Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a commencé à planifier sa retraite après 30années passées dans la fonction publique - il a donné un avis de sa date prévue de départ à la retraite, soit le 19 juillet 2012, que l'employeur a accepté - quelques mois plus tard, alors qu’il suivait un traitement médical, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est renseigné quant à la possibilité de se voir accorder un congé de préretraite - le fonctionnaire s’estimant lésé a mis en suspens sa demande de congé de préretraite, et la date de son départ à la retraite n’a pas été modifiée et n’a pas fait l’objet d’une discussion - un mois avant la date de son départ à la retraite, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est de nouveau renseigné au sujet d’un congé de préretraite - l’employeur a répondu que la date de départ à la retraite n’avait pas été modifiée, qu’elle ne serait pas touchée par une demande de congé de maladie et que le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait demander un congé de maladie jusqu’à la date convenue de départ à la retraite - une demande présentée par le fonctionnaire s’estimant lésé en vue de prolonger le congé de maladie au-delà de la date de départ à la retraite a été unilatéralement modifiée par l’employeur pour qu’elle se termine à la date de son départ à la retraite - l’employeur a rejeté une demande de modifier la date de son départ à la retraite et de commencer son congé de pré-retraite en juillet 2012 - le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu un congé de maladie jusqu’à son départ à la retraite - selon le fonctionnaire s’estimant lésé, parce qu’il a présenté une demande de congé de maladie allant au-delà de la date de son départ à la retraite, et ce, alors qu’il était un employé, il avait droit à la période dans son intégralité et à une date de départ à la retraite modifiée - l’employeur a prétendu qu’il était admissible à un congé de maladie uniquement pendant qu’il été un employé, et qu’aucune modification de la date de son départ à la retraite ne pouvait être justifiée - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé devait démontrer qu’il était un employé pour demander un congé de maladie payé, conformément à la convention collective - l’arbitre de grief est arrivé à la conclusion que la date de départ à la retraite ne devait pas être modifiée - les dispositions de la convention collective relatives au congé de maladie ne prévoient pas un tel changement - il n’y a aucune disposition qui exige que l'employeur reporte une date de départ à la retraite pour des motifs médicaux - l’arbitre de grief a conclu que pendant toute la période en question, l’employeur n’avait jamais consenti à déroger à la date de départ à la retraite convenue - le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait pas se fier aux notes du médecin pour modifier la date de départ à la retraite convenue - la date de départ à la retraite est demeurée en vigueur, et le fonctionnaire s’estimant lésé a été rémunéré pour le congé de maladie approprié conformément à la convention collective et ne pouvait pas déposer d’autres demandes une fois à la retraite. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2014-10-06
  • Dossier:  566-02-8135
  • Référence:  2014 CRTFP 91

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PAUL VIDLAK

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Employeur

Répertorié
Vidlak c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Margaret T.A. Shannon, arbitre de grief
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Vanessa Reshitnyk, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario) Le 17 juin 2014 (Traduction de la CRTFP)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Paul Vidlak, a allégué que l’employeur avait contrevenu à la clause 39.02 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») pour le groupe Services techniques (tous les employé-e-s), qui est venue à échéance le 21 juin 2011 (la « convention collective »). Le fonctionnaire a allégué que l’employeur, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, avait refusé de lui accorder un congé de maladie avec certificat médical qui, s’il avait été accordé, aurait fait en sorte que sa date prévue de retraite soit reportée.

II. Résumé de la preuve

2 Lorsqu’il a déposé le présent grief, le fonctionnaire était employé par l’employeur à titre d’agent des normes du travail. Il avait 30 années de service au sein de la fonction publique. Dans le passé, il avait reçu un versement au titre de son congé annuel accumulé plutôt que de prendre le congé. L’employeur a refusé sa demande de versement au titre de son congé annuel en 2011, puisqu’il n’y avait pas de fonds réservés à cette fin. L’employeur a accepté de trouver les fonds nécessaires si le fonctionnaire soumettait une date de retraite prévue. Le fonctionnaire comptait sur le versement au titre de son congé annuel et il avait en fait consacré cette somme à une fin particulière. Par conséquent, puisqu’il avait besoin de cette somme et qu’il ne souhaitait pas prendre un congé pendant l’hiver, il a collaboré avec le bureau de la rémunération de l’employeur pour déterminer sa date appropriée de retraite (pièce 5, page 2). En novembre 2011, le fonctionnaire a présenté son avis de retraite, avec date d’entrée en vigueur le 19 juillet 2012, lequel a été accepté par l’employeur.

3 Le 9 février 2012, le fonctionnaire a communiqué avec Gaston Martin, son gestionnaire, pour l’informer qu’il examinait de nouveau sa situation concernant sa retraite. Il s’est informé quant à la possibilité de prendre un congé de préretraite (pièce 6). Il a présenté sa demande de congé de préretraite pour la période du 7 mai 2012 au 7 mai 2014 (pièce 7) à M. Martin, lequel a appuyé sa demande (pièce 6). Le fonctionnaire a présenté sa demande parce que son médecin était d’avis qu’il lui serait avantageux de travailler à temps partiel plutôt que de prendre sa retraite. La demande de congé de préretraite a été mise en suspens le 2 mars 2012, à la demande du fonctionnaire, en attendant les résultats d’autres examens médicaux (pièce 9). Par conséquent, l’employeur n’a pas répondu à la demande du fonctionnaire et il a estimé que la date du 19 juillet 2012 était exécutoire.

4 En juin 2012, la santé du fonctionnaire s’est détériorée. Il a suivi une radiothérapie pour lutter contre le cancer, à la suite d’une chirurgie en 2011. Son médecin lui a donné un certificat médical indiquant qu’une période minimale d’un mois serait nécessaire pour se rétablir des effets secondaires de la radiothérapie, dont la fin du traitement était prévue au début de juillet (pièce 8). Dans un courriel à l’intention de l’employeur (pièce 8), le fonctionnaire a demandé ce qu’il en était de l’état de sa demande de congé de préretraite. Il a également demandé à l’employeur d’accepter, si le congé était accordé, que sa préretraite ne débute qu’à la fin de la période de congé de maladie avec certificat. L’employeur a répondu par courriel (pièce 10) que la date de retraite du 19 juillet 2012 était définitive et qu’elle n’était pas visée par le certificat médical. Toutefois, selon le certificat médical présenté, un congé de maladie jusqu’au 19 juillet 2012 lui a été accordé (demande de congé, pièce 12).

5 Le fonctionnaire a présenté une première demande de congé de maladie pour la période du 11 juillet 2012 au 10 août 2012; l’employeur a modifié unilatéralement la date de fin au 19 juillet 2012. Malgré cette modification, le fonctionnaire a présenté deux autres certificats médicaux qui, selon lui, lui donnaient droit à un congé jusqu’au 13 novembre 2012 (pièce 13). Le fonctionnaire demande d’être payé pour la période du 19 juillet 2012 au 13 novembre 2012 inclusivement, et que cette période soit considérée comme un congé de maladie. Il a soutenu qu’il avait le droit de modifier sa date de retraite au moment où il l’a fait, car, à l’époque, il était encore un employé. Il avait l’intention de demeurer un employé jusqu’à ce qu’il soit apte à travailler ou qu’il ait épuisé sa banque de congés de maladie.

6 La présidente locale de l’agent négociateur a fait un suivi auprès de l’employeur au nom du fonctionnaire. Elle a tenté de connaître l’origine du pouvoir de l’employeur d’autoriser le report de la date de retraite du fonctionnaire, compte tenu des circonstances (voir la pièce 14). On lui a répondu que le 8 novembre 2011, le fonctionnaire avait présenté sa date de retraite par écrit au moyen d’un courriel et que l’employeur l’avait acceptée et approuvée le même jour. Par conséquent, la date que le fonctionnaire avait choisie comme date de retraite était définitive (pièce 14).

7 Avant que son employeur refuse de lui verser une somme au titre de son congé annuel accumulé, le fonctionnaire n’avait pas envisagé de prendre sa retraite. Étant donné qu’il avait 30 ans de service au sein de la fonction publique, il était raisonnable de supposer qu’il prendrait sa retraite au cours des prochaines années. Il a participé au cours de planification de la retraite offert par l’employeur en 2010, mais il n’avait envisagé aucune date particulière. La date du 19 juillet 2012 a été décidée avec l’analyste en matière de rémunération de l’employeur, en tenant compte de son congé accumulé. Tout a été fait par courriel; le fonctionnaire n’a discuté de ses options liées à la retraite avec aucune autre personne. Il n’avait pas eu le temps de songer à ce qu’il faisait, surtout étant donné son intention d’obtenir un versement au titre de son congé annuel afin de s’acquitter de ses obligations financières. Lorsqu’il a demandé un congé de maladie jusqu’au 10 août 2012, le fonctionnaire savait que l’employeur s’attendait à ce qu’il prenne sa retraite le 19 juillet 2012, soit environ une semaine après la date de début de son congé de maladie.

8 Barbara Golding était la gestionnaire du fonctionnaire entre août et novembre 2011 et de février 2012 jusqu’à sa retraite en juillet 2012. Elle a approuvé sa date de retraite du 19 juillet 2012, tel qu’il a été demandé par le fonctionnaire. Cette date a été calculée en fonction de la liquidation de tout son congé accumulé. Son dernier jour au bureau était prévu le 4 mai 2012 (pièce 5). Avant de recevoir par courriel l’avis de la date de retraite du fonctionnaire (pièce 5), Mme Golding était au courant de l’intention du fonctionnaire de prendre sa retraite et elle a tenté de doter temporairement son poste en avril 2011. Les gestionnaires doivent connaître les plans de retraite de leurs employés aux fins de la planification de la relève, de la dotation, de la formation et du budget.

9 En août 2011, Mme Golding a rencontré le fonctionnaire pour confirmer sa date de retraite et discuter de la liquidation de ses congés annuels. Selon la pratique dans la région de l’Ontario de l’employeur, aucune somme n’était versée au titre des congés annuels. La convention collective prévoyait un report de 262,5 heures de congé annuel d’une année à l’autre. Selon la compréhension de Mme Golding, les employés doivent prendre leur congé en vue d’éviter le paiement de tout congé excédentaire au congé maximal. À la réunion, le fonctionnaire a soulevé son plan de retraite et a indiqué qu’il déménagerait dans l’Ouest. Il avait pris son congé en vue de se rendre dans l’Ouest et de se trouver un endroit où vivre. Le fonctionnaire a demandé à ce qu’une somme en argent lui soit versée au titre de ses congés annuels, ce qui a été approuvé par Mme Golding, puisqu’il prenait sa retraite.

10 À la fin de l’exercice 2011-2012, une somme en argent équivalent à 262,5 heures de congé annuel a été versée au fonctionnaire. Le reste a été reporté et utilisé dans le cadre du calcul de sa date de retraite.

11 En février 2012, Mme Golding a reçu la demande du fonctionnaire concernant un congé de préretraite. La demande était appuyée par le superviseur du fonctionnaire. Elle n’a pas traité cette demande et elle l’a mis en suspens en attendant la détermination de sa situation médicale, puisque le fonctionnaire l’avait informée qu’il examinait de nouveau la demande. Toutefois, la date de retraite du 19 juillet 2012 est demeurée ferme, puisqu’il n’avait pas indiqué son intention d’annuler ses plans de retraite. À l’époque où il a déposé sa demande de congé de préretraite, il a présenté une demande de congé annuel (pièce 11, page 2). La demande de congé annuel a été annulée lorsque sa demande de congé de préretraite a été annulée et le versement d’une somme au titre des congés annuels a été rétabli.

12 Le fonctionnaire n’a tenté à aucun moment d’annuler sa date de retraite. Même s’il l’avait fait, seul le sous-ministre adjoint a le pouvoir d’accepter l’annulation d’une date de retraite qui a été acceptée par la direction (pièce 15, onglet 4). Mme Golding avait le pouvoir d’accepter la démission du fonctionnaire, mais pas celui de lui permettre de l’annuler.

13 Lorsque le fonctionnaire a été informé de ce fait, il a demandé de rétablir sa demande de congé de préretraite et de modifier sa date de retraite. Il a proposé de commencer son congé de préretraite en juillet 2012. La proposition a été refusée. Il a été informé que la date de sa retraite, soit le 19 juillet 2012, était définitive (courriels de la pièce 15, onglet 5). Mme Golding a ensuite signé la demande de congé de préretraite du fonctionnaire (pièce 7), en la refusant. Lorsqu’elle a reçu la demande de congé de maladie du fonctionnaire le 3 juillet 2012 (pièce 8), elle a approuvé un congé de maladie juste assez long pour se rendre à la date de la retraite (pièce 12), même si la banque de congés de maladie du fonctionnaire dépassait le congé demandé. À partir du 19 juillet 2012, le fonctionnaire n’était plus un employé et, par conséquent, il n’avait plus droit au congé de maladie.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

14 Le fonctionnaire a répondu à toutes les conditions prévues à la clause 39.02 de la convention collective. Lorsqu’il a demandé un congé de maladie en juillet 2012, il disposait d’un nombre suffisant de crédits pour couvrir la période demandée. Rien dans la clause ne prévoit qu’une date de retraite l’emporte sur une demande de congé de maladie. Le fonctionnaire avait parfaitement le droit de se prévaloir de son congé de maladie jusqu’à ce que le certificat médical ne s’applique plus.

15 Le grief est clair. Le statut d’employé du fonctionnaire devait être maintenu jusqu’à ce qu’il ait épuisé ses crédits de congé de maladie accumulé. Il n’existe aucun élément de preuve voulant que le fonctionnaire ait demandé un congé de maladie allant au-delà de la date en novembre indiquée dans les certificats de son médecin (pièce 13). Les circonstances du fonctionnaire avaient changé. Le 19 juillet 2012, soit la date figurant à la pièce 5, a été calculé en fonction du fait que le fonctionnaire prendrait ses congés annuels entre le 4 mai et le 19 juillet 2012. Il a en fait pris un congé le 4 mai 2012, tel qu’il a été planifié, et il a utilisé son congé annuel jusqu’à ce qu’il présente sa demande de congé de maladie, soit le 3 juillet 2012. La question en l’espèce consiste à déterminer si le fonctionnaire a le droit d’utiliser des crédits de congé de maladie après le 19 juillet 2012.

16 Dans son courriel (pièce 6), en appuyant la demande de congé de préretraite du fonctionnaire, M. Martin a indiqué que la date de retraite du fonctionnaire était souple.

17 Dans Currie c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14576 (19850521), le fonctionnaire a demandé d’épuiser ses crédits de congé de maladie avant de prendre sa retraite à la suite d’un accident de travail qui l’a rendu incapable d’exercer toutes ses fonctions. Le fonctionnaire a convenu de prendre sa retraite volontairement s’il pouvait d’abord épuiser ses crédits de congé de maladie. L’employeur a refusé et le fonctionnaire a pris sa retraite. À l’origine, l’arbitre de grief a rejeté le grief. Toutefois, le grief a ensuite été accueilli après une demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale. Le fonctionnaire a été autorisé à épuiser son congé de maladie et il a ensuite pris sa retraite.

18 En l’espèce, le fonctionnaire a indiqué qu’il n’était pas au courant de ce qui pourrait l’empêcher de prendre son congé de maladie, comme il l’a demandé. La clause de la convention collective portant sur les droits de la direction ne donne pas à l’employeur le droit de faire autre chose que de lui permettre de prendre son congé de maladie. Cela est appuyé par la décision rendue dans Partridge c. Conseil du Trésor (Solliciteur général), dossier de la CRTFP 166-02-15088 (19851216), où le fonctionnaire avait précisé sa date de retraite et était ensuite tombé malade. Il a tenté de modifier sa date de retraite, mais la modification a été refusée. Son grief a été accueilli par l’arbitre de grief.

19 À l’époque où le fonctionnaire a présenté sa demande de congé de maladie, il avait suffisamment de crédits de congé pour couvrir la période demandée. Selon le paragraphe 31 de Partridge, il bénéficiait de tous les droits consentis aux employés par la convention collective, notamment le droit d’utiliser ses crédits de congé de maladie. L’employeur est tenu d’accorder ces congés de maladie. Le fonctionnaire a répondu au critère prévu à la clause 39.02 de la convention collective. Il a établi qu’il avait un nombre suffisant de crédits de congé de maladie pour se rendre aux dates indiquées dans les certificats médicaux, ce qui prévaut sur sa date de retraite prévue. La jurisprudence reconnaît que, lorsqu’un congé va au-delà de la date de retraite établie, l’employé a le droit de s’en prévaloir avant de prendre sa retraite.

B. Pour l’employeur

20 La question consiste à déterminer si l’employeur a contrevenu à la clause 39.02 de la convention collective lorsqu’il a refusé de retarder la date de retraite du fonctionnaire afin de lui permettre d’épuiser ses crédits de congé de maladie avant sa retraite. La convention collective est claire et sans équivoque. Elle ne prévoit aucun droit d’épuiser le congé de maladie avant la retraite. Dans le cadre de l’interprétation d’une convention collective, un arbitre de grief doit accorder à son libellé le sens ordinaire et simple, sauf si cela entraîne une absurdité ou une incompatibilité. S’il dispose de deux interprétations qui sont toutes aussi raisonnables, l’arbitre de grief doit déterminer l’intention des parties (voir Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au 4:2000, 4:2100 et 2:3220).

21 Lorsqu’il rend une décision relative à une convention collective ou à une question liée à une décision arbitrale, un arbitre de grief ne doit pas modifier la convention collective (voir Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88, au paragr. 60). En plus de la convention collective, un arbitre de grief doit également appliquer les dispositions législatives pertinentes (voir Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, aux paragr. 24 à 30, et Spencer c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1395, au paragr. 30). En l’espèce, les lois applicables sont la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ((L.C. 2003, ch. 22, art. 2), (la « LRTFP ») et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13), (la « LEFP »).

22 La clause 39.02 de la convention collective doit être interprétée dans le contexte général du régime des relations de travail dont elle découle. La clause 39.02 énonce que « L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie […] ». La clause 2.01 de la convention collective prévoit la définition suivante d’un employé : « désigne toute personne définie comme fonctionnaire en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qui fait partie de l’unité de négociation indiquée à l’article 9 ». Selon le paragraphe 2(1) de la LRTFP, un employé est une personne employée dans la fonction publique. Afin d’être admissible au congé de maladie en vertu de la clause 39.02 de la convention collective, la personne qui présente la demande doit être au service de la fonction publique.

23 Le fonctionnaire a cessé d’être un employé le 19 juillet 2012 lorsqu’il a pris sa retraite. Par conséquent, il ne répond pas aux exigences de la clause 39.02 de la convention collective afin d’être admissible au congé de maladie payé. La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») n’a pas compétence pour trancher les questions qui surviennent en raison de démissions. Par ailleurs, elle n’a pas compétence sur les questions découlant de la retraite d’un employé, soit qui s’apparentent à la démission (voir Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, au paragr. 198). La Commission a établi qu’un employé cesse d’être un employé à la date confirmée par l’administrateur général comme étant la date de retraite de l’employé, conformément à l’article 63 de la LEFP (voir Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90, au paragr. 94; demande de contrôle judiciaire rejetée dans 2014 CF 540).

24 L’argument du fonctionnaire ne tient pas compte des conséquences de l’article 63 de la LEFP et de ses effets, tel que cela a été discuté dans Mutart. On ne peut interpréter la convention collective de façon à miner le cadre juridique en vertu duquel elle a été négociée, ce que l’agent négociateur a reconnu à l’article 5 de la convention collective : Priorité de la loi sur la convention collective. L’interprétation du fonctionnaire dépasse le sens ordinaire de la convention collective et lui donne un avantage important qui excède l’avantage que les parties avaient l’intention de donner.

25 Les faits en l’espèce sont simples. Rien n’obligeait l’employeur d’accepter de reporter la date de retraite du fonctionnaire. La personne ayant le pouvoir délégué a accepté une véritable démission. Conformément à l’article 63 de la LEFP, le fonctionnaire a cessé d’être au service de la fonction publique à cette date.

26 Le fonctionnaire a eu la possibilité de modifier sa date de retraite lorsqu’il a initialement discuté de mettre sa demande de congé de préretraite en suspens. Il a choisi de ne pas le faire; il a demandé à Mme Golding de suspendre le traitement de sa demande de congé de préretraite et a confirmé que le 19 juillet 2012 était sa date de retraite. Aucun élément de preuve n’a démontré que les parties avaient négocié de nouveau cette date. Aucune contestation n’a été soulevée quant au pouvoir de Mme Golding d’accepter la date de retraite proposée par le fonctionnaire. La décision du fonctionnaire de prendre sa retraite était volontaire; il avait connaissance de sa maladie au moment où il a choisi la date. Le fait que le fonctionnaire puisse avoir été en proie au stress au moment où il a décidé de prendre sa retraite n’équivaut pas à subir une coercition ou à agir sous la contrainte (voir Hassard, au paragr. 164). Le fonctionnaire a pris une décision délibérée. Il disposait d’un délai suffisant pour y songer, mais il ne l’a pas modifié. Il s’agit de sa décision délibérée et sa démission était volontaire (voir Rinke c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2004 CRTFP 143, au paragr. 182).

27 Aucun élément de preuve n’a démontré l’existence de circonstances atténuantes permettant de justifier le fait de ne pas astreindre le fonctionnaire à respecter sa date de retraite déclarée (voir Robertson c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 63, au paragr. 60). L’employeur a embauché et formé un autre employé pour doter temporairement le poste du fonctionnaire en prévision de sa retraite. Son emploi continu après sa date de retraite aurait imposé un fardeau financier à l’employeur.

28 Les faits dans Partridge sont distincts de ceux en l’espèce. Au paragraphe 30, il est indiqué que les parties ont consenti à retarder la date de retraite en question d’un mois. En l’espèce, il n’y avait aucun élément de preuve indiquant un tel nouvel examen mutuel. En fait, dans son courriel (pièce 11), le fonctionnaire a confirmé de nouveau la date du 19 juillet 2012. Les parties n’ont rien fait entre mars et juillet pour indiquer que la date de retraite précisée avait été annulée ou modifiée.

29 De même, la situation dans Currie se distingue de celle du fonctionnaire. M. Currie s’était blessé au travail et avait volontairement accepté de prendre sa retraite s’il pouvait se prévaloir de ses congés de maladie jusqu’à sa date de retraite, ce qui a été permis par les politiques de l’employeur. L’intention dans Currie était de permettre au fonctionnaire s’estimant lésé d’épuiser son congé de maladie avant de prendre sa retraite pour des raisons médicales. Il n’en est pas ainsi en l’espèce.

IV. Motifs

30 La représentante de l’employeur avait raison en ce qui concerne son analyse selon laquelle, afin d’être admissible aux prestations de congé de maladie, le fonctionnaire devait établir que, pendant la période demandée, il était ou continuerait d’être un employé et qu’il était un membre de l’unité de négociation, conformément à la clause 39.02 de la convention collective, qui est ainsi libellée :

39.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

  1. qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine;
    • et
  2. qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

31 Le représentant du fonctionnaire avait également raison dans le cadre de son analyse selon laquelle cette disposition est obligatoire et que l’employeur ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire lorsque les critères sont respectés. Toutefois, comme l’a affirmé la représentante de l’employeur, cette disposition n’est obligatoire que si le fonctionnaire répond aux trois conditions énoncées dans la clause, à savoir : il est un employé, il peut convaincre l’employeur de la nécessité du congé et il dispose d’un nombre suffisant de crédits pour couvrir la période de congé. En l’espèce, les parties se sont entendues sur le fait que le fonctionnaire remplissait deux des trois conditions.

32 Les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si le fonctionnaire, à titre d’employé au moment de la présentation de sa demande de congé de maladie, avait le droit de reporter sa date de retraite au motif qu’il avait un certificat médical indiquant qu’il n’était pas en mesure de travailler après sa date de retraite prévue. Le fonctionnaire a fait valoir qu’il y avait droit parce qu’il répondait aux exigences de la clause 39.02 de la convention collective au moment où il a présenté la demande. D’autre part, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire répondait aux exigences de la clause 39.02 uniquement jusqu’à sa date de retraite et qu’il ne pouvait donc pas demander un congé de maladie après cette date. Afin de m’aider à trancher cette question, la représentante de l’employeur avait raison de dire que l’on doit examiner la définition du terme « employé-e » prévue à la convention collective. L’article 2 de la convention collective définit ainsi le terme « employé-e » : « désigne toute personne définie comme fonctionnaire en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qui fait partie de l’unité de négociation indiquée à l’article 9 ». La LRTFP prévoit la définition suivante d’un fonctionnaire :

DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« fonctionnaire » Sauf à la partie 2, personne employée dans la fonction publique, à l’exclusion de toute personne :

a) nommée par le gouverneur en conseil, en vertu d’une loi fédérale, à un poste prévu par cette loi;

b) recrutée sur place à l’étranger;

c) qui ne n’est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables;

d) qui est membre ou gendarme auxiliaire de la Gendarmerie royale du Canada, ou y est employée sensiblement aux mêmes conditions que ses membres;

e) employée par le Service canadien du renseignement de sécurité et n’exerçant pas des fonctions de commis ou de secrétaire;

f) employée à titre occasionnel;

g) employée pour une durée déterminée de moins de trois mois ou ayant travaillé à ce titre pendant moins de trois mois;

h) employée par la Commission;

i) occupant un poste de direction ou de confiance;

j) employée dans le cadre d’un programme désigné par l’employeur comme un programme d’embauche des étudiants.

33 Nul ne conteste le fait que, lorsqu’il a présenté la première note de son médecin (pièce 12), le fonctionnaire répondait à la définition d’« employé-e » prévue à la convention collective. L’employeur a soutenu qu’il n’y a eu aucune contravention de la convention collective, puisque le fonctionnaire a été autorisé à prendre un congé de maladie pour la période visée par la note de son médecin pendant laquelle il était un employé. Selon l’employeur, le fonctionnaire a cessé d’être un employé le 19 juillet 2012, lorsqu’il a pris sa retraite. En se basant sur Partridge, le fonctionnaire a soutenu que cette date aurait dû être reportée en raison de la note de son médecin et des notes subséquentes de ce dernier (pièce 13).

34 Je ne souscris pas à l’argument du fonctionnaire. Rien dans la clause 39.02 de la convention collective ne renvoie à la retraite; de plus, la convention collective ne prévoit aucune exigence selon laquelle l’employeur est tenu de reporter une date de retraite convenue. Il ne s’agit pas de la même situation que dans Currie où le fonctionnaire a eu la permission d’épuiser son congé de maladie avant de prendre sa retraite pour des raisons médicales. Dans Currie, le congé de maladie du fonctionnaire avait déjà été approuvé lorsqu’il a pris la décision de prendre sa retraite. En l’espèce, les faits sont renversés.

35 Même si le fonctionnaire s’est appuyé sur la décision rendue par la prédécesseure de cette Commission dans Partridge, je conclus que cette décision diffère de manière importante de celle en l’espèce. Dans Partridge, le fonctionnaire s’est trouvé dans la même situation que M. Vidlak : après l’établissement de sa date de retraite, le fonctionnaire est tombé malade et a demandé de se prévaloir de son congé de maladie et de reporter sa date de retraite. Dans cette affaire, l’arbitre de grief a rendu une décision favorable au fonctionnaire, mais uniquement en raison d’une constatation factuelle clé de sa part, à savoir :

(30) Les parties ont mutuellement convenu de mettre fin à la relation employeur-employé à une date future, soit le 4 octobre 1984. Avant cette date, M. Partridge a demandé une modification et l’employeur y a consenti, ou a offert de retarder la date d’un mois. À mon avis, les deux parties ont ainsi indiqué qu’elles étaient disposées à annuler ou à écarter l’entente par laquelle elles avaient convenu de mettre fin au contrat d’emploi. À mon avis, le fait qu’une partie soutienne maintenant qu’elle a simplement voulu suspendre pendant un mois son consentement à la cessation d’emploi de l’autre partie n’a pas une importance cruciale. Un contrat d’emploi ne peut être résilié que par entente ou action mutuelles. Les deux parties étaient disposées à renoncer à l’entente qui avait été conclue. Par conséquent, l’entente mutuelle relative à la cessation d’emploi ne valait plus et il s’ensuit que le contrat d’emploi initial était encore en vigueur le 4 octobre 1984.

Par conséquent, dans Partridge, l’arbitre de grief a conclu que les parties étaient parvenues à une entente mutuelle visant à annuler la retraite convenue mutuellement. Une telle entente n’existe pas en l’espèce et n’a pas été alléguée.

36 Tel que la Commission l’a confirmé récemment dans Mangat c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 86, si une démission est valide, je n’ai pas compétence. Le fonctionnaire n’a aucunement tenté d’invoquer le fait que ses gestes avaient été posés sous la contrainte ou tout autre type d’incapacité psychologique. Le fonctionnaire n’a pas non plus contesté le caractère légitime de son intention de prendre sa retraite.

37 Une retraite constitue une démission volontaire de la fonction publique qui est régie par la LEFP (voir Mutart, au paragr. 92). Le fonctionnaire a présenté, par courriel, son avis indiquant qu’il prendrait sa retraite le 19 juillet 2012, ce qui a été accepté par la gestionnaire disposant du pouvoir délégué. Les autres mesures prises par le fonctionnaire permettent de confirmer son intention de prendre sa retraite à cette date. Aucun élément de preuve n’a démontré que le fonctionnaire avait demandé que le sous-ministre adjoint reporte cette date; même s’il l’avait fait, le sous-ministre adjoint avait plein pouvoir de refuser. De même, il n’existe aucun élément de preuve démontrant que le sous-ministre adjoint ait accepté de reporter la date de retraite du fonctionnaire jusqu’à ce qu’il ait épuisé ses congés de maladie ou qu’un certificat indique qu’il soit apte à reprendre son travail. Je conclus qu’à compter du 19 juillet 2012, le fonctionnaire n’était plus au service de la fonction publique. Par conséquent, il ne répondait pas au troisième critère requis pour être admissible au congé de maladie prévue à la clause 39.02 de la convention collective. En l’absence de l’obligation de l’employeur de reporter la retraite du fonctionnaire jusqu’à la fin de son congé de maladie, dont l’existence n’a pas été établie par le fonctionnaire, il n’y a aucune violation de la convention collective.

38 J’ai consulté avec intérêt les nombreuses décisions invoquées à l’appui des arguments des deux parties. Même si je ne les ai pas citées ni traitées chacune individuellement, j’en ai tenu compte pour parvenir à ma conclusion.

39 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

40 Le grief est rejeté.

Le 6 octobre 2014

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,
arbitre de grief

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