Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le grief du fonctionnaire s’estimant lésé a été accueilli en partie - il a obtenu une indemnité tenant lieu de réintégration - les parties ne sont pas parvenues à un règlement et ont convenu de débattre de la question du montant de l’indemnité au moyen d’observations écrites - le paragraphe228(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique confère à l’arbitre de grief le pouvoir d’accorder une indemnité tenant lieu de réintégration - l’arbitre de grief a adopté l’approche axée sur la perte financière utilisée dans une décision précédente de la Commission pour calculer l’indemnité - l’indemnité tenant lieu de réintégration doit correspondre à la valeur des avantages prévus dans la convention collective pertinente - bien que dans la fonction publique fédérale, l’ancienneté ne soit pas prise en compte aux fins de la protection de l’emploi ou de la promotion et qu’elle n’ait pas la même importance que dans les autres milieux de travail syndiqués, une valeur peut être attribuée aux protections accordées aux employés dans l’annexe portant sur le réaménagement des effectifs contenue dans les conventions collectives - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait probablement travaillé jusqu’à l’âge de 63 ans, moment auquel il aurait pu retirer un maximum de prestations de retraite - ainsi, il avait droit à un peu plus de 11,5 années de salaire, plus avantages sociaux - l’arbitre de grief a établi la valeur des avantages prévus par la convention collective du fonctionnaire s’estimant lésé à 11,3% de son salaire; il a ajouté ce montant à celui qui est dû au fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a retranché du montant dû des déductions pour les imprévus (maladie, risque de décès, retraite anticipée et autres circonstances imprévues) - le facteur le plus important à prendre en compte dans l’évaluation des imprévus est le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a conclu que s’il était réintégré dans ses fonctions, le fonctionnaire s’estimant lésé continuerait de se conduire comme avant et donnerait raison à l’employeur de le licencier - par conséquent, le montant dû doit être réduit de 90% afin de tenir compte de cette probabilité ainsi que d’autres éventualités - le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à une indemnité de départ sujette à la clause 63.02 de la convention collective, laquelle a également été réduite de 90% - le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas droit à des dommages pour atteinte à sa réputation à la suite des déclarations d’un témoin à l’arbitrage de son grief concernant son licenciement - les personnes qui témoignent dans le cadre d’un processus judiciaire ou quasi judiciaire jouissent d’une immunité absolue, et le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de son allégation - il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé d’atténuer ses dommages, et il a présenté des éléments de preuve qu’il avait agi en ce sens - l’employeur n’a pas fait d’observation selon laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé aurait omis d’atténuer les dommages, et il n’a pas soutenu que les efforts de ce dernier à cet égard étaient déraisonnables - tous les gains réalisés par le fonctionnaire s’estimant lésé à la suite de son licenciement devrait être déduits du montant dû - l’arbitre de grief a accordé au fonctionnaire s’estimant lésé les intérêts sur les montants dûs au taux prescrit par le règlement de l’Alberta sur l’intérêt sur les jugements (Judgment Interest Regulation). Instructions données.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-07-25
  • Dossier:  566-34-3955
  • Référence:  2014 CRTFP 73

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STANLEY BAHNIUK

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Bahniuk c. Agence du revenu du Canada


Décision supplémentaire


Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate
Décision rendue sur la base d'arguments écrits déposés les 18 mars et 9 et 19 avril 2013. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Contexte

1  Stanley Bahniuk, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est un employé de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’« ARC »). Il a renvoyé plusieurs griefs à l’arbitrage devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP ») (dossier de la CRTFP 566-34-3955 à 3959). Le fonctionnaire était représenté par son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat »). La convention collective applicable est celle qui a été conclue entre l’employeur et le syndicat au nom du groupe Exécution des programmes et des services administratifs (la « convention collective »), qui venait à échéance le 31 octobre 2010.

2 Dans Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 107 (Bahniuk 2012), j’ai statué sur quatre griefs : une suspension disciplinaire de trois jours pour une conduite non professionnelle et irrespectueuse a été maintenue (dossier de la CRTFP 566-34-3958); une suspension pour une période indéfinie en attendant les résultats de l’enquête sur la conduite du fonctionnaire a été jugée théorique (dossier de la CRTFP 566-34-3957); une suspension de 10 jours sans traitement pour insubordination et une suspension de 20 jours sans traitement pour utilisation inappropriée de la politique sur le harcèlement de l’employeur ont été réduites à 5 et 10 jours respectivement (dossier de la CRTFP 566-34-3956). Le grief contestant le licenciement du fonctionnaire (dossier de la CRTFP 566-34-3955) a été accueilli en partie, le fonctionnaire devant obtenir une indemnité tenant lieu de réintégration. Dans Bahniuk 2012, j’ai ordonné ce qui suit au sujet du grief sur le licenciement :

379 Dans le dossier de la Commission 566-34-3955, le grief est accueilli en partie. Le fonctionnaire recevra une indemnité tenant lieu de réintégration. Je demeurerai saisi de ce grief pour une période de 60 jours à partir de la date de la présente décision pendant lesquels les parties devront tenter de négocier une entente; en cas d’échec, les parties devront en aviser la Commission afin de prévoir la tenue d’une audience.

3 Agissant en son propre nom, le fonctionnaire a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire de Bahniuk 2012. Dans Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2014 CF 126, décision publiée le 4 février 2014, la Cour fédérale a rejeté la demande du fonctionnaire.

4 Les parties n’ont pu en venir à une entente et ont convenu de traiter de la question du montant de l’indemnité au moyen d’arguments écrits. La présente décision porte seulement sur la question du montant de l’indemnité devant être accordée au fonctionnaire.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

5 Le fonctionnaire a été un employé de l’employeur du 6 janvier 1986 au 22 janvier 2010, soit pendant 24 ans. À la date de son licenciement, il était âgé de 52 ans. Pendant la majeure partie de son emploi, le fonctionnaire a occupé le poste de chef d’équipe, classifié MG-03, à la Division du recouvrement des recettes du Bureau des services fiscaux de Calgary de l’employeur. Le fonctionnaire a suivi une formation exhaustive chez l’employeur, notamment une formation pour gestionnaire, une journée d’excellence en leadership, des ateliers syndicaux-patronaux et une formation technique.

6 Le fonctionnaire a mentionné deux approches arbitrales relatives à l’octroi de dommages lorsqu’un arbitre de grief ne réintègre pas un employé : l’approche du préavis raisonnable fondée sur la common law et celle des pertes financières. Le fonctionnaire a soutenu que comme il était membre du syndicat et bénéficiait des avantages de la convention collective au cours de son emploi, l’approche appropriée est celle fondée sur les pertes financières. Les dommages accordés devraient refléter la perte du statut de membre d’une unité de négociation, la valeur des « avantages sociaux » prévus par la convention collective et la perte du traitement passé et futur, ainsi que l’intérêt. Le fonctionnaire a également demandé des dommages pour atteinte à la réputation alléguée. Le fonctionnaire a énuméré certains des avantages prévus par la convention collective :

Article 8 Régime de soins dentaires
Article 17 Discipline
Article 18 Procédure de règlement des griefs
Article 23 Sécurité d’emploi
Article 25 Heures de travail
Article 27 Primes de poste
Article 28 Heures supplémentaires
Article 29 Disponibilité
Article 32 Temps de déplacement
Article 35 Congé de maladie payé
Article 63 Indemnité de départ

7 À l’appui de l’approche fondée sur les pertes financières, le fonctionnaire a cité les décisions suivantes qui portent sur l’octroi de dommages : Metropolitan Toronto (Municipality) v. C.U.P.E., Loc. 79 (2001), 99 L.A.C. (4e) 1; Cameco Corporation v. United Steel Workers of America, Local 8914, 2008 SKQB 499; Tipple c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2010 CRTFP 83; Tipple c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 158; Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration (4e éd.) (« Brown & Beatty »).

8 En ce qui concerne les dommages établis en fonction de l’approche fondée sur les pertes financières, le fonctionnaire a demandé ce qui suit au titre de la perte de salaire passé : le montant de son salaire de la date de son licenciement à la date de la présente décision; un facteur de 20 % représentant la perte d’avantages sociaux; de l’intérêt au taux de la Banque du Canada (5 % à la date de la demande).

9 Le fonctionnaire a également demandé des dommages pour perte de salaire futur parce qu’il était prêt à travailler pour l’employeur jusqu’à l’âge de 65 ans, ainsi que 20 % au titre des avantages sociaux et de l’intérêt.

10 De plus, le fonctionnaire a demandé des dommages de 250 000 $, intérêts en sus, pour atteinte présumée à la réputation. Cette demande s’appuie sur le témoignage d’un témoin de l’employeur, Mme Brenda Bauer, cité aux paragraphes 18 (interrogatoire principal) et 46 (contre-interrogatoire) de Bahniuk 2012 dans les termes suivants :

18 Mme Bauer a dit que la rencontre avait duré entre 45 minutes et une heure et qu’elle était ébranlée quand le fonctionnaire a quitté son bureau. Elle a expliqué que dans toute sa carrière, elle n’avait jamais eu ce genre de rencontre avec un collègue, un subordonné ou un superviseur. Il lui a fallu un certain temps pour se calmer, puis elle a pris quelques notes manuscrites sur la rencontre (pièce E-2). Mme Bauer a mentionné que le jour de la rencontre, elle a dit à un conseiller en relations de travail que si le fonctionnaire avait eu une arme à feu, il l’aurait utilisée.

46 Mme Bauer a été renvoyée à la section 2c, page 7, de la Politique sur la discipline, intitulée [traduction] « Droits et obligations de l’employé », où il est écrit à la première phrase : [traduction] « L’employé qui fait l’objet d’une enquête est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit établi qu’il y a eu inconduite. » On a rappelé à Mme Bauer qu’elle était ébranlée et bouleversée après sa rencontre avec le fonctionnaire et qu’elle avait alors dit à un gestionnaire des relations de travail que si le fonctionnaire avait été en possession d’une arme à feu, il l’aurait utilisée. Mme Bauer a répondu que ce qu’elle avait dit à l’autre gestionnaire, c’était que si le fonctionnaire avait eu une arme à feu, elle n’était pas certaine qu’il ne l’aurait pas utilisée. Elle a dit que bien que le fonctionnaire n’ait pas mentionné d’arme à feu, elle a eu l’impression, en observant son comportement, que c’était quelqu’un de très fâché : assis sur sa chaise, il avait le visage rouge et les yeux exorbités, il postillonnait et il la pointait du doigt avec colère. Elle a reconnu qu’elle n’a pas avisé la police. Lorsqu’on lui a demandé si le fonctionnaire était présumé innocent après sa rencontre avec lui, Mme Bauer a répondu par l’affirmative, affirmant qu’elle n’avait pas encore établi qu’il y avait eu inconduite à ce moment-là.

11 Le fonctionnaire a souligné que les commentaires de Mme Bauer avaient été faits au cours de son témoignage du 21 juin 2011, sur une tribune publique. Le fonctionnaire a fait valoir que les commentaires de Mme Bauer étaient téméraires et arbitraires, et qu’ils portaient préjudice à sa réputation de fonctionnaire dans sa quête d’un autre emploi.

12 Le fonctionnaire a soutenu que son évaluation de rendement pour la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2009 (pièce G-5), qui renferme la phrase suivante : [traduction] : « Stan fait continuellement preuve d’intégrité personnelle en abordant franchement les questions qui lui sont importantes […] » reflète mieux sa réunion du 2 mai 2008 avec Mme Bauer.

13 À l’appui de son argument, le fonctionnaire a cité les paragraphes suivants de Tipple 2010 CRTFP 83 : 289 – pouvoirs de réparation d’un arbitre de grief; 301 et 302 – dommages pour perte d’avantages sociaux non concrets; 305 – adjudication de l’intérêt; 330 et 331 – perte de réputation.

B. Pour l’employeur

14 Dans le cadre de son argumentation, l’employeur a d’abord cité le passage suivant de Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, 2004 CSC 28 :

54 Pour que l’arbitrage soit efficace, utile et contraignant, il doit apporter une solution durable et pratique aux problèmes qui existent dans le milieu de travail. À la notion de circonstances exceptionnelles élaborées dans la jurisprudence arbitrale correspond la nécessité de reconnaître aux arbitres un large pouvoir leur permettant de façonner les réparations qui s’imposent eu égard à toutes les circonstances. []

15 L’employeur a ensuite exposé certains faits qui, dans son argumentation, doivent être pris en compte pour en arriver à une réparation appropriée. L’employeur a mentionné les rapports difficiles que le fonctionnaire entretenait depuis longtemps avec la haute direction et les préoccupations de l’employeur à l’égard de la conduite du fonctionnaire en milieu de travail depuis un certain nombre d’années. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à : Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 141 au paragraphe 133 et Bahniuk 2012,aux paragraphes 360 et 361. De plus, l’employeur a mentionné les conclusions selon lesquelles le fonctionnaire avait manqué de respect à l’égard de la haute direction et qu’il ne lui faisait pas confiance, ajoutant que cette confiance ne serait pas rétablie s’il était réintégré. De plus, l’employeur a mentionné la résistance du fonctionnaire aux efforts faits de bonne foi par l’employeur pour améliorer leur relation de travail : Bahniuk 2012, aux paragraphes 362 et 363.

16 L’employeur s’est également reporté aux extraits suivants de Bahniuk 2012 :

365.

[]

La preuve révèle que le fonctionnaire est incapable d’accepter les directives données par la haute direction, et je ne suis pas convaincu que cette attitude s’améliorerait s’il était réintégré. En fait, je suis convaincu du contraire []

372.

[]

D’après les preuves sur son comportement, selon moi, la réintégration du fonctionnaire mènerait inévitablement à de nouvelles confrontations et à de nouvelles tensions, et la direction aurait à consacrer davantage d’énergie et de ressources pour s’occuper de lui.

17 L’employeur a déclaré qu’il fallait tenir compte de certaines circonstances pour déterminer la réparation à accorder, dont le dossier disciplinaire du fonctionnaire lors de son licenciement, qui contient une réprimande écrite, une suspension de 1 journée, et des suspensions de 3, 5 et 10 jours (voir Bahniuk 2012, au paragraphe 341).

1. Approche du secteur public fédéral

18 L’employeur a ensuite abordé les différentes approches utilisées pour évaluer le montant de l’indemnité tenant lieu de réintégration, en commençant par le secteur public, comme l’illustrent les décisions suivantes de l’organisme ayant précédé la présente Commission, à savoir l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne CRTFP ») : Doucette c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale, 2003 CRTFP 66 et 2003 CRTFP 106 – un électricien âgé de 50 ans possédant 16 années de service et dont le dossier disciplinaire comporte des suspensions de 3, 10 et 20 jours; il a été licencié pour insubordination; la réintégration était inappropriée; il a reçu une indemnité de 12 mois de salaire. Loyer c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada –Service correctionnel), 2004 CRTFP 17 et Loyer c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 148 – un agent correctionnel âgé de 50 ans possédant 23 années de service et dont le dossier disciplinaire comportait une suspension d’une journée; il a été licencié pour avoir refusé de collaborer et de se présenter à un examen médical; il avait des antécédents de négativisme à l’égard de la direction; sa réintégration était inappropriée; il a reçu une indemnité de 12 mois de salaire au taux de rémunération en vigueur lors de la date de dépôt du grief, avec indemnité de départ en sus. McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens Combattants), dossier de la CRTFP 166-02-23967 (19941021) – un directeur général régional adjoint (EX-1) âgé de 50 ans possédant 17 années de service; il n’y a aucune mesure disciplinaire à son dossier; il a été licencié pour inconduite liée à des commentaires et un comportement inappropriés à l’égard des employées; la réintégration était inappropriée; il a reçu une indemnité de 13,5 mois de salaire; pour en arriver à l’indemnité, l’arbitre de grief a pris en compte le fait que le fonctionnaire avait également continué à recevoir son salaire lors des quatre mois suivant son licenciement (indemnité de départ équivalente à 17 semaines de salaire), et une atténuation au moyen d’activités de conseil.

19 L’employeur a fait valoir que dans Loyer, la situation était similaire à celle en l’espèce, en ce sens que la conduite du fonctionnaire établissait clairement qu’il ne pouvait pas fonctionner en milieu de travail. Durant son témoignage, l’employeur a soutenu qu’il s’agissait d’une distinction importante par rapport à l’analyse proposée par le fonctionnaire dans la présente affaire, car l’indemnité qu’il demande lui accorderait, pour l’essentiel, la pleine valeur de plusieurs années de travail, sans que ce dernier ait à travailler. De plus, l’analyse du fonctionnaire ne reconnaît pas que l’exercice global découlait de ses gestes et de la décision selon laquelle il n’est pas apte à être réintégré dans son lieu de travail.

20 L’employeur a soutenu que l’approche des décisions de l’ancienne CRTFP qui quantifie l’indemnité de préavis était similaire à l’approche de la common law utilisée par les tribunaux, sauf que certaines des décisions indiquent que les employés auraient obtenu une indemnité de départ additionnelle dans le cadre de l’indemnité de départ offerte par le secteur public fédéral.

21 L’employeur a soutenu que l’approche utilisée dans la plupart des cas devant l’ancienne CRTFP était que l’on ordonnait une indemnité en fonction de la valeur du salaire de l’employé à la date du licenciement ou du dépôt du grief.

22 En ce qui concerne l’indemnité, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire aurait droit à une indemnité de départ de 12 semaines. L’employeur a fondé ce calcul sur l’article 63 de la convention collective qui porte sur l’indemnité de départ. L’employeur a déclaré que même si aucune des circonstances énumérées à l’article 63 ne s’applique au fonctionnaire, la disposition qui s’apparente le plus à la situation du fonctionnaire est la clause 63.01b), qui porte sur la démission, en ce sens qu’il est lui-même responsable de la situation dans laquelle il se trouve à cause de son attitude de longue date envers la haute direction. Les dispositions pertinentes de l’article 63 de la convention collective prévoient ce qui suit :

ARTICLE 63
INDEMNITÉ DE DÉPART

63.01 Dans les cas suivants et sous réserve du paragraphe 63.02, l'employée bénéficie d'une indemnité de départ calculée selon le taux de rémunération hebdomadaire auquel l'employée a droit à la date de cessation de son emploi, conformément à la classification qu'indique son certificat de nomination.

[]

b)Démission

En cas de démission, sous réserve de l'alinéa 63.01d) et si l'employée justifie d'au moins dix (10) années d'emploi continu, la moitié (1/2) de la rémunération hebdomadaire pour chaque année complète d'emploi continu jusqu'à un maximum de vingt-six (26) années, l'indemnité ne devant toutefois pas dépasser treize (13) semaines de rémunération.

[]

d) Retraite

(i) Au moment de la retraite, lorsque l’employé(e) a droit à une pension à jouissance immédiate aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique ou qu’il ou elle a droit à une allocation annuelle à jouissance immédiate aux termes de ladite loi, ou

[]

une indemnité de départ à l’égard de cette période complète de l’employé-e à raison d’une (1) semaine de rémunération pour chaque année complète d’emploi continu et, dans le cas d’une partie d’année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par 365, jusqu’à concurrence de trente (30) semaines de rémunération.

[]

63.02 Les indemnités de départ payables à l'employé-e en vertu du présent article sont réduites de manière à tenir compte de toute période d'emploi continu pour laquelle il ou elle a déjà reçu une forme quelconque d'indemnité de cessation d'emploi. En aucun cas doit-il y avoir cumul des indemnités de départ maximales prévues au paragraphe 63.01.

[]

23 Les autres circonstances qui faisaient l’objet de l’article 63 sont : la mise en disponibilité, le renvoi en cours de stage, le décès et le licenciement pour incapacité ou incompétence.

24 Outre l’indemnité de départ, l’employeur a soutenu que l’indemnité accordée au fonctionnaire devrait s’établir à 12 mois de salaire, plus les avantages, le tout calculé au taux de 11,3 %. L’évaluation de l’employeur en ce qui concerne les avantages sera abordée plus loin dans la présente décision.

2. Approche fondée sur la common law

25 L’employeur m’a renvoyé au principe de la common law selon lequel en l’absence d’un motif valable, un employeur peut mettre fin à un lien d’emploi en donnant à l’employé un préavis raisonnable ou une indemnité tenant lieu de préavis. Pour évaluer le montant raisonnable tenant lieu d’indemnité de préavis à payer, l’employeur a mentionné les facteurs suivants établis dans Bardal v. Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (H.C. Ont.) à la page 145, qui ont été ultérieurement adoptés dans de nombreuses causes canadiennes :

[Traduction]

Le caractère raisonnable du préavis est à déterminer au cas par cas, eu égard à la nature de l'emploi, à l'ancienneté de l'employé, à l'âge de celui-ci et à la possibilité d'obtenir un poste similaire, compte tenu de l'expérience, de la formation et des compétences de l'employé.

26 À l’appui de son argument concernant l’approche fondée sur la common law, l’employeur a cité les décisions suivantes : Deputat v. Edmonton School District No. 7, 2006 ABQB 549; modifiée par 2008 ABCA 13 – technicien de maintenance occupant un poste de coordonnateur principal en mécanique pour le district scolaire, âgé de 56 ans et ayant 24 ans de service, salaire annuel de 73 000 $; s’est fait accorder 18 mois de salaire et d’avantages; réduit en appel à 15 mois en raison d’un manque d’efforts d’atténuation. McGeady v. Saskatchewan Wheat Pool, 1998 CanLII 13714 (C.B.R. Sask.); modifiée en 1999 CanLII 12311 (C.A. Sask.) – gestionnaire de programme informatique, âgé de 45 ans et ayant 19 ans de service, salaire annuel de 71 126 $; s’est vu accorder 14 mois de salaire, réduit à 10 mois pour défaut d’atténuation; dommages pour licenciement de mauvaise foi équivalant à six mois de salaire réduits à un mois en appel. Yerramilli v. Atomic Energy of Canada Ltd. (1990), 34 C.C.E.L. 259 (Div. gén. de la Cour de l’Ont.) – gestionnaire de programme, âgé de 54 ans et ayant 22 ans de service, salaire annuel de 64 150 $, s’est vu adjuger 18 mois de salaire. Wenarchuk v. Comstock Canada, 1997 CanLII 11482 (C.B.R. de la Sask.) – contrôleur âgé de 54 ans, ayant 22 ans de service, salaire annuel de 55 700 $, s’est vu adjuger 14 mois de salaire, réduit à 11 mois pour défaut d’atténuation.

27 L’employeur s’est reporté au calculateur de l’inflation de la Banque du Canada pour montrer que les salaires des demandeurs dans ces affaires atteignaient approximativement (Deputat, Wenarchuk) ou dépassaient largement (McGeady, Yerramilli) celui du fonctionnaire.

28 L’employeur a soutenu que les indemnités accordées par les tribunaux de common law à titre d’indemnités tenant lieu de préavis diffèrent des décisions de l’ancienne CRTFP en ce qu’elles ne prennent pas en compte les indemnités de départ reçues par un fonctionnaire fédéral. Par conséquent, les tribunaux ont tendance à accorder des indemnités plus élevées que celles qui sont ordonnées par les arbitres de grief de l’ancienne CRTFP. D’après les arguments de l’employeur, si le fonctionnaire n’avait pas fait partie de la fonction publique fédérale et avait été renvoyé sans motif valable, sous le régime de la common law, il aurait obtenu une indemnité de préavis de 14 à 16 mois, car l’indemnité de départ du secteur public n’aurait pas constitué un facteur.

29 L’employeur a en outre soutenu que la justification des indemnités de préavis en common law devait également être prise en compte, à savoir que lorsqu’un employé est licencié sans faute de sa part, il s’agit d’un renvoi non motivé. Comme le fonctionnaire n’a pas été réintégré en raison de son propre comportement, les indemnités accordées dans les causes de common law devraient être écartées, car on ne peut comparer la situation du fonctionnaire à celle d’une personne irréprochable. L’employeur a fait valoir que les indemnités fondées sur un préavis raisonnable en common law pour les personnes qui se trouvent dans des circonstances analogues à celles du fonctionnaire viennent appuyer l’approche utilisée dans les décisions d’arbitrage de l’ancienne CRTFP qui, selon l’employeur, devrait être retenue dans cette affaire. Le fonctionnaire devrait par conséquent recevoir 12 mois de salaire, avantages en sus, et une indemnité de départ de 12 semaines.

3. Approche fondée sur les pertes financières

30 L’employeur a fait valoir que tandis que le fonctionnaire a plaidé l’approche fondée sur les pertes financières dans ses arguments, il n’a pas appliqué l’approche de manière appropriée et n’a pas tenu dûment compte des facteurs raisonnables et nécessaires des éléments de pondération. L’employeur a soutenu que si l’approche fondée sur les pertes financières avait été appliquée raisonnablement, il en résulterait un montant moindre que celui qui a été proposé par le fonctionnaire.

31 L’employeur a soutenu que les décisions suivantes étaient les plus pertinentes eu égard aux faits de la présente affaire : Lâm c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada), 2012 CRTFP 96; Hay River Health and Social Services Authority v. Public Service Alliance of Canada (2010), 201 L.A.C. (4e) 345 (« Hay River »); George Brown College of Applied Arts and Technology v. Ontario Public Service Employees Union (2011), 214 L.A.C. (4e) 96 (« George Brown College »).

32 Dans Lâm, la fonctionnaire était une dame âgée de 59 ans qui possédait 8 ans et 3 mois de service lors de son licenciement. L’arbitre de grief a appliqué une approche fondée sur les pertes financières en tenant compte de la valeur du [traduction] « capital d’emploi » de la fonctionnaire, qu’elle a jugé être la rémunération que la fonctionnaire aurait pu gagner au cours des 6,5 années la menant à la retraite à l’âge de 65 ans. À ce montant, elle a appliqué une réduction de 25 % par rapport aux éléments de pondération, tel qu’il est énoncé au paragraphe 48 de la décision : « […] des facteurs à risque de perte d’emploi : la décision de changer d’emploi, la décision de prendre une retraite anticipée, la perte d’emploi pour des raisons économiques ou technologiques, une santé compromise ou […] des imprévus familiaux. »

33 Outre la réduction de 25 % au titre des éléments de pondération, l’arbitre de grief a appliqué une autre réduction de 50 % découlant du dossier disciplinaire exhaustif de l’employée, à savoir deux avertissements et des suspensions de 2, 10 et 20 jours. Le capital d’emploi de 6,5 ans a donc été réduit de 75 %.

34 L’employeur a soutenu que l’analyse de l’arbitre de grief dans Lâm suscite deux préoccupations : d’abord, le fait qu’elle s’appuie sur Hay River sans remettre en question certaines des hypothèses sous-jacentes de cette décision, surtout l’ancienneté et, ensuite, ses hypothèses concernant la date de retraite. Dans Hay River, l’arbitre de grief a statué que le cadre adéquat de quantification des dommages pour l’indemnité tenant lieu de préavis devrait être fondé sur la perte d’un poste à durée déterminée, sous réserve de certaines modifications. Il a rejeté l’approche fondée sur le préavis de la common law en raison de certaines caractéristiques propres au milieu de travail syndiqué.

35 Dans son analyse de Hay River, l’employeur a signalé que l’arbitre de grief avait souligné à la page 386 qu’en vertu de nombreuses conventions collectives, des employés accumulent de l’ancienneté et des droits qui s’améliorent au fur et à mesure des années de service cumulées. En outre, l’arbitre de grief a déclaré que l’ancienneté jouait un rôle dans la promotion et la protection des emplois. L’employeur a souligné que l’arbitre de grief s’était écarté de l’approche fondée sur le régime de la common law essentiellement en raison de l’importance qu’il accordait à la valeur des droits d’ancienneté.

36 L’employeur s’est reporté à l’examen de Metropolitan Toronto et Cameco par l’arbitre de grief dans Hay River. À la page 362 de Hay River, l’arbitre de grief a reproduit un extrait de Metropolitan Toronto qui mentionnait que contrairement au secteur non syndiqué, l’ancienneté offre une certaine sécurité d’emploi aux employés syndiqués, y compris [traduction] « […] des privilèges de supplantation contre les mises en disponibilité, des promotions au sein de l’effectif basées sur certains critères définis, et aucune mesure disciplinaire non motivée. »

37 L’employeur a soutenu que la convention collective soumise à l’arbitre de grief dans Hay River (recueil de textes à l’appui de l’employeur, onglet 1) intégrait l’ancienneté comme concept, comme le faisaient les conventions collectives dans Metropolitan Toronto et Cameco. L’employeur s’est reporté aux dispositions de la convention collective dans Hay River qui liaient l’ancienneté et la sécurité d’emploi à la disposition sur la mise en disponibilité fondée sur le principe de « dernier embauché, premier licencié » (article 33), l’ancienneté faisant partie intégrante de la promotion (article 49).

38 L’employeur a fait valoir que l’ancienneté n’était pas utilisée dans la fonction publique fédérale comme fondement de la protection des emplois ou pour garantir une promotion. Il a souligné que le terme « ancienneté » était absent de la convention collective conclue entre le syndicat et l’employeur. Selon l’argumentation de l’employeur, l’ancienneté ne constitue pas une perte pouvant être indemnisée pour un employé de la fonction publique fédérale. L’employeur a fait valoir que si la formule du contrat à durée déterminée/des pertes financières se justifie principalement par l’indemnisation fondée sur des protections accordées par un lieu de travail syndiqué qui ne peuvent être reprises dans le secteur privé, par exemple l’ancienneté qui protège contre la mise en disponibilité et facilite la promotion, il faut se demander s’il s’agit du modèle approprié pour le régime de la fonction publique fédérale.

39 L’employeur a également fait valoir la question du comptage en double de la protection au titre de la sécurité d’emploi d’un lieu de travail syndiqué comme c’est le cas pour le fonctionnaire. L’employeur a soutenu que d’après la preuve, il s’était occupé de la conduite du fonctionnaire. Par exemple, en 2002, plutôt que de licencier le fonctionnaire, l’employeur lui a notamment fait passer une évaluation de l’aptitude au travail, a retenu les services d’un facilitateur et lui a offert des services de gestion du rendement et de formation. D’après l’argumentation de l’employeur, le fonctionnaire a donc profité de la protection d’un lieu de travail syndiqué pendant huit ans de plus que s’il avait travaillé dans le secteur privé. L’employeur a soutenu que dans de telles circonstances, le fonctionnaire ne devrait pas avoir droit à d’autres dommages en raison de la perte d’un emploi syndiqué.

40 L’employeur a souligné que dans Hay River, l’arbitre de grief avait étudié le lien entre les dommages et le dossier de travail d’un employé et a déclaré ce qui suit à la page 387 :

[Traduction]

[]

Si la conduite d’un employé est telle que le lien d’emploi est irréparable, ce facteur peut et doit être pris en compte pour évaluer les éléments de pondération de la durée de l’emploi (même s’il y a réintégration).

[]

41 L’employeur s’est également reporté à la déclaration de l’arbitre de grief selon laquelle il faut prendre en compte les circonstances de chacun pour établir la réduction appropriée, tel qu’il est énoncé aux pages 389-390 :

[Traduction]

Le fait d’appliquer une approche liée à la perte d’un emploi pour une période déterminée à un recours en dommages ne signifie pas que ces derniers sont illimités. Les décisions de tribunaux précitées laissent entrevoir les types d’éventualités qui doivent être évalués, notamment les fermetures d’usine, la faillite, les changements technologiques, les risques de mise en disponibilité, les risques de maladie, les changements d’emploi, etc. Un emploi syndiqué n'est pas un emploi garanti, même avec l’ancienneté et les clauses de protection pour des motifs valables. Dans bien des cas, ces facteurs réduisent considérablement l’éventail des dommages par rapport à toute notion d’emploi garanti à vie. Toutefois, la réduction appropriée dépend de chaque circonstance individuelle. De même, la probabilité d’obtention d’un poste ailleurs doit être prise en considération, et si la personne est qualifiée et apte au travail, cela réduira aussi considérablement les dommages. Une fois encore, tout cela dépend des circonstances globales. L'application de cette démarche donne la souplesse d’adapter l’estimation des dommages aux motifs du refus ou de l’incapacité de réintégrer la personne dans ses fonctions et permet de reconnaître le caractère particulier des circonstances exceptionnelles qui permettent de prendre une telle mesure malgré l’absence d’un motif valable.

42 L’employeur a soutenu que si l’approche fondée sur les pertes financières était adoptée dans la présente affaire, il faudrait appliquer une réduction considérable au montant des dommages, compte tenu de la conclusion dans Bahniuk 2012 selon laquelle l’attitude du fonctionnaire était peu susceptible de changer. D’après l’argumentation de l’employeur, il était très probable que l’emploi du fonctionnaire prenne fin en raison d’un autre incident d’insubordination.

43 En ce qui concerne la date de la retraite, l’employeur a souligné que dans Lâm, la fonctionnaire était âgée de 59 ans et comptait 8 ans et 3 mois de service. L’arbitre de grief a présumé que si elle avait continué à travailler dans la fonction publique fédérale, elle aurait pris sa retraite à 65 ans. Au paragraphe 40 de Lâm, l’arbitre de grief a affirmé : « L’âge habituel de retraite d’un fonctionnaire fédéral est à 65 ans. » L’employeur a fait valoir que l’affirmation de l’arbitre de grief était fallacieuse, qu’elle avait prévu seulement la possibilité d’une retraite anticipée dans la réduction initiale de 25 % pour les imprévus, et que cette réduction comprenait d’autres facteurs ayant pu entraîner la retraite anticipée de la fonctionnaire. Selon l’employeur, l’effet de la réduction dans le cas d’une retraite anticipée était minimal.

44 L’employeur a fait valoir que les circonstances de Lâm ne s’appliquaient pas au fonctionnaire, qui deviendrait admissible à une pension non réduite à l’âge de 55 ans, après 30 ans de service. L’employeur s’est reporté à un rapport de Statistique Canada publié en 2008, intitulé Les retraites de la fonction publique fédérale : tendances du nouveau millénaire (recueil de textes à l’appui de l’employeur, onglet 2), qui énonce ce qui suit à la page 3 : « Au cours de l'exercice 2006-2007, l'âge moyen de départ à la retraite des fonctionnaires étudiés était de 58,4 ans et ils partaient à la retraite avec en moyenne 29,2 années de service ouvrant droit à une pension. »

45 L’employeur a fait ressortir à juste titre que le rapport se penchait seulement sur les retraites d’employés permanents qui occupaient des postes régis par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »), et excluait par conséquent les employés d’organismes distincts comme l’employeur, les sociétés d’État, les Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale du Canada. Le rapport indiquait à la page 4 qu’à la fin de mars 2007, les employés permanents qui étaient régis par la LEFP étaient au nombre de 168 409, soit environ 70 % de tous les fonctionnaires fédéraux possédant une permanence.

46 L’employeur a soutenu que ce rapport était étayé par le document intitulé Aperçu démographique de la fonction publique fédérale, 2011, préparé par le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor (recueil de textes à l’appui de l’employeur, onglet 3). Dans la section 3 de ce document, intitulée « Profil de la fonction publique fédérale en fonction de l’âge », la figure 6 indique qu’en 2011, quelque 6,1 % des fonctionnaires fédéraux étaient âgés de 60 ans ou plus. Selon l’employeur, le fait qu’une personne comme le fonctionnaire prenne sa retraite dès qu’il le peut, et ce, sans pénalité, à savoir à l’âge de 55 ans et après avoir cumulé 30 ans de service n’est qu’une question de bon sens. L’employeur a fait valoir que cette tendance et ce fait devaient être pris en compte, car les données ont révélé que c’est ce que font la plupart des fonctionnaires. L’employeur a également soutenu que compte tenu du fait que le fonctionnaire n’aime pas la haute direction de l’employeur, il est peu probable que, s’il avait le choix, il continuerait d’occuper son poste plus longtemps qu’il lui est nécessaire pour avoir droit à sa pleine pension. L’employeur a déclaré qu’aucune preuve n’avait été présentée à la Commission voulant que le fonctionnaire travaillerait jusqu’à l’âge de 65 ans, outre l’argumentation du syndicat à cet égard.

47 En ce qui concerne l’indemnité de départ, l’employeur a soutenu que si l’approche fondée sur les pertes financières devait être appliquée, comme l’a fait l’arbitre de grief dans Hay River, le fonctionnaire devrait se voir refuser une indemnité de départ. L’employeur a déclaré que les dispositions sur l’indemnité de départ de la convention collective (article 55) dans Hay River étaient similaires à celles de la convention collective du fonctionnaire. Tel qu’il a été énoncé dans la présente décision, le fonctionnaire n’était pas précisément visé par l’une ou l’autre des dispositions sur l’indemnité de départ, comme c’était le cas du fonctionnaire dans Hay River. L’employeur a souligné que la question de l’indemnité de départ n’avait pas été abordée dans Lâm, présumément parce que la fonctionnaire avait moins de 10 ans de service.

48 L’employeur a réitéré qu’il serait raisonnable d’accorder au fonctionnaire une indemnité de départ de 12 semaines, soit l’indemnité reçue s’il avait démissionné conformément à la clause 63.01b) de la convention collective, seulement si cette indemnité faisait partie d’une ordonnance de 12 mois de salaire, avec avantages, calculés au taux de 11,3 % de la rémunération. D’après l’employeur, cette approche est cohérente avec la pratique établie de la Commission et avec une décision relative à un préavis raisonnable selon la common law. Si l’approche fondée sur les pertes financières devait être retenue, à des fins de cohérence, une indemnité de départ ne devrait pas être accordée.

49 L’employeur a ensuite abordé George Brown College, où une majorité du conseil d’arbitrage a adopté l’approche retenue dans Hay River et a appliqué le cadre suivant au paragraphe 26 :

[Traduction]

[]

Étape 1 : Calculer le revenu maximal que la fonctionnaire aurait pu recevoir si elle n’avait pas été congédiée à tort.

Étape 2 : Ajouter à ce montant la valeur des avantages rattachés à son poste.

Étape 3 : Réduire ce montant de manière à ce qu’il reflète les divers éléments de pondération qui auraient pu l’empêcher de demeurer en poste.

Étape 4 : Réduire de nouveau ce montant de façon à ce qu’il reflète son obligation d’atténuer les dommages.

50 Dans George Brown College, la fonctionnaire, âgée de 51 ans et ayant 27 ans de service, a été licenciée pour incompétence. En ce qui concerne l’étape 1, le conseil d’arbitrage s’est servi de la date habituelle de retraite de la fonctionnaire, soit 65 ans. À l’étape 2, il a été établi que la valeur des avantages était de 10 %, pour les motifs suivants :

[Traduction]

[28] En ce qui concerne l’étape 2, nous constatons que les avantages accordés ajoutaient généralement de 15 % à 20 % au salaire. Nous n’avons pas reçu d’arguments sur la valeur des avantages aux termes de cette convention collective. Toutefois, il convient de préciser que les seuls avantages qui devraient être inclus dans ce calcul sont ceux qui amènent les employés à recevoir un revenu supérieur à leur salaire. Plus particulièrement, les congés annuels, qui représentent manifestement un coût majeur pour les employeurs, n’amènent pas une augmentation du revenu des employés (car leur salaire ou leur traitement annuel comprend leur indemnité de congé), mais seulement le soulagement de ne pas avoir à travailler les jours en question. Il en est de même des autres formes de congés, des jours fériés et des prestations d’invalidité. Si ces éléments sont exclus du calcul, comme ce devrait être le cas selon nous, nous ne croyons pas que les avantages passeraient proches d’atteindre 15 % du salaire.

51 À l’étape 3, l’évaluation des éléments de pondération, il a été établi qu’une réduction de 80 % devrait être appliquée. Certains éléments de pondération comme le risque de décès, la maladie ou la démission s’appliqueraient à n’importe quel employé; le conseil d’arbitrage a déclaré que les éléments de pondération comme les protections accordées par la convention collective contre le congédiement injustifié ou la mise en disponibilité revêtaient moins de poids dans le cas de la fonctionnaire compte tenu de son ancienneté considérable. Le conseil d’arbitrage a tiré cette conclusion pour deux motifs. Premièrement, il était probable que la fonctionnaire prenne une retraite anticipée parce qu’elle y était admissible et parce qu’elle vivait de la frustration au travail. Deuxièmement, comme la fonctionnaire était considérée comme incompétente par la direction, le conseil d’arbitrage croyait que l’employeur aurait de nouveau tenté de la licencier et qu’il aurait pu y parvenir.

52 L’employeur a soutenu que ces deux facteurs étaient présents dans cette affaire. D’abord, il était probable que le fonctionnaire prenne une retraite anticipée. Ensuite, au vu de la preuve de sa conduite, l’emploi du fonctionnaire aurait probablement été de courte durée. En outre, comme l’ancienneté n’existe pas dans la fonction publique fédérale à titre de protection contre les mises en disponibilité, l’employeur a soutenu que compte tenu des faits de cette affaire, 85 % serait un bon taux de réduction des éléments de pondération.

53 À l’étape 4 de son évaluation, le conseil d’arbitrage dans George Brown College a réduit les 80 % des éléments de pondération de 50 % supplémentaires au motif qu’en atténuant ses pertes, la fonctionnaire serait vraisemblablement en mesure de gagner la moitié de son revenu antérieur à son licenciement. L’employeur a soutenu que la même réduction devrait s’appliquer au fonctionnaire en l’espèce, car il est tenu d’atténuer ses pertes et ne restera vraisemblablement pas sans emploi.

54 D’après l’argumentation de l’employeur, si l’approche fondée sur les pertes financières est appliquée, les faits de George Brown College sont analogues à ceux de la présente affaire sur les plans de l’âge, des années de service, de la probabilité de retraite anticipée et de difficultés sur le lieu de travail du fonctionnaire. Dans le cadre de cette approche, l’employeur a soutenu que le montant accordé devrait être le suivant :

(a)   revenu à l’âge de 65 ans : du 23 janvier 2010 au 17 août 2022 :  
74 065 $ x 12 ans, 6 mois, 3 semaines
 
930,085.00
 
(b)   ajout de la valeur des avantages [11,3 % du total]
 
105,099.60
 
Sous-total : 
 
1,035,184.60
 
(c)  réduction de 85 % pour éléments de pondération
 
155,277.69
 
(d)   réduction finale de 50 % pour atténuation
 
77,638.85
 

55 L’employeur a déclaré qu’il n’appuyait pas cette approche pour deux motifs : premièrement, la déduction au titre des éléments de pondération nécessite un degré élevé de spéculation qui exige que l’arbitre de grief [traduction] « renverse les suppositions ». Comme il a été établi au moyen de la preuve dans Bahniuk 2012, l’incapacité du fonctionnaire d’accepter des directives de la haute direction ne changera pas. Ainsi, s’il avait été réintégré, il aurait probablement été licencié pour un motif déterminé en une courte période de temps. Dans un tel cas, il n’aurait pas reçu de paiement du tout.

56 Deuxièmement, les motifs de s’écarter de l’approche fondée sur le préavis raisonnable selon la common law ne s’appliquent pas à la présente affaire. Dans Metropolitan Toronto, Cameco et Hay River, les arbitres de griefs cherchaient à établir une réparation qui dédommagerait adéquatement pour une perte d’emploi dans un lieu de travail syndiqué où l’ancienneté avait une grande importance. L’employeur a soutenu que l’ancienneté ne constituait pas un facteur de promotion ou de sécurité d’emploi dans la fonction publique fédérale, et que les politiques récentes qui rendent obligatoire une réduction du nombre d’employés dans la fonction publique fédérale indiquent que l’emploi de fonctionnaire n’est pas synonyme de sécurité d’emploi. L’employeur a fait valoir que dans les circonstances de la présente affaire, l’approche des décisions antérieures de la Commission et du préavis selon la common law est la plus appropriée.

4. Approche contractuelle et démarche fondée sur l’examen des dommages

57 Dans le cadre de cette approche, l’indemnité est basée sur les dispositions de la convention collective relatives à l’indemnité de départ ou à la mise en disponibilité. L’employeur m’a renvoyé à British Columbia (Ministry of Public Safety) v. British Columbia Government and Service Employees' Union (Kambo grievance) (2009), 186 L.A.C. (4e) 168; maintenue : 2009 CanLII 67580 (C.R.T. de la C.-B.), où cette approche a été adoptée. Pour déterminer le montant des dommages tenant lieu de réintégration, l’arbitre de grief a appliqué la valeur accordée par les parties elles-mêmes à un emploi de l’unité de négociation, notamment l’indemnité de départ de trois semaines par année de service à la suite d’une mise en disponibilité.

58 L’employeur a souligné que bien que le conseil d’arbitrage dans George Brown College ait rejeté cette approche, ses motifs de rejet sont distincts de ceux en l’espèce. Le conseil d’arbitrage s’est d’abord préoccupé de la question suivante : comme un pourcentage élevé des mises en disponibilité survient à la suite de difficultés économiques, on présume que les parties à la convention collective ont pu négocier des dispositions modestes d’indemnité de mise en disponibilité pour ne pas causer de difficultés économiques accrues à l’employeur. L’employeur a soutenu qu’une telle préoccupation ne s’appliquait pas aux dispositions sur la mise en disponibilité et sur le réaménagement de l’effectif négociées entre le syndicat et le gouvernement fédéral.

59 Le deuxième motif de rejet de l’indemnité fondée sur les dispositions concernant la mise en disponibilité du conseil d’arbitrage dans George Brown College était que même si aucun stigmate n’est rattaché à la mise en disponibilité d’un employé, ce n’est pas le cas pour les employés licenciés à la suite d’allégations d’incompétence. Le conseil d’arbitrage n’a pas accepté l’avis des parties à la convention collective selon lequel la même indemnité devrait être versée à un employé mis en disponibilité et à un employé congédié à tort pour incompétence. L’employeur a soutenu qu’à l’opposé, dans la présente affaire, le fonctionnaire avait fait l’objet de décisions d’arbitrage publiées portant sur sa conduite sur le lieu de travail. Il ne devrait donc pas recevoir une indemnité supérieure à celle qu’obtiendrait un employé mis en disponibilité sans faute de sa part et dont le dossier disciplinaire est vierge.

60 Le conseil d’arbitrage était également préoccupé du fait que ce ne sont pas toutes les conventions collectives qui renferment des dispositions prévoyant une indemnité pour mise en disponibilité, ce qui donnerait lieu à une application incohérente et abusive de cette approche. L’employeur a soutenu que les dispositions sur l’indemnité de départ et le réaménagement de l’effectif dans la fonction publique fédérale sont suffisamment uniformisées pour justifier que l’on étudie la possibilité qu’une indemnité soit accordée en vertu de ces dispositions. À cet égard, l’employeur s’est reporté à l’appendice C de la convention collective conclue entre les parties, intitulée « Appendice sur le réaménagement de l’effectif à la convention collective de l’AFPC » (recueil de textes à l’appui de l’employeur, onglet 4). La clause 1.1.1 de l’annexe C prévoit que « les employé-e-s nommés pour une période permanente qui sont touchés par un réaménagement de l’effectif ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation […] ». L’annexe B de l’appendice C, intitulée « Mesure de soutien à la transition », indique qu’un employé ayant 24 ans de service recevrait une indemnité équivalente à 52 semaines de rémunération. La clause 1.1.31 de l’appendice C prévoit que l’employé recevrait également une indemnité de départ en vertu de la convention collective. Ainsi, un employé ayant 24 ans de service qui est mis en disponibilité aux termes des dispositions sur le réaménagement de l’effectif aurait droit à 52 semaines de salaire et à une rémunération de 25 semaines en vertu de la clause 63.01a)(i) de la convention collective, qui prévoit, dans le cas d’une première mise en disponibilité, 2 semaines de paie pour la première année complète d’emploi continu et une semaine de paie pour chaque année complète additionnelle d’emploi continu.

61 L’employeur a soutenu qu’il serait inapproprié d’indemniser le fonctionnaire, dont la situation découle de sa propre conduite, d’une façon qui lui accorderait un montant plus élevé que celui qui est prévu pour un employé visé par les dispositions sur le réaménagement de l’effectif qui n’a commis aucune faute. L’employeur a déclaré que bien qu’il ne défende pas l’adoption de cette approche, il appuie le caractère raisonnable de sa position selon laquelle le fonctionnaire devrait recevoir 12 mois de salaire et d’avantages ainsi qu’une indemnité de départ compatible avec sa démission, soit 12 semaines de paie.

5. Évaluation des avantages

62 L’employeur a soutenu que bien que le fonctionnaire ait affirmé que la valeur de ses avantages devrait être établie à 20 % de sa rémunération, cette demande n’est appuyée par aucun fondement factuel. À cet égard, l’employeur a cité les commentaires suivants de George Brown College, où la valeur des avantages a été fixée à 10 % :

[Traduction]

[28] En ce qui concerne l’étape 2, nous constatons que les avantages accordés ajoutaient généralement de 15 % à 20 % en terme d’avantages. Nous n’avons reçu aucun argument quant à la valeur des avantages aux termes de cette convention collective. Toutefois, il convient de préciser que les seuls avantages qui devraient être inclus dans ce calcul sont ceux qui amènent les employés à recevoir un revenu supérieur à leur salaire. Plus particulièrement, les congés annuels, qui représentent manifestement un coût majeur pour les employeurs, n’entraînent pas une augmentation du revenu des employés (car leur salaire ou leur traitement annuel comprend leur indemnité de congé), mais les soulagent seulement d’avoir à travailler les jours en question. Il en est de même des autres formes de congés, des jours fériés et des prestations d’invalidité. Si ces éléments sont exclus du calcul, comme ce devrait être le cas selon nous, nous ne croyons pas que la valeur des avantages atteigne 15 % du salaire.

63 L’employeur a fait valoir que le niveau approprié d’avantages du fonctionnaire devrait se situer à 11,3 % de la rémunération. À l’appui de cet argument, l’employeur s’est fondé sur les renseignements suivants fournis par la Direction des relations de travail et de la rémunération de l’employeur (recueil de textes à l’appui de l’employeur, onglet 24) :

a)       régime de soins dentaires (couverture familiale)        828 $ par an

b)       régime de soins médicaux (couverture familiale)   1 208,82 $ par an

c)       part de l’employeur des cotisations de retraite      4 816,87 $ par an

d)       part de l’employeur - prestations supplém. de décès 268,20 $ par an

e)       part de l’employeur – assurance-invalidité            1 219,33 $ par an

Avantages totaux : 8 341,22 $, soit 11,3 % du salaire annuel de 74 064 $.

64 L’employeur a déclaré que sa part représente l’avantage qui est effectivement perdu, tandis que la part de l’employé est déduite du salaire, c’est-à-dire que le salaire est diminué en conséquence. Tel qu’il est indiqué dans le document, les montants qui précèdent ont été évalués en fonction du salaire du fonctionnaire et des taux de cotisation à la date de son licenciement. L’employeur a soutenu que comme la fonctionnaire dans George Brown College était au service de la fonction publique provinciale et que la valeur de ses avantages était fixée à 10 %, le taux proposé par l’employeur, soit 11,3 %, est raisonnable.

6. Réponse additionnelle aux arguments du fonctionnaire

65 L’employeur a soutenu que Tipple ne s’appliquait pas à la présente affaire. Dans Tipple, le fonctionnaire a été recruté aux termes d’un contrat d’une durée déterminée à un salaire annuel de 360 000 $. L’attribution des dommages découlait notamment de la fin anticipée du mandat spécifique, ce qui a été jugé comme une [traduction] « façon factice » d’invoquer la LEFP de la part de l’employeur. Les circonstances factuelles se distinguent de la présente affaire et Tipple n’a pas d’incidence sur l’évaluation des dommages s’il y a eu rupture du lien d’emploi au point où un employé ne pourrait revenir dans son lieu de travail.

66 En ce qui concerne la prétention du fonctionnaire selon laquelle il y a eu atteinte à sa réputation sur la base du témoignage de Mme Bauer, l’employeur a déclaré que Mme Bauer avait fait le serment de dire la vérité lors d’une audience à laquelle elle devait témoigner. Tel qu’il a été mentionné dans Bahniuk 2012, le commentaire de Mme Bauer au sujet d’une arme doit être situé dans son contexte et son témoignage sur cette question traitait de sa perception relativement à la conduite du fonctionnaire. L’employeur a soutenu qu’il serait contraire aux intérêts de la justice que des témoins lors d’audiences en arbitrage soient contraints d’exprimer franchement leurs propres observations et perceptions par crainte que leur témoignage puisse mener à l’attribution de dommages. L’employeur a ajouté que le fonctionnaire avait l’occasion de témoigner en réponse au témoignage de Mme Bauer, mais qu’il avait choisi de ne pas le faire.

67 L’employeur a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve sur laquelle fonder l’attribution de dommages pour atteinte à la réputation. L’employeur s’est reporté aux décisions de la Cour suprême du Canada dans Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701 et Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39 sur les dommages additionnels dans le contexte d’un licenciement. L’employeur s’est reporté au paragraphe 98 de Wallace, dans lequel la Cour a déclaré ce qui suit :

98 Il n’est pas possible de définir exactement l’obligation de bonne foi et de traitement équitable. Cependant, je crois tout au moins que, dans le cadre d’un congédiement, les employeurs doivent être francs, raisonnables et honnêtes avec leurs employés et éviter de se comporter de façon inéquitable ou de faire preuve de mauvaise foi en étant, par exemple, menteurs, trompeurs ou trop implacables. []

68 L’employeur a soutenu qu’étant donné qu’il n’y avait pas de preuve d’une telle conduite de sa part, la demande du fonctionnaire pour atteinte à la réputation devrait être rejetée.

C. Arguments en réplique du fonctionnaire

69 Le fonctionnaire a initialement abordé l’argument de l’employeur selon lequel la conduite du fonctionnaire était telle qu’il ne pouvait pas fonctionner dans le lieu de travail et que l’indemnité qu’il demandait correspondait essentiellement à la valeur complète de ses années de travail sans qu’il ne soit tenu de travailler.

70 En réponse, le fonctionnaire a longuement cité ses rapports de gestion du rendement pour les périodes allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 (pièce 12, onglet 13) et du 1er avril 2008 au 31 mars 2009 (pièce G-5). Il a soutenu que ces rapports indiquaient qu’il fonctionnait très bien dans son lieu de travail avec ses subalternes et d’autres chefs d’équipe.

71 Le fonctionnaire s’est reporté à l’énoncé suivant contenu dans la pièce G-5 : [traduction] « Stan a entretenu une moins bonne relation de coopération avec la haute direction en raison de problèmes du passé ». Il a soutenu que ces problèmes résidaient dans la façon dont la haute direction ne respectait pas le processus de harcèlement personnel et que, par conséquent, il y avait eu de nombreux délais dans le processus administratif et aucune relation encourageante n’avait été maintenue avec le fonctionnaire. Malgré cela, le fonctionnaire a continué de bien fonctionner dans son lieu de travail. Selon les arguments présentés par le fonctionnaire, ses rapports de gestion du rendement positifs rendaient sa situation davantage analogue à Tipple et donc, selon lui, sa situation se distinguait de la plupart des décisions citées par l’employeur.

72 Le fonctionnaire a également soutenu qu’il devrait recevoir, en vertu de la convention collective, une indemnité de départ d’une semaine de paie pour chaque année complétée d’emploi continu.

73 Le fonctionnaire a mentionné Brown & Beatty au sujet de l’obligation d’atténuer les dommages. Il a déclaré que sa quête d’un autre emploi dans son domaine dans la région où il vit s’était révélée infructueuse et qu’il était devenu travailleur autonome à titre d’entrepreneur général à compter du 1er janvier 2012. Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur n’avait pas démontré que ses efforts d’atténuation n’étaient pas raisonnables dans les circonstances.

III. Motifs

74 En vertu de la LRTFP, le pouvoir des arbitres de grief d’accorder une indemnité en guise de réintégration découle du paragraphe 228(2), qui prévoit ce qui suit :

228. (2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée.

75 Il est bien établi que les arbitres de grief possèdent le pouvoir d’accorder des dommages dans les circonstances appropriées. Voir, par exemple, Lethbridge Community College. Les arbitres de grief en vertu de la LRTFP possèdent le même pouvoir : voir Tipple, 2012 CAF 158.

76 La jurisprudence arbitrale concernant l’évaluation de l’indemnité tenant lieu de réintégration a évolué. Tel qu’il est mentionné dans un article intitulé [traduction] « Réparation tenant lieu de réintégration » d’Adam Beatty, à la page IF-46 de Brown & Beatty :

[Traduction]

Le mode de calcul de l’indemnité tenant lieu de réintégration a évolué considérablement depuis le début des années 2000. Tandis que l’indemnité tenant lieu de réintégration était auparavant calculée principalement en fonction de la notion de common law du préavis raisonnable ou de l’indemnité forfaitaire, ce n’est plus le cas. L’indemnité tenant lieu de réintégration reconnaît maintenant les caractéristiques uniques d’un milieu de travail syndiqué et la valeur de l’appartenance à une unité de négociation.

77 Au paragraphe 2:1507 de Brown & Beatty, les auteurs affirment ce qui suit : [traduction] « Il est maintenant fréquent que les arbitres de griefs structurent les indemnités accordées de manière à compenser la perte de valeur de l’emploi au sein d’une unité de négociation dans les cas où la réintégration n’est pas justifiée. » Cette nouvelle approche a débuté avec Metropolitan Toronto, qui a été rendue en 2001, et qui a été suivie, avec variations, dans Hay River et George Brown College.

78 Tel qu’il est mentionné au paragraphe 22 de George Brown College, dans Hay River, l’arbitre de grief a examiné avec soin les décisions arbitrales et judiciaires sur cette question. Il a conclu que l’approche privilégiée était celle qui avait été adoptée dans les affaires de common law concernant la perte d’un emploi à durée déterminée, comportant des modifications pour prendre en compte l’emploi en vertu d’une convention collective. Pour en arriver à cette conclusion, l’arbitre de grief a formulé le raisonnement suivant aux pages 385-386 de Hay River :

[Traduction]

Le droit qui est violé dans une action en common law pour congédiement injustifié et rupture d’un contrat à durée indéterminée est le droit à un préavis raisonnable. Le droit enfreint s’il s’agit d’un contrat à durée déterminée est le droit de terminer le contrat. La perte d’un emploi régi par une convention collective, dans le cadre de laquelle il ne peut y avoir réintégration en raison de circonstances appropriées mais exceptionnelles, se situe entre les deux. Ce n’est pas comme dans le premier cas, en ce sens que le contrat exclut expressément (de façon générale) le droit de congédier avec préavis, sauf s’il y a un motif valable, et prévoit expressément la réintégration (comme forme d’exécution spécifique) ce qui ne peut être fait en common law.

Toutefois, dans les faits, lorsque l’employé est congédié sans motif valable, mais qu’il se voit refuser la réintégration, il subit une perte similaire à certains égards à celle de l’employé congédié en common law. En common law, on part de l’hypothèse que l’employé sera en mesure de trouver un emploi similaire après la période de préavis raisonnable et que, par conséquent, les parties ont dû vouloir qu’il s’agisse de la limite de la responsabilité de l’employé. Dans les deux situations, l’employé, de manière prévisible mais non inévitable, subira au moins une période de chômage transitoire pendant sa recherche d’un autre emploi. Toutefois, dans le cas de l’employé syndiqué, il s’attendait à reprendre et conserver son emploi initial.

79 Aux pages 388-389, l’arbitre de grief a donné les motifs suivants pour avoir écarté l’approche du préavis raisonnable de la common law :

[Traduction]

Dans bon nombre de cas, on a opté pour une formule basée sur un facteur (1 mois – 2 mois) par année de service pour calculer les dommages, augmenté de la valeur des avantages prévus par la convention collective. Cette formule a servi à occulter le fondement sur lequel les dommages reposent, ce qui les fait ressembler beaucoup à des dommages à titre de préavis raisonnable en vertu de la common law.

[]

La lacune d’une telle approche est qu’elle est centrée sur l’ancienneté de l’employé auprès de son ancien employeur, mais non sur le nombre d’années que l’employé pourrait continuer à servir, outre la décision de ne pas le réintégrer. La perte des avantages prévus par la convention collective pour un employé auquel il reste une seule année avant sa retraite n’est pas susceptible d’être la même que celle d’un employé à qui il reste 15 ans à travailler. La période de service à ce jour peut modifier la vision qu’a une personne des éléments de pondération; un employé ayant peu d’ancienneté est probablement beaucoup plus susceptible de passer à un autre emploi qu’un employé qui en a beaucoup. Leurs avantages cumulés, dont les avantages de type « menottes dorées » comme les pensions, davantage de vacances, et ainsi de suite, seront accrus. Les personnes à qui il reste plus d’années à travailler ont également davantage d’années pour regagner ailleurs certains de ces avantages basés sur l’ancienneté.

Ce que les cas ont rarement permis d’établir, c’est la valeur des avantages de la convention collective sur la base de la force des dispositions de la convention collective. Par exemple, la protection pour un motif valable peut offrir de la sécurité, mais moins si l’employeur possède un droit inconditionnel de mise en disponibilité non lié à l’ancienneté. La valeur de ces éléments peut également être moindre pour un employé proche de la retraite que pour un employé qui est par ailleurs susceptible de profiter de cette ancienneté pendant un certain nombre d’années.

Ma conclusion est que la perte d’un cadre d’emploi pour une période déterminée est plus appropriée et adaptable aux situations en cause que la démarche axée sur les dommages de la common law. Même si un poste relevant d’une convention collective n’est pas un poste pour une période déterminée ni un poste à vie, celui-ci est soumis à plusieurs des mêmes éventualités.

80 Les décisions de la CRTFP citées par l’employeur dans ses arguments sur l’approche du secteur public concernant l’évaluation des dommages reposaient sur des cas de common law portant sur le congédiement injustifié d’employés embauchés pour une période indéterminée, quoique certaines de ces décisions révèlent que l’employé a reçu d’autre argent dans le cadre du droit à une indemnité de départ de la fonction publique. McMorrow, rendue en 1993, tenait compte de l’âge et des années de service du fonctionnaire et du fait qu’il avait reçu une continuation du salaire et une indemnité de départ. Dans Doucette, l’arbitre de grief a seulement tenu compte de l’âge et des années de service du fonctionnaire. Dans Loyer,2004 CRTFP 148, l’arbitre de grief a pris en compte l’âge du fonctionnaire, les circonstances du congédiement, les perspectives d’emploi futures et l’obligation d’atténuation, en mettant l’accent sur l’âge du fonctionnaire et la nature de son emploi. Il a également déclaré que l’indemnité de départ du fonctionnaire devrait être prise en compte. Metropolitan Toronto n’a pas été citée par les parties dans Doucette et Loyer.

81 Dans Lâm, l’arbitre de grief s’est écartée de l’approche de la common law fondée sur le préavis raisonnable et a jugé les notions de réparation de Hay River plus pertinentes aux faits dont elle était saisie. Étant donné que dans le cadre de l’évaluation des dommages, une approche différente devrait être appliquée aux employés syndiqués qui sont licenciés sans motif valable mais non réintégrés, elle a tenu le raisonnement suivant :

36Mon raisonnement, soit d’appliquer un régime distinct à un employé syndiqué licencié sans motif valable et suffisant qui n’est pas réintégré dans son emploi, est fondé sur le fait que cet employé subit une perte différente d’un employé non syndiqué. L’employé non syndiqué est indemnisé durant une période jugée nécessaire, selon certains critères, pour trouver un autre emploi et sans espoir de réintégration. L’employé syndiqué s’attend à être réintégré de juste droit s’il a gain de cause. La différence entre le statut des deux employés est l’espoir de réintégration qui, pour l’employé syndiqué a des conséquences uniques.

37L’employé syndiqué qui accepte un autre emploi ne peut généralement pas se replacer au même niveau et avec les mêmes bénéfices que lui procurait sa convention collective au moment de son licenciement. Parmi ceux-ci, je retiens l’avancement professionnel, l’augmentation des congés annuels selon les années de service, la cumulation des congés de maladie et possiblement le droit à la pension, c’est ce que j’appelle son « capital d’emploi ». S’il accepte à nouveau un poste syndiqué, l’employé syndiqué devra commencer au bas de l’échelle et refaire son capital d’emploi. La valeur de ce capital d’emploi est la plus grande distinction entre l’employé syndiqué et celui qui ne l’est pas.

38Par ailleurs, le capital d’emploi de l’employé syndiqué est assujetti aux mêmes éléments de pondération que dans le cas de l’employé non syndiqué, soit les opportunités d’avancement, la perte d’emploi pour des raisons économiques ou technologiques comme il se produit périodiquement dans la fonction publique dans le cas de la fonctionnaire, la décision de changer d’emploi ou de prendre une retraite, une santé compromise, les imprévus familiaux et ainsi de suite. J’ajoute à cette liste d’éléments de pondération le dossier d’emploi de l’employé qui contribue à la longévité d’emploi. La sécurité d’emploi à long terme d’un l’employé syndiqué n’est jamais assurée et certains éléments de pondération doivent être escomptés dans le calcul d’une somme raisonnable. D’ailleurs, les tribunaux de droit commun appliquent des éléments de pondération dans leur calcul du droit au préavis raisonnable.

39Ces considérations m’ont amenée à faire le calcul d’une mesure de réparation raisonnable en me fondant sur la notion de la perte au moment du licenciement escompté par lesdits éléments de pondération auxquels fait référence le juge Denning dans Edwards.

82 Plus tôt dans sa décision, l’arbitre de grief a aussi fait référence à Edwards dans les termes suivants :

30Le principe d’un régime distinct pour un employé syndiqué a reçu l’aval de certains tribunaux, notamment dans Rankin v. National Harbours Board, [1979] 99 D.L.R. (3d) 631, modifié en appel dans Rankin v. National Harbours Board, [1981] 127 D.L.R. (3d) 714, Cohnstaedt c. Université de Regina, [1995] 3 R.C.S. 451, et Freeman v. BC Tel, [1997] CanLII 2191 (C.S. C.-B.).

31Dans Rankin, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a tenu compte d’une décision du tribunal d’appel de la Grande-Bretagne dans Edwards v. Society of Graphical and Allied Trades, [1970] All E.R. 689 (C.A.), qui témoigne de la difficulté engendrée par le calcul des mesures de réparation, mais qui donne aussi une perspective réaliste du devoir d’évaluer les dommages. Lord Denning écrit qu’un plaignant a le droit d’être remis dans la meilleure position possible n’eut été de la perte d’emploi, mais en parant aux impondérables et à l’obligation d’atténuer ses dommages. Lord Denning souligne que le rôle du décideur est d’évaluer la perte compte tenu de l’ensemble des circonstances et non de faire un calcul scientifique, mathématique ou actuariel.

83 Je suis d’accord avec l’arbitre de grief dans Lâm en ce qui concerne les lieux de travail syndiqués, toute indemnité de rémunération tenant lieu de réintégration devrait refléter la valeur des avantages fournis par une convention collective.

84 Toutefois, dans la présente affaire, la différence entre les protections et les avantages dont bénéficient les employés dans un milieu syndiqué et ceux des secteurs non syndiqués ne constitue pas la seule distinction qu’il faut prendre en compte pour établir une réparation appropriée. Il faut également tenir compte des différences entre les protections et avantages de la convention collective dans le secteur syndiqué en général, privé ou public, et les protections et avantages dans le secteur syndiqué de la fonction publique fédérale.

85 Dans Metropolitan Toronto, Cameco et Hay River, l’importance des droits d’ancienneté a été soulignée, notamment en ce qui concerne la protection et la promotion de l’emploi. Il s’agit de l’un des motifs principaux qu’ont cité les arbitres de grief dans ces affaires pour s’écarter de l’approche du préavis raisonnable fondée sur la common law. L’ancienneté était un élément important pour lequel l’arbitre de grief dans Hay River s’est écarté de l’approche de la common law, mais ce n’était pas le seul motif. L’utilisation de l’approche fondée sur les pertes financières dans les cas impliquant des employés syndiqués ne repose pas seulement sur les avantages de l’ancienneté prévus par certaines conventions collectives, mais plutôt sur toute la gamme des avantages fournis par un syndicat, dont l’ancienneté.

86  Par exemple, dans Metropolitan Toronto, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit à la page 8 :

L’argument qui me paraît le plus convaincant, et qui commence à retenir de plus en plus l’attention, est que la convention collective accorde des avantages qui ne sont pas offerts dans le secteur non syndiqué. L’un des exemples les plus patents est l’ancienneté, qui apporte une sécurité d’emploi dont les travailleurs non syndiqués sont privés. Cette sécurité englobe, notamment, les droits de supplantation en cas de licenciement, les occasions d’avancement professionnel basées sur des critères établis et l’interdiction de mesures disciplinaires non motivées. Ce ne sont là que quelques exemples des avantages que la convention collective procure aux membres d’une unité de négociation.

87 À titre d’illustration, dans la convention collective soumise à l’arbitre de grief dans Hay River, l’article 33 intitulé [traduction] « Mise en disponibilité et sécurité d’emploi » prévoyait ce qui suit à la clause 33.01 de la convention collective :

[Traduction]

33.01 Advenant une mise en disponibilité, l’employé qui occupe le poste (tel que défini à l’appendice 2) dans le lieu de travail et qui possède le moins d’ancienneté est mis en disponibilité. []

88 Dans la même convention collective, l’article 49 portait sur les postes vacants, les offres d’emploi, les promotions et les mutations. La clause 49.03 de la convention collective est ainsi rédigée :

[Traduction]

49.03 Dans le cadre de sélections, de promotions et de nominations au sein de l’unité de négociation, lorsque les qualifications, les compétences et les aptitudes exigées excèdent manifestement celles des candidats les plus chevronnés, le candidat peut se voir accorder le poste. Sinon, le candidat le plus chevronné est celui qui obtient le poste.

89 Bien que les conditions puissent changer d’une convention collective à l’autre, ces protections se trouvent généralement dans la plupart des conventions collectives. À l’opposé, le terme « ancienneté » ne figure pas dans la convention collective qui régit le fonctionnaire sur cette question, et l’ancienneté ne constitue pas non plus un facteur aux fins de la protection ou de la promotion de l’emploi dans cette convention collective. Cela ne signifie pas que les fonctionnaires fédéraux syndiqués sont privés de protection en cas de manque de travail ou de suppression d’une fonction. La protection des employés permanents dans de telles circonstances est assurée par l’appendice sur le réaménagement de l’effectif qui fait partie de la convention collective qui régit le fonctionnaire.

90 La convention collective conclue entre le syndicat et l’employeur renferme une clause sur la sécurité d’emploi qui est ainsi rédigée :

23.01 Sous réserve du consentement et de la capacité de chaque employé-e d'accepter une réinstallation et un recyclage, l'Employeur fera tout ce qui est raisonnablement possible pour que toute réduction de l'effectif soit réalisée au moyen de l'attrition.

91 La première page de l’appendice sur le réaménagement de l’effectif prévoit ce qui suit sous la rubrique « Convention collective » :

Nonobstant l'article sur la sécurité d'emploi, dans l'éventualité de contradiction entre le présent appendice sur le réaménagement des effectifs et cet article, c'est le présent appendice qui a prépondérance.

92 L’article 24 de la convention collective sur les changements technologiques prévoit qu’advenant le cas où, à la suite de changements technologiques, les services d'un employé ne sont plus requis en raison d'un manque de travail ou de la suppression d'une fonction, les dispositions sur le réaménagement de l’effectif s'appliqueraient.

93 Aux termes des dispositions sur le réaménagement de l’effectif, les employés permanents touchés sont informés s’ils obtiendront une garantie de recevoir une offre d’emploi raisonnable, pour une durée indéterminée, à l’ARC et se voient offrir divers choix si ce n’est pas le cas. Ceux-ci comprennent 12 mois de statut excédentaire privilégié, un versement en espèces selon le nombre d’années de service de l’employé ou une indemnité d’études. Toutefois, l’accès d’un employé à ces protections aux termes de l’appendice sur le réaménagement des effectifs n’est pas fondé sur l’ancienneté d’un individu.

94 L’employeur a soutenu que l’ancienneté ne constituait pas un facteur dans la protection ou la promotion des emplois dans la fonction publique fédérale et qu’il ne s’agissait pas d’une perte indemnisable. Les droits d’ancienneté dans l’environnement syndiqué de la fonction publique fédérale ne revêtent peut-être pas la même importance que dans les autres lieux de travail syndiqués. Cependant, il faut accorder une certaine valeur aux protections consenties aux employés permanents de l’ARC aux termes de l’appendice sur le réaménagement de l’effectif.

95 Dans Lâm, l’arbitre de grief a adopté l’approche qui a été préconisée dans Hay River en ce qui concerne les dommages à accorder lors de la perte d’un emploi pour une période déterminée ainsi que son explication de la façon dont les divers éléments de pondération peuvent influer sur le montant des dommages accordés. Elle a cité le passage suivant des pages 389-390 de Hay River :

[Traduction]

Le fait d’appliquer une approche liée à la perte d’un emploi pour une période déterminée à un recours en dommages ne signifie pas que ces derniers sont illimités. Les décisions de tribunaux précitées laissent entrevoir les types d’éventualités qui doivent être évalués, notamment les fermetures d’usine, la faillite, les changements technologiques, les risques de mise en disponibilité, les risques de maladie, les changements d’emploi, etc. Un emploi syndiqué n'est pas un emploi garanti, même avec l’ancienneté et les clauses de protection pour des motifs valables. Dans bien des cas, ces facteurs réduisent considérablement l’éventail des dommages par rapport à toute notion d’emploi garanti à vie. Toutefois, la réduction appropriée dépend de chaque circonstance individuelle. De même, la probabilité d’obtention d’un poste ailleurs doit être prise en considération, et si la personne est qualifiée et apte au travail, cela réduira aussi considérablement les dommages. Une fois encore, tout cela dépend des circonstances globales. L'application de cette démarche donne la souplesse d’adapter l’estimation des dommages aux motifs du refus ou de l’incapacité de réintégrer la personne dans ses fonctions et permet de reconnaître le caractère particulier des circonstances exceptionnelles qui permettent de prendre une telle mesure malgré l’absence d’un motif valable.

96 Tel qu’il a été indiqué par le conseil d’arbitrage dans George Brown College en donnant son aval à cette approche :

[Traduction]

[25] Nous adoptons respectueusement l’approche de l’arbitre de grief Sims. Selon nous, elle décrit de manière plus exacte la perte subie par un fonctionnaire s’estimant lésé, et permet que les éléments appropriés soient pris en compte pour un fonctionnaire en particulier, ce qui permet d’évaluer de manière plus précise la perte subie. Cela ne signifie pas que l’indemnité due à un fonctionnaire peut être calculée avec précision étant donné qu’il existe de nombreux éléments incalculables. Comme l’a dit l’arbitre Sims dans sa décision en citant des décisions de common law : « Il faut tenter d’évaluer. Il est impossible de calculer. »

97 Selon moi, l’approche adoptée dans Hay River procure suffisamment de flexibilité pour établir une réparation adaptée à la situation du fonctionnaire.

98 Avant d’aborder les allégations du fonctionnaire, j’aimerais commenter brièvement les arguments de l’employeur concernant l’approche fondée sur les dispositions de la convention collective et sur l’examen des dommages. L’employeur n’a pas défendu l’adoption de cette approche; cependant, il a soutenu que cette approche reconnaît ou applique la valeur que les parties avaient elles-mêmes accordée à un emploi de l’unité de négociation. Je ne suis pas d’accord. L’indemnité de départ est généralement considérée comme une forme de salaire différé, et non comme un montant quantifiable choisi consciemment par les parties pour indiquer la valeur d’un emploi dans le secteur public, à titre de barème des dommages. Rien ne permet d’établir que les parties à la convention collective aient tenu compte de ce que l’employeur a proposé lorsqu’elles ont négocié la clause de l’indemnité de départ.

99 J’aborderai maintenant les allégations du fonctionnaire.

100 Le fonctionnaire a été employé pendant 24 ans, soit du 6 janvier 1986 à son licenciement, le 22 janvier 2010. Il était âgé de 52 ans à la date de son licenciement. La première question à aborder porte sur la période pendant laquelle le fonctionnaire aurait continué à travailler, afin de calculer le revenu maximal qu’il aurait reçu si son emploi n’avait pas pris fin.

101 Dans son argumentation, le fonctionnaire a déclaré qu’il travaillerait jusqu’à l’âge de 65 ans. Ce n’est qu’une affirmation, car aucune preuve n’a été présentée à ce sujet. L’employeur a soutenu que le fonctionnaire aurait probablement pris sa retraite dès son admissibilité à une pension non réduite, à savoir à au moins 55 ans et après 30 ans de service. S’il était demeuré en poste, le fonctionnaire aurait atteint le seuil de 30 ans de service à l’âge de 58 ans, ce qui lui aurait donné droit à une pension correspondant à 60 % de son salaire.

102 Aux fins du calcul du revenu, l’âge de la retraite a été établi à 65 ans dans Hay River, George Brown College et Lâm. Dans George Brown College, bien que le fonctionnaire ait eu droit à une retraite anticipée en 2010, le conseil d’arbitrage s’est servi de la date de retraite la plus tardive possible de 2025 pour calculer le revenu.

103 Dans Lâm, il est énoncé au paragraphe 40 que « [l]’âge habituel de retraite d’un fonctionnaire fédéral est à 65 ans ». Je n’ai trouvé aucune mention d’éléments de preuve étayant cette déclaration dans cette décision. Dans la présente affaire, l’employeur a présenté un rapport de Statistique Canada qui établissait qu’au cours de l’exercice 2006-2007, l’âge de retraite moyen des fonctionnaires permanents étudiés était de 58,4 ans et qu’ils avaient en moyenne 29,2 années de service ouvrant droit à pension. Ce rapport représentait 70 % de tous les fonctionnaires fédéraux permanents. Le fonctionnaire se serait retrouvé dans cette moyenne s’il avait décidé de prendre sa retraite après avoir cumulé 30 ans de service, car il aurait alors été âgé de 58 ans.

104 L’âge de la retraite d’une personne dépend de nombreux facteurs, dont certains sont indépendants de la volonté de la personne. Cette question doit être établie dans le cadre de l’application des éléments de pondération. Dans le cas du fonctionnaire, je ne suis pas convaincu qu’il aurait pris sa retraite après avoir atteint 30 ans de service. Je n’accepte pas non plus qu’il aurait travaillé jusqu’à l’âge de 65 ans. À mon avis, il est probable que compte tenu de son âge et de ses années de service, le fonctionnaire aurait cherché à maximiser son droit à pension. Après avoir cumulé 35 ans de service, il aurait alors été âgé de 63 ans, le fonctionnaire aurait eu droit à une pension équivalente à 70 % de son salaire. Ainsi, aux fins du calcul du revenu du fonctionnaire, je présume qu’il aurait travaillé 11 autres années si son emploi n’avait pas pris fin.

105 Le fonctionnaire, qui était classifié au groupe et niveau MG-03, a soutenu que son salaire annuel au moment du licenciement était de 74 794,00 $. Il s’agissait du taux maximal de la classification MG-03 en vigueur le 1er novembre 2009 inscrit dans la convention collective qui s’appliquait au fonctionnaire à la date de son licenciement. L’employeur a soutenu que le salaire du fonctionnaire était de 74 065,00 $. Ce salaire figure dans l’échelle salariale des MG-03 de la convention collective subséquente conclue entre l’employeur et le syndicat le 29 octobre 2010, qui ne m’a pas été soumise. Par conséquent, le salaire au licenciement qui est utilisé pour calculer le revenu du fonctionnaire est de 74 794,00 $.

106 Pour atteindre 35 ans de service, le fonctionnaire aurait eu à travailler 11 ans, 6 mois, 3 semaines et 4 jours de plus. Il n’est pas déraisonnable d’arrondir ce total à 11 ans et 7 mois. Sa perte de revenu depuis la date du licenciement serait donc de 866 363,81 $.

107 Le fonctionnaire a prétendu qu’il devrait être indemnisé pour sa perte de salaire, d’avantages sociaux et d’intérêts, à partir de la date du licenciement jusqu’à la date de la décision, et pour la perte de salaire, d’avantages sociaux et d’intérêts futurs à partir de la date de cette décision jusqu’à la retraite à l’âge de 65 ans. Je ne suis pas d’accord. Je souscris plutôt à l’approche exposée comme suit dans Hay River à la page 388 :

[Traduction]

De façon générale, je souscris à la position des arbitres de griefs dans Metropolitan Toronto, NAV Canada et Government of Alberta selon laquelle il est inapproprié d’accorder les mêmes dommages à titre de réparation que s’ils avaient été adjugés jusqu’à la date de la décision, puis d’ordonner une autre période de préavis raisonnable par la suite. En principe, il est plus approprié d’accorder un montant à compter de la date du licenciement. Tel qu’il est mentionné précédemment, ce principe ne pourrait être modifié que si le fonctionnaire était vraiment justifié de déployer des efforts d’atténuation moins que probants en raison de la justesse ou de la probabilité de la réintégration. Dans les situations de « cas d’exception » régulières (si ces termes ne sont pas contradictoires), la rupture de la viabilité de la relation devrait être suffisamment apparente pour amener une personne prudente à s’orienter autrement si l’argument relatif à la justesse de la cause ou à la réintégration de cette personne est rejeté.

108 Je vais maintenant me pencher sur l’évaluation des avantages. Dans le cadre de cette évaluation, le conseil d’arbitrage dans George Brown College a déclaré ce qui suit au paragraphe 28 :

[Traduction]

[28] [] nous constatons que les avantages accordés ajoutaient généralement de 15 % à 20 % au salaire. Nous n’avons pas reçu d’arguments sur la valeur des avantages aux termes de cette convention collective. Toutefois, il convient de préciser que les seuls avantages qui devraient être inclus dans ce calcul sont ceux qui amènent les employés à recevoir un revenu supérieur à leur salaire. Plus particulièrement, les congés annuels, qui représentent manifestement un coût majeur pour les employeurs, n’amènent pas une augmentation du revenu des employés (car leur salaire ou leur traitement annuel comprend leur indemnité de congé), mais seulement le soulagement de ne pas avoir à travailler les jours en question. Il en est de même des autres formes de congés, des jours fériés et des prestations d’invalidité. Si ces éléments sont exclus du calcul, comme ce devrait être le cas selon nous, nous ne croyons pas que les avantages pourraient atteindre près de 15 % du salaire.

109 Le fonctionnaire a soulevé que la valeur de ses avantages correspondait à 20 % de son salaire. Aucune preuve, donnée ou justification n’a été présentée par le fonctionnaire pour appuyer cette allégation. La seule preuve objective et factuelle des avantages sociaux s’appliquant au fonctionnaire était celle qui a été soumise par l’employeur et qui a été énoncée précédemment dans la présente décision, soit un calcul de ses avantages s’établissant à 11,3 % de son salaire. En l’absence de toute autre preuve, je considère cette évaluation raisonnable. Les avantages du fonctionnaire se chiffrent donc à 97 899,11 $. Ceux-ci, ajoutés à la perte de revenus, totalisent 964 262,92 $.

110 Dans le cadre de l’évaluation des divers éléments de pondération, il convient de tenir compte de la situation de la personne. Certains éléments de pondération s’appliquent à tous les employés, comme la maladie, le risque de décès, la retraite anticipée et d’autres circonstances imprévisibles. En ce qui concerne le fonctionnaire, l’ancienneté ne constitue pas un facteur dans la protection de l’emploi sous le régime de la convention collective, mais le risque de mise en disponibilité du fonctionnaire est atténué par l’appendice sur le réaménagement de l’effectif.

111 Toutefois, le facteur le plus important pour évaluer les éléments de pondération qui s’appliquent au fonctionnaire est celui de sa conduite. Sur ce point, je souscris à l’énoncé suivant à la page 387 de Hay River :

[Traduction]

Si la conduite d’un employé est telle que le lien d’emploi est irréparable, ce facteur peut et doit être pris en compte pour évaluer les éléments de pondération de la durée de l’emploi (même s’il y a réintégration).

112 Dans Bahniuk 2012, j’ai conclu que la décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire était excessive dans les circonstances. Bien que l’employeur ait agi avec précipitation, ma décision de ne pas réintégrer le fonctionnaire reposait sur la preuve de sa conduite, et surtout sur son attitude conflictuelle à l’égard de la haute direction de l’ARC et son incapacité d’accepter des directives de cette même direction. L’employeur avait certaines préoccupations à l’égard de la conduite du fonctionnaire dans son lieu de travail depuis 2002. J’ai conclu que le lien d’emploi entre le fonctionnaire et l’employeur n’était plus viable. Les passages qui suivent de Bahniuk 2012 expliquent les motifs pour lesquels j’en suis arrivé à cette conclusion :

362 [Pour en arriver à maintenir une relation de travail viable entre le fonctionnaire et la haute direction, il est essentiel que les participants à cette relation soient capables de se faire confiance et de se respecter mutuellement. Selon la preuve révélant le comportement du fonctionnaire par le passé, je suis convaincu que ces caractéristiques sont absentes de ses relations avec la haute direction et qu’elles ne se matérialiseraient pas s’il était réintégré.

365 Même à la réunion du 18 janvier 2010, M. Leigh a affirmé que tout ce que l’employeur cherchait à obtenir du fonctionnaire, c’était une indication, aussi minime fût-elle, qu’il était prêt à faire avancer les choses, à assumer la responsabilité de sa conduite et à améliorer la relation de travail. En retour, le fonctionnaire n’a fait que céder à des accès de colère sans provocation et à adopter une conduite d’insubordination qui révélait son mépris envers la haute direction. […] Selon moi, l’employeur ne devrait pas avoir à tolérer que le fonctionnaire adopte une conduite si réfractaire que les seules issues possibles sont l’épuisement ou la capitulation. La complexité d’une organisation comme l’ARC fait qu’elle n’a d’autre choix que de posséder une structure hiérarchique. La preuve révèle que le fonctionnaire est incapable d’accepter les directives données par la haute direction, et je ne suis pas convaincu que cette attitude s’améliorerait s’il était réintégré.En fait, je suis convaincu du contraire.

[Je souligne.]

113 De plus, en conséquence de Bahniuk 2012, le fonctionnaire avait, au moment de son licenciement, un dossier disciplinaire exhaustif constitué d’une réprimande écrite et de suspensions de 1, 3, 5 et 10 jours.

114 L’employeur a fait valoir que puisque le fonctionnaire a profité de la protection d’un lieu de travail syndiqué depuis 2002, il ne devrait pas avoir droit à d’autres dommages. Il a qualifié cette situation de comptage en double de la protection de l’emploi en ce qui concerne le fonctionnaire. Quand l’employeur a cité la protection à l’appui de cet argument, il faisait référence au renvoi du fonctionnaire à une évaluation de l’aptitude au travail, à l’embauche d’un facilitateur et à la prestation de services de gestion du rendement et de formation.

115 Je ne suis pas convaincu par cet argument. Il n’a pas été démontré que les mesures déployées par l’employeur pour tenter d’améliorer ses relations de travail avec le fonctionnaire se limitaient aux employés syndiqués. Rien dans la convention collective ne précise que ces mesures profitent exclusivement aux membres de l’unité de négociation. De la part de l’employeur, il est raisonnable de tenter de préserver la relation, étant donné qu’il a investi dans la formation et le perfectionnement d’un employé, que ce dernier soit syndiqué ou non.

116 En outre, l’effet illogique de l’argument de l’employeur semble être celui de l’usage ponctuel, c’est-à-dire qu’une fois que le fonctionnaire s’est prévalu de l’une ou l’autre des protections accordées par la convention collective, son statut ne serait pas meilleur que celui d’un employé non syndiqué du secteur privé.

117 Si l’essence de l’argument de l’employeur est qu’en raison des protections accordées par la convention collective, il a toléré le fonctionnaire huit ans de plus que pour un employé du secteur privé dans des circonstances similaires, il ne s’ensuit pas que le fonctionnaire doive être pénalisé par cette situation. Si l’argument de l’employeur est qu’il a toléré la conduite du fonctionnaire alors qu’il aurait pu le licencier antérieurement, il doit assumer la responsabilité de ses décisions et ne peut refuser maintenant au fonctionnaire une indemnité parce que ce dernier n’a pas été licencié au bon moment.

118 Dans ses arguments en réplique, le fonctionnaire s’est longuement reporté à ses rapports de gestion du rendement portant sur les périodes du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 et du 1er avril 2008 au 31 mars 2009. Il a soutenu que ces rapports démontraient qu’il fonctionnait bien dans son lieu de travail avec ses subalternes et avec les autres chefs d’équipe. Cette question a d’abord été soulevée dans Bahniuk 2012 et a été traitée comme suit :

371Le syndicat a mis l’accent sur certains aspects des deux évaluations du rendement du fonctionnaire, mais la présente affaire ne porte pas sur des accusations de rendement inférieur à la norme. De plus, comme l’employeur l’a mentionné, la plupart des points positifs cités par le fonctionnaire portent sur son expertise technique et sur ses interactions avec les membres de son équipe.

119 Je suis convaincu que si j’avais ordonné la réintégration du fonctionnaire, sa conduite aurait fait en sorte que l’employeur l’aurait licencié de nouveau après une période plus courte que longue. Compte tenu de son dossier disciplinaire, il semble probable que le licenciement se serait concrétisé. De fait, je suis convaincu que le fonctionnaire aurait continué à se comporter comme il le faisait auparavant s’il avait été seulement sanctionné plutôt que licencié et que la poursuite de ses gestes aurait donné à l’employeur un motif valable de licenciement. Compte tenu des faits de la présente affaire et de mon évaluation du fonctionnaire, un tel résultat constitue presque une conclusion connue d’avance. Par conséquent, il est fort peu probable que le fonctionnaire aurait continué d’occuper son poste jusqu’à l’âge de 63 ans. Dans les circonstances, j’estime que le montant de 964 262,92 $ devrait être réduit de 90 % afin de refléter cette probabilité, de même que les autres éléments de pondération généraux mentionnés précédemment dans la présente décision. Le montant devant être versé par l’employeur au fonctionnaire pour perte d’emploi devrait donc être de 96 426,29 $.

120 Le fonctionnaire a soutenu qu’il devrait recevoir une indemnité de départ d’un montant équivalant à une semaine de paie pour chaque année complétée d’emploi continu en vertu de l’article 63 de la convention collective, quoiqu’il n’ait pas précisé la disposition applicable. Les seules clauses de l’article 63 qui stipulent une semaine de paie pour chaque année terminée d’emploi continu sont celles qui ont trait à la retraite (clause 63.01d)), au décès (clause 63.01e)) ou au licenciement pour incapacité ou incompétence (clause 63.01f)).

121 L’employeur a soutenu que selon l’approche fondée sur les pertes financières, le fonctionnaire devrait se voir refuser une indemnité de départ, parce qu’il n’était pas précisément visé par l’une ou l’autre des dispositions sur l’indemnité de départ de la convention collective.

122 Selon moi, le fonctionnaire a droit à une indemnité de départ en vertu de la clause 63.01d) de la convention collective comme s’il avait pris sa retraite. J’ai établi que s’il était demeuré à l’emploi de l’employeur, le fonctionnaire aurait travaillé jusqu’à sa retraite. Comme le fonctionnaire est indemnisé pour la perte de son emploi, en vertu de l’approche fondée sur les pertes financières, il a droit à tous les avantages de la convention collective, notamment l’indemnité de départ.

123 Le fonctionnaire n’est pas sans blâme mais, dans les faits, il a été licencié injustement. D’après l’approche fondée sur les pertes financières, le motif de ce licenciement et le rôle que le fonctionnaire y a joué sont pris en compte dans le calcul des dommages, et non dans la décision concernant l’approche de la rémunération à employer.

124 Toute indemnité de départ que le fonctionnaire a pu accumuler en vertu de la convention collective est visée par la clause 63.02 de la convention collective, qui se lit comme suit :

63.02 Les indemnités de départ payables à l'employée en vertu du présent article sont réduites de manière à tenir compte de toute période d'emploi continu pour laquelle il ou elle a déjà reçu une forme quelconque d'indemnité de cessation d'emploi. En aucun cas doit-il y avoir cumul des indemnités de départ maximales prévues au paragraphe 63.01.

125 Sur la base des mêmes principes et pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés précédemment dans cette décision, l’indemnité de départ à laquelle le fonctionnaire peut avoir droit doit être réduite des éléments de pondération de 90 % évalués précédemment dans la présente décision. Dans McMorrow et Loyer, 2004 CRTFP 148, les fonctionnaires ont reçu des indemnités de départ. Toutefois, ces indemnités ne représentaient que les paiements qui avaient été versés aux fonctionnaires et ne découlaient pas des conclusions tirées par les arbitres de grief. De plus, dans ces affaires, les arbitres de grief ont jugé approprié d’accorder une indemnité tenant lieu de réintégration mais, contrairement à la présente affaire, la durée de l’emploi continu des fonctionnaires s’ils avaient été réintégrés n’a été ni prise en compte ni analysée. À mon avis, ces décisions ne sont d’aucune utilité pour évaluer le montant de l’indemnité de départ à laquelle le fonctionnaire peut avoir droit dans les circonstances en l’espèce.

126 En outre, je ne souscris pas à l’argument de l’employeur selon lequel l’indemnité du fonctionnaire ne devrait pas excéder celle d’un employé qui est mis en disponibilité sans faute de sa part. En d’autres termes, le fonctionnaire tire profit de sa propre turpitude. Non seulement le fonctionnaire n’est pas dans cette situation, mais il a perdu ses avantages aux termes de la convention collective, dont le droit présumé à la réintégration dans les cas de licenciement d’employés syndiqués.

127 J’en viens maintenant à traiter de la demande de dommages du fonctionnaire pour atteinte à sa réputation. Le fonctionnaire a allégué dans son argumentation que les commentaires formulés par Mme Bauer au cours de son témoignage du 21 juin 2011 dans une tribune publique étaient insouciants et arbitraires et portaient préjudice à la réputation du fonctionnaire dans le cadre de sa quête pour un autre emploi.

128 Les commentaires de Mme Bauer ont été formulés à titre de témoin au cours d’une audience devant un tribunal quasi judiciaire. Elle a déclaré que ses commentaires reflétaient sa perception sur la base de son observation du comportement du fonctionnaire pendant sa réunion du 2 mai 2008 avec lui. L’audience sur le licenciement du fonctionnaire est survenue plus de 3 ans après les commentaires et quelque 18 mois après le licenciement. Bien que le fonctionnaire ait eu l’occasion d’aborder cette question, il a choisi de ne pas témoigner à l’audience. Dans Bahniuk 2012, la preuve sur ce point à l’interrogatoire principal (paragraphe 18) et au contre-interrogatoire (paragraphe 46) mentionnée précédemment dans la présente décision et reproduite ci-après à des fins d’utilité était la suivante :

18 Mme Bauer a dit que la rencontre avait duré entre 45 minutes et une heure et qu’elle était ébranlée quand le fonctionnaire a quitté son bureau. Elle a expliqué que dans toute sa carrière, elle n’avait jamais eu ce genre de rencontre avec un collègue, un subordonné ou un superviseur. Il lui a fallu un certain temps pour se calmer, puis elle a pris quelques notes manuscrites sur la rencontre (pièce E-2). Mme Bauer a mentionné que le jour de la rencontre, elle a dit à un conseiller en relations de travail que si le fonctionnaire avait eu une arme à feu, il l’aurait utilisée.

46 Mme Bauer a été renvoyée à la section 2c, page 7, de la Politique sur la discipline, intitulée [traduction] « Droits et obligations de l’employé », où il est écrit à la première phrase : [traduction] « L’employé qui fait l’objet d’une enquête est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit établi qu’il y a eu inconduite. » On a rappelé à Mme Bauer qu’elle était ébranlée et bouleversée après sa rencontre avec le fonctionnaire et qu’elle avait alors dit à un gestionnaire des relations de travail que si le fonctionnaire avait été en possession d’une arme à feu, il l’aurait utilisée. Mme Bauer a répondu que ce qu’elle avait dit à l’autre gestionnaire, c’était que si le fonctionnaire avait eu une arme à feu, elle n’était pas certaine qu’il ne l’aurait pas utilisée. Elle a dit que bien que le fonctionnaire n’ait pas mentionné d’arme à feu, elle a eu l’impression, en observant son comportement, que c’était quelqu’un de très fâché : assis sur sa chaise, il avait le visage rouge et les yeux exorbités, il postillonnait et il la pointait du doigt avec colère. Elle a reconnu qu’elle n’a pas avisé la police. Lorsqu’on lui a demandé si le fonctionnaire était présumé innocent après sa rencontre avec lui, Mme Bauer a répondu par l’affirmative, affirmant qu’elle n’avait pas encore établi qu’il y avait eu inconduite à ce moment-là.

129  Dans Bahniuk 2012, j’ai déclaré que le commentaire de Mme Bauer devait être situé dans son contexte :

268 Le fonctionnaire a fait valoir que la perception de l’incident de Mme Bauer était extrême, parce qu’elle a mentionné à un gestionnaire responsable des relations de travail que si le fonctionnaire avait eu une arme à feu, elle n’était pas certaine qu’il ne l’aurait pas utilisée. Ce commentaire n’est certes pas des plus heureux, mais il convient toutefois de le mettre en contexte. Selon les éléments de preuve, le commentaire a été fait à un autre gestionnaire le jour de la rencontre, et Mme Bauer a indiqué qu’elle s’était sentie ébranlée après la rencontre. Mme Bauer a déclaré que ce commentaire était fondé sur sa perception du comportement du fonctionnaire. Elle a déclaré lors du contre-interrogatoire qu’elle n’avait pas établi l’inconduite du fonctionnaire à ce moment-là. La réunion visant à établir les faits sur cet incident avec le fonctionnaire a eu lieu le 15 mai 2008, soit presque deux semaines après l’incident, et la mesure disciplinaire a été imposée environ deux semaines plus tard. Je crois que ce calendrier des faits ainsi que la déclaration de Mme Bauer qu’elle aurait consulté d’autres gestionnaires, dont un gestionnaire des relations de travail, pour déterminer quelle mesure disciplinaire était appropriée démontrent que son commentaire n’a pas influé sur son objectivité pour ce qui est de la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire.

130 Les témoins qui participent à une procédure judiciaire ou quasi judiciaire bénéficient d’un privilège absolu. L’état du droit sur cette question a été mentionné dans Samuel Manu-Tech Inc. v. Redipac Recycling Corporation, 1999 CanLII 3776 (C.A. de l’Ont.) dans les termes suivants :

[Traduction]

[19]

[]

La loi est énoncée dans le Halsbury’s Laws of England, Réédition de la quatrième édition, 1997, vol. 28, au paragr. 97 :

97. Privilège absolu. Aucune action ne peut être intentée contre des juges, avocats, jurés, témoins ou parties pour des mots prononcés dans le cours ordinaire d’une instance devant une cour ou un tribunal judiciaire reconnu par la loi. Le témoignage de l’ensemble des témoins ou parties qui s’expriment sur la question soumise à la cour est protégé par le privilège, qu’il soit oral ou écrit, pertinent ou non, malveillant ou non. Le privilège s’étend aux documents utilisés à juste titre et préparés de façon régulière pour être utilisés dans l’instance. Les avocats, les juges et les jurés sont protégés par ce privilège. Toutefois, une déclaration ne sera pas protégée si elle n’est pas faite aux fins d’une instance judiciaire par une personne ayant l’obligation de faire des déclarations dans le cadre d’une instance.

[]

131 Dans Ayangma v. NAV Canada, 2001 PESCAD 1, la Cour a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[38] Il est bien établi que la défense de privilège absolu se rattache aux déclarations faites par des juges, des membres du tribunal, des avocats, des parties et des témoins au cours d’une instance devant des organismes qui exercent des fonctions de nature judiciaire et quasi judiciaire. Dans Gatley on Libel and Slander, 9e éd. (Sweet et Maxwell), à la page 295, les auteurs énoncent la règle générale dans les termes suivants :

Règle générale. Il a été statué que la doctrine selon laquelle il existe une immunité absolue à l’égard des déclarations formulées au cours d’une instance devant une cour de justice s’applique aux déclarations faites dans le cadre de toute instance devant un tribunal (ce qui englobe une commission d’enquête) reconnu par la loi qui, bien qu’il ne s’agisse pas d’une cour au sens usuel, exerce des fonctions judiciaires, à savoir, agit comme le fait une cour de justice à l’égard d’une cause instruite devant elle. [] Le privilège absolu s’étend également aux avocats, aux justiciables et aux témoins, tout comme dans le cas d’une instance devant les tribunaux.

[39] Le principe selon lequel la défense de privilège absolu s’applique aux déclarations faites dans une instance judiciaire ou quasi judiciaire est que la défense est nécessaire pour favoriser la bonne administration de la justice. Les participants à une instance devant un tribunal quasi judiciaire ou judiciaire doivent avoir la liberté de s’exprimer sans la menace d’une poursuite en diffamation. Si les participants, dont les témoins ou les témoins potentiels, sont empêchés de s’exprimer librement, il existe un risque substantiel que la vérité ne puisse être découverte et que la bonne administration de la justice puisse être entravée.

132 La protection du témoignage de Mme Bauer par le privilège absolu suffit pour trancher la demande du fonctionnaire.

133 J’ajouterais que le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve pour étayer ses allégations sur cette question. Bien qu’il ait cité Tipple, il s’agissait de circonstances tout à fait différentes et les commentaires en litige ne constituaient pas l’objet du témoignage devant un tribunal judiciaire ou administratif. Tel qu’il est mentionné dans cette décision, la question a été soulevée à la Chambre des communes et a fait l’objet de nombreux articles dans les médias. Je rejette par conséquent la demande de dommages du fonctionnaire pour atteinte à la réputation.

134 Je me pencherai maintenant sur la question de l’atténuation. Dans Metropolitan Toronto, l’arbitre de grief a refusé de prendre en compte à titre d’atténuation les gains ultérieurs à la date du licenciement. Dans Lâm, l’arbitre de grief a conclu que puisque la réparation appliquée se fondait sur la perte d’emploi du fonctionnaire, l’obligation d’atténuation n’était pas compatible avec ce principe. Dans Hay River et George Brown College, les arbitres de grief ont appliqué l’obligation d’atténuation.

135 Dans Hay River, l’arbitre de grief s’est reporté à IATSE, Local 295 v. Saskatchewan Centre for the Arts, 2008 SKCA 136, dans laquelle la Cour d’appel de la Saskatchewan traitait de la décision d’un conseil d’arbitrage ayant accordé une indemnité tenant lieu de réintégration. Les faits étaient résumés comme suit dans Hay River à la page 375 :

[Traduction]

L’employé avait été licencié, à tort selon le conseil d’arbitrage. Toutefois, le ressentiment entre le fonctionnaire et ses collègues a mené à l’attribution d’une indemnité de tenant lieu de réintégration. Le conseil d’arbitrage a fixé l’indemnité après avoir pris en compte les approches retenues dans Metro Toronto, NAV Canada, DeHavilland etHealth Sciences. Il a expressément refusé de tenir compte des gains postérieurs au licenciement. Toutefois, il a fondé sa décision sur une formule. L’employé avait travaillé pendant 17 ans et s’est vu accorder 5 semaines de salaire par année, un supplément de 14 % et huit semaines de rémunération tenant lieu de préavis conformément à la loi sur les normes du travail ainsi que de l’intérêt.

136  La Cour a déclaré ce qui suit au sujet du principe d’atténuation aux paragraphes 25 et 26 :

[Traduction]

[25] Tel que mentionné précédemment, le principe fondamental de l’évaluation des dommages pour rupture de contrat est que la personne lésée a le droit d’être remise dans la même position que si le contrat avait été exécuté et le conseil et les décisions auxquelles il s’est conformé ont semblé accepter ce principe. Les dommages réclamés sont compensatoires, c’est-à-dire qui tiennent lieu d’indemnité pour la perte effectivement subie. Il n’y a pas eu de demande de dommages punitifs ou majorés et le conseil n’a pas proposé que de tels dommages étaient appropriés, ce qui fait que les dommages ne peuvent comporter aucun élément de sanction de l’employeur. Nonobstant l’insistance dans les décisions suivies par le conseil d’arbitrage dans cette affaire que la perte [traduction] « ne représente pas une perte continue à partir du licenciement qui nécessiterait habituellement une atténuation », ce ne peut être le cas. Dans de tels cas, les dommages, dont ceux qui sont établis pour perte d’avantages consentis en vertu de la convention collective, doivent compenser la perte d’emploi qui aurait été subie par le fonctionnaire, n’eût été de son licenciement, après la date de son licenciement. Il ne peut y avoir de perte tant que le fonctionnaire n’a pas été sans emploi et sans rémunération découlant de cette perte d’emploi ou n’a pas accepté un emploi lui assurant une rémunération ou des avantages moindres. Ceci étant, les dommages ne peuvent tout simplement être dissociés de ce qui s’est produit après le licenciement.

[26] En corollaire, le revenu gagné par le fonctionnaire grâce à un autre emploi après le licenciement doit être pris en compte dans la mesure où il modifie la perte réelle. Sinon, il est concevable qu’une personne qui se retrouve dans la situation du fonctionnaire puisse recevoir des dommages substantiels excédant largement ses pertes réelles, lui qui pourrait commencer un nouvel emploi comportant une rémunération et des avantages égaux ou meilleurs dès après son licenciement et subir très peu de pertes, tout en obtenant des dommages intégraux. C’est ce qui s’est produit dans le présent cas. Le fonctionnaire s’est vu adjuger 85 semaines de salaire alors qu’il a été sans travail pendant environ six mois, ou 26 semaines. Ni la simple logique ni la loi n’autorisent un tel résultat, parce que les dommages ne serviraient plus seulement à indemniser le fonctionnaire pour sa perte réelle, mais également à l’indemniser et à punir l’employeur. Bref, il était déraisonnable que le conseil juge que les gains du fonctionnaire réalisés après son licenciement ne soient pas pris en compte dans l’évaluation des dommages parce que cela équivaudrait à indemniser le fonctionnaire pour une perte qu’il n’a pas subie en réalité.

137 Je souscris au raisonnement dans Saskatchewan Centre selon lequel suivant l’approche fondée sur les pertes financières, le fonctionnaire a l’obligation d’atténuer ses pertes.

138  Les arguments du fonctionnaire sur l’atténuation étaient limités, mais il s’agissait de la seule preuve sur la question. Il a déclaré que sa recherche d’un autre emploi dans son domaine dans la région où il vit s’est révélée vaine et qu’il est devenu travailleur autonome à titre d’entrepreneur général à compter du 1er janvier 2012.

139 L’employeur a soutenu que le fonctionnaire avait une obligation d’atténuation. Il a laissé entendre que l’approche retenue dans George Brown College était appropriée, mais n’est pas allé plus loin. Dans cette décision, le conseil d’arbitrage a réduit les 80 % qu’il avait appliqué aux éléments de pondération de 50 % supplémentaires au motif que dans le cadre de l’atténuation de ses pertes, la fonctionnaire serait vraisemblablement en mesure de gagner la moitié de ses revenus d’avant son licenciement. L’employeur n’a pas présenté d’argument sur le défaut du fonctionnaire d’atténuer ses pertes ou sur le caractère déraisonnable de ses efforts d’atténuation de ses pertes.

140 Dans les circonstances de la présente affaire, je conclus qu’il est inapproprié d’appliquer une réduction en pourcentage supplémentaire aux dommages accordés au fonctionnaire sur la base d’un manquement à l’obligation d’atténuation. Comme le fonctionnaire a soutenu qu’il a pu percevoir un revenu après son licenciement, le revenu ainsi gagné sera déduit des montants qui, selon ce que j’ai établi, lui sont dus.   

141 Comme le fonctionnaire a demandé le versement d’intérêts et que l’alinéa 226(1)i) de la LRTFP me permet d’adjuger des intérêts dans cette affaire, j’accorde des intérêts au taux prévu par l’article 1 du Judgment Interest Regulation de l’Alberta (Règl. de l’Alb. 215/2011), conformément à la Judgment Interest Act (R.S.A. 2000, c. J-1),de la date du licenciement à la date de la présente décision.

142 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

143 Dans les 60 jours suivant la date de la présente décision, l’employeur versera au fonctionnaire les montants suivant :

  1. des dommages pour la perte de son emploi d’un montant de 96 426,29 $, moins les montants gagnés par le fonctionnaire entre la date de son licenciement et la date de la présente décision;
  2. tous les droits à une indemnité de départ cumulés aux termes de la convention collective, sous réserve d’une réduction de 90 %;
  3. de l’intérêt sur les montants ci-dessus, pour chaque année ou partie d’année, de la date du licenciement à la date de la présente décision, comme suit :
    • 2010 :      0,825 %
    • 2011 :      1,85 %
    • 2012 :      1,20 %
    • 2013 :      1,40 %
    • 2014 :      1,10 %

144 Conformément aux directives écrites du fonctionnaire, l’employeur versera lesdits montants légalement de manière à minimiser les répercussions fiscales pour le fonctionnaire.

145 Je vais demeurer saisi de l'affaire pour une période de 60 jours à partir de la date de ma décision, dans l'éventualité où les parties auraient besoin d’aide pour l'exécuter.

Le 25 juillet 2014.

Traduction de la CRTFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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