Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté sa suspension en cours d’enquête et son licenciement – l’employeur a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief portant sur la suspension puisque cette dernière était de nature administrative et non disciplinaire et qu’elle avait été remplacée par un licenciement rétroactif – le Comité des griefs des Forces canadiennes doit agir avec impartialité et indépendamment des Forces canadiennes – le Comité ne fait partie ni des FC ni du ministère de la Défense nationale – la fonctionnaire s’estimant lésée occupait un poste d’avocate auprès du Comité – elle était aussi réserviste au sein des FC – lors de son embauche, son rôle de réserviste a soulevé des inquiétudes mais la fonctionnaire s’estimant lésée a donné l’assurance que ce rôle ne comportait pas de fonction administrative – le commandant de son unité de réserve a précisé dans une lettre que les fonctions de la fonctionnaire s’estimant lésée étaient de nature opérationnelle et qu’il n’y avait pas de conflit entre son travail de réserviste et celui d’avocate auprès du Comité – la fonctionnaire s’estimant lésée a changé d’unité de réserve sans en informer le Comité et ses nouvelles fonctions à titre de réserviste étaient de nature administrative – le Comité a accordé un congé de maladie à la fonctionnaire s’estimant lésée – le Comité a appris que la fonctionnaire s’estimant lésée prévoyait participer à un exercice militaire lors de son congé de maladie payé – le médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée savait que la fonctionnaire s’estimant lésée devait aller en exercice dans le Nord pour la réserve et, selon elle, il s’agissait d’un travail physique qui avait un effet thérapeutique; elle ne savait pas qu’il s’agissait d’un travail pour lequel la fonctionnaire s’estimant lésée serait rémunérée – lors de son enquête, l’employeur a appris que la fonctionnaire s’estimant lésée avait travaillé comme réserviste alors qu’elle était en congé de maladie et pendant ses heures de travail auprès du Comité, qu’elle avait enfreint des politiques et des directives sur la sécurité et l’utilisation acceptable des technologies de l’information ainsi que le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique, et qu’elle avait mis en péril et possiblement compromis, porté atteinte ou endommagé, l’indépendance du Comité – la fonctionnaire s’estimant lésée vivait une période difficile à la maison à la suite du décès de son époux mais n’avait pas donné de détails à son employeur – l’arbitre de grief a rejeté le grief – la fonctionnaire s’estimant lésée tenait à participer à l’exercice militaire et, dans ce but, elle a délibérément cherché et obtenu l’accord de son médecin sans toutefois lui révéler que le travail serait d’avantage intellectuel que physique – l’employeur n’a pas manqué à son obligation d’accommoder la fonctionnaire s’estimant lésée parce que, de son propre aveu, il n’a pas été question d’accommodement – la preuve a démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée avait maintenu, de façon substantielle et pendant les heures de travail, une correspondance avec ses collègues de la réserve et que cette correspondance allait au-delà de ce qui est acceptable, et ce, même dans un milieu de travail où l’on permet l’échange de courriels de nature personnelle – la fonctionnaire s’estimant lésée a sciemment utilisé son compte du Comité pour son travail de réserviste et a migré de l’information militaire dans le système du Comité, brouillant la ligne séparant les mandats du Comité et de la réserve et minant les efforts du Comité à être perçu comme étant indépendant des FC – bien que l’employeur n’ait pas fait la preuve d’un conflit d’intérêts réel, il a présenté suffisamment de preuve pour faire valoir l’apparence d’un conflit d’intérêts – le lien de confiance a été brisé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-10-31
  • Dossier:  566-02-5913 et 5914
  • Référence:  2014 CRTFP 94

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JENNIFER POULIOT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Comité des griefs des Forces canadiennes)

déendeur

Répertorié
Pouliot c. Administrateur général (Comité des griefs des Forces canadiennes)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage


Devant:
Linda Gobeil, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Sean McGee, avocat
Pour le défendeur :
Adrian Bieniasiewicz, Martin Desmeules, avocats
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), du 7 au 10 mai 2013, du 6 au 9 et 20 au 23 janvier 2014.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

1 Le 20 avril 2011, la fonctionnaire s’estimant lésée, Mme Jennifer Pouliot (la « fonctionnaire ») a renvoyé à l’arbitrage un grief en vertu du paragraphe 209(1)(b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »)contre son employeur, le Comité des griefs des Forces Canadiennes (le « Comité » ou l’« employeur ») contestant sa suspension pendant enquête en date du 16 mars 2011.

2 Le 28 avril 2011, la fonctionnaire a déposé un autre grief en vertu du paragraphe 209(1)(b) de la Loi à l’encontre, cette fois-ci, de son licenciement en date du 20 avril 2011.

3 Étant donné que le grief soulevait une question concernant l’interprétation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, une formule 24 a été envoyée à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). Le 15 mai 2013, la CCDP a informé la Commission de travail dans la fonction publique qu’elle n’avait pas l’intention de soumettre de commentaire dans la présente affaire.

II. Résumé de la preuve

4 À l’audience, l’avocat de l’employeur a réitéré son objection préliminaire selon laquelle je n’avais pas compétence pour entendre le grief portant sur la suspension pendant enquête puisque, essentiellement, cette suspension était de nature administrative et non disciplinaire. L’avocat de l’employeur a plaidé que parce que cette suspension avec solde a été remplacée par un licenciement rétroactif au 16 mars 2011, le débat est maintenant purement théorique. Au soutien de ses prétentions, l’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43 et Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62.

5 Sur ce point, et bien qu’il n’accepte pas que je n’aie pas compétence pour traiter du grief portant sur la suspension, l’avocat de la fonctionnaire est aussi d’avis que cette question peut être réglée en traitant seulement du grief de licenciement.

6 Compte tenu de la position des parties, j’ai décidé que la présente décision couvrira à la fois le grief portant sur la suspension pendant enquête de même que celui relatif au licenciement de la fonctionnaire.

A. Pour l’employeur

7 L’employeur a fait entendre 3 témoins et a soumis 100 pièces justificatives avec leurs pièces-jointes.

8 Mme Caroline Maynard a été le premier témoin de l’employeur. Mme Maynard a longuement témoigné pour l’employeur et fût également longuement contre-interrogée par l’avocat de la fonctionnaire. Mme Maynard a indiqué qu’elle était Directrice des opérations et avocate générale depuis 2006 pour le Comité. À ce titre, elle était donc la superviseure de la fonctionnaire au moment de la suspension et du licenciement de cette dernière.

9 Mme Maynard a témoigné se rapporter directement au président, M. Hamel, en ce qui concerne les affaires juridiques du Comité, quant aux questions relatives aux opérations du Comité, son superviseur immédiat est le vice-président aux opérations, M. James Price. Mme Maynard a précisé qu’elle était, au moment des griefs, responsable d’un total de 18 employés, soit 15 aux opérations et 3 avocats, incluant Mme Pouliot qui était une avocate classifiée LA-2A.

10 Mme Maynard a relaté l’historique menant à la création du Comité. Quant au mandat du Comité, elle a essentiellement indiqué que le Comité était chargé de revoir et d’examiner les griefs déposés par les membres des Forces canadiennes (FC), ce qui inclut les réservistes, contre leur organisation. Une fois la revue et l’examen des griefs complétés, le Comité a pour mandat de soumettre ses conclusions ou recommandations au Chef d’état-major de la Défense pour décision. Mme Maynard a insisté sur le fait que le Comité doit agir avec impartialité et de façon totalement indépendante des FC. Mme Maynard a insisté sur le fait que le Comité ne faisait partie ni des Forces canadiennes ni du ministère de la Défense nationale (MDN).

11 Mme Maynard a indiqué que la nature des griefs pour lesquels le Comité a compétence est très variée. À titre d’exemple, Mme Maynard a mentionné que le Comité pouvait revoir les griefs de militaires portant sur leur solde, diverses indemnités, leur libération des FC, conflit d’intérêts, harcèlement, activités politiques, rétrogradation, soins médicaux, etc. Selon Mme Maynard, le Comité traite de 175 à 190 dossiers par année.

12 Quant au travail de Mme Pouliot, Mme Maynard a témoigné que depuis 2008, un membre du Comité, un avocat ainsi qu’une personne des Opérations étaient immédiatement assignés à chaque dossier reçu. Par la suite, lorsqu’un rapport de révision ou d’examen du grief était produit, ce rapport était revu par l’avocat avant que le membre du Comité le signe.

13 Mme Maynard a témoigné que la fonctionnaire avait d’abord été embauchée au sein du Comité comme agente de grief et chef d’équipe aux opérations. En 2005, la fonctionnaire a quitté le Comité. La fonctionnaire a été embauchée de façon permanente comme avocate auprès du comité le 28 mars 2007 (pièce E-4).

14 Mme Maynard a témoigné que la présidente du Comité en 2007, Mme Laurin, a hésité avant d’embaucher la fonctionnaire comme avocate au Comité puisqu’à ce moment-là, il était connu de Mme Laurin et de Mme Maynard que la fonctionnaire était réserviste au sein des FC. Selon Mme Maynard, Mme Laurin était préoccupée par l’indépendance et l’apparence d’indépendance du Comité si une personne était à la fois employée du Comité et réserviste dans les FC. Mme Laurin était soucieuse de ne pas donner l’impression que le Comité était « mêlé » aux FC. Les fonctions d’avocate au Comité sont décrites à la pièce E-5.

15 Mme Maynard a indiqué que Mme Laurin et elle-même avaient malgré tout décidé d’aller de l’avant avec l’embauche de la fonctionnaire puisque celle-ci leur avait donné l’assurance que ses fonctions de réserviste étaient purement opérationnelles, qu’il s’agissait d’exercices militaires physiques, d’artillerie et que « ça faisait du bien d’aller dans le champ faire ce genre d’exercice ». Selon Mme Maynard, la fonctionnaire avait donné l’assurance que son statut de réserviste ne comportait pas de fonctions administratives et qu’il s’agissait strictement d’exercices opérationnels.

16 Mme Maynard a souligné que devant l’assurance de la fonctionnaire et du fait que celle-ci devait être réserviste seulement à temps partiel, elle ne voyait alors pas de problème, d’autant plus que pour Mme Maynard, les activités de réserviste sont normalement effectuées en dehors des heures de travail.

17 Mme Maynard a indiqué que pour satisfaire aux inquiétudes exprimées par Mme Laurin quant à l’embauche au Comité d’une avocate réserviste, elles ont demandé, avant l’embauche, au commandant de l’unité de réserve auxquelles la fonctionnaire appartenait, le lieutenant-colonel Becking, de préciser dans une lettre les fonctions exercées par la fonctionnaire comme réserviste. Elles lui ont aussi demandé de confirmer qu’il n’y avait pas de conflit entre le travail de réserviste et celui d’avocate auprès du Comité (pièce E-6). Il est à noter que la fonctionnaire a été pleinement mise au courant des inquiétudes et discussions concernant le fait qu’elle était une réserviste qui voulait occuper un poste comme avocate au sein du comité.

18 Mme Maynard a indiqué que le lieutenant-colonel Becking a dans une lettre en date du 28 février 2007 indiqué que la fonctionnaire était membre du 30e Régiment d’artillerie de campagne (le 30e Régiment) et qu’il a également exprimé sa confiance que les fonctions de la fonctionnaire auprès de la réserve ne seraient pas en conflit avec celles qu’elle aurait à exercer comme avocate au Comité. Mme Maynard a indiqué que sur la foi de cette lettre et des représentations de la fonctionnaire, Mme Laurin a décidé d’embaucher la fonctionnaire comme avocate même si celle-ci continuait d’être réserviste auprès des FC (pièce E-7). En contre-interrogatoire, Mme Maynard a maintenu qu’elle avait eu de nombreuses discussions avec la fonctionnaire qui lui avait alors confirmé que son rôle comme réserviste consisterait à des activités d’opération, des activités physiques comme participer aux champs de tir, manier des fusils.

19 Mme Maynard a souligné que bien que la pièce E-6 indique que la fonctionnaire fait partie du 30e Régiment, Mme Maynard a réalisé, lors de l’enquête menant au licenciement de la fonctionnaire en mars 2011, que cette dernière avait changé d’unité de réserve, qu’elle faisait dorénavant partie de l’unité des Cameron Highlanders of Ottawa (CHoO) et que ses fonctions avaient aussi changées. Il ne s’agissait plus de fonctions de manœuvre ou d’artillerie mais plutôt, en joignant le CHoO, la fonctionnaire était devenue capitaine-adjudant auprès du commandant du CHoO et que ses tâches étaient maintenant de nature administrative. En contre-interrogatoire, Mme Maynard a indiqué qu’il revenait à la fonctionnaire de lui dire que son unité de réserve et ses fonctions avaient changé.

20 Mme Maynard a témoigné que dans la présente affaire, un changement d’unité de réserve n’aurait pas posé problème si les fonctions étaient restées d’ordre opérationnel. Or, selon Mme Maynard, la situation est différente ici puisque qu’en devenant capitaine-adjudant auprès du lieutenant-colonel qui est le commandant du CHoO, la fonctionnaire est devenue conseillère auprès du commandant du CHoO. Ainsi, la situation factuelle, sur laquelle Mme Maynard et Mme Laurin s’étaient basées pour décider que la fonctionnaire pouvait être avocate et réserviste et qui prenait pour acquis que la fonctionnaire exercerait des fonctions de manœuvre et d’artillerie, avait changé lorsque la fonctionnaire est devenue conseillère sur des dossiers auprès du lieutenant-colonel et qu’en aucun temps, la fonctionnaire n’avait avisé l’employeur de ce changement important.

21 À cet égard, Mme Maynard a précisé que les fonctions d’un capitaine-adjudant s’apparentent à celles d’une assistante-exécutive auprès du commandant de la réserve. Ainsi, selon Mme Maynard, le capitaine-adjudant a des tâches administratives qui consistent par exemple à traiter des griefs des militaires/réservistes. Selon Mme Maynard, ces griefs passent d’abord par le capitaine-adjudant avant d’être remis au lieutenant-colonel.

22 Dans les circonstances, Mme Maynard a témoigné que le fait que de par ses fonctions de capitaine-adjudant, la fonctionnaire se trouvait maintenant impliquée dans la procédure de griefs qui pouvait potentiellement se retrouver devant le Comité pour examen, a fait en sorte que la fonctionnaire s’est placée en position de conflit d’intérêts, à tout le moins selon Mme Maynard il y avait apparence de conflit. Qui plus est, cette apparence de conflit venait, selon Mme Maynard, miner la crédibilité du Comité qui cherchait par tous les moyens à être vu et perçu comme totalement indépendant des FC et du MDN.

23 Revenant au contexte qui a précédé le licenciement, Mme Maynard a témoigné que le 16 août 2010, et plus tard le 3 février 2011, (pièces E-8 et E-9), la fonctionnaire lui avait demandé un congé par étalement pour la période du 21 février au 25 mars 2011. Mme Maynard a indiqué que ce genre de demande de la part de la fonctionnaire avait dans les deux années précédentes été accordée afin de permettre à la fonctionnaire d’aller participer à des exercices militaires à l’extérieur d’Ottawa.

24 Toutefois, Mme Maynard a affirmé qu’en août 2010 et plus tard en février 2011, elle n’avait pas été en mesure d’approuver la demande de la fonctionnaire puisqu’avec la mise en œuvre d’un projet-pilote, le nombre de dossiers à être référés au Comité avait doublé et qu’ainsi, pour des raisons opérationnelles la présence de la fonctionnaire pouvait être requise. Mme Maynard a indiqué que bien qu’elle n’était pas en mesure d’accorder le congé par étalement demandé par la fonctionnaire pour la période du 21 février au 25 mars 2011, elle avait toutefois informé la fonctionnaire, le 3 février 2011 que si, pour des raisons médicales, son médecin était d’avis que celle-ci avait des limites quant à son emploi, l’employeur allait respecter les recommandations du médecin (pièce E-9). À ce sujet, Mme Maynard a souligné que compte tenu du fait que la fonctionnaire avait deux enfants à charge, il arrivait que cette dernière doive s’absenter et que l’employeur ne lui demandait pas toujours de fournir un certificat médical, on se contentait plutôt de faire reprendre les heures de travail plus tard.

25 Mme Maynard a témoigné avoir été informée, le 25 février 2011, par un courriel de la fonctionnaire, que son médecin recommandait un arrêt de travail du 28 février 2011 au 25 mars 2011 (pièce E-11). Compte tenu du fait que la fonctionnaire n’avait plus de congé de maladie, Mme Maynard a accepté le 24 février 2011 d’avancer des congés de maladie à la fonctionnaire car selon Mme Maynard, elle n’avait alors pas de raison de douter que la fonctionnaire en avait besoin (pièce E-10).

26 En contre-interrogatoire, Mme Maynard a convenu que le 3 février 2011, la fonctionnaire avait demandé un congé d’étalement du revenu pour accommodement (pièce E-9). Toutefois, selon Mme Maynard, la fonctionnaire ne lui a jamais présenté de demande d’accommodement comme tel mais plutôt dans un premier temps une demande de congé d’étalement du revenu qui lui a été refusée et, par la suite, elle a fait une demande de congé de maladie en bonne et due forme ce qui lui a été accordée. Mme Maynard a soutenu que dans les circonstances, elle n’a donc jamais eu à se prononcer sur une demande d’accommodement comme tel (pièce G-7).

27 Ainsi, Mme Maynard a témoigné avoir réalisé en mars 2011, donc tout de suite après le début du congé de maladie de la fonctionnaire, que celle-ci projetait de participer à un exercice militaire à Gogama, dans le nord de l’Ontario et ce bien qu’elle était alors en congé de maladie payé par son employeur. Pour Mme Maynard, le fait de se rendre faire des activités de réserve pendant son congé de maladie représentait un sérieux problème d’autant plus que la fonctionnaire ne lui en avait jamais parlé.

28 En réponse à l’avocat de la fonctionnaire, Mme Maynard a convenu que suite à sa suspension survenue le 16 mars 2011, la fonctionnaire s’était portée volontaire pour être examinée par Santé Canada mais que l’employeur avait refusé sa proposition. Mme Maynard a affirmé que lorsqu’elle a reçu le certificat médical en date du 23 février 2011, la seule chose qui était mentionnée était que la fonctionnaire ne pouvait pas travailler pour la période du 28 février au 25 mars 2011. Il n’était aucunement question de faire un « autre travail thérapeutique ». Mme Maynard a insisté sur le fait que jamais la fonctionnaire lui a dit que d’aller faire l’exercice à Gogama aurait un effet thérapeutique ni non plus que la fonctionnaire a dit qu’elle ferait du travail pour la réserve pendant son congé de maladie.

29 Questionnée sur la lettre du Dre Bordeleau en date du 1er juin 2011, (pièce G-13), Mme Maynard a affirmé n’avoir jamais vu cette lettre auparavant. À cet égard, l’avocat de l’employeur s’est aussi objecté au dépôt de cette lettre aux motifs que d’une part c’était pour lui aussi la première fois qu’il voyait cette lettre et que d’autre part, cette lettre a été écrite le 1er juin 2011 soit après la suspension en mars 2011 et le licenciement le 20 avril 2011. J’ai permis le dépôt de la lettre du Dre Bordeleau tout en prenant l’objection de l’avocat de l’employeur sous réserve. Il est à noter que la preuve a révélé que cette lettre n’a pas non plus été produite lors de la procédure de grief.

30 Dans son témoignage Mme Maynard a aussi expliqué que les membres du Comité ont tous accès au système d’informatique du Comité. Tous, incluant la fonctionnaire à l’époque, ont un compte avec ce système du Comité. Ce système du Comité est géré par le groupe d’informatique du Comité. Tous les dossiers du Comité se retrouvent sur ce système. Il s’agit du système intranet du Comité.

31 Mme Maynard a indiqué qu’à son arrivée au Comité en 2006, elle a réalisé que seulement deux ou trois de ses employés avaient, en plus du système intranet du Comité, accès au site intranet du MDN. Ce système : le système de réseau étendu de la Défense nationale (RED ou DWAN en anglais) est administré par le MDN. Compte tenu du fait que les avocats du Comité, incluant la fonctionnaire, avaient à l’occasion besoin de consulter pour leur travail des documents tels directives, politiques, règlements du MDN et qui se retrouvent sur le RED, elle a demandé à ce que chacun d’entre eux remplisse individuellement une demande en donnant accès à ce système RED via un compte RED du Comité. Donc, à partir de 2008, Mme Maynard a indiqué que ses avocats avaient deux comptes informatiques : l’intranet du Comité et un qui leur donnait accès au système intranet du MDN, soit le système RED du Comité.

32 Ainsi, selon Mme Maynard, les employés des opérations au Comité et les avocats avaient sur leur bureau deux ordinateurs et deux comptes : un pour le travail pour l’intranet du Comité et l’autre qui les reliaient au système intranet du MDN, le RED. Mme Maynard a insisté sur le fait que pour le travail de tous les jours les employés du Comité se servaient de leur système intranet du Comité et non du RED qui était utilisé qu’occasionnellement lorsqu’on voulait consulter un document de référence du MDN. Il est important de noter ici et il en sera d’ailleurs mention plus tard, que la fonctionnaire, en tant que réserviste, avait aussi accès au système RED au moyen d’un un compte militaire qui lui avait été attribué par la réserve pour les fins de la réserve. Ainsi, dans son cas, elle avait un compte intranet du Comité, un compte RED du Comité qui ne devait être utilisé qu’occasionnellement pour des fins de recherche pour son travail d’avocate, et un autre compte RED comme réserviste.

33 Quant aux faits relatifs à l’utilisation inappropriée du système RED du Comité qui a mené au licenciement de la fonctionnaire, Mme Maynard a relaté que quelque temps avant Noël 2010, elle a réalisé que la fonctionnaire passait beaucoup de temps à utiliser le système RED du Comité alors que l’utilisation de ce système aurait dû être fait de façon exceptionnelle. Mme Maynard a témoigné avoir soulevé ce fait avec la fonctionnaire qui lui aurait répondu qu’elle avait des problèmes avec le système intranet du Comité et que ce problème avait été rapporté aux techniciens en informatique du Comité. Mme Maynard a indiqué que malgré son intervention, elle a plus tard observé que la fonctionnaire a continué de se servir régulièrement du système RED du Comité. Mme Maynard a affirmé avoir par la suite compris que la raison pour laquelle la fonctionnaire utilisait le système RED du Comité au lieu du système internet du Comité était que sa lui permettait d’utiliser juste un compte tant pour son travail d’avocate que pour ses affaires de réserviste.

34 Mme Maynard a convenu que bien qu’il y ait effectivement eu des problèmes avec le système intranet du Comité a un certain moment donné, elle a quand même constaté qu’en février 2011, la fonctionnaire utilisait toujours de façon régulière le système RED du Comité au lieu du système intranet du Comité. Mme Maynard a témoigné avoir alors soulevé encore une fois la question de l’utilisation du RED du Comité avec la fonctionnaire qui lui a alors répondu que puisqu’elle avait alors commencé son travail sur les décisions de la Cour fédérale sur le système RED du Comité, il était plus pratique qu’elle continue avec ce système mais qu’une fois son travail complété elle allait arrêter de se servir du RED du Comité.

35 Mme Maynard a témoigné avoir permis à la fonctionnaire de compléter ce travail sur les décisions de la Cour fédérale mais que par la suite la fonctionnaire ne devait se servir du système RED du Comité que de façon exceptionnelle. Mme Maynard a mentionné avoir entre autre été préoccupée par l’utilisation du système RED du Comité puisque contrairement au système intranet du Comité qui a la cote protégée « B », le système RED du Comité est classifié protégé « A », donc moins sécuritaire.

36 Mme Maynard a témoigné que le vendredi 25 février 2011, juste avant de quitter pour son congé de maladie qui devait s’échelonner du 28 février 2011 au 25 mars 2011, la fonctionnaire a fait parvenir à Mme Maynard le rapport des décisions de la Cour fédérale qui lui avait été demandé en avril 2010, et qui faisait partie des objectifs de rendement de la fonctionnaire pour l’année 2010-2011. Mme Maynard a indiqué qu’elle avait alors en avril 2010 demandé à la fonctionnaire de préparer un rapport couvrant environ 7 jugements de la Cour fédérale, dans lesquels on faisait mention du Comité.

37 Mme Maynard a indiqué que sur réception du rapport, le 25 février 2011, elle a réalisé que le nombre d’heures que la fonctionnaire soutenait avoir mis dans la production du rapport était trop élevé par rapport à la demande. Mme Maynard a témoigné s’être interrogée à savoir si le temps passé à utiliser le système de l’employeur n’avait pas surtout été utilisé à des fins personnelles ou dans le but d’effectuer, sur les heures de travail du Comité, du travail pour la réserve. À cet égard, Mme Maynard a indiqué que les heures de travail de la fonctionnaire étaient normalement entre 8h30 à 9h30 et 16h30 et 17h30.

38 Mme Maynard a indiqué avoir alors communiqué avec M. André Pilon du groupe de l'informatique du MDN le 28 février 2011, alors que la fonctionnaire commençait son congé de maladie, afin qu'il vérifie si la fonctionnaire s'était servie du système RED du Comité pour effectuer soit du travail relié au Comité ou si plutôt, la fonctionnaire s'était servie de ce système pour effectuer du travail relié à ses fonctions de réserviste. Mme Maynard a témoigné que M. Pilon lui aurait confirmé que l'utilisation par la fonctionnaire du système RED du Comité ne portait pas sur du travail relié à ses tâches au Comité mais que la fonctionnaire avait envoyé et reçu plusieurs courriels avec des membres de la réserve à partir de son compte du système RED du Comité. Mme Maynard a indiqué avoir alors demandé à M. Pilon de lui remettre copies des courriels en question. Selon Mme Maynard, M. Pilon lui aurait répondu que pour ce faire il devait interrompre le service entre la fonctionnaire et le système RED du Comité mais qu'il ne pouvait toutefois pas le faire à ce moment précis puisque la fonctionnaire était justement en train d'utiliser le système RED du Comité pour ses transactions avec la réserve au moment même où il parlait à Mme Maynard. Mme Maynard a témoigné avoir été surprise d'apprendre que la fonctionnaire était en train de se servir du système d'informatique RED du Comité ce jour-là, puisque d’une part, l’utilisation de ce système devait être exceptionnel et que d’autre part, ce jour-là, soit le 28 février 2011, la fonctionnaire était justement en congé de maladie jusqu’au 25 mars 2011; elle ne devait donc pas travailler.

39 Mme Maynard a témoigné avoir reçu copies desdits courriels de la fonctionnaire et que, suite à l'enquête, l'accès de la fonctionnaire au réseau RED du Comité de même qu’au système intranet du Comité ont été annulé de façon permanente autour du 8 mars 2011 (pièce E-16). Mme Maynard a témoigné que M. Kevin Bouchard du service de l'informatique du MDN lui a apporté une copie de toute la documentation, incluant les courriels et documents que la fonctionnaire avait préparé, envoyé ou reçu à partir du système RED du Comité alors qu'elle était à l'emploi du Comité. Selon Mme Maynard, la très vaste majorité de cette documentation avait trait à des documents ou correspondance entre la fonctionnaire et son unité de réserve et avait rien à voir avec son travail au Comité.

40 Mme Maynard a indiqué avoir consulté le dossier de congé annuels pour la période du 1er avril 2010 jusqu'au 28 février 2011 et avoir réalisé que par exemple le 29 novembre 2010 la fonctionnaire avait réclamé un congé de maladie d'une journée (pièce E-20) alors qu'un relevé de paie de la réserve démontrait que Mme Pouliot avait aussi réclamé une solde pour cette même journée alors qu'elle affirmait avoir été malade (pièce E-23). Selon Mme Maynard, ce travail de traduction qui traitait de candidature politique n'avait rien à voir avec le travail de la fonctionnaire au Comité (pièce E-24).

41 Tout au long de son témoignage Mme Maynard a déposé en preuve de nombreux courriels rédigés par la fonctionnaire ou adressés à celle-ci relatifs à ses fonctions de réserviste qui se trouvaient sur le compte RED du Comité de la fonctionnaire. Mme Maynard a témoigné avoir reçu copies de ces courriels et documents de la part de M. Bouchard suite à une demande d’information qu’elle a effectué les 2 et 8 mars 2011 (pièce E-16). Par exemple, Mme Maynard a fait référence à la pièce E-27 qui démontre que le 17 février 2011, sur les heures de travail, la fonctionnaire envoyait à ses collègues membre de la réserve une liste de choses à faire en vue de l’exercice Gogama qui devait se tenir en mars 2011.

42 Mme Maynard a aussi insisté sur le fait que ce courriel du 17 février 2011, a été envoyé à partir du compte RED du Comité, que l’adresse en haut de page indique que ce courriel provient du « CFGB » c’est-à-dire du « Canadian Forces Grievance Board » et qu’à sa page 2, c’est le numéro de téléphone du bureau du Comité qui apparait. Tout cela, aux dires de Mme Maynard, risque de laisser croire aux récipiendaires de ce courriel que c’est le Comité qui est derrière ce courriel. Pour Mme Maynard, il s’agissait là, en plus d’une utilisation inappropriée du système RED du Comité, d’un exemple ou l’indépendance du Comité est compromise.

43 Au surplus, Mme Maynard a souligné que le fait que la fonctionnaire signe « CP » ou parfois « capt.adjt » démontre bien que la fonctionnaire était alors consciente qu’en utilisant ainsi le système RED du Comité il y avait risque de méprise quant à son rôle et le rôle du Comité dans cet échange et qu’elle voulait être claire qu’elle agissait non pas comme avocate mais bien à titre de réserviste. Selon Mme Maynard, les pages des pièces E-32, E-42, E-46, E-47, E-50, E-51,E-52, E-53, E-62 p.4, et suivants sont d’autres exemples ou la fonctionnaire a échangé des courriels avec des membres de la réserve à partir du compte RED du Comité mais où elle est bien consciente qu’elle doit signer « CP » pour Capitaine de façon à ce que ses interlocuteurs sachent qu’elle agit alors comme réserviste.

44 Dans son témoignage, Mme Maynard a insisté sur le fait que la fonctionnaire savait pertinemment qu’elle utilisait le compte RED du Comité, et non son compte RED militaire car pour la fonctionnaire, c’était plus pratique d’agir ainsi. À cet égard, Mme Maynard a fait référence au courriel en date du 2 mars 2011 de la fonctionnaire à M. Mario Laurin du groupe de l’informatique du coté militaire du MDN dans lequel la fonctionnaire indique clairement qu’elle se sert volontairement du compte RED du Comité pour à la fois son travail d’avocate au Comité et ses fonctions de réserviste avec le CHoO afin d’éviter la duplication des courriels (pièce E-76). Pour la fonctionnaire, le fait d’avoir deux comptes est plus difficile à gérer et peut porter à confusion. Pour Mme Maynard la fonctionnaire s’est servie du compte RED du Comité pour ses échanges avec les membres de la réserve en toute connaissance de cause. Les pièces E-76 (courriels du 2 et 3 mars 2011) et E-77 se lisent comme suit :

From :    Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Sent: Thursday, 3, March, 2011 12:16 PM

To:       Henningsen PO2 NCM @ CH of O @ Ottawa-Hull

Cc:          Laurin M @ 2 ASG Sig Sqn Det Ottawa @ Ottawa-Hull

Subject:   FW: Pki request

Importance:           High

PO2 Henningsen,

I don’t understand the problem here – I have a DND DWAN account and have the system access I need to both my Reserve unit and day job accounts.

Why would I need two?

I also have a level III Security Clearance with DND both as a civilian and as a military officer?

So I am not sure why we would do all this extra work just so I can get issued a PKI card to do my job?

Please follow up with your contacts and advise.

Thx,

CP


From :    Laurin M @ 2 ASG Sig Sqn Det Ottawa @ Ottawa-Hull

Sent:       Wednesday, 2, March, 2011 11:48 AM

To:          Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Subject:   RE: Pki request

Please complete those form [sic] again and they have to create another accompt [sic] to use your pki with the army.

This form is for your new account to be complete [sic] by your ISSO

PO2 NCM Henningsen 990-6207

http://lfcms.kingston.mil.ca/Default.aspx?sectionID=143000440004799&type=D

This form is for your pki << File: PKI Request Form – DND 2369.pdf >> with your pri XXX not DXXXXXXXX

Thank you.


From :    Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Sent:       Wednesday, 2, March, 2011 11:16 AM

To:          Laurin M @ 2 ASG Sig Sqn Det Ottawa @ Ottawa-Hull

Subject:   RE: Pki request

Hi,

I am a civilian employeed [sic] during the day and a Reservist with the Cameron Highlanders of Ottawa at night.

I keep only the one DWAN account and use it for both jobs to avoid duplication of e-mail traffic, having to manage two accounts and to avoid confusion.

The request for PKI was staffed for access as the Regimental Adjutant with the Camerons and you have my correct service number.

My PRI (ending in XXX) would only be used for matters relating to my civilian employment for which I have a separate encryption key.

Does this clarify the situation for you?

From :    Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Sent:       Monday, 25, October, 2010 12:11 PM

To:          Clark Capt LM @ 2 ASG HQ@Petawawa

Cc:          Pouliot MWO CJFP@2 ASG HQ G1 Ops@Petawawa; Henningsen PO2 NCM@CH of O@Ottawa-Hull

Subject:   RE: More CF 98 Info

I am a class A reservist with the Chof O and a full time civilian employee with the Public Service.

Rather than manage two DWAN accounts, it is easier to have the one, but I can assure you that I am a Capt and the Adjt with the CHofO.

Also, because of mailbox management issues (mine is currently almost full), can you fwd the incripted [sic] file to our unit Chief Clerk: PO2 Henningsen – CC to this e-mail.

She is on leave today, but will be able to look at it tomorrow.

Thanks,

CP


From :    Clark Capt LM @ 2 ASG HQ@Petawawa

Sent:       Monday, 25, October, 2010 12:06 PM

To:          Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Cc:          Pouliot MWO CJFP@2 ASG HQ G1 Ops@Petawawa Subject:              More CF 98 Info

Hello Capt Pouliot,

I have rec’d more info and would like to send to you encrypted; pls advise if you plan to get a PKI card so I can send protected info to you electronically. If not, I will mail the info to you as supplemental material to the letter that was mailed out to you last Friday.

I am also curious as to why Outlook does not show your rank or that you work at CHoO?

Thanks,

Clark, L.M. (Lisa)

45 Selon Mme Maynard, le fait qu’en juillet 2010 la fonctionnaire avait indiqué sur un de ses messages d’absence que pour tous autres messages qui lui étaient adressés et qui n’était pas reliés aux affaires du Comité, on devait communiquer avec elle à son adresse « Hotmail », démontre bien que la fonctionnaire savait pertinemment que normalement les courriels de la réserve lui étaient envoyés à son compte RED du Comité (pièce E-78). Pour Mme Maynard, le fait aussi qu’en septembre 2009 alors qu’un courriel d’un membre des FC qui est destiné à la fonctionnaire cette fois- ci en tant qu’avocate du Comité (et non comme réserviste) et que celle-ci signe « Jennifer » au lieu de « CP » démontre bien encore une fois que la fonctionnaire faisait la différence et qu’elle savait bien qu’elle utilisait le compte RED du Comité pour à la fois ses fonctions d’avocate et de réserviste. Ainsi, elle adaptait sa signature dépendant de l’objet du courriel : si l’objet du courriel était un grief au Comité, elle signait « Jennifer » si ça concernait ses activités auprès de la réserve elle signait « CP » pour capitaine. (pièces E-79, E-80). En contre-interrogatoire, Mme Maynard a convenu ne pas être intervenue en juin 2010 lorsqu’elle a reçu copie d’un courriel de la fonctionnaire à un collègue de la réserve utilisant le système RED du Comité (pièce G-3).

46 Mme Maynard a aussi témoigné que l’enquête avait révélée qu’en plus des courriels échangés entre la fonctionnaire et les membres de la réserve, la fonctionnaire avait, sur les heures de travail du Comité, travaillé sur plusieurs documents qui n’avaient aucun lien avec son travail d’avocate mais qui étaient plutôt reliés à ses tâches de réserviste. Selon Mme Maynard la pièce E-29 réfère au fichier CHoO et la pièce E-31 donne les détails des documents qu’on retrouve dans ce fichier CHoO : tous ces documents sont des documents relatifs au travail de réserviste de la fonctionnaire. Selon Mme Maynard, non seulement la fonctionnaire n’aurait pas dû faire ce genre de travail mais en plus, jamais ces documents d’ordre militaire n’auraient dû se trouver dans le compte RED du Comité.

47 Mme Maynard a aussi affirmé que la page 2 de la pièce E-31 faisait référence à « ROG » qui signifiait « Redress of Grievance » ce qui démontre bien que la fonctionnaire, qui était avocate, s’était mise en situation de conflit d’intérêts en s’impliquant, comme réserviste dans des affaires qui pouvaient potentiellement se retrouver devant le Comité. Selon Mme Maynard, la fonctionnaire n’aurait jamais dû, comme réserviste, travailler ou s’impliquer dans des dossiers de griefs des membres des FC.

48 À ce chapitre Mme Maynard a fait référence aux pièces E-4, E-33 et E-35 qui selon elle démontre que la fonctionnaire a été impliquée dans des dossiers qui concernent des demandes de redressement de militaires ce qui constitue donc d’autres preuves que la fonctionnaire était en position de conflit d’intérêts. Mme Maynard a insisté sur le fait que le grief dont il est fait mention à la pièce E-35 et qui traite du « Release Sgt B » est justement le genre de dossier qui pourrait faire l’objet d’un grief devant le Comité. Pour Mme Maynard, les pièces E-36, E-37, E-38, E-40, E-43, E-46, E-61, E-66, E-71,E-95, E-96 sont d’autres exemples de l’implication de la fonctionnaire dans son rôle de capitaine-adjudant dans la réserve dans des réclamations ou griefs de membre de son unité des CHoO qui auraient pu se retrouver au Comité pour examen et recommandation. Mme Maynard a entre autres fait référence à la pièce E-64 qui traite d’un problème de relocalisation éprouvé par un membre de l’unité de réserve CHoO de la fonctionnaire. Selon Mme Maynard, tout grief qui a trait à la réinstallation d’un membre des FC peut se retrouver devant le Comité pour analyse et recommandation. Ainsi cette pièce E-64, n’aurait jamais dû se retrouver dans le fichier du compte RED de la fonctionnaire au Comité. En contre-interrogatoire, Mme Maynard a convenu qu’il était possible pour un avocat du Comité de se récuser si un grief provenait d’un membre militaire de l’unité de réserve de cet avocat.

49 En réponse à l’avocat de la fonctionnaire qui demandait à Mme Maynard quelles étaient les autres documents qui démontraient que la fonctionnaire était en conflit d’intérêts réel ou potentiel quant à ses fonctions d’avocate pour le Comité, Mme Maynard a fait référence aux pièces suivantes dans cet ordre : E-70, E-69, E-68, E-67, E-65, E-64, E-62, E-56, E-55, E-48, E-47, E-44, E-41, E-39, E-34, E-32 et E-28.

50 Il est important de noter à ce stade-ci que par souci d’efficacité et pour faciliter la présentation de la preuve relativement à l’allégation de l’employeur à l’effet que la fonctionnaire aurait utilisé son compte sur le système RED du Comité pour échanger des courriels et travailler sur des documents concernant la réserve, il a été admis à l'audience par les parties que tous les courriels et pièces-jointes déposés par l'employeur au soutien de ses arguments à l'effet que la fonctionnaire a utilisé son compte sur le système RED du Comité pour faire du travail auprès de son unité de réserve sur les heures de travail, représentent qu'un échantillon de la preuve recueillie par l'employeur lors de son enquête. Les parties ont en effet convenu du libellé suivant le 6 janvier 2014 à 13h45 :

Les parties s’entendent que Mme Pouliot a envoyé et reçu au moins 1,445 courriels et pièces jointes relatifs à ses tâches de réserviste entre les mois de septembre 2010 et le 16 mars 2011 du genre des courriels contenus dans la Pièce E-32 à la page 4 avec le bloc signature » CP » , le numéro de téléphone du bureau de Mme Pouliot. Les parties s’entendent aussi que ces courriels ont été envoyés et reçus à partir du système DWAN (compte CFGB).

Mme Pouliot a admis avoir envoyé et reçu des courriels et pièces jointes relatifs à ses tâches comme réserviste sur son compte CFGB du système DWAN pendant ses heures de travail et que certains jours, le nombre de ces courriels étaient importants.

51 Pour Mme Maynard, même la fonctionnaire a reconnu passer le plus clair de son temps au Comité à travailler pour la réserve. À cet égard, Mme Maynard m’a renvoyé à la pièce E-44 où la fonctionnaire admet que son travail de réserviste commence à lui prendre trop de temps. La pièce E-44 se lit comme suit :

Can we line something up to meet and go over the consolidated list on a Tuesday night if you/your staff are avail. As you saw at our last mtg, I work with a notebook and not a spreadsheet for now – the target keeps moving too fast for me to nail it down to a spreadsheet yet… But I am getting there!

Also, my part-time job is starting to spill over rather conspicuously into my day job and I am maxed out on weekday commitments right now with supervising our full time NES/Rel team – spent my lunch working on the ROG and 2 hours at the post office yesterday after work registering 65 Notification letters and dropped in again on them this morning to hand over the bar code tags/make sure things stay on track… We have great momentum going on that front right now and I want to capitalise on it as best I can.

52 Mme Maynard a témoigné que déjà en date du 18 février 2011 la fonctionnaire avait prévu se rendre faire des exercices de manœuvre appelé Gogama pour son unité de réserve dans le nord de l’Ontario le 13 mars 2011 au moment même où elle allait se trouver en congé de maladie. Selon Mme Maynard, la fonctionnaire avait fait ses réservations d'avion le 18 février 2011 et elle prévoyait partir le 13 mars 2011 pendant qu’elle était en congé de maladie (pièce E-25). Mme Maynard a indiqué que jamais la fonctionnaire lui a dit qu'elle participerait à des exercices pour son unité de réserve à Gogama. Selon Mme Maynard, elle a appris cette information lors de son enquête au mois de mars 2011, au même moment qu'elle a appris que la fonctionnaire faisait dorénavant partie d'une nouvelle unité de réserve, le CHoO et qu'elle agissait maintenant comme capitaine adjudant-chef auprès cette unité et que ses tâches étaient maintenant d'ordre administratif et non plus opérationnel. En contre-interrogatoire, Mme Maynard a insisté sur le fait que la fonctionnaire ne lui avait jamais dit qu’un exercice du genre de Gogama lui était thérapeutique mais que plutôt la fonctionnaire disait que ça lui permettait de « prendre une relâche, de changer d’air ».

53 Mme Maynard a témoigné que la fonctionnaire a annulé son billet d’avion et sa participation à l’exercice Gogama le 11 mars 2011 (pièce E-72) soit tout de suite après avoir appris qu’elle était sous enquête pour notamment avoir travaillé alors qu’elle était en congé de maladie (pièce E-73). Quant aux journées où la fonctionnaire aurait travaillé et été payées par la réserve alors qu’elle était déjà rémunérée par le Comité, Mme Maynard a indiqué que la représentante de la fonctionnaire a convenu le 19 août 2011 que cette dernière avait effectivement été payée pour les 2 jours où elle a travaillé à la réserve alors qu’elle était en congé de maladie et recevait déjà un salaire du Comité (pièce E-74).

54 Mme Maynard a aussi témoigné avoir découvert lors de l’enquête que le 23 février 2011, la fonctionnaire qui se préparait alors à partir en congé de maladie du 28 février 2011 au 25 mars 2011, informait ses collègues réservistes qu’elle sera prête à faire de la traduction pour eux dès le premier jour de son congé de maladie (pièce E-24). Selon Mme Maynard, ce travail de traduction n’avait absolument rien à voir avec son travail d’avocate auprès du Comité. Aussi, la veille de partir pour son congé de maladie, la fonctionnaire semblait encore très impliquée et effectuait du travail pour la réserve (pièces E-57 et E-58). Mme Maynard a de plus indiqué avoir découvert que le 7 mars 2011, alors que la fonctionnaire était en congé de maladie, elle continuait de faire du travail pour la réserve en échangeant des courriels avec ses collègues de la réserve, en acceptant d’assister à des réunions avec eux (pièces E-26, E-28, E-32, dernière page, E-41 p. 1 et p. 2, E-60).

55 Questionnée quant à sa réaction si la fonctionnaire devait être réintégrée Mme Maynard a répondu que pour elle ce serait extrêmement difficile compte tenu du fait qu’il s’agit d’une très petite équipe de 3 avocats sous sa supervision, qu’elle trouve que la fonctionnaire lui a menti ou à tout le moins a « joué avec la vérité ». Mme Maynard a insisté sur le fait qu’elle a toujours accommodé la fonctionnaire en lui permettant une certaine flexibilité avec ses heures de travail, en lui avançant des congés de maladie. Pour Mme Maynard, la fonctionnaire aurait dû lui parler et vérifier avec elle compte tenu du fait que le bureau de Mme Maynard et celui de la fonctionnaire sont à une distance d’environ 15 pieds et qu’elles se voyaient plusieurs fois par jour. Pour Mme Maynard, la conduite de la fonctionnaire est incompatible avec celle d’une avocate qui doit rendre des avis juridiques. Selon Mme Maynard, la conduite de la fonctionnaire a irrémédiablement brisé le lien de confiance entre elle et son employeur. À cet égard, Mme Maynard a admis en contre-interrogatoire que toutes les évaluations de rendement de la fonctionnaire avaient toujours été positives (pièces G-1 et G-2).

56 M. Bouchard a été le deuxième témoin de l’employeur. M. Bouchard est depuis avril 2010 chargé d’appliquer les politiques relatives à la sécurité des systèmes d’informatique du côté civil du MDN au groupe et niveau CS-02. Auparavant, M. Bouchard faisait partie de la police militaire et il travaillait dans le domaine de l’informatique. M. Bouchard a expliqué que la surveillance du système afin de déceler toute violation fait partie de ses fonctions.

57 Essentiellement, M. Bouchard a affirmé que le système RED est le système utilisé à la fois par le côté civil et militaire, incluant la réserve du MDN, de façon courante. M. Bouchard a indiqué qu’on accède au système RED sur la base du « need to know basis ». Bien que le système RED relève du MDN, certaines autres organisations comme le Comité y ont aussi accès. Le Comité fait partie des organisations externes dont M. Bouchard a la responsabilité. Selon M. Bouchard, ce n’est pas tout le monde au Comité qui a un compte lui donnant accès au système RED du MDN. Il revient au Comité de décider qui a accès.

58 M. Bouchard a affirmé que si quelqu’un exerce deux fonctions différentes, par exemple des fonctions civiles et des fonctions militaires, cette personne se doit d’avoir deux comptes RED puisque chacun des comptes a un but différent et chaque compte doit être utilisé que pour les fins auxquelles il est destiné. Ainsi, dans la présente affaire, l’information militaire doit être sur un compte et l’information dite civile doit être gardée et transigée à partir d’un compte RED du Comité. M. Bouchard a insisté sur le fait qu’on ne doit pas « mélanger » ce qui relève du civil avec ce qui relève du militaire et qu’ainsi, il serait inapproprié par exemple, qu’on confonde un membre du Comité avec un membre des forces militaires.

59 M. Bouchard a témoigné avoir été impliqué dans le dossier de la fonctionnaire suite à un appel d’un collègue, M. André Pilon, qui l’a informé qu’il était possible qu’un membre du Comité soit en conflit d’intérêts avec ses fonctions militaires. M. Bouchard a donc vérifié le compte RED de la fonctionnaire au Comité afin de vérifier si des activités militaires étaient inscrites dans ce compte.

60 M. Bouchard a affirmé avoir relevé plusieurs courriels de nature militaire dans le compte civil du RED de la fonctionnaire. Les pièces E-28 et E-32 ont été mentionnées par M. Bouchard à titre d’exemple de courriels que la fonctionnaire aurait échangés à partir de son compte RED au Comité.

61 M. Bouchard a aussi indiqué que la pièce E-81 était une copie de documents qu’il a aussi trouvé sur la partition « Q » du compte RED de la fonctionnaire au Comité. M. Bouchard a précisé qu’à la gauche de la page 1 de la pièce E-81, le document fait référence au fichier « CHoO » qui est l’unité de réserve auquel appartient la fonctionnaire. Selon M. Bouchard, quand on ouvre ce fichier CHoO, on a alors accès à plusieurs documents d’ordre militaire (exemple à droite de la p.1 de la pièce E-81) qui se trouvaient donc, au moment où il a fait la vérification, dans le compte RED de la fonctionnaire au Comité. Selon M. Bouchard, la pièce E-81 démontre aussi la date et l’heure où la fonctionnaire aurait eu accès à ces documents.

62 Quant à la pièce E-81 et toutes ses pièces-jointes, M. Bouchard a convenu que mis à part les endroits dans la pièce E-81 où il est indiqué que la fonctionnaire est l’auteur d’un document, il n’y a pas de preuve que cette dernière a travaillé sur ou modifié les documents de la pièce E-81 sauf pour les sauvegarder.

63 M. Bruno Hamel a été le dernier témoin de l’employeur. M. Hamel est le président du Comité depuis 2009. Avant d’être président du Comité, M. Hamel a déclaré avoir servi pendant 28 ans au sein des FC.

64 M. Hamel a indiqué que le Comité dans sa forme actuelle a été créé en 2000. Il compte environ 35 employées et est divisé en trois secteurs : les opérations, dont font partie les services juridiques, le corporatif et les membres. Les services juridiques comprennent trois avocats en plus de l’avocate générale, Mme Maynard (pièce E-1). Le Comité est un tribunal quasi-judiciaire indépendant du MDN et des FC. Le mandat du Comité est d’examiner les griefs des militaires dans un contexte totalement séparé et externe du MDN et des FC.

65 Le rôle du Comité est d’analyser et de faire des recommandations au chef de l’état-major quant au mérite d’un grief déposé par un membre des FC. M. Hamel a expliqué que lorsqu’un membre des FC, ce qui comprend un membre de la réserve, peut présenter un grief à son commandant d’unité sur toutes sortes de sujets allant de son renvoie, sa solde, ses avantages sociaux, une rétrogradation, sa participation à des activités politiques, harcèlement, etc. Dans un tel cas, si le militaire n’est pas satisfait du remède obtenu, il peut alors référer son grief au chef de l’état-major. Sauf exception, le commandant en chef a l’obligation, préalablement à sa décision, de renvoyer le grief au Comité pour examen et recommandation. Le rôle du Comité est donc d’analyser le grief et de faire une recommandation au chef de l’état-major pour décision. M. Hamel a précisé que dans 85 % des cas, le chef de l’état-major est d’accord ou partiellement d’accord avec les recommandations du Comité.

66 Dans son témoignage, M. Hamel a fortement insisté sur le caractère indépendant du Comité et du fait que le Comité ne fait nullement partie des FC ou du MDN. À cet égard, M. Hamel a précisé que pour toutes les affaires corporatives du Comité, en tant que président, il transigeait directement avec les agences centrales du gouvernement concernées, comme par exemple le Conseil du Trésor, sans l’intermédiaire du MDN et des FC.

67 M. Hamel a affirmé que la question de l’indépendance du Comité est la raison d’être du Comité; c’est l’assise fondamentale. Pour M. Hamel, que cette indépendance soit réelle ou perçue, elle se doit d’être préservée; il y va de la crédibilité du Comité. M. Hamel a maintenu que cette question d’indépendance est son principal cheval de bataille et que depuis sa nomination comme président, il a cherché à la communiquer et à la défendre comme par exemple lors de sa comparution devant un Comité de la Chambre des Communes en février 2011 (pièces E-83 et E-84). Pour M. Hamel, il est surprenant de constater que malgré ses efforts, encore bon nombre de militaires croient à tort que le Comité fait partie du MDN. Il y a donc encore du chemin à faire à cet égard.

68 M. Hamel a indiqué avoir connu la fonctionnaire alors que tous les deux travaillaient au Comité. Il était alors le directeur de la fonctionnaire qui agissait comme agente de grief. M. Hamel a affirmé que ça se passait très bien entre la fonctionnaire et lui. Selon M. Hamel, la fonctionnaire était alors une des meilleures analystes de son portefeuille. Par la suite, la fonctionnaire a quitté et elle est revenue pour occuper un poste d’avocate au Comité.

69 M. Hamel a expliqué avoir lui-même quitté le Comité et y être revenu comme président en 2009. La fonctionnaire occupait alors déjà son poste d’avocate. M. Hamel a témoigné avoir alors transigé avec la fonctionnaire à plusieurs niveaux. Par exemple, il rencontrait tout son personnel de façon quotidienne; ainsi, en plus de traiter de certains dossiers avec la fonctionnaire, il la voyait à peu près à tous les jours et ensemble ils discutaient de toutes sortes de sujets.

70 M. Hamel a affirmé que bien que la gestion de tous les jours revenait à M. Price et Mme Maynard, il connaissait quand même très bien la fonctionnaire et il aimait travailler avec elle tant d’un point de vue personnel que professionnel. Il a précisé qu’il aimait la capacité analytique de la fonctionnaire de même que son franc parler. M. Hamel a souligné que jamais il n’avait eu de prise de bec avec la fonctionnaire et il a admis en contre-interrogatoire qu’il n’avait jamais eu de problème quant à la qualité ou la quantité du travail fournit par cette dernière. M. Hamel a indiqué que la fonctionnaire avait un horaire flexible et que ses heures de travail se situaient entre 7 h et 17 h.

71 Quant aux événements ayant conduit au licenciement, M. Hamel a témoigné avoir été mis au courant par Mme Maynard en mars 2011 d’allégations à l’effet que la fonctionnaire aurait travaillé lorsqu’elle était en congé de maladie et qu’elle se serait servie du compte RED du Comité pour faire du travail pour la réserve. M. Hamel a indiqué avoir alors pris ces allégations au sérieux et demandé qu’on relève la fonctionnaire de ses fonctions avec solde le 9 mars 2011, le temps de faire la lumière dans cette affaire (pièce E-73).

72 M. Hamel a témoigné avoir conclu le 16 mars 2011 que les allégations étaient fondées et ainsi a suspendu la fonctionnaire sans solde en attendant les représentations de celle-ci (pièce E-85) qui sont venues le 6 avril 2011 (pièce G-15). M. Hamel a affirmé que par la suite, lors de l’audition des griefs de la fonctionnaire, l’avocate d’alors de la fonctionnaire a indiqué que seulement environ une trentaine de courriels ont été échangés par la fonctionnaire sur les heures de travail du Comité à partir du système RED du Comité. M. Hamel a témoigné avoir alors demandé le dossier complet de l’enquête et réalisé qu’au contraire, la vaste majorité des 2 000 courriels répertoriés avaient été échangés par la fonctionnaire avec des collègues de la réserve à partir de son compte sur le système RED du Comité et que de plus, la partition « Q » de ce compte contenait environ 50 fichiers incluant de nombreux documents relatifs au travail de réserviste de la fonctionnaire (pièce E-81).

73 M. Hamel a témoigné qu’après avoir pris connaissance des commentaires de la réponse de la fonctionnaire (pièce G-15), il en est venu à la conclusion qu’il devait licencier la fonctionnaire, ce pour 6 raisons énumérées dans sa lettre du 20 avril 2011 (pièce E-86).

74 Reprenant la lettre du 20 avril 2011, M. Hamel a précisé que bien que toutes les raisons énoncées dans cette lettre justifient le licenciement, certaines sont en soi suffisamment sérieuses pour mériter le licenciement à elle seule.

75 Par exemple, selon M. Hamel le fait que pendant qu’elle était en congé de maladie payé par son employeur, la fonctionnaire ait travaillé pour la réserve et qu’elle se préparait à assister à un exercice militaire à Gogama pendant ce congé est très grave. Bien que dans certains cas, il appert selon M. Hamel que la fonctionnaire était payée pour la même période de temps tant par l’employeur que par la réserve, la situation serait quand même aussi sérieuse même en l’absence de double rémunération (pièce E-22 et E-23).

76 Pour M. Hamel, le fait que la fonctionnaire ait travaillé pour la réserve alors qu’elle était en congé de maladie est d’autant plus sérieux que sur la base des fausses représentations de la fonctionnaire, l’employeur a, de bonne foi, avancé des congés de maladie à cette dernière. Pour M. Hamel, il ne peut y avoir d’équivoque. En février 2011, le Dre Bordeleau a conclu que la fonctionnaire devait être en arrêt de travail. Le corolaire de ce diagnostic est que la fonctionnaire devait se reposer à la maison et ne pas faire du travail pour une autre organisation ni prévoir se rendre à l’extérieur pour participer à un exercice pendant ce congé de maladie. Pour M. Hamel, en agissant ainsi, la fonctionnaire a manqué à son devoir d’éthique et n’a pas fait preuve d’intégrité. La fonctionnaire avait d’abord prévu prendre un congé d’étalement mais lorsque pour des raisons opérationnelles elle a vu que ce n’était pas possible, elle a décidé de profiter du congé de maladie pour s’y rendre. Ce n’est que lorsqu’elle a été avisé le 9 mars 2011 qu’elle était sous enquête qu’elle a mis fin à son plan de voyage dans le Nord de l’Ontario. En contre-interrogatoire, M. Hamel a convenu que l’employeur avait permis à la fonctionnaire d’assister à un exercice semblable à celui de Gogama dans le passé. M. Hamel a toutefois précisé que ces situations étaient différentes car, d’une part, la fonctionnaire n’était pas en congé de maladie et que d’autre part, les fonctions de celle-ci dans la réserve s’apparentaient plutôt à celles d’un fantassin et qu’elle n’occupait pas un poste de capitaine-adjudant.

77 Questionné par l’avocat de la fonctionnaire qui demandait si l’employeur se devait de suivre l’avis d’un médecin qui conseille à un employé qui souffre d’anxiété d’assister à un exercice militaire, M. Hamel a répondu par la négative en expliquant que pour lui, participer à un exercice militaire n’est pas qu’une simple activité c’est un véritable emploi. On sert dans la réserve ou pas. M. Hamel a insisté sur le fait que la réserve existe en renforcement de la force régulière. C’est un véritable travail pour lequel les réservistes sont rémunérés. Pour M. Hamel, on aurait tort de minimiser le travail qui se fait au sein de la réserve et de tenter de réduire ce travail à une simple activité. Faire partie de la réserve est un emploi sérieux; ce n’est pas le genre d’endroit où on « joue au ballon ».

78 Quant au fait que la fonctionnaire ait fait du travail pour la réserve qui n’a rien à voir avec son travail d’avocate sur les heures de travail du Comité, M. Hamel a maintenu que ce fait a aussi été un élément déterminant dans sa décision de licencier la fonctionnaire. Pour M. Hamel il s’agit d’une inconduite très grave puisqu’on ne parle pas de quelques courriels de nature personnelle qui auraient été échangés sur les heures de travail du Comité. Selon M. Hamel, sur quelques 2 000 courriels retrouvés sur le compte RED de la fonctionnaire, la vaste majorité sont ces courriels portaient sur les activités de réserve de la fonctionnaire. Ces courriels auraient été échangés sur les heures de travail du Comité. M. Hamel a maintenu qu’à ces courriels, il fallait ajouter la série de documents, retrouvés sur la partition « Q » du compte RED de la fonctionnaire au Comité et qui eux aussi portaient sur son travail de réserviste. La fonctionnaire aurait aussi travaillé sur ces documents pendant ses heures de travail au Comité (pièce E-81). En contre-interrogatoire, M. Hamel a convenu qu’il permettait à ses employés d’échanger des courriels de nature personnelle sur les heures de travail en autant que ce soit fait de façon raisonnable.

79 M. Hamel a aussi affirmé que le fait que la fonctionnaire ait utilisé son compte RED du Comité pour ses affaires avec la réserve est aussi un élément qui, en soi, justifie le licenciement. Pour M. Hamel l’accès au compte RED du Comité qui donne ainsi accès à l’internet, l’intranet de MDN et qui permet d’échanger avec les plaignants des FC en utilisant une clé cryptique (PKI), est un privilège réservé strictement aux employés du groupe des opérations au Comité. Les autres employés n’ont pas cet accès. Pour M. Hamel la fonctionnaire était au courant que l’usage du RED du Comité était limité strictement aux fins de son travail au Comité. M. Hamel a indiqué que la fonctionnaire avait signé un document à cet effet dans le passé lorsqu’elle était agente de grief (pièce E-87).

80 M. Hamel a insisté sur le fait qu’en utilisant son compte RED pour faire ses échanges de courriels et documents avec ses collègues de la réserve, la fonctionnaire a enfreint les politiques d’utilisation des technologies et de sécurité du Comité. Selon M. Hamel, le résultat d’avoir échangés tout près de 2 000 courriels et documents avec la réserve en utilisant son compte RED du Comité est que le Comité est maintenant dépositaire de cette information qui ne relève aucunement de son mandat. À l’audience, M. Hamel s’est dit très préoccupé, advenant par exemple une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, quant aux données appartenant aux FC qui ne devraient absolument pas faire partie de son inventaire. Pour M. Hamel, la fonctionnaire, de par ses actions, a imposé au Comité une responsabilité pour laquelle le Comité n’est tout simplement pas mandaté.

81 Pour M. Hamel, le fait que dans ses échanges de courriels avec ses collègues de la réserve en utilisant son compte RED du Comité la référence au Comité y est inscrite, soit : MND CFGB @ Ottawa-Hull (Ministère Défense Forces) rendent l’infraction encore plus grave puisqu’à tout le moins, il y avait risque que les intervenants militaires concluent que le Comité faisait partie des FC (pièce E-41 et E-42). Pour M. Hamel, cet état de fait va à l’encontre de la raison même du mandat du Comité soit son indépendance des FC.

82 À cet égard, M. Hamel a écarté l’argument de la fonctionnaire à l’effet qu’elle croyait lors de ses correspondances avec la réserve utiliser son compte RED militaire. M. Hamel s’est dit persuadé que la fonctionnaire connaissait bien, en utilisant son compte RED du Comité, le risque de confusion entre les deux entités que sont le Comité et la réserve. Selon M. Hamel, c’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi, dans de nombreux courriels à ses collègues de la réserve elle signait « CP ». Elle voulait alors leur faire comprendre qu’elle agissait alors comme capitaine-adjudant et non comme avocate (pièces E-41, E-42, E-76 et E-77).

83 M. Hamel a maintenu que les agissements de la fonctionnaire sont irréconciliables avec une de ses conditions d’emploi, à savoir faire preuve d’intégrité. M. Hamel a insisté sur le fait que dans tous les faits reprochés à la fonctionnaire, celle-ci a agi en toute connaissance de cause. Dans les circonstances, M. Hamel a affirmé ne plus avoir confiance en la fonctionnaire, d’autant plus que celle-ci occupe un poste d’avocate. Pour M. Hamel, une personne qui occupe un poste d’avocate au sein d’un tribunal comme le Comité, se doit d’être plus blanc que blanc. Dans ce cas-ci, il y va de la réputation et de la crédibilité du Comité.

84 M. Hamel a aussi affirmé que la conduite de la fonctionnaire le porte maintenant à se questionner sur le bien-fondé de permettre à un réserviste d’être à fois un employé du Comité. Pour M. Hamel, la fonctionnaire savait pertinemment lors de son embauche que son double emploi soulevait une question délicate. Il lui appartenait, lorsqu’elle est devenue capitaine-adjudant auprès de CHoO d’aviser sa superviseure. Elle ne l’a pas fait. Dans son témoignage, M. Hamel a passé en revue les tâches d’un capitaine-adjudant tel que représenté dans la pièce E-88 retrouvée sur la partition « Q » du compte RED du Comité de la fonctionnaire. À cet égard, M. Hamel a souligné avoir lui-même occupé les fonctions de capitaine-adjudant alors qu’il faisait partie des FC en Bosnie. Selon M. Hamel, les fonctions de capitaine-adjudant telles que celles qu’a occupées la fonctionnaire auprès des CHoO s’apparentent à celle d’un directeur exécutif. M. Hamel a affirmé que par exemple, qu’un capitaine-adjudant a des fonctions de supervision et que dans le cas de la fonctionnaire des réservistes qui se rapportaient à elle. M. Hamel a aussi maintenu qu’un capitaine-adjudant est l’aviseur du commandant de l’unité et qu’il faut garder à l’esprit que les griefs des réservistes, le cas échéant, doivent ainsi passer par le capitaine-adjudant avant d’être référé au commandant de l’unité. Dans l’éventualité où ces griefs ne sont pas alors résolus ils devront donc être référés au Comité où la fonctionnaire occupait un poste d’avocate. Pour M. Hamel, la fonctionnaire, en occupant à la fois les fonctions d’avocate et de capitaine-adjudant, s’est donc placée dans une situation de conflit d’intérêts réelle ou apparente.

85 En contre-interrogatoire, M. Hamel a indiqué que bien que la description de tâches d’un capitaine-adjudant ne précise pas le traitement des griefs comme tâche comme tel, il n’en demeure pas moins que cette fonction est couverte par la clause fourre-tout du paragraphe « m » de la pièce E-88. De plus, M. Hamel a affirmé savoir, de par sa propre expérience comme capitaine-adjudant, que traiter des griefs de son unité fait partie des fonctions de tout capitaine-adjudant. Dans son témoignage, M. Hamel a affirmé être convaincu que la fonctionnaire avait dans son rôle de capitaine adjudant, donné des conseils quant au bien-fondé d’un grief. À cet égard, M. Hamel a dit se baser sur la pièce E-92 (qui est aussi la pièce-jointe de E-85) et la pièce-jointe 5 dans laquelle on fait fréquemment référence à « ROG » c’est-à-dire « Redress of Grievance ». Or selon M. Hamel, lorsqu’un capitaine-adjudant comme la fonctionnaire s’occupe d’un « ROG » pour son commandant, ça implique nécessairement de donner des avis à son commandant d’unité sur ce grief.

86 M. Hamel a témoigné avoir toujours accommodé la fonctionnaire lorsqu’elle en faisait la demande. Par exemple, M. Hamel a affirmé avoir permis dans le passé à la fonctionnaire d’amener ses enfants au bureau, lui avoir aussi permis d’aller faire des exercices militaires tout en étant payé. M. Hamel a maintenu que lors de la demande de congé de maladie de la fonctionnaire en février 2011, l’employeur a obtempéré aux directives du médecin qui plaçait la fonctionnaire en arrêt de travail purement et simplement. Pour M. Hamel, il n’a jamais été question de demande d’accommodement autre que de permettre à la fonctionnaire de cesser de travailler du 28 février 2011 au 25 mars 2011.

87 M. Hamel a conclu son témoignage en affirmant qu’il considérait aussi le fait que la fonctionnaire soit avocate comme étant un facteur aggravant. Pour M. Hamel, la fonctionnaire, qui avait fait carrière dans la police et qui était maintenant avocate, aurait dû réaliser la portée de ses actions. M. Hamel a avoué s’être senti trahi par la conduite de la fonctionnaire et a affirmé que dorénavant, il ne peut plus faire confiance à cette dernière et qu’un doute va toujours subsister pour lui et Mme Maynard quant à la franchise de la fonctionnaire d’autant plus que, selon M. Hamel, la fonctionnaire se semble toujours pas réaliser la gravité de sa conduite et qu’elle n’a jamais exprimé de remord. M. Hamel a indiqué qu’en 5 ans comme président du Comité, c’était la première fois qu’il licenciait un employé.

B. Pour la fonctionnaire

88 La Dre Marie-José Bordeleau a témoigné pour la fonctionnaire. La Dre Bordeleau est médecin depuis 1997 et pratiquait à la clinique de médecine familiale de l’Université d’Ottawa pendant la période en question.

89 La Dre Bordeleau a affirmé que la fonctionnaire est sa patiente depuis janvier 2003 et que cette dernière est allée la voir le 23 février 2011. La Dre Bordeleau a témoigné que lors de cette rencontre, la fonctionnaire lui a indiqué qu’elle « feelait down lately », qu’elle se sentait triste et qu’elle avait préalablement consulté un psychologue qui l’avait référé au Dre Bordeleau. Pour la Dre Bordeleau, bien que la fonctionnaire n’était pas en dépression, elle avait néanmoins des symptômes de la dépression. La Dre Bordeleau a alors donné un certificat pour congé médical pour la période du 28 février 2011 au 28 mars 2011 (pièce E-11).

90 La Dre Bordeleau a affirmé que pendant cette rencontre du 23 février 2011, la fonctionnaire lui a dit prévoir prendre quelques jours pour faire du travail pour la réserve dans le Nord de l’Ontario (Gogama) en mars 2011 pendant ce congé médical. La Dre Bordeleau a indiqué qu’elle était d’accord que la fonctionnaire s’absente de son travail comme avocate et qu’elle aille passer quelques jours dans le Nord car la fonctionnaire lui avait dit qu’elle aimait le genre d’exercice et que ça l’aidait à se détendre. La Dre Bordeleau a indiqué que pour elle cet exercice dans le nord était un travail qui n’était pas à temps plein et juste pour quelques jours. La Dre Bordeleau a précisé avoir prescrit de l’Ativan à la fonctionnaire pour l’aider à dormir.

91 La Dre Bordeleau a indiqué avoir revu la fonctionnaire le 8 mars 2011 afin de faire un suivi. Selon la Dre Bordeleau, la fonctionnaire commençait alors à se sentir mieux mais elle était toujours pas prête à reprendre le travail. La Dre Bordeleau a réitéré qu’elle savait que la fonctionnaire devait aller en exercice dans le Nord pour quelques jours et que cet exercice devait avoir un effet positif sur l’état de la fonctionnaire.

92 La Dre Bordeleau a témoigné avoir revu la fonctionnaire le 7 avril 2011 et que son état psychologique s’était alors détérioré à cause des événements survenus avec son employeur et qu’elle était maintenant en congé sans solde.

93 En contre-interrogatoire, la Dre Bordeleau a indiqué n’avoir jamais parlé avec l’employeur de l’état de la fonctionnaire et elle a aussi précisé que les symptômes identifiés lors de la visite du 23 février 2011 étaient en majeure partie causés par la situation personnelle que vivait la fonctionnaire. La Dre Bordeleau a précisé que bien que lors de cette rencontre la fonctionnaire n’était pas en crise, elle semblait néanmoins débordée. Quant au travail comme réserviste à effectuer dans le Nord de l’Ontario, la Dre Bordeleau a indiqué que lorsque la fonctionnaire lui a parlé de cet exercice le 23 février 2011, la Dre Bordeleau n’a pas pensé qu’il s’agissait d’un travail pour lequel la fonctionnaire était rémunérée; ce n’est que le 7 avril 2011 qu’elle a su que la fonctionnaire serait payé par la réserve pour cet exercice. La Dre Bordeleau a indiqué que sa compréhension de l’exercice en mars 2011 était que la fonctionnaire allait dans le Nord de l’Ontario, dans un endroit isolé, et qu’elle allait passer quelques jours dans un camp dans le bois.

94 La Dre Bordeleau a témoigné qu’elle ne se souvenait pas si la fonctionnaire lui avait dit qu’elle ferait de la traduction pendant son congé de maladie et qu’il était difficile de dire si le fait de faire de la gestion pour une personne en congé de maladie peut être stressant. Quant à l’ébauche de lettre contenu dans la pièce E-90 à la p.16, la Dre Bordeleau a confirmé que cette ébauche avait été préparée par la fonctionnaire mais que c’est elle qui l’a finalisée et envoyée à l’employeur le 1er juin 2011 (pièce G-13). Questionnée quant à savoir ce qu’elle a voulu dire dans sa lettre du 1er juin 2011 lorsqu’elle a affirmé que :«[…] Sur le plan médical, ce travail était thérapeutique pour Mme Pouliot […] » et « […] Elle était apte à exécuter ses fonctions comme réserviste le 3 et le 7 mars 2011 durant son absence du bureau car ce genre de travail ne comportait pas les mêmes demandes intellectuelles que son travail d’avocate »la Dre Bordeleau a affirmé que pour elle l’exercice dans le Nord n’était pas un travail où l’on doit se concentrer, ou il faut lire des documents ou en rédiger. Pour elle, il s’agissait d’un travail physique qui était plutôt un passe-temps qui avait un effet thérapeutique chez la fonctionnaire. La Dre Bordeleau a conclu que même si la fonctionnaire a fait du travail préparatoire avant l’exercice du Nord de l’Ontario elle est toujours du même avis.

95 Mme Lise Ross a également témoigné pour la fonctionnaire. Mme Ross est présentement employée du côté militaire du MDN pour le groupe de soutien de secteur de détachement du système informatique.

96 Essentiellement Mme Ross a affirmé que le 8 février 2008, étant donné que la fonctionnaire ne s’était pas servi de son compte civil depuis 30 jours, ce compte civil était pour être annulé à moins que la fonctionnaire en avise autrement dans les 30 jours (pièce G-20 avant dernière page). Selon Mme Ross, le 20 février 2008, la fonctionnaire a téléphoné à M. Pearce du côté civil de l’informatique au MDN pour s’enquérir de la situation toutefois, il n’y a rien au dossier quant à la discussion qui a eu lieu entre eux (pièce G-20).

97 Par la suite, selon Mme Ross, il y a eu une demande du côté civil au service de l’informatique du coté militaire du MDN afin de fermer le compte militaire de la fonctionnaire (pièce G-21). Mme Ross a témoigné que bien qu’à la page 3 de la pièce E-21 on indique que le client (la fonctionnaire) a demandé que son compte soit supprimé, rien n’indique que la fonctionnaire a demandé à ce que ce soit son compte militaire qui soit fermé.

98 Mme Ross a témoigné que selon la pièce G-21 (p. 3), le côté militaire du groupe de l’informatique du MDN a reçu de M. Cory Dodds, du groupe civil de l’informatique du MDN à 11 h 42, le 20 février 2008, la demande de fermer le compte militaire de la fonctionnaire.

99 Selon Mme Ross, la fonctionnaire n’a pas été copiée sur ce courriel (pièce G-21, p. 1). Mme Ross a témoigné qu’il n’est pas normal qu’une réserviste de classe « A » comme la fonctionnaire demande à ce que son compte militaire soit supprimé. Selon Mme Ross, étant donné que la correspondance quant à la suppression d’un compte a eu lieu entre la fonctionnaire et les employés du coté civil du MDN, il faut donc en conclure que la fonctionnaire demandait à ce que ce soit son compte RED du Comité qui soit fermé, pas son compte RED militaire (pièce G-21 p.3).

100 En contre-interrogatoire, Mme Ross a convenu que suite au courriel de M. Pearce le 20 février 2008, la fonctionnaire a parlé avec ce dernier et qu’elle ne connait pas la teneur de la conversation (pièce G-20 dernière page). Mme Ross a aussi indiqué que puisque le côté civil de l’informatique était impliqué que cela voulait dire que la fonctionnaire voulait fermer son compte civil et non militaire.

101 Le lieutenant-colonel Kelly a aussi témoigné pour la fonctionnaire. Le lieutenant-colonel Kelly, était pendant la période 2010-2011, le commandant à temps plein de l’unité de réserve CHoO. À son arrivée en septembre 2010, la fonctionnaire était déjà membre à temps partiel de cette unité.

102 Le lieutenant–colonel Kelly a indiqué que dès le départ, il avait eu une discussion avec la fonctionnaire dans laquelle cette dernière lui avait mentionné être aussi avocate pour le Comité. Selon le lieutenant-colonel Kelly, la fonctionnaire lui aurait alors fait part de ses discussions avec le lieutenant-colonel Becking en 2007 quant à la question du conflit d’intérêts.

103 Le lieutenant-colonel Kelly a affirmé que pour lui, il n’y avait pas de conflit d’intérêts même si la fonctionnaire était à la fois capitaine-adjudant dans la réserve et avocate auprès du Comité. Le lieutenant-colonel Kelly a expliqué que dans l’unité il y a deux aspects en ce qui a trait au traitement des griefs : premièrement il y a la procédure quant à l’enregistrement d’un grief, deuxièmement il y a toute la question du mérite du grief. Pour le lieutenant-colonel Kelly, bien que la fonctionnaire ait pu être impliquée comme superviseur de la personne qui s’occupe de la procédure d’enregistrement d’un grief, elle n’a jamais été impliquée quant au mérite d’un grief.

104 Le lieutenant–colonel Kelly a indiqué qu’à sa connaissance, à son arrivée dans l’unité, il n’y avait que deux griefs existants. Selon lui, il n’y en pas eu d’autres dans la période de 2010-2011. Le lieutenant-colonel Kelly a aussi affirmé qu’il était peu probable que dans ses fonctions de capitaine-adjudant la fonctionnaire ait pu donner des ordres qui auraient pu être le sujet d’un grief de la part de militaires subalternes et que de toute façon, il avait lui-même l’expertise nécessaire pour prendre une décision quant à la disposition d’un grief.

105 Quant à l’exercice du mois de mars 2011 à Gogama, le lieutenant-colonel a indiqué qu’il était le commandant de cet exercice et que la fonctionnaire était pour participer à seulement trois jours compte tenu du fait qu’elle avait des problèmes à la maison. Le lieutenant-colonel Kelly a témoigné que si la fonctionnaire était venue à l’exercice, celle-ci aurait été dans un poste de commande, dans une tente chauffée, elle se serait occupée du côté tactique de la mission et elle aurait préparé les ordres pour le compte du lieutenant-colonel Kelly. En contre-interrogatoire, le lieutenant-colonel Kelly a indiqué que pendant l’exercice à Gogama, la fonctionnaire aurait eu un petit groupe de 5-6 personnes sous son commandement et que l’exercice dure 24 heures avec de 4 à 6 heures pour dormir. Le lieutenant-colonel Kelly a aussi reconnu que les pièces E-97 et E-98 montrent l’implication de la fonctionnaire dans la préparation de l’exercice de Gogama.

106 Le lieutenant-colonel Kelly a indiqué que le Comité avait tenté de le questionner concernant cette affaire et qu’il avait écrit au Comité le 2 mai 2011 pour donner sa position. Dans cette lettre, le lieutenant–colonel Kelly y indique notamment que la fonctionnaire ne lui a jamais fourni d’avis juridique, qu’elle n’a jamais été mise en situation de conflit d’intérêts, que les interactions de la fonctionnaire avec la réserve pendant ses heures de travail au Comité ont été brèves et qu’elle n’a jamais été rémunérée (pièce G-22, E-75).

107 En contre-interrogatoire, le lieutenant-colonel Kelly a indiqué qu’il est possible dans les cas où un grief est déposé que le capitaine-adjudant voit le dossier. Questionné quant à la pièce E-95 qui traite de « ROG » le lieutenant-colonel a affirmé qu’il lui semble que dans ce courriel la fonctionnaire dit aux autres membres de la réserve de s’impliquer. Quant à la pièce E-96, qui traite d’un grief et d’une lettre de l’autorité de traiter d’un grief et dans laquelle la fonctionnaire est impliquée, le lieutenant-colonel a indiqué qu’il s’agissait d’une lettre type qu’il a probablement signée.

108 La fonctionnaire a été la dernière témoin dans cette affaire. La fonctionnaire est veuve depuis 2005. Son mari, qui était militaire, est décédé subitement en avril 2005 soit deux ans après son retour d’Afghanistan. La fonctionnaire s’est alors retrouvée seule pour élever ses deux filles maintenant âgées de 11 et 14 ans.

109 La fonctionnaire a expliqué avoir commencé sa carrière comme réserviste à temps partiel de 1985 à 1987. Elle a par la suite joint les FC à temps plein de 1992 à janvier 2001. Elle a dû laisser les FC en 2001 pour s’occuper de sa fille alors âgée de 2 ans qui avait des problèmes de santé. La fonctionnaire a toutefois continué ses études en droit à temps partiel. En 2005, lors du décès de son époux, la fonctionnaire occupait un poste classifié PM-5 au sein du Comité.

110 La fonctionnaire a témoigné qu’après le décès de son époux, elle a laissé le Comité pour se rapprocher des FC qu’elle considérait comme sa deuxième famille. En 2006, la fonctionnaire a aussi perdu son père dont elle était très proche et qui avait lui aussi servi dans les FC. La fonctionnaire a donc occupé un poste d’analyste civil classifié PM-6 à l’intérieur des FC. La fonctionnaire a indiqué avoir en 2007 été contactée par Mme Maynard, qui était devenue avocate générale, et qui voulait lui offrir un poste d’avocate au Comité. La fonctionnaire a accepté l’offre et elle est retournée travailler au Comité à titre d’avocate. La fonctionnaire a témoigné qu’à cette époque, elle était déjà depuis 2006 réserviste à temps partiel au sein du 30e Régiment sous le commandement du lieutenant-colonel Becking.

111 La fonctionnaire a affirmé avoir discuté, lors de son embauche comme avocate au Comité, du fait qu’elle était réserviste avec la présidente Mme Laurin et Mme Maynard. Selon la fonctionnaire, le fait qu’elle soit réserviste était alors considéré comme un atout pour le poste d’avocate au Comité. La fonctionnaire a indiqué avoir précisé avec Mme Laurin que pour elle, être réserviste était très important, que ça la « nourrissait comme personne » et que si elle devait choisir entre être réserviste auprès des FC ou un poste d’avocate au Comité, elle choisirait le poste de réserviste.

112 La fonctionnaire a expliqué qu’elle a aussi soulevé cette question du conflit d’intérêts avec le lieutenant-colonel Becking et que celui-ci comprenait très bien la situation puisqu’il était lui-même fonctionnaire et réserviste à temps partiel. Selon la fonctionnaire, le lieutenant-colonel Becking lui a affirmé qu’en 30 ans comme réserviste il n’avait jamais eu à traiter d’un grief à titre de commandant d’unité. La fonctionnaire a témoigné que c’est de sa propre initiative que le lieutenant-colonel Becking a décidé d’écrire à Mme Laurin le 28 février 2007 pour expliquer le rôle de la fonctionnaire dans l’unité de réserve et le fait que celle-ci n’aurait pas à traiter de griefs des membres (pièce E-6). La fonctionnaire a affirmé que le lieutenant–colonel Becking lui avait donné l’assurance que jamais elle ne serait en conflit d’intérêts à cause de ses fonctions comme réserviste.

113 La fonctionnaire a témoigné qu’à 5 reprises dans son travail d’avocate, elle est allée voir Mme Maynard afin de lui demander de réassigner des dossiers de plaignants qui impliquaient soit de ses amis ou amis de son défunt mari. Selon la fonctionnaire, Mme Maynard lui aurait alors dit que si la situation se présentait trop souvent, il faudrait revoir son rôle comme réserviste.

114 La fonctionnaire a expliqué qu’elle avait déjà dans le passé fait partie de l’unité de CHoO. Elle a décidé d’y retourner en 2009. Quelque temps après, le lieutenant-colonel Kelly s’y est joint aussi comme commandant de l’unité.

115 La fonctionnaire a témoigné ne pas avoir mentionné à M. Hamel, en 2009, que son rôle et son unité de réserve avait changé depuis qu’elle avait été embauchée comme avocate en 2007. Toutefois, la fonctionnaire a précisé avoir expliqué au lieutenant-colonel Kelly lorsqu’il est arrivé à l’unité du CHoO, qu’elle occupait un poste d’avocate auprès du Comité. Selon la fonctionnaire, le lieutenant-colonel Kelly ne connaissait alors pas l’existence du Comité. Selon la fonctionnaire, elle a aussi expliqué à ce dernier les limitations qu’elle avait dans son rôle de réserviste compte tenu du fait qu’elle était avocate au Comité et aussi le fait que l’on devait tenir compte de sa santé mentale occasionnée par le décès de son mari.

116 En ce qui a trait à la description du rôle d’un capitaine-adjudant qu’a fait M. Hamel lors de son témoignage, la fonctionnaire s’est objecté à cette description que M. Hamel a fait des tâches d’un capitaine adjudant. Selon la fonctionnaire, lorsque M. Hamel a exercé ce rôle, il était dans la force régulière et, de plus, il était alors en détachement en Bosnie ce qui explique qu’il ait pu s’impliquer dans le processus décisionnel de griefs. Selon la fonctionnaire, son rôle de capitaine-adjudant au sein du CHoO était différent puisqu’elle n’était que réserviste à temps partiel et qu’elle n’était pas en détachement à l’étranger. Elle a affirmé qu’en aucun cas elle a été le « bras droit » du lieutenant-colonel Kelly.

117 Dans son témoignage, la fonctionnaire a contesté l’argument de l’employeur à l’effet qu’elle s’était mise en situation de conflit d’intérêts lorsqu’elle a traité de réclamations ou contestations de réservistes qui pouvaient faire l’objet de griefs qui aurait pu être référés au Comité.

118 La fonctionnaire a indiqué que son travail comme capitaine-adjudant consistait à recevoir la correspondance destinée au lieutenant-colonel Kelly et à lui présenter le soir. Ainsi, selon la fonctionnaire la pièce E-37 n’est qu’une simple réclamation pour des bouteilles d’eau. Ce n’est pas un grief. Quant aux pièces E-38,E-46, E-93 et E-94, elles concernent toutes le même individu et le même sujet. Bien que ces trois pièces réfèrent à un grief, ce grief avait déjà été déposé avant que la fonctionnaire se joigne au CHoO et de toute façon ce grief n’a jamais été traité au mérite. La fonctionnaire a aussi précisé que la mention dans la pièce E-38 à l’effet qu’elle est maintenant : « […] the unit officer responsible for staffing your ROG » veut simplement dire qu’elle devait s’assurer que le grief était enregistré. Pour la fonctionnaire ça ne voulait pas dire qu’elle était impliquée dans le processus décisionnel sur le mérite du grief.

119 Pour la fonctionnaire, la pièce E-39 est un autre exemple d’un grief qui avait été déjà traité à son arrivée au CHoO. Quant à la pièce E-41 qui fait référence à un autre grief, la fonctionnaire a affirmé ne pas avoir été impliquée dans la détermination de ce grief. Quant à la pièce E-48 qui traite d’une libération médicale, la fonctionnaire a affirmé que d’une part il ne s’agit pas d’un grief et que de toute façon, le lieutenant-colonel Kelly n’avait pas l’autorité pour traiter de cette demande. Pour la fonctionnaire, la pièce E-42 ne constitue pas non plus un grief : c’est plutôt un courriel où le lieutenant-colonel Kelly veut donner son avis sur un processus pour les réservistes.

120 Quant à la pièce E-96, qui contient une ébauche de lettre à être signée par le lieutenant-colonel Kelly et qui porte sur un grief, la fonctionnaire a maintenu qu’il s’agit ici de l’inscription d’un grief et que normalement elle n’avait pas à s’occuper de ce genre de tâche. Toutefois puisqu’il faut rapidement traiter d’un grief aussitôt qu’il est fait, la fonctionnaire a expliqué avoir seulement transmis l’information à la personne qui devait enregistrer ce grief. Quant à l’ébauche de la lettre elle-même de cette pièce E-96, la fonctionnaire a affirmé ne pas en être l’auteur bien qu’elle a reconnu y « avoir travaillé ». En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a indiqué que la pièce E-64, intitulée « Request for Redress of Grievance », ne traite pas d’un grief comme tel car le document n’a pas été signé ni déposé. Elle a toutefois convenue que ce genre de document passe par elle en tant que capitaine-adjudant avant de se retrouver au lieutenant-colonel pour décision.

121 Quant à l’allégation portant sur sa participation à l’exercice de Gogama en mars 2011 pendant qu’elle était en congé de maladie, la fonctionnaire a témoigné avoir fait une demande de congé par étalement lorsqu’elle était au Comité en 2007 qui avait été acceptée. En août 2010, elle a fait la même demande auprès de Mme Maynard pour la période du 21 février au 25 mars 2011 (pièce E-8). La fonctionnaire a indiqué avoir fait cette demande car elle avait déjà, suite au décès de son mari, utilisé tous ses congés annuels. La fonctionnaire jugeait que ce congé lui permettrait de se reposer car elle avait besoin d’un « break » d’autant plus que l’hiver c’est plus tranquille au Comité.

122 Pour la fonctionnaire, en décembre 2010, elle pensait toujours avoir une chance de voir le congé par étalement lui être accordé. En même temps, la fonctionnaire a témoigné que sa situation personnelle avait changé. Elle a précisé qu’à l’automne 2010, ses deux filles alors âgées de 8 et 11 ans ont commencé à avoir des difficultés de comportement. Elles ne voulaient plus aller à l’école, une avait des difficultés avec son rendement scolaire, la situation était très difficile. C’est en décembre 2010 que la fonctionnaire a alors appris qu’une de ses filles avait été agressée. Aux dires de la fonctionnaire, elle a affirmé avoir été « assommée » en apprenant cette nouvelle. Elle a alors dû retirer ses filles de l’école. Bien que bouleversée, la fonctionnaire a témoigné avoir continué de travailler.

123 La fonctionnaire a indiqué que le Noël de 2010 avait été particulièrement difficile et qu’en janvier 2011, pendant qu’elle cherchait toujours une autre école pour ses enfants, elle a aussi dû volontairement placer ses enfants chez des parents et amis pour une période de 2 semaines. Le 27 janvier 2011, les choses s’étant tassées, les enfants sont retournées auprès de leur mère. La fonctionnaire a témoigné qu’en janvier 2011, après tous ces événements, elle se sentait « détruite ».

124 La fonctionnaire a convenu ne pas avoir bien communiqué à Mme Maynard ses difficultés pendant cette période. Elle ne lui a pas dit que ça n’allait pas et qu’elle avait de sérieux problèmes à la maison. La fonctionnaire a indiqué qu’elle n’avait pas donné de détails à Mme Maynard préférant faire semblant que tout allait bien. Selon la fonctionnaire, elle essayait de tenir bon pensant que sa demande de congé par étalement allait être accordée. Selon la fonctionnaire, c’est Mme Maynard qui lui aurait suggéré de contacter son médecin. À cet égard, la fonctionnaire a mentionné à quelques reprises à l’audience que Mme Maynard était « une bonne personne ».

125 La fonctionnaire a témoigné avoir continué de travailler en février 2011 afin de compléter son travail sur la Cour fédérale, mais qu’elle avait réduit ses activités avec la réserve. La fonctionnaire a aussi mentionné avoir informé le lieutenant-colonel Kelly de ses problèmes personnels avec ses enfants puisqu’un officier se doit de révéler sa condition physique et mentale à son supérieur.

126 La fonctionnaire a admis avoir continué de travailler pour la réserve bien qu’elle était en congé de maladie à partir du 28 février 2011. La fonctionnaire a expliqué qu’à cet époque, elle ne pouvait compte tenu de tous ses problèmes se concentrer et faire un travail intellectuel comme celui d’avocat. La fonctionnaire a affirmé éprouver des problèmes de concentration, elle avait de la difficulté à formuler des avis juridiques, ne se faisait plus confiance comme avocate et se questionnait comme mère. La fonctionnaire a affirmé avoir indiqué à Mme Maynard ne pas se sentir apte à donner des avis juridiques pendant cette période.

127 La fonctionnaire a expliqué que même si elle ne pouvait pas exercer ses fonctions d’avocate entre le 28 février 2011 et le 25 mars 2011, elle était quand même en mesure de poursuivre son travail avec la réserve. Selon la fonctionnaire, le fait de travailler avec le lieutenant-colonel Kelly l’aidait. Ce dernier avait diminué ses tâches, il lui donnait confiance, il l’a « ramassé ». La fonctionnaire a affirmé que de travailler avec sa « famille militaire » l’a aidé à surmonter ses peurs, elle a senti que ses collègues réservistes la supportaient. Pour elle le travail de la réserve était facile tandis que le travail avec le Comité était plus « détaché, plus professionnel ». En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a admis ne pas pouvoir expliquer pourquoi elle cherchait à faire plus d’heures de travail rémunérées auprès de la réserve au moment même où elle partait en congé de maladie pour un mois (pièce E-100). La fonctionnaire a réitéré que pour elle faire des activités auprès de la réserve lui donnait du plaisir et que c’était facile et agréable.

128 Quant à l’exercice militaire à Gogama, la fonctionnaire a mentionné que c’était le lieutenant-colonel Kelly qui avait décidé qu’elle ne devait participer que pour 3 jours et que la Dre Bordeleau ne voulait pas qu’elle participe à cet exercice jour et nuit. La fonctionnaire a indiqué qu’elle n’a finalement pas participé à l’exercice de Gogama, elle y a renoncé compte tenu de la lettre du 9 mars 2011 de son employeur (pièce E-73).

129 La fonctionnaire a témoigné ne pas se souvenir si elle pensait, le 18 février 2011, lorsqu’elle a reçu le billet d’avion pour se rendre à l’exercice Gogama, participer à l’exercice (pièce E-25). En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a admis s’être rendue chez son médecin le 23 février 2011, une fois que les billets pour l’exercice à Gogama aient été achetés (pièces E-11 et E-25).

130 Quant au travail pour la réserve qu’aurait effectué la fonctionnaire avant le 28 février 2011 alors qu’elle était en congé de maladie, celle-ci a convenu que c’était parfois le cas; qu’il lui était arrivé d’être malade à la maison et d’échanger des courriels avec des collègues de la réserve à partir de son BlackBerry ou de son ordinateur portable. La fonctionnaire a aussi admis s’être rendue le 28 février 2011 soit le premier jour de son congé de maladie jusqu’au manège militaire et qu’elle a fait du travail pour la réserve (pièces E-41, E-60-E-91 p.10) et qu’elle a aussi fait du travail rémunéré par la réserve pendant qu’elle était en congé de maladie le 3 et 7 mars 2011. Bien que la fonctionnaire ait aussi admis avoir fait du travail pour son unité de réserve pendant son congé de maladie, comme par exemple échanger des courriels le 28 février 2011, elle a tenu à préciser qu’elle envoyait souvent ces courriels en marchant à partir de son BlackBerry. Bien que la fonctionnaire ait admis avoir échangé des courriels avec des collègues de la réserve en début du mois de mars 2011 pendant qu’elle était en congé de maladie, elle a soutenu que tout cela la relaxait et a indiqué que tout ça n’était pas du travail pour elle car elle n’était pas payé et qu’elle n’était pas à ces moments-là en uniforme (pièce E-91).

131 Questionnée quant à une demande d’accommodement, la fonctionnaire a répondu que sa demande de congé pour le mois de mars 2011 n’était pas une demande d’accommodement. Selon elle, les parties ne parlaient pas d’accommodement à ce moment-là.

132 Quant à l’utilisation du système RED du Comité par la fonctionnaire pour ses activités de réserviste, celle-ci a témoigné n’avoir jamais suivi de cours formel quant à l’utilisation du système informatique du Comité. Elle a aussi affirmé que son unité de réserve lui avait fourni un BlackBerry et un ordinateur portatif et qu’en 2007, il y avait eu des problèmes avec le système d’informatique intranet du Comité ce qui fait qu’elle devait utiliser le système RED du Comité pour faire son travail. La fonctionnaire a indiqué avoir toujours eu accès comme réserviste à un compte RED militaire. Selon elle, il est essentiel comme réserviste d’avoir accès à un tel compte. La fonctionnaire a expliqué que dans son bureau au Comité il y avait deux ordinateurs : un relatif au système informatique intranet du Comité et un autre placé sur une autre table, le RED du Comité, qui permettait à certains employés du Comité, dont elle, d’avoir accès au réseau informatique intranet du MDN.

133 Selon la fonctionnaire, puisque l’accès au RED du Comité par ses employés était plus limité que l’accès de ce système pour un réserviste, elle se servait donc moins souvent du système RED du Comité. Ainsi, lorsqu’il a été question de supprimer un compte, elle a donc cru que c’était son compte RED du Comité qui avait été désactivé et non pas son compte RED militaire.

134 Questionnée sur la pièce E-15 qui indique que le client a demandé à ce que le compte RED militaire soit supprimé, la fonctionnaire a maintenu qu’elle croyait en 2008 qu’il s’agissait de son compte RED du Comité qu’on voulait annuler et non pas de son compte militaire. Elle a expliqué avoir été contactée en février 2008 par les responsables de l’informatique du côté civil du MDN quant à un compte inactif et qu’elle a donc conclu qu’il s’agissait de son compte RED du Comité qu’on voulait désactiver car elle ne se servait pas beaucoup de ce compte. Selon la fonctionnaire, si on avait voulu désactiver son compte militaire RED, elle aurait dû être contactée par Mme Ross et ses collègues du côté militaire du MDN.

135 La fonctionnaire a convenu qu’il est inacceptable que suite à l’annulation de son compte RED militaire, l’information qui s’y trouvait ait été versée dans son compte RED du Comité. Pour la fonctionnaire tout ça n’aurait jamais dû se produire car l’information de son unité de réserve est « sensible » et n’aurait donc pas dû se retrouver dans le compte RED du Comité. La fonctionnaire a insisté que tout ça a été fait à son insu sans qu’il lui soit possible de noter la différence.

136 À cet égard, la fonctionnaire a insisté qu’elle ne savait pas que les fichiers de la réserve (pièces E-29 et E-31) étaient, suite à la suppression de son compte RED militaire, conservé dans son compte RED du Comité. Selon la fonctionnaire, lorsqu’elle accédait à ces fichiers, elle croyait en toute bonne foi, travailler à partir de son compte RED militaire, ignorant qu’il avait été supprimé. Selon la fonctionnaire, puisqu’elle utilisait le même mot de passe pour son compte RED du Comité ou RED militaire, elle a noté aucune différence dans l’utilisation de son mot de passe même si son compte RED militaire avait été supprimé.

137 La fonctionnaire a aussi expliqué qu’en 2010, elle avait deux cartes PKI, une pour le compte RED du Comité et une pour le compte RED militaire. Ces cartes PKI étaient nécessaires pour accéder à de l’information protégée. Selon la fonctionnaire, ces deux cartes étaient identiques. La fonctionnaire a indiqué s’être tout simplement trompée de carte lorsqu’elle a utilisé celle du compte RED du Comité; son intention était alors de se servir de sa carte PKI militaire (pièce E-77).

138 Questionnée en contre interrogatoire quant à pourquoi elle questionnait le bien fondé d’avoir deux comptes RED un pour ses activités d’avocate et un comme réserviste (pièce E-76), la fonctionnaire a répondu qu’il y a une différence entre se demander si elle pouvait avoir deux comptes et de dire qu’elle savait qu’elle avait effectivement deux comptes.

139 Dans son témoignage, la fonctionnaire a expliqué que même si elle échangeait des courriels personnels avec des collègues de la réserve, elle reprenait toujours le temps chez elle le soir. Ainsi, la fonctionnaire a affirmé que toutes les fois où l’employeur a maintenu qu’elle avait échangé des courriels ou travaillé sur des documents pour le compte de la réserve pendant les heures de travail, elle a toujours repris le temps après les heures de travail. La fonctionnaire a aussi témoigné que dans plusieurs des documents qui ont été retrouvés sur la partition « Q » de son compte RED du Comité, elle n’en était pas l’auteur (pièce E-64). En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a indiqué que la plupart du temps, ses collègues de la réserve communiquaient avec elle par courriel et qu’elle a fait une erreur quand elle a demandé qu’on communique avec elle par téléphone durant ses heures de travail au Comité (pièce E-54 p. 3).

140 La fonctionnaire a conclu qu’elle n’aurait jamais dû utiliser le compte RED du Comité pour ses activités de la réserve mais a maintenu que tout ça a été fait à son insu. Elle a aussi affirmé ne jamais s’être impliquée dans des dossiers de griefs pendant qu’elle était à la fois avocate au Comité et réserviste. Elle a toutefois convenu l’avoir fait indirectement. En réponse à ma question, la fonctionnaire a indiqué faire maintenant partie des FC à temps plein mais elle demande toujours la réintégration dans son poste d’avocate au Comité.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

141 L’avocat de l’employeur a plaidé que ce dernier avait mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour les six motifs énumérés dans la lettre de M. Hamel en date du 20 avril 2011. Cette lettre avait été précédée de lettres de M. Hamel en dates du 9 et 16 mars 2011 dans lesquelles ce dernier énonçait les allégations retenues contre la fonctionnaire.

142 Les 6 motifs énoncés dans la lettre du 20 avril 2011 sont essentiellement avoir:

  • travaillé comme réserviste alors qu’elle était en congé de maladie;
  • fait du travail comme réserviste sans rapport avec son travail d’avocate pendant ses heures de travail auprès du Comité;
  • enfreint la Politique d’utilisation acceptable des technologies de l’information du Comité;
  • enfreint les Directives de sécurité du Comité;
  • contrevenu au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique du Conseil du Trésor;
  • mis en péril et possiblement compromis, porté atteinte ou endommagé l’indépendance du Comité.

143 De façon générale, l’avocat de l’employeur maintient que la fonctionnaire ne semble pas, même aujourd’hui, réaliser l’importance et la gravité de ses gestes. Elle a continué tout au long de ces procédures de minimiser l’impact de ses actions et maintenant sa défense, en dernier ressort, est de plaider que l’employeur est en faute car il ne l’a pas accommodé.

1. Avoir travaillé pour la réserve alors qu’elle était en congé de maladie payé par l’employeur.   

                                                                                                      

144 Pour l’avocat de l’employeur, quoique toutes les raisons évoquées par l’employeur soient sérieuses, le seul fait pour la fonctionnaire d’avoir travaillé pour la réserve lorsqu’elle était en congé de maladie suffit à lui seul à mériter le licenciement.

145 L'avocat a plaidé qu'en août 2010, la fonctionnaire a demandé un congé par étalement du revenu pour la période du 21 février au 25 mars 2011. Selon l'avocat, dans le passé, la fonctionnaire avait eu recours à cette forme de congé pour entre autre participer à un exercice militaire du genre de celui de Gogama. Toutefois, le février 2011 pour des raisons opérationnelles sa demande de congé lui a été refusée par l'employeur. Ce dernier a toutefois indiqué à la fonctionnaire que si des limitations s'imposaient à cause de sa situation médicale, l'employeur allait se conformer aux recommandations du médecin (pièce E-9).

146 L'avocat de l'employeur a rappelé que le 18 février 2011, la fonctionnaire a reçu par courriel de Mme Sue London, ses billets d'avion pour lui permettre d'assister à l'exercice militaire qui devait se tenir en mars 2011 (pièce E-25). Pour l'avocat de l'employeur ce fait est déterminant et doit m'amener à conclure que déjà le 18 février 2011, non seulement la fonctionnaire était cédulée pour participer à l'exercice militaire à être tenu à Gogama en mars 2011 mais celle-ci continuait de vouloir s'y rendre. Selon l'avocat, il est important de noter que jamais, dans cette période de temps, la fonctionnaire a avisé l'employeur qu'elle continuait de planifier son voyage à Gogama.

147 Selon l'avocat, lorsque la fonctionnaire s’est présenté chez la Dre Bordeleau le 23 février 2011, non seulement elle savait que son congé pour étalement du revenu en mars 2011 avait été refusé mais elle a continué de préparer son voyage pour Gogama, ayant déjà reçu ses billets d'avion. Elle a demandé un congé médical tout en sachant que ses billets d’avion étaient déjà achetés et elle prévoyait ainsi se rendre à Gogama pendant son congé de maladie. Ainsi selon l’avocat de l’employeur, bien que la fonctionnaire ait peut-être mentionné à son médecin, vouloir se rendre à Gogama, elle n’a jamais rien dit à son employeur.

148 L'avocat de l'employeur a aussi plaidé que la fonctionnaire, lors de sa rencontre avec la Dre Bordeleau, n'avait pas tout dit. Par exemple, la fonctionnaire n'a jamais révélé qu'elle ferait du travail administratif pendant cette semaine d'exercice militaire à Gogama, laissant ainsi comprendre au médecin que cet exercice n'impliquait que des activités physiques qui auraient eu pour but de relaxer la fonctionnaire. Selon l'avocat, la fonctionnaire n'a jamais, par exemple, dévoilé à la Dre Bordeleau le tableau de préparation des choses à faire pour l'exercice à Gogama ce qui aurait démontré tout l'effort mental nécessaire pour mettre en place la logistique de cet exercice (pièces E-97 à 98).

149 Selon l’avocat, le diagnostic du Dre Bordeleau aurait pu être tout autre si cette dernière avait eu toute l'information. L'avocat de l'employeur a de plus mis en doute l'affirmation de la fonctionnaire à l'effet qu'elle était lors de sa rencontre avec le Dre Bordeleau le 23 février en état de crise. Selon l'avocat, si tel avait vraiment été le cas, la fonctionnaire aurait cessé tout de suite de travailler et le médecin aurait aussi ordonné une cessation de travail à partir de ce même jour. Or puisque la fonctionnaire et son médecin ont jugé bon d'attendre une autre semaine avant d'entreprendre le congé médical soit le 28 février, la situation n'était donc pas si critique (pièce E-10). L’avocat a aussi soutenu que c’était la première fois à l’audience que la fonctionnaire soulevait la situation difficile qu’elle et une de ses enfants avaient vécu; que cette affaire impliquant une de ses enfants n’avait jamais été mentionnée à son employeur.

150 L’avocat de l’employeur a aussi soulevé le fait que selon lui, on ne peut réconcilier le témoignage de la fonctionnaire qui a affirmé qu’en février 2011 elle était pas bien, qu’elle avait demandé au lieutenant-colonel Kelly de réduire ses tâches avec le fait qu’elle demandait de faire plus d’heures de travail pour la réserve comme le démontre la pièce E-100. Pour l’avocat, non seulement la fonctionnaire veut faire plus de travail pour la réserve mais déjà en février alors qu’elle sait qu’elle va assister à l’exercice à Gogama du 13 au 18 mars, elle indique dans la pièce E-100 qu’elle veut faire plus que les 16 heures de travail préalablement cédulées.

151 L’avocat soutient de plus que la fonctionnaire était aussi très disposée à faire du travail de traduction pour la réserve pendant son congé de maladie. Pour l’avocat, la pièce E-24 démontre clairement que le 23 février 2011, soit le jour même où elle est allée voir la Dre Bordeleau indiquant qu’elle était épuisée et se sentait pas bien elle était consentante à faire de la traduction pour la réserve en leur indiquant qu’elle était en congé les quatre premières semaines de mars et était prête à donner beaucoup de temps pour la réserve (pièce E-24).

152 L’avocat de l’employeur me réfère à la pièce E-49 qui montre que le 25 février 2011, à la veille de partir pour son congé de maladie, la fonctionnaire prévoyait déjà se rendre au local des réservistes afin de faire du travail lorsqu’elle serait en congé de maladie. Pour l’avocat, les pièces E-41 et E-60 selon lui sont d’autres exemples du travail fait pour la réserve par la fonctionnaire alors qu’elle était en congé de maladie.

153 Quant à l’argument voulant que l’employeur n’ait pas accommodé la fonctionnaire en lui accordant le congé par étalement du revenu qu’elle avait préalablement demandé, l’avocat a plaidé que le 24 février 2011, la fonctionnaire a indiqué qu’elle devait cesser de travailler pour des raisons médicales à partir du 28 février 2011. Puisqu’elle n’avait pas les crédits de congé de maladie nécessaires pour couvrir la période du 25 février au 28 mars 2011, l’employeur lui a avancé les congés nécessaires (pièce E-10). Aucune autre demande d’accommodement n’a été formulée. L’employeur a donc rempli ses obligations.

2. Utilisation du compte RED du Comité pour ses activités militaires enfreignant ainsi les politiques de sécurité et mettant ainsi en péril l’impartialité et l’indépendance du Comité 

                                                                                    

154 Dans un premier temps, l’avocat de l’employeur a maintenu que la fonctionnaire s’était rendue coupable d’utiliser son compte RED du Comité pour ses activités de réserviste. Pour l’avocat, cette pratique est tout à fait inacceptable dans le présent contexte puisque d’une part, comme avocate auprès du Comité, cette dernière ne pouvait placer sur un compte du Comité des données et informations d’ordre militaires. Ainsi selon l’avocat de l’employeur, en permettant volontairement le transfert de ces données et informations militaires sur le compte du Comité, elle a rendu le Comité fiduciaire et responsable de ces informations, ce qui d’un simple point de vue d’application de la Loi sur l’information, rend le Comité vulnérable.

155 D’autre part, dans ses fonctions de capitaine-adjudant auprès de la réserve, la fonctionnaire était susceptible de traiter de griefs qui auraient pu se retrouver devant le Comité pour analyse et recommandation. Pour l’avocat de l’employeur, en utilisant son compte RED du Comité pour ses correspondances militaires, il y avait un risque que ses collègues réservistes concluent que le Comité faisait partie du MDN ou des FC lorsque par exemple, ils voyaient sur les courriels la référence à « CFGB » (Canadian Forces Grievance Board ou le Comité) ou que le numéro de téléphone indiqué était celui du Comité. Pour l’avocat de l’employeur, tout ça remettait en cause l’indépendance et la crédibilité du Comité devant les militaires. Le fait qu’en plus, dans bien des cas, la fonctionnaire lorsqu’elle utilisait le système RED du Comité pour ses affaires militaires signait « C P » en bas de ces courriels, indique bien que la fonctionnaire était consciente du danger de méprise mais elle continuait malgré tout à se servir du RED du Comité pour ses fins militaires. Pour l’avocat de l’employeur il y avait vraiment un risque que les militaires qui avaient des dossiers de griefs devant le Comité concluent que le personnel du Comité était composé de militaires ce qui venait sérieusement mettre en péril les principes d’impartialité et d’indépendance qui sont les fondements mêmes du Comité (pièces E-41 et E-42).

156 Quant à l’argument à l’effet que la fonctionnaire ne peut être tenue responsable des erreurs du secteur de l’informatique du coté civil du MDN qui ont fermé son compte militaire et ont ainsi migré toutes les données à son insu dans son compte RED du Comité, l’avocat de l’employeur rejette d’emblée cet argument en soutenant que c’est la fonctionnaire elle-même qui a demandé, pour des raisons d’efficacité, que son compte militaire soit fermé et qu’elle n’ait qu’un compte : son compte RED du Comité. L’avocat de l’employeur me renvoie à la pièce G-20 p.2, qui démontre que la fonctionnaire a été avisée en février 2008 qu’elle devait contacter le coté civil du secteur de l’informatique du MDN à défaut de quoi son compte serait supprimé. L’avocat a insisté que sur la même page de cette pièce G-20, il est indiqué que la fonctionnaire les a contactés le 20 février pour s’enquérir de la situation. L’avocat de l’employeur m’a aussi référé à la page 3 de cette pièce G-20 qui démontre que le 20 février M. Pearce a envoyé un courriel à la fonctionnaire lui indiquant que son compte militaire pouvait être supprimé. L’avocat m’a aussi référé à la pièce G-21, qui selon lui, ne fait pas de doute quant à l’intention de la fonctionnaire de supprimer son compte militaire le 20 février 2008. Tout ça, selon l’avocat démontre amplement que la fonctionnaire a agi de façon délibérée et en toute connaissance de cause quand elle a demandé la suppression de son compte militaire pour des raisons d’efficacité. L’avocat m’a aussi référé aux pièces E-76 et E-77.

157 L’avocat de l’employeur a souligné que la fonctionnaire avait, lorsqu’elle était agente de grief, signé un document qui précisait dans son introduction que l’utilisation du compte RED du Comité devait être limitée aux activités du Comité (pièce E-87) et donc on ne pouvait pas s’en servir pour des activités militaires comme celle de la réserve (pièces E-17, E-18). De plus, selon l’avocat, la pièce E-33 dans laquelle la fonctionnaire signe « CP » pour « capitaine » et où celle–ci donne aux membres de la réserve son numéro de téléphone au Comité, démontre bien que celle-ci savait qu’en utilisant le compte RED du Comité pour les fins de ses activités de réserve, elle devait s’identifier avec son titre de capitaine pour que ses interlocuteurs de la réserve sachent bien qu’ils transigeaient avec la fonctionnaire capitaine. Selon l’avocat, la fonctionnaire a sûrement alors noté que le « bloc de signature militaire » n’était pas là. Elle aurait donc dû conclure que le compte utilisé était le compte RED du Comité.

158 Pour l’avocat de l’employeur, ça démontre aussi que la fonctionnaire voulait que les membres de la réserve la contactent au bureau du Comité pour des activités de la réserve. Pour l'avocat, ces faits sont très graves et démontrent bien que non seulement la fonctionnaire a agi en toute connaissance de cause mais qui plus est, en confondant ainsi volontairement son compte RED du Comité et son compte RED militaire de réserviste, elle a mis en cause l'impartialité et l'indépendance du Comité. L'avocat a fait référence au témoignage de M. Hamel qui a expliqué les tentatives effectuées afin de faire connaitre à tous que le Comité était indépendant et n'avait aucun lien avec l'appareil militaire.

159 L’avocat de l’employeur a aussi maintenu que la fonctionnaire avait manqué à son devoir de loyauté et a ainsi, par ses agissements, jeté du discrédit sur son employeur en ne révélant pas en 2009 que ses fonctions comme réserviste avaient changées et que ses nouvelles tâches dans la réserve n’étaient plus limitées à des exercices opérationnels. Pour l’avocat, lorsque la fonctionnaire est devenue capitaine-adjudant auprès du CHoO, elle est devenue le bras droit du lieutenant-colonel et elle a donc été, ou aurait pu être, impliquée dans des dossiers de griefs qui avaient le potentiel de se retrouver devant le Comité.

160 Pour l’avocat de l’employeur, les échanges de lettres entre la présidente du Comité en 2007 et le lieutenant-colonel Becking démontre bien le souci que l’employeur avait à ce que la fonctionnaire lorsqu’elle faisait partie du 30e Régiment ne s’implique pas dans des tâches auprès de la réserve qui aurait pu la mettre en conflit d’intérêts lorsqu’elle agissait comme avocate au Comité (pièces E-6, E-7). L’avocat de l’employeur a maintenu que puisque les tâches de la fonctionnaire ont changé lorsqu’elle est devenue capitaine-adjudant auprès des CHoO, il revenait donc à cette dernière d’avertir son employeur que ses fonctions avaient changé. L’avocat de l’employeur m’a référé à la description de tâches d’un capitaine-adjudant, pièce E-88, qui démontre bien selon lui qu’il ne s’agit pas juste d’un poste clérical où le titulaire n’a qu’à prendre des notes. Pour l’avocat, cette description de tâches démontre le danger réel de conflit d’intérêts ou, à tout le moins, l’apparence d’un tel conflit entre ses fonctions dans la réserve, où la fonctionnaire avait potentiellement à traiter de griefs de la part des membres de l’unité de réserve et des fonctions d’avocate.

3. La fonctionnaire passait son temps à faire du travail autre que son travail d'avocate au Comité 

                                                                                              

161 Pour l'avocat de l'employeur non seulement la fonctionnaire savait qu'elle utilisait son compte RED du Comité pour ses échanges de courriels avec la réserve mais en plus, elle passait la plupart de son temps, pendant les heures de travail au Comité, à s'occuper de ses affaires de réserve au lieu de s'occuper des dossiers découlant du mandat du Comité.

162 À cet égard, l'avocat de l'employeur est revenu sur le fait qu'il n'est pas contesté que pour la période de septembre 2010 et 16 mars 2011, la fonctionnaire a reçu et envoyé pendant les heures de travail au moins 1,455 courriels reliés à ses fonctions de capitaine-adjudant et que ces courriels, de même nature que la pièce E-32, ont été envoyés ou reçu sur le compte RED du Comité. L’avocat de l’employeur a aussi soumis les pièces E-45, E-51 et E-56 comme d’autres exemples. L'avocat de l'employeur m’a aussi renvoyé à la pièce E-99 qui contient une énumération des tâches que la fonctionnaire aurait effectuées pour la réserve pendant qu’elle travaillait comme avocate au Comité. Cette pièce E-99 a été trouvée sur le fichier du compte RED de la fonctionnaire au Comité.

163 L’avocat m'a aussi référé aux pièces E-29, E-31 et E-32 qui sont, selon lui, d’autres preuves que la fonctionnaire passait une très grande partie de son temps à s'occuper de ses fonctions de réserviste au lieu de s'occuper de son travail d'avocate au Comité. Selon l'avocat de l'employeur, la proportion du travail consacré à son rôle de réserviste était telle que la fonctionnaire en semblait préoccupée lorsqu'elle a indiqué à un collègue réserviste que son travail de réserviste commençait à prendre trop d'ampleur au détriment de son travail d'avocate (pièce E-44). La pièce E-44 se lit comme suit :

Also, my part-time job is starting to spill over rather conspicuously into my day job and I am maxed out on weekday commitments right now with supervising our full time NES/Rel team – spent my lunch working on the ROG and 2 hours at the post office yesterday after work registering 65 Notification letters and dropped in again on them this morning to hand over the bar code tags/make sure things stay on track… We have great momentum going on that front right now and I want to capitalise on it as best I can.

164 L’avocat de l’employeur a conclu en me demandant de rejeter le grief de la fonctionnaire. Pour lui, la preuve a été faite que la fonctionnaire a travaillé comme réserviste pendant qu’elle était en congé de maladie, elle a passé beaucoup de temps à faire du travail de réserviste pendant ses heures de travail au Comité, elle a aussi sciemment utilisé son compte RED du Comité pour ses affaires de la réserve ce faisant, elle a nui au Comité qui cherche à être perçu comme indépendant des FC et du MDN, elle a aussi migré de l’information militaire dans l’organisation civile qu’est le Comité. L’avocat a aussi plaidé que la fonctionnaire n’a jamais dévoilé à son employeur qu’elle avait changé de fonction et d’unité de réserve ce qui l’a placé dans une situation de conflit d’intérêts par rapport à son travail d’avocate. Pour l’avocat de l’employeur, les agissements délibérés de la fonctionnaire ont fait en sorte que son employeur a perdu confiance en elle. Le lien de confiance est irrémédiablement brisé.

165 Au soutien de ses arguments, l’avocat de l’employeur m’a référé aux décisions Halifax Herald (QL) v. Halifax Typographical Union, Local 30130 (Bulmer Grievance), [2012] N.S.L.A.A. No. 1; General Electric Canada (QL) v. CAW, Local 524 (Humphries Grievance), [2009] O.L.A.A. No. 77; Way c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 39; Kohler Ltd. (QL) v. Hytec Employees Assn. (Funk Grievance), [2007] B.C.C.A.A.A. No. 246; Goyette c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 107; Royal Columbian Hospital (QL) v. Hospital Employees’ Union (Saligumba Grievance), [2001] B.C.C.A.A.A. No. 39; Kenroc Tools Corp. (QL) v. U.S.W.A., Re, [1990] O.L.A.A. No. 172; McKinley c. BC Tel, 2001 CSC 38; Kennedy House Youth Services Inc. v. O.P.S.E.U., Loc. 585 (1996), 53 L.A.C. (4e) 54; Pagé c. Canada (Procureur Général), 2009 CF 1299; Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community and Social Services) (Lall Grievance) (2012), 216 L.A.C. (4e) 184; Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62; Oliver c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 43; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970; Riche c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 35; Paneswar v. Best Buy et al., (No. 2), 2013 BCHRT 22; Cann v. Rona Inc., 2012 HRTO 754; Crowley v. Liquor Control Board of Ontario (LCBO) et al., 2011 HRTO 1429; Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68; Skytrain British Columbia Rapid Transit Co. (QL) v. Canadian Union of Public Employees, Local 7000 (Olsen), [2009] B.C.C.A.A.A. No. 85; Matheson v. Okanagan Similkameen School District No. 53 and Collis, 2009 BCHRT 112; TRW Linkage & Suspension Division (QL) v. Thompson Products Employees’ Ass., [2005] O.L.A.A. No. 658.

B. Pour la fonctionnaire

166 L’avocat de la fonctionnaire a d’abord insisté sur le fait que pour satisfaire à la norme de la prépondérance des probabilités, la preuve de l’employeur se doit d’être claire et convaincante, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.

167 Pour l’avocat de la fonctionnaire, l’employeur a bâti un château de cartes qui n’a aucune fondation. L’employeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve en démontrant que la fonctionnaire avait fait les actions reprochées et que le tout avait été fait sciemment. L’avocat de la fonctionnaire soutient de plus que l’employeur conteste maintenant certains faits comme par exemple le diagnostic du médecin Dre Bordeleau alors que ses témoins ont affirmé dans leur témoignage ne pas douter de la véracité du certificat médical que cette dernière avait émis.

168 L’avocat de la fonctionnaire a insisté sur le fait que celle-ci est une employée qui a toujours eu une bonne évaluation de rendement (pièces G-1 et G2), que jamais l’employeur a reproché à celle-ci la qualité et la quantité de son travail. Selon l’avocat, bien que l’employeur reproche à la fonctionnaire de passer de longue période de temps à son ordinateur pour ses affaires militaires, jamais son superviseur a mentionné que la fonctionnaire travaillait moins fort que les autres. Pour l’avocat, il n’y a aucune preuve que la fonctionnaire ne s’est pas déchargé de son fardeau de travail au même titre que les deux autres avocats du bureau.

169 Dans cet ordre d’idée, l’avocat de la fonctionnaire a maintenu que bien qu’il est admis que la fonctionnaire a envoyé et reçu des courriels personnels pendant les heures de travail, à la fois Mme Maynard et M. Hamel ont admis que cette pratique était acceptée par la gestion. Dans les circonstances, comment l’employeur peut-il maintenant en faire le reproche à la fonctionnaire?

170 L’avocat de la fonctionnaire s’est attardé à réfuter les allégations au soutien de la décision de l’employeur de congédier la fonctionnaire. Plus précisément :

1. Avoir mené des activités de nature militaire durant les heures normales de son travail au Comité   

                                                                                            

171 À ce chapitre, l’avocat de la fonctionnaire a plaidé que l’employeur a exagéré la situation. Selon l’avocat, même si il est convenu que la fonctionnaire a pu envoyer et recevoir 1 400 courriels du genre de celui de la pièce E-32, il faut quand même garder à l’esprit que tout ça s’est passé sur une période de 6 mois, que ces courriels pouvaient être très courts à lire ou à envoyer et qu’encore une fois, la performance de la fonctionnaire n’a pas été affectée par ces échanges de courriels. Au surplus, l’avocat de la fonctionnaire insiste sur le fait qu’il est admis tant par Mme Maynard et M. Hamel que l’employeur permettait aux employés d’envoyer et de recevoir des courriels sur les heures de travail. À cet égard, pour l’avocat de la fonctionnaire, étant donné que les courriels entre celle-ci et les membres de la réserve n’avaient rien à voir avec le son travail d’avocate au Comité, je me dois de conclure que ces courriels sont de nature personnelle donc que c’était permis par l’employeur. De plus, l’avocat a aussi maintenu que le témoin de l’employeur, M. Bouchard, n’a pas été en mesure d’identifier de documents sur lesquels la fonctionnaire aurait travaillé pendant les heures de travail relié à ses activités militaires.

172 L’avocat de la fonctionnaire m’a renvoyé à la décision Ontario (Ministry of Natural Resources) v. O.P.S.E.U. (2005), 143 L.A.C. (4e) 14 au soutien de son argument que l’employeur avait permis l’utilisation du système de l’informatique pour des fins personnelles. Il ne peut maintenant changer les règles du jeu.

173 L’avocat de la fonctionnaire m’a aussi référé à la décision Fraser Health Authority (Surrey Memorial Hospital) v. Health Sciences Association of British Columbia, [2011] B.C.C.A.A.A. No. 125 (QL), où l’arbitre a décidé de réintégrer un employé qui avait fait une utilisation excessive de l’internet au travail. La décision Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 100, où un employé congédié pour avoir utilisé son ordinateur sur les heures de travail pour avoir visionner du matériel pornographique a été réintégré.

2. Avoir travaillé à ses activités militaires alors que la fonctionnaire était en congé de maladie payé

                                                                     

174 L’avocat de la fonctionnaire a passé en revue le témoignage de la fonctionnaire et a insisté sur le fait que lorsque celle-ci est partie en congé de maladie le 25 février 2011 elle était émotivement très perturbée suite à plusieurs événements sérieux et difficiles qui affectaient sa vie et sa famille. L’avocat a rappelé qu’avant de partir en congé de maladie la fonctionnaire avait d’abord demandé un congé d’étalement du revenu en août 2011 (pièce E-8) pour la période du 21 février 2011 au 25 mars 2011. Dans le passé, ce congé qui permettait à la fonctionnaire de se ressourcer en allant participer à des exercices militaires lui avait toujours été accordé, toutefois sa demande a été refusée en 2011. L’avocat a plaidé que la preuve est à l’effet qu’au moment de partir en congé de maladie le 25 février 2011, la fonctionnaire qui est veuve avec deux jeunes enfants à charge avait signifié à Mme Maynard qu’elle se sentait pas bien psychologiquement et qu’elle avait fait part à Mme Maynard de la situation particulièrement difficile et traumatisante qui impliquait une de ses jeunes enfants. L’avocat de la fonctionnaire a insisté sur le fait qu’en février 2011, la fonctionnaire était en situation de crise existentielle et qu’elle avait partagé tous les faits relatifs à sa santé et à la situation difficile d’une de ses enfants avec Mme Maynard. Pour l’avocat de la fonctionnaire, cette dernière a insisté pour finir son travail et compléter sa semaine avant d’aller en congé de maladie ce qui démontre comment elle était dévouée même si elle était dans une situation psychologique précaire.

175 L’avocat de la fonctionnaire a plaidé que la fonctionnaire a fourni à l’employeur un certificat médical pour justifier son absence du 28 février 2011 au 25 mars 2011 (pièce E-10) et que dans leur témoignages tant Mme Maynard que M. Hamel ont affirmé ne pas remettre en question le certificat médical émis par la Dre Bordeleau le 23 février 2011.

176 À cet égard, l’avocat de la fonctionnaire a soutenu que le témoignage du Dre Bordeleau était clair quant au fait qu’elle était d’accord que la fonctionnaire participe à un exercice comme celui qui était prévu en mars 2011. L’avocat de la fonctionnaire a souligné le fait que la Dre Bordeleau a réitéré dans son témoignage le fait qu’elle était au courant, lorsqu’elle a signé le certificat médical le 23 février 2011, que la fonctionnaire serait en congé de maladie jusqu’au 28 mars 2011 mais que celle-ci participerait en même temps à un exercice militaire. Pour la Dre Bordeleau, cet exercice avait un effet thérapeutique sur la fonctionnaire (pièce G-13). L’avocat m’a référé aux paragraphes 30 et 31 de la décision C.E.P. v. Bell Canada (1996), 53 L.A.C. (4e) 228 où l’arbitre conclu que même en congé de maladie, on peut faire une sorte de travail si cet autre travail est bénéfique à l’employé. La décision Société canadienne des postes c. L’Association canadienne des maîtres de poste et adjoints, [1996] C.L.A.D. No. 429 (QL) aux pages 18 et 19 est également cité. L’avocat a aussi cité la décision Consumers Gas (Ottawa Gas) v. E.C.W.U., Local 6720 (1988), 11 C.L.A.S. 29, au soutien de ses prétentions à l’effet que dans les circonstances, la fonctionnaire était justifiée de faire des tâches thérapeutiques comme celle de participer à l’exercice Gogama pendant qu’elle était en congé de maladie. La décision Greater Toronto Airports Authority (QL) v. Public Service Alliance of Canada, [2007] C.L.A.D. No. 1,est aussi cité.

177 Pour l’avocat de la fonctionnaire, il ne revient pas à l’employeur de décider quel était en février 2011 le traitement approprié que la fonctionnaire devait suivre. Ainsi donc, l’employeur ne peut décider que la fonctionnaire aurait dû rester chez elle à ne rien faire pendant qu’elle était en congé de maladie. Il faut ici s’en remettre à l’expertise du Dre Bordeleau, qui était d’avis que la fonctionnaire se devait de sortir de la maison et de se changer les idées. La fonctionnaire a ici tout simplement suivi l’ordonnance de son médecin en voulant assister à l’exercice militaire prévu pour mars 2011. L’avocat de la fonctionnaire a conclu que si l’employeur n’était pas d’accord avec l’ordonnance du médecin, il n’avait qu’à référer la fonctionnaire pour évaluation auprès de Santé Canada, ce qui n’a pas été fait. À cet égard, l’avocat m’a référé à la décision Parkridge Care Home and Hospital Employees Union, [1991] B.C.C.A.A.A. No. 15 (QL), à la page 16, au soutien de son argument qu’à défaut de preuve contraire, on doit s’en remettre au témoignage de l’expert en l’occurrence ici la Dre Bordeleau à l’effet qu’il était thérapeutique pour la fonctionnaire de participer à ces activités militaires. L’avocat a aussi cité la décision Perley & Rideau Veterans’ Health Center v. C.U.P.E Local 870, [2011] O.L.A.A. No. 199 (QL), paragraphe 93, où l’arbitre a réintégré une employée qui avait été congédié au motif qu’elle assistait à un cours pendant qu’elle était en congé de maladie.

178 Quant aux soi-disant travail que la fonctionnaire aurait effectué pour le compte de la réserve lorsqu’elle était en congé de maladie, son avocat a insisté sur le fait que d’une part, elle n’avait pas, sauf pour peut-être deux jours, reçu de rémunération et que d’autre part, le lieutenant-colonel Kelly avait témoigné à l’effet que le nombre de courriels qu’elle avait pu échanger de même que sa participation à des réunions de son unité de réserve alors qu’elle était en congé de maladie étaient minimes (pièce G-23, paragraph 5).

179 L’avocat de la fonctionnaire a aussi insisté sur le fait que compte tenu de la situation psychologique fragile dans lequel se trouvait cette dernière en février-mars 2011, non seulement elle n’était pas en mesure de faire son travail d’avocate mais elle avait l’obligation déontologique de ne pas poser de gestes en tant qu’avocate en raison de sa condition médicale.

3. Utilisation du système RED du Comité pour ses affaires de la réserve

180 L’avocat de la fonctionnaire est revenu sur le fait qu’un des motifs de licenciement de la fonctionnaire est le fait qu’elle aurait demandé, en toute connaissance de cause, à ce qu’on mette fin à son accès à son compte d’ordinateur militaire pour n’avoir qu’à utiliser son compte RED du Comité. D’entrée de jeu, l’avocat insiste sur le fait que la preuve a démontré que pour tout réserviste, l’accès à un compte militaire est essentiel pour fonctionner et qu’ainsi jamais aucun réserviste ne demanderait à ce que son accès à un tel compte lui soit enlevé.

181 L’avocat de la fonctionnaire a aussi plaidé que la preuve est à l’effet que c’est le groupe de l’informatique du côté civil du ministère de la Défense qui a dans un premier temps contacté la fonctionnaire pour lui signaler que son compte militaire était inactif. Cette dernière n’ayant pas répondu, une employée du côté civil du MDN la contacte à nouveau pour l’aviser qu’elle doit contacter Cornwall pour les informer de son intention quant à l’utilisation de son compte militaire. Elle ne le fait pas, son compte militaire est alors fermé (pièce G-20).

182 Selon l’avocat de la fonctionnaire, il n’y a pas de preuve à l’effet que celle-ci ait demandé à ce que son compte militaire soit supprimé de façon à ce qu’elle puisse utiliser que son compte RED du Comité pour ses transactions à la fois pour son travail au Comité que pour son travail comme réserviste.

183 Selon l’avocat de la fonctionnaire, bien que le fait de supprimer son compte militaire a eu pour effet de transférer dans son compte RED du Comité toutes les données et informations relatives à ses fonctions comme réserviste le tout a été fait à l’insu de la fonctionnaire. Pour l’avocat de la fonctionnaire, immédiatement après la suppression de son compte militaire, la fonctionnaire a continué d’utiliser son mot de passe qu’elle utilisait avant pour son compte militaire ne sachant pas qu’en réalité, elle accédait à son compte RED du Comité. L’avocat de la fonctionnaire a plaidé que la preuve a révélée que même si son compte militaire avait cessé d’exister, le mot de passe restait identique. Ainsi, une fois son compte militaire supprimé, la fonctionnaire ne pouvait pas savoir que ses transactions informatiques comme réserviste se faisaient à partir de son compte RED du Comité. À cet égard, l’avocat de la fonctionnaire a insisté sur le fait que cette dernière avait témoigné à l’effet qu’elle ne savait pas que les données comme réserviste se retrouvaient maintenant dans un compte RED du Comité et que si elle avait su ou réalisé que c’était le cas, elle se serait dépêchée de faire cesser le tout.

184 Selon l’avocat de la fonctionnaire, l’argument de l’employeur à l’effet que la fonctionnaire aurait dû savoir qu’elle utilisait son compte RED du Comité pour ses transactions de réserviste à cause notamment du fait que celle–ci signait ‘C.P. Pouliot’ (pièce G-3) démontrant ainsi qu’elle savait qu’elle opérait à partir d’un compte civil mais tenait à préciser qu’elle écrivait comme réserviste, ne saurait tenir. Selon l’avocat il faut noter que Mme Maynard a reçu copie de ce courriel et n’est jamais intervenue (pièce G-3).

4. Demande d’accommodement

185 L’avocat de la fonctionnaire a aussi plaidé que l’employeur, bien qu’au courant des problèmes de santé de celle-ci et de la situation difficile qu’elle vivait impliquant un de ses enfants, n’a pas accommodé la fonctionnaire comme il en est tenu. L’avocat a rappelé que l’employeur était au courant que la fonctionnaire était réserviste et dans le passé qu’elle avait eu recours au programme avec étalement du revenu de congé pour pouvoir aller se ressourcer pendant une semaine en participant à l’exercice militaire comme celui qui était prévu à Gogama en mars 2011. Or, malgré la demande de la fonctionnaire et que celle-ci eut partagé avec sa superviseure, Mme Maynard, le fait qu’elle était pas bien et qu’elle vivait une situation difficile impliquant une de ses filles (pièce E-9, courriel de la fonctionnaire du 3 février 2011) l’employeur a rejeté sa demande avec étalement du revenu de congé prévu pour le mois de mars 2011 qui lui aurait permis de récupérer. Ce faisant, l’employeur a manqué à son obligation d’accommoder la fonctionnaire qui était dans le besoin et qui avait communiqué sa situation précaire à son employeur. Il revenait à l’employeur de chercher une solution ce qui n’a pas été fait. Or, pour l’avocat, la preuve est à l’effet que l’employeur n’a pas considéré d’alternative, n’a jamais dit que la situation était telle qu’accommoder la fonctionnaire aurait imposé une contrainte excessive à l’employeur. L’avocat a insisté sur le fait que si il y avait un doute quant à la demande d’accommodement de la fonctionnaire, (pièce G-15 p. 4, 3e point), la demande de la fonctionnaire était sûrement claire le 6 avril 2011.

5. Que la fonctionnaire se serait retrouvée en position de conflit d’intérêts en exerçant ses fonctions d’adjudant pendant qu’elle travaillait au Comité

186 À ce chapitre, l’avocat de la fonctionnaire a catégoriquement rejeté les allégations de l’employeur a l’effet que celle-ci aurait mis en péril et porté atteinte à l’indépendance du Comité en exerçant à la fois son travail d’avocate et ses fonctions de capitaine-adjudant pour les CHoO. Dans un premier temps, l’avocat a rappelé que la fonctionnaire avait été très claire et transparente en divulguant à la présidente du Comité de l’époque, Mme Laurin, qu’elle était membre de la réserve. Pour l’avocat de la fonctionnaire, cet état de fait avait été compris et accepté par Mme Laurin qui avait toutefois jugé bon de confirmer par écrit les mises en garde appropriées avec le lieutenant–colonel Becking (pièce E-6).

187 Pour l’avocat de la fonctionnaire, le fait que cette dernière ait joint plus tard une autre unité et soit devenue capitaine-adjudant n’a pas ajouté quant aux risques de conflit d’intérêts de la fonctionnaire. L’avocat a insisté sur le fait que M. Hamel ne peut substituer sa propre expérience comme capitaine-adjudant en Bosnie pour conclure que la fonctionnaire était en conflit d’intérêts lorsqu’elle est devenue capitaine- adjudant auprès des CHoO.

188 Selon l’avocat de la fonctionnaire, les témoignages de la fonctionnaire et celui du lieutenant–colonel Kelly ont démontré que celle-ci avait un rôle relativement peu important auprès du lieutenant-colonel Kelly, qu’elle n’était pas son bras droit et qu’elle ne faisait que transmettre ses instructions sans pouvoir décisionnel ni même d’aviseur auprès du lieutenant-colonel. Dans les circonstances, son rôle comme capitaine-adjudant ne peut pas l’avoir mis en conflit d’intérêts avec son rôle d’avocate au Comité.

189 Plus particulièrement, en ce qui a trait aux griefs des membres, qui auraient pu être transmis au lieutenant-colonel Kelly et qui était par la suite susceptibles de se retrouver devant le Comité, l’avocat de la fonctionnaire a insisté qu’aucune preuve n’avait été faite à l’effet que la fonctionnaire avait de près ou de loin été impliquée dans le processus décisionnel ou qu’elle avait donné des avis en lien avec ces griefs.

190 L’avocat a soutenu que la preuve avait démontré qu’il n’y avait qu’une seule demande relative à une réclamation concernant le remboursement de bouteilles d’eau où la fonctionnaire avait été impliquée et qu’encore là, son implication avait été limitée à faire inscrire cette réclamation dans un registre sans plus. L’avocat a maintenu que si la fonctionnaire avait été en conflit d’intérêts face à un grief, elle aurait demandé de se récuser. À cet égard, l’entente qui existait lorsque Mme Laurin était présidente tenait toujours : on se fiait à son jugement.

191 L’avocat de la fonctionnaire a aussi fait référence au témoignage du lieutenant-colonel Kelly à l’effet que la fonctionnaire lui avait mentionné les limites imposées par son travail d’avocate auprès du Comité et que par conséquent, elle ne pouvait se placer en situation de conflit d’intérêts. L’avocat a de plus insisté sur le fait que le lieutenant-colonel Kelly avait clairement indiqué qu’en aucun cas, la fonctionnaire ne s’était impliqué dans les dossiers de griefs de la réserve, qu’elle n’avait jamais émis d’avis juridiques que ce soit; bref, en aucun cas la fonctionnaire ne s’est mise en situation de conflit d’intérêts par rapport à son employeur (pièce G-22 para 6).

192 Finalement, les décisions Lumber & Sawmill Workers’ Union, Local 2537 v. KVP Co., (1965), 16 L.A.C. 73 et Consumers Gas v. Communications, Energy and Paperworkers Union, [1999] O.L.A.A. No. 649 (QL), sont aussi citées par l’avocat de la fonctionnaire.

IV. Motifs

193 Dans cette affaire, l’employeur a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire pour essentiellement :

  • avoir travaillé pour son unité de réserve des FC pendant qu’elle était en congé de maladie payé par son employeur;
  • avoir passé beaucoup de temps, sur ses heures de travail au Comité à faire du travail de réserviste;
  • avoir sciemment, pour des raisons de commodité utilisé le système d’informatique RED du Comité pour échanger des courriels et travailler sur des documents de la réserve, migrant ainsi de l’information militaire dans les bases de données du Comité, compromettant aussi l’intégrité du Comité et contrevenant aux directives de technologies et de sécurité du Comité;
  • s’être mise en situation de conflit d’intérêts en s’impliquant comme réserviste dans des dossiers de griefs qui auraient pu potentiellement se retrouver au Comité.

194 Après avoir longuement soupesé la preuve devant moi, considéré toutes les pièces et pièces-jointes déposées au soutien de la preuve, j’en viens à la conclusion que le grief de la fonctionnaire doit être rejeté. Je tiens aussi à souligner que les parties m’ont soumis quelques 35 décisions au soutien de leur argument. Même s’il existe parfois certaines similitudes entre les faits et les questions mentionnées et la présente affaire, il s’agit d’affaires distinctes où le contexte et les faits sont souvent différents. Bien que j’aie consulté ces décisions, je n’y ferai pas référence sauf à quelques exceptions.

195 Un des allégués de l’employeur est que la fonctionnaire a travaillé pour son unité de réserve pendant qu’elle était en congé de maladie payé par son employeur. Dans son témoignage, M. Hamel a indiqué que pour lui, cet élément était en soi tellement sérieux qu’il méritait à lui seul le licenciement. Je ne crois pas que les faits concernant cet allégué sont en dispute. Ainsi, l’employeur a selon moi établi que pendant que la fonctionnaire était en congé de maladie soit le 28 février et 3 et 4 mars 2011, cette dernière a échangé des courriels avec ses collègues de la réserve et elle s’est aussi rendue sur les lieux de son unité le 28 février 2011 pour y effectuer certaines tâches. La fonctionnaire a aussi admis avoir travaillé et être payé par la réserve alors qu’elle était en congé payé par le Comité en novembre 2010 (pièces E-20, E-23 et E-24). La fonctionnaire a aussi témoigné avoir échangés des messages sur son BlackBerry pendant qu’elle prenait des marches et avoir faits des tâches anodines lors de ses présences à son unité de réserve. Bien qu’à mon avis, la fonctionnaire aurait dû au préalable informer sa superviseure de ces faits, ces actions en soi ne méritent pas, selon moi, le licenciement.

196 Toutefois, il y a plus. La preuve a révélé qu’en février 2011, suite au refus de l’employeur pour des raisons opérationnelles d’autoriser un congé pour étalement, la fonctionnaire a demandé un congé de maladie. Ce congé qui était supporté par un certificat médical du Dre Bordeleau lui a été accordé, Mme Maynard allant même jusqu’à avancer des congés de maladie à la fonctionnaire. Selon la preuve, la fonctionnaire est allée voir la Dre Bordeleau le 23 février 2011 (pièces E-10 et E-11) soit après avoir reçu ses billets d’avion qui devait lui permettre de se rendre à l’exercice militaire à Gogama, dans le Nord de l’Ontario le 18 février 2011 (pièce E-25). En aucun cas, la fonctionnaire a parlé de cet exercice à venir pendant son congé de maladie à son employeur; pourtant, elle savait lors de sa rencontre avec la Dre Bordeleau qu’elle était cédulé pour assister à cet exercice. La fonctionnaire a choisi de ne rien révéler à son employeur. Ce n’est que lorsque l’employeur a fait une vérification du compte de l’ordinateur de la fonctionnaire au début de mars 2011 qu’il a réalisé que celle-ci était cédulé pour participer à l’exercice.

197 La fonctionnaire a tenté de justifier de ne pas avoir informé l’employeur en disant qu’elle était dans une situation physique et mentale très précaire en février 2011 occasionnée par le fait qu’elle était veuve et qu’une de ses enfants éprouvait de sérieux problèmes à l’école. À cet égard, la preuve a démontré que la Dre Bordeleau était non seulement au courant que la fonctionnaire projetait d’aller en exercice militaire à Gogama en février 2011 mais qu’elle encourageait ce genre d’exercice qu’elle a qualifié de « thérapeutique » dans une lettre soumise à l’employeur après le licenciement de la fonctionnaire. Dans son argumentation, l’avocat de la fonctionnaire m’a référé à la décision Parkridge et a maintenu que l’employeur doit s’en remettre au diagnostic du Dre Bordeleau quant aux effets thérapeutiques de l’exercice à Gogama sur la fonctionnaire. À cet effet et bien que le témoignage du Dre Bordeleau a été très crédible, je dois d’abord souligner que, contrairement à la décision Parkridge, Dre Bordeleau a indiqué, pendant son témoignage, avoir été sous l’impression que l’exercice à Gogama était davantage physique qu’intellectuel. Or la preuve a démontré que la fonctionnaire devait plutôt travailler à la planification de l’exercice que d’y participer de façon physique. De plus, quant au témoignage du Dre Bordeleau et de la mention dans la pièce G-13 que « le travail était thérapeutique » je me dois de souligner que cette information a été partagée avec l’employeur seulement qu’en juin 2011 soit après le licenciement. Il revenait à la fonctionnaire d’aviser son employeur le cas échéant, elle ne l’a pas fait. Il m’apparait plutôt que la fonctionnaire tenait absolument à participer à l’exercice à Gogama et pour ce faire, elle a délibérément cherché et obtenu l’accord de son médecin pour le faire. Jamais toutefois, elle n’a révélé à son médecin que son congé pour étalement de revenu lui avait été préalablement refusé. L’avocat de la fonctionnaire m’a aussi référé à la décision Consumer Gas où l’employé a été réintégré. Ici encore les faits de la présente affaire se distinguent. Dans Consumer Gas, l’employeur n’avait pas été en mesure de prouver que l’employé avait effectué des réparations sur des voitures pendant son congé de maladie. Dans la présente affaire, la preuve a été que la fonctionnaire a effectué du travail pendant son congé de maladie et elle se préparait aussi à assister à un exercice à Gogama pendant son congé de maladie.

198 J’ai du mal à comprendre pourquoi la fonctionnaire n’a pas partagé avec sa superviseure son plan de continuer à vaquer à certaines tâches pour la réserve et à participer à l’exercice de Gogama et que cet exercice aurait un effet thérapeutique sur elle. La fonctionnaire a témoigné qu’à cette époque elle avait une façade et voulait paraitre forte. Contrairement à la situation décrite dans la décision Greater Toronto Airports citée par l’avocat de la fonctionnaire et où l’employeur n’avait pas communiqué clairement avec l’employé, ici, la fonctionnaire a admis ne pas avoir été claire dans ses communications avec Mme Maynard et ne pas lui avoir donné toute l’information quant à sa situation personnelle. En effet, mis à part le fait qu’elle éprouvait des problèmes de santé, la fonctionnaire a admis ne pas avoir informé Mme Maynard des détails de sa situation personnelle ni non plus de la situation préoccupante qu’elle vivait avec une de ses filles même si dans le passé, la preuve est à l’effet que l’employeur a toujours aidé la fonctionnaire lorsque mis au courant de périodes difficiles. Pourtant, la fonctionnaire a avoué avoir partagé avec le lieutenant-colonel Kelly la situation difficile dans laquelle elle se trouvait, elle ne lui a rien caché. Il me semble que la fonctionnaire attachait moins  d’importance à son devoir de loyauté quand ça impliquait son employeur.

199 De plus, il appert que déjà le vendredi 25 février 2011 la fonctionnaire planifiait son horaire afin de travailler pour la réserve comme en fait foi par exemple les pièces E-24 et E-41 elle voulait même ajouter des heures de travail à la réserve (pièce E-100). Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi la fonctionnaire ne jugeait pas important d’informer son employeur qu’elle planifiait ces activités d’autant plus que selon la fonctionnaire Mme Maynard « était une bonne personne » qui n’a pas hésité de lui avancer des congés de maladie et qui s’était toujours montrée compréhensive avec la fonctionnaire. La fonctionnaire a admis ne pas avoir donné de détails à sa superviseur quant à sa situation personnelle, elle a aussi indiqué avoir mal communiqué ses difficultés à Mme Maynard. La fonctionnaire semble avoir ici fait un choix où elle a jugé qu’il était important d’informer son supérieur de la réserve de sa situation difficile mais qu’il n’était pas nécessaire de faire de même pour son employeur. Que la fonctionnaire éprouve des liens très forts envers la réserve est tout à son honneur et sans contredit fort louable. Toutefois, son employeur est en droit d’exiger la même transparence de la part de son employée. L’obligation de loyauté s’applique aussi quant à la relation de la fonctionnaire avec son employeur. Il me semble que la fonctionnaire a adopté deux standards différents quant au degré de transparence à appliquer dépendant si elle s’adressait à son employeur ou à la réserve. Il ne lui revenait pas de décider ce qui est acceptable pour une organisation et pas pour l’autre. La fonctionnaire avait tout autant un devoir de loyauté envers son employeur. Je peux donc comprendre que l’employeur ait maintenant des préoccupations quant au niveau de confiance envers la fonctionnaire.

200 Dans sa plaidoirie, l’avocat de la fonctionnaire a fait état que l’employeur avait manqué à son obligation d’accommoder la fonctionnaire en ne lui accordant pas de participer aux activités de la réserve pendant qu’elle était en congé de maladie. Je ne peux accepter cet argument. D’une part, la fonctionnaire a clairement admis dans son témoignage qu’il n’avait pas été question de demande d’accommodement lorsqu’elle a fait une demande de congé de maladie le 23 février 2011. D’autre part, tel que mentionné plus haut et de l’aveu même de la fonctionnaire, tout au long de son emploi au Comité, ses superviseurs se sont montés flexible avec elle dans la mesure où elle les informait de la situation. Je suis d’accord avec l’avocat de l’employeur à l’effet que la fonctionnaire n’a jamais fait part à l’employeur de limites quant à sa capacité de travailler. La fonctionnaire a soumis un certificat médical le 23 février 2011, qui indiquait que la fonctionnaire serait « en arrêt de travail » du 28 février 2011 au 25 mars 2011 (pièces E-10 et E-13). Rien de plus. L’employeur a accepté ce certificat médical allant même jusqu’à avancer des congés de maladie. Je ne vois pas dans les circonstances, et avec l’information dont il disposait, que l’employeur pouvait ou devait penser qu’il s’agissait d’un cas où un accommodement était nécessaire.

201 Un autre des motifs de licenciement importants selon M. Hamel est le fait que pendant ses heures de travail au Comité la fonctionnaire a passé un très grand nombre de ces heures à échanger des courriels avec ou a travaillé sur des documents pour le bénéfice de la réserve. Ici encore, les faits reprochés ne sont pas vraiment en dispute. Bien que d’une part l’employeur ait argumenté que le temps qu’a passé la fonctionnaire à échanger des courriels et travailler sur des documents pour la réserve pendant ses heures de travail était hors norme et déraisonnable et que d’autre part, la fonctionnaire ait tenté d’en diminuer le nombre et l’impact, il n’en demeure pas moins que les parties ont convenu du libellé suivant le 6 janvier 2014 quant à cet allégué :

Les parties s’entendent que Mme Pouliot a envoyé au moins 1,455 courriels et pièces jointes relatifs à ses tâches de réserviste entre les mois de septembre 2010 et le 16 mars 2011 du genre des courriels contenus dans la Pièce E-32 avec le bloc signature « CP », le numéro de téléphone du bureau de Mme Pouliot. Les parties s’entendent aussi que ces courriels ont été envoyés et reçus à partir du système DWAN (compte CFGB).

Mme Pouliot a admis avoir envoyé et reçu des courriels et pièces jointes à ses tâches comme réserviste sur son compte CFGB du système DWAN pendant les heures de travail et que certains jours, le nombre de ces courriels étaient importants.

202 De cet énoncé, je retiens qu’il est admis que la fonctionnaire a échangé, sur les heures de travail au Comité, pas moins de 1,455 courriels avec ses collègues réservistes sur une période d’environ 6 mois. L’énoncé précise aussi que la fonctionnaire signait ces courriels « CP » pour capitaine et que le numéro de téléphone du bureau au Comité apparaissait sur les courriels. Il appert donc que la fonctionnaire a maintenu de façon substantielle une correspondance pendant les heures de travail avec ses collègues de la réserve. Qui plus est la pièce E-32, citée comme exemple, comporte des références à des fichiers qui contiennent des documents de travail de la réserve. Bien que le témoin de l’employeur n’ait pas été en mesure de dire lors de son témoignage dans quelle mesure la fonctionnaire avait participé à la rédaction de ces documents ni non plus le temps qu’elle y avait consacré, il appert néanmoins considérant cet échantillonnage que le travail de réserviste accaparait la fonctionnaire de façon déraisonnable sur ses heures de travail.

203 L’avocat de la fonctionnaire a plaidé que la preuve a révélé que la fonctionnaire a quand même rencontré les échéanciers, que la qualité de son travail n’a pas souffert, que ses évaluations de rendement ont toujours été jugées satisfaisantes et qu’en aucun cas, l’employeur a reproché à la fonctionnaire de ne pas suffire à la tâche. De plus, l’avocat de la fonctionnaire a insisté sur le fait qu’il a été admis par M. Hamel et Mme Maynard que la politique au Comité permettait l’échange de courriels de nature personnels pendant les heures de travail. C’est un fait que l’employeur n’a pas démontré que la fonctionnaire ne faisait pas sa part de travail et que la politique du Comité était de permettre l’échange de courriels de nature personnels sur les heures de travail. Toutefois dans ce cas-ci, il me semble qu’il s’agit d’une question où le bon sens doit prévaloir et que, comme l’a indiqué M. Hamel, on doit pouvoir faire confiance que son employé fait le travail pour lequel il est embauché et rémunéré. À cet égard, M. Hamel a fait référence au fait que le Comité permet par exemple qu’un employé de temps à autre envoie un courriel à sa famille, ou à sa banque, etc. Ainsi, le fait que l’employeur tolère ouvertement que des courriels de nature personnels soient échangés de façon périodique est une chose. Toutefois, et bien qu’aucun montant n’ai été mis de l’avant a ce qui constitue un nombre acceptable d’échange de courriels, il s’agit selon moi d’une question de degré.

204 Dans la présente affaire, le fait que la fonctionnaire ait échangé au-delà de 1 455 courriels et reçu ou travaillé sur un très grand nombre de documents qui apparaissent sous les fichiers comme par exemple la pièce E-32, va au-delà de ce qui est acceptable même dans un milieu de travail où l’on permet l’échange de courriels de nature personnels. La présente situation est différente de celle couverte dans la décision (Ontario Ministry of National Resources).. Dans cette décision citée par l’avocat de la fonctionnaire, les employés avaient été réintégrés dans leurs postes sur la base de différents facteurs atténuants, le principal étant que les superviseurs eux aussi avaient participé dans l’échange des courriels litigieux. Le fait aussi que certains de ces employés avaient de nombreuses années de service ou qu’ils n’avaient pas reçu de formation adéquate ont aussi été pris en considération par l’arbitre dans sa décision de réintégrer les employés. Dans la présente affaire, d’une part la gestion n’était pas impliquée dans les faits reprochés, la fonctionnaire a relativement moins d’années de service, elle était consciente des dangers de confondre son compte civil et militaire et finalement, elle a fait du travail pour la réserve pendant ses heures de travail auprès du comité. De plus, le nombre minimum de 1 400 courriels m’apparait comme très significatif et finalement, c’est la fonctionnaire elle–même de son propre aveu qui a constaté commencer à passer trop de temps sur les affaires de la réserve pendants ses heures régulière de travail. La pièce E-44 se lit comme suit :

Also, my part-time job is starting to spill over rather conspicuously into my day job and I am maxed out on weekday commitments right now with supervising our full time NES/Rel team – spent my lunch working on the ROG and 2 hours at the post office yesterday after work registering 65 Notification letters and dropped in again on them this morning to hand over the bar code tags/make sure things stay on track… We have great momentum going on that front right now and I want to capitalised on it as best I can.

205 La présente situation est aussi différente des affaires Fraser Health Authority et Andrews où respectivement l’employé avait déjà cessé sa pratique d’utilisation inappropriée du système informatique lorsque l’employeur a fait enquête. Dans Fraser Health Authority, l’arbitre a conclu que l’employeur n’avait pas prouvé que l’employé avait fait un usage excessif de l’internet. Dans le cas présent, j’estime que cette preuve a été faite. Dans Andrews, un manque de supervision avait contribué au fait que l’employé utilise son ordinateur pour une longue durée et de façon inappropriée. La situation est différente ici ou la fonctionnaire était avocate et qu’à ce titre elle aurait dû avoir besoin d’un degré de supervision minimal de la part de son employeur qui lui faisait confiance.

206 L’allégué de l’employeur à l’effet que la fonctionnaire a échangé au-delà de 1 455 courriels et pièces-jointes n’est qu’un aspect du problème. L’employeur reproche de plus à la fonctionnaire d’avoir, pour des raisons de commodité, sciemment utilisé son compte RED du Comité pour soit échanger des courriels avec ses collègues de la réserve ou travailler sur des documents appartenant à la réserve. Le résultat non contredit est qu’en utilisant ainsi son compte RED du Comité pour ses affaires militaires, la fonctionnaire a migré de l’information à caractère militaire dans les banques de données du Comité. Cette information militaire ne devrait pas se trouver dans l’inventaire du Comité.

207 Afin de bien comprendre l’enjeu de cet allégué, il me semble important de revenir à nouveau sur la preuve présentée par les parties à l’audience. L’essentiel de la preuve sur cet allégué peut se résumer ainsi : le Comité a son propre système informatique couramment appelé intranet. Le Comité permet aussi à certains de ses employés, comme par exemple aux avocats, d’avoir un compte d’accès au système RED du MDN. Cet accès permet entres autres aux avocats de consulter des directives et aux autres informations propres au MDN. Il faut toutefois noter qu’en tant que réserviste, la fonctionnaire avait déjà accès à ce système RED du MDN via un compte militaire à travers le MDN. Ainsi, par exemple pendant son l’emploi comme avocate au Comité, la fonctionnaire avait deux comptes RED un avec le Comité pour faire son travail d’avocate et un militaire indépendant de celui du Comité qui lui permettait de faire ses activités militaires. Donc, si la fonctionnaire voulait accéder à son compte RED militaire, elle devait le faire séparément de l’utilisation du système RED du Comité. La preuve a révélé que la fonctionnaire avait choisi d’utiliser le même mot de passe pour les deux comptes.

208 Ce qui est allégué essentiellement par l’employeur, est que la fonctionnaire trouvait plus commode lorsqu’elle travaillait au Comité comme avocate, de se servir de son compte RED du Comité pour accéder à ses affaires militaires. Selon l’employeur, ça évitait ainsi à la fonctionnaire de devoir sortir de son compte RED du Comité pour entrer dans son compte RED militaire. L’employeur reproche donc à la fonctionnaire d’avoir sciemment annulé son compte militaire pour justement n’avoir que son compte RED du Comité à gérer. Selon l’employeur, l’approche de la fonctionnaire était calculée et, à plusieurs reprises, comme en fait foi la pièce E-32, tout en utilisant le système RED du Comité dans ses correspondances avec ses collègues de la réserve, elle utilisait les lettres « CP » dans son bloc signature de façon à identifier clairement à ses correspondants de la réserve qu’elle agissait, pour les fins de cette correspondance, comme militaire et non comme avocate au Comité. Pour l’employeur, cet état de fait démontre bien qu’elle réalisait qu’elle utilisait le compte RED du Comité pour des fins militaires.

209 L’employeur a maintenu que les conséquences de ces actions sont sérieuses puisque d’une part, la fonctionnaire a brouillé la ligne séparant les mandats du Comité et celui de la réserve. Selon M. Hamel, les agissements de la fonctionnaire sont venus miner les efforts du Comité, qui cherche à être vu et perçu comme indépendant des FC. M. Hamel a insisté dans son témoignage que la raison d’être du Comité est qu’il soit perçu comme totalement indépendant des FC lorsque le Comité doit traiter du grief d’un militaire.

210 De plus, M. Hamel a insisté qu’en utilisant le système RED du Comité pour échanger des courriels avec les réservistes ou pour traiter de toute sorte d’information militaire, la fonctionnaire a alors migré dans le système RED du Comité de l’information militaire qui ne devrait pas s’y trouver. Pour M. Hamel, le Comité devient donc dépositaire d’information pour lequel d’une part le Comité est loin d’être mandaté, et qui aussi soulève des questions quant à par exemple l’application de la Loi sur l’accès à l’information. Au soutien de sa preuve, l’employeur m’a référé aux pièces E-76 et E-77 qui selon l’employeur constituent des preuves irréfutables que la fonctionnaire a agi en toute connaissance de cause lorsqu’elle a annulé son compte RED militaire pour se servir que de son compte RED du Comité.

211 Bien que la fonctionnaire ait reconnu que son compte militaire ait été supprimé et qu’il est problématique que de l’information de nature militaire se retrouve maintenant dans le compte RED du Comité, cette dernière a affirmé que tout ça a été fait à son insu et que jamais elle n’a demandé ou compris que son compte militaire RED serait annulé. Pour la fonctionnaire tout ça a commencé en 2007 alors qu’elle a éprouvé des difficultés avec le système intranet du Comité. Elle a affirmé avoir été ensuite contacté par le côté civil du MDN qui l’ont avisé que puisque son compte était inactif depuis 3 mois, il serait annulé à moins d’avis contraire. La fonctionnaire a affirmé ne pas avoir compris qu’il s’agissait de son compte RED militaire. Quant à la preuve de l’employeur a l’effet qu’elle signait « CP » pour s’identifier comme tel à ses collègues réservistes lorsqu’elle utilisait le système RED du Comité, la fonctionnaire a affirmé ne pas s’être rendue compte qu’elle utilisait le système RED du Comité lors de ces transactions.

212 Bien que cet aspect de la preuve ait été un peu plus technique, et compte tenu du fait qu’il n’est pas contesté que la fonctionnaire a effectivement utilisé le système RED du Comité pour ses activités militaires, il reste essentiellement pour moi à déterminer si l’employeur a démontré, selon la balance des probabilités que la fonctionnaire savait qu’elle utilisait le système RED du Comité. Après un examen de tous les faits et pièces déposées j’en suis venue à la conclusion que la fonctionnaire a pour des raisons purement de commodité, agi de façon délibéré en utilisant le système RED du Comité pour ses transactions militaires. Pour moi les pièces E-76 et E-77 sont éloquentes et ne peuvent mener à une autre conclusion. Les pièces E-76 et E-77 se lisent comme suit :

From :    Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Sent:       Thursday, 3, March, 2011 12:16 PM

To:          Henningsen PO2 NCM @ CH of O @ Ottawa-Hull

Cc:          Laurin M @ 2 ASG Sig Sqn Det Ottawa @ Ottawa-Hull

Subject:   FW: Pki request

Importance:           High

PO2 Henningsen,

I don’t understand the problem here – I have a DND DWAN account and have the system access I need to both my Reserve unit and day job accounts.

Why would I need two?

I also have a level III Security Clearance with DND both as a civilian and as a military officer?

So I am not sure why we would do all this extra work just so I can get issued a PKI card to do my job?

Please follow up with your contacts and advise.

Thx,

CP


From :    Laurin M @ 2 ASG Sig Sqn Det Ottawa @ Ottawa-Hull

Sent:       Wednesday, 2, March, 2011 11:48 AM

To:          Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Subject:   RE: Pki request

Please complete those form again and they have to create another accompt to use your pki with the army.

This form is for your new account to be complete by your ISSO

PO2 NCM Henningsen                 990-6207

http://lfcms.kingston.mil.ca/Default.aspx?sectionID=143000440004799&type=D

This form is for your pki << File: PKI Request Form – DND 2369.pdf >> with your pri 391 not D20434260

Thank you.


From :    Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Sent:       Wednesday, 2, March, 2011 11:16 AM

To:          Laurin M @ 2 ASG Sig Sqn Det Ottawa @ Ottawa-Hull

Subject:   RE: Pki request

Hi,

I am a civilian employeed [sic] during the day and a Reservist with the Cameron Highlanders of Ottawa at night.

I keep only the one DWAN account and use it for both jobs to avoid duplication of e-mail traffic, having to manage two accounts and to avoid confusion.

The request for PKI was staffed for access as the Regimental Adjutant with the Camerons and you have my correct service number.

My PRI (ending in 391) would only be used for matters relating to my civilian employment for which I have a separate encryption key.

Does this clarify the situation for you?

From :    Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Sent:       Monday, 25, October, 2010 12:11 PM

To:          Clark Capt LM @ 2 ASG HQ@Petawawa

Cc:          Pouliot MWO CJFP@2 ASG HQ G1 Ops@Petawawa; Henningsen PO2 NCM@CH of O@Ottawa-Hull

Subject:   RE: More CF 98 Info

I am a class A reservist with the Chof O and a full time civilian employee with the Public Service.

Rather than manage two DWAN accounts, it is easier to have the one, but I can assure you that I am a Capt and the Adjt with the CHofO.

Also, because of mailbox management issues (mine is currently almost full), can you fwd the incripted file to our unit Chief Clerk: PO2 Henningsen – CC to this e-mail.

She is on leave today, but will be able to look at it tomorrow.

Thanks,

CP


From :    Clark Capt LM @ 2 ASG HQ@Petawawa

Sent:       Monday, 25, October, 2010 12:06 PM

To:          Pouliot JL @ MND CFGB @ Ottawa-Hull

Cc:          Pouliot MWO CJFP@2 ASG HQ G1 Ops@Petawawa Subject:              More CF 98 Info

Hello Capt Pouliot,

I have rec’d more info and would like to send to you encrypted; pls advise if you plan to get a PKI card so I can send protected info to you electronically. If not, I will mail the info to you as supplemental material to the letter that was mailed out to you last Friday.

I am also curious as to why Outlook does not show your rank or that you work at CHoO?

Thanks,

Clark, L.M. (Lisa)

213 Il est de plus à noter qu’à l’audience, la fonctionnaire n’a pas été en mesure d’expliquer véritablement le contenu de ses réponses dans ces pièces E-76 et E-77, même si selon moi les propos de la fonctionnaire sont assez clairs et ne laissent pas de place pour une double interprétation. Je vois mal en effet à la lecture de ces pièces comment la fonctionnaire peut affirmer qu’elle n’était même pas au courant qu’un de ses comptes RED allait être fermé. A tout le moins, la fonctionnaire aurait dû se poser des questions compte tenu des conséquences de se servir indifféremment d’un compte RED du comité ou d’un compte RED militaire.

214  Qui plus est, je comprends mal comment l’argument de la fonctionnaire à l’effet qu’elle croyait que c’était son compte RED du Comité qui allait être supprimé puisse véritablement lui venir en aide. En effet, puisque la preuve a démontré que la fonctionnaire avait aussi besoin pour son travail au Comité de se servir de ce compte RED du Comité, comment en toute logique a-t-elle pu accepter, sans rien questionner, que ce compte RED du Comité soit ainsi supprimé ?

215 En agissant ainsi, je suis d’accord avec M. Hamel que la fonctionnaire a d’une part, à tout le moins embrouillé auprès des membres de la réserve le mandat du Comité. M. Hamel a indiqué qu’une de ses tâches principales est de faire en sorte que le Comité soit perçu par les militaires comme indépendant des Forces. Je ne peux que constater que les agissements de la fonctionnaire vont à l’encontre du mandat du Comité qui cherche à affirmer son indépendance, sa crédibilité. Il est en effet pas déraisonnable de conclure qu’un réserviste qui potentiellement ou véritablement veut référer un grief au Comité va vraisemblablement se questionner quant à l’indépendance du Comité si il réalise que l’avocate du Comité est une autre réserviste qui utilise dans ses transactions de tous les jours avec la réserve, le système informatique du Comité. Il est fort probable dans cette hypothèse que le réserviste conclue que l’autre réserviste avec qui il transige, en l’occurrence ici la fonctionnaire, et l’avocate font partie de la même organisation.

216 À mon sens, cet allégué de l’employeur n’est pas juste théorique; il est réel. En effet, bien que la preuve de l’employeur n’ait pas démontré qu’un militaire ait conclu que la fonctionnaire/réserviste et la fonctionnaire/avocate appartienne à la même organisation, il n’en demeure pas moins que la preuve a révélée qu’à tout le moins un réserviste s’est questionné quant au rôle et statut de la fonctionnaire qui utilisait le RED du Comité pour ses fins militaires. À cet égard, encore une fois, la réponse de la fonctionnaire est éloquente à la pièce E-77.

217 L’employeur a aussi invoqué le fait que dans son poste de capitaine-adjudant auprès de la réserve, la fonctionnaire s’est placée en situation de conflit d’intérêts. Les faits sont essentiellement ici que lors de l’embauche de la fonctionnaire comme avocate auprès du Comité, celle-ci occupait déjà un poste de fantassin dans l’unité de réserve du 30e Régiment. Il a été mis en preuve qu’à l’époque, cette situation avait alors soulevé des questions pour la présidente, Mme Laurin. La preuve a démontré que la présidente du Comité en 2007 et Mme Maynard ont clairement signifié à la fonctionnaire l’importance de cette question. Toutefois, après des discussions entre elles et la fonctionnaire quant à la nature des fonctions exercés dans la réserve qui consistaient plutôt en des tâches physiques et la confirmation par le lieutenant–colonel Becking que la fonctionnaire ne serait jamais mise en situation de conflit d’intérêts, la présidente avait alors donné son approbation à ce que la fonctionnaire soit embauchée comme avocate tout en continuant d’être réserviste. La situation a toutefois changé en 2007, lorsque la fonctionnaire a changé de fonction et d’unité de réserve pour devenir capitaine-adjudant auprès de CHoO. Elle n’a toutefois jamais informé l’employeur de ce changement. Après les discussions qu’elle avait eu avec Mme Laurin, Mme Maynard et lieutenant-colonel Becking, la fonctionnaire aurait dû savoir que c’était important.

218 Aux dires de M. Hamel, qui se basait sur sa propre expérience en Bosnie, le rôle d’un adjudant-chef est d’être le bras droit du lieutenant-colonel et ainsi on peut raisonnablement conclure que la fonctionnaire s’impliquait ou pouvait s’impliquer dans le processus décisionnel des griefs au niveau de la réserve, créant ainsi un conflit d’intérêts lors du renvoi de ce grief devant le Comité pour examen.

219 La fonctionnaire a catégoriquement nié dans son témoignage s’être impliquée dans le mérite des griefs ou réclamation émanant de son unité de réserve. Le lieutenant–colonel Kelly a dans son témoignage été aussi catégorique. Selon la fonctionnaire et le lieutenant-colonel Kelly, le rôle de la fonctionnaire s’est toujours limité à transmettre les instructions du lieutenant–colonel Kelly aux autres réservistes et à s’assurer que la correspondance adressée au lieutenant-colonel Kelly pour son information ou sa signature se retrouve sur son bureau.

220 Malgré le fait que de nombreux documents portant la mention RoG (redress of grievance) se soient retrouvés dans les fichiers du Comité, l’employeur n’a pas été en mesure de démontrer que la fonctionnaire avait d’une façon ou d’une autre influencé le processus décisionnel de ces dossiers. Je note toutefois qu’à tout le moins, la fonctionnaire a manqué de transparence à ce niveau et bien que l’employeur n’ait peut être pas fait la preuve d’un conflit d’intérêt réel, j’estime quand même qu’il y a amplement de preuve pour démontrer l’apparence d’un conflit d’intérêt. La fonctionnaire était au courant, de par les discussions qu’elle avait eu avec Mme Laurin impliquant le lieutenant-colonel Becking, que cette question était très importante pour le Comité. Il lui revenait d’informer ses supérieurs que non seulement son unité de réserve avait changé mais que ces fonctions aussi n’étaient plus les mêmes. Le fait qu’en pratique il n’y ait pas eu de preuve quant à l’implication de la fonctionnaire dans le mérite des griefs ne changent rien à cette situation. La fonctionnaire est avocate, elle comprend très bien que parfois les questions de perception sont très importantes dépendant du milieu où on évolue. Je peux comprendre que l’employeur se questionne quant à la confiance à accorder à la fonctionnaire.

221 En terminant, j’aimerais préciser que tout au long de l’audience qui a duré environ trois semaines, j’ai eu le loisir d’entendre la preuve détaillée et j’ai pu ainsi connaître le climat de travail qui régnait au Comité de 2007 à 2011. À mon sens, le milieu de travail me semblait très bon et flexible. Je conclue sans aucune peine que Mme Maynard a montré beaucoup d’empathie envers les épreuves qu’a vécues la fonctionnaire. La fonctionnaire a aussi admis ne pas avoir communiqué clairement à sa superviseure toute l’information quant à sa situation personnelle. Encore une fois, compte tenu du climat de travail au Comité pendant la période en question, je pense vraiment que si la fonctionnaire avait fait preuve de plus de transparence envers ses superviseurs nous n’en serions pas là.

222 Dans cet ordre d’idée, tant M. Hamel que Mme Maynard ont témoigné que dans les circonstances, et compte tenu du fait qu’il s’agisse d’une très petite équipe au service juridique du Comité, ils ne voyaient pas comment la fonctionnaire pouvait réintégrer son poste d’avocate. Pour eux le lien de confiance est brisé de façon irrémédiable. Tous les deux ont questionné comment ils pourraient faire confiance après ces incidents aux avis juridiques que pourrait leur formuler la fonctionnaire. Il y aurait toujours un doute. Je comprends M. Hamel et Mme Maynard d’être déçus. Tel que mentionné plus haut, ces derniers ont le sentiment d’avoir été trahis et rien pourtant n’a justifié ce manque de confiance de la fonctionnaire.

223 Une constante dans ce dossier qui d’après moi justifie l’employeur de conclure que le lien de confiance est irrémédiablement brisé : la fonctionnaire dans toute cette affaire a été sélective et n’a pas semblé se soucier de l’impact de ses agissements sur son travail d’avocate au Comité.

224 Même chose quant au travail pour la réserve effectué sur les heures de travail au Comité. La fonctionnaire ne semblait pas se formaliser de passer beaucoup de temps pour ses activités de réserve au lieu de faire ce pour quoi elle était rémunérée. Un autre exemple où la fonctionnaire a clairement manqué de transparence avec son employeur est le cas de l’exercice à Gogama. Ici encore, la fonctionnaire aurait fort bien pu informer son employeur de son intention de participer à cet exercice. Compte-tenu du fait que l’employeur avait permis ce genre de participation dans la passé, il y a lieu de croire que l’employeur aurait permis à la fonctionnaire de se rendre à Gogama. La fonctionnaire a plutôt décidé de ne rien dire. En agissant ainsi, la fonctionnaire a semé un doute quant à sa loyauté envers l’employeur. Il n’est pas étonnant que l’employeur maintienne aujourd’hui que le lien de confiance est maintenant irrémédiablement brisé. De même, la fonctionnaire a choisi sciemment de se servir de son compte RED du Comité pour ses activités de réserve car ça s’avérait plus pratique de le faire tout ça sans égard aux conséquences que ces gestes pouvaient entrainer. Encore une fois, il s’agit d’un autre exemple où la fonctionnaire a fait un choix. Dans les circonstances, je ne pense pas qu’on puisse reprocher à l’employeur de ne plus lui faire confiance.

225 Qui plus est, il ne faut pas perdre de vue dans cette affaire que la fonctionnaire occupait un poste d’avocate. L’employeur était en droit de s’attendre à plus de transparence de la part de celle-ci d’autant plus que la fonctionnaire opérait dans un petit milieu.

226 Une dernière observation. Dans son témoignage, la fonctionnaire m’est apparue comme une personne très intelligente, très articulée qui a véritablement une passion pour tout ce qui touche les FC. À plusieurs reprises lorsqu’elle a fait référence à ses tâches dans la réserve, la fonctionnaire l’a fait avec beaucoup d’enthousiasme, parlant de la réserve comme « sa famille » et faisant référence au fait que ses actions dans la réserve la rendaient heureuse et la « faisait sourire ». La fonctionnaire a d’ailleurs affirmé que lors de son embauche comme avocate, elle avait avisé Mme Laurin que si elle avait à choisir entre son rôle dans la réserve et son travail d’avocate, elle opterait pour la réserve. Je crois sincèrement que ce sentiment demeure encore aujourd’hui et d’ailleurs la fonctionnaire occupe d’ailleurs maintenant poste permanent auprès des FC. À cet égard, et bien que la fonctionnaire ait à une reprise indiquée qu’elle n’aurait peut-être pas dû agir ainsi, je n’ai pas senti que celle-ci regrettait véritablement ce qui c’était passé. J’ai plutôt compris que la fonctionnaire estimait répondre par ses agissements à un impératif qui était supérieur à celui de son employeur. À mon avis dans les circonstances sa réintégration auprès de l’employeur est contre indiquée à cause des événements passés et du contexte de travail où l’employeur se doit d’avoir pleinement confiance en ses avocats.

227 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

228 Les griefs dans les dossiers 566-02-5913 et 566-02-5914 sont rejetés.

Le 31 octobre 2014.

Linda Gobeil,
arbitre de grief

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