparent.

130 L’agent négociateur a concédé que l’agente Desjarlais avait commis une erreur, mais la norme qui lui est imposée était supérieure à celle imposée par M. Clark lorsqu’il n’a pas pris de mesures disciplinaires à l’égard des 8 à 10 autres employés qui avaient commis un acte similaire. Le défendeur ne peut pas s’attendre à une norme de perfection. Un employé ne devrait pas faire l’objet d’une mesure disciplinaire ne correspondant à rien d’autre qu’une inadvertance lorsque l’employé est tenu de travailler à la hâte et sous pression; voir Air Canada v. National Automobile, Aerospace and Agriculture Implement Workers Union of Canada, Local 2213 (19910801), non publiée.

131 La fonctionnaire a effectivement commis un manquement, mais il s’agit d’un comportement non blâmable.

132 La fonctionnaire est une employée qui compte beaucoup d’années d’ancienneté et on aurait dû en tenir compte au moment d’évaluer la sanction. Elle a exprimé sa connaissance et sa volonté relativement à cet enjeu de sécurité. Elle avait des questions légitimes relativement à l’utilisation de la caméra pour surveiller le rendement des employés, car celle-ci n’était pas censée être liée à un moniteur. Il s’agissait d’un incident isolé. M. Clark a fait preuve d’une mémoire sélective, car il était évident dans l’enregistrement de l’audience disciplinaire que la fonctionnaire avait présenté ses excuses (pièce G-6, à 16 min 28 s). Elle a indiqué que cela ne se reproduirait plus (pièce G-6, à 13 min 13 s et à 17 min 43 s).

133 La seule possibilité dont M. Clark a tenu compte était que la porte a été laissée ouverte et il n’a pas envisagé qu’il pouvait s’agir d’une erreur. Selon lui, il n’y avait aucun doute et il n’a interviewé aucun autre témoin.

134 Les mesures disciplinaires ne devraient être ni subjectives ni émotionnelles. L’enquête menée par M. Clark manquait d’objectivité. La fonctionnaire n’a pas laissé la porte volontairement ouverte.

135 La fonctionnaire a déclaré que je suis tenu d’évaluer la gravité du manquement; voir Engineered Wood Products, Louisiana-Pacific Canada Ltd v. IWA Canada, Local 1-405 (2004) L.A.C. (4e) 129. Il s’agissait d’une situation à faible risque, car l’incident s’est produit un dimanche à 21 h.

136 Le verrouillage des portes était une pratique qui n’était consignée dans aucune politique.

137 Le défendeur n’avait aucun motif valable d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire, en outre, une sanction équivalant à une journée de salaire était excessive dans les circonstances.

C. Contre-preuve du défendeur

138 Une part importante de la preuve est contestée. Le fait que le défendeur n’a pas contre-interrogé certains témoins ne mène pas à une présomption de véracité de la preuve; voir McNeil c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 48.

139 Le défendeur a fait valoir qu’il n’était pas nécessaire de prouver que la conduite de la fonctionnaire était préméditée. La sécurité est au cœur du travail d’un agent correctionnel. Le concept d’inattention momentanée ne s’applique pas dans le contexte de sécurité élevée d’un établissement correctionnel. Les employés sont rémunérés pour faire preuve de vigilance en tout temps.

140 La fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure disciplinaire alors que d’autres employés n’en ont pas fait l’objet, car elle avait agi différemment lorsque M. Clark l’a confrontée à propos de la sécurisation de la porte.

141 Le défendeur a prouvé les éléments de ses allégations.

VI. Motifs

A. Motif valable pour une mesure disciplinaire

142 Je constate qu’une décision qui n’a pas été présentée par les parties, mais à laquelle se fient souvent les arbitres de grief est Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 Can. L.R.B.R. 1 et j’analyse ce cas conformément à ce cadre :

  • Y a-t-il eu une conduite qui a donné lieu à une mesure disciplinaire?
  • Dans l’affirmative, une amende d’une journée de salaire était-elle une réponse excessive dans les circonstances?
  • Dans l’affirmative, quelle autre mesure corrective devrait-on utiliser?

143 Le fardeau de la preuve d’établir les faits selon la prépondérance des probabilités incombait au défendeur.

1. Y a-t-il eu une conduite qui a donné lieu à une mesure disciplinaire?

144 Dans sa lettre disciplinaire, le défendeur a soulevé les trois motifs suivants pour conclure à une inconduite :

[Traduction]

[…]

Infractions

Commet une infraction l’employé qui :

  • omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons;
  • omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions.

[…]

145 L’allégation d’avoir fait une fausse déclaration est une affaire très grave. L’agente Desjarlais avait un motif de croire qu’elle avait laissé la porte sécurisée. Elle ne se rappelait pas l’avoir laissée dans un état non sécurisé. Immédiatement après que M. Clark a soulevé cette question auprès d’elle, elle s’est dirigée vers la porte, l’a vérifié et a déterminé qu’elle était verrouillée, ce que permet de vérifier la vidéo. Elle ignorait que M. Clark était allé à la porte, qu’il l’avait inspectée, puis verrouillée. J’en conclus qu’elle croyait honnêtement – selon ses souvenirs et sa vérification – qu’elle avait verrouillé la porte. Je ne suis pas convaincu qu’elle a, de façon volontaire ou négligente, fait une fausse déclaration concernant l’exercice de ses fonctions. Je suis convaincu qu’avant que M. Clark soulève la question, elle croyait honnêtement qu’elle avait laissé la porte sécurisée.

146 Selon la séquence vidéo, il est évident que l’agente Desjarlais a laissé la porte non sécurisée. Le visionnement de la séquence montre qu’elle ne l’a pas refermée complètement ou ne lui a pas permis de se refermer complètement en la relâchant à une certaine distance du cadre de porte. Elle n’a pas utilisé de force pour pousser la porte pour la fermer. Selon la preuve vidéo, il semble qu’elle se soit retournée et qu’elle ait relâché doucement la porte. En conséquence, l’agente Desjarlais est responsable d’avoir laissé la porte dans une position déverrouillée.

147 Je suis convaincu que, selon le témoignage et ce que j’ai vu dans la séquence vidéo, la serrure demi-tour sur la porte extérieure du PPCC était en état de fonctionnement au moment pertinent.

148 Je constate que la fonctionnaire aurait pu fermer la porte adéquatement, aurait pu écouter le déclic ou aurait pu secouer la poignée de porte pour déterminer si elle était fermée. Elle n’a fait aucune de ces choses. À mon avis, il est évident qu’elle a une obligation de s’assurer que la porte était verrouillée.

149 La fonctionnaire a prétendu qu’elle était distraite par une conversation qu’elle espérait avoir avec un gestionnaire correctionnel. J’accepte son témoignage selon lequel elle était distraite.

150 L’agent négociateur a présenté de la jurisprudence portant sur la question des cas d’inattention momentanée. Je constate que cette question a été soulevée dans l’industrie aérienne, une industrie qui est également sensible sur le plan de la sécurité. Cependant, un agent de ventes et de services à la clientèle n’est pas un agent de la paix désigné et n’est pas chargé de la sécurité d’un établissement correctionnel. Je constate que l’excuse relative à une inattention momentanée ne s’applique pas dans une situation où un employé a la responsabilité de s’assurer que les portes d’un établissement correctionnel demeurent sécurisées.

151 Je peux facilement concevoir qu’une personne peut être distraite et ne pas fermer une porte adéquatement. Il est facile de commettre des erreurs en milieu de travail. Néanmoins, il s’agit d’une conduite coupable ou blâmable. Le PPCC est un poste qui doit demeurer sécurisé en tout temps. Il contient des armes, de l’équipement de communication et du matériel informatique. En tant que personne y travaillant, la fonctionnaire connaissait ces faits. Elle aurait dû être plus soucieuse. Elle est une agente; son travail comprend le maintien de la sécurité de l’établissement et elle aurait dû se conformer à une norme supérieure. Elle est rémunérée pour porter attention et elle était distraite. Même si le défendeur n’a pas déposé les directives du poste pour le PPCC en tant que pièce, ce qui aurait aidé à évaluer l’étendue complète des responsabilités des personnes travaillant dans le PPCC, j’accepte le témoignage oral de M. Clark selon lequel il s’agit d’un poste de nature délicate et qu’il doit demeurer sécurisé en tout temps.

152 Par conséquent, je suis convaincu que le défendeur a prouvé qu’il y a avait un motif valable d’imposer une mesure disciplinaire à l’égard de la fonctionnaire.

153 Je constate que M. Clark a parlé à un certain nombre d’autres employés qui ont laissé la porte du PPCC déverrouillée. Dans chacun de ces cas, il était convaincu que la personne comprenait l’importance de verrouiller le PPCC et reconnaissait sa responsabilité. J’accepte l’argument du défendeur selon lequel la fonctionnaire n’a pas été visée aux fins d’un traitement particulier, sinon qu’elle a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, car elle s’était comportée différemment des autres employés.

2. Une sanction d’une journée de salaire était-elle une réponse excessive dans les circonstances?

154 Je suis d’avis qu’une sanction d’une journée de salaire est démesurée pour cette infraction disciplinaire. Je reconnais que la fonctionnaire a présenté ses excuses pour son inconduite et qu’elle reconnaît l’importance de sécuriser les portes du PPCC et qu’elle a pris des mesures pour s’assurer que ce comportement ne se reproduirait pas.

155 À mon avis, la fonctionnaire ne devrait pas être blâmée pour avoir soulevé la question de l’utilisation de la séquence vidéo dans le cadre de cette affaire. M. Clark a qualifié cette conduite comme une tentative de rejeter sa responsabilité. Étant donné qu’il y avait un signal en direct ainsi qu’un moniteur dans le bureau du gestionnaire correctionnel et que M. Clark a visionné la vidéo après l’incident, je comprends entièrement le mécontentement de la fonctionnaire quant à l’utilisation qu’elle croyait que M. Clark avait faite de la vidéo. En outre, la fonctionnaire compte beaucoup d’années de service en tant qu’employée du SCC. D’après la lettre disciplinaire, en toute évidence, le défendeur n’a pas tenu compte de l’ancienneté de la fonctionnaire lorsqu’il a imposé la mesure disciplinaire.

156 Je n’accepte pas la qualification de M. Clark selon laquelle la fonctionnaire aurait menti à propos de sa conduite. Je reconnais qu’il croit honnêtement en ce point de vue, mais je ne crois pas que la fonctionnaire a fait preuve de malhonnêteté au sujet de la porte. Elle croyait qu’elle l’avait fermée. Il y avait eu des problèmes avec cette porte dans le passé. Après que M. Clark a sécurisé la porte, elle l’a vérifiée et l’a trouvé sécurisée. Elle ne savait pas que M. Clark l’avait sécurisée.

157 À mon avis, la sanction imposée par le défendeur était excessive dans les circonstances de ce cas pour les motifs suivants :

  • la fonctionnaire a démontré qu’elle comprenait la gravité de son erreur et elle a pris des mesures pour la corriger;
  • elle n’a pas fait preuve de malhonnêteté quant à sa conduite;
  • le défendeur a fait trop de cas de son mécontentement à propos de l’utilisation de la vidéo de surveillance et a qualifié ce comportement comme le fait de ne pas accepter ou de rejeter sa responsabilité, mais elle avait une préoccupation légitime à savoir si elle avait été utilisée pour surveiller son rendement;
  • le défendeur a omis de tenir compte de son ancienneté au moment d’évaluer la sanction.

3. Quelle autre sanction disciplinaire devrait-on imposer?

158 En vertu du Code de discipline publié électroniquement par Service correctionnel du Canada dans l’InfoNet du défendeur (pièce E-2), les infractions disciplinaires peuvent donner lieu aux sanctions suivantes :

  • une réprimande verbale;
  • une réprimande écrite;
  • une suspension (ou une sanction pécuniaire);
  • le congédiement;
  • le licenciement ou la rétrogradation pour un motif déterminé.

159 À titre de solution de rechange, je remplace la sanction par une réprimande écrite. Je comprends qu’une réprimande écrite précédente a été versée au dossier de la fonctionnaire pour une affaire disciplinaire qui n’est pas liée à l’incident en question. Elle est une employée qui compte beaucoup d’années de service. Elle a pris des mesures pour traiter de la question soulevée par M. Clark et fait preuve de plus de soins pour veiller à ce que la porte du PPCC soit verrouillée. Je ne suis pas convaincu qu’une sanction pécuniaire était nécessaire pour rappeler à l’agente Desjarlais l’importance de sécuriser la porte du PPCC. À mon avis, le défaut de laisser la porte verrouiller nécessite plus qu’une réprimande verbale.

160 Une partie de la réparation demandée par la fonctionnaire dans le cadre du grief portait sur les intérêts à l’égard de la sanction. À l’audience, aucune présentation n’a été faite en ce qui a trait aux intérêts ou au taux d’intérêt. En application de l’alinéa 226(1)i) de la Loi, j’ai le pouvoir discrétionnaire d’octroyer des intérêts. J’octroie des intérêts au taux antérieur au jugement dans le tableau prescrit en application de la Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1996, c. 79, qui correspond à un pour cent, à compter de la date de la première période de paye après le 10 mars 2013, composé annuellement jusqu’au paiement intégral du montant.

161 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

162 Le grief est accueilli en partie. J’arrive à la conclusion selon laquelle la fonctionnaire a manqué à son obligation de veiller à ce que la porte donnant sur le poste principal de contrôle des communications à l’Établissement du Pacifique de Service correctionnel du Canada à Abbotsford soit sécurisée le 10 mars 2013, à 21 h 03 environ. Je conclus qu’une sanction pécuniaire d’une journée de salaire imposée par le défendeur était démesurée. Je remplace cette sanction par une réprimande écrite.

163 Le dossier et l’enregistrement de la sanction originale et de la pénalité remplacée seront détruits après le 10 avril 2015, si l’agente Desjarlais ne fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire avant le 10 avril 2015.

164 On délivrera à l’agente Desjarlais un paiement d’une somme de 160 $, ce qui correspond au montant de la sanction imposée à tort par le défendeur, ainsi que des intérêts au taux antérieur au jugement dans le tableau prescrit en application de la Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1996, c. 79, de 1 % composé annuellement, jusqu’au paiement intégral du montant.

Le 23 septembre 2014.

Traduction de la CRTFP

Paul Love,
arbitre de grief

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