Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La candidature du plaignant a été rejetée à l’étape de la présélection au motif qu’il ne satisfaisait pas à la qualification essentielle relative à l’expérience récente de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. Le plaignant a maintenu que l’intimé a commis un abus de pouvoir en omettant de considérer son expérience à titre d’agent de prestation dans un poste de PM-02 à Service Canada comme étant une expérience de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. Décision : L’intimé a estimé qu’un processus était judiciaire ou quasi judiciaire s’il regroupait les quatre critères suivants : (1) des éléments de preuve sont déposés; (2) des arguments sont avancés; (3) un décideur entend et décide la cause; et (4) le décideur se conforme aux exigences d’impartialité et d’indépendance. Le Tribunal a jugé qu’il était raisonnable pour l’intimé de se baser sur ces critères pour créer l’outil d’évaluation. Il incombait au plaignant de démontrer clairement dans sa demande d’emploi qu’il possédait toutes les qualifications essentielles. De plus, le Tribunal a conclu qu’il n’existe aucune preuve que les outils d’évaluation utilisés par l’intimé étaient inadéquats ou que ce dernier a appliqué incorrectement ces outils. Ainsi, le Tribunal a conclu que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en rejetant sa candidature à l’étape de la présélection au motif qu’il ne possède pas la qualification essentielle d’expérience récente de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2012-1262
Rendue à :
Ottawa, le 31 octobre 2014

HUGO BÉLAND-FALARDEAU
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Nathalie Daigle, membre
Langue de la décision :
Français
Répertoriée :
Béland-Falardeau c. Président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié
Référence neutre :
2014 TDFP 18

Motifs de décision


Introduction

1 Hugo Béland-Falardeau, le plaignant, a posé sa candidature pour un poste de commissaire aux groupe et niveau PM-06 à la Commission de l’immigration et du statut du réfugié (CISR). Sa candidature a été rejetée à l’étape de la présélection. Le plaignant soutient que le président de la CISR, l’intimé, a abusé de son pouvoir en ne l’évaluant pas correctement et en rejetant sa candidature.

2 L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans la conduite du processus de nomination et dans l’évaluation des qualifications du plaignant.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas présente lors de l’audience, mais elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

4 Pour les motifs qui suivent, le Tribunal juge que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en rejetant sa candidature au motif qu’il ne satisfaisait pas à la qualification essentielle relative à l’expérience récente de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

Contexte

5 En février 2011, l'intimé a commencé un processus annoncé de nomination interne et externe pour doter divers postes de commissaires aux groupe et niveau PM-06 à la Section de la protection des réfugiés (SPR) dans quatre villes canadiennes.

6 Le plaignant a posé sa candidature au processus annoncé.

7 Après avoir évalué la demande d’emploi du plaignant, le comité d’évaluation a conclu qu’il ne possédait pas une des qualifications essentielles requises pour ce poste, soit une expérience récente de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. Sa candidature a donc été éliminée du processus.

8 Les candidats qualifiés à l’issue des processus de sélection ont été ajoutés à un bassin aux fins de nomination et plusieurs candidats ont été nommés pour le poste de commissaire de la SPR.

9 Le 20 décembre 2012, le plaignant a présenté une plainte d’abus de pouvoir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’art. 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question en litige

L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en concluant que le plaignant ne possédait pas la qualification essentielle d’expérience récente de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire?

Analyse

10 Le paragraphe 77(1) de la LEFP prévoit que la personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Comme il est indiqué dans la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, au paragraphe 66, « […] l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non ». Le plaignant a le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu un abus de pouvoir.

11 Le plaignant soutient que son expérience de travail n’a pas été évaluée correctement. Il soutient qu’il possède l’expérience de la prise de décision dans le cadre d’un processus quasi judiciaire mais que son expérience n’a pas été retenue. L’annonce de possibilité d’emploi contenait l’énoncé suivant sous l’entête « Qualifications essentielles » :

EXPÉRIENCE:

POUR LES POSTES PM-06, COMMISSAIRES, LES POSTULANT(E)S DEVRONT RENCONTRER UNE (1) DES EXPÉRIENCES SUIVANTES* :

- Expérience récente** de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire;

OU

- Expérience récente** de la présentation de cas devant un tribunal administratif ou cour de justice;

OU

- Expérience récente** de la réalisation des recherches ou des enquêtes dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou de l’immigration (incluant le statut de réfugié);

OU

- Expérience récente** de la formulation de conseils juridiques ou de la prestation de services de médiation dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire

* Si un candidat(e) rencontre plus d’une des qualifications d’expérience, il (sic) peut être considéré comme un atout. Les candidat(e)s doivent démontrer comment ils rencontrent toutes les qualifications dans leurs applications.

** Récente est définie comme l’expérience acquise dans les derniers cinq (5) ans.

12 Plus spécifiquement, le plaignant maintient que l’intimé a commis un abus de pouvoir en omettant de considérer son expérience à titre d’agent de prestations dans un poste de PM-02 à Service Canada comme étant une expérience de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. Il soutient avoir démontré qu’il avait l’expérience requise dans sa lettre d’accompagnement. Voici comment il a décrit son expérience de travail dans cette lettre:

Expérience récente de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi-judiciaire ou judiciaire: Je travaille depuis près de deux ans à titre de PM-02 (depuis août 2009), agent de traitement et paiement, au sein de Service Canada. Mes tâches consistent à prendre des décisions relatives à l’admissibilité des demandes, en regard avec la loi sur l’Assurance-Emploi. Toutes les décisions sont prises en considérant la loi et la jurisprudence en la matière.

Expérience récente de la réalisation des recherches ou des enquêtes dans un environnement quasi-judiciaire ou judiciaire : Je travaille … à titre de PM-02 …, agent de traitement et paiement ... Je dois faire le recueil de fait auprès des parties concernées, faire les recherches nécessaires afin de vérifier les informations et contacter des organismes externes au besoin. Le tout est fait pour déterminer l’admissibilité des prestataires en regard avec la loi de l’Assurance-Emploi. Par la suite, je dois prendre les décisions sur ces dossiers.

Qualifications constituant un atout :

Expérience de la tenue d’audiences ou de procédures dans le cadre d’un processus quasi-judiciaire ou judiciaire : Dans mon poste actuel de PM-02, je dois suivre des procédures quant à la présentation des demandes et au traitement de celles-ci. En outre, je dois juger également des procédures suivies par les clients de l’Assurance-Emploi dans certain dossier (sic).

13 De même, dans son curriculum vitae, le plaignant a décrit de la façon suivante son expérience de travail comme agent de prestations :

2009-2011 Ministère des ressources humaines/Service Canada (RHDCC)

(temps plein) PM-02, Agent de prestations

RESPONSABILITÉS :

· Traiter les demandes litigieuses d’Assurance-Emploi (A-E)

· Faire preuve de tact et d’empathie auprès des prestataires et employeurs

· Recueil de fait et compte rendu des conversations

· Rédaction de rapports de décisions

· Analyse de dossiers et prise de décisions en fonction de la Loi sur l’Assurance-Emploi

· Communication et explication des décisions, conseils sur les attitudes à adopter ou autres alternatives. Répondre aux interrogations des clients

· Mener des réunions d’équipe et assurer le suivi dans le cadre du programme d’apprentissage.

14 Lors de son témoignage, le plaignant a expliqué qu’il travaille comme agent de prestations à Service Canada depuis 2009 dans le domaine de l’assurance-emploi. Il a expliqué que l’assurance-emploi fournit de l'aide financière temporaire aux chômeurs canadiens qui ont perdu leur emploi sans en être responsables, pendant qu'ils cherchent un nouvel emploi ou perfectionnent leurs compétences. L'assurance-emploi vient également en aide à d’autres travailleurs et différents types de prestations sont offertes, comme des prestations de maladie, des prestations de compassion et des prestations de pêcheur.

15 Le plaignant a indiqué que des prestations régulières sont offertes aux personnes qui ont perdu leur emploi sans en être responsables à cause, par exemple, d’un manque de travail ou d’un travail saisonnier. Il a expliqué qu’une décision automatisée est rendue dans les cas les moins complexes et que les prestations sont calculées selon le nombre d’heures travaillées par le prestataire. Dans d’autres cas non complexes où, par exemple, le calcul de base d’une demande ne peut être automatisé, un agent de prestations intervient mais, tel qu’a précisé le plaignant, ces demandes ne sont pas complexes et ne peuvent mener qu’à une seule conclusion possible, l’émission de prestations.

16 Le plaignant a expliqué qu’il existe des cas plus complexes en assurance-emploi, cependant, où il n’y a pas qu’une seule conclusion possible et où l’agent de prestations doit prendre une décision quant au paiement de prestations. Dans ce genre de cas, il incombe à l'agent de prestations d’obtenir tous les renseignements nécessaires du prestataire, de l'employeur et, au besoin, de personnes qui ont participé directement aux événements ou en ont été témoins. Une fois les renseignements rassemblés, l’agent décidera si des prestations seront accordées.

17 Le plaignant a déposé en preuve un document intitulé « Politique nationale sur le recueil de faits, la documentation et la conservation » qui date de mai 2014 (ci-après la politique nationale) qu’il utilise dans le cadre de son travail. Il soutient que cette politique nationale prouve que certains agents de prestations de l’assurance-emploi prennent des décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire. Dans ces cas, les agents de prestations effectuent, selon lui, les mêmes tâches qu’un commissaire à la SPR des groupe et niveau PM-06.

18 En particulier, le plaignant a porté à l’attention du Tribunal la section 6.2 de la politique nationale qui porte le titre « Complexité des décisions ». Cette section précise que les décisions prises sous le régime de l’assurance-emploi s’inscrivent dans un continuum de complexité. C’est le niveau de complexité qui détermine la quantité de faits requis et les détails qui doivent faire partie de la justification des décisions. Les différents niveaux de décisions sont : (1) les décisions automatisées; (2) les décisions de niveau I; et (3) les décisions de niveau II.

19 Selon le plaignant, un agent de prestations qui rend une décision de niveau I rend une décision simple et non-complexe. Il s’agit donc, selon lui, d’une décision administrative, qui ne découle pas d’un processus quasi judiciaire. En particulier, il souligne que l’agent de prestations de niveau I ne dispose pas du pouvoir de refuser les prestations. Tel que mentionné auparavant, le calcul de base d’une demande qui ne peut être automatisé est un exemple de décision de niveau I.

20 Le cœur de l’argumentation du plaignant est qu’un agent de prestations qui rend une décision de niveau II rend une décision qui exige que l’agent fasse preuve de jugement et de discernement. À ce niveau, soutient-il, l’agent de prestations a le pouvoir de refuser les prestations. Il s’agit donc, selon lui, d’une décision qui découle d’un processus quasi judiciaire.

21 La politique nationale précise qu’une décision de niveau II nécessite toujours un rapport de décision qui comporte une justification écrite. De même, une décision de niveau II est basée sur des renseignements ou des faits recueillis en utilisant divers outils de recueils de faits. Le passage suivant apparaît dans la politique nationale :

… une fois que les faits ont été recueillis, la décision exige l’interprétation de la Loi sur l’a.-e. [Loi sur l’assurance-emploi], une application de la jurisprudence, que l’on fasse preuve de jugement et du discernement, car les faits présentés ne mènent pas à une décision sans équivoque et exigent souvent l’examen de circonstances particulières ou atténuantes. La décision repose sur une compréhension exhaustive et claire de la situation et sur l’analyse des faits présentés en relation avec la législation, les politiques et la jurisprudence.

22 Le plaignant fait valoir que dans son évaluation des candidatures, l’intimé s’est basé sur une définition de « processus quasi judiciaire » qui repose, en partie, sur les critères suivants : (1) des éléments de preuve sont déposés; (2) des arguments sont avancés; et (3) un décideur entend et décide la cause. Il maintient que comme agent de prestations qui rend une décision de niveau II, il rencontre ces critères puisqu’il « reçoit des éléments de preuve », « entend des arguments » et « décide la cause ».

23 Voici comment il résume les étapes de la prise de décision dans son travail :

L’agent de prestations qui rend une décision de niveau II « reçoit des éléments de preuve »

24 Le plaignant a expliqué qu’avant de prendre une décision, il incombe à l'agent de prestations de demander et d’obtenir tous les renseignements nécessaires des parties. Le plaignant indique que les communications que le prestataire et l’employeur ont avec l’agent de prestations sont similaires aux témoignages présentés devant le Tribunal. Il maintient que ces témoignages, ainsi que les documents que l’agent de prestations réunit à l’appui de sa décision, constituent des éléments de preuve déposés devant l’agent de prestations. Le plaignant fait aussi valoir que l’agent de prestations évalue la crédibilité des témoins, comme le ferait le Tribunal. De même, il soutient que l’agent de prestations dispose d'une latitude raisonnable en matière de procédure, comme c’est aussi le cas pour le Tribunal.

25 En contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu qu’il ne mène pas d’audiences, n’assermente pas de témoins et ne reçoit pas de témoignages en direct, mais qu’il recueille plutôt les faits nécessaires à sa décision à partir de conversations téléphoniques qu’il a avec les parties. Il fait valoir qu’il s’agit, en fait, d’une façon beaucoup plus efficace de procéder que par le biais de témoignages devant un tribunal.

26 Il reconnait aussi que les parties avec qui il transige, c’est à dire le prestataire, l’employeur et d’autres personnes si nécessaire, ne sont pas contre-interrogées par la partie adverse. Il indique que c’est, en fait, lui qui contre-interroge ces personnes, une personne à la fois, au téléphone. En ce qui concerne la documentation qu’il place aux dossiers, il reconnait que cette documentation n’est pas partagée avec les parties et qu’une partie n’a pas l’occasion de se prononcer sur la pertinence de l’information qu’il place au dossier. Il ajoute cependant que s’il juge une information non pertinente pour le dossier, il la déchiquette simplement.

L’agent de prestations qui rend une décision de niveau II « entend des arguments »

27 Le plaignant a expliqué que bien que le protocole propre aux cours de justice ne s’applique pas et que les parties ne se présentent pas devant l’agent de prestations pour argumenter leur cas, l’agent de prestations entend quand même les arguments des parties. En particulier, il prend connaissance de leur position contradictoire et prend aussi en considération les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence applicable. La jurisprudence comprend des décisions de différents paliers, explique-t-il, incluant la Cour suprême du Canada.

28 En somme, le plaignant soutient que la procédure suivie par les agents de prestations est plus souple et plus efficace que celle suivie par les tribunaux puisqu’elle n’est pas encombrée par le droit de représentation, qui alourdit le processus. Il ajoute que le fait que les agents de prestations ne mènent pas d’audiences est sans importance puisque le Tribunal de la sécurité sociale (TSS), qui est un tribunal quasi judiciaire, statue aussi sur certains appels sans tenir d’audience. Ce tribunal administratif est chargé d'offrir un processus d'appel quasi judiciaire à l'égard d'appels en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.

29 Enfin, le plaignant confirme que chaque partie au dossier est entendue et a un droit de réplique s’il y a contradiction puisqu’il rappelle, lui-même, les personnes et les réinterroge s’il y a contradiction dans le dossier.

L’agent de prestations qui rend une décision de niveau II « décide la cause ».

30 Le plaignant fait valoir qu’une fois que l’agent de prestations a pris en considération les éléments de preuve, la loi et la jurisprudence, il rend une décision impartiale qui peut être lourde de conséquences pour le prestataire. L’agent de prestations prépare ensuite un rapport de décision qui comporte une justification écrite de sa décision. Ce rapport équivaut, selon lui, à un jugement.

31 Le plaignant affirme aussi qu’une fois que la décision de l’agent de prestations a été communiquée au prestataire, ce dernier, s’il est en désaccord avec la décision au sujet de sa demande de prestations, peut en interjeter appel auprès du TSS. Le plaignant maintient que la décision rendue par l’agent de prestations qui rend des décisions de niveau II constitue, en fait, le premier palier de décision en matière d’assurance-emploi. Par la suite, il existe plusieurs paliers d’appel, le dernier étant la Cour suprême du Canada. Ainsi, note-t-il, la preuve recueillie par l’agent de prestations sera reconsidérée à tous les paliers, incluant la Cour suprême, s’il y a lieu. Ceci démontre, selon lui, que la décision de l’agent de prestations de niveau II est une décision rendue dans le cadre d’un processus quasi judiciaire.

32 Le plaignant a indiqué qu’après avoir appris qu’il avait été éliminé du processus de nomination, il n’a pas demandé de discussion informelle, mais a demandé des informations concernant le processus d’évaluation. L’intimé lui a donc fait parvenir une définition de « processus quasi judiciaire » pour expliquer la méthodologie appliquée par le comité d’évaluation. Il s’agissait d’un extrait du sommaire d’une décision de la Cour suprême du Canada intitulée 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919. L’extrait se lisait comme suit :

Le terme « tribunal » employé à cet article est défini à l’art. 56(1) de la Charte et inclut notamment « une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires ». L’article 56(1) vise tout organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires, même de façon ancillaire. L’application de l’art. 23 découle donc de la qualification préalable des fonctions en cause de l’organisme. Dans la mesure où ces fonctions sont de nature quasi judiciaire, l’organisme constitue sous cet angle un « tribunal » et doit, à l’occasion de leur exercice, se conformer aux exigences d’impartialité et d’indépendance. En l’espèce, l’art. 23 est applicable à la Régie puisque la décision de révoquer un permis pour cause d’atteinte à la tranquillité publique constitue l’aboutissement d’un processus quasi judiciaire. Il est clair que les droits du détenteur de permis sont mis en cause par la révocation. Si la délivrance d’un permis peut, sous certains aspects, être considérée comme un privilège, sa révocation affecte substantiellement le gagne-pain de son détenteur, qui se voit privé de son droit d’exploiter son entreprise. Il est également significatif que le processus pouvant mener à la révocation d’un permis pour cause d’atteinte à la tranquillité publique s’apparente à celui qui a cours devant les tribunaux judiciaires. La Régie ne peut rendre sa décision qu’après la tenue d’une audition au cours de laquelle des témoins pourront être entendus, des pièces déposées et des représentations faites.

[Souligné dans l’extrait].

33 Le plaignant soutient, en se basant sur cet extrait, qu’un agent de prestations remplit des fonctions quasi judiciaires puisque les droits du prestataire sont mis en cause par la décision de l’agent de prestations de lui accorder ou non des prestations. De plus, explique-t-il, la décision touche le gagne-pain du prestataire et peut être lourde de conséquences pour ce dernier. Il donne l’exemple d’un prestataire qui se verrait refuser 40 semaines de prestations à un montant de 500,00 $ par semaine. La somme en jeu, dans cet exemple, se chiffrerait à 20 000,00 $.

34 Le plaignant a reconnu durant l’audience qu’il existe une distinction entre une décision administrative et une décision rendue dans le cadre d’un processus quasi judiciaire. Il décrit une décision administrative comme étant la décision d’un agent de prestations qui rend une décision de niveau I ou la décision, par exemple, d’un fonctionnaire qui décide d’émettre une plaque d’immatriculation en échange du paiement de la plaque. Il soutient que l’agent de prestations qui rend une décision de niveau II ne rend pas une décision de nature administrative puisqu’il doit trancher la question d’accorder ou non des prestations. Il s’agit donc, selon lui, d’une décision quasi judiciaire.

35 Au soutien de son argument qu’un agent de prestations qui rend une décision de niveau II doit « trancher » la question de l’admissibilité du prestataire à des prestations, le plaignant réfère le Tribunal à la définition de « décideur » dans la politique nationale. Cette définition est la suivante : « Aux fins de cette politique, ce terme désigne tout employé autorisé qui prend une décision par rapport à une demande de prestations. »

36 Le plaignant a également porté à l’attention du Tribunal d’autres sections de la politique nationale qui appuient, selon lui, sa position. Ces sections énoncent, par exemple, que les rapports de décision doivent être bien documentés (section 4.1), que les décisions doivent être rendues en tenant compte de tous les faits pertinents et sans aucun préjugé (section 4.2), que certaines décisions de la Commission de l'assurance-emploi du Canada sont rendues en vertu d’un pouvoir discrétionnaire dont seule la Commission dispose et que les décisions rendues en vertu de ce pouvoir discrétionnaire ne peuvent pas être annulées ou modifiées par le TSS à moins que la Commission n’ait pas démontré avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire (section 6.4).

37 En dernier lieu, le plaignant a déposé en preuve l’édition du 15 mai 2012 d’un journal qui porte le titre « Le français langue commune ». Dans un article de ce journal rédigé par Pierre Dubuc, ce dernier commente la réforme de l’assurance-emploi et mentionne qu’il y a « judiciarisation extrême des procédures ». Le plaignant soutient que cette phrase atteste que les décisions en matière d’assurance-emploi sont de plus en plus judiciarisés, donc, rendue dans le cadre d’un processus quasi judiciaire.

38 Pour toutes ces raisons, le plaignant demande au Tribunal de réévaluer sa candidature et de conclure qu’il satisfait à la qualification essentielle relative à l’expérience récente de la prise de décisions dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

39 Lors de l’audience, le Tribunal a expliqué que son rôle ne consiste pas à réévaluer les candidats (voir les art. 30(2)a) et 15(1) de la LEFP). Son rôle consiste plutôt à déterminer si les éléments de preuve montrent, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’évaluation faite par l’intimé. Voir, par exemple, la décision Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, paras. 42 à 46.

40 Comme l’a confirmé le Tribunal dans nombre de décisions, il incombe aux candidats de démontrer clairement dans leur demande d’emploi qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles. Voir par exemple, Purchase c. le président de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, 2011 TDFP 0014.

41 La tâche du comité d’évaluation était d’évaluer l’information soumise par le plaignant dans sa lettre d’accompagnement et son curriculum vitae afin de déterminer si elle rencontrait l’une des expériences de travail énoncées dans l’annonce de possibilité d’emploi. Le comité d’évaluation a conclu que l’expérience décrite n’était pas suffisante pour rencontrer l’expérience requise puisqu’elle ne démontre pas que le plaignant exerce son travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. Selon le comité, l’information soumise par le plaignant dans sa demande d’emploi démontre plutôt qu’il exerce un travail de nature administrative et non de nature quasi judiciaire.

42 Ross Pattee, Vice-président, SPR, CISR et Susan Bibeau, Vice-présidente, section de l’Immigration, CISR ont tous les deux expliqué comment et pourquoi le comité en est venu à la conclusion que le plaignant exerce un travail de nature administrative plutôt que quasi judiciaire ou judiciaire.

43 M. Pattee était le gestionnaire délégué pour ce processus de dotation. La SPR est la section de la CISR qui instruit les demandes d'asile présentées au Canada et qui décide de les accepter ou non. Le 15 décembre 2012, des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) sont entrées en vigueur. Ces modifications ont eu d'importantes répercussions sur la SPR et sur la façon dont elle traite les demandes d'asile. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, M. Pattee a été chargé de mettre sur pied la nouvelle SPR et d’embaucher un nombre important de commissaires et de commissaires coordinateurs. L’annonce de possibilité d’emploi préparée pour le processus annoncé de nomination interne mentionnait qu’il y avait 105 postes de commissaires et neuf postes de commissaires coordinateurs à combler. M. Pattee a expliqué qu’il a reçu 1122 demandes d’emploi dans le cadre du processus annoncé de nomination interne. Il a aussi reçu de nombreuses demandes d’emploi dans le cadre du processus annoncé de nomination externe. Au total, a-t-il expliqué, il a reçu près de 2000 demandes d’emploi.

44 L’annonce de possibilité d’emploi décrit certaines tâches d’un commissaire à la SPR. Entre autre, le commissaire est un décideur indépendant et impartial qui doit décider si les demandes d’asile seront accueillies ou rejetées en vertu des dispositions de la LIPR et de son règlement d’application. L’expectative est que 80% des décisions seront rendues sur le banc. L’annonce de possibilité d’emploi énonce pareillement que le commissaire doit statuer sur les demandes d’examen des risques avant renvoi débutant en décembre 2012.

45 M. Pattee a précisé qu’étant donné que les commissaires auraient à remplir ces tâches, il était primordial que l’annonce de possibilité d’emploi demande aux candidats de démontrer qu’ils avaient de l’expérience de travail dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire. C’est donc pour cette raison que M. Pattee s’est assuré que l’annonce de possibilité d’emploi précise que les candidats devaient rencontrer l’une des quatre expériences de travail dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire ou au sein d’un tribunal administratif ou d’une cour de justice. En particulier, la nouvelle SPR devait commencer à entendre des causes dans les trente jours suivant l’entrée en vigueur des dispositions de la LIPR. M. Pattee recherchait donc des candidats qui seraient en mesure de bien s’acquitter de ces tâches dès leur entrée en fonction.

46 M. Pattee a, de même, fait en sorte que l’énoncé de critère de mérite (ÉCM) énonce que les commissaires devaient détenir des compétences telles que la capacité de mener des audiences, de prendre des décisions et d’avoir un jugement analytique. M. Pattee a ajouté que les candidats devaient aussi être en mesure d’assermenter les témoins, d’écouter les témoins, de respecter les principes de l'équité procédurale, d’entendre des plaidoiries et de rendre la majorité des décisions sur le banc.

47 M. Pattee a expliqué qu’il a recruté trente gestionnaires de la CISR pour former des comités de présélection qui ont examiné les quelques 2000 candidatures reçues en fonction des critères de présélection énoncés dans les annonces de possibilité d’emploi. Les membres des comités ont reçu une formation spécifique avant d’effectuer la présélection des candidats. Pour les aider dans leur prise de décision, ils ont reçu un document de référence qui explique comment évaluer les demandes et quoi faire en cas d’incertitude.

48 M. Pattee a également expliqué qu’afin d’assurer la plus grande cohérence possible des décisions concernant la présélection, une annexe a été ajoutée à ce document de référence. Cette annexe énumère des postes et organismes fédéraux et indique si les tâches effectuées au sein de ces organismes sont effectuées dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. En particulier, il y est spécifiquement indiqué que l’expérience acquise dans les postes d’agents d’assurance-emploi ne satisfait pas aux exigences liées à l’expérience pertinente. Voici l’extrait pertinent de cette annexe:

RHDCC [maintenant Emploi et Développement social Canada] – agent d’assurance-emploi

(p. ex. PM-01 ou PM-02)

Les décisions que rend ce candidat sont considérées comme étant de nature administrative principalement. Par conséquent, il ne s’agit pas de décisions rendues dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

Décision relative à la présélection : il n’est pas satisfait aux exigences liées à l’expérience pertinente. (gras dans le texte original)

49 M. Pattee a expliqué que cette annexe, ainsi que le document de référence, ont été développés sur la base des critères formulés par la Cour suprême dans la décision 2747-3174 Québec Inc., qui mentionnent qu’un processus est « quasi judiciaire » s’il regroupe essentiellement les quatre composantes suivantes : (1) des éléments de preuve sont déposés; (2) des arguments sont avancés; (3) un décideur entend et décide la cause; et (4) le décideur se conforme aux exigences d’impartialité et d’indépendance. M. Pattee a expliqué que le document de référence contenait aussi une liste de douze tribunaux quasi judiciaires ou administratifs fédéraux et provinciaux. Y étaient énumérés, entre autre, le Conseil canadien des relations industrielles, le Tribunal canadien des droits de la personne et les commissions provinciales des accidents du travail.

50 M. Pattee a affirmé que les trente gestionnaires se sont regroupés dans des locaux spéciaux et ont évalué toutes les candidatures en une seule journée, soit le 29 avril 2011. Or, le plaignant n’a pas franchi l’étape de la présélection étant donné que sa demande d’emploi ne démontrait pas qu’il avait une expérience de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

51 M. Pattee n’est pas celui qui a évalué la candidature du plaignant, mais il a précisé être de l’avis que l’information fournie par le plaignant dans sa demande d’emploi démontrait qu’il rend des décisions de nature administrative plutôt que quasi judiciaire. Selon sa demande d’emploi, a-t-il expliqué, il ne mène pas d’audience, ne forme pas un tribunal et ne bénéficie pas d’une indépendance du gouvernement.

52 Mme Bibeau est celle qui a évalué la candidature du plaignant et qui a noté sur une fiche qu’il ne satisfaisait pas la qualification liée à l’expérience pertinente. La fiche remplie par Mme Bibeau a été déposée en preuve. Cette fiche indique que le plaignant satisfaisait à la qualification reliée aux études mais pas la qualification reliée à l’expérience pertinente. Une note manuscrite de Mme Bibeau indique « décisions adm. pas quasi judicaire ».

53 Mme Bibeau a expliqué qu’elle a rejeté la candidature du plaignant sur la base de l’information qu’il a fourni dans sa lettre d’accompagnement et son curriculum vitae, de même que sur la base du document de référence et de l’annexe qu’elle avait à sa disposition. En particulier, elle a examiné le contenu de sa demande d’emploi (lettre d’accompagnement et curriculum vitae) afin de prendre connaissance de l’expérience qu’il a accumulée dans le passé. En prenant en considération chacune des fonctions qu’il a exercées, elle en est arrivée à la conclusion que ce n’était pas suffisant pour satisfaire le critère de l’expérience de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

54 Selon le plaignant, l’intimé a commis un abus de pouvoir en omettant de conclure que son expérience à titre d’agent de prestations dans un poste de PM-02 à Service Canada, constitue une expérience de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire. De plus, il est fortement en désaccord avec la conclusion qu’il rend des décisions de nature administrative.

55 L’intimé maintient qu’il n’a pas commis d’abus de pouvoir puisque les informations contenues dans la demande d’emploi du plaignant ne permettaient pas de conclure qu’il reçoit des éléments de preuve, entend des arguments et décide des causes au même titre qu’une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires. De même, sa demande d’emploi ne démontrait pas qu’il jouit, dans l’exercice de ses fonctions, d’une certaine indépendance du gouvernement. L’intimé a formulé les observations générales suivantes au soutien de sa position suite au contre-interrogatoire du plaignant.

56 Premièrement, dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire, les règles de justice naturelles exigent que les parties soient informées des documents en possession de la partie adverse qui pourraient nuire à leur cause. De même, des règles de preuve s’appliquent et, généralement, la partie qui a déposé la demande présente sa preuve en premier lieu en faisant entendre des témoins et en déposant des documents pertinents. Par la suite, c’est au tour de l’autre partie de faire sa preuve, aussi par témoins et documents. Après quoi, le demandeur peut ajouter à la preuve qu’il a déjà faite pour répliquer à un élément nouveau révélé par la preuve de l’autre partie. Or, selon la demande d’emploi du plaignant, ce dernier n’applique pas ces règles de justice naturelles et de preuve dans ses dossiers. Sa demande d’emploi indique plutôt qu’il recueille des renseignements directement des parties avant de prendre ses décisions sur l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Sa demande d’emploi ne démontrait donc pas qu’il reçoit des éléments de « preuve » dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire.

57 Deuxièmement, dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire, les parties ont l’occasion de présenter leur argumentation, après avoir présenté toutes leurs preuves, afin de démontrer en quoi leur position est valide. Chaque argument présenté doit être appuyé par des éléments de preuve, c’est à dire par le témoignage et les documents présentés au tribunal ou à l’adjudicateur, ou des articles de la loi ou des décisions antérieures qui étayent les arguments présentés. Dans sa demande d’emploi, le plaignant indique qu’il fait des comptes-rendus des conversations qu’il a avec les parties et qu’il vérifie les informations et contacte des organismes externes au besoin. Sa demande d’emploi ne démontre cependant pas que les parties avec qui il transige lui présentent une argumentation semblable à l’argumentation qui est présentée devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires. Sa demande d’emploi ne démontrait donc pas qu’il entend des « arguments » dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire.

58 Troisièmement, dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire, un décideur entend et décide la cause après avoir reçu les éléments de preuve et entendu les arguments. En matière d’assurance-emploi, c’est le TSS qui est l’organisme chargé d'offrir un processus d'appel quasi judiciaire des appels déposés en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi par les personnes qui se sont vues refuser des prestations d’assurance-emploi. Il s’agit du premier palier d’appel des décisions rendues par les agents de prestations. La demande d’emploi du plaignant indique qu’il prend des décisions relatives à l’admissibilité des demandes de prestations, en considérant la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence en la matière. Sa demande d’emploi précise également qu’il rédige des rapports de décision, communique ses décisions à ses clients et répond à leurs interrogations. Sa demande d’emploi ne démontre cependant pas qu’il décide de l’admissibilité aux prestations dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire. C’est pour cette raison que l’intimé a déterminé que sa demande d’emploi ne démontrait pas qu’il « décide » des causes dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

59 Finalement, les règles de justice naturelle exigent qu’une personne ou un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires possède une certaine indépendance, certes variable selon le genre d'organisme, mais s'inspirant des attributs de l'indépendance judiciaire. En l’espèce, la demande d’emploi du plaignant n’indique d’aucune façon qu’il a travaillé dans un environnement où il a jouit d’une telle sorte « d’indépendance ». Sa demande d’emploi ne démontrait donc pas qu’il a travaillé dans un environnement quasi judiciaire ou judiciaire qui comprend cette composante d’« indépendance ».

Conclusions du Tribunal

60 Le plaignant ne remet pas en cause la définition de « quasi judiciaire » adoptée par l’intimé ni les critères d’évaluation utilisés pour évaluer son expérience, mais soutient qu’il n’a pas été évalué correctement selon ces critères puisqu’il rend des décisions qu’il qualifie de quasi judiciaires et non d’administratives.

61 Le domaine du droit administratif est en constante évolution et des changements sont survenus au fil des années en cette matière. En particulier, la différence entre les décisions quasi judiciaires et administratives s’est quelque peu atténuée depuis que la jurisprudence reconnait le devoir d'agir équitablement, même en présence d'une décision administrative.

62 M. Pattee et les comités d’évaluations ont estimé, en l’espèce, qu’un processus est judiciaire ou quasi judiciaire s’il regroupe essentiellement les quatre composantes suivantes: (1) des éléments de preuve sont déposés; (2) des arguments sont avancés; (3) un décideur entend et décide la cause; et (4) le décideur se conforme aux exigences d’impartialité et d’indépendance. Le Tribunal juge qu’il était raisonnable pour l’intimé de se baser sur ces critères pour créer les outils d’évaluation, ici le document de référence et l’annexe, qui ont servi à déterminer si les candidats avaient l’expérience requise de travail. Les critères utilisés pour décider si un processus est « quasi judiciaire » coïncidaient, de même, avec les exigences de travail d’un commissaire à la SPR.

63 Le Tribunal note que, dans le cadre de son témoignage, le plaignant a brossé un portrait exhaustif et fidèle de son travail comme agent de prestations en assurance-emploi. Il lui incombait, toutefois, de démontrer clairement dans sa demande d’emploi qu’il possédait toutes les qualifications essentielles énoncées dans l’annonce de possibilité d’emploi. Mme Bibeau l’a d’ailleurs évalué en fonction des informations contenues dans sa demande d’emploi. Elle a pris en considération chacune des fonctions qu’il décrit dans sa demande d’emploi, de même que les outils d’évaluation, et en est arrivée à la conclusion que ces fonctions se rapprochent plus, dans le large spectre qui s'étend des fonctions administratives aux fonctions quasi judicaires ou judiciaires, aux fonctions administratives. C’est ainsi qu’elle en est arrivée à la conclusion que le plaignant rend des décisions administratives plutôt que quasi judiciaires.

64 Le Tribunal estime qu’il n'existe aucune preuve que les outils d’évaluation utilisés par Mme Bibeau étaient inadéquats ou que cette dernière a appliqué incorrectement ces outils.

65 A la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que bien que le plaignant effectue un travail très important comme agent de prestations qui rend des décisions de niveau II et que sa crédibilité n’est pas en cause, il n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en rejetant sa candidature à l’étape de la présélection au motif qu’il ne possède pas la qualification essentielle d’expérience récente de travail dans le cadre d’un processus quasi judiciaire ou judiciaire.

Décision

66 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Nathalie Daigle
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2012-1262
Intitulé de la cause :
Hugo Béland-Falardeau et le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié
Audience :
Les 3 et 4 juillet 2014
Montréal, Qc
Date des motifs :
Le 31 octobre 2014

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
Hugo Béland-Falardeau
Pour l’intimé :
Me Magdalena Persoiu
Pour la Commission
de la fonction publique :
Louise Bard
(représentations écrites)
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