Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée conteste son renvoi en cours de stage, alléguant qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée - l’employeur a déclaré que le rendement et le comportement général de la fonctionnaire s’estimant lésée ne répondaient pas aux exigences du poste et il a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence d’un arbitre de grief pour trancher la question au motif que l’article211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<LRTFP>>) interdit le renvoi à l’arbitrage d’un grief visant à contester un licenciement en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la <<LEFP>>) - en outre, l’employeur a fait valoir que le grief n’était pas visé par l’article209 de la LRTFP et n’était donc pas arbitrable - la fonctionnaire s’estimant lésée a avancé que le renvoi en cours de stage devrait être invalidé, puisque l’employeur n’a pas respecté sa propre politique concernant les périodes de stage et n’a pas fourni un milieu de travail exempt de harcèlement - pendant l’audience, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé un ajournement afin que celle-ci puisse retenir les services d’un avocat - comme l’employeur avait déjà terminé sa preuve et qu’un ajournement aurait entraîné des dépenses et des retards superflus, l’arbitre de grief a rejeté la requête - le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée ait connu beaucoup de difficultés et de frustration dans la présentation de ses arguments ne justifie pas la suspension des règles - l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée avait bien commencé, mais au fur et à mesure que des tâches lui étaient confiées, elle avait de plus en plus de difficulté à s’en acquitter et elle refusait d’assumer la responsabilité de ses erreurs - elle a également commencé à avoir des problèmes avec ses collègues - l’employeur l’a rencontrée plusieurs fois et l’a avisée qu’elle pourrait être renvoyée en cours de stage - elle a reconnu que certaines préoccupations étaient légitimes, mais a attribué une grande partie de ses problèmes à un manque de formation - des collègues de la fonctionnaire s’estimant lésée l’ont accusé d’avoir dit qu’elle se procurerait une arme à feu et tirerait sur un superviseur; la fonctionnaire s’estimant lésée a nié avoir fait cette déclaration et a allégué qu’elle avait admis au cours de l’enquête avoir fait cette déclaration seulement parce qu’elle se sentait intimidée - l’arbitre de grief a conclu qu’il incombait à la fonctionnaire s’estimant lésée de démontrer que le licenciement constituait une invocation factice, un subterfuge ou un camouflage, ce qu’elle n’a pas fait - elle a été formée de la même façon que tous les autres nouveaux membres du personnel de bureau, et rien n’a démontré que la formation qu’elle a reçue était inférieure, inadéquate ou de mauvaise foi - la fonctionnaire s’estimant lésée était au courant des préoccupations de l’employeur au sujet de son rendement et savait qu’il était possible qu’elle soit renvoyée en cours de stage - l’employeur n’était pas lié par ses lignes directrices, et les exigences fondamentales de ces dernières avaient été satisfaites - les erreurs d’écriture ont de toute évidence été relevées dans le cadre d’une évaluation de l’aptitude à l’emploi; de toute façon, les préoccupations de l’employeur concernaient bien plus que des fautes de frappe et des erreurs d’écriture - l’employeur a démontré qu’il était très préoccupé par la capacité de la fonctionnaire s’estimant lésée à s’entendre avec les autres employés dans le lieu de travail - même dans les cas d’inconduite volontaire qui donneraient normalement lieu à la prise de mesures disciplinaires, l’employeur peut choisir de renvoyer l’employé en cours de stage si son inconduite soulève des préoccupations quant à son aptitude à l’emploi - en ce qui concerne la menace alléguée, l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas crédible, que son témoignage ne concordait pas avec certaines déclarations qu’elle avait faites précédemment, et que la preuve tendait à démontrer que cette déclaration n’avait pas été faite sous la contrainte - un employeur se doit de prendre les menaces de violence au sérieux - même s’il avait pu prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de la fonctionnaire s’estimant lésée pour ces menaces, il n’a pas agi de mauvaise foi en choisissant le renvoi en cours de stage - l’employeur a démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée éprouvait des problèmes en milieu de travail, plus précisément des problèmes de rendement et de comportement en général, et que ses problèmes avaient une incidence directe sur sa capacité à exercer ses fonctions à long terme, et la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas parvenue à démontrer que ces motifs constituaient une invocation factice, un subterfuge ou un camouflage dans le but d’éviter l’arbitrage ou qu’ils étaient de mauvaise foi - l’arbitre de grief n’a pas compétence pour trancher ce grief. Objection accueillie, dossier clos.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-07-21
  • Dossier:  566-02-8048
  • Référence:  2014 CRTFP 72

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JULIE RICARD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Ricard c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Paul Ricard et Wanda Hogan
Pour le défendeur:
Lesa Brown, avocate
Affaire entendue à Kingston (Ontario), du 19 au 21 novembre 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Julie Ricard, la fonctionnaire s'estimant lésée (la « fonctionnaire ») a été embauchée le 6 juin 2011 à titre de commis principal, Salle des comptoirs, à l'Agence des services frontaliers du Canada (l' « ASFC » ou l'« employeur »), dans la région du nord de l'Ontario, à Lansdowne. Elle était classifiée au groupe et niveau CR-04. Le 12 avril 2012, elle a été renvoyée en cours de stage, et son emploi a pris fin.

2 La fonctionnaire a déposé un grief le 14 mai 2012 contestant son licenciement survenu le 12 avril 2012. Ce grief se lit comme suit :

[Traduction]

Je soutiens que mon licenciement faisant suite à la lettre intitulée « Renvoi en cours de stage » datée du 12 avril 2012 constituait dans les faits une mesure disciplinaire excessive fondée sur une enquête d'établissement des faits viciée et incomplète pendant laquelle mes droits prévus par la Charte ont été violés par le représentant de l'employeur, soit le chef des opérations, M. Pergunas; que cette décision constituait dans les faits un congédiement abusif; que l'employeur n'a pas observé sa propre politique disciplinaire, ses propres politiques contre l'abus subi par la fonctionnaire, ses propres politiques assurant une culture d'intégrité et de professionnalisme, et n'a pas identifié et corrigé un climat de travail malsain dans lequel la fonctionnaire était contrainte de travailler; que le chef des opérations, Mark Pergunas, a manqué à ses obligations de fournir et de favoriser un milieu de travail exempt de harcèlement selon ce qui est exigé par la section K du Code de conduite et le Code d'éthique de la fonction publique du Canada; que le surintendant du représentant de l'employeur, J. Wylie, a manqué à ses obligations relativement à l'application du Plan d'action sur la gestion du rendement et que l'employeur n'a pas respecté les clauses 56(1) et (2) de la convention collective.

3 La fonctionnaire a demandé ce qui suit à titre de mesure corrective :

[Traduction]

Je demande d'être réintégrée dans mes fonctions d'adjointe administrative (CR-04). Je demande également de récupérer tout salaire perdu depuis mon congédiement. En outre, je demande d'être dédommagée pour le stress, la douleur et les souffrances qui m'ont été causés depuis mon congédiement et d'être indemnisée intégralement.

4 Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 29 novembre 2012. Il a été renvoyé à l'arbitrage le 30 janvier 2013. Le 13 février 2013, l'employeur a soulevé une objection quant à la compétence d'un arbitre de grief de la Commission des relations de travail de la fonction publique (la « CRTFP ») d'instruire le grief, au motif que l'article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), (la « LRTFP »)interdit le renvoi à l'arbitrage d'un grief à l'encontre d'un licenciement effectué en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (la « LEFP »), tel qu'un renvoi en cours de stage. L'employeur a en outre affirmé que le grief n'était pas visé par l'article 209 de la LRTFP et qu'il n'était donc pas arbitrable. L'employeur a demandé que le grief soit rejeté sans audience.

5 Le 9 août 2013, la fonctionnaire a fourni une réponse détaillée relativement à l'objection à la compétence d'un arbitre de grief. Elle a notamment allégué qu'elle n'avait pas reçu une formation adéquate et que la personne qui était responsable d'une grande partie de sa formation s'était retournée contre elle, ce qui a mené à un conflit au bureau qui n'a jamais été réglé de manière appropriée. Elle a déclaré n'avoir jamais reçu d'évaluation officielle de son travail. Elle a ajouté qu'elle avait été convoquée à une entrevue factuelle concernant des allégations selon lesquelles elle aurait menacé son superviseur, mais on ne lui a jamais accordé le droit à un avocat ou à la représentation syndicale. Elle a allégué qu'elle avait été licenciée en raison des allégations de menaces et non d'un mauvais rendement, et elle a soutenu que son licenciement constituait un congédiement abusif.

6 À mon avis, il importe de formuler quelques observations générales sur la tenue de l'arbitrage. À l'ouverture de l'audience tenue du 19 au 22 novembre 2013, la fonctionnaire était représentée par son mari. Toutefois, au cours de l'après-midi de la deuxième journée de l'audience, après la conclusion de la preuve de l'employeur et après le témoignage du premier témoin de la fonctionnaire, M. Paul Ricard m'a informé qu'il ne se sentait pas compétent pour continuer à représenter la fonctionnaire. Il a demandé l'ajournement de l'audience pour une durée indéterminée afin de permettre à la fonctionnaire d'obtenir les services d'un avocat.

7 Je n'ai pas accueilli la demande d'un tel ajournement. J'estime que la fonctionnaire aurait dû présenter une telle demande avant le début de l'audience et non une fois que l'employeur a conclu sa preuve. Un ajournement à mi-chemin de l'audience aurait occasionné un délai superflu et des frais pour les parties. Après avoir discuté de la question, la fonctionnaire a mentionné que Wanda Hogan, une amie qui a été présente tout au long de l'instance, assurerait désormais sa représentation.

8 J'ai expliqué à la fonctionnaire qu'elle ne serait pas autorisée à rappeler les témoins de l'employeur pour les contre-interroger parce qu'elle avait pleinement eu l'occasion de le faire. Je lui ai également expliqué qu'elle ne serait pas autorisée à présenter des éléments de preuve pour attaquer la crédibilité de ces témoins s'ils n'ont pas eu l'occasion d'en discuter pendant leur témoignage.

9 Bien qu'elle ait été guidée pendant le processus de l'audience, la fonctionnaire a éprouvé beaucoup de difficultés et de frustration en présentant sa preuve. Malgré le fait que les exceptions de l'employeur aient été limitées, et que la fonctionnaire a obtenu une certaine latitude pour présenter sa preuve comme elle le voulait, il a fallu lui expliquer à plusieurs reprises, ainsi qu'à ses représentants, que les règles de la preuve et de la procédure ne pouvaient être élargies au point de ne plus être appliquées.

10 Je soulève ces arguments parce que, selon moi, il importe de signaler que la fonctionnaire a décidé avant le début de son audience d'être représentée par une personne qui n'est spécialiste ni des relations de travail ni du droit. Les audiences d'arbitrage de grief devant la CRTFP sont de nature quasi judiciaire. Il n'est pas nécessaire d'être représentée par un avocat ou par un spécialiste des relations de travail. Cependant, il s'agit d'un processus de nature accusatoire, et les règles de preuve et de justice naturelle s'appliquent. Le choix de la fonctionnaire de ne pas être représentée par un avocat ne lui donnait pas le droit à la suspension de ces règles.

II. Résumé de la preuve

11 L'employeur a cité Mark Pergunas, Elizabeth Hall et Jeff Wylie à témoigner. Il a présenté 15 documents en preuve. La fonctionnaire a témoigné et a cité Marlene Maloney à témoigner. Elle a produit cinq documents en preuve.

12 À l'époque, M. Pergunas était le chef des opérations de l'ASFC pour la région du nord de l'Ontario au port de Lansdowne, un poste frontalier international au pont des Mille-Îles, en Ontario. Il a expliqué qu'à son entrée en fonction à titre de chef des opérations à Lansdowne, en mai 2011, deux postes de bureau classifiés CR-04 étaient libres; il a précisé qu'un processus de dotation avait déjà été lancé pour ces deux postes. Il avait déjà passé en revue la liste des candidats qualifiés avec le chef des opérations sortant et fait passer des entrevues. La fonctionnaire était l'une des deux candidates retenues pour combler les postes à pourvoir, et une lettre d'offre pour un poste d'une durée indéterminée classifié CR-04 lui a été envoyée le 6 juin 2011 (pièce E-1). D'après la lettre d'offre, la fonctionnaire était soumise à une période probatoire de un an ayant débuté le premier jour de sa nomination.

13 En contre-interrogatoire, M. Pergunas a expliqué que bien qu'il ait interviewé la fonctionnaire, il ne l'avait fait que pour confirmer les compétences de cette dernière. Il avait l'impression qu'il n'avait pas à mener une entrevue complète parce que la fonctionnaire figurait sur une liste de candidats préqualifiés. Après l'avoir rencontrée, il a conclu qu'elle serait une bonne candidate pour le poste; par conséquent, le poste lui a été offert.

14 La fonctionnaire a expliqué qu'environ trois ans avant d'être nommée à ce poste, elle avait postulé à un concours pour un poste d'adjointe administrative. Elle a rédigé un examen et a été jugée compétente; par conséquent, elle a été placée dans le bassin des candidats qualifiés. Elle a déclaré que lorsque M. Pergunas l'avait appelée au sujet du poste, elle était inscrite à un cours au Collège St. Lawrence; elle a dû choisir entre poursuivre le cours ou accepter l'emploi. Elle a dit avoir eu certaines réserves parce que l'entrevue avec M. Pergunas n'était pas formelle. Elle voulait être certaine qu'il l'estimait qualifiée. Selon elle, ils ont discuté brièvement de ses qualifications pour le poste et des fonctions rattachées au poste. Elle a ajouté qu'il l'avait rassurée quant à sa satisfaction à l'égard de ses compétences.

15 M. Pergunas a dit qu'il avait reconnu que la fonctionnaire aurait besoin d'une formation pour le poste; il a donc mis en place certaines initiatives pour l'aider. Plus particulièrement, il a chargé M. Wylie de superviser sa formation. En contre-interrogatoire, il a admis ne pas avoir personnellement élaboré un plan de formation à l'intention de la fonctionnaire. En outre, il ne se souvenait pas s'il avait affecté M. Wylie ou quelqu'un d'autre à la supervision de la formation de la fonctionnaire lorsque celle-ci est entrée en fonctions.

16 M. Wylie était surintendant administratif au port de Lansdowne à l'époque. Il était alors chargé de l'horaire, de la gestion des congés et de la coordination et de l'administration de la formation. La fonctionnaire relevait directement de lui, et son pupitre se trouvait à l'extérieur de son bureau dans l'aire de travail appelée [traduction] « salle des comptoirs ».

17 M. Wylie a identifié la description de travail d'adjoint de bureau, un poste classifié CR-04, qui se serait appliquée à la fonctionnaire (pièce E-10). La fonctionnaire a présenté une copie de la même description de travail, qu'elle a signée le 27 octobre 2011 (pièce G-5). M. Wylie a expliqué que les fonctions principales de la fonctionnaire consistaient à commander des uniformes et des fournitures, à tenir à jour les dossiers de saisies, à tenir des dossiers portant sur les éléments de preuve recueillis par les agents des services frontaliers lors de saisies, à recueillir des données statistiques et à les transcrire dans le registre « G11 », puis à les envoyer à l'administration régionale, et à recueillir et saisir des données sur le dénombrement des armes.

18 Traditionnellement, l'adjoint de bureau au poste de la fonctionnaire procédait également à la saisie de données des feuilles de temps et exerçait des fonctions liées à la collecte de données sur l'armement des agents des services frontaliers. Cependant, M. Wylie a déclaré que pendant la majeure partie de son mandat dans ce poste, la fonctionnaire n'a pas accompli ces tâches. M. Wylie a expliqué que lorsque la fonctionnaire est entrée en fonction, il ne voulait pas la surcharger; par conséquent, ce ne sont pas toutes les fonctions du poste qui lui ont été confiées dès le départ. En contre-interrogatoire, il a expliqué qu'il entendait lui attribuer de nouvelles tâches, comme la responsabilité des feuilles de temps, dès qu'elle y aurait été formée.

19 MM. Pergunas et Wylie ont affirmé qu'en règle générale, tous les autres employés de la salle des comptoirs contribuaient à la formation des nouveaux employés, sous la supervision du surintendant. Mme Maloney, qui était également commis à la salle des comptoirs à l'époque, a confirmé que lorsqu'elle est entrée en fonctions à la salle des comptoirs, elle a suivi une formation en cours d'emploi sans toutefois qu'il s'agisse d'une formation officielle. Selon son expérience, Mme Maloney a témoigné que de nombreuses personnes pouvaient l'aider si elle le demandait. M. Wylie a expliqué que comme le poste comportait des éléments variés, différents employés avaient les compétences nécessaires pour contribuer à la formation du nouveau personnel. Il a également expliqué que la responsabilité de la formation initiale de la fonctionnaire se serait située au niveau du district et qu'il assumait la responsabilité spécifique de la formation en cours d'emploi seulement à la suite de sa formation initiale.

20 Selon M. Wylie, la fonctionnaire avait pris place dans un poste vacant qui avait déjà été occupé par Michelle Liddy-Brooks, laquelle ne travaillait plus sur place. Des dispositions ont été prises afin que Mme Liddy-Brooks revienne à la salle des comptoirs pour aider la fonctionnaire lorsque celle-ci est entrée en fonctions, mais ces dispositions ont été abandonnées en raison de circonstances imprévues. Comme Mme Liddy-Brooks n'était pas disponible pour donner de la formation en cours d'emploi quand la fonctionnaire a débuté, M. Wylie a expliqué qu'Hilda Laroque et Mme Hall lui avaient donné une formation individualisée. Elles possédaient toutes deux de l'expérience dans différentes facettes de l'emploi. Une personne spécialisée en technologie de l'information (TI) était également disponible pour aider la fonctionnaire au cas où elle aurait des problèmes d'informatique.

21 En contre-interrogatoire, M. Wylie a déclaré qu'il avait été formé pour être formateur. Il a reconnu qu'il n'avait pas élaboré au départ un plan de formation pour la fonctionnaire et qu'il ne lui avait pas affecté un formateur en particulier pour l'aider, mais qu'il avait plutôt demandé à divers employés de l'aider, selon la tâche. Il ne savait pas si les employés affectés au soutien de la fonctionnaire, comme Mme Laroque, étaient formés pour être formateurs.

22 À l'époque, Mme Hall travaillait à la Division des renseignements de l'ASFC comme adjointe administrative. Elle occupait alors un poste à contrat. Toutefois, entre 1989 et 2007, elle a travaillé au port de Lansdowne comme adjointe administrative du chef des opérations; elle s'occupait de la paie et des ressources humaines. Mme Hall a commencé à travailler à la Division des renseignements en juin 2011. Presque aussitôt, on lui a demandé de retourner à Lansdowne quelques heures par semaine pour contribuer à la formation de la fonctionnaire et de Maureen Mangan, qui a obtenu le deuxième poste d'adjointe de bureau quelques semaines après la nomination de la fonctionnaire.

23 Mme Hall a déclaré que même si elle n'avait jamais occupé le poste de la fonctionnaire, elle avait fait une partie du travail. Pour l'essentiel, elle s'est concentrée à tenter d'amener la fonctionnaire à obtenir sa certification pour les Systèmes administratifs d'entreprise (les « SAE »), dont la fonctionnaire avait besoin pour accomplir certaines fonctions de son travail. De la fin de juin à septembre 2011, elle aidait la fonctionnaire dès qu'elle avait du temps libre. Elle a expliqué qu'au cours de l'été 2011, elle n'avait pas beaucoup de temps pour la fonctionnaire parce qu'elle avait commencé un nouvel emploi. En outre, les SAE éprouvaient des problèmes, ce qui rendait l'apprentissage de certaines fonctions de son poste difficile pour la fonctionnaire. Toutefois, à la fin d'octobre 2011, les problèmes en question étaient réglés. En contre-interrogatoire, Mme Hall a reconnu que ces problèmes étaient tellement frustrants pour la fonctionnaire et elle-même qu'elle a envoyé une note de service à l'administrateur de système, qui a admis l'existence d'un problème avec le système.

24 Entre octobre et novembre 2011, Mme Hall a consacré entre deux à trois semaines à la fonctionnaire pour l'aider à se familiariser avec les modules dont elle avait besoin pour s'acquitter de ses tâches. Mme Hall a témoigné qu'à la fin d'octobre 2011, elle croyait que la fonctionnaire s'était suffisamment familiarisée avec les SAE pour accomplir les tâches qui s'y rapportent.

25 La fonctionnaire a déclaré que lorsqu'elle est entrée en fonction, les autres adjoints de bureau de la salle des comptoirs l'avaient beaucoup aidé. Lors de sa première journée, ils lui ont fait visiter les lieux, l'ont présentée aux autres membres du personnel et lui ont montré le cartable que l'adjointe de bureau précédente avait laissé pour l'aider à se familiariser avec les fonctions du poste. Mme Laroque a été très utile et lui a expliqué ce qu'elle ferait. Comme elle n'avait pas accès à un ordinateur lors des trois premières semaines suivant son entrée en fonction, la majeure partie des propos de Mme Laroque étaient théoriques, et elle a consacré beaucoup de son temps à réorganiser ses fichiers, livres et cartables.

26 Quand la fonctionnaire a eu accès à un ordinateur, elle a entrepris sa formation sur les SAE. Elle a expliqué que les SAE étaient un programme informatique basé sur DOS dont elle avait besoin dans le cadre de son travail pour commander des uniformes, des fournitures ou des formulaires qui étaient protégés, entre autres choses. Le programme SAE comporte plusieurs modules ou pages. Chaque module comporte une fonction spécifique. Lorsqu'elle complétait la formation relative à un module avec succès, elle obtenait sa certification et l'accès au module en question.

27 La formation sur les SAE était suivie en ligne. La fonctionnaire a déclaré qu'elle avait suivi la formation à deux reprises parce qu'elle était complexe. Mme Hall collaborait avec elle et Mme Mangan dans le cadre de la formation SAE. Le fonctionnaire et Mme Mangan ont également suivi deux jours de formation sur la façon de commander des uniformes à l'aide des SAE avec Mme Liddy-Brooks à Prescott, en Ontario. En raison des problèmes qu'elle a eus avec les SAE, elle n'a pas eu pleinement accès au système avant octobre 2011. Toutefois, elle a reconnu en contre-interrogatoire qu'elle avait eu accès aux modules de base des SAE en juillet 2011.

28 Jusqu'à la fin août 2011, Mme Laroque travaillait avec la fonctionnaire pour l'aider à se familiariser avec les fonctions du poste, et la fonctionnaire croyait que leur relation de travail était positive. Toutefois, la fonctionnaire a témoigné qu'à la fin d'août, la relation avait changé. Elle a expliqué que Mme Laroque l'avait invitée avec Mme Mangan chez elle pour souper, mais leur a demandé de ne pas parler de l'invitation aux autres adjoints de bureau de la salle des comptoirs. Mme Mangan a refusé l'invitation sur-le-champ, mais la fonctionnaire ne voulait pas décevoir Mme Laroque; malgré le malaise que lui causait l'invitation, elle a attendu quelques jours, puis a refusé l'invitation. La fonctionnaire a témoigné que le comportement de Mme Laroque à son égard avait changé après cet incident et qu'elle ne répondait plus aux questions de la fonctionnaire et ne l'aidait plus.

29 La fonctionnaire a témoigné qu'à un moment donné en août 2011, Mme Laroque s'est également mise en colère au sujet d'un rapport statistique que la fonctionnaire devait préparer. La fonctionnaire n'avait pu trouver le bon formulaire pour le rapport et avait adapté un autre formulaire. La fonctionnaire a déclaré que Mme Laroque n'était pas satisfaite du formulaire qu'elle avait utilisé et avait exigé que la fonctionnaire trouve le bon document. Après cet incident, Mme Laroque a refusé de travailler avec elle ou de l'aider et s'est plainte que la fonctionnaire avait élevé le ton à son endroit. La fonctionnaire a déclaré que, dans les faits, c'est Mme Laroque qui avait monté le ton.

30 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a reconnu que Mmes Hall et Liddy-Brooks travaillaient avec elle; elles lui ont donné de la formation en cours d'emploi et lui ont apporté de l'aide. Elle a déclaré que sa relation avec Mme Liddy-Brooks était bonne et que cette dernière l'aidait beaucoup. En réponse à l'une de mes questions, la fonctionnaire a dit que Mme Mangan, qui était entrée en fonctions trois semaines après elle, avait reçu une formation similaire à la sienne.

31 M. Wylie a déclaré que selon ses observations de l'été 2011, la fonctionnaire semblait connaître un bon départ à son travail. Les membres du personnel étaient généralement heureux de son efficacité à commander des uniformes, et elle semblait heureuse et agréable. Toutefois, au fur et à mesure que de nouvelles fonctions lui étaient attribuées, il est devenu apparent qu'elle éprouvait davantage de difficultés à exercer ses fonctions, et elle a commencé à blâmer autrui pour les erreurs qu'elle commettait. Elle a alors commencé à avoir des problèmes avec ses collègues.

32 En octobre 2011, M. Wylie a préparé l'évaluation du rendement de la fonctionnaire (pièce E-11). Il a déclaré l'avoir fait parce qu'il lui apparaissait de façon évidente qu'elle éprouvait de la difficulté à exercer ses fonctions. En outre, il voulait s'assurer qu'elle connaissait ses attentes. À la page 6 de l'évaluation du rendement, il a indiqué les fonctions spécifiques attribuées à la fonctionnaire. Il a expliqué qu'il avait énoncé des fonctions spécifiques afin de la guider, qu'il lui avait personnellement remis le document et qu'il lui avait fourni l'occasion de le passer en revue avant qu'elle y appose sa signature.

33 En contre-interrogatoire, M. Wylie a reconnu un échange de courriels qu'il a eu avec M. Pergunas au sujet du rendement de la fonctionnaire (pièce G-1). Il a convenu que le 3 octobre 2011, il estimait que la fonctionnaire semblait apprendre son travail.

34 M. Pergunas a déclaré qu'il était demeuré en contact avec M. Wylie. Au fur et à mesure que l'été avançait, il a commencé à entendre des préoccupations au sujet des interactions de la fonctionnaire avec les autres membres du personnel, de son rythme d'apprentissage des nouvelles tâches et des difficultés qu'elle éprouvait avec certaines tâches.

35 Le 28 novembre 2011, M. Pergunas a résumé dans un courriel adressé à M. Wylie (pièce E-2) certaines de ses réserves concernant le rendement de la fonctionnaire et son aptitude à occuper le poste. Il a expliqué qu'il voulait s'assurer que M. Wylie connaissait l'étendue des préoccupations et qu'il s'en occuperait. La liste des problèmes relevés découlait d'un certain nombre de discussions qu'il a eues avec M. Wylie et d'autres surintendants à Lansdowne et constituait une tentative de résumer toutes les préoccupations formulées à l'égard de la fonctionnaire.

36 M. Pergunas a déclaré avoir donné des instructions générales à M. Wylie dans le courriel du 28 novembre 2011. Il a expliqué qu'il ne voulait pas donner d'instructions plus précises parce qu'à son avis, il serait prématuré de tirer des conclusions spécifiques; en outre, il n'était pas certain que des éléments qu'il avait jugé problématiques étaient valides dans les faits. Toutefois, il estimait qu'il importait de s'assurer que M. Wylie connaissait tout l'éventail des problèmes ayant été cernés. Il a demandé à M. Wylie de confirmer qu'il se pencherait sur les problèmes relevés et de lui fournir une autre évaluation d'ici la mi-décembre 2011.

37 Bien que M. Wylie ait confirmé à M. Pergunas qu'il se pencherait sur les problèmes soulevés dans le courriel du 28 novembre 2011, dans les faits, il n'a fait part d'aucun commentaire à M. Pergunas avant janvier 2012. M. Pergunas lui a dit qu'il voulait recevoir une évaluation adéquate des problèmes auxquels la fonctionnaire faisait face et, lorsqu'il a reçu le courriel, il a passé en revue la liste des préoccupations pour s'assurer de son exactitude. Il ne croyait pas que le dernier élément de la liste était source de préoccupation; il a donc corrigé la liste avec M. Pergunas. Outre cet élément, M. Wylie croyait que la liste reflétait avec exactitude les problèmes de la fonctionnaire.

38 M. Pergunas a témoigné que bien que M. Wylie lui ait dit que la fonctionnaire semblait avoir réalisé des progrès dans certains domaines, comme les commandes d'uniformes, il ne constatait pas le niveau d'amélioration qu'il jugeait approprié compte tenu de la formation donnée. Bien que les rapports de la fonctionnaire avec les autres membres du personnel se soient quelque peu améliorés, elle éprouvait encore de la frustration qui se transformait parfois en colère, et elle semblait peu désireuse d'accepter la responsabilité de ses problèmes de rendement.

39 En contre-interrogatoire, M. Pergunas a déclaré qu'il n'avait ni la responsabilité ni le contrôle du plan de rendement de la fonctionnaire, même s'il se souvenait de certains aspects de celui-ci. Il a déclaré que ce plan exigeait qu'elle s'entende bien avec ses collègues et qu'elle effectue certaines tâches. Il a mentionné qu'il n'avait pas de rapport hiérarchique direct au quotidien avec la fonctionnaire. Il recevait des mises à jour orales sur son rendement et M. Wylie lui faisait aussi des mises à jour.

40 Le 11 janvier 2012, M. Wylie a rencontré la fonctionnaire et sa représentante syndicale pour discuter de ses problèmes de rendement. Les notes de la réunion de M. Wylie ont été présentées en preuve (pièce E-12). Il a dit qu'il désirait expliquer à la fonctionnaire les problèmes qui avaient été relevés et indiquer les améliorations qui devaient être apportées. Il l'a informée que le renvoi en cours de stage était possible si elle n'apportait aucune amélioration importante. En plus de la rencontre, il a remis à la fonctionnaire une évaluation du rendement écrite, déposée à titre de pièce E-13. Il a dit que lorsqu'il a rédigé ce document, il avait tenté de formuler des observations positives, parce qu'il ne voulait pas être toujours négatif.

41 À la réunion, M. Wylie a identifié des sources de préoccupation relativement au rendement de la fonctionnaire : la saisie de données statistiques dans le registre G11, la capacité de la fonctionnaire de suivre des instructions, sa façon de remplir les formulaires, ses interactions avec ses collègues et l'acceptation de sa responsabilité. Il a déclaré que les problèmes liés à la collecte de données statistiques portaient sur l'exactitude des données inscrites. Certaines statistiques n'étaient pas entrées correctement et il en manquait d'autres. Il a expliqué qu'il s'agissait d'un problème récurrent qui le préoccupait particulièrement parce qu'il devait corriger le travail que la fonctionnaire n'effectuait pas correctement.

42 De plus, la fonctionnaire ne se conformait pas aux instructions. Par exemple, M. Wylie a déclaré que M. Pergunas lui avait donné instruction de commander un uniforme de maternité. Elle ne l'a pas fait. Elle a plutôt envoyé l'hyperlien à M. Pergunas afin qu'il puisse commander l'uniforme lui-même. M. Wylie a déclaré que la fonctionnaire aurait dû savoir comment le faire elle-même, mais qu'elle ne l'avait pas fait.

43 En ce qui concerne les interactions de la fonctionnaire avec ses collègues de travail, M. Wylie a déclaré qu'il avait reçu une plainte d'un technicien en informatique travaillant avec la fonctionnaire. Selon ce qui a été dit à M. Wylie, la fonctionnaire avait accusé le technicien en informatique de retirer de son ordinateur quelque chose dont elle avait besoin pour son travail. Lors d'une réunion tenue pour discuter de la question, le technicien en informatique s'est dit préoccupé par le fait que la fonctionnaire s'était faite accompagner du président du syndicat local pour l'aider. Le technicien en informatique croyait qu'il s'agissait d'une escalade inutile portant sur un problème relativement mineur.

44 M. Wylie était également inquiet des rapports de la fonctionnaire avec Mme Laroque, qui l'avait formée. Il a expliqué que Mme Laroque s'était plainte à lui et refusait de travailler avec la fonctionnaire. De fait, elle lui a dit qu'elle était frustrée au point de ne plus vouloir se présenter au travail.

45 M. Wylie a expliqué que le défaut de la fonctionnaire d'accepter la responsabilité de ses gestes constituait un problème récurrent qu'il avait soulevé lors de sa rencontre avec elle et son représentant syndical. Il a dit que lorsque la fonctionnaire était confrontée à des problèmes, elle blâmait toujours quelqu'un d'autre. Par exemple, il a déclaré que lorsque Mme Hall avait tenté d'aider la fonctionnaire avec les SAE, la fonctionnaire la contredisait au lieu de suivre ses conseils.

46 Dans le cadre de son plan visant à aider la fonctionnaire, M. Wylie a témoigné qu'il entendait jouer un rôle plus actif dans la surveillance du travail de la fonctionnaire. Par conséquent, dans l'évaluation du rendement du 11 janvier 2012, M. Wylie a donc fait mention de son intention d'effectuer une surveillance hebdomadaire de son travail. En contre-interrogatoire, il a expliqué qu'en utilisant le mot « surveillance », il voulait dire donner des instructions et des précisions et rencontrer la fonctionnaire. Il ne se souvenait toutefois pas d'avoir précisé à quelle fréquence il entendait la rencontrer. Il a déclaré avoir rencontré la fonctionnaire fréquemment, mais que les réunions n'avaient pas toutes été documentées.

47 En contre-interrogatoire, M. Wylie a reconnu que la fonctionnaire n'avait pas reçu de plan formel d'amélioration de son rendement par écrit. Toutefois, il a déclaré qu'elle avait reçu des instructions claires et sans équivoques et qu'elle connaissait bien les attentes à son égard.

48 Le 27 janvier 2012, M. Wylie a rencontré de nouveau la fonctionnaire et son représentant syndical pour leur donner de la rétroaction sur son rendement. Les notes de cette réunion ont été déposées en preuve à titre de pièce E-14. Lors de cette rencontre, ils ont de nouveau discuté des problèmes au niveau de la collecte de données pour le registre G11 et des préoccupations quant au défaut de la fonctionnaire d'assumer la responsabilité de ses gestes. En contre-interrogatoire, M. Wylie a déclaré que lorsqu'il a appris qu'elle n'avait pas commis toutes les erreurs dans le G11 qu'il lui avait attribué au départ, il a rédigé une note au bas de la page (pièce E-14) reconnaissant ce fait. Toutefois, elle a continué à faire des erreurs dans le registre G11. Par exemple, M. Wylie a constaté qu'elle avait inscrit 25 000 dans la colonne de la circulation piétonnière, ce qui était manifestement erroné. Cette erreur ne pouvait être attribuée qu'à la fonctionnaire.

49 Le 29 mars 2012, M. Wylie a rencontré la fonctionnaire et son représentant syndical au sujet de son rendement au travail. Les notes de cette réunion ont été déposées en preuve à titre de pièce E-15. M. Wylie a témoigné que lors d'une rencontre antérieure, il avait demandé à la fonctionnaire de dresser une liste des fonctions de son poste et d'indiquer le temps consacré à chacune de ses fonctions afin qu'il puisse évaluer adéquatement sa charge de travail et déterminer le soutien requis. Toutefois, malgré ses instructions, la fonctionnaire n'a pas dressé la liste.

50 À cette réunion, M. Wylie a dit à la fonctionnaire qu'elle serait responsable d'assurer le suivi des munitions et des armes en inscrivant les données dans les SAE. De plus, il lui a dit qu'elle serait responsable de la saisie des données des feuilles de temps. M. Wylie a témoigné que le commis qui occupait le poste de la fonctionnaire accomplissait généralement ces fonctions, mais qu'elles avaient été attribuées à d'autres commis pendant que la fonctionnaire se familiarisait avec son travail. Il avait l'intention de retourner ces fonctions à la fonctionnaire. Il a déclaré qu'il avait parlé à Mme Hall au sujet de donner une formation à la fonctionnaire sur l'exécution des fonctions en question.

51 M. Wylie a également affirmé qu'à la réunion du 29 mars, il avait soulevé à la fonctionnaire certains problèmes de rendement, dont le défaut de corriger un problème concernant l'établissement d'un numéro d'identification du client malgré le fait qu'elle ait reçu de nombreux courriels à ce sujet, la divulgation accidentelle de renseignements personnels sur les employés à un grand nombre de membres du personnel et les problèmes quant à sa responsabilité de procéder à la saisie de données sur les comptes de carte de crédit.

52 La fonctionnaire a déclaré n'avoir jamais été assujettie à un plan d'amélioration du rendement. Elle ne reconnaissait pas la Procédure d'évaluation de la période probatoire (pièce G-2) et a affirmé que ce document n'avait pas été utilisé pour évaluer son rendement. Selon elle, elle n'a pas reçu de description de travail valide lorsqu'elle est entrée en fonctions comme commis principal de la salle des comptoirs et n'a pas rencontré tout de suite son superviseur immédiat. Elle a ajouté que son superviseur avait exposé les attentes et les objectifs de rendement pour la première fois en octobre 2011, soit près de cinq mois après son entrée en fonctions. Elle a déclaré qu'elle ne rencontrait pas son superviseur tous les mois et qu'aucun plan d'action n'avait été dressé à son intention.

53 La fonctionnaire a déclaré que lorsqu'elle a rencontré M. Wylie en octobre 2011, il ne lui a pas parlé de problèmes de rendement ni n'a proposé un plan d'amélioration du rendement. Elle a ajouté qu'elle ne pouvait comprendre pourquoi M. Pergunas s'inquiétait de son rendement au point de vouloir la surveiller. Selon elle, ce n'est qu'en janvier 2012 qu'elle a appris pour la première fois les inquiétudes de son employeur au sujet de son rendement.

54 La fonctionnaire a déclaré ne pas être certaine que toutes ses réunions avec M. Wylie au sujet de son rendement avaient été documentées. Néanmoins, après le 11 janvier 2012, il ne lui a donné aucune indication voulant que son emploi soit en péril. Elle a affirmé qu'elle était abasourdie de recevoir une évaluation négative à la réunion du 11 janvier 2012, parce qu'elle croyait faire du bon travail. Selon elle, à la fin de janvier 2012, son rendement s'était amélioré.

55 Toutefois, en réponse à une question que j'avais posée pour éclaircir un point, la fonctionnaire a reconnu qu'elle savait que son rendement était source de préoccupation six mois après son entrée en fonctions. Elle a également admis qu'une partie des préoccupations étaient légitimes, mais pas toutes, et que ses problèmes découlaient d'un manque de formation. Elle a également reconnu qu'elle était bien au courant que son poste était menacé.

56 La fonctionnaire a déclaré qu'à sa connaissance, elle n'avait pas de problèmes à s'entendre avec qui que ce soit, sauf avec Mme Laroque. Elle a témoigné qu'elle travaillait bien avec Mmes Mangan et Hall. Cette dernière a affirmé que sa relation de travail avec la fonctionnaire était bonne et qu'elle n'avait pas eu d'échanges acrimonieux avec la fonctionnaire. Elle a dit ne pas avoir été témoin d'animosité à l'égard de la fonctionnaire et que l'ambiance dans la salle des comptoirs lui semblait saine lorsqu'elle y travaillait.

57 Toutefois, Mme Maloney a déclaré que l'ambiance dans la salle des comptoirs était très mauvaise lorsque la fonctionnaire a commencé à y travailler et, qu'à son avis, la fonctionnaire était traitée sans égards. Elle a témoigné que la fonctionnaire était ignorée et que personne ne l'aidait. Malgré cette situation, Mme Maloney a déclaré que la fonctionnaire demeurait positive et agréable. En contre-interrogatoire, Mme Maloney a reconnu qu'elle avait déposé une plainte de harcèlement qui avait été rejetée.

58 En contre-interrogatoire, M. Pergunas s'est également fait interroger au sujet d'incidents de harcèlement et d'intimidation à la salle des comptoirs. Il a reconnu que les interactions entre les commis à la salle des comptoirs étaient sources de préoccupations à l'été 2011. Il a déclaré que les surintendants avaient été chargés de surveiller la situation et de veiller à ce que les problèmes soient réglés. Certains des incidents qui ont été portés à son attention impliquaient la fonctionnaire, mais elle n'était pas la seule personne en cause.

59 Le vendredi 30 mars 2012, Mmes Hall et Mangan travaillaient sur les feuilles de temps de fin d'année dans le bureau de Mme Mangan. Mme Hall a déclaré qu'elles devaient procéder à la saisie de toutes les données dans le système avant la fin de la journée parce que c'était la fin de l'exercice et qu'elles étaient par conséquent très occupées. Vers 14 h 30, la fonctionnaire s'est présentée au bureau et a dit qu'on lui avait mentionné qu'elle devrait suivre une formation sur la saisie de données dans les feuilles de temps parce qu'elle serait responsable de cette fonction à l'avenir. Mme Hall a déclaré avoir dit à la fonctionnaire qu'elle ne pouvait pas l'aider ce jour-là, mais qu'elle la formerait la semaine suivante. Mme Hall a demandé à la fonctionnaire de quitter parce qu'elle et Mme Mangan étaient très occupées.

60 Mme Hall a déclaré que la fonctionnaire n'avait pas quitté les lieux lorsqu'elle le lui a demandé. La fonctionnaire s'est plutôt plainte que M. Wylie lui avait demandé d'assumer la responsabilité des feuilles de temps et de ne plus poser de questions. Mme Hall a laissé entendre que la fonctionnaire avait mal compris M. Wylie et a déclaré que la fonctionnaire pouvait toujours poser des questions.

61 Mme Hall a déclaré que la fonctionnaire était demeurée debout dans le bureau pendant quelques instants. Puis la fonctionnaire a dit : [traduction] « Je vais aller chercher une arme et je vais tirer sur lui. Je vais tuer ce salaud. » Mme Hall a compris que la fonctionnaire parlait de M. Wylie parce qu'elle venait tout juste de parler de lui. Au dire de Mme Hall, la fonctionnaire a ensuite commencé à marmonner quelque chose qu'elle ne pouvait entendre clairement, puis a quitté.

62 Mme Hall a dit qu'elle était troublée par la déclaration de la fonctionnaire, mais qu'elle et Mme Mangan n'en avaient pas discuté avant la fin de la journée, pendant leur trajet ensemble vers leur domicile. Elles avaient toutes deux entendu clairement la fonctionnaire et ne croyaient pas qu'il s'agissait d'une blague, mais elles ne savaient pas quoi faire. Après avoir réfléchi à la question, elles ont décidé de parler à M. Pergunas la semaine suivante. Mme Hall a déclaré qu'elles croyaient que la fonctionnaire réagissait au stress de devoir assumer la tâche de la saisie des données pour les feuilles de temps. Elle a ajouté qu'elle et Mme Mangan avaient décidé de parler à M. Pergunas à propos de la possibilité de confier les feuilles de temps à quelqu'un d'autre.

63 Le 4 avril 2012, Mmes Hall et Mangan ont parlé à M. Pergunas. Mme Hall a dit qu'il leur avait demandé de remplir des rapports d'incident de sécurité, qui ont été déposés en preuve comme pièces E-8 et E-9. Mme Hall a déclaré que Mme Mangan et elle-même avaient dressé des rapports distincts et préparé un rapport commun.

64 En contre-interrogatoire, Mme Hall a confirmé qu'elle croyait que la menace visait M. Wylie et qu'il ne s'agissait pas d'une blague. Quand elle s'est fait demander pourquoi elle avait attendu si longtemps pour le signaler si elle pensait que la menace était sérieuse, Mme Hall a expliqué que Mme Mangan et elle-même se sont interrogées sérieusement sur ce qu'elles feraient. Elles ignoraient si la fonctionnaire donnerait suite à la menace et ne voulaient pas la mettre dans l'eau chaude. Mme Hall a dit qu'elle ne connaissait pas la fonctionnaire tellement bien, mais qu'elle ne lui avait jamais semblée agressive.

65 M. Pergunas a déclaré qu'après avoir eu le rapport d'incident de Mmes Hall et Mangan, il a demandé à ces dernières de remplir des rapports d'incident de sécurité. Il a ensuite appelé M. Wylie pour l'informer de l'incident. Bien que M. Wylie fût préoccupé par la menace, il a dit à M. Pergunas que selon lui, la fonctionnaire n'y donnerait pas suite. Il s'inquiétait davantage de Mmes Hall et Mangan, parce qu'elles devaient travailler avec la fonctionnaire. Il s'inquiétait de la façon dont la fonctionnaire réagirait à leur égard après avoir appris qu'elles avaient avisé M. Pergunas de la menace qu'elle avait proférée. M. Pergunas a également déclaré que M. Wylie avait dit qu'il ne voulait pas travailler auprès d'une personne qui proférait des menaces aussi outrageantes.

66 Après sa discussion avec M. Wylie, M. Pergunas a communiqué avec la section des ressources humaines (RH) et le directeur de district pour obtenir des conseils sur la ligne de conduite à venir. Il a ensuite dressé un rapport exposant le plan d'action qu'il avait élaboré (pièce E-3). D'après le plan d'action, M. Pergunas devait tenir une entrevue factuelle avec la fonctionnaire. La fonctionnaire avait le droit de se faire accompagner d'un représentant syndical à titre de témoin. Après l'entrevue factuelle, il était prévu que M. Pergunas formulerait les recommandations appropriées au directeur de district, qui pourraient comprendre une recommandation de renvoi en cours de stage. M. Pergunas a déclaré que son plan d'action avait été approuvé.

67 L'entrevue factuelle a eu lieu le 5 avril 2012. Les notes de M. Pergunas sur cette entrevue ont été déposées en preuve (pièce E-4). Il a déclaré que deux représentants syndicaux accompagnaient la fonctionnaire. Après avoir lu les rapports d'incident de sécurité dressés par Mmes Hall et Mangan à la fonctionnaire et ses représentants, les représentants syndicaux ont demandé que l'entrevue factuelle soit suspendue parce qu'ils craignaient la possibilité d'accusations au criminel. Ils voulaient que la fonctionnaire ait la possibilité de retenir les services d'un avocat. M. Pergunas a déclaré qu'il n'était pas certain que la fonctionnaire avait le droit d'être représentée par un avocat dans le cadre d'une entrevue factuelle. Il a donc ajourné brièvement l'entrevue pour demander conseil aux RH.

68 M. Pergunas a dit que les RH l'avaient informé que la fonctionnaire n'avait pas droit à un avocat dans le cadre d'une entrevue factuelle. Il a transmis ce renseignement à la fonctionnaire et à ses représentants. Il a dit aux représentants syndicaux qu'il leur permettrait de prendre part à l'entrevue et qu'il leur accorderait une certaine latitude. Il a également dit à la fonctionnaire qu'il ne pouvait la contraindre à répondre aux questions, mais que ses recommandations faisant suite à l'entrevue seraient fondées sur les renseignements recueillis.

69 M. Pergunas a déclaré que lorsque la fonctionnaire a été interrogée pour la première fois au sujet des menaces qu'elle aurait proférées, cette dernière a mentionné qu'elle ne se souvenait pas de ce qu'elle avait dit exactement. Elle se rappelait de sa frustration quant aux instructions que M. Wylie à son égard et elle a déclaré qu'elle avait l'impression qu'il ne l'appuyait pas. Elle a dit à M. Pergunas que si elle avait effectivement fait une telle déclaration, ce n'était qu'une blague, et qu'elle ne l'avait fait que parce qu'elle était frustrée. M. Pergunas a dit que les déclarations de la fonctionnaire lui semblaient contradictoires et qu'il lui apparaissait qu'elle tentait de se justifier pour les propos qu'elle avait tenus. Il a ajouté que, alors que l'entrevue progressait, la fonctionnaire avait affirmé que si Mmes Hall et Mangan ont dit qu'elle avait fait cette déclaration, alors elle l'avait fait, mais qu'elle ne l'avait pas fait sérieusement. À un autre moment de l'entrevue, elle a dit qu'elle était frustrée par le processus d'amélioration du rendement et que si elle a proféré la menace alléguée, ce n'était qu'en raison du stress subi.

70 Après l'entrevue factuelle, M. Pergunas a rédigé ses notes, puis les a passées en revue avec le directeur de district et les RH. Même s'il n'était pas certain de la date, il a également préparé une recommandation voulant que la fonctionnaire soit renvoyée en cours de stage (pièce E-6). Il a ensuite transmis cette recommandation aux RH. Le 12 avril 2012, le directeur général régional a fait parvenir une lettre à la fonctionnaire l'informant qu'elle était renvoyée en cours de stage (pièce E-7). M. Pergunas a déclaré que la lettre était conforme à sa recommandation.

71 M. Pergunas a déclaré qu'après l'entrevue factuelle, il a passé en revue la Politique sur la prévention de la violence en milieu de travail (pièce E-5). Il a dit qu'il commençait à être préoccupé du fait qu'il ne s'était pas acquitté de toutes ses responsabilités aux termes de cette politique. En outre, aux termes du manuel Fonction de contrôleur (pièce G-3), il était tenu de rapporter une menace ou une allégation de menace à la police. Il a consulté ses supérieurs, qui l'ont informé qu'il devait signaler la menace proférée par la fonctionnaire à la police. Il a dit qu'on lui avait mentionné qu'il ne lui appartenait pas de déterminer s'il s'agissait d'une menace légitime, mais qu'il revenait plutôt à la police de trancher cette question. Par conséquent, il a informé les forces policières locales, qui ont alors lancé leur propre enquête.

72 En contre-interrogatoire, M. Pergunas a reconnu avoir attendu plusieurs jours avant de communiquer avec la police. Il a également admis que la fonctionnaire n'avait pas été renvoyée à la maison dès que l'information concernant la menace lui avait été communiquée. Elle a plutôt été affectée à un autre bureau. Selon lui, le fait de l'éloigner du bureau où M. Wylie et Mmes Hall et Mangan travaillaient était suffisant. Il a expliqué qu'il ne voulait pas formuler une réponse trop tranchée parce qu'au départ, il n'était pas certain de la voie à emprunter. Il a déclaré qu'en rétrospective, il enverrait probablement un employé à la maison dans de telles circonstances. Toutefois, il ne croyait pas faire courir de risques à qui que ce soit en permettant à la fonctionnaire de travailler dans un autre bureau.

73 M. Wylie a déclaré avoir été contacté par la Police provinciale de l'Ontario, qui a mené l'enquête sur l'allégation de menace. Il a également parlé à un procureur de la Couronne une fois l'enquête terminée. Il a dit que la Couronne était prête à déposer des accusations, mais on lui a demandé s'il serait prêt à accepter un règlement comportant une réduction des chefs d'accusation si aucun autre incident ne se produisait. Il a accepté le règlement.

74 La fonctionnaire a déclaré ne pas avoir proféré la menace alléguée; elle n'a pas non plus reconnu l'avoir fait lors de l'entrevue factuelle. Elle a dit qu'elle ignorait quel serait l'objet de l'entrevue factuelle avant de s'y rendre et que les représentants syndicaux qui l'accompagnaient lui avaient conseillé de répondre à toutes les questions. Elle a déclaré que les participants à la réunion parlaient fort et que M. Pergunas lui faisait peur. C'est la raison pour laquelle elle a répondu à toutes les questions.

75 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a réitéré qu'elle n'avait pas proféré la menace alléguée. Elle a déclaré que Mmes Mangan et Hall et elle-même discutaient des feuilles de temps parce qu'elle s'inquiétait d'avoir à en assumer la responsabilité. Mme Mangan l'a invitée à se présenter au bureau pour observer ce qu'elle faisait avec les feuilles de temps. Mme Hall rangeait des choses à ce moment-là. La fonctionnaire a déclaré que lorsqu'elle a fait part de ses préoccupations sur la responsabilité des feuilles de temps, Mme Hall lui a dit qu'elle serait présente pour l'aider parce que M. Pergunas lui avait déjà demandé d'aider la fonctionnaire, ce que cette dernière ignorait. La fonctionnaire a déclaré avoir alors dit à Mme Hall que la responsabilité des feuilles de temps la rendait nerveuse parce qu'elle ne voulait pas commettre d'erreurs. La fonctionnaire a déclaré que Mme Hall avait alors dit [traduction] « Que sait le con de Jeff Wylie au sujet de la saisie des données des feuilles de temps? » Selon la fonctionnaire, cette phrase a marqué la fin de la conversation.

76 La fonctionnaire a déclaré en contre-interrogatoire que les rapports d'incident de sécurité dressés par Mmes Hall et Mangan étaient mensongers. Bien qu'elle ait dit entretenir de bonnes relations avec les deux femmes, elle a affirmé qu'elles ne disaient pas la vérité au sujet de la menace qu'elle aurait proférée.

77 Lorsque la fonctionnaire a été contre-interrogée au sujet de l'entrevue factuelle, elle a déclaré qu'elle n'avait pas reconnu avoir proféré une menace, même à la blague. Elle a dit que les notes de l'entrevue étaient inexactes et qu'elle ne les avait jamais vues auparavant. Elle a déclaré que M. Pergunas lui avait dit qu'elle devait répondre à toutes ses questions et qu'elle n'avait aucun droit. En réponse à l'une de mes questions, la fonctionnaire a déclaré qu'elle ne se souvenait pas avec précision de ses propos à l'entrevue, mais qu'elle s'était excusée seulement parce qu'elle avait été contrainte de le faire. Elle a reconnu qu'elle avait accepté un engagement de ne pas troubler l'ordre public afin de régler de possibles accusations au criminel découlant de l'incident et que cet engagement demeurait en vigueur.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'employeur

78 L'employeur a réitéré son objection relativement à la compétence d'un arbitre de grief de la CRTFP d'entendre ce grief en arbitrage. Le licenciement de la fonctionnaire était un renvoi en cours de stage. Le paragraphe 62(1) de la LEFP prévoit que l'employeur peut renvoyer un employé en cours de stage au terme du délai de préavis énoncé dans le règlement. L'article 211 de la LRTFP dispose que les licenciements prévus sous le régime de la LEFP ne peuvent être renvoyés à l'arbitrage.

79 L'employeur a déclaré que Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.) comportait un résumé de l'état du droit sur le renvoi en cours de stage en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, (L.R.C. (1985), ch. P-35). Dans cette décision, la Cour a statué qu'une fois qu'il est établi que l'employeur a licencié l'employé de bonne foi au motif que celui-ci était inapte à occuper le poste, un arbitre de grief de la Commission des relations de travail de la fonction publique (le « CRTFP ») ne peut être saisi d'un grief contestant le licenciement. Dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, qui a été tranchée en vertu de la LRTFP, l'arbitre de grief a analysé l'incidence des modifications apportées au régime législatif et a statué que ces changements ne modifiaient pas considérablement l'approche adoptée par les arbitres de grief dans les dossiers de renvoi en cours de stage antérieurs. Toutefois, en vertu de la nouvelle LEFP, il incombe désormais aux fonctionnaires s'estimant lésés de démontrer que leur renvoi en cours de stage constituait un « subterfuge » ou un « camouflage » ou était fondé de façon factice sur la LEFP, plutôt que sur une insatisfaction de bonne foi à l'égard de leur aptitude à occuper le poste en question.

80 La nomination de la fonctionnaire au poste d'adjointe de bureau était assujettie à une période probatoire de 12 mois qui a débuté le 8 juin 2011 et qui devait prendre fin le 7 juin 2012, tel qu'il est démontré par la pièce E-1. Elle a été licenciée le 11 avril 2012, dans le cadre d'un renvoi en cours de stage. La pièce E-7 énonce les motifs du renvoi en cours de stage et fait plus précisément état de son rendement et de son comportement en général.

81 Dans la lettre de renvoi en cours de stage (pièce E-7), il est mentionné que la fonctionnaire avait fait l'objet d'un plan d'action sur le rendement. La fonctionnaire a soutenu qu'il n'existait pas de document appelé [traduction] « plan d'action sur le rendement » et que ce fait minait le renvoi en cours de stage. Toutefois, des réunions auxquelles la fonctionnaire a participé ont été tenues les 11 et 27 janvier 2012 (pièces E-12, E-13, E-14 et E-15). Ces rencontres représentaient, dans les faits, un plan d'action et un processus sur le rendement, qui a été suivi à compter du 11 janvier 2012.

82 D'après les principes actuellement établis dans la jurisprudence, la seule question qu'il reste à trancher consiste à déterminer si l'employeur a agi de bonne foi lorsqu'il a décidé que la fonctionnaire était inapte à occuper son emploi d'adjointe de bureau. Au vu de la preuve, il est clair que l'employeur a agi de bonne foi. Le témoignage a établi que l'employeur avait tenté d'aider la fonctionnaire à répondre aux attentes à son égard. Mmes Laroque et Hall lui ont donné de la formation individuelle, et Mme Liddy-Brooks était à sa disposition pour l'aider par téléphone et par courriel. Selon la preuve présentée, il a été établi que la fonctionnaire avait reçu de la formation formelle et informelle pour l'aider à se familiariser avec son emploi. Mme Maloney a déclaré qu'elle avait seulement reçu de la formation en cours d'emploi, ce qui fait que la formation de la fonctionnaire était conforme à la norme. De plus, la fonctionnaire a déclaré que M. Wylie lui avait dit qu'il voulait l'aider à réussir dans son emploi, ce qui est démontré par la preuve documentaire.

83 L'employeur a fait valoir que lorsque les éléments de preuve portant sur l'incident du 30 mars 2012 se sont avérés conflictuels, la preuve qu'il a présentée était plus fiable et crédible. Les déclarations de Mmes Hall et Mangan (pièces E-8 et E-9) ont été faites peu après l'incident. De même, le rapport d'enquête (pièce E-4) a été dressé peu après la date de l'entrevue. Nul ne conteste que la fonctionnaire ait été accompagnée de deux représentants syndicaux à l'entrevue factuelle. La preuve a démontré que M. Pergunas avait dit aux représentants syndicaux qu'il leur donnerait une certaine latitude pour prendre part à l'entrevue factuelle en raison de la gravité des allégations.

84 La version des événements donnée par la fonctionnaire manque de crédibilité. Elle n'a donné aucun motif expliquant pourquoi Mmes Hall et Mangan ou M. Pergunas auraient inventé un incident ou menti à ce sujet. De plus, aucun élément de preuve n'a été présenté voulant que la fonctionnaire ou ses représentants syndicaux aurait contesté le rapport d'enquête au motif que la fonctionnaire aurait été intimidée au point d'avouer quelque chose qu'elle n'avait pas fait.

85 L'incident du 30 mars 2012 a démontré l'incapacité de la fonctionnaire à exercer les fonctions du poste. M. Pergunas a témoigné au sujet de la présence d'armes et de munitions en milieu de travail. De plus, il a expliqué que la haute direction avait considéré l'incident comme étant suffisamment grave pour justifier qu'il soit rapporté à la police locale. L'incident constituait également un exemple de la crainte de l'employeur, exprimée dès novembre 2011 par M. Pergunas (pièce E-2), selon laquelle la fonctionnaire manquait de [traduction] « maîtrise de ses émotions ».

86 Aucun élément de preuve n'a été présenté démontrant que l'employeur avait pris la décision de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage pour quelque motif autre que son inaptitude ou par mauvaise foi. M. Pergunas a déclaré que ce fut pour lui une décision difficile à prendre, notamment en raison du respect qu'il éprouvait pour le mari de la fonctionnaire, un agent des services frontaliers, et de son inquiétude pour la fonctionnaire et sa famille.

87 La fonctionnaire a laissé entendre que puisque la procédure exposée dans la Procédure d'évaluation de la période probatoire (pièce G-2) de l'employeur n'avait pas été suivie, la décision de la direction de la renvoyer en cours de stage devrait être annulée. Toutefois, un argument similaire a été présenté et rejeté dans Kagimbi c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 19. L'arbitre de grief dans cette affaire a statué que ces lignes directrices n'avaient pas force de loi et ne servaient que de guide aux gestionnaires de l'employeur dans leur travail. L'employeur a fait valoir qu'un raisonnement similaire s'appliquait en l'espèce.

88 L'employeur a également cité Fell c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 2, et Smith c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 126. Ces décisions ont établi qu'un processus de gestion du rendement n'a pas à être parfait et que le fait de ne pas fournir une évaluation formelle à un employé en probation ne vicie pas un renvoi en cours de stage.

89 L'employeur a déclaré que la fonctionnaire ne s'était pas acquittée de son fardeau de démontrer que le renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage ou avait été fait de mauvaise foi. Par conséquent, il a demandé que le grief soit rejeté au motif que la CRTFP n'avait pas compétence sur la question.

B. Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

90 La fonctionnaire a déclaré que dès le jour de son entrée en fonction comme adjointe de bureau à la salle des comptoirs à Lansdowne, elle a fait face à un certain nombre d'obstacles. Elle n'a pas eu accès à un ordinateur immédiatement et n'a pas reçu de description de travail, et la formation qu'elle était censée recevoir ne lui a pas été donnée. Malgré cette situation, elle a pris l'initiative de se familiariser avec le travail et d'être fonctionnelle en milieu de travail jusqu'à ce qu'elle soit formée pour l'emploi pour lequel elle a été recrutée. De plus, au cours des cinq premiers mois de son emploi, l'employeur ne lui a pas parlé de problèmes de rendement.

91 Bien que l'employeur ait soutenu qu'un plan d'amélioration du rendement était en vigueur, dans les faits, ce n'était pas le cas. Bien que la Procédure d'évaluation de la période probatoire (pièce G-2) ne soit pas obligatoire, il s'agit d'un outil conçu pour aider les stagiaires et pour aider la direction à orienter ces employés. Elle n'a pas été suivie dans le cas de la fonctionnaire. La fonctionnaire aurait peut-être connu davantage de succès si elle avait été utilisée.

92 L'employeur a d'abord fait part de ses préoccupations au sujet du rendement de la fonctionnaire vers Noël 2011, quand M. Wylie a eu une conversation à ce sujet avec la fonctionnaire. Il a d'abord remis une évaluation de rendement écrite à la fonctionnaire le 11 janvier 2012 (pièce E-13). Seule la page 6 de ce document était pertinente pour la fonctionnaire, parce que le document utilisé était conçu pour les agents des services frontaliers. Il y était indiqué qu'un plan d'amélioration du rendement était nécessaire; aucun plan d'amélioration du rendement n'a été établi.

93 L'évaluation du rendement écrite suivante a été faite le 27 janvier 2012 (pièce E-14). Dans cette évaluation, M. Wylie a précisé qu'il se préoccupait seulement des erreurs que la fonctionnaire avait commises dans le registre G11 et du fait qu'elle n'assumait pas la responsabilité de ses erreurs. Toutefois, au bas du formulaire, il a mentionné qu'elle s'améliorait et qu'elle n'avait pas commis toutes les erreurs dans le registre G11.

94 La fonctionnaire a déclaré qu'après cette évaluation, elle croyait que son rendement s'améliorait. Elle n'a rien entendu de préoccupant jusqu'au 29 mars 2012. Personne ne l'a abordée entre le 27 janvier et le 29 mars 2012 pour lui faire part de ses lacunes ou pour l'aider à s'améliorer.

95 La fonctionnaire a déclaré que l'on avait beaucoup mis l'accent sur le fait qu'elle avait menacé M. Wylie. Toutefois, elle a dit qu'elle n'avait pas proféré de telles menaces. Elle n'a jamais été condamnée au criminel et n'a pas de casier judiciaire. Elle a déclaré qu'à l'entrevue factuelle, elle s'était sentie obligée de reconnaître quelque chose qu'elle n'avait pas fait. Même si l'employeur a soutenu que M. Pergunas avait accordé beaucoup de latitude à ses représentants syndicaux à l'entrevue factuelle, dans les faits, ses notes d'entrevue indiquent qu'ils devaient seulement être des témoins. S'il s'agissait d'une erreur dans ses notes, quelles autres inexactitudes renferment-elles?

96 M. Pergunas a déclaré qu'il avait pris au sérieux les allégations de menaces et qu'il avait suivi le processus exposé dans le manuel Fonction du contrôleur (pièce G-3). Toutefois, ce document ne fait qu'énoncer des lignes directrices. De plus, bien que M. Pergunas ait déclaré qu'il considérait la situation avec sérieux, il ne l'a pas signalée immédiatement. Il a choisi de faire sa propre enquête factuelle et de relocaliser la fonctionnaire dans un autre bureau, à l'endroit où étaient situées toutes les armes du point d'entrée.

97 La fonctionnaire a soutenu qu'elle n'avait pas été licenciée pour des problèmes de rendement, mais essentiellement pour des erreurs d'écriture et des coquilles. Le recours à des problèmes de rendement et l'allégation de menace constituaient seulement des outils pour justifier son licenciement. Le véritable motif de son licenciement remonte à beaucoup plus loin que ces problèmes. Elle a affirmé que M. Pergunas avait une opinion préconçue à son égard sur la base du ouï-dire. Même s'il ne la supervisait pas et s'il n'a pas participé à la gestion de son rendement, il s'est intéressé de près à son rendement. Le courriel qu'il a fait parvenir à M. Wylie le 28 novembre 2011 au sujet du rendement de la fonctionnaire témoigne d'une connaissance exhaustive de cette dernière et énumère certaines préoccupations. Comme même M. Wylie a déclaré que la dernière préoccupation énumérée par M. Pergunas au sujet de la fonctionnaire ne s'était jamais concrétisée, il semble que M. Pergunas ait pu avoir des préjugés à son égard.

98 La fonctionnaire a déclaré que son licenciement avait été fait de mauvaise foi et que, par conséquent, un arbitre de grief de la CRTFP avait compétence en l'espèce.

C. Réfutation de l'employeur

99 L'employeur a déclaré que l'allégation de la fonctionnaire selon laquelle M. Pergunas l'avait intimidée au point de lui faire reconnaître quelque chose qu'elle n'a pas fait est très grave. Par conséquent, il est important de noter qu'elle n'a pas posé la question à M. Pergunas lorsqu'il a témoigné et qu'elle ne lui a pas donné l'occasion d'en discuter.

100 L'employeur a également mentionné que la latitude donnée par M. Pergunas aux représentants syndicaux était indiquée dans les notes de ce dernier concernant l'entrevue factuelle, contrairement à la déclaration de la fonctionnaire dans son argumentation.

IV. Motifs

101 La fonctionnaire a été nommée au poste de commis principal de la salle des comptoirs, classifié CR-04, au port de Lansdowne, le 6 juin 2011, sous réserve d'une période de probation de 12 mois (pièce E-1). Le 12 avril 2012, elle a été renvoyée en cours de stage (pièce E-7) au motif que son rendement et son comportement général ne répondaient pas aux exigences du poste (pièce E-7), conformément au paragraphe 62(1) de la LEFP. Elle a reçu une indemnité tenant lieu de préavis correspondant à deux semaines de salaire.

102 La fonctionnaire a déposé un grief contestant son renvoi en cours de stage le 14 mai 2012. Elle a notamment allégué que son licenciement constituait réellement une mesure disciplinaire qui s'est traduite par un congédiement injustifié qui était fondé sur une enquête sur les faits erronée dans le cadre de laquelle ses droits ont été violés. Elle a en outre allégué que l'employeur ne s'était pas conformé à ses propres politiques, n'avait pas assaini l'environnement malsain dans lequel elle travaillait, n'avait pas fourni un lieu de travail exempt de harcèlement et n'avait pas appliqué de façon appropriée un plan d'amélioration du rendement.

103 Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 29 novembre 2012 et renvoyé à l'arbitrage le 30 janvier 2013. Le 13 février 2013, l'employeur a déposé une objection à la compétence au motif que la fonctionnaire avait été renvoyée en cours de stage en vertu de l'article 62 de la LEFP et que, par conséquent, un arbitre de grief de la CRTFP n'a pas compétence parce que l'article 211 de la LRTFP interdit le renvoi à l'arbitrage d'un grief à l'encontre d'un licenciement effectué en vertu de la LEFP.

104 La compétence d'un arbitre de grief de la CRTFP d'instruire des griefs en arbitrage est prévue au paragraphe 209(1) de la LRTFP, selon lequel :

209. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s'il est un fonctionnaire de l'administration publique centrale,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l'alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l'insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire

(d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, s'il est un fonctionnaire d'un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

105 L'alinéa 211a) de la LRTFP interdit le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur un licenciement effectué en vertu de la LEFP. Il prévoit ce qui suit :

211. L'article 209 n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief individuel portant sur

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. […]

106 La LEFP prévoit le renvoi en cours de stage à l'article 62, lequel est libellé comme suit :

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d'une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques,

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l'organisme distinct en cause dans le cas d'un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission,

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

(2) Au lieu de donner l'avis prévu au paragraphe (1), l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu'une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l'administrateur général.

107 Les décisions de la CRTFP et de sa prédécesseure, l'ancienne CRTFP, ainsi que les nombreuses décisions rendues à tous les niveaux des cours au stade du contrôle judiciaire, se sont longuement penchées sur la compétence des deux Commissions d'étudier des griefs qui, à première vue, concernent un renvoi en cours de stage. La majeure partie de cette jurisprudence a été résumée dans Tello, une décision charnière ayant suivi l'adoption de la LRTFP. Il est clairement établi dans la jurisprudence qu'un employeur ne peut qualifier un licenciement de renvoi en cours de stage pour éviter l'arbitrage et, par conséquent, un arbitre de grief est habilité à se pencher sur la question pour déterminer le motif véritable du licenciement. Comme l'a écrit la Cour d'appel fédérale dans Penner :

[…]

[…] un arbitre de grief saisi d'un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d'examiner les circonstances de l'affaire pour s'assurer qu'elle soit réellement ce qu'elle semble être. Cet examen serait effectué en application du principe selon lequel la forme ne devrait pas l'emporter sur le fond. L'on ne peut tolérer que, par l'effet d'un camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi. […]

[…]

108 Dans Penner et d'autres décisions découlant de la CRTFP, la question de la compétence d'un arbitre de grief fondée sur la loi existante aux moments pertinents a été examinée. De l'avis général, bien qu'un arbitre de grief puisse décider qu'un licenciement constituait véritablement un renvoi en cours de stage, une fois que l'employeur a établi un motif réel de renvoi en cours de stage, la compétence de l'arbitre de grief prend fin. Citant Smith c. Conseil du Trésor (Bureau de poste), dossier de la CRTFP 166-2-3017 (19771007), la Cour d'appel fédérale dans Penner a écrit ce qui suit :

[…]

En effet, une fois que l'employeur a présenté à l'arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l'audition sur le fond dans l'affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu'à une impasse soudaine. L'arbitre perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l'employé s'estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir à cet égard que l'employeur n'a pas donné de motif valable pour le congédiement.

[…]

109 En 2005, le cadre législatif a changé. En vertu de l'article 28 de l'ancienne LEFP (L.R.C., (1985), ch. P-33), le renvoi en cours de stage devait être « motivé ». En vertu de l'article 62 de la nouvelle LEFP, cette exigence a été supprimée. Dans Tello, l'incidence de cette modification législative a été examinée de façon exhaustive et il a été conclu que le fardeau de la preuve en avait été modifié, mais non le fond de l'approche du renvoi en cours de stage adoptée par les arbitres de grief et la Cour fédérale. L'arbitre de grief a conclu ce qui suit au paragraphe 112 :

[…]

[…] les dispositions de la nouvelle LEFP ont modifié le fardeau de la preuve pour les cas de licenciement des employés en stage probatoire. L'administrateur général n'est plus tenu de prouver l'existence d'un motif légitime lié à l'emploi pour le licenciement, si ce n'est qu'il doit fournir la lettre de licenciement qui expose le motif de sa décision. Il incombe au fonctionnaire d'établir que l'administrateur général s'est appuyé de façon factice sur la nouvelle LEFP ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Un licenciement qui ne repose pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l'employé (ni sur un motif lié à l'emploi légitime) s'appuierait artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou constituerait un subterfuge ou un camouflage.

[…]

110 À l'audience de cette affaire, l'employeur a d'abord produit ses éléments de preuve portant sur les motifs liés à l'emploi du renvoi en cours de stage, comme si le fardeau de la preuve lui incombait. Nul n'a contesté le fait que la fonctionnaire était en cours de stage au moment de son licenciement ou que l'employeur lui a versé un salaire en guise de préavis, tel qu'il est prévu à l'article 62 de la LEFP. Par conséquent, bien que l'employeur ait présenté sa preuve comme s'il devait s'acquitter du fardeau de la preuve, il incombait à la fonctionnaire de démontrer que le renvoi en cours de stage n'était pas fondé sur une insatisfaction véritable à l'égard de son aptitude à occuper le poste, mais, dans les faits, « s'appu[yait] artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou constitu[]ait un subterfuge ou un camouflage […] », selon l'arbitre de grief dans Tello. Pour les motifs qui suivent, je ne crois pas qu'elle se soit acquittée de ce fardeau.

111 Pour l'essentiel, la fonctionnaire a fait valoir qu'elle n'avait pas eu de formation appropriée, que le plan d'amélioration du rendement élaboré pour l'aider n'était pas conforme aux lignes directrices de l'employeur, et que celui-ci s'appuyait sur un incident qu'elle a nié, à la suite d'une enquête erronée. La fonctionnaire a déclaré qu'elle n'avait pas été renvoyée en cours de stage pour quelques erreurs et coquilles, mais plutôt parce que M. Pergunas avait des préjugés à son égard et a invoqué des motifs fabriqués de mauvaise foi pour justifier son licenciement.

112 La preuve qui m'a été soumise a démontré que la formation donnée à la fonctionnaire suivait le même modèle que la formation habituellement donnée au nouveau personnel de bureau. M. Wylie a déclaré qu'une fois la formation initiale terminée, les nouveaux employés de bureau recevaient généralement une formation en cours d'emploi, ce qui a été mis en place pour la fonctionnaire. Bien que Mme Liddy-Brooks, que la fonctionnaire a remplacée, n'ait plus été sur place, la fonctionnaire a déclaré qu'elle lui avait donné de l'aide et des conseils, tout comme Mmes Hall et Laroque. Mme Maloney a dit que lorsqu'elle est entrée en fonctions, elle avait également reçu de la formation en cours d'emploi, et que de nombreuses personnes pouvaient apporter leur aide. Par conséquent, aucun élément de preuve ne vient étayer l'allégation de la fonctionnaire selon laquelle sa formation était inférieure ou inadéquate de quelque façon que ce soit et aucun élément de preuve ne vient étayer l'allégation voulant que la formation ait été menée de mauvaise foi.

113 De plus, d'après la preuve qui m'a été présentée, l'employeur a commencé à avoir certaines préoccupations au sujet du rendement de la fonctionnaire en octobre 2011. M. Pergunas a déclaré qu'il avait commencé à entendre des inquiétudes concernant le rythme de son apprentissage dès l'été 2011. M. Wylie a affirmé qu'au début d'octobre, la fonctionnaire semblait apprendre son travail. Dans un courriel transmis à M. Pergunas daté du 3 octobre 2011, M. Wylie a affirmé que la fonctionnaire n'était pas [traduction] « parfaite », mais qu'elle était en phase d'apprentissage (pièce G-1). Toutefois, au fur et à mesure qu'on lui confiait davantage de travail, elle semblait avoir plus de difficultés à offrir un rendement correspondant aux attentes.

114 M. Wylie a rencontré la fonctionnaire le 17 octobre 2011 pour lui faire part des attentes en matière de rendement à son égard. Il y a eu d'autres réunions avec elle pour relever des problèmes de rendement. Ces réunions ont eu lieu les 11 et 27 janvier et le 29 mars 2012. Chaque fois, la fonctionnaire était accompagnée d'un représentant syndical. Les préoccupations de l'employeur portaient notamment sur les erreurs commises par la fonctionnaire dans les rapports de données statistiques, les difficultés de la fonctionnaire à suivre des instructions, les problèmes d'interactions de la fonctionnaire avec d'autres membres du personnel et l'incapacité de la fonctionnaire à reconnaître ses erreurs. M. Wylie lui a donné des exemples précis des problèmes auxquels elle a fait face dans ses notes sur ses réunions avec elle et au cours de son témoignage à l'audience d'arbitrage.

115 M. Wylie et la fonctionnaire ont déclaré qu'il y avait eu d'autres réunions non consignées pour discuter du rendement de la fonctionnaire. Celle-ci a reconnu qu'elle était au courant des préoccupations de l'employeur, et elle a admis que certaines d'entre elles, mais pas toutes, étaient légitimes. Elle a aussi dit qu'elle savait qu'elle pourrait être renvoyée en cours de stage.

116 La fonctionnaire a fait valoir que l'employeur ne s'était pas conformé à ses lignes directrices sur l'évaluation des stagiaires. Toutefois, comme il est mentionné dans Kagimbi, les lignes directrices ne sont que des lignes directrices. Elles ne sont pas exécutoires. Tel qu'il est indiqué dans la Procédure d'évaluation de la période probatoire, il s'agit d'un outil pour aider les employés et les gestionnaires. De plus, bien que les calendriers et les formulaires qui s'y trouvent n'aient peut-être pas été respectés, les exigences de base l'ont été. La fonctionnaire a été informée des attentes de l'employeur. Elle a reçu de la formation. Elle a reçu régulièrement des commentaires et des évaluations du rendement.

117 La fonctionnaire a également fait valoir que les coquilles et les erreurs d'écriture ne justifiaient pas son renvoi en cours de stage et que, par conséquent, le fait que l'employeur s'appuie sur ces éléments équivalait à de la mauvaise foi. Même s'il s'agissait d'une description exacte des préoccupations de l'employeur, il convient de mentionner qu'il n'incombe pas à l'arbitre de grief de revoir les normes fixées par les employeurs pour évaluer le rendement au travail des stagiaires dans la mesure où ces normes ont véritablement trait à l'aptitude liée à l'emploi. À mon avis, les erreurs d'écriture et les coquilles sont manifestement liées à une évaluation de l'aptitude à occuper l'emploi. Toutefois, en l'espèce, les soi-disant [traduction] « erreurs d'écriture et coquilles » comprenaient la saisie de données et les rapports sur les données, le fait de remplir les formules avec exactitude, et l'exécution des tâches conformément aux instructions.

118 En réalité, les préoccupations de l'employeur correspondaient à bien davantage que des coquilles et des erreurs d'écriture. Selon les éléments de preuve présentés par MM. Wylie et Pergunas, il a été clairement établi que l'aptitude de la fonctionnaire de bien s'entendre avec les autres en milieu de travail était source de grave préoccupation. M. Pergunas a déclaré qu'il a entendu des récriminations du personnel au sujet des interactions de la fonctionnaire avec autrui. M. Wylie a donné un exemple précis d'une plainte concernant une interaction de la fonctionnaire avec un technicien en informatique. Des éléments de preuve ont démontré les rapports troublés de la fonctionnaire avec Mme Laroque. Il m'apparaît clairement que des préoccupations au sujet des rapports interpersonnels de la fonctionnaire ont été cernées et abordées avec elle à plusieurs occasions et que ces préoccupations étaient fondées. Selon moi, l'employeur a le droit de prendre en compte non seulement le rendement au travail, mais également l'aptitude générale lorsqu'il évalue un stagiaire, pourvu que l'évaluation soit faite de bonne foi.

119 Une période de stage est conçue pour donner à un employeur du temps pour évaluer l'aptitude d'un nouvel employé à occuper un poste. C'est pourquoi les stagiaires n'ont pas la même sécurité d'emploi que les employés permanents. Dans Penner et Tello, il est clairement établi que l'évaluation de l'aptitude d'un employé ne se limite pas au rendement au travail ou à la production, mais peut également avoir trait au caractère ou à l'aptitude générale. Dans McMath c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 42, l'arbitre de grief a statué que même dans les cas d'inconduite coupable qui donnerait lieu habituellement à une mesure disciplinaire, l'employeur peut décider de renvoyer un employé en cours de stage si l'inconduite est source de préoccupations concernant l'aptitude de l'employé à occuper le poste. Comme l'indique le passage suivant de Fell au paragraphe 113 :

[…] le rôle d'un arbitre de grief n'est pas de mettre en doute le jugement de l'employeur quant aux comportements d'un stagiaire qu'il convient ou non de prendre en considération dans le cadre d'une évaluation de son aptitude à occuper un poste à long terme, ni de décider de la valeur à accorder à certains incidents en particulier. […]

120 Il n'y a aucun doute que l'incident du 30 mars 2012, alors que la fonctionnaire aurait menacé M. Wylie, a influencé la décision de l'employeur de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage. La menace alléguée a été proférée en la présence de Mmes Hall et Mangan. Mme Hall a déclaré que la fonctionnaire avait dit : [traduction] « Je vais aller chercher une arme et je vais tirer sur lui. Je vais tuer ce salaud. » Mme Hall a ajouté qu'en raison du contexte, elle a présumé que la menace s'adressait à M. Wylie.

121 En contre-interrogatoire, Mme Hall s'est fait demander si elle avait mal entendu ou mal compris la fonctionnaire ou si cette déclaration aurait pu être une blague. Mme Hall est demeure inflexible au sujet de ce qu'elle a entendu, et elle a affirmé sans équivoque qu'il ne s'agissait pas d'une blague à son avis. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire n'a en aucun temps laissé entendre que Mme Hall avait menti au sujet du soi-disant incident.

122 Dans son témoignage, la fonctionnaire a soutenu que Mmes Hall et Mangan avaient menti au sujet de la menace alléguée. Elle a déclaré n'avoir jamais tenu les propos correspondant à leurs allégations. Elle n'a pas expliqué pourquoi Mmes Hall et Mangan mentiraient sur cette question et elle a admis qu'elle s'entendait bien avec ces deux dames.

123 La fonctionnaire a également prétendu que l'entrevue factuelle de M. Pergunas était sans fondement. Elle a déclaré avoir été contrainte à faire certaines déclarations. Elle a ajouté que les notes de l'entrevue étaient erronées et qu'elle n'avait pas fait les déclarations inscrites dans les notes. Elle a déclaré n'avoir jamais vu les notes auparavant.

124 Je ne crois pas en la crédibilité de la fonctionnaire. Elle avait l'occasion d'interroger Mme Hall sur la véracité de sa déclaration et elle ne l'a pas fait. Elle a plutôt cherché à savoir si les déclarations menaçantes étaient une blague, car Mme Hall ne les a pas pris suffisamment au sérieux pour les rapporter immédiatement. La fonctionnaire a également eu l'occasion d'interroger M. Pergunas au sujet de la contrainte dont elle a dit avoir été victime dans le cadre de l'entrevue factuelle, mais elle ne l'a pas fait. Elle a eu l'occasion de l'interroger sur le fait qu'elle n'avait pas reçu de copies des notes de l'entrevue factuelle, mais elle ne l'a pas fait. Ce n'est que lorsqu'elle a témoigné devant moi qu'elle a fait ces affirmations, et ce témoignage s'écartait de sa déclaration précédente. Deux représentants syndicaux ont assisté à l'entrevue factuelle. Il me semble peu probable qu'ils auraient permis qu'on exerce de la pression sur la fonctionnaire, et je constate que ni l'un ni l'autre n'a témoigné devant moi. Compte tenu de l'ensemble de ces faits, j'ai de la difficulté à croire la fonctionnaire.

125 Je conclus que la fonctionnaire a fait la déclaration qui lui est imputée par Mme Hall. Seule la fonctionnaire sait vraiment si elle voulait faire une blague. Selon moi, la question n'est pas pertinente. Un employeur doit prendre au sérieux toute tentative qui correspond à une menace de violence en milieu de travail. La notion selon laquelle un employé pourrait apporter une arme sur le lieu de travail pour tuer quelqu'un n'est plus tirée par les cheveux comme elle le devrait, et les employeurs ne peuvent prendre de risque lorsqu'ils font face à une telle menace. La protection des employés est une préoccupation primordiale et légitime. Dans les circonstances, même si l'employeur avait pu prendre des mesures disciplinaires contre la fonctionnaire pour l'incident, tel qu'il est mentionné dans McMath, il n'a pas agi de mauvaise foi lorsqu'il a opté pour le renvoi en cours de stage.

126 La lettre de renvoi en cours de stage de la fonctionnaire (pièce E-7) indiquait que les motifs du renvoi étaient [traduction] « le rendement et le comportement en général ». Je conclus que l'employeur a démontré l'existence de problèmes liés à l'emploi touchant le rendement et le comportement général de la fonctionnaire qui avaient un lien direct avec son aptitude à occuper de façon continue un emploi de commis principal de la salle des comptoirs. Je conclus également que la fonctionnaire ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait, soit de démontrer que les motifs de renvoi invoqués par l'employeur constituaient une ruse, un subterfuge ou un camouflage conçu pour éviter l'arbitrage. La fonctionnaire ne m'a pas convaincue non plus que l'employeur avait agi avec mauvaise foi. Par conséquent, je dois conclure que je n'ai pas compétence pour instruire ce grief contestant le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire. L'objection relative à ma compétence est donc accueillie.

127 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

128 J'ordonne la fermeture du dossier.

Le 21 juillet 2014.

(Traduction de la CRTFP)

Kate Rogers,
arbitre de grief,

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