Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La candidature de la plaignante a été rejetée à l’étape de la présélection d’un processus de nomination interne annoncé parce qu’elle a échoué à un examen écrit. Selon la plaignante, l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a refusé de prendre les mesures d’adaptation dont elle avait besoin en raison de sa déficience et qu’il a fait pression sur elle pour qu’elle passe l’examen avant qu’elle soit capable de le faire. Décision : Le Tribunal a souligné que, pour qu’il puisse conclure à l’existence prima facie d’une preuve de discrimination, la plaignante devait d’abord établir qu’elle souffrait d’une déficience au moment des faits. Selon les éléments de preuve au dossier, la plaignante subissait un stress important puisque son conjoint était décédé depuis peu des suites d’une grave maladie. Par contre, la plaignante n’a pas démontré qu’elle était atteinte d’une déficience au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne lorsqu’elle a passé l’examen. Par conséquent, elle n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination. Pour ce qui est du moment où l’examen a été administré, la plaignante a pu passer l’examen un mois plus tard que la date prévue après le décès de son conjoint. Selon les éléments de preuve, la plaignante s’est sentie forcée de passer l’examen parce qu’elle craignait la réaction de ses collègues si on lui accordait une autre prolongation. Cette pression n’a pu être attribuée à l’intimé. La plaignante n’a donc pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en faisant pression sur elle pour qu’elle passe l’examen à la date prévue. La plainte est rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers :
2013-0075/0076
Rendue à :
Ottawa, le 21 octobre 2014

ALDA BREEN
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Merri Beattie, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Breen c. Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration
Référence neutre :
2014 TDFP 17

Motifs de décision


Introduction

1 La plaignante, Alda Breen, a vu sa candidature être éliminée d’un processus de nomination interne annoncé visant à doter des postes de chef d’équipe (PM-03) à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). La plaignante soutient que l’intimé, le sous-ministre de CIC, a abusé de son pouvoir en faisant preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a omis de prendre des mesures d’adaptation pour pallier sa déficience dans ce processus. Elle affirme également que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant pression sur elle pour qu’elle passe un examen écrit avant qu’elle ne soit capable de le faire.

2 La plaignante avait satisfait aux exigences dans le cadre d’un processus de nomination antérieur visant à doter des postes de chef d’équipe (PM-03). Elle affirme que l’intimé avait également abusé de son pouvoir en déterminant de façon arbitraire que le bassin créé dans le cadre de ce processus n’était plus valide, éliminant ainsi la possibilité pour la plaignante d’être nommée à un poste en vertu de ce processus.

3 L’intimé soutient que la plaignante n’avait pas informé la direction au sujet de sa déficience et n’avait pas demandé des mesures d’adaptation. L’intimé affirme qu’il n’a pas fait pression sur la plaignante pour l’obliger à faire un examen et qu’il avait décidé de ne plus effectuer de nomination à partir du bassin PM-03 précédent parce que les qualifications utilisées pour créer ce bassin ne répondaient plus aux exigences des postes de chef d’équipe.

4 La Commission de la fonction publique n’était pas représentée à l’audience. Elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices se rapportant à la question en litige. Toutefois, elle n’a pas pris position quant au bien-fondé de la plainte.

5 La Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) a aussi présenté des observations écrites sur les dispositions législatives et les principes relatifs aux droits de la personne servant à interpréter les lois sur les droits de la personne. La CCDP n’a pas pris position quant au bien-fondé de la plainte.

6 Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) estime que la plaignante n’a pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir.

Contexte

7 En juin 2007, la plaignante a présenté sa candidature dans un processus de nomination lancé par l’intimé pour doter des postes de chef d’équipe (PM-03) (processus de 2007). Le 14 mai 2008, la plaignante a été informée que sa candidature avait été retenue à l’issue du processus de 2007 et que son nom avait été inscrit dans un bassin de candidats en vue d’une éventuelle nomination.

8 La plaignante a obtenu plusieurs nominations intérimaires à la suite du processus de 2007. Elle a notamment occupé un poste de chef d’équipe de façon intérimaire du 15 décembre 2008 au 30 novembre 2010.

9 La date de clôture du processus de nomination interne visant des postes de chef d’équipe (PM-03) qui est en cause en l’espèce était le 23 février 2010 (processus de 2010). La plaignante satisfaisait aux critères de présélection. Elle n’a pas eu à passer l’Examen de jugement situationnel ni l’Examen de communication écrite, car elle avait déjà réussi ces examens.

10 Au cours de l’été 2009, le mari de la plaignante est tombé gravement malade et il a été hospitalisé. Le 26 mai 2010, elle a présenté un certificat médical et est partie en congé pour prendre soin de son mari chez elle. Son mari est décédé le 10 juin 2010. La plaignante est retournée au travail le 12 juillet 2010.

11 Le 15 juillet 2010, la plaignante a reçu une convocation à l’Exercice de simulation pour chef d'équipe dans le cadre du processus de 2010. Elle a passé cet examen le 22 juillet 2010 et, le 9 novembre 2010, elle a été informée qu’elle ne l’avait pas réussi et que sa candidature avait donc été éliminée du processus de 2010.

12 Le 24 novembre 2010, l’intimé a envoyé un courriel aux candidats qui avaient été jugés qualifiés au terme du processus de 2007 afin de les informer que le bassin n’était plus valide.

13 Le 13 février 2013, l’intimé a envoyé deux lettres pour annoncer que deux personnes avaient été nommées à la suite du processus de 2010. Le 26 février 2013, la plaignante a présenté deux plaintes d’abus de pouvoir au Tribunal en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Les plaintes ont été jointes en vertu de l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS-2006-6, modifié par DORS/2011-116.

14 Conformément à l’article 78 de la LEFP, la plaignante a informé la CCDP de son intention de soulever une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la LCDP). Comme il est indiqué plus haut, la CCDP a présenté des observations écrites avant l’audience.

Questions en litige

15 L’article 77 de la LEFP prévoit une possibilité de recours lorsqu’une nomination ou une proposition de nomination a été effectuée dans le cadre d’un processus de nomination interne. Les plaintes en l’espèce sont liées à des nominations effectuées à la suite du processus de 2010. Une des allégations de la plaignante porte cependant sur le fait que l’intimé aurait abusé de son pouvoir en décidant de façon arbitraire d’abolir le bassin de candidats qualifiés créé à l’issue du processus de 2007. Cette allégation est différente des autres allégations portant sur les nominations effectuées au terme du processus de 2010. En outre, la plaignante n’a pas soutenu que la décision d’abolir le bassin créé à la suite du processus de 2007 s’inscrivait dans un ensemble de comportements qui se sont prolongés jusqu’au processus de 2010.

16 Les parties ont présenté des éléments de preuve et des argumentations à l’égard de cette allégation. Toutefois, le Tribunal estime que l’élimination du bassin créé à la suite du processus de 2007 n’est pas liée aux plaintes qu’il doit instruire en l’espèce, présentées en vertu de l’article 77 de la LEFP et portant sur le processus de 2010, et qu’il ne peut donc pas rendre une décision concernant cette allégation.

17 Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de discrimination à l’égard de la plaignante et en faisant pression sur cette dernière pour l’obliger à passer un examen avant qu’elle ne soit capable de le faire.

Analyse

18 Selon l’article 77 de la LEFP, un candidat non retenu faisant partie de la zone de sélection applicable à un processus de nomination interne annoncé peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir.

19 La plaignante doit s’acquitter du fardeau de la preuve qui consiste à présenter suffisamment d’éléments de preuve pour permettre au Tribunal de déterminer, selon la prépondérance des probabilités, s’il y a lieu de conclure à un abus de pouvoir (voir la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, paras. 49, 50 et 55).

20  En vertu de l’article 80 de la LEFP, le Tribunal peut interpréter et appliquer la LCDP lorsqu’il détermine si la plainte est fondée au regard de l’article 77.

21 L’article 7 de la LCDP précise qu’il est discriminatoire de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu et de le défavoriser en cours d’emploi, que ce soit par des moyens directs ou indirects, pour des motifs de distinction illicite. L’article 3 de la LCDP énumère les motifs de distinction illicite, lesquels comprennent la déficience.

22 Pour démontrer que l’intimé s’est livré à un acte discriminatoire, la plaignante doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536 (arrêt O’Malley).

23 La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on y ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur d’un plaignant, en l’absence d’une réponse ou d’une explication de l’intimé. Le Tribunal ne peut prendre en considération la réponse de l’intimé avant que n’ait été établie une preuve prima facie de discrimination. Voir la décision Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, para. 22.

24 Pour que le Tribunal conclut qu’il y a preuve prima facie de discrimination, la plaignante doit d’abord établir qu’elle avait une déficience au moment en question. L’article 25 de la LCDP indique que par « déficience », on entend une « [d]éficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ou la drogue ». Pour les motifs ci-après, le Tribunal estime que la plaignante n’a pas démontré qu’elle était atteinte d’une déficience au sens de la LCDP au moment où elle a fait l’Exercice de simulation pour chef d'équipe le 22 juillet 2010.

25 La plaignante affirme que ses éléments de preuve montrent qu’elle avait des problèmes de santé mentale découlant du stress vécu avant et pendant l’Exercice de simulation pour chef d’équipe. Elle déclare que le Tribunal peut inférer qu’elle avait une déficience à ce moment.

26 La plaignante a présenté en preuve le certificat médical rédigé par un médecin spécialisé en soins palliatifs daté du 26 mai 2010, qu’elle avait présenté à l’intimé avant de partir en congé pour prendre soin de son mari après la sortie de l’hôpital de ce dernier. Le certificat médical indique que la plaignante « doit s’absenter du travail pour des raisons médicales pendant une période indéterminée » [traduction]. Pendant plusieurs mois, la plaignante a essayé de composer avec la maladie de son mari et ses responsabilités professionnelles. Lorsque le certificat médical a été rédigé, le mari de la plaignante avait décidé de quitter l’hôpital et de retourner chez lui.

27 La plaignante prétend que ce certificat médical était lié à son état de santé. Cependant, rien n’indique que le médecin avait examiné ou traité la plaignante. La plaignante a affirmé que son médecin personnel était également inquiet à son sujet à ce moment, mais elle n’a présenté aucune preuve pour soutenir cette déclaration. Aucune preuve n’indique que son médecin a préparé un document quelconque à ce moment en ce qui concerne son état de santé, et aucune information à cet effet n’a été transmise à l’intimé. De plus, dans son témoignage à l’audience, la plaignante n’a pas décrit les symptômes qu’elle affirme avoir eus à l’époque et qui indiqueraient la présence d’une déficience.

28 La plaignante a certainement subi beaucoup de stress pendant la maladie de son mari. Par contre, bien que le Tribunal estime que la preuve démontre que la plaignante avait besoin de mesures d’adaptation pour gérer sa situation familiale, cette preuve ne démontre pas que la plaignante était atteinte d’une déficience.

29 L’intimé n’a pas refusé d’accepter le certificat médical du médecin spécialisé en soins palliatifs de la plaignante présenté à ce moment, et lui a accordé un congé pour qu’elle puisse apporter son aide à son mari. Toutefois, le Tribunal ne juge pas qu’en agissant ainsi, l’intimé reconnaissait que la plaignante était atteinte d’une déficience nécessitant des mesures d’adaptation.

30 Personne ne conteste le fait que la plaignante a éprouvé du chagrin en raison du décès de son mari. Elle a déclaré qu’elle n’était pas capable de fonctionner normalement après la mort de son mari, et elle n’est pas retournée au travail pendant le mois qui a suivi le décès. Cependant, rien ne prouve qu’elle avait des problèmes de santé ou qu’elle a informé l’intimé qu’elle avait de tels problèmes; si elle l’avait fait, une discussion aurait eu lieu au sujet de mesures d’adaptation pour une déficience.

31 La plaignante a présenté en preuve un certificat médical de son médecin traitant daté du 9 juin 2014, qui indique qu’elle « a vécu énormément de stress au cours des quatre dernières années, ce qui l’a amenée à subir des traitements médicaux » [traduction]. Elle a ajouté qu’elle avait consulté et qu’elle prenait des médicaments pour combattre son anxiété et pour l’aider à dormir. La plaignante n’a pas précisé quand son anxiété a été diagnostiquée ni quand un traitement a été prescrit ou entrepris. Le certificat médical ne fait état d’aucune limitation précise et n’indique pas non plus si le traitement médical était suffisant ni si des mesures devraient être prises au travail. Si l’intimé avait reçu ce certificat médical en 2010, il aurait pu s’avérer nécessaire de tenir une discussion sur un éventuel besoin de mesures d’adaptation. Cependant, le certificat médical a été remis à l’intimé peu avant la présente audience en 2014.

32 La preuve démontre que la plaignante avait d’importantes obligations familiales du 26 mai au 10 juin 2010, et qu’elle a eu beaucoup de chagrin à la suite du décès de son mari.

33 Toutefois, le Tribunal constate que la plaignante n’a pas démontré qu’elle était atteinte d’une déficience au sens de la LCDP lorsqu’elle a fait l’Exercice de simulation pour chef d’équipe le 22 juillet 2010. Par conséquent, la plaignante n’a pas réussi à établir une preuve prima facie de discrimination.

34 La plaignante soutient que même si l’intimé n’a pas, selon le Tribunal, fait preuve de discrimination à son encontre, il a tout de même abusé de son pouvoir en faisant pression sur elle pour l’obliger à retourner au travail et à faire l’Exercice de simulation pour chef d'équipe alors qu’il savait, ou aurait dû savoir, qu’elle n’était pas prête à le faire.

35 Le calendrier d’évaluation montre que les candidats ont fait l’Exercice de simulation pour chef d’équipe au cours d’une période de deux semaines du 11 au 25 juin 2010. La plaignante et sa gestionnaire, Beth Keough, gestionnaire des Opérations à Citoyenneté et Immigration, ont décrit une conversation téléphonique qu’elles avaient eue à la fin mai 2010 au sujet du processus de nomination. Mme Keough était la gestionnaire délégataire responsable du processus de nomination annoncé en question. Mme Keough reconnaît qu’elle a dit à la plaignante que la date de son examen serait fixée. Par contre, la plaignante a aussi confirmé le témoignage de Mme Keough, selon lequel elle avait dit à la plaignante que si elle n’était pas capable de passer l’examen à la date prévue, le processus se poursuivrait sans elle, et le comité lui permettrait de reprendre l’examen ultérieurement lorsqu’elle serait prête à le passer. Selon le Tribunal, cette conversation n’équivaut pas à une pression exercée sur la plaignante. La plaignante était en congé pour prendre soin de son mari, et Mme Keough l’a informée au sujet du processus de nomination et lui a donné la possibilité de reporter son examen à une date ultérieure. Néanmoins, la plaignante a décidé de passer l’examen avec les autres candidats.

36 La plaignante devait faire l’Exercice de simulation pour chef d’équipe le 16 juin 2010. Lorsque son mari est décédé le 10 juin, son examen a été annulé, et aucun élément de preuve ne montre que l’Exercice de simulation pour chef d’équipe a été mentionné de nouveau avant le retour au travail de la plaignante, le 12 juillet 2010.

37 La plaignante et Mme Keough ont toutes deux indiqué que Mme Keough avait téléphoné à la plaignante plusieurs fois entre le 10 juin et le 12 juillet 2010. La plaignante a indiqué que Mme Keough lui avait téléphoné quatre fois pour lui demander comment elle allait, et qu’elle lui avait demandé sa date de retour au travail. La plaignante a ajouté que le vendredi 9 juillet 2010, lorsque Mme Keough lui avait demandé quand elle allait retourner au travail, elle avait répondu qu’elle serait de retour le lundi 12 juillet.

38 Mme Keough ne se rappelait pas combien de fois elle avait téléphoné. Elle a déclaré qu’elle voulait offrir son soutien à la plaignante et s’assurer que cette dernière sente qu’elle avait des liens avec son lieu de travail. Mme Keough a déclaré que dans son dernier appel le 9 juillet 2010, elle avait demandé à la plaignante la date de son retour au travail. Elle a expliqué que l’équipe de la plaignante était sans chef d’équipe depuis la fin mai et qu’elle devait déterminer si elle devait lui trouver un remplaçant temporairement.

39 Ainsi, selon la plaignante et Mme Keough, cette dernière n’a pas du tout soulevé la question de l’Exercice de simulation pour chef d’équipe avant le retour au travail de la plaignante. Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas prouvé que les discussions entre elle et Mme Keough concernant sa date de retour au travail constituaient une « pression » exercée sur elle.

40 En outre, l’affirmation de la plaignante selon laquelle l’intimé aurait exercé des pressions indues sur elle afin qu’elle retourne au travail ne concorde pas avec la preuve concernant les efforts déployés par l’intimé pour répondre aux besoins de la plaignante et lui apporter un soutien pendant cette période difficile.

41 Le relevé de congés de la plaignante montre que Mme Keough lui avait accordé divers types de congés pendant qu’elle prenait soin de son mari chez elle. De plus, le congé payé accordé après le décès du mari de la plaignante était quatre fois plus long que le congé de deuil prévu habituellement. Le Tribunal constate que certains congés pris pendant toute la période d’absence de la plaignante étaient inscrits comme des congés de maladie avec certificat. Cependant, comme il a déjà été mentionné, aucun certificat médical remontant aux dates en question n’a été remis en preuve afin de démontrer que la plaignante était malade et suivie par un médecin.

42 Le Tribunal conclut que la relation entre la plaignante et Mme Keough était telle que la plaignante se sentait à l’aise d’énoncer ses besoins et qu’elle était confiante que Mme Keough lui apporterait son soutien. Si Mme Keough questionnait la plaignante quant à son retour au travail pendant les conversations téléphoniques qui ont eu lieu avant le 9 juillet 2010, il est évident que la plaignante disait qu’elle n’était pas prête à retourner au travail et que Mme Keough acceptait ce fait. Mme Keough a indiqué que le 9 juillet 2010, la plaignante avait déclaré qu’elle voulait que sa vie revienne à la normale et que le fait de se concentrer sur le travail serait une bonne chose pour elle. La plaignante n’a pas réfuté ce témoignage.

43 L’existence de bonnes relations entre la plaignante et Mme Keough est également démontrée dans le témoignage de la plaignante, qui a affirmé que Mme Keough l’avait informée en personne qu’elle avait échoué à l’Exercice de simulation pour chef d’équipe au lieu de l’être par une lettre des Ressources humaines, comme c’est habituellement le cas. La plaignante a déclaré qu’elles étaient toutes deux très bouleversées par les résultats, et que Mme Keough lui avait accordé du temps pour qu’elle annonce la nouvelle aux membres de son équipe avant la diffusion des résultats.

44 Des éléments de preuve contradictoires ont été présentés au Tribunal au sujet des interactions entre la plaignante et Mme Keough pendant la semaine du 12 juillet 2010, en ce qui a trait à l’Exercice de simulation pour chef d’équipe. La preuve montre que le 13 juillet, Mme Keough et la plaignante avaient discuté de l’examen, et que la plaignante avait alors déclaré qu’elle n’était pas encore prête à le passer. Selon la plaignante, Mme Keough a amorcé la discussion et lui a demandé de nouveau le 15 juillet si elle serait prête à passer l’examen une semaine plus tard. La plaignante a indiqué qu’elle avait dit qu’elle « était aussi bien d’en finir » [traduction]. Selon Mme Keough, la plaignante s’est adressée à elle de sa propre initiative le 15 juillet, et elle a alors déclaré qu’elle était prête à faire l’examen.

45 La plaignante soutient que la version des faits survenus le 15 juillet 2010 présentée par Mme Keough ne faisait pas partie de la réponse officielle de l’intimé aux allégations écrites de la plaignante, et que cette version était présentée pour la première fois à l’audience. Durant le contre-interrogatoire de la plaignante, l’avocate de l’intimé ne lui a pas dit que Mme Keough allait plus tard présenter des éléments de preuve qui pourraient contredire la version de la plaignante sur ce qui s’est passé ce jour-là; la plaignante n’a donc pas eu l’occasion de répondre à cette observation dans son témoignage. Toutefois, la plaignante, qui était représentée, n’a soulevé aucune objection devant le Tribunal lorsque Mme Keough a présenté son témoignage, lequel contredisait sa version des faits du 15 juillet 2010. Par ailleurs, la plaignante n’a pas demandé à être rappelée à la barre pour témoigner au sujet de la preuve présentée par Mme Keough.

46 Le Tribunal estime que le témoignage de Mme Keough sur les circonstances qui ont amené la plaignante à passer l’examen écrit le 22 juillet 2010 est conforme aux autres éléments de preuve présentés en l’espèce. La plaignante a souffert du décès de son mari et a continué à avoir du chagrin après son retour au travail. Cependant, la preuve montre que pendant toute la période avant et après le décès, elle a fait connaître ses besoins de façon répétée et a pris ses propres décisions concernant l’examen et son retour au travail. En outre, Mme Keough a systématiquement soutenu les décisions prises.

47 Mme Keough a indiqué qu’elle avait dit à la plaignante qu’il n’était nullement urgent de passer l’examen écrit, ce à quoi la plaignante a répondu qu’elle sentait que des membres de l’unité de travail et d’autres candidats faisaient pression sur elle pour qu’elle le passe. Mme Keough soutient qu’elle a indiqué à la plaignante qu’elle ne devrait passer l’examen que lorsqu’elle serait prête, et qu’elle ne devrait sentir aucune pression de la part de quiconque. La plaignante a affirmé qu’elle sentait qu’on faisait pression sur elle et qu’elle savait que « des gens parlaient d’autres personnes qui retardaient leur examen » [traduction]. Le Tribunal ne peut pas conclure que l’intimé a exercé la moindre pression sur la plaignante. Dans son argumentation finale, la plaignante affirmait certes que l’intimé avait fait pression sur elle pour qu’elle passe l’Exercice de simulation pour chef d’équipe, sans toutefois mentionner dans son témoignage que Mme Keough ou tout autre gestionnaire avait exercé des pressions sur elle. La pression que la plaignante sentait provenait de ses propres impressions sur la façon dont ses collègues percevraient un autre report de l’examen.

48 La plaignante a déclaré que l’intimé avait permis à un autre candidat de reporter un examen d’évaluation dans le cadre du processus en question jusqu’en octobre 2010. Selon le Tribunal, cette information est conforme au témoignage de Mme Keough, selon lequel le comité était prêt à faire preuve de souplesse pour s’adapter à la situation des candidats, y compris à celle de la plaignante.

49 L’Exercice de simulation pour chef d’équipe exige que les candidats reçoivent un ensemble de documents une semaine avant l’examen. La plaignante a reçu les documents et une invitation écrite à l’examen le 15 juillet 2010. La plaignante a déclaré qu’elle croyait que puisque son examen avait déjà été reporté une première fois, elle ne pouvait pas demander un autre report. Toutefois, l’invitation indiquait clairement qu’elle pouvait demander un report pour certains motifs comme un décès dans la famille, des raisons médicales ou d’autres circonstances exceptionnelles. La plaignante avait l’invitation en sa possession une semaine avant de passer l’examen, mais elle n’a pas demandé de report ni de renseignements au sujet des possibilités de report. De plus, immédiatement avant l’examen, l’administrateur a lu les consignes informant les candidats qu’ils pouvaient prendre d’autres dispositions pour l’examen si, avant ou pendant l’examen, ils souffraient « d’une maladie ou d’une indisposition physique ou psychologique » [traduction] pouvant « nuire » [traduction] à leur rendement à l’examen. De nouveau, la plaignante n’a soulevé aucun problème et n’a pas demandé le report de son examen.

50 Par ailleurs, dans son témoignage, qui n’a pas été réfuté, Mme Keough a indiqué que lorsque la plaignante avait fait sa présentation au comité dans le cadre de l’Exercice de simulation pour chef d’équipe, elle n’avait pas semblé plus stressée que le sont habituellement les candidats à un examen.

51 La plaignante n’a rien fait concernant la possibilité de reporter son examen. Cette possibilité lui a été offerte à deux reprises, et aucune preuve n’indique que l’intimé devait prendre des mesures supplémentaires pour s’assurer que la plaignante était prête à faire l’Exercice de simulation pour chef d’équipe le 22 juillet 2010.

52 Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en faisant pression sur elle de façon inappropriée pour qu’elle passe l’Exercice de simulation pour chef d’équipe le 22 juillet 2010.

Décision

53 Pour tous les motifs exposés ci-dessus, les plaintes sont rejetées.

Merri Beattie
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2013-0075/0076
Intitulé de la cause :
Alda Breen et le sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration
Audience :
Les 24 et 25 juin 2014
Sydney (Nouvelle-Écosse)
Date des motifs :
Le 21 octobre 2014

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
Sharon Barbour
Pour l’intimé :
Kétia Calix
Pour la Commission
de la fonction publique :
Claude Zaor
(observations écrites)
Pour la Commission
canadienne des droits
de la personne
Jonathan Bujeau
(observations écrites)
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