Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte de pratique déloyale de travail contre son agent négociateur dans laquelle elle a allégué une violation de l’article187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) au motif que l’agent négociateur avait omis de déposer un grief en son nom et de l’informer adéquatement des conséquences du fait de ne pas donner suite à un grief, que ce soit avant ou après une enquête de harcèlement - à la fin de 2010, la plaignante a déposé une plainte pour harcèlement auprès de son employeur - en juin 2011, elle a demandé conseil à son agent négociateur sur la différence entre les plaintes et les griefs, et sur la question de savoir si un grief serait déposé si l’employeur ne se prononçait pas en sa faveur en ce qui concerne sa plainte de harcèlement - l’agent négociateur a répondu et l’a renvoyé aux délais associés aux griefs - après la publication du rapport d’enquête préliminaire, la plaignante a demandé à son représentant la raison pour laquelle aucun grief n’avait été déposé et il a répondu que le dépôt d’un grief serait prématuré, puisque le rapport n’était que préliminaire - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas déposé de grief après la publication du rapport définitif - le délai pour le dépôt d’une plainte est obligatoire et aucun pouvoir discrétionnaire ne permet de le prolonger - la plainte a été déposée le 8 novembre 2013; par conséquent, la période de prescription commençait le 10 août 2013 - la commissaire a soutenu que, conformément au paragraphe190(2) de la LRTFP, le délai de dépôt d’une plainte commençait lorsque la plaignante a eu, ou aurait dû avoir connaissance, qu’aucun grief n’avait été déposé et non, contrairement à ce que la plaignante a indiqué, lorsqu’elle a compris les conséquences de ne pas déposer un grief - la preuve a clairement démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée savait qu’elle avait le droit de déposer un grief pour harcèlement en juin 2011; par conséquent, la plainte liée au défaut de déposer le grief pour harcèlement pour des événements datant de 2010 était hors délais - la plaignante a aussi prétendu que le syndicat avait omis de déposer un grief contre l’employeur en raison de son manquement à fournir une réparation après la publication du rapport définitif relatif au harcèlement - la plaignante connaissait, en juin 2011, les délais de dépôt d'un grief - la commissaire a maintenu que la partie de la plainte relative au défaut de déposer un grief à l’égard du rapport de harcèlement final était aussi hors délais - même si elle avait accepté que le délai de prescription commence au moment où la plaignante a eu connaissance des conséquences du défaut de déposer un grief, la propre preuve de la plaignante a démontré que la plainte était hors délai. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date:  2014-10-02
  • Dossier:  561-15-656
  • Référence:  2014 CRTFP 90

Devant une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

SARA ESAM

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA (SYNDICAT DES EMPLOYÉES
ET EMPLOYÉS NATIONAUX)

défendeur

Répertorié
Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux)


Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Kate Rogers, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique
Pour la plaignante:
Russell MacCrimmon, avocat
Pour le défendeur:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada
Décision rendue sur la base d’arguments écrits déposés le 12 décembre 2013 et le 15 janvier, le 17 février, les 7 et 24 mars 2014. (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

Plainte devant la Commission

1 Sara Esam (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) contre le Syndicat des employées et employés nationaux (SEN), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC ou le « syndicat »), le 8 novembre 2013. La plaignante a allégué que le SEN a contrevenu à l’article 187 de la LRTFP lorsqu’il a omis de déposer un grief en son nom et lorsqu’il a omis de l’informer convenablement des conséquences découlant du fait de ne pas déposer de grief. La plaignante a également allégué que l’omission du SEN de déposer un grief en son nom était motivée par la mauvaise foi et l’hostilité.

2 À l’appui de sa plainte, la plaignante a fourni des renseignements généraux détaillés et elle a présenté un certain nombre de documents. Elle a indiqué qu’elle est une employée syndiquée du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et qu’elle est représentée par l’AFPC. Elle a allégué qu’à la fin de 2010, elle a demandé des conseils à son représentant syndical local au sujet du fait qu’elle croyait faire l’objet d’un harcèlement. Le 19 novembre 2010, elle a déposé une plainte de harcèlement. Elle n’a pas déposé de grief.

3 Le 1er juin 2011, la plaignante a demandé des conseils auprès de Franco Picciano, coordonnateur de l’adhésion du SEN, pour savoir si un grief pouvait être déposé si son employeur ne rendait pas une décision favorable à son égard relativement à la plainte de harcèlement ou ne prenait aucune mesure de suivi quant à la réparation. Elle a également demandé à M. Picciano de lui expliquer la différence entre une plainte de harcèlement et un grief.

4 M. Picciano a répondu à ses questions le 2 juin 2011. Il lui a indiqué qu’il était gêné à l’idée de lui fournir des conseils relativement à une situation hypothétique, car il y avait trop de variables dont il devait tenir compte. Il lui a expliqué certaines des différences entre une plainte de harcèlement et un grief, y compris le fait qu’aucune enquête externe n’est effectuée pour aider le syndicat à s’acquitter du fardeau de la preuve dans le cadre d’un processus de grief, le fait que les délais dans le cadre du processus de grief sont plus rigoureux et le fait que les griefs en matière de harcèlement ne sont pas habituellement admissibles à l’arbitrage.

5 La plaignante a fait allégué qu’elle a une fois de plus posé des questions au sujet du dépôt d’un grief après la communication du rapport final sur l’enquête en matière de harcèlement et elle a été informée qu’il était trop tard.

6 Le 31 juillet 2012, la plaignante a envoyé un courriel à M. Picciano, dans lequel elle lui demande pourquoi un grief n’avait pas été déposé contre un gestionnaire en particulier. Il lui a répondu le 31 juillet 2012 en l’informant que, puisque le rapport sur le harcèlement consistait encore d’un rapport préliminaire, il serait prématuré de déposer un grief avant la publication du rapport final. Il lui a également fourni des conseils au sujet de la mesure corrective qu’elle pourrait demander. Il lui a indiqué qu’il agissait au mieux de ses intérêts et il a indiqué qu’elle lui avait fait part du fait que l’enquête avait une incidence sur sa santé et, pour ce motif, il avait tenté de régler la situation. Il a indiqué qu’il assumait la responsabilité de sa représentation à titre exceptionnel, car un autre représentant syndical représente habituellement les employés du CRSH.

7 La plaignante a affirmé qu’après la communication du rapport final sur la plainte de harcèlement, les parties ont amorcé des discussions de règlement. Elle a également affirmé que, même si le rapport d’enquête indiquait un certain nombre de violations de la convention collective à son égard, M. Picciano a décidé unilatéralement de ne pas déposer un grief en son nom.

8 Le 2 août 2013, Heather Sams, une dirigeante élue du SEN, a envoyé un courriel à la plaignante dans lequel elle a affirmé que le président du SEN, Doug Marshall, avait indiqué que les réparations seraient extrêmement limitées si un règlement négocié n’était pas conclu relativement à la plainte de harcèlement de la plaignante, car aucun grief n’avait été déposé.

9 Le 23 septembre 2013, la plaignante a reçu un courriel de Mme Sams, l’informant que, si elle n’était pas disposée à accepter des concessions dans le cadre des discussions de règlement, il n’existait aucun autre recours juridique à prendre. Mme Sams a indiqué que ces conseils provenaient de M. Picciano.

10 La plaignante a envoyé une lettre à M. Marshall le 15 octobre 2013 dans laquelle elle lui demande son aide pour régler sa plainte de harcèlement. Elle a soutenu qu’elle n’a eu aucune réponse à sa lettre.

11 À titre de réparation, la plaignante a demandé une déclaration selon laquelle le SEN ou l’AFPC a manqué à son obligation de représentation équitable, une ordonnance pour renvoyer le grief en question à l’arbitrage, une indemnisation de tous les traitements et les avantages qu’elle a perdus à compter de la date à laquelle la plainte a été déposée jusqu’à ce qu’une décision soit rendue et une ordonnance de dommages généraux de 100 000 $ découlant du stress mental et émotionnel causé par le manquement à l’obligation de représentation équitable, ainsi que toute autre réparation que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) juge juste et nécessaire.

12 Le 12 décembre 2013, le syndicat a répondu à la plainte. Il a affirmé que la plainte était hors délai. Il a indiqué en outre qu’il n’avait pas agi de manière discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi dans le cadre de sa représentation de la plaignante, qu’il était entièrement disposé à la représenter en tout temps et qu’il lui avait offert une aide, des conseils stratégiques et qu’il avait fait de son mieux pour la représenter.

13 Le syndicat a indiqué que le délai pour déposer un grief contre le harcèlement qui a eu lieu avant le 2 novembre 2010 ou vers cette date était déjà expiré au moment de la première communication entre M. Picciano et la plaignante en janvier 2011. La plaignante a participé à une réunion de stratégie tenue le 15 février 2011 en vue de déterminer la stratégie à aborder aux fins de ces questions.

14 Le syndicat a indiqué dans sa réponse à la plainte que, le 2 juin 2011, M. Picciano a donné à la plaignante une explication de la raison pour laquelle le syndicat a recommandé qu’elle dépose une plainte de harcèlement plutôt qu’un grief. Plus particulièrement, le syndicat a affirmé que M. Picciano lui a expliqué qu’un grief serait plus restrictif qu’une plainte et qu’il ne serait pas admissible à l’arbitrage. Le syndicat a indiqué en outre que M. Picciano l’a informé que, si un grief était déposé, son dossier serait attribué à un représentant expert en matière de convention collective et qu’il collaborerait avec elle. La plaignante a répondu le 31 juillet 2012 pour remercier M. Picciano et lui indiquer qu’elle comprenait qu’il se souciait de son bien-être et de sa carrière.

15 Entre le 14 août et le 4 octobre 2012, la plaignante et le syndicat ont collaboré en vue d’élaborer et de négocier des mesures correctrices pour régler sa plainte de harcèlement. Le 12 août 2012, elle a remercié M. Picciano de nouveau de son aide.

16 Le syndicat a demandé que la plainte soit rejetée sans audience. Subsidiairement, il a demandé que la plaignante lui fasse parvenir des renseignements afin de lui permettre de lui donner une réponse plus précise à la plainte.

17 Le 5 janvier 2014, la plaignante a répondu à la demande du syndicat. Elle a reconnu que le paragraphe 190(2) de la LRTFP exige que les plaintes prévues à l’article 190 doivent être « […] présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu ». Elle a indiqué qu’elle a pris connaissance du fait qu’elle avait été représentée inéquitablement le 2 août 2013 lorsque son représentant syndical local lui a dit que M. Marshal estimait que, puisqu’elle n’avait pas déposé un grief, ses options quant à la réparation relative à sa plainte de harcèlement seraient limitées si elle ne parvenait pas à un règlement négocié. (Il convient de noter que, plus loin dans les arguments, la plaignante et l’agent négociateur indiquent tous les deux que cet événement a eu lieu le 3 août 2013, mais la date figurant à la correspondance par courriel joint à la plainte indique la date des 2 et 3 août 2013. J’utiliserai la date indiquée par les parties dans les arguments particuliers.) Elle a également allégué que des événements supplémentaires sont survenus après le 2 août 2013, appuyés par sa plainte et indiqués plus particulièrement dans une lettre ne comportant aucune date jointe à sa plainte et lettre à laquelle elle a soutenu que M. Marshall n’a pas répondu.

18 La plaignante a également expliqué qu’elle croyait que l’énoncé de M. Picciano dans le courriel en date du 31 juillet 2012, selon lequel il n’a assumé la responsabilité de son dossier qu’à titre exceptionnel, consistait en une menace d’arrêter de la représenter. De plus, elle a affirmé que l’omission de M. Marshall de répondre à ses demandes d’aide indiquait qu’il existait peut-être d’autres facteurs relatifs à l’omission du syndicat de déposer un grief en son nom.

19 La présente plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la LRTFP. La plaignante y a allégué que le syndicat a manqué à son obligation de représentation équitable en vertu de l’article 187. La plainte est assujettie au délai imparti au paragraphe 190(2), qui prévoit ce qui suit :

190. (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

20 Étant donné l’allégation du syndicat selon laquelle la plainte est hors délai le 21 janvier 2014, la formation de la Commission affectée à l’instruction de la plainte a demandé aux parties de fournir des arguments écrits sur la question préliminaire du non-respect du délai.

Arguments du syndicat sur le non-respect du délai

21 Le 17 février 2014, le syndicat a fourni des arguments écrits auxquels sont joints des documents. Il a indiqué que la plaignante a déposé une plainte de harcèlement en novembre 2010. Le 1er juin 2011, elle a demandé au syndicat de lui donner des précisions quant à la question de savoir si un grief ou une plainte serait déposé. Le 2 juin 2011, le syndicat a fourni une réponse complète à sa question. Elle l’a remercié de lui avoir fourni une réponse si détaillée. Le syndicat a indiqué que, dans le courriel envoyé à M. Picciano le 21 juin 2011 (joint aux arguments), la plaignante a reconnu le fait qu’elle savait qu’elle avait un droit de déposer un grief et qu’elle connaissait les délais applicables au grief, mais qu’elle n’a pas demandé qu’un grief soit déposé.

22 La plaignante a indiqué qu’elle avait connaissance de l’acte, de l’omission ou de toute autre question donnant lieu à la plainte le 3 août 2013. Cette date est hors délai. En fait, la plaignante avait ou aurait dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à sa plainte en novembre 2010 ou au moins le 2 juin 2011, lorsqu’elle a demandé des conseils quant à la question de savoir si elle devait déposer une plainte.

23 Le syndicat a invoqué Ennis c. Meunier-McKay et Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada, 2012 CRTFP 30, et Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 106, concernant la question du non-respect du délai et il a demandé à ce que la plainte soit rejetée au motif qu’elle est hors délai.

Arguments de la plaignante sur le non-respect du délai

24 La plaignante a indiqué qu’elle a déposé la présente plainte le 30 octobre 2013. Elle a affirmé que la première date à laquelle elle a pris connaissance des circonstances donnant lieu à la plainte était le 3 août 2013. Par conséquent, la plainte a été déposée dans le délai prescrit.

25 La plaignante a fait valoir que sa plainte a trait à l’omission du syndicat de la représenter avant et après l’enquête en matière de harcèlement et elle a indiqué qu’il existait une correspondance entre elle et le syndicat entre le 3 août 2013 et le 25 octobre 2013 qui permettait de confirmer que sa plainte avait été déposée dans le délai prescrit.

26 La plaignante a contesté le fait que des renseignements complets sur le dépôt d’un grief lui ont été fournis en juin 2011 et elle a affirmé qu’elle n’avait pas connaissance et ne pouvait avoir connaissance de toute plainte contre le syndicat pour manquement à son obligation de représentation équitable. En fait, elle a suivi le conseil du syndicat et a déposé une plainte de harcèlement. Elle s’est fiée à ce conseil et a déposé une plainte de harcèlement plutôt qu’un grief. Elle n’a pas obtenu des conseils complets quant aux répercussions du non-dépôt d’un grief.

27 La plaignante a invoqué Jutras Otto c. Brossard et Kozubal, 2011 CRTFP 107, pour soutenir qu’elle n’avait pas réalisé le fait que le syndicat avait manqué à son obligation de représentation équitable avant le 2 août 2013, lorsqu’elle a été informée que ses options étaient limitées parce qu’elle n’avait pas déposé un grief.

28 La plaignante a demandé le rejet de l’objection du syndicat relative au non-respect du délai.

Contre-preuve du syndicat

29 Le syndicat a indiqué que la plaignante a consulté son représentant syndical en juin 2011 au sujet du dépôt possible d’un grief. Le 21 juin 2011, elle a indiqué que son représentant syndical local ne l’avait pas informée du fait qu’elle aurait pu déposer un grief dans les 25 jours de l’incident. Sa plainte porte sur son allégation selon laquelle le syndicat a omis de la représenter avant et après l’enquête en matière de harcèlement qui a été effectuée il y a des années de cela. Le 1er juin 2011, la plaignante a remercié son représentant syndical de lui avoir fourni les renseignements qui sont à la base même de sa plainte trois années plus tard.

Motifs

30 La présente plainte a été déposée le 8 novembre 2013, même si la plaignante a indiqué dans ses arguments qu’elle a été déposée le 30 octobre 2013. La lettre jointe à la plainte indique qu’elle a été envoyée par courrier électronique le 30 octobre 2013. L’article 2 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »)(DORS/2005-79) prévoit que les documents introductifs doivent être déposés en double exemplaire auprès du directeur général de la CRTFP. L’article 3 du Règlement prévoit que les documents introductifs transmis par télécopieur ne sont permis que si l’original et une copie sont envoyés conformément au paragraphe 3(2). Le Règlement ne prévoit pas la transmission de documents introductifs par courrier électronique et la CRTFP n’accepte pas le dépôt de documents introductifs par courrier électronique, même si elle accepte la présentation d’autres documents par courrier électronique. Par conséquent, selon le Règlement, la plainte a été déposée le 8 novembre 2013 lorsqu’elle a été reçue par courrier ordinaire.

31 De plus, il convient de noter que le paragraphe 9(1) du Règlement prévoit que les documents reçus par le directeur général de la CRTFP après 16 h, heure locale, sont réputés avoir été reçus le jour ouvrable suivant. L’application de ce Règlement permet d’expliquer la raison pour laquelle les arguments du syndicat relatifs au non-respect du délai, par exemple, qui ont été envoyés par courrier électronique le vendredi 14 février 2014 à 16 h 49, sont réputés avoir été reçus par la CRTFP le lundi 17 février 2014.

32 Le paragraphe 190(2) de la LRTFP exige qu’une plainte prévue à l’article 190 doit être présentée dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle la plaignante a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances donnant lieu à la plainte. Le délai est obligatoire et, tel que cela a été indiqué constamment dans la jurisprudence de la CRTFP, aucune disposition de la LRTFP ne donne à une formation de la CRTFP le pouvoir discrétionnaire de le proroger. Dans Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78, la Commission a indiqué ce qui suit au paragraphe 55 :

Le libellé de cette disposition revêt manifestement un caractère obligatoire en raison des mots « […] doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours […] ». Aucune autre disposition de la nouvelle LRTFP n’habilite la Commission à proroger le délai prescrit par le paragraphe 190(2). Par conséquent, le paragraphe 190(2) de la nouvelle LRTFP fixe une limite de temps, limitant ainsi le pouvoir de la Commission d’examiner et d’instruire toute plainte voulant qu’une organisation syndicale s’est livrée à une pratique déloyale de travail, au sens de l’article 185 (lequel est mentionné à l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle LRTFP), et cela vaut pour les actions ou circonstances dont le plaignant avait connaissance ou, de l’avis de la Commission, aurait dû avoir connaissance, dans les 90 jours précédant la date de la plainte.

33 Dans England c. Taylor et al., 2011 CRTFP 129, la Commission a indiqué que la seule latitude donnée à la Commission dans l’interprétation du paragraphe 190(2) de la LRTFP est de déterminer le moment où la plaignante a eu – ou aurait dû avoir – connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte. Dans Boshra c. Association canadienne des employés, 2011 CAF 98, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’afin de pouvoir appliquer le paragraphe 190(2) aux faits d’un cas en particulier, la Commission doit déterminer la nature fondamentale de la plainte et décider la date à laquelle le plaignant a eu – ou aurait dû avoir – connaissance des circonstances y ayant donné lieu.

34 Tel que cela a été indiqué, la présente plainte a été déposée le 8 novembre 2013. Par conséquent, le délai de prescription commençait à courir le 10 août 2013. Si la plaignante a eu – ou aurait dû avoir – connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte avant le 10 août 2013, alors le dépôt de la plainte a été hors délai.

35 L’élément essentiel de la plainte dont je suis saisie consiste en le fait que le syndicat a manqué à son obligation de représentation équitable en vertu de l’article 187 de la LRTFP lorsqu’il a omis de déposer un grief au nom de la plaignante avant et après l’enquête en matière de harcèlement qui a été effectuée entre 2010 et 2012. La plaignante a soutenu que sa plainte n’est pas hors délai, car elle n’avait pas eu connaissance du manquement du syndicat de son obligation de représentation équitable avant le 3 août 2013 lorsqu’elle a été informée des répercussions de l’omission de déposer un grief.

36 Je suis d’avis que le délai pour déposer une plainte n’a pas commencé à courir lorsque la plaignante a compris pour la première fois les répercussions de l’omission de déposer un grief entre 2010 et 2012; il a commencé à courir lorsqu’elle a eu – ou aurait dû avoir – connaissance du fait qu’aucun grief n’avait été déposé parce qu’il s’agit de la nature fondamentale de la plainte.

37 Le 21 juin 2011, la plaignante a rédigé ce qui suit à l’intention de M. Picciano relativement à la possibilité d’une médiation de sa plainte (pièces jointes aux arguments du syndicat, le 17 février 2014) :

[Traduction]

[…]

J’ai décidé contre la médiation pour le simple fait que je ne peux avoir aucun autre retard ou que je ne peux pas subir le fardeau émotionnel d’avoir encore une autre personne concernée.

En novembre 2010, j’ai décidé de déposer une plainte officielle en partie parce que je savais que je n’avais aucun autre recours. Donald Roy et Arlene Hogue ne m’ont pas informé du fait que je pouvais déposer un grief dans un délai de 25 jours. La promptitude constituait également un facteur de ma décision, car, selon la politique sur le harcèlement du CRSH, des « plaintes officielles […] doivent être traitées rapidement » et Jaime Pitfield a confirmé ce fait. Il semblait que la question serait réglée au plus tard au début de 2011 et j’espérais continuer à occuper mon poste d’attache avec une garantie que je ne ferais l’objet d’aucun autre harcèlement.

[…] Il y a sept mois que j’ai déposé ma première plainte et je souhaite que ce processus prenne fin le plus tôt possible. Par conséquent, je poursuivrai la plainte […]

38 Il est clair que la plaignante croyait en juin 2011 que ses représentants syndicaux ne l’ont pas informé de son droit de déposer un grief relativement à son harcèlement. Il est également évident qu’en juin 2011, elle savait qu’elle avait le droit de déposer un grief en matière de harcèlement en novembre 2010. Par conséquent, la plainte portant sur l’omission du syndicat de déposer un grief en matière de harcèlement en 2010 est évidemment hors délai.

39 Toutefois, la plaignante s’est également plainte du fait que le syndicat a omis de déposer un grief contre son employeur pour son omission de prendre une mesure correctrice après la communication du rapport final sur l’enquête en matière de harcèlement. Selon la plaignante, le rapport a été communiqué en juillet 2012. Toutefois, je constate une correspondance de courriels entre la plaignante et M. Picciano en date du 31 juillet 2012 dans laquelle il lui indique que le dépôt d’un grief contre une enquête préliminaire en matière de harcèlement serait prématuré et que le rapport final était le rapport important. Selon le courriel en date du 21 juin 2011, il est clair qu’elle avait connaissance des délais en matière de grief. Si elle n’était pas satisfaite du rapport final sur l’enquête en matière de harcèlement, il lui incombait de s’assurer qu’un grief était déposé relativement à ce dernier dans le délai imparti. Je suis d’avis que le délai pour déposer une plainte contre toute question liée au dépôt d’un grief relativement au rapport final sur le harcèlement aurait dû être ce moment-là et non presque un an et demi plus tard.

40 Toutefois, même si j’accepte le fait que le délai n’a pas commencé à courir avant que la plaignante n’ait pris connaissance des répercussions du non-dépôt d’un grief, elle a pris connaissance de ces répercussions au plus tard le 3 août 2013 (de son propre aveu), date qui est hors délai pour déposer une plainte. Au paragraphe 1 de ses arguments portant sur le non-respect du délai, en date du 7 mars 2014, elle indique ce qui suit : [traduction] « […] la première date à laquelle elle a pris connaissance de l’acte, de l’omission ou de toute autre question donnant lieu à la présente plainte était le 3 août 2013. »

41 Par conséquent, je conclus que la présente plainte a été déposée en dehors du délai de quatre-vingt-dix jours établi par le paragraphe 190(2) de la LRTFP et que je n’ai pas la compétence pour l’entendre.

42 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

43 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 2 octobre 2014.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
une formation de la Commission
des relations de travail dans la fonction publique

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