Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié trois mois avant la fin d’une période de stage de cinq ans, au motif qu’il ne possédait pas les aptitudes nécessaires - le Service canadien du renseignement de sécurité (l’<<employeur>>) a présenté une objection à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief au motif que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été licencié pour des motifs liés à l’emploi - les évaluations du rendement du fonctionnaire s’estimant lésé révélaient des lacunes - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a contesté aucune de ses évaluations - cependant, il n’a pas reçu d’avis de confirmation de lacunes avant d’être licencié - la politique de l’employeur prévoit que l’employé et son superviseur discutent régulièrement pendant toute la période d’évaluation et que l’employé reçoive un avis de confirmation de lacunes après deux évaluations du rendement spéciales - le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi été avisé, dans une évaluation du rendement qui lui a été remise quelques mois avant son licenciement, qu’il recevrait un avis de confirmation de lacunes après deux évaluations du rendement spéciales - cet avis constitue une dernière chance de s’améliorer avant le licenciement - le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il avait donc été surpris par son licenciement - de plus, il a témoigné que son superviseur lui avait laissé croire, au cours des six derniers mois de son emploi, qu’il était satisfait de son travail - l’arbitre de grief a décidé que l’employeur avait présenté une preuve cohérente et consistante qu’il n’était pas satisfait du rendement du fonctionnaire s’estimant lésé et qu’il s’agissait de la raison du renvoi en cours de stage - l’employeur avait des motifs liés à l’emploi - l’employeur a fait fi de ses politiques sur certains aspects mais il ne s’agissait pas de mauvaise foi, de subterfuge ou de camouflage - le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait. Objection accueillie, dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-09-09
  • Dossier:  566-20-1746
  • Référence:  2014 CRTFP 81

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARC-ANDRÉ BERGERON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

employeur

Répertorié
Bergeron c. Service canadien du renseignement de sécurité


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage


Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Marie-Lise Desrosiers, avocate
Pour l'employeur:
Karl Chemsi, avocat
Affaire entendue à Montréal (Québec), du 31 mars au 4 avril et du 11 au 13 août 2014

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Marc-André Bergeron, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était agent de renseignements pour le Service canadien du renseignement de sécurité (le « SCRS » ou l’ « employeur »). M. Bergeron a été embauché à ce poste le 6 janvier 2003 et licencié le 2 octobre 2007, trois mois avant la fin de sa période de stage de cinq ans. Le 16 octobre 2007, M. Bergeron a déposé un grief à l’encontre de son licenciement qu’il prétend injuste et contraire aux politiques du SCRS. L’employeur a rejeté le grief de M. Bergeron, qui l’a renvoyé à l’arbitrage le 17 janvier 2008.

2 Le SCRS est un employeur distinct. Par dérogation, les relations de travail du SCRS ne sont pas assujetties à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), sauf en ce qui a trait à l’arbitrage des griefs. En vertu de l’article 8 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS établit ses propres règles de procédure concernant la conduite et la discipline de ses employés. Les agents de renseignements ne sont pas syndiqués, mais ils peuvent être représentés par leur association d’employés lors de la procédure de règlement des griefs.

3 L’employeur a licencié le M. Bergeron au motif qu’il ne possédait pas les aptitudes nécessaires pour être un agent de renseignements du SCRS. L’essentiel de la lettre de licenciement du 2 octobre 2007 se lit comme suit :

[…]

La présente fait suite au Rapport d’évaluation du rendement pour la période du 5 septembre 2006 au 6 janvier 2007, au Rapport d’évaluation spéciale pour la période du 7 janvier 2007 au 7 mai 2007 ainsi qu’à celui couvrant la période du 8 mai 2007 au 8 septembre 2007.

Les évaluations susmentionnées avaient pour but d’évaluer votre rendement et de vous permettre de corriger vos lacunes. Cependant, malgré toute l’aide et les innombrables occasions qui vous ont été fournies afin de vous améliorer, votre rendement demeure inférieur aux normes du Service. J’en conclus donc que vous ne possédez pas les aptitudes nécessaires pour être un agent de renseignements du SCRS. Par conséquent et conformément à la politique du SCRS HUM-407, paragraphe 7.3, j’ai le regret de vous informer de votre renvoi en cours de stage probatoire dès aujourd’hui. Cependant, vous serez rémunéré jusqu’au 5 octobre 2007.

[…]

4 La lettre d’offre d’emploi datée du 10 décembre 2002 prévoyait que M. Bergeron serait en probation pour une période de cinq ans, soit pendant toute la durée du programme d’avancement professionnel des agents de renseignements (PAPAR). La lettre d’offre d’emploi indique que le PAPAR comprend une formation initiale de 14 semaines, une affectation de 3 ans à l’administration centrale, un cours d’enquêteur de 5 semaines suivi d’une mutation à un poste dans un bureau régional. M. Bergeron a signé la lettre d’offre le 10 décembre 2002 indiquant qu’il en acceptait toutes les conditions.

5 Lors de l’audience, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief de M. Bergeron au motif que ce dernier a été licencié en cours de stage pour des motifs liés à l’emploi. J’ai pris l’objection de l’employeur sous réserve d’entendre la preuve entourant le licenciement et le grief.

6 Le grief a été entendu une première fois en arbitrage. Dans Bergeron c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2011 CRTFP 103, l’arbitre de grief a accueilli le grief et annulé le licenciement. L’employeur a présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale qui a accordé la demande et renvoyé le grief à un autre arbitre pour qu’il rende une décision en conformité avec les motifs de la Cour (voir Procureur général du Canada c. Bergeron, 2013 CF 365). Je reviendrai sur la décision et les motifs de la Cour.

II. Résumé de la preuve

7 Pour des motifs liés à la sécurité nationale, le nom des témoins et des personnes impliquées dans ce grief a été protégé, à l’exception de celui de M. Bergeron et de celui du signataire de la lettre de licenciement.

8 L’employeur a appelé Michel Coulombe, AB, CD, EF et GH comme témoins. M. Coulombe a signé la lettre de licenciement. Il était alors le directeur général de la région du Québec du SCRS. Entre 2003 et 2007, AB a été sous-chef et chef de section. De 2004 à 2005, il a supervisé M. Bergeron. Entre 2002 et 2006, CD était superviseur de sections opérationnelles. Il a supervisé M. Bergeron du début 2005 à juillet 2006, hormis une période de quelques semaines au début 2006 alors que M. Bergeron était en formation. EF a occupé un poste de superviseur de 1999 à 2011. Il a supervisé M. Bergeron du 5 septembre 2006 au 2 octobre 2007. Entre juillet 2006 et décembre 2008, GH était chef de section au bureau de Montréal. Il avait alors la responsabilité de trois modules opérationnels dont celui supervisé par EF où M. Bergeron travaillait.

9 M. Bergeron a témoigné. Il a aussi appelé JK comme témoin. Entre 2002 et 2010, ce dernier travaillait au SCRS. Au moment du licenciement de M. Bergeron, il était le représentant régional de l’association qui représentait les agents de renseignements.

10 En plus de la preuve testimoniale présentée, les parties ont déposé une quantité importante de documents incluant diverses politiques de l’employeur sur les ressources humaines, les évaluations du rendement de M. Bergeron et un grand nombre de courriels faisant état du travail de M. Bergeron. Je m’en tiendrai dans mon résumé de la preuve qu’aux éléments essentiels pour disposer du grief devant moi. Je présenterai d’abord la preuve relative aux politiques et processus des ressources humaines du SCRS. Puis, je résumerai successivement la preuve pour chacune des périodes au cours desquelles le rendement de M. Bergeron a été évalué.

A. Les politiques de ressources humaines du SCRS

11 L’employeur a déposé en preuve plusieurs de ses politiques et procédures de ressources humaines. Il s’agit de la Politique de conduite des employés (HUM-201), les versions 2003 et 2007 de la Politique sur les écarts de conduite et mesures disciplinaires (HUM-205), la version 2001 et la version du 18 juillet 2007 du Programme d’évaluation du rendement (HUM-306), la version 2002 et la version du 18 juillet 2007 des Procédures concernant l’évaluation du rendement (HUM-306-1), la Politique sur les nominations (HUM-406), les versions de juin 2003, décembre 2003, janvier 2006 et mars 2006 de la Politique de recrutement (HUM-407), les versions 2002 et 2007 de la Politique relative au règlement des griefs (HUM-502), ainsi que d’autres politiques relatives à l’information classifiée, aux congés de maladie, à l’utilisation d’Internet et aux comptes Internet.

12 Selon le Programme d’évaluation du rendement HUM-306, le superviseur doit établir un plan de travail avec l’employé qui tient compte des objectifs de travail et des niveaux de rendement attendus. Il doit aussi discuter régulièrement de rendement avec l’employé. L’employé doit aussi discuter de son rendement avec son superviseur. L’évaluation annuelle formelle du rendement est faite autour de la date d’anniversaire d’embauche. Le programme prévoit que le superviseur peut prendre des notes au cours de l’année aux fins de l’évaluation du rendement. Il joint ces notes au rapport d’évaluation du rendement de l’employé ou il les détruit. La version de juillet 2007 du programme précise aussi que si la moyenne générale des cotes obtenues lors de l’évaluation par l’employé est inférieure à 2,5, les notes du superviseur sont conservées au moins un an après la rédaction du rapport d’évaluation.

13 Le programme HUM-306 stipule que les employés sont évalués par rapport aux objectifs établis en début d’année, aux qualités liées au poste et à celles liées à l’organisation. Pour chaque élément évalué, l’employé reçoit une cote variant de 1 à 4, la cote 1 indiquant qu’il ne répond absolument pas aux attentes, la cote 2 qu’il devra faire des progrès pour atteindre les exigences ou les objectifs, la cote 3 qu’il répond pleinement aux exigences et qu’il a atteint les objectifs et la cote 4 qu’il dépasse de façon continue les objectifs et les exigences.

14 Le programme HUM-306 stipule que la norme de rendement exigée de tous les employés du SCRS est une cote moyenne générale minimale de 2,5. Il stipule aussi qu’une cote inférieure à la moyenne générale de 2,5 ne satisfait pas aux normes établies et pourrait donner lieu à un renvoi en raison d’un rendement insatisfaisant. Selon la version 2002 du programme, les employés peuvent faire appel à un comité de révision si leur moyenne générale est inférieure à 2,5. Selon la version 2007 du programme, les employés dont la moyenne générale est inférieure à 2,5 peuvent plutôt déposer un grief.

15 Selon le programme, un avis de confirmation des lacunes peut être remis à l’employé dont le rendement n’est pas conforme au niveau de rendement établi et qui ne s’est pas amélioré après avoir déjà fait l’objet d’un rapport spécial. Un rapport spécial est un rapport qui doit être rédigé, entre autres, lorsque l’employé pourrait être renvoyé ou rétrogradé pour rendement inadéquat.

16 La version 2002 des procédures HUM-306-1 concernant l’évaluation du rendement précise les détails que doit contenir un avis de confirmation des lacunes, à savoir, les faits relatifs aux faiblesses de l’employé, les mesures à prendre pour améliorer le rendement ainsi qu’une déclaration selon laquelle d’autres mesures pourraient être prises incluant le renvoi advenant que l’employé n’améliore pas son rendement. La version de juillet 2007 ajoute certaines autres précisions. Selon la version de 2002, l’avis de confirmation des lacunes est précédé d’au moins un rapport spécial d’évaluation alors que selon la version de juillet 2007, il est précédé d’au moins deux rapports spéciaux. Les procédures HUM-306-1 prévoient aussi que la version initiale d’un rapport d’évaluation est remise à l’employé pour qu’il puisse formuler des commentaires. L’évaluation est discutée lors d’une rencontre avec l’employé. Une fois complété, le rapport d’évaluation est acheminé à la section des ressources humaines.

17 La politique HUM-407 sur le recrutement stipule que tous les agents de renseignements qui participent au PAPAR sont soumis à un stage probatoire de cinq ans. Pendant la durée du stage, l’employé peut être jugé inapte à remplir les fonctions du poste pour rendement insuffisant, mauvaise qualité du travail ou mauvaise attitude. Le directeur général peut alors décider de renvoyer l’employé si les efforts pour l’aider à s’améliorer se sont avérés vains. M. Bergeron a témoigné qu’il comprenait qu’il était en probation pour cinq ans et qu’il savait ce que cela signifiait.

18 La politique HUM-502 relative au règlement des griefs encourage les employés à parler de leurs préoccupations de manière informelle. Lorsque les questions soulevées ne sont pas réglées de façon satisfaisante, les employés peuvent présenter des griefs. Ils ont alors le droit d’être représentés par une personne désignée par l’association des employés non syndiqués du SCRS. M. Bergeron a témoigné qu’il était au courant qu’il existait des recours pouvant être utilisés en cas de désaccord avec l’employeur. JK, qui était le représentant régional de l’association de 2006 à 2008, a précisé que les litiges entre les agents et l’employeur se règlent à l’amiable après discussion, sans le besoin de déposer un grief. Selon lui, les employés s’abstiennent de déposer des griefs parce qu’il n’y a aucune assise juridique pour les soutenir et que les employés craignent généralement que le dépôt d’un grief ou la contestation d’une évaluation du rendement compromette leur carrière. JK est d’avis que le fait de déposer un grief est très mal vu par l’employeur.

19 Il ne me semble pas utile pour trancher le présent grief de commenter ou de résumer les autres politiques déposées en preuve par les parties.

B. Le rendement de M. Bergeron

20 Au cours des 57 mois pendant lesquels M. Bergeron a travaillé au SCRS, l’employeur a formellement évalué son rendement au travail à sept reprises en plus de deux autres évaluations complétées à la suite de sa participation à la formation des nouveaux agents en 2003 et à la formation des enquêteurs en 2006. Lors de ces deux formations, l’employeur a conclu que M. Bergeron avait atteint tous les objectifs de formation établis. Il a cependant stipulé dans l’évaluation de la formation de 2006 que des améliorations étaient requises au niveau des techniques d’entrevues, du jugement et de l’assurance.

21 Dans les paragraphes qui suivent, je résumerai la preuve qui m’a été présentée pour chacune des périodes d’évaluation du rendement de M. Bergeron.

1. La période du 11 avril 2003 au 6 janvier 2004

22 Après sa période de formation initiale, M. Bergeron a été affecté à un poste d’analyste à la direction de l’analyse et de la production de l’administration centrale du SCRS. Il a atteint tous les objectifs de travail et satisfaits toutes les attentes. Il a obtenu la cote 3 pour la réalisation des objectifs et pour chacune des qualités fondamentales et pour celles liées au poste ou à l’organisation.

23 Lors de son témoignage, M. Bergeron a brièvement expliqué le travail qu’il faisait au cours de cette période. L’employeur n’a appelé aucun témoin pour commenter la performance de M. Bergeron au cours de cette période.

2. La période du 6 janvier 2004 au 6 janvier 2005

24 Au cours des deux premiers mois de cette période, soit entre le 6 janvier 2004 et le 7 mars 2004, M. Bergeron est demeuré au même poste qu’il occupait au cours de la période précédente. Son superviseur d’alors a écrit deux paragraphes dans la section réservée aux commentaires du superviseur. Il y exprime sa pleine satisfaction face au rendement de M. Bergeron. Le reste de l’évaluation a été rempli par AB, qui a supervisé M. Bergeron du 8 mars 2004 au 6 janvier 2005. C’est d’ailleurs lui seul qui a attribué les cotes contenues dans le rapport d’évaluation.

25 Pour cette évaluation, M. Bergeron a obtenu la cote 2 quant à la réalisation des objectifs de travail. Il a atteint 2 des 10 objectifs alors qu’il a obtenu la mention « atteint partiellement » ou « à améliorer » pour les 8 autres. Au niveau des qualités fondamentales et liées au poste ou à l’organisation, M. Bergeron a obtenu une moyenne générale de 2,3. Dans ses commentaires, AB a écrit que M. Bergeron devra faire des efforts au niveau de la communication, de l’assurance, du professionnalisme, de la planification, de l’analyse et principalement au niveau du jugement. Il a aussi écrit que l’évaluation devait être interprétée comme un avertissement sévère. Pour appuyer ses commentaires, AB a fourni quelques exemples de situations où le rendement de M. Bergeron comportait des lacunes. Il a repris certains de ces exemples lors de son témoignage.

26 M. Bergeron n’a pas contesté cette évaluation de son rendement en faisant appel au comité de révision. Toutefois, il a écrit dans la section réservée aux commentaires des employés qu’il la trouvait sévère et il a apporté certaines précisions. Il a expliqué dans son témoignage que l’unité dans laquelle il travaillait alors était extrêmement occupée et qu’il travaillait sur des dossiers de sécurité très importants. AB a confirmé ces dires, mais il a précisé que la situation était la même pour tous les analystes de la section qui, pour la plupart, étaient relativement nouveaux au SCRS. Il a aussi témoigné qu’il avait parlé plusieurs fois à M. Bergeron dans le but de l’aider à améliorer sa performance. Il a ajouté qu’il ne lui était jamais arrivé au cours des nombreuses années où il a supervisé des employés d’attribuer une cote moyenne générale inférieure à 2,5. M. Bergeron a admis que AB l’avait déjà avisé de ses lacunes au travail et qu’il lui parlait sur-le-champ s’il y avait des problèmes avec son rendement.

3. La période du 17 janvier 2005 au 5 avril 2005

27 Compte tenu des faibles résultats de l’évaluation précédente, l’employeur avait décidé que le rendement de M. Bergeron serait réévalué trois mois plus tard par une évaluation spéciale du rendement. Dans les faits, l’évaluation était pour une période d’un peu plus de trois mois après le 17 janvier 2005, date où le nouveau superviseur CD est arrivé en poste. M. Bergeron a été absent quelques semaines au cours de cette période pour des vacances et un décès dans sa famille.

28 Avant son départ de la section où travaillait M. Bergeron, AB avait rédigé un plan de travail pour que M. Bergeron puisse atteindre les exigences requises. C’est à partir des résultats atteints en relation avec ce plan que CD a rédigé une évaluation spéciale du rendement de M. Bergeron.

29 Parmi les six objectifs de travail fixés, M. Bergeron en a atteint trois et en a atteint trois autres partiellement. Il a obtenu une cote moyenne générale de 2,6. Il a obtenu la cote 3 pour 6 des 10 qualités requises, mais il a obtenu la cote 2 sur les 4 autres, soit le jugement, l’assurance, la planification et l’organisation ainsi que le raisonnement et l’analyse. Le superviseur CD a noté dans l’évaluation que M. Bergeron avait amélioré sa performance, mais qu’il avait encore des lacunes à corriger pour être pleinement fonctionnel comme agent de renseignements. Il a aussi écrit qu’il avait confiance que M. Bergeron pourrait réaliser son plein potentiel au cours des prochains mois. AB, qui était devenu le chef du superviseur CD, a écrit qu’il approuvait l’évaluation rédigée par CD et que M. Bergeron devait faire preuve de plus de consistance dans la qualité de son travail et de plus de rigueur.

30 M. Bergeron a signé le rapport et s’est dit d’accord avec les éléments qui y étaient soulevés. Il a témoigné que CD lui parlait directement quand il constatait des lacunes dans son travail. Il lui faisait part de son insatisfaction et les discussions avec CD l’aidaient à améliorer sa performance au travail.

4. La période du 6 avril 2005 au 6 décembre 2005

31 Cette évaluation est une évaluation annuelle faisant suite à l’évaluation spéciale du début d’avril 2005. L’évaluation a été complétée par CD, à qui M. Bergeron a continué de se reporter au cours de toute l’année 2005.

32 Parmi les 10 objectifs de travail fixés, M. Bergeron en a atteint 5 et en a atteint 5 autres partiellement. Il a obtenu une cote moyenne générale de 2,5. Il a obtenu la cote 3 pour 5 des 10 qualités requises, mais il a obtenu la cote 2 sur les 5 autres, soit le jugement, le professionnalisme, la connaissance des fonctions, la communication ainsi que le raisonnement et l’analyse. Le superviseur CD a noté qu’après deux ans dans un module opérationnel, M. Bergeron démontrait encore certaines lacunes dans son travail et une certaine inconsistance dans la qualité de son travail. Il a aussi écrit que M. Bergeron devait s’améliorer au niveau du jugement, de l’analyse, de la communication et du professionnalisme. Il a illustré ses propos par des exemples.

33 M. Bergeron a écrit dans le rapport que son contenu avait fait l’objet de discussions significatives avec ses supérieurs. Il s’est dit satisfait dans l’ensemble des cotes qui lui avaient été attribuées à l’exception des cotes 2 reçues pour la communication, le raisonnement et l’analyse. Il a aussi exprimé son point de vue sur les exemples fournis par CD avec lesquels il n’est pas complètement d’accord.

5. La période du 5 septembre 2006 au 6 janvier 2007

34 Il y a un écart de presque 9 mois entre l’évaluation complétée en décembre 2005 et celle dont il est question dans cette section. Tout d’abord, entre le 9 janvier 2006 et le 24 février 2006, M. Bergeron a suivi le cours d’enquêteur pour lequel il a été évalué (voir le paragraphe 20). À la fin de son cours d’enquêteur, il est retourné travailler au bureau central comme analyste au même poste qu’il occupait avant sa formation d’enquêteur. Il est demeuré à ce poste jusqu’à la mi-juin 2006 et se reportait à CD. Aucune évaluation du rendement n’a été complétée pour ces quelques quatre mois. Puis, au début juillet 2006, après une période de congés annuels, M. Bergeron a été transféré à Montréal à un poste d’enquêteur. Il a alors été supervisé par un enquêteur qui agissait comme superviseur intérimaire jusqu’au 31 août 2006. Ce dernier a écrit quelques lignes dans le rapport d’évaluation se terminant le 6 janvier 2007, se limitant à lister les tâches accomplies par M. Bergeron en juillet et en août 2006.

35 EF a été affecté au bureau de Montréal comme superviseur de section à compter du 5 septembre 2006. Sa section comptait deux analystes et cinq enquêteurs, dont M. Bergeron. Peu après son arrivée, il a rencontré chaque employé. Il a présenté ses attentes de façon générale et il a dit aux enquêteurs qu’il voulait les voir sur le terrain faire des entrevues. En vérifiant le dossier personnel de M. Bergeron, EF a constaté qu’aucun objectif de travail n’avait été fixé pour lui depuis son arrivée au bureau de Montréal car il relevait jusque-là d’un superviseur intérimaire. Il a donc été convenu le 11 octobre 2006, entre EF, le chef d’équipe GH et M. Bergeron, de fixer trois objectifs précis de travail pour les quelques mois qui restaient à la période d’évaluation du rendement.

36 EF a témoigné qu’il avait constaté que M. Bergeron n’avait pas ce qu’il fallait pour être un agent de renseignements. Sa capacité à recueillir des faits, son jugement et sa rigueur étaient questionnables. EF a témoigné qu’il avait communiqué régulièrement à M. Bergeron les lacunes qu’il voyait dans son travail. Dès septembre 2006, il lui a dit que sa production était insuffisante. À partir du 25 septembre 2006, il a d’ailleurs demandé à M. Bergeron de lui fournir chaque semaine ses objectifs de travail par courriel. M. Bergeron a déposé en preuve ce qu’il avait envoyé chaque semaine à EF. Selon M. Bergeron, EF lui avait fourni très peu de rétroaction sur ce qu’il lui envoyait chaque semaine entre septembre 2006 et septembre 2007.

37 M. Bergeron a atteint partiellement deux des trois objectifs de travail fixés et n’a pas atteint le troisième. Il a obtenu une cote moyenne générale de 2,4, ayant reçu trois cotes de 3 et 8 cotes de 2. Dans le narratif du rapport, EF donne des exemples pour illustrer pourquoi il a attribué des cotes de 2 au niveau du jugement, de l’initiative, du professionnalisme, de la connaissance des fonctions, de la planification et de l’organisation, du raisonnement et de l’analyse ainsi que des techniques d’enquêtes. GH, qui était alors le superviseur immédiat de EF, s’est dit d’accord avec les cotes de rendement attribuées à M. Bergeron.

38 Le rapport d’évaluation indique que M. Bergeron avait manifesté son intérêt pour un transfert en Colombie-Britannique pour y rejoindre sa conjointe. EF a recommandé qu’il demeure à Montréal pour au moins une autre année. EF a aussi recommandé que M. Bergeron suive une formation portant sur la gestion de son temps de travail.

39 Dans la section réservée à cette fin, M. Bergeron a indiqué qu’il n’était pas d’accord avec l’évaluation qu’avait faite EF de son rendement et qu’il la considérait sévère et très incomplète. Il n’a cependant pas contesté cette évaluation auprès du comité de révision. Il a déploré qu’aucune mention ne fût faite d’une grande partie du travail, des initiatives et des efforts déployés en décembre 2006. Il a aussi déploré l’absence de mention relative aux éléments positifs de son travail et que les commentaires verbaux qu’il avait fait à la suite de l’ébauche de l’évaluation étaient restés lettre morte. Il a témoigné à l’audience que les points négatifs que contenait le rapport d’évaluation ne lui avaient pas été signalés auparavant. Il a aussi témoigné qu’aucune mesure concrète n’avait été prise pour l’aider à améliorer son rendement, qu’il avait reçu très peu de rétroaction et qu’il n’avait pas été encadré. M. Bergeron a dit que sa relation avec EF n’était pas bonne. Par contre, il avait eu une bonne relation avec ses autres superviseurs ainsi qu’avec GH.

6. La période du 7 janvier au 5 mai 2007

40 Puisque M. Bergeron avait obtenu une cote moyenne générale inférieure à 2,5, l’employeur a décidé de le soumettre à une évaluation spéciale de trois mois qui aurait dû être complétée au début d’avril 2007. Toutefois, cette date a été repoussée d’un mois en raison de l’absence en congé de maladie de M. Bergeron du 15 février au 13 mars 2007.

41 Comme prévu, Mr. Bergeron a reçu une formation externe sur la gestion du temps et des priorités. À la fin de la période d’évaluation précédente, l’employeur avait fixé trois objectifs pour M. Bergeron pour cette évaluation spéciale de trois mois. Deux de ces objectifs n’ont pas été atteints alors que le troisième l’a été. M. Bergeron a obtenu une cote moyenne générale de 2,3, ayant reçu quatre cotes 3, sept cotes 2 et une cote 1 pour le jugement. Dans le narratif du rapport, EF donne des exemples pour illustrer pourquoi il a attribué des cotes 2 pour l’initiative, le professionnalisme, l’esprit d’équipe, la connaissance des fonctions, la planification et l’organisation ainsi que des techniques d’enquêtes. Il explique aussi pourquoi il a attribué la cote 1 pour le jugement.

42 GH, qui était toujours le superviseur de EF, a écrit deux pleines pages de commentaires dans l’évaluation du rendement de M. Bergeron. Il a noté qu’il avait rencontré M. Bergeron le 8 juin 2007, soit un mois après la fin de la période d’évaluation pour discuter avec lui de son rendement. Il lui a alors dit que son rendement était inadéquat et qu’il devait s’améliorer, sans quoi un avis de confirmation de lacunes lui serait remis et qu’advenant que la situation persiste après cet avis, des mesures seraient prises incluant un possible congédiement. Il a conclu ses commentaires écrits en notant qu’il appuyait l’évaluation de EF et qu’il s’attendait à ce que M. Bergeron déploie les efforts requis pour atteindre les objectifs de travail fixés. GH a aussi refusé d’accorder une augmentation de rémunération à M. Bergeron.

43 M. Bergeron a noté dans le rapport qu’il trouvait regrettable de n’y trouver qu’une seule phrase positive. Il a constaté que certains événements étaient mal abordés ou mal expliqués. Il n’était pas d’accord avec certains des commentaires ou des exemples fournis par EF pour justifier les cotes attribuées. Il n’a cependant pas contesté cette évaluation auprès du comité de révision. Il a témoigné que c’était la première fois que EF lui adressait certaines des critiques négatives notées dans le rapport d’évaluation et que le contenu du rapport ne reflétait pas bien le travail qu’il avait fait. M. Bergeron est d’avis qu’il a été traité de façon injuste.

44 Après avoir reçu la première version de ce rapport d’évaluation, M. Bergeron a témoigné qu’il avait fait plusieurs commentaires pour que des changements soient apportés au rapport. EF a alors accepté d’enlever un commentaire négatif qui n’était pas fondé, mais il a aussi enlevé un commentaire très positif eu égard au rendement de M. Bergeron.

45 Lors de l’évaluation, M. Bergeron a réitéré son intérêt pour un transfert en Colombie-Britannique pour y rejoindre sa conjointe. Sa demande a été refusée. GH lui a expliqué que normalement les employés ne sont pas mutés avant d’avoir complété deux ans dans leur poste et que les besoins opérationnels ne justifiaient pas une mutation. Qui plus est, son rendement ne permettait pas d’accorder sa demande.

7. La période du 8 mai 2007 au 8 septembre 2007

46 Puisque M. Bergeron avait obtenu une cote moyenne générale inférieure à 2,5, l’employeur a décidé de le soumettre à une évaluation spéciale de trois mois qui a été modifiée à quatre mois pour tenir compte de la période estivale. Le rapport d’évaluation n’a été cependant émis que le 2 octobre 2007, date du licenciement de M. Bergeron.

47 À la fin de la période d’évaluation précédente, l’employeur avait fixé cinq objectifs pour M. Bergeron pour cette évaluation spéciale. Un de ces objectifs a été atteint partiellement alors que les quatre autres ne l’ont pas été. M. Bergeron a obtenu une cote moyenne générale de 2,2, ayant reçu six cotes 3, deux cotes 2 et quatre cotes 1. Dans le narratif du rapport, EF donne des exemples pour illustrer pourquoi il a attribué des cotes 1 ou 2 pour le jugement, le professionnalisme, l’esprit d’équipe, la connaissance des fonctions, le raisonnement et l’analyse et les techniques d’enquêtes. EF a témoigné qu’il avait pris des notes au cours de la période d’évaluation, mais qu’il les a détruites après la rédaction du rapport.

48 Le superviseur réviseur a écrit que M. Bergeron semblait comprendre la gravité de la situation lors de la dernière évaluation et qu’il s’attendait à de grandes améliorations de sa part. Il a aussi écrit que M. Bergeron était incapable de faire la différence entre les faits et la fiction et de rapporter l’information telle que présentée, ce qui est essentiel pour un service de renseignements.

49 GH a écrit que M. Bergeron n’avait pas satisfait aux objectifs établis au cours des deux derniers rapports d’évaluation spéciale. Cela l’a amené à conclure que son rendement présent et passé ne lui permettait plus de participer au PAPAR, le programme de formation des nouveaux agents et que, comme il était en stage pendant toute la durée du PAPAR, il recommandait son licenciement. GH a reconnu que l’employeur n’avait pas fourni d’avis de confirmation de lacunes à M. Bergeron. Il a témoigné qu’il n’avait vu aucune amélioration de son rendement à la suite de l’évaluation spéciale précédente et qu’il ne pouvait continuer comme cela. Il a expliqué qu’il avait opté pour deux évaluations spéciales au lieu d’une évaluation spéciale suivie d’un avis de lacunes. GH a témoigné qu’au cours de toutes ses années au SCRS, il n’avait jamais vu un cas comme celui de M. Bergeron et que la décision de le licencier n’avait pas été prise de gaieté de cœur.

50 Contrairement à ce qui avait été fait lors des autres évaluations, une copie préliminaire du rapport n’a pas été remise à M. Bergeron et il n’a pas été invité à commenter ce rapport qui lui a été remis dans une enveloppe à l’occasion de son licenciement. Il n’a donc pu y écrire ses commentaires et signer le rapport. De plus, le rapport n’a pas été envoyé au service des ressources humaines et signé par une personne de ce service.

51 M. Bergeron a témoigné qu’il n’était pas d’accord avec le contenu de cette évaluation. Il n’a cependant pas déposé de grief pour en contester le contenu. Il a dit qu’au cours de cette période il avait eu peu d’interaction avec EF. Selon lui, EF lui aurait même dit qu’il était sur la bonne voie.

52 M. Coulombe, alors directeur régional, a écrit dans le rapport que M. Bergeron n’atteignait pas les normes du SCRS et qu’il avait pris la décision de le licencier. M. Coulombe a témoigné qu’il avait pris cette décision sur la base de toutes les évaluations du rendement qui avaient été faites sur M. Bergeron et qui démontraient que ce dernier avait fait preuve de lacunes dans plusieurs aspects de son travail. Selon M. Coulombe, M. Bergeron ne possédait pas les qualités requises pour être un agent de renseignements.

53 La rencontre au cours de laquelle M. Bergeron a été congédié n’a duré qu’une quinzaine de minutes. M. Bergeron a témoigné qu’il avait été très surpris quand on lui avait appris qu’il était congédié. Il ne s’attendait absolument pas à cela.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

54 L’employeur rappelle la décision 2013 CF 365, dans laquelle la Cour fédérale annule la décision de l’arbitre de grief dans 2011 CRTFP 103. La Cour a conclu que l’arbitre de grief avait fait une erreur de droit qui avait influencé son interprétation des faits. La Cour a examiné ces faits, les a évalués et a en émis une décision sur les faits. Selon la Cour, l’employeur a renvoyé M. Bergeron pour des motifs liés à l’emploi.

55 L’employeur a réitéré son objection quant à la compétence d’un arbitre de grief pour traiter ce grief qui porte sur un licenciement en cours de stage. Rien dans la Loi ne permet le renvoi d’un tel grief à l’arbitrage. La compétence d’un arbitre de grief se limite à décider d’un grief qui porte sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

56 Pendant la période de stage, l’employeur a la prérogative de suivre un employé et de déterminer s’il convient au poste. Dans le cas d’un agent de renseignements, cette période est d’une durée de cinq années car il s’agit d’un travail complexe qui implique la sécurité nationale. L’employeur n’a pas besoin de justifier sa décision de licencier un employé. Il n’a qu’à présenter une preuve minimale que les motifs du licenciement sont liés à l’emploi. Une fois qu’il l’a fait, le fardeau de la preuve repose sur l’employé qui doit alors démontrer que les motifs liés à l’emploi ne sont qu’un camouflage ou un subterfuge ou sont invoqués de mauvaise foi.

57 L’employeur a rappelé que M. Bergeron savait qu’il était en probation et qu’il aurait dû aussi savoir que son emploi était en danger s’il avait des problèmes de rendement. Or, tous les superviseurs pour qui il a travaillé ont noté des lacunes dans son rendement. Dès janvier 2005, il a obtenu une évaluation inférieure à 2,3 et l’employeur aurait alors pu le licencier, mais il a décidé de lui donner une autre chance. Dans les évaluations subséquentes, le rendement de M. Bergeron s’est à peine amélioré et l’employeur a continué à noter des lacunes.

58 À la suite de la dernière évaluation et de l’examen de son dossier, M. Coulombe a déterminé que cela ne valait pas la peine de continuer et il a décidé de licencier M. Bergeron. Il a conclu que M. Bergeron n’était pas fait pour le poste.

59 L’employeur a admis qu’il n’avait pas donné un avis de confirmation de lacunes à M. Bergeron. Selon l’employeur, sa politique ne l’oblige pas à le faire. Il a plutôt un pouvoir discrétionnaire de le faire. Qui plus est, l’esprit de la politique est que l’employé ne soit pas surpris et soit avisé de ses lacunes afin de pouvoir les corriger. M. Bergeron a été avisé à plusieurs reprises de ses lacunes. Quand M. Coulombe a décidé de licencier M. Bergeron, il était convaincu que ce dernier avait eu l’occasion de s’améliorer et qu’un avis de confirmation de lacunes n’aurait rien changé.

60 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 72; Chaudhry c. Canada (Procureur Canada), 2007 CF 389; Chaudhry c. Canada (Procureur Canada), 2008 CAF 61; Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 CF 429 (C.A); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi (1997), 127 F.T.R. 60; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Services correctionnels), 2004 CRTFP 109; Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33; Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39; Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33; Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39; Archambault c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 28; Archambault c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2005 CF 183; Canada (Procureur Canada) c. Basra, 2008 CF 606; Canada (Procureur Canada) c. Frazee, 2007 CF 1176; Dalen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 73; Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91; Wright c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 139; Parsons c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 5; Raveendran c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2009 CRTFP 116; Ondo-Mvondo c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 52; Jacmain c. Canada (Procureur général), [1978] 2 R.C.S. 15; Olson c. Canada (Procureur général), 2008 CF 209.

B. Pour M. Bergeron

61 M. Bergeron ne conteste pas la durée de la période de stage qui est de cinq années. Il ne conteste pas non plus l’interprétation suggérée par l’employeur à savoir que l’arbitre de grief n’a pas la compétence pour intervenir dans la décision de l’employeur de licencier un employé en cours de stage dans les situations où la décision repose sur un motif lié à l’emploi. Il rappelle cependant que l’arbitre doit se demander si la décision de l’employeur est prise de mauvaise foi ou s’il s’agit d’un camouflage ou d’un subterfuge.

62 M. Bergeron est arrivé au bureau de Montréal au début juillet 2006 et EF au début septembre 2006. De septembre 2006 à septembre 2007, M. Bergeron lui a remis chaque semaine les objectifs et les résultats de son travail. En contrepartie, EF lui a fourni très peu de rétroaction contrairement à ce qu’il aurait dû faire comme superviseur.

63 M. Bergeron a argumenté que son licenciement est teinté de mauvaise foi de la part de l’employeur qui n’a pas suivi ses propres politiques. Lors de l’évaluation de janvier à mai 2007, il a demandé d’enlever certains commentaires négatifs qui étaient non fondés. L’employeur l’a fait, mais il a aussi enlevé un commentaire positif significatif. Entre mai 2007 et septembre 2007, EF a dit à M. Bergeron que tout allait bien. Il n’a pas discuté régulièrement avec lui de son rendement. Par contre, l’évaluation du rendement qu’il a rédigée a été négative et a mené à son licenciement. Cette évaluation ne respectait pas les politiques de l’employeur. Elle n’a pas été remise à M. Bergeron à l’avance pour qu’il puisse fournir ses commentaires. Elle n’a pas été discutée avec lui. Il n’y avait pas de plan de travail. L’employeur n’a pas aidé M. Bergeron comme il aurait dû le faire et comme il l’affirme dans la lettre de licenciement. Contrairement à la politique, EF n’a pas conservé les notes qu’il avait prises au cours de la période d’évaluation, ce qui soulève un problème important de transparence. Enfin, le rapport d’évaluation n’a pas été signé par le service des ressources humaines.

64 Les politiques de l’employeur prévoient qu’un avis de confirmation de lacunes soulignant les faiblesses de l’employé et les mesures à prendre pour améliorer son rendement soit envoyé à l’employé qui éprouve des problèmes de rendement. Un tel avis est censé être précédé de deux rapports spéciaux d’évaluation. Si le rendement ne s’améliore pas après l’avis, l’employé peut être licencié. M. Bergeron a souligné que l’employeur n’avait pas du tout respecté cette procédure. Il n’a jamais reçu d’avis de confirmation de lacunes contrairement à la politique et à ce que GH avait écrit dans le rapport d’évaluation de mai 2007. L’employeur avait alors renoncé à son pouvoir discrétionnaire de donner ou de ne pas donner un avis de confirmation de lacunes.

65  L’ensemble de tous ces manquements par l’employeur à ses propres politiques équivalut à de la mauvaise foi de sa part et justifie la compétence de l’arbitre de grief pour trancher le grief de M. Bergeron et annuler son licenciement.

66 M. Bergeron m’a renvoyé aux décisions suivantes : Archambault (2003); Archambault (2005); Rousseau; Raveendran; Dhaliwal; Fell c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 2; Matthews c. Service canadien du renseignement de sécurité, dossier de la CRTFP 166-20-27336 (19970305); Canada (Procureur général) c. Matthews, [1997] A.C.F. no 1692; McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23967 (19931119); Labrèche c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires extérieures), dossier de la CRTFP 166-02-19920 et 19986 (19901213); Slattery c. Centre de la sécurité des télécommunications, ministère de la Défense nationale, dossier de la CRFTP 166-13-17850 (19900312).

IV. Motifs

67 La jurisprudence sur la question est unanime : un arbitre de grief n’a pas la compétence pour se prononcer sur la justesse d’un licenciement au cours de la période de stage. La compétence d’un arbitre de grief se limite aux seuls griefs dont il est question au paragraphe 209(1) de la Loi. Ce paragraphe se lit comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

68 M. Bergeron n’est pas couvert par une convention collective (209(1)a)). Il n’est question nulle part dans son grief ou dans la preuve présentée de l’imposition d’une mesure disciplinaire contre lui (209(1)b)). Enfin, le SCRS ne fait pas partie de l’administration publique centrale (209(1)c)) et n’est pas un organisme distinct désigné dont il est question à l’alinéa 209(1)d) cité ci-dessus. Sur ces seules bases, un arbitre de grief n’a donc pas la compétence pour entendre son grief qui porte sur son licenciement en cours de stage.

69 Cette absence de compétence de l’arbitre de grief ne veut pas dire que l’arbitre de grief doit nécessairement refuser d’examiner les faits entourant le licenciement en vertu du principe selon lequel la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. Ce n’est pas parce que l’employeur invoque un licenciement en cours de stage qu’il s’agit bel et bien d’un licenciement en cours de stage. L’employeur peut avoir agi de mauvaise foi, avoir utilisé un subterfuge ou avoir camouflé une autre forme de licenciement (voir Leonarduzzi).

70 L’employeur qui allègue avoir licencié un employé en cours de stage n’a pas à convaincre l’arbitre de grief de la justesse de sa décision. Il n’a qu’à produire un minimum de preuve que sa décision est liée à l’emploi et non à un autre motif. Sur ce point, la Cour s’exprime ainsi dans Leonarduzzi :

[…]

[42] Le défendeur soutient que l'employeur doit produire une preuve prima facie que le fonctionnaire a été licencié pour un motif déterminé valable. Ce n'est pas le cas. Il y a lieu de distinguer entre un motif lié à l'emploi et un « motif déterminé valable ». Dans Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.F.), une affaire qui portait sur la compétence de la Commission de se saisir d'un grief d'un employé en stage qui avait été licencié pour un motif déterminé en vertu de l'article 28 de la LEFP, le juge Marceau, J.C.A., déclare ceci, à la page 438 :

D'autres arbitres ont adopté une attitude assez différente de celle qui précède : ils ont accepté la thèse selon laquelle, dès le moment où ils sont convaincus que la décision contestée était effectivement fondée sur un motif réel de renvoi, c'est-à-dire procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l'égard de l'aptitude de l'employé, les arbitres n'ont pas compétence pour examiner la question de savoir si la décision de renvoyer l'employé était appropriée ou était bien fondée. Dans l'affaire Smith (dossier no 166-2-3017 de la Commission), l'arbitre Norman exprime sans détours sa pensée à ce sujet :

En effet, une fois que l'employeur a présenté à l'arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l'audition sur le fond dans l'affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu'à une impasse soudaine. L'arbitre perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l'employé s'estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir à cet égard que l'employeur n'a pas donné de motif valable pour le congédiement. [Je souligne]

[43] Le juge Marceau a conclu que l'interprétation de l'arbitre Norman, précitée, est la seule qui est fondée à la fois sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Jacmain c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 15, et sur la législation.

[44] Si l'arbitre avait demandé à l'employeur de démontrer l'existence d'un motif déterminé valable pour justifier le licenciement, j'aurais conclu à l'erreur de compétence puisqu'une telle exigence serait contraire au texte clair de la législation pertinente, selon l'interprétation qu'en donne l'arrêt Penner, précité.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

71 Une fois que l’employeur a démontré qu’il avait des motifs liés à l’emploi pour licencier l’employé, le fardeau de la preuve incombe alors à ce dernier de démontrer que le licenciement était un subterfuge, du camouflage ou de la mauvaise foi (voir entre autres les décisions de la Cour fédérale dans Archambault ou Bergeron). Sur cette même logique appliquée à la présente affaire, la Cour fédérale, dans Bergeron au paragraphe 41, s’exprime ainsi :

[41] Si le SCRS a fait la preuve d’un motif lié à l’emploi au moyen du témoignage de M. Coulombe, qui a décidé de licencier le défendeur suite aux nombreuses évaluations du rendement insatisfaisantes, il revenait donc au défendeur de prouver que le SCRS a agi de mauvaise foi, par camouflage et supercherie en mettant fin à son emploi pendant la période de stage. Cependant, la preuve présentée par le défendeur tentait de démontrer que son licenciement n’était pas justifié. Or, là n’est pas le fardeau qui incombait au défendeur : il devait plutôt tenter de démontrer que son licenciement était de mauvaise foi, une supercherie ou du camouflage (Owens, précité).

72 Comme la Cour fédérale le suggère dans Bergeron, j’examinerai dans l’ordre si l’employeur avait un motif lié à l’emploi pour licencier M. Bergeron au cours de son stage et, par la suite, si la décision de l’employeur en est une de mauvaise foi ou constitue un subterfuge ou un camouflage.

A. Le licenciement en cours de stage est-il basé sur un motif lié à l’emploi?

73 L’employeur a présenté une preuve cohérente et consistante qu’il n’était pas satisfait du rendement de M. Bergeron et qu’il s’agissait là de la raison pour laquelle il l’a renvoyé avant le fin de sa période de stage. La preuve démontre qu’il avait des motifs liés à l’emploi.

74 M. Coulombe a pris la décision de licencier M. Bergeron sur la base de toutes les évaluations du rendement qui avaient été faites sur lui et qui démontraient qu’il avait fait preuve de lacunes dans plusieurs aspects de son travail. Selon M. Coulombe, M. Bergeron ne possédait pas les qualités requises pour être un agent de renseignements. Dans la lettre de licenciement, M. Coulombe a indiqué qu’il avait fondé sa décision sur les trois dernières évaluations du rendement alors que lors de son témoignage, il a plutôt indiqué qu’il avait examiné toutes les évaluations. Il s’agit là d’un détail qui ne me fait absolument pas douter de la sincérité du témoignage de M. Coulombe à savoir qu’il était d’avis qu’il y avait des lacunes dans le travail de M. Bergeron qui justifiait le licenciement.

75 Hormis la première évaluation du rendement pour la période d’avril 2003 à janvier 2004, l’employeur a noté des lacunes assez importantes dans le rendement de M. Bergeron pour chacune des périodes évaluées.

76 Lors de la période de janvier 2004 à janvier 2005, M. Bergeron n’a atteint que 2 des 10 objectifs de travail. Il a obtenu une cote moyenne de 2,3 ce qui est inférieur à la cote moyenne minimale de 2,5 exigée par l’employeur. AB a témoigné qu’il ne lui est jamais arrivé au cours des années qu’il supervisait des employés d’attribuer une cote moyenne générale inférieure à 2,3. M. Bergeron aurait pu demander à un comité de révision d’examiner son évaluation, mais il ne l’a pas fait. Certes, selon la preuve, c’était mal vu au SCRS de déposer des griefs ou, en l’occurrence, de demander des révisions. Il n’en demeure pas moins que M. Bergeron aurait pu utiliser ces recours pour cette période et les autres où il a eu des évaluations insatisfaisantes.

77 À la suite de l’évaluation de janvier 2005, l’employeur a procédé à une évaluation spéciale en avril 2005. M. Bergeron a alors obtenu une cote générale de 2,6, ce qui est à peine supérieur à la cote minimale de 2,5. CD a alors noté que M. Bergeron avait encore des lacunes à corriger pour être pleinement fonctionnel comme agent de renseignements.

78 Lors de l’évaluation de décembre 2005, M. Bergeron a obtenu une cote moyenne de 2,5, ce qui est le minimum requis par le SCRS pour éviter l’évaluation spéciale. Il a obtenu la cote 3 pour 5 des 10 qualités requises, mais il a obtenu la cote 2 sur les 5 autres, soit le jugement, le professionnalisme, la connaissance des fonctions, la communication ainsi que le raisonnement et l’analyse. Rappelons qu’une cote 2 signifie qu’un employé doit faire des progrès pour atteindre les objectifs de l’emploi. CD a noté que M. Bergeron démontrait encore des lacunes dans son travail et qu’il devait s’améliorer au niveau du jugement, de l’analyse, de la communication et du professionnalisme.

79 Le rendement de M. Bergeron n’a pas été évalué pour une période approximative de neuf mois suivant l’évaluation de décembre 2005. S’en suivie une évaluation portant sur quatre mois se terminant le 6 janvier 2007. M. Bergeron a alors obtenu une cote moyenne générale de 2,4 avec des lacunes notées au niveau du jugement, de l’initiative, du professionnalisme, de la connaissance des fonctions, de la planification et de l’organisation, du raisonnement et de l’analyse ainsi des techniques d’enquêtes. GH, qui était alors le superviseur immédiat de EF, s’est dit d’accord avec les cotes de rendement attribuées à M. Bergeron. Ce dernier a indiqué qu’il n’était pas d’accord avec l’évaluation et qu’il la considérait sévère et très incomplète. Il n’a cependant pas contesté cette évaluation auprès du comité de révision.

80 À la suite de l’évaluation de janvier 2007, l’employeur a procédé à une évaluation spéciale en mai 2007. M. Bergeron a alors obtenu une cote générale de 2,3, ce qui est encore inférieur à la cote minimale de 2,5. M. Bergeron a alors obtenu des cotes inférieures à 3, mais il a obtenu la cote 2 au niveau du jugement, de l’initiative, du professionnalisme, de l’esprit d’équipe, de la connaissance des fonctions, de la planification et des techniques d’enquêtes. GH a ajouté aux commentaires de EF quant à son insatisfaction du rendement de M. Bergeron. Ce dernier a indiqué qu’il n’était pas d’accord avec le rapport. Il aurait pu demander à un comité de révision d’examiner son évaluation, mais il ne l’a pas fait.

81 En septembre 2007, l’employeur a procédé à une autre évaluation spéciale, celle-ci pour une période de quatre mois à cause des congés de la période estivale afin de tenir compte des absences en mai 2007. M. Bergeron a obtenu une cote moyenne générale de 2,2, ayant reçu des cotes inférieures à 3 pour le jugement, le professionnalisme, l’esprit d’équipe, la connaissance des fonctions, le raisonnement et l’analyse et les techniques d’enquêtes. GH en a conclu que le rendement de M. Bergeron ne lui permettait plus de participer au PAPAR et que puisqu’il était en probation, il recommandait son licenciement. Il a témoigné qu’il n’avait vu aucune amélioration du rendement de M. Bergeron à la suite de l’évaluation spéciale précédente. Il a aussi témoigné qu’au cours de toutes ses années au SCRS, il n’avait jamais vu un cas comme celui de M. Bergeron. Ce dernier n’a pas eu l’occasion d’inscrire ses commentaires dans le rapport d’évaluation qui ne lui a été remis que lors de son licenciement. M. Bergeron a témoigné qu’il n’était pas d’accord avec cette évaluation, mais il n’a pas déposé de grief pour la contester.

82 L’employeur n’était pas pleinement satisfait de M. Bergeron pendant presque tout son stage. Après janvier 2004, soit pendant une période de trois ans, en excluant les neuf mois pour lesquels il n’y a pas eu d’évaluation, la moyenne générale des six évaluations du rendement de M. Bergeron n’a jamais atteint la cote moyenne de 3, qui est accordée à un employé qui satisfait pleinement aux exigences. Qui plus est, parmi ces six évaluations, trois d’entre elles ont été des évaluations spéciales.

83 En somme, la preuve révèle que l’employeur n’était pas satisfait du rendement de M. Bergeron. De toute évidence, l’employeur a fait la preuve que le motif du licenciement de M. Bergeron en cours de stage était directement lié à l’emploi. L’employeur était insatisfait de plusieurs facettes de son rendement et il le lui a fait savoir formellement par écrit à plusieurs reprises lors des multiples occasions où il a évalué son rendement.

B. L’employeur a-t-il agi de mauvaise foi ou utilisé un subterfuge ou un camouflage?

84 M. Bergeron a soumis que son licenciement était teinté de mauvaise foi de la part de l’employeur qui n’a pas suivi ses propres politiques. Selon lui, lors de sa dernière année d’emploi, EF lui a donné très peu de rétroaction et n’a pas discuté régulièrement avec lui de son rendement. Il lui aurait dit que tout allait bien, mais il a rédigé une évaluation négative qui a mené à son licenciement. Contrairement aux politiques en place, cette évaluation n’a pas été remise à M. Bergeron à l’avance et n’a pas été discutée avec lui. EF n’a pas conservé les notes qu’il avait prises au cours de la période d’évaluation et le rapport d’évaluation n’a pas été signé par le service des ressources humaines. Qui plus est, un avis de confirmation de lacunes n’a pas été remis à M. Bergeron, contrairement à la politique et à ce que GH avait écrit dans le rapport d’évaluation de mai 2007. Selon M. Bergeron, l’ensemble de ces manquements par l’employeur à ses propres politiques équivaut à de la mauvaise foi de sa part.

85  Je suis en partie d’accord avec M. Bergeron à savoir que l’employeur, sur certains aspects, a fait fi de ses politiques. Je n’en conclus pas pour autant que l’employeur a agi de mauvaise foi, encore moins que le licenciement en cours de stage est un subterfuge ou un camouflage d’un autre motif de licenciement. Comme l’enseigne la jurisprudence, la bonne foi se présume et la mauvaise foi doit être prouvée (voir Rousseau entre autres). Dans la présente affaire, elle ne l’a pas été.

86 Certes, il est possible que EF n’ait pas donné beaucoup de rétroaction à M. Bergeron au cours de sa dernière année d’emploi. Je n’y vois aucune mauvaise foi de sa part ou de la part de l’employeur. L’employeur a fourni de la rétroaction à M. Bergeron à de multiples reprises après janvier 2004, entre autres dans les six évaluations du rendement qu’il lui a fournies et où il lui a fait part de ses lacunes. Il ne fait de doute, à l’examen de la preuve, que M. Bergeron était au courant du fait que l’employeur n’était pas satisfait de son rendement.

87 Il est vrai que l’employeur n’a pas donné un avis de confirmation de lacunes à M. Bergeron en octobre 2007 et qu’il a plutôt décidé de le licencier, allant ainsi dans une direction différente de celle que lui avait communiquée GH dans l’évaluation de mai 2007. GH a témoigné qu’il n’avait vu aucune amélioration du rendement de M. Bergeron et qu’il ne pouvait continuer comme cela. Il a donc changé d’idée et il a recommandé à M. Coulombe de licencier M. Bergeron. Faut-il y voir de la mauvaise foi? À la lumière du reste de la preuve, je crois que GH et M. Coulombe ont agi de bonne foi. Ils ont décidé de mettre fin immédiatement à l’emploi de M. Bergeron plutôt que de lui redonner une autre chance d’améliorer son rendement.

88 Dans les faits, compte tenu de la jurisprudence relative au licenciement en cours de stage, l’employeur aurait pu mettre fin à l’emploi de M. Bergeron après chacune de ses évaluations du rendement à compter de janvier 2005, car à chacune de ces occasions, il était insatisfait de certaines facettes de son travail. Il n’était pas nécessaire que deux évaluations spéciales aient été complétées et, qu’en plus, un avis de lacunes soit fourni.

89 J’ai étudié attentivement chacune des décisions qui m’ont été soumises par M. Bergeron. Je trouve important de distinguer la présente affaire de certaines de ces décisions.

90 Dans Matthews, l’employeur, en l’occurrence le SCRS, a licencié l’employé en vertu de sa politique sur le réaménagement des effectifs. L’employé prétendait qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée. L’arbitre a constaté que l’employeur n’avait pas du tout respecté ses politiques et ses procédures en la matière et, à la lumière de l’ensemble de la preuve, il a conclu que l’employeur avait agi de mauvaise foi en se débarrassant de façon arbitraire de l’employé sous prétexte d’une mise en disponibilité et que, dans les faits, l’employé avait été licencié pour des motifs disciplinaires. La présente affaire est un licenciement en cours de stage et il n’y a aucun élément de preuve me portant à croire que l’employeur aurait tenté de camoufler un licenciement disciplinaire.

91 Dans McMorrow, l’arbitre de grief a conclu qu’il avait la compétence car l’employeur avait agi de mauvaise foi en déterminant que l’employé devrait être licencié, avant que l’enquête qu’il avait demandée ne soit terminée. Contrairement à la présente affaire, dans McMorrow, l’employé avait été renvoyé en cours de stage non pas en raison d’un rendement insatisfaisant, mais pour des motifs disciplinaires. L’employeur avait décidé de renvoyer l’employé avant même d’avoir reçu sa version des faits sur la question pouvant faire l’objet d’une mesure disciplinaire.

92 Dans Dhaliwal, l’employeur a renvoyé l’employé pour un motif autre qu’un rendement insatisfaisant, contrairement à la présente affaire. M. Dhaliwal a été renvoyé en raison de son utilisation des congés de maladie et des congés pour obligations familiales, et l’employeur ne lui a pas donné la possibilité d’expliquer pourquoi il prenait ces congés. De plus, ces congés, auxquels avaient droit l’employé selon la convention collective, avaient été approuvés au préalable par l’employeur. Les faits de la présente affaire sont totalement différents.

93 Dans Labrèche, l’arbitre de grief a déterminé que le renvoi en cours de stage avait été fait de mauvaise foi et équivalait à un « congédiement pur et simple ». L’employeur ne remettait pas en question la compétence, la capacité ou le comportement de l’employé pendant ses heures normales de travail. Plutôt, il n’acceptait pas que l’employé ne puisse travailler toutes les heures supplémentaires demandées par lui. Dès lors, il était devenu un « indésirable dont il fallait se départir ». L’arbitre de grief a conclu que le renvoi avait été fait de mauvaise foi et constituait un congédiement disciplinaire. Les faits de la présente affaire sont bien différents, et rien dans la preuve ne laisse présager le camouflage d’un congédiement disciplinaire.

C. Conclusion

94 La preuve a révélé que M. Bergeron était en stage au moment où il a été licencié. Il savait qu’il était en stage pour une période de cinq ans jusqu’en janvier 2008 et il savait ce que cela signifiait. L’employeur n’était pas satisfait de son rendement et il lui a fait savoir à de multiples reprises lors de ses évaluations de rendement. L’employeur croyait qu’il n’avait pas ce qu’il fallait pour être un agent de renseignements et il l’a licencié.

95 Certes, l’employeur n’a pas respecté ses propres procédures sur certains points ou a omis, contrairement à ce que GH avait indiqué au préalable, de remettre à M. Bergeron un avis de confirmation de lacunes. Rien dans la preuve ne me porte à croire que, ce faisant, l’employeur a agi de mauvaise foi. Rien dans la preuve ne m’indique non plus que l’employeur a utilisé le licenciement en cours de stage comme un subterfuge ou un camouflage d’un autre motif de licenciement. M. Bergeron n’a d’ailleurs pas soumis cet argument.

96 Pour ces motifs, compte tenu que je n’ai pas la compétence pour entendre ce grief, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

97 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 9 septembre 2014.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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