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Loi sur les relations de travail dans la dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150309
  • Dossier: 569-02-138
  • Référence: 2015 CRTEFP 23

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ASSOCIATION DES JURISTES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

Employeur

Répertorié
Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
George Filliter, arbitre de grief
Pour l'agent négociateur:
Christopher Rootham, avocat
Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
Le 6 janvier 2015
(Observations écrites déposées en date des 16 et 23 janvier 2015.)
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief de principe renvoyé à l'arbitrage

1 La présente décision porte sur un grief de principe déposé le 20 juin 2013, par l'Association des juristes du ministère de la Justice (l'« agent négociateur »). Dans le grief, il est allégué que le Conseil du Trésor (l'« employeur ») a contrevenu à la clause 28.01 de la convention collective en omettant de payer les droits pour les étudiants en droit depuis 2009.

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission »), et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), dans sa version antérieure à cette date.

II. Faits pertinents

3 À la suite de la téléconférence préalable à l'audience qui a eu lieu le 24 avril 2013, les parties ont convenu de rédiger un exposé conjoint des faits et de présenter une série de documents sur consentement.

4 L'énoncé conjoint des faits est reproduit comme suit :

[Traduction]

Numéro de dossier de la CRTFP 569-02-138

DANS L'AFFAIRE D'UN GRIEF

ENTRE

ASSOCIATION DES JURISTES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Agent négociateur

-et-

CONSEIL DU TRÉSOR (MINISTÈRE DE LA JUSTICE)

Employeur

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

Les parties à la présente affaire consentent à ce qui suit :

  1. Les documents dans la [traduction]« liste de documents » sont authentiques et admissibles. L'inclusion d'un document dans le présent exposé conjoint des faits ne constitue pas une admission par l'une ou l'autre des parties que ce document est pertinent au présent grief.
  2. Aux fins du présent grief et du présent exposé conjoint des faits, le terme [traduction] « étudiants en stage » renvoie aux employés du ministère de la Justice rémunérés au taux LA-DEV établi dans la convention collective. Depuis le 6 janvier 2014, ces employés sont classifiés au groupe et niveau LP-00.
  3. Les étudiants en stage sont embauchés en tant qu'employés nommés pour une période déterminée et n'ont aucune garantie qu'ils seront réembauchés en tant que juristes.
  4. L'agent négociateur et l'employeur ont conclu leur première convention collective le 27 juillet 2010 (laquelle venait à échéance le 9 mai 2011) et leur deuxième convention, le 12 mars 2013 (laquelle venait à échéance le 9 mai 2014). L'article 28 de la convention collective est demeuré inchangé dans les deux conventions et, aux fins de référence, se lit comme suit :

    Droits d'inscription

    28.01  L'Employeur rembourse au juriste les cotisations ou les droits d'inscription qu'il a versés à une ou plusieurs associations professionnelles lorsque ces versements sont nécessaires pour répondre à une exigence professionnelle posée par l'Employeur pour remplir les fonctions ou responsabilités assignées.

  5. Le libellé de la clause 28.01 de la convention collective est également identique à celui de la convention collective du groupe LA, alors que ce groupe était représenté par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. La clause 2.03 ne figurait pas dans la convention collective lorsque le groupe LA était représenté par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
  6. Le processus d'octroi de la licence pour devenir un juriste varie d'une juridiction à l'autre, à la fois en ce qui concerne l'ordre dans lequel les étapes peuvent être achevées et la durée de chacune des étapes requises. Malgré cela, dans toutes les juridictions, le processus d'octroi de la licence contient les étapes suivantes :
    • la durée du stage;
    • les cours d'admission au barreau (également appelé l'école du barreau, le cours de formation juridique professionnelle, le cours de responsabilité professionnelle, etc.);
    • les examens d'octroi de la licence (également appelé les « examens du barreau »).
  7. Les droits d'octroi de la licence payés par les candidats afin de s'inscrire dans le cadre du processus d'octroi de la licence varient d'une juridiction à l'autre, tant en ce qui concerne le montant des droits qu'en ce qui concerne le titre utilisé pour décrire ces droits. Les candidats sont tenus par le barreau de leur juridiction de payer des droits d'inscription ou d'admission (mis en évidence en caractères gras ci-dessous) pour devenir un étudiant en stage et accomplir des tâches juridiques que les étudiants en stage sont autorisés à accomplir par les barreaux respectifs.
  8. Le barreau (et non l'employeur) exige également des étudiants en stage qu'ils participent au cours d'admission au barreau et aux examens du barreau, et qu'ils paient pour ceux-ci ainsi que pour le matériel d'études de l'école du barreau. Après avoir réussi le processus d'octroi de la licence (stage, école du barreau, examens), l'étudiant en stage a le droit d'être admis au barreau et de devenir un juriste agréé dès le paiement de droits au barreau.

    Le terme « droits d'octroi de la licence » utilisé dans le présent exposé conjoint des faits renvoie aux différents droits payés par les candidats pour s'inscrire au processus d'octroi de la licence présenté ci-dessous. Les titres des droits payés par les candidats dans chaque juridiction – ainsi que le montant actuel de ces droits (avant taxes, sauf indication contraire) – sont les suivants :

Alberta

Type de droits Coût
Droits de demande, étudiant 175 $
Droits d'admission, étudiant 420 $
Droits pour la présentation de la demande d'assignation du stage 90 $
Droits du CPLED1 2 761 $

Colombie-Britannique

Type de droits Coût
Droit de demande pour l'inscription au programme d'admission 250 $
Inscription au cours de formation 2 250 $
Admission au Barreau (après l'inscription au programme d'admission) 200 $

Manitoba

Type de droits Coût
Droits de demande 50 $
Droits du CPLED 2 100 $
Droits d'admission au Barreau 575 $

Nouvelle-Écosse

Type de droits Coût
Inscription en tant que stagiaire en droit 225 $
Inscription au cours d'admission au Barreau 3 500 $
Demande d'admission 300 $

Territoires du Nord-Ouest

Type de droits Coût
Droits de demande 25 $
Droits du CPLED Les étudiants suivent le cours dans n'importe quelle autre juridiction – le plus souvent en Alberta
Droits d'admission 100 $

Ontario

Type de droits Coût
Droits de demande 160 $
Examen d'accès à la profession en qualité d'avocat 750 $
Examen d'accès à la profession en qualité de procureur 750 $
Droits du programme de stage 2 800 $
Admission au barreau (licence L1) 250 $

Québec

Type de droits Coût
École du Barreau – Formation professionnelle 3 875 $ – les taxes sont incluses
École du Barreau – Cours préparatoires 827 $ – les taxes sont incluses
École du Barreau – Documentation (obligatoire) 795 $ – les taxes sont incluses
École du Barreau – Droits de demande 93 $
Carte Multi-accès pour participer aux cours 17 $
Droits d'association étudiante De 15 $ à 30 $ (selon l'emplacement)

Saskatchewan

Type de droits Coût
Demande d'admission en tant que stagiaire en droit 100 $
Convention de stage 100 $
Droits du CPLED 2 450 $
Droit de demande d'inscription au processus d'accès à la profession d'avocat 100 $

1 Les droits payés directement au Canadian Centre for Professional Legal Education ne sont pas ceux du barreau.

  1. Le ministère de la Justice a engagé des étudiants en stage dans tout le Canada comme suit :

Nombre d'étudiants en stage (selon la date de début)

RAPPORT DIRECT 2010 2011 2012 2013 Total
BUREAU RÉGIONAL DE L'ATLANTIQUE 2 1 1 1 5
BUREAU RÉGIONAL DE LA C.-B. 15 11 13 10 49
SECTEUR DE LA GESTION 25 35 18 15 93
BUREAU RÉGIONAL DU NORD 2 3 2 0 7
BUREAU RÉGIONAL DE L'ONTARIO 18 16 12 9 55
BUREAU RÉGIONAL DES PRAIRIES 14 11 8 6 39
BUREAU RÉGIONAL DU QUÉBEC 6 9 3 5 23
Total 82 86 57 46 271
  1. Le ministère de la Justice n'a pas engagé d'étudiants en stage à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador, au Nouveau-Brunswick et au Nunavut pendant les années en litige. Pour cette raison, les parties n'ont pas inclus de renseignements sur les droits d'octroi de la licence dans ces juridictions.
  2. Tous les étudiants en stage engagés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse et dans les Territoires du Nord-Ouest ont reçu un remboursement de leurs droits d'octroi de la licence de 2009 à 2013, à l'exception d'un étudiant en stage en 2009 et d'un étudiant en stage en 2012, dont les dossiers ne sont pas disponibles.
  3. Les étudiants en stage en Ontario et au Québec n'ont pas reçu de remboursement pour leurs droits d'octroi de la licence, à l'exception des étudiants en stage qui ont été appelés au barreau en Ontario et embauchés en tant que juristes à la fin de leur stage. Ces nouveaux juristes ont reçu un remboursement de 250 $ pour leur admission au barreau à titre d'avocat agréé.
  4. Les règlements (règlements et politiques) des barreaux stipulent que quiconque accomplit les fonctions d'un étudiant en stage doit être inscrit auprès du barreau de sa juridiction (en tant qu'étudiant en stage, étudiant en droit ou tout autre titre délivré par le barreau de cette juridiction). À ce titre, les étudiants en stage employés au ministère de la Justice doivent être enregistrés par le barreau de cette juridiction.
  5. Tous les étudiants en stage sont régis par les barreaux de leur juridiction, ils sont donc liés par les codes de conduite professionnelle de ces juridictions.
  6. Les annonces concernant les étudiants en stage (intitulées « Le programme d'excellence pour les avocats ») pour chaque emplacement sont annexées aux onglets 21 à 34 du présent exposé conjoint des faits. Ces annonces montrent ce qui suit :
    1. les bureaux de l'Ontario (Toronto), de la région de la capitale nationale (Ottawa-Gatineau) et du Québec (Montréal) n'ont pas promis aux candidats que le ministère paierait les droits d'octroi de la licence;
    2. les bureaux de l'Atlantique (Halifax) et de la Colombie-Britannique (Vancouver) promettent toujours de payer les droits d'octroi de la licence;
    3. les annonces pour la région du Nord promettaient effectivement de payer les droits d'octroi de la licence; mais il n'y a actuellement aucune annonce pour cette région;
    4. les annonces pour les bureaux de Winnipeg, de Saskatoon, de Calgary et d'Edmonton promettaient auparavant aux candidats que le ministère paierait les « droits d'octroi de la licence »; mais, ces annonces ont été modifiées après que l'employeur a émis la directive que le ministère n'était pas tenu de payer les droits d'octroi de la licence.
  7. En 2009, un représentant du ministère de la Justice a écrit aux nouveaux étudiants en stage (qui étaient enregistrés en Ontario) dans la région de la capitale nationale pour leur indiquer que le ministère paierait leur salaire pendant les trois semaines d'examen du Barreau du Haut-Canada et qu'il paierait leurs droits d'admission au Barreau si on leur offrait un poste d'avocat au ministère de la Justice après leur stage. Il s'agit du seul message aux étudiants concernant les droits du barreau depuis 2009, il est annexé à l'onglet 35 du présent exposé conjoint des faits.

[Le passage en évidence l'est dans l'original]

5 L'employeur a cité Catherine Barry, une conseillère principale au ministère de la Justice, à témoigner. Mme Barry est responsable du « Programme d'excellence et de reconnaissance pour les avocats » et a travaillé pour le ministère pendant plus de 27 ans. En plus de superviser le recrutement national des étudiants en stage, elle est responsable, dans la région de la capitale nationale, du recrutement et de la supervision des étudiants en droit.

6 Selon le témoignage de Mme Barry, l'employeur retient les services d'étudiants sortants des écoles de droit de tout le pays pour des périodes d'une durée déterminée. Ce faisant, il permet à ces étudiants de suivre les cours exigés par le barreau respectif de la province où l'étudiant en droit est inscrit. Toutefois, pour l'employeur, l'achèvement de l'étape consacrée au cours du barreau ou au stage ne constitue pas une exigence pour l'achèvement du contrat d'une durée déterminée.

7 Elle a souligné qu'en raison de la concurrence associée au recrutement des étudiants en droit, dans certaines juridictions, l'employeur paie effectivement des droits (par exemple en Nouvelle-Écosse), alors que dans d'autres (par exemple l'Ontario), ces droits ne sont pas payés.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'agent négociateur

8 Dès le début, l'agent négociateur a fait valoir que les étudiants en droit devaient payer les trois types de droits suivants :

  1. la demande d'adhésion;
  2. les coûts des cours et des examens;
  3. les droits d'admission au barreau.

9 L'agent négociateur a également fait valoir que cinq exigences distinctes étaient énoncées dans la clause 28.01 de la convention collective :

  1. l'employé doit être un juriste;
  2. les droits doivent être versés à une association professionnelle;
  3. ces droits doivent être versés aux fins d'une adhésion ou pour d'autres raisons;
  4. les fonctions à exécuter qui sont posées par l'employeur doivent nécessiter l'adhésion à une association professionnelle;
  5. les droits doivent être nécessaires pour répondre à l'exigence professionnelle.

10 Quant à la question de savoir si les étudiants en droit sont des juristes, l'avocat de l'agent négociateur a fait valoir que cette question n'est pas réellement en litige. Il m'a renvoyé à la clause 2.03 de la convention collective, qui précise que les stagiaires en droit sont considérés comme des juristes aux fins des conditions établies dans la convention collective.

11 L'agent négociateur a fait valoir qu'il n'existe aucun différend réel quant à savoir si les barreaux de toutes les juridictions à l'échelle du pays étaient des associations professionnelles, car la Cour d'appel du Manitoba s'est penchée sur cette question (voir Thiessen v. Children's Aid Society of Winnipeg (City) (1980), 112 D.L.R. (3e) 413, au paragraphe 21).

12 L'avocat de l'agent négociateur a fait valoir que les différentes juridictions ont des exigences similaires pour les étudiants en droit. Il a également laissé entendre que les dispositions de la Loi sur le Barreau, (L.R.O. 1990, ch. L.8), de l'Ontario, et de son règlement, sont typiques des textes législatifs similaires dans d'autres juridictions.

13 En Ontario, un étudiant en droit est habilité à fournir certains services juridiques au sens du Règlement, à condition qu'il soit assujetti à une convention de stage. L'agent négociateur a fait valoir que, même si les niveaux de service qui peuvent être offerts par les étudiants en droit varient d'une juridiction à l'autre, le fait pertinent est que, pour que les étudiants en droit puissent offrir des services quelconques, ils doivent être inscrits auprès de leur barreau respectif et dans un programme de stage.

14 À l'appui à la position présentée par l'agent négociateur, l'avocat m'a renvoyé à deux cas qui, selon lui, confirment qu'un barreau est une association professionnelle (voir CUPE Local 3909 v. University of Manitoba, 2004 C.L.L.C. 220-015, et City of Victoria v. Belyea, [1906] 12 B.C.R. 112).

15 L'agent négociateur a fait valoir que l'ensemble des droits versés devrait être remboursé à l'étudiant. En présentant cet argument, son avocat a souligné le libellé de la clause 28.01 de la convention collective, qui précise « […] les cotisations ou les droits d'inscription qu'il a versés à une ou plusieurs associations professionnelles […] ». Étant donné que l'étudiant en droit est un membre du barreau respectif, tous les droits à verser devraient l'être par l'employeur.

16 Selon l'agent négociateur, le cœur du litige consiste à définir quels sont les droits nécessaires pour répondre à une exigence professionnelle « […] posée par l'Employeur pour remplir les fonctions ou responsabilités assignées » (clause 28.01 de la convention collective).

17 L'agent négociateur a reconnu que l'adhésion reconnue à une association professionnelle quelconque doit être nécessaire pour que l'employé remplisse les fonctions que l'on exige de lui.

18 L'agent négociateur a fait valoir qu'au moment d'examiner l'essence même du travail exigé par l'employeur, il faut tenir compte des aspects pratiques, y compris l'admissibilité à une promotion ou, en l'espèce, le potentiel d'emploi permanent à temps plein à titre d'avocat lorsque l'étudiant est admis au barreau (voir Chorney c. Conseil du Trésor (Procureur général – Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-14644 et 14656 (19850327); Barbas et autres c. Conseil du Trésor (Affaires des anciens combattants), dossiers de la CRTFP 166-02-18122 à 18176 (19890510), et Canada (Procureur général) c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CF 578).

19 L'agent négociateur a ensuite passé en revue les différentes exigences des barreaux provinciaux responsables de l'élaboration et de la supervision des stages, des examens et de l'admission au barreau. Il suffit de dire que l'argument était que chaque association provinciale s'acquitte de sa responsabilité individuelle d'une façon distincte; cependant, il existe certains points communs entre les différentes juridictions. Ces points communs comprennent la nécessité pour l'étudiant en droit de payer des cotisations et d'autres droits d'inscription pour les examens et les cours afin de demeurer inscrit en tant qu'étudiant en stage. C'est le remboursement de ces frais par l'employeur que l'agent négociateur demande.

20 L'agent négociateur a fait valoir que la réparation appropriée serait une déclaration selon laquelle les droits d'adhésion seront payés à l'avenir, ainsi qu'une autre ordonnance selon laquelle les droits versés par les étudiants en stage leur soient remboursés.

21 Selon les observations de l'agent négociateur, je dois également déterminer jusqu'à quelle date l'ordonnance de paiement devrait remonter. Au moment de présenter ses arguments relatifs au délai, l'avocat de l'agent négociateur a reconnu que le grief avait été déposé le 20 juin 2013 et que, par conséquent, je pouvais certainement remonter jusqu'à 25 jours avant cette date.

22 Cependant, l'agent négociateur a fait valoir que l'ordonnance devrait remonter jusqu'à 2010. En formulant cette observation, son avocat a mentionné la décision de la Cour fédérale dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.) (QL). L'agent négociateur a fait valoir que Coallier était un grief individuel et que l'affaire dont je suis saisi est un grief de principe. L'avocat a soutenu qu'il n'a pas été en mesure de trouver une affaire où Coallier avait été appliquée à des griefs de principe.

B. Pour l'employeur

23 Dès le départ, l'avocat de l'employeur a reconnu que cette affaire portait sur l'interprétation de la convention collective. Par conséquent, il a fait valoir que la première tâche consistait à déterminer l'intention des parties.

24 À cet égard, l'avocat de l'employeur a soutenu que des parties subtiles n'utiliseraient pas ce libellé s'il devait englober l'ensemble des droits. L'avocat a fait valoir que le mot clé dans la clause 28.01 de la convention collective est « répondre ».

25 Selon l'avocat de l'employeur, la question à trancher est la suivante : quelle est « l'exigence professionnelle » à laquelle on « répond »?

26 L'avocat de l'employeur a fait valoir que, au mieux, un étudiant en droit ou un étudiant en stage est en voie d'obtenir une qualification professionnelle, soit celle d'être un avocat.

27 En outre, l'avocat de l'employeur a fait valoir que, lorsque l'on examine la clause dans son contexte, on ne peut ignorer le fait que la convention collective a été signée en mars 2013, un moment où la majorité des étudiants en stage dans tout le pays n'ont reçu aucun paiement pour des droits de quelque type que ce soit. Ce fait est présenté dans l'exposé conjoint des faits.

28 De plus, la preuve présentée par Mme Barry a confirmé qu'un grand nombre des droits dont doivent s'acquitter les étudiants en droit ou les étudiants en stage sont payés avant le début de leur emploi auprès de l'employeur.

29 Dans l'argumentation de l'employeur, son avocat a fait valoir que le terme « répond » ne signifie pas « acquérir » et qu'il convient d'examiner la convention collective dans son contexte. L'avocat a fait valoir que, à la date de la signature, il y avait une pratique établie de l'employeur qui consistait à ne pas payer ces droits pour la très grande majorité des étudiants en stage à son service.

30 L'avocat de l'employeur a soutenu qu'il s'agissait du premier grief déposé à l'égard de cette question.

31 Subsidiairement, l'avocat de l'employeur a soutenu que, s'il existe une exigence quelconque de payer des droits, celle-ci serait limitée à ce qu'il convient de désigner comme de vrais « droits d'inscription ». En présentant cet argument, l'avocat a d'abord signalé le fait que l'en-tête de la clause 28.01 de la convention collective est « Droits d'inscription ». Dans l'ouvrage intitulé Collective Agreement Arbitration in Canada, 4e édition, au paragraphe 2.20, les savants auteurs ont indiqué que les en-têtes pouvaient être utilisés à titre d'appui à l'interprétation.

32 L'avocat de l'employeur a reconnu qu'il y avait trois éléments associés aux programmes de stage des différents barreaux : a) l'inscription, b) les travaux de cours, et c) les examens. Selon l'avocat de l'employeur, la preuve est que l'employeur n'exige pas de ses étudiants en stage qu'ils effectuent des travaux de cours ou qu'ils passent des examens. Il exige simplement d'eux qu'ils soient inscrits auprès de leur barreau.

33 En conséquence, l'employeur, au mieux, serait tenu de rembourser aux étudiants en stage les droits concernant leur inscription auprès de leur barreau respectif. À l'appui à cet argument, l'avocat de l'employeur m'a renvoyé à une affaire de la Cour d'appel fédérale, qui laissait entendre que, pour que l'employeur rembourse de tels droits à un employé, il doit exiger la qualification d'une association professionnelle (La Reine du chef du Canada c. Lefebvre et al., [1980] 2 C.F. 199 (C.A.)).

34 Également à l'appui à cet argument, l'avocat de l'employeur m'a renvoyé à d'autres affaires de l'ancienne Commission et de sa prédécesseure, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (Chorney; Dagenais c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires des anciens combattants), dossier de la CRTFP 166-02-16517 (19870602), et Rosendaal et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-22291, 23143 et 23144 (19930506), Katchin c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2004 CRTFP 26, Berthiaume et al. c. Conseil du Trésor (ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire), 2007 CRTFP 5, et Ells c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2013 CRTFP 120.

35 De plus, l'avocat de l'employeur a fait valoir qu'il incombait à l'agent négociateur d'établir le besoin en matière d'exigence professionnelle à laquelle il fallait répondre aux fins de l'emploi (Rosendaal et al.). En formulant ce commentaire, l'avocat a soutenu qu'on ne s'était pas acquitté de ce fardeau.

36 L'avocat de l'employeur a ensuite examiné les différentes exigences provinciales. En conclusion, il a soutenu que le critère que je devrais appliquer consiste à déterminer ce que l'étudiant en stage (étudiant en droit) doit payer pour remplir les fonctions d'un tel étudiant en droit pendant la durée de l'emploi pour lequel il est embauché. L'avocat a soutenu que ces droits ne comprendraient que les droits d'inscription.

37 Pour ce qui est de la réparation demandée par l'unité de négociation, l'avocat de l'employeur a fait valoir que le critère dans Coallier ne s'applique pas dans ce cas. L'employeur a fait valoir que le Règlement de la Loi est axé sur la « présentation d'un grief » ou le « renvoi d'un grief à l'arbitrage », non pas sur le pouvoir de réparation de l'arbitre de grief ou sur le principe bien établi selon lequel une réparation devrait se limiter à 25 jours avant le dépôt du grief. À l'appui à cette observation, l'avocat m'a renvoyé à deux affaires de l'ancienne Commission : Baker c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 34, et Kullar c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 3.

38 En disant cela, l'avocat de l'employeur a soutenu que l'agent négociateur était informé ou, à tout le moins, aurait dû être informé de cette question et, s'il estimait avoir droit à une réparation, il aurait dû déposer un grief avant le 20 juin 2013.

IV. Analyse

39 La question dans cette affaire est énoncée simplement. L'employeur a-t-il contrevenu aux modalités de la clause 28.01 de la convention collective?

40 À ce titre, cette affaire tourne autour de l'interprétation de la convention collective.

41 Plusieurs tribunaux ont fourni une orientation aux décideurs quant à l'interprétation des conventions collectives. Je suis d'accord avec les observations de l'employeur selon lesquelles l'approche que je devrais adopter consiste à déterminer la véritable intention des parties au moment où elles ont conclu la convention collective. Pour ce faire, je dois d'abord déterminer la signification des termes utilisés par les parties contractantes (voir Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129 et Jerry MacNeil Architects Ltd. v. Roman Catholic Archbishop of Moncton et al., 2001 NBQB 135).

42 En examinant cette question, je dois également tenir compte du contexte dans lequel les termes sont utilisés (voir Stenstrom v. McCain Foods Ltd., 2000 NBCA 13; Robichaud et al. c. Pharmacie Acadienne de Beresford Ltée et al., 2008 NBCA 12, au paragraphe 18).

43 L'utilisation de cette approche par les arbitres de griefs en matière d'emploi a été retenue par de nombreux tribunaux, dont la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick. Dans l'affaire Pâtes et Papier Irving, Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et des travailleurs du papier, section locale 30, 2002 NBCA 30, la Cour a indiqué ce qui suit au sujet d'une décision éclairée :

[…]

10 Il est admis que la tâche d'interpréter une convention collective ne diffère pas de celle devant laquelle se trouvent les autres décideurs qui interprètent des lois ou des contrats privés : voir D.J.M. Brown et D.M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e éd., feuilles mobiles (Aurora (Ont.) : Canada Law Book Inc., 2001), à la page 4-35. Dans le contexte contractuel, il faut partir de la proposition que l'objectif fondamental de l'interprétation est de déterminer l'intention des parties. Or, la présomption de départ est que ce que les parties ont dit est censé refléter leur intention et qu'il faut d'abord chercher le sens d'une clause d'une convention collective dans son libellé exprès. Selon les auteurs de doctrine, quand ils cherchent à déterminer l'intention des parties, les arbitres partent généralement du principe que la clause en question doit être interprétée dans son sens normal ou ordinaire, sauf si cette interprétation est susceptible d'entraîner une absurdité ou une incompatibilité avec d'autres clauses de la convention collective : voir Canadian Labour Arbitration, à la page 4-38. Pour résumer, les termes d'une convention collective doivent recevoir leur sens ordinaire, sauf s'il existe une raison valable pour en adopter un autre. Par ailleurs, les termes doivent être interprétés dans leur contexte immédiat et dans celui de l'ensemble de la convention. Sinon, l'interprétation en fonction du sens ordinaire peut entrer en conflit avec une autre clause.

[…]

44 Par conséquent, en commençant par l'hypothèse selon laquelle les parties voulaient dire ce qu'elles ont dit et que l'on doit chercher le sens de la convention collective dans ses dispositions explicites, je dois déterminer le sens de l'expression « […] les cotisations ou les droits d'inscription qu'il a versés à une ou plusieurs associations professionnelles lorsque ces versements sont nécessaires pour répondre à une exigence professionnelle posée par l'Employeur pour remplir les fonctions ou responsabilités assignées » (clause 28.01 de la convention collective).

45 Pour déterminer le sens ordinaire, il faut tout d'abord supposer que les parties voulaient de dire ce qu'elles ont dit.

46 Ce que les deux parties ont mentionné dans la présentation de leur cas est que les étudiants en droit sont inclus dans la définition du terme « avocats » dans convention collective (clause 2.03 de la convention collective).

47 J'accepte la proposition des deux avocats qu'il existe trois types de droits que les étudiants en droit doivent payer, soit :

  1. la demande d'adhésion;
  2. les coûts des cours et des examens;
  3. les droits d'admission au barreau.

48 En ce qui concerne l'obligation de l'employeur de payer ou de rembourser l'employé pour la demande d'adhésion à un barreau reconnu, je suis d'avis que l'employeur est tenu de le faire.

49 Dans chacune des affectations jointes à l'exposé conjoint des faits (les onglets 21 à 34, inclusivement), l'employeur fait référence au perfectionnement professionnel de l'employé. Dans cet élément de l'avis d'affectation, l'employeur renvoie expressément aux différentes dispositions relatives aux stages de chaque barreau respectif. Cela démontre que l'adhésion à un barreau est une exigence professionnelle « posée par l'employeur pour remplir les fonctions ou responsabilités assignées ».

50 À mon avis, cela confirme la nécessité pour l'employeur de payer tous les droits nécessaires pour permettre à l'étudiant d'être inscrit en tant qu'étudiant en droit ou étudiant en stage auprès du barreau respectif.

51 Le deuxième droit mentionné par les parties (coût des cours et des examens) n'est pas aussi clair.

52 Le barreau de chaque juridiction provinciale et territoriale a la responsabilité d'élaborer et de mettre en œuvre un programme de stage qui comprend, selon la province, l'exigence de participer à des cours ou de suivre des cours en ligne et de passer des examens du barreau. Il est clair, d'après les avis d'affectation déposés en preuve par les parties, que l'on accorde aux étudiants en droit le congé payé nécessaire pour participer aux cours; cependant, il existe un écart entre les provinces quant à savoir si les droits associés au fait de suivre ces cours sont payés.

53 La majorité des étudiants en stage embauchés par le Conseil du Trésor ne reçoivent aucun remboursement pour le coût d'un tel cours; cependant, dans certaines juridictions, lorsque la concurrence pour les étudiants en stage est importante, l'employeur a déterminé qu'il est nécessaire de payer ces droits.

54 La question dont je suis saisi consiste à déterminer si ces droits sont requis pour que l'étudiant réponde à l'exigence professionnelle.

55 À mon avis, la clause 28.01 de la convention collective ne peut être interprétée comme imposant une telle obligation à l'employeur. Une fois de plus, en examinant les avis d'affectation, les étudiants postulent à ces postes en toute connaissance du fait que ces droits ne seront pas remboursés par l'employeur et qu'ils ont donc la responsabilité du paiement à l'association professionnelle.

56 Finalement, en ce qui a trait aux droits d'admission au barreau, je suis d'avis que ces droits ne constituent pas toujours une obligation de l'employeur. En tirant cette conclusion, je suis influencé par le fait que ces étudiants peuvent se voir offrir ou non des postes permanents par l'employeur. Lorsque les étudiants ne reçoivent pas d'offre d'emploi de l'employeur après leur stage, l'employeur n'est pas tenu de payer des droits.

57 Cependant, dans le cas où un étudiant en droit reçoit une offre de poste permanent auprès de l'employeur en tant qu'avocat, je conclus différemment, étant donné que ces droits d'admission au barreau sont nécessaires pour que l'employé réponde à l'exigence professionnelle récemment acquise.

58 Ayant conclu que l'employeur a une certaine obligation de rembourser certains droits des étudiants en droit, je me penche maintenant sur la question de savoir si Coallier s'applique en l'espèce.

59 À mon avis, la cour dans Coallier a été claire et non équivoque dans ses directives à la prédécesseure de l'ancienne Commission. La cour a statué que le délai pour déposer un grief commence dès que le fonctionnaire est informé des faits sur lesquels le grief est fondé. Le grief est limité aux 25 jours précédant son dépôt. Le Règlement de la Commission fait référence à « un grief » et n'établit aucune distinction entre un grief individuel et un grief de principe. Par conséquent, toute réparation à laquelle a droit l'agent négociateur peut commencer uniquement dans les 25 jours précédents le dépôt du grief.

60 Le grief est donc accueilli partiellement et l'ordonnance qui suit est délivrée :

  1. Je déclare que l'employeur est responsable de rembourser aux étudiants les droits d'adhésion qu'ils doivent payer pour être inscrits auprès du barreau approprié en tant qu'étudiants en stage ou étudiants en droit.
  2. L'employeur remboursera de tels droits d'adhésion aux étudiants en stage qu'il a embauchés dans les 25 jours précédents le dépôt du présent grief jusqu'à la date d'aujourd'hui.
  3. L'employeur remboursera les droits d'admission au barreau de tout étudiant en droit à qui on a offert un emploi permanent en qualité d'avocat.
  4. Je demeure saisi de cette affaire au cas où les parties auraient des difficultés quelconques relativement à la mise en œuvre de cette décision.

V. Conclusion

61 Je conclus que le grief est accueilli en partie.

62 Pour tous les motifs indiqués ci-dessus, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

63 Le grief est accueilli en partie et je rends l'ordonnance suivante.

  1. Je déclare que l'employeur est responsable de rembourser aux étudiants les droits d'adhésion qu'ils doivent payer pour être inscrits auprès du barreau approprié en tant qu'étudiants en stage ou étudiants en droit.
  2. L'employeur remboursera de tels droits d'adhésion aux étudiants en stage qu'il a embauchés dans les 25 jours précédents le dépôt du présent grief jusqu'à la date d'aujourd'hui.
  3. L'employeur remboursera les droits d'admission au barreau de tout étudiant en droit à qui on a offert un emploi permanent en qualité d'avocat.
  4. Je demeure saisi de cette affaire au cas où les parties auraient des difficultés quelconques relativement à la mise en œuvre de cette décision.

Le 9 mars 2015

Traduction de la CRTEFP

George Filliter,
arbitre de grief

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