Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Un processus de nomination interne annoncé a été lancé en vue de la dotation de plusieurs postes de conseiller (AS-04). À la suite d’une discussion informelle, la plaignante a été réintégrée au processus à l’étape de la présélection, car il a été déterminé qu’elle possédait la qualification relative à l’expérience. Toutefois, elle a par la suite vu sa candidature éliminée parce qu’il a été établi qu’elle ne possédait pas trois qualifications essentielles évaluées au moyen de l’entrevue. La plaignante a soutenu que l’intimé avait abusé de son pouvoir au moment de l’évaluation de ses qualifications. Elle a affirmé qu’il y avait des incohérences dans l’attribution des points et que le recours à plusieurs jurys d’évaluation ne permettait pas une évaluation uniforme des candidats. Enfin, elle a avancé qu’il existait une crainte raisonnable que certains membres du comité de présélection et d’évaluation, ou l’ensemble d’entre eux, avaient fait preuve de partialité à son égard, et qu’il avait été déterminé à l’avance qu’elle ne serait pas jugée qualifiée à l’issue de ce processus. L’intimé a soutenu que la plaignante avait été évaluée de façon appropriée par les membres impartiaux d’un comité qui avaient conclu, par consensus, qu’elle n’avait pas démontré qu’elle possédait toutes les qualifications essentielles. Décision Le Tribunal s’est d’abord penché sur la première allégation, soit celle qui concernait l’utilisation de plusieurs jurys d’évaluation. Le Tribunal a fait remarquer que lorsque les candidats à un processus de nomination sont nombreux, il n’est pas toujours possible que les mêmes membres du comité réalisent l’ensemble des évaluations. Il n’est pas essentiel que ce soient les mêmes membres qui évaluent tous les candidats, mais des mesures devraient néanmoins être prises afin de limiter les écarts lors de l’évaluation et d’assurer l’uniformité de celle-ci. Le Tribunal a estimé que l’intimé avait pris les mesures appropriées en l’espèce. La plupart des évaluations avaient été réalisées par des gestionnaires ou des chefs d’équipe expérimentés qui avaient participé à d’autres processus par le passé et qui avaient reçu des instructions pour le processus en cause. Le Tribunal a conclu que la plaignante n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en ayant recours à plusieurs jurys ni que les membres du comité ne possédaient pas les compétences nécessaires pour réaliser les évaluations. Le Tribunal a répété que lorsqu’il est saisi d’une plainte selon laquelle les qualifications n’ont pas été évaluées de façon appropriée, il ne doit pas substituer son évaluation à celle du comité d’évaluation. Le Tribunal a conclu que les allégations d’abus de pouvoir de la plaignante en ce qui a trait à l’évaluation des qualifications essentielles n’étaient pas fondées. Enfin, le Tribunal a déterminé que la plaignante n’avait pas réussi à prouver qu’il y avait eu partialité ou crainte raisonnable de partialité de la part de l’un ou l’autre des membres chargés de quelque étape que ce soit de son évaluation. La gestionnaire responsable du processus n’avait pas participé à l’entrevue de la plaignante, et aucun élément de preuve n’indiquait que la plaignante n’avait pas été retenue en raison d’actes concertés de la gestionnaire d’embauche et des membres du jury d’entrevue ou qu’il y avait eu influence indue de la part de la gestionnaire. L’affirmation de la plaignante selon laquelle une des membres pourrait s’être montrée partiale à son égard parce qu’elle relevait de la gestionnaire d’embauche n’était qu’une hypothèse. La plainte est rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2013-0108
Rendue à :
Ottawa, le 5 mars 2014

CHRISTINE BIZIMANA
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Bizimana c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux
Référence neutre :
2014 TDFP 3

Motifs de décision


Introduction

1La plaignante, Christine Bizimana, occupe un poste d’agente des accords d’occupation des locaux (AOL) (AS‑02) au sein de l’équipe Gestion du portefeuille, Secteur de la capitale nationale (SCN), de la Direction générale des biens immobiliers (la Direction générale) de Travaux publics et Services gouvernementaux (TPSGC), à Ottawa (Ontario). Sa candidature n’a pas été retenue à l’issue d’un processus de nomination interne annoncé qui avait pour but de doter jusqu’à 10 postes de conseiller des services de gestion des locaux destinés aux clients (SGLC), de groupe et niveau AS‑04, au sein de la Direction générale.

2La plaignante soutient ne pas avoir été nommée en raison d’un abus de pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications. Plus précisément, elle affirme qu’il y avait des incohérences dans l’attribution des points et que l’utilisation de plusieurs jurys ne permettait pas une évaluation uniforme des candidats. Enfin, elle soutient qu’il existe une crainte raisonnable que certains membres des comités de présélection et d’évaluation ou l’ensemble d’entre eux ont fait preuve de partialité à son encontre, et qu’il avait été déterminé à l’avance qu’elle ne serait pas jugée qualifiée dans le cadre de ce processus.

3L’intimé nie tout abus de pouvoir dans le processus de nomination en cause. Il affirme que la plaignante a été évaluée de façon appropriée par les membres d’un comité impartial qui ont conclu, par consensus, qu’elle n’avait pas démontré qu’elle possédait toutes les qualifications essentielles.

4La Commission de la fonction publique (la Commission ou la CFP) n’a pas assisté à l’audience, mais elle a présenté des observations écrites. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

5Pour les motifs énoncés ci‑après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut qu’il n’y avait rien d’inapproprié dans l’évaluation des qualifications essentielles ni dans l’utilisation de plusieurs jurys pour réaliser l’évaluation. En outre, la plaignante n’a pas démontré que les membres du comité ne possédaient pas les compétences nécessaires pour effectuer l’évaluation. Enfin, elle n’a pas établi de crainte raisonnable que les membres du comité, que ce soit individuellement ou collectivement, ont fait preuve de partialité à son encontre dans le processus de nomination.

Contexte

6La plaignante s’est jointe à la fonction publique fédérale en 2010. Le 6 février 2012, elle a été nommée pour une période indéterminée au poste d’agente des AOL, poste qu’elle occupe toujours. Elle faisait partie des quatre agents des AOL qui relevaient de Caroline Lacroix, laquelle occupait alors le poste de chef d’équipe par intérim.

7Le 30 octobre 2012, l’intimé a fait paraître une annonce de possibilité d’emploi dans Publiservice afin de doter les postes de conseiller des SGLC. En tout, 85 personnes ont posé leur candidature, dont la plaignante.

8Les qualifications essentielles figurant dans l’annonce de possibilité d’emploi et dans l’énoncé des critères de mérite (ECM) comprenaient les critères suivants :

Expérience de la prestation de conseils et de services en matière de biens immobiliers (EX‑1)

Connaissance de TPSGC et de la Direction générale des Biens immobiliers (CO‑1)

Capacité de comprendre les besoins des clients relatifs à la gestion des locaux et de recommander des solutions (CA‑2)

Jugement (QP‑2)

Souplesse (QP‑4)

Entregent (QP‑6)

9Le processus d’évaluation des candidats comprenait plusieurs étapes : la présélection des demandes, un examen écrit sur les connaissances, une entrevue permettant d’évaluer les qualifications liées aux capacités et aux qualités personnelles ainsi qu’une vérification des références servant à évaluer la qualité personnelle qu’est la fiabilité.

10Le comité de présélection était composé de Christine Mercer, directrice, Gestion des locaux, SCN, et de Joanne Cyr‑Lancaster, qui occupait alors le poste de chef régionale par intérim (AS‑07), Centre d’expertise, Gestion des locaux, SCN. Mme Cyr‑Lancaster, qui était la gestionnaire responsable du processus de nomination, a préparé les outils d’évaluation, appuyée par Crystal Amyotte, conseillère en ressources humaines (RH).

11Le 15 novembre 2012, la plaignante a été informée qu’elle n’avait pas démontré qu’elle répondait à l’un des critères de présélection lié à l’expérience, à savoir l’expérience de la prestation de conseils et de services en matière de biens immobiliers (EX‑1).

12Lors de sa discussion informelle avec Mmes Mercer et Cyr‑Lancaster, la plaignante a affirmé qu’elle n’approuvait pas la décision de présélection. Elle a accusé Mmes Mercer et Cyr‑Lancaster de s’être montrées partiales et injustes et a indiqué qu’elle déposerait une plainte auprès du Tribunal.

13Le 27 novembre 2012, le comité de présélection a offert à toutes les personnes dont la candidature avait été éliminée à la présélection la possibilité de fournir d’autres renseignements afin de démontrer qu’elles répondaient aux critères de présélection. Mmes Cyr‑Lancaster et Mercer ont expliqué avoir agi de la sorte après avoir réintégré dans le processus un candidat à la lumière d’informations qu’il avait fournies lors de sa discussion informelle mais qu’il n’avait pas incluses dans sa demande. Mme Amyotte leur avait alors fait savoir qu’elles devaient offrir une possibilité semblable aux autres candidats, ce qui a été fait.

14La plaignante et plusieurs autres candidats ont profité de cette possibilité. Selon Mme Mercer, la plaignante a été réintégrée dans le processus parce que sa nouvelle lettre de présentation contenait beaucoup plus de renseignements. Mme Mercer a précisé que la plaignante était la seule candidate occupant un poste d’agente des AOL qui avait été réintégrée au moment de la présélection. Il a été déterminé que 52 candidats répondaient à tous les critères de présélection.

15Le 11 décembre 2012, la plaignante a réussi l’examen écrit et a été interviewée par un jury composé de Josette Louli‑Matheson et de Carol Tait, toutes deux gestionnaires/chefs d’équipe des SGLC, ainsi que de Karen Knight‑Stanley, conseillère des SGLC (AS‑04), laquelle a remplacé à la dernière minute Anne LeChasseur, gestionnaire/chef d’équipe des SGLC, qui n’était pas disponible le jour de l’entrevue de la plaignante. Mme Knight‑Stanley n’a participé à l’évaluation d’aucun autre candidat. Au sein du jury, Mme Louli‑Matheson était le membre principal pour l’entrevue de la plaignante.

16La plaignante n’a pas réussi l’entrevue. Le 18 janvier 2013, elle a été informée que sa candidature n’avait pas été retenue parce qu’elle ne répondait pas aux critères de mérite suivants :

Capacité de comprendre les besoins des clients relatifs à la gestion des locaux et de recommander des solutions (CA‑2)

Souplesse (QP‑4)

Entregent (QP‑6)

17Le 6 mars 2013, l’intimé a fait paraître une notification de nomination ou de proposition de nomination pour la nomination des cinq candidats jugés qualifiés.

18Le 14 mars 2013, la plaignante a déposé une plainte auprès du Tribunal en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question préliminaire

19Dans sa plainte, la plaignante a indiqué qu’elle avait également déposé un grief pour cause de discrimination, de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des « personnes responsables du processus de nomination » [traduction] et qu’elle déposerait une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne relativement à ce grief. Lors de la conférence préparatoire, la plaignante a confirmé qu’elle ne présenterait aucune allégation de discrimination pour un motif de distinction illicite en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6, en ce qui a trait à la plainte au Tribunal dont il est ici question.

Questions en litige

20Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ayant recours à un comité composé de différents jurys, et en faisant appel à des membres qui ne possédaient pas les compétences nécessaires pour effectuer l’évaluation?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en évaluant de façon inappropriée les qualifications essentielles?
  3. L’intimé a-t-il fait preuve de partialité à l’endroit de la plaignante dans le cadre du processus de nomination?

Analyse

21L’article 77(1) de la LEFP établit qu’une personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou elle n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination au motif que la CFP ou l’administrateur général ont abusé de leur pouvoir dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre de l’article 30(2) de la LEFP.

22La LEFP ne définit pas ce qu’est l’abus de pouvoir, mais l’article 2(4) indique qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

23Aux termes de l’article 30(2) de la LEFP, une nomination est fondée sur le mérite lorsque, selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir.

24C’est au plaignant qu’il incombe de prouver qu’il y a eu abus de pouvoir selon la prépondérance des probabilités (voir les décisions Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, et Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007).

Question I : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ayant recours à un comité composé de différents jurys, et en faisant appel à des membres qui ne possédaient pas les compétences nécessaires pour effectuer l’évaluation?

25La plaignante soutient qu’à des fins d’uniformité, tous les candidats auraient dû être évalués par les mêmes membres du comité. Elle soutient également que la sélection des membres n’a pas été effectuée de façon équitable et uniforme et que certains membres ne possédaient pas une connaissance appropriée du sujet à évaluer. Elle soutient enfin que les membres du comité n’ont pas suivi de formation sur la réalisation d’entrevues.

26Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, para. 60, le vaste pouvoir discrétionnaire octroyé aux gestionnaires en vertu de la LEFP permet l’utilisation de plusieurs jurys.

27Mme Cyr‑Lancaster a expliqué qu’en raison du grand nombre de candidats, les examens écrits et les entrevues avaient été réalisés par quatre jurys distincts, qui étaient généralement constitués de trois gestionnaires des SGLC, de groupe et de niveau AS‑06, mais qui pouvaient également comprendre des membres des groupes et niveaux AS‑04 ou AS‑05.

28Mme Cyr‑Lancaster a demandé à Mme Knight‑Stanley d’établir l’horaire des différents jurys. Mme Cyr‑Lancaster souhaitait faire partie de la plupart des jurys, selon sa disponibilité. Toutefois, comme la plaignante avait remis en question son impartialité lors de la discussion informelle de novembre 2012, Mme Cyr‑Lancaster s’est retirée du jury chargé de rencontrer la plaignante en entrevue.

29Dans son témoignage, Mme Cyr-Lancaster a indiqué que tous les membres du comité possédaient de l’expérience et connaissaient bien le travail de conseiller des SGLC. Étant donné la tenue de six processus de nomination au cours des années précédentes, toutes les personnes chargées des évaluations dans le processus en cause, y compris Mme Knight‑Stanley, savaient ce qu’elles avaient à faire.

30Lorsqu’elle a dû expliquer comment les quatre jurys pouvaient faire preuve d’uniformité, de bon sens et de jugement alors qu’ils n’étaient pas tous composés des mêmes membres, elle a répondu que c’était la raison pour laquelle le guide de cotation indiquait « Autres réponses acceptables » [traduction]. Les membres du comité, tous des gestionnaires d’expérience, ne s’attendaient pas à ce que les réponses des candidats correspondent exactement aux réponses attendues qui figuraient dans le guide de cotation.

31Lorsque les candidats sont nombreux, il n’est pas toujours possible que les mêmes membres du comité réalisent l’ensemble des évaluations. Il n’est pas essentiel que ce soient les mêmes membres qui évaluent tous les candidats, mais des mesures devraient néanmoins être prises afin de limiter les écarts lors de l’évaluation et d’assurer l’uniformité de celle‑ci. En l’espèce, le Tribunal estime que l’intimé a pris les mesures appropriées. La plupart des évaluations ont été réalisées par des gestionnaires/chefs d’équipe des SGLC qui avaient participé à d’autres processus par le passé et qui avaient reçu des instructions pour le processus en cause. Mme Cyr‑Lancaster, qui possède également beaucoup d’expérience dans le domaine des SGLC, a participé à la majorité des évaluations réalisées par les quatre jurys. Elle s’est retirée avec raison de celui qui a évalué la plaignante.

32Il incombait à la plaignante de fournir des éléments de preuve montrant que le recours à plusieurs jurys n’avait pas permis une évaluation équitable et uniforme des candidats. Or, la plaignante ne l’a pas fait.

33Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas démontré que le recours à un comité d’évaluation composé de plusieurs jurys constituait un abus de pouvoir.

34Selon la plaignante, les membres du comité n’avaient pas tous suivi de formation ni reçu d’instructions pour exercer leur rôle, et ils ne possédaient pas tous une connaissance appropriée du sujet à évaluer. Cette dernière affirmation de la plaignante repose sur le fait que Mme Knight‑Stanley n’occupe pas un poste de gestionnaire/chef d’équipe des SGLC, aux groupe et niveau AS‑06, mais plutôt un poste de conseillère des SGLC, aux groupe et niveau AS‑04.

35Mme Cyr‑Lancaster a précisé que les membres du comité devaient occuper un poste des groupes et niveaux AS‑04, AS‑05 ou AS‑06, qu’il s’agissait tous d’employés compétents de la Direction générale et que plusieurs processus avaient eu lieu récemment au sein de la Direction générale. En outre, le processus de nomination en cause avait fait l’objet de discussions lors de réunions d’équipe. Mme Mercer a indiqué que les membres du comité avaient reçu des fiches d’instructions et de la documentation des RH concernant le processus de nomination. Le Tribunal estime que les membres du comité avaient été informés comme il se doit avant le début des évaluations.

36Pour sa part, Mme Knight‑Stanley a uniquement fait partie du jury chargé de l’évaluation de la plaignante, jury qui comprenait aussi deux gestionnaires/chefs d’équipe des SGLC, soit Mmes Louli‑Matheson et Tait. Selon les éléments de preuve, l’évaluation a été effectuée par consensus. La plaignante n’a pas démontré que les membres du comité qui l’avaient évaluée ne possédaient pas les compétences nécessaires pour le faire.

37Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas prouvé que l’intimé a abusé de son pouvoir en ayant recours à plusieurs jurys ni que les membres du comité ne possédaient pas les connaissances nécessaires pour effectuer les évaluations.

Question II : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en évaluant de façon inappropriée les qualifications essentielles?

38La plaignante affirme qu’il y a eu des incohérences dans l’attribution des points à l’examen écrit et à l’entrevue et que certains candidats ont obtenu des notes plus élevées qu’elle pour des réponses moins complètes. Selon elle, rien n’indique que les réponses étaient évaluées à partir d’un système de cotation clair. La plaignante est d’avis que les membres du comité devaient se fonder sur leur opinion pour déterminer les éléments de réponse fournis par les candidats et fixer la note à leur attribuer.

39Enfin, la plaignante soutient que les membres du comité n’ont pas consigné toutes ses réponses à l’entrevue, qu’ils ne les ont pas écrites au moment où elle les donnait et qu’ils ont tous écrit la même chose, ce qui indique qu’ils ont agi de façon concertée afin de s’assurer qu’elle n’obtiendrait pas la note de passage pour les qualifications CA‑2, QP‑4 et QP‑6.

40L’examen écrit comprenait sept questions servant à évaluer les trois qualifications liées aux connaissances ainsi qu’un exercice ayant pour but d’évaluer la capacité de communiquer par écrit (CA‑5). L’une des questions d’entrevue servait à évaluer les qualifications liées aux capacités CA‑1 à CA‑4. La capacité de communiquer efficacement de vive voix (CA‑6) a été évaluée tout au long de l’entrevue.

41La note de passage était de 60 % pour chacune des qualifications liées aux connaissances et aux capacités et de 50 ‰ pour les qualifications liées aux qualités personnelles.

42Un guide précisait le système de cotation ainsi que les réponses attendues. Les réponses des candidats étaient évaluées globalement sur une échelle de 1 à 10 points, sauf pour les questions nos 1 et 2 de l’examen écrit, pour lesquelles l’évaluation dépendait également du nombre d’éléments de réponse fournis. Une note de 5 ou 6 constituait une bonne réponse, dans laquelle « certains éléments principaux et secondaires avaient été abordés et certaines lacunes avaient été décelées dans les domaines évalués, mais qui ne soulevaient aucune préoccupation grave » [traduction].

43Les membres du comité ont consigné les réponses des candidats dans un espace prévu à cette fin dans le guide de cotation. Selon Mme Louli‑Matheson, les membres du comité ont fait de leur mieux pour consigner les réponses mot à mot, telles qu’elles étaient fournies. Les membres du comité prenaient leurs notes individuellement, puis ils les comparaient, en discutaient et les évaluaient collectivement. Les membres se sont entendus sur les notes à attribuer. Par la suite, les documents de cotation dûment remplis ont été envoyés aux RH.

a) Évaluation de l’examen écrit

44À la question no 2, les candidats devaient nommer et décrire brièvement trois services offerts par TPSGC. Selon les notes prises par les membres du comité, la plaignante et le candidat no 2 ont nommé et décrit trois services dans leur réponse.

45La plaignante a demandé à Mme Cyr‑Lancaster pourquoi le candidat no 2 avait reçu une note parfaite de 10 sur 10 pour la question no 2. Mme Cyr‑Lancaster a répondu que la réponse de ce candidat résumait la réponse attendue. Le comité ne s’attendait pas à ce que la réponse d’un candidat corresponde mot à mot à la réponse attendue. La plaignante a elle aussi obtenu une note de 10 sur 10 pour sa réponse à cette question.

46La plaignante n’a fourni aucun autre élément de preuve relativement à l’examen écrit. Au moment de la plaidoirie, elle a demandé au Tribunal de comparer lui‑même les réponses. Or, le rôle du Tribunal ne consiste pas à réévaluer les réponses des candidats. Le Tribunal ne réalisera pas sa propre évaluation; il déterminera plutôt si les éléments de preuve montrent, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans les évaluations (voir, par exemple, la décision Zhao c. Sous‑ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 0030, para. 33).

47À la lumière des éléments de preuve présentés à l’audience, le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas démontré que le comité a manqué d’uniformité dans l’évaluation de l’examen écrit.

b)Évaluation de l’entrevue

48La plaignante a obtenu la note de passage à toutes les questions d’entrevue, à l’exception des questions nos 9, 16 et 18.

Question no 9 – Capacité de comprendre les besoins des clients relatifs à la gestion des locaux et de recommander des solutions

49À cette question, les candidats devaient expliquer comment ils composeraient avec un client emballé par les normes relatives à l’initiative Milieu de travail 2.0 (une nouvelle norme gouvernementale pour l’aménagement des espaces à bureaux) qui demanderait à ce que les espaces qu’il occupe soient optimisés.

50La plaignante a affirmé qu’elle était convaincue d’avoir fourni la réponse attendue à la question no 9, car elle avait étudié le sujet lorsqu’elle s’était préparée pour le processus.

51La plaignante a questionné Mme Louli‑Matheson au sujet de l’attribution des points à la question no 9. Mme Louli‑Matheson a consigné 14 différents éléments de réponse, Mme Knight‑Stanley en a consigné 10 et Mme Tait en a consigné 16; cependant, la plaignante a seulement obtenu une note de 5 sur 10.

52Mme Louli‑Matheson a expliqué que pour cette question, les candidats devaient examiner et analyser la situation qui était présentée. La plaignante a démontré qu’elle comprenait l’initiative Milieu de travail 2.0; elle a parlé de la durée du bail et de l’occupation des locaux dans l’immeuble ainsi que de lignes de communication claires (c’est‑à‑dire les deuxième et huitième éléments de la réponse attendue). Toutefois, la plaignante n’a pas fourni la plupart des autres éléments de réponse et s’est contentée d’en « aborder brièvement » [traduction] certains autres. La plaignante n’a pas parlé de la planification budgétaire, n’a pas proposé de solution et n’a ni défini ni expliqué les rôles et responsabilités, alors qu’il s’agissait d’éléments d’information essentiels. C’est pourquoi la plaignante a obtenu une note de 5 sur 10, une note inférieure à la note de passage.

53Mme Louli‑Matheson a également expliqué que des points n’étaient pas accordés pour chacun des éléments de la réponse attendue. Les membres du comité s’entendaient plutôt sur la note à accorder en fonction du guide de cotation.

54Mme Tait a revu la réponse de la plaignante et a confirmé qu’elle ne comportait pas certains renseignements essentiels. Elle s’est dite convaincue que les membres du comité avaient consigné toutes les réponses de la plaignante. Dans son témoignage, Mme Knight‑Stanley a également indiqué que la plaignante n’avait pas tenté de déterminer les risques, ce qui constitue une partie importante du travail.

Question no 16 – Souplesse

55En ce qui concerne la souplesse, les candidats devaient indiquer les mesures qu’ils prendraient pour gérer une charge de travail très lourde et très exigeante dans un délai serré.

56Selon la plaignante, les notes prises par les membres du comité à cette question ne rendent pas compte de sa véritable réponse. Par exemple, elle n’a pas dit « établir l’ordre de priorité des tâches » [traduction], comme tous les membres l’ont noté. Elle est plutôt convaincue d’avoir répondu qu’elle demanderait si les échéances pouvaient être repoussées.

57Mme Louli‑Matheson a examiné la réponse de la plaignante à la question no 16. Elle a expliqué que la plaignante n’avait pas indiqué qu’elle élaborerait des options et formulerait des recommandations, qu’elle donnerait les grandes lignes des différentes options et qu’elle formulerait des recommandations fondées sur un jugement sûr et une compréhension de la situation. La plaignante n’a pas parlé non plus des échéances, des coûts ni des risques, lesquels faisaient partie des éléments de réponse attendus dans le guide de cotation. La plaignante a à peine mentionné qu’elle demanderait conseil à son directeur au sujet des priorités les plus urgentes et qu’elle présenterait ou suggérerait des mesures et des recommandations réalistes, raisonnables et économiques. Mme Louli-Matheson a confirmé qu’il s’agissait, dans l’ensemble, d’une réponse insatisfaisante. Le comité a accordé à la plaignante une note de 3 sur 10.

58Mme Tait a fourni des raisons semblables pour expliquer pourquoi la réponse de la plaignante à cette question était insuffisante.

Question no 18 – Entregent

59À la question no 18, les candidats devaient expliquer comment ils composeraient avec une situation où un autre membre de leur équipe les accusait de quelque chose dont ils ne savaient rien. Les réponses des candidats étaient évaluées à partir des indicateurs de rendement attendus.

60Selon Mme Louli-Matheson, la réponse de la plaignante montrait qu’elle faisait preuve de politesse et de courtoisie dans les salutations et les présentations. Dans sa réponse, la plaignante a mentionné qu’il fallait traiter tout le monde de façon égale, juste et équitable. Toutefois, la plaignante n’a abordé aucun des cinq autres éléments de réponse attendus. Estimant qu’il s’agissait d’une réponse « faible » [traduction], le comité lui a donné une note de 2 sur 10.

Question no 14 – Évaluation du jugement pour le candidat n° 1

61La plaignante a également questionné Mme Louli‑Matheson au sujet de l’évaluation du candidat no 1 et de sa propre évaluation à la question no 14. Pour cette question, la plaignante a obtenu une note de 5 sur 10, ce qui correspondait à la note de passage, mais le candidat no 1 a obtenu une note de 8 sur 10 pour une réponse que la plaignante considère comme moins complète.

62Mme Louli‑Matheson a décrit la réponse du candidat no 1 et a précisé que celui‑ci avait abordé tous les éléments requis, à l’exception d’un seul. Elle a convenu que la réponse de la plaignante ressemblait beaucoup à celle du candidat no 1. Mme Louli‑Matheson a indiqué ne pas se rappeler quelle avait été sa réflexion à ce moment‑là puisque l’évaluation avait été effectuée 15 mois auparavant. Par ailleurs, lorsqu’elle s’était préparée pour l’audience, elle s’était concentrée sur les questions pour lesquelles la plaignante n’avait pas obtenu la note de passage. Pour la question no 14, la plaignante avait obtenu la note de passage, soit 5 sur 10.

Candidat no 3

63Enfin, la plaignante a questionné Mme Cyr‑Lancaster au sujet de l’évaluation du candidat no 3 à la question no 9, pour laquelle il avait obtenu une note de 9 sur 10, et à la question no 16, pour laquelle il avait obtenu une note de 5 sur 10. Mme Cyr‑Lancaster a expliqué que le candidat en question avait fourni beaucoup d’éléments de la réponse attendue à la question 9 et que le comité avait décidé par consensus de lui accorder une note de 9 sur 10. Dans le cas de la question no 16, le même candidat avait donné certains éléments de la réponse attendue, mais en avait omis certains autres; le comité estimait qu’il méritait la note de passage.

64La plaignante n’a fourni aucun élément de preuve afin de remettre en question le témoignage de Mme Cyr‑Lancaster au sujet de l’attribution des points au candidat no 3.

Conclusions quant à l’évaluation de la plaignante

65Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 0020, para. 54, le rôle du Tribunal consiste à examiner le travail du comité d’évaluation et à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir. Lorsqu’il examine une plainte selon laquelle les qualifications n’ont pas été évaluées de façon appropriée, le Tribunal ne doit pas substituer son évaluation des qualifications des candidats à celle du gestionnaire ou du comité (voir la décision Edwards c. Sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 0010, para. 34).

66La plaignante soutient ne pas avoir obtenu la note de passage à des questions d’entrevue pour lesquelles d’autres candidats l’ont obtenue avec des réponses moins complètes et ce, parce que le comité a rejeté ou minimisé certaines de ses réponses ou n’en a pas tenu compte.

67Le Tribunal a examiné avec soin les notes prises par les membres du comité lors de l’entrevue de la plaignante et estime que ces notes sont cohérentes et qu’elles sont liées directement au guide de cotation. Le Tribunal est satisfait des explications des membres du comité quant à la façon dont ils ont consigné les réponses puis examiné leurs notes afin de s’assurer que tous les éléments des réponses avaient été pris en note. Le Tribunal ne voit rien d’inapproprié dans le fait que certaines réponses de la plaignante aient été consignées sous forme télégraphique. Par conséquent, le Tribunal conclut que les notes des membres du comité rendent compte fidèlement des réponses de la plaignante.

68Bien que la plaignante mérite peut-être une note plus élevée pour la qualification liée au jugement, le fait demeure qu’elle a obtenu la note de passage. Même si une erreur s’était produite lors de l’attribution des points pour sa réponse à la question no 14, selon les éléments de preuve présentés, cette erreur serait la seule qui a été commise dans son évaluation. Le Tribunal conclut donc que cette erreur, s’il s’agit effectivement d’une erreur, n’est pas suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir.

69En ce qui concerne l’évaluation des candidats par différents jurys, la plaignante n’a pas réussi à démontrer qu’il y avait eu un manque d’uniformité ou quelque problème que ce soit dans les évaluations.

70Le Tribunal conclut que les allégations d’abus de pouvoir de la plaignante au sujet de l’évaluation de ses qualifications essentielles ne sont pas fondées.

Question III :  L’intimé a-t-il fait preuve de partialité à l’endroit de la plaignante dans le cadre du processus de nomination?

71Selon la plaignante, les membres du comité ont fait preuve de partialité à son encontre et ont agi de façon concertée afin de s’assurer que sa candidature ne soit pas retenue. La plaignante soutient que Mmes Lacroix, Mercer, Cyr‑Lancaster et Louli‑Matheson lui ont toutes fait savoir que sa candidature serait éliminée à la présélection parce qu’elle ne possédait pas l’expérience requise. Elle croit qu’il avait été déterminé à l’avance que sa candidature serait rejetée. Toujours selon la plaignante, le fait que Mme Knight‑Stanley soit une amie de Mme Cyr‑Lancaster soulève des questions au sujet de son impartialité, étant donné le conflit qui existe entre la plaignante et Mme Cyr‑Lancaster. La plaignante a également indiqué que Mmes Mercer et Lacroix sont des amies très proches.

72Selon la plaignante, elle n’a pas obtenu la note de passage à l’entrevue pour la souplesse et la capacité de bien s’entendre avec les autres, et sa candidature a été éliminée à la présélection en raison de son expérience. D’après la plaignante, il s’agissait d’un choix délibéré.

73Le Tribunal souligne tout d’abord que la candidature de la plaignante a été réintégrée dans le processus au moment de la présélection, ce qui indique qu’il a été déterminé qu’elle possédait les qualifications liées à l’expérience. Le Tribunal souligne également que la plaignante n’a pas démontré qu’elle possédait l’une des qualifications essentielles, à savoir la capacité de comprendre les besoins des clients relatifs à la gestion des locaux et de recommander des solutions. Le Tribunal a déjà déterminé que l’allégation d’abus de pouvoir de la plaignante en ce qui a trait à l’évaluation des qualifications essentielles n’était pas fondée.

74Comme le Tribunal l’a expliqué dans la décision Denny c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029, para. 123, il est difficile d’établir une preuve directe de partialité, et la justice exige qu’il n’y ait aucune crainte raisonnable de partialité.

75Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Voir la décision Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, para. 394 et la décision Newfoundland Telephone Company c. Terre‑Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623. Le Tribunal a adapté ce critère aux cas de plaintes relatives à la dotation (voir, par exemple, la décision Gignac c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2010 TDFP 0010, para. 72 à 74).

76Pour appliquer ce critère, le Tribunal doit déterminer si un observateur relativement bien renseigné qui examinerait le processus de nomination en cause croirait que, selon toute vraisemblance, les membres du comité qui ont rencontré la plaignante en entrevue ne l’ont pas évaluée de façon équitable, que ce soit consciemment ou non.

Mme Lacroix

77La plaignante a indiqué que sa relation avec Mme Lacroix était tendue et qu’elle se sentait exclue et tenue à l’écart des décisions d’équipe. Mme Lacroix a tenté de l’empêcher d’observer le travail d’un conseiller des SGLC avant la tenue du processus et lui a fait savoir qu’elle « n’avait pas ce qu’il fallait pour occuper un poste de conseillère des SGLC » [traduction] et que sa candidature serait éliminée à la présélection.

78La plaignante affirme avoir essayé, en vain, de régler le conflit en milieu de travail qui l’opposait à Mme Lacroix en faisant appel à Mmes Cyr‑Lancaster et Mercer. Mme Mercer a indiqué à la plaignante que la seule plainte de Mme Lacroix à son sujet concernait le fait qu’elle était parfois en retard de cinq minutes, mais Mme Lacroix n’a jamais discuté de ces retards avec la plaignante. Mme Lacroix n’a pas été appelée à témoigner.

79Mme Mercer a expliqué que la plaignante et Mme Lacroix s’entendaient bien au départ, mais que leur relation s’était détériorée lorsque Mme Lacroix avait dit à la plaignante que sa candidature ne serait pas retenue à la présélection dans le cadre du processus. Mme Lacroix avait elle-même présenté sa candidature dans le processus. Mme Mercer croyait qu’elles avaient réglé leur conflit avant la tenue du processus.

80Les éléments de preuve montrent qu’il existait un conflit en milieu de travail entre la plaignante et Mme Lacroix et que Mme Lacroix avait indiqué à la plaignante que sa candidature serait éliminée à la présélection, mais Mme Lacroix n’a participé d’aucune façon à l’évaluation de la plaignante. En fait, elle-même était candidate. En outre, la plaignante n’a présenté aucun élément de preuve montrant que Mme Lacroix avait pu influencer de quelque façon que ce soit Mmes Mercer ou Cyr‑Lancaster afin que sa candidature soit éliminée ou que le comité détermine qu’elle avait échoué à l’entrevue. En l’espèce, les commentaires de Mme Lacroix à l’endroit de la plaignante avant le début du processus de nomination, leur conflit en milieu de travail et toute relation entre Mmes Lacroix et Mercer ne sont pas pertinents étant donné qu’aucun élément de preuve n’indique que Mme Lacroix a tenté d’influencer les membres du comité chargés de l’entrevue de la plaignante.

Mme Mercer

81Mme Mercer nie catégoriquement avoir dit à la plaignante que sa candidature serait éliminée à la présélection et qu’elle n’obtiendrait jamais ce poste ni aucun autre poste de conseillère des SGLC. Mme Mercer a décrit la plaignante comme une personne qui affiche un bon rendement et qui a toujours effectué un très bon travail. Elle a encouragé la plaignante ainsi que les autres employés intéressés à poser leur candidature dans le processus, et elle a autorisé la plaignante à participer à une activité de jumelage. Lors de l’évaluation du rendement de la plaignante en octobre 2012, Mme Mercer lui a dit qu’elle devait se montrer souple et faire preuve d’ouverture à l’égard des idées des autres et qu’elle devait comprendre les responsabilités de l’équipe au sein de la Direction générale. À ce moment‑là, la plaignante avait de la difficulté à s’entendre avec certains employés de la Direction générale et s’était déjà plainte au sujet de Mme Lacroix et d’autres membres de l’équipe de Mme Louli‑Matheson. Selon Mme Mercer, ces problèmes avaient été réglés.

82Après l’évaluation du rendement de la plaignante, Mme Mercer s’était entretenue avec celle-ci au sujet de son intérêt pour un poste de conseillère des SGLC. Mme Mercer lui avait dit qu’elle n’était arrivée que depuis peu de temps et qu’elle ne possédait pas une connaissance approfondie du travail de conseiller des SGLC. Mme Mercer avait ajouté qu’elle devait se montrer plus souple, qu’elle devait améliorer ses relations avec les autres et qu’elle devait acquérir plus d’expérience. Dans son témoignage, la plaignante a reconnu que Mme Mercer avait tenu de tels propos à son endroit.

Mme Cyr-Lancaster

83Selon la plaignante, Mme Cyr-Lancaster lui avait dit que sa candidature serait éliminée à la présélection lorsqu’elle a appris qu’elle avait posé sa candidature dans le processus.

84La plaignante a ajouté qu’au cours d’une rencontre avec Mmes Lacroix et Cyr‑Lancaster, cette dernière avait mentionné que Mme Lacroix lui avait indiqué à plusieurs reprises qu’elle n’avait aucune plainte à formuler au sujet de la plaignante. Mme Cyr‑Lancaster avait indiqué qu’elle commençait à croire que c’était elle (la plaignante) le problème et qu’elle « le regretterait » [traduction] si elle continuait de se plaindre. À une autre occasion, lorsque la plaignante avait remis en question la réaffectation d’un dossier de jumelage auquel elle travaillait dans l’équipe de Mme Louli‑Matheson, Mme Cyr-Lancaster lui avait dit d’arrêter de se plaindre, que personne ne lui devait d’explication et que des clients pouvaient très bien lui être retirés.

85La plaignante a interrogé Mme Cyr-Lancaster, mais ne lui a posé aucune question au sujet des rencontres qu’elle aurait pu avoir avec la plaignante et Mme Lacroix avant le processus. De plus, la plaignante n’a posé aucune question à Mme Cyr-Lancaster au sujet des affirmations qu’elle aurait formulées à son endroit. Elle n’a pas demandé à Mme Cyr-Lancaster si elle lui avait bel et bien dit, avant la présélection, qu’elle ne possédait pas l’expérience nécessaire et que sa candidature serait éliminée. Mme Cyr‑Lancaster a affirmé que la plaignante ne relevait pas d’elle et qu’elle ne la connaissait pas bien avant la tenue du processus en cause.

86Dans sa plainte et dans ses allégations, la plaignante a déclaré qu’une personne avait rapporté à sa représentante syndicale, Amber Miller, que Mme Cyr‑Lancaster avait affirmé : « Je la déteste [la plaignante] avec passion et je ne m’arrêterai pas avant d’avoir réussi à rendre sa vie misérable » [traduction] tandis qu’elle discutait avec d’autres gestionnaires/chefs d’équipe des SGLC. La plaignante n’a pas fourni le nom du témoin. Au moment des plaidoiries, la plaignante a indiqué que Mme Cyr-Lancaster avait formulé ce commentaire après le dépôt de la présente plainte, mais soutient que les sentiments de Mme Cyr‑Lancaster devaient remonter à plus loin.

87Dans son témoignage, Mme LeChasseur a affirmé avoir entendu Mme Cyr‑Lancaster déclarer qu’elle « lui rendrait la vie difficile [à la plaignante] » [traduction]. Selon Mme LeChasseur, Mme Cyr-Lancaster a formulé ce commentaire peu de temps après avoir appris que la plaignante avait déposé une plainte en matière de dotation ou un grief dans lequel figurait son nom. Mme LeChasseur a toutefois reconnu que Mme Cyr-Lancaster n’avait pas précisé qu’il s’agissait de la raison pour laquelle elle formulait un tel commentaire.

88Mme Cyr-Lancaster a affirmé qu’elle ne se rappelait pas avoir formulé un tel commentaire. Elle a reconnu qu’elle était en colère parce que la plaignante l’avait traitée de raciste, de menteuse et de tricheuse dans un document – elle croyait qu’il s’agissait d’un grief – que la plaignante avait laissé à un photocopieur après le processus de nomination. Mme Cyr-Lancaster a répété qu’elle ne se rappelait pas avoir formulé quelque commentaire que ce soit au sujet de la plaignante.

89Mme Mercer affirme avoir entendu dire que Mme Cyr-Lancaster avait déclaré qu’elle rendrait « sa vie misérable » [traduction] seulement dans le contexte d’un grief déposé par la plaignante après le processus de nomination. Plusieurs mois plus tard, Mme Mercer s’est entretenue avec Mme Cyr-Lancaster, laquelle a confirmé ses propos. Mme Mercer a précisé qu’elle n’était pas présente au moment où le commentaire a été formulé.

90Selon le Tribunal, il est probable que Mme Cyr-Lancaster ait formulé un tel commentaire et qu’elle l’ait fait une fois le processus de nomination terminé. Toutefois, tel qu’il a été indiqué, Mme Cyr-Lancaster a retenu la candidature de la plaignante à la présélection et n’a pas pris part à son évaluation. Étant donné que la plaignante n’a présenté aucun élément de preuve permettant d’établir un lien entre ce commentaire, formulé après la tenue du processus de nomination, et son évaluation, le Tribunal n’accorde que très peu de poids à cet élément de preuve.

Mme Louli‑Matheson

91Dans son témoignage, la plaignante a également indiqué que des conflits l’opposaient à Mme Louli‑Matheson. Elle a décrit un incident dans lequel Mme Louli‑Matheson, qui était alors gestionnaire/chef d’équipe des SGLC dans l’unité où la plaignante participait à une activité de jumelage, s’est fâchée contre elle et lui a indiqué qu’elle faisait maintenant partie de la « liste noire » [traduction] de Mme Mercer. Mme Louli‑Matheson avait cru, à tort, que la plaignante s’était plainte auprès de Mme Mercer au sujet de la réaffectation d’un dossier de jumelage. De plus, lorsque Mme Louli‑Matheson a appris que la plaignante avait vu sa candidature éliminée à la présélection dans le processus, Mme Louli‑Matheson lui avait dit qu’elle n’était pas surprise parce qu’elle ne faisait pas partie de la Direction générale depuis assez longtemps.

92Mme Louli‑Matheson a affirmé n’avoir jamais eu de conflit au travail avec la plaignante, ajoutant qu’elle croyait que c’était réciproque. Leur relation de travail était correcte et leurs conversations, amicales.

93Mme Louli‑Matheson a indiqué que le fait que la plaignante pose sa candidature dans le processus ne lui posait pas problème. Elle nie lui avoir dit qu’elle était surprise qu’elle ait posé sa candidature ou que sa candidature ne serait pas retenue. Lorsque la plaignante lui a parlé du processus, Mme Louli‑Matheson lui avait dit qu’il s’agissait d’une excellente occasion pour les personnes intéressées de mettre à jour leur curriculum vitæ et de faire l’expérience d’une évaluation par un comité pour un tel poste. D’après Mme Louli‑Matheson, les personnes qui occupent un poste de conseiller des SGLC (AS‑4) ont généralement occupé auparavant un poste AS‑03. Mme Louli‑Matheson affirme avoir dit la même chose à toutes les personnes qui l’ont consultée au sujet du processus.

94La plaignante a reconnu n’avoir soulevé aucune préoccupation pendant la tenue du processus concernant le fait que Mme Louli‑Matheson fasse partie des membres du comité chargé de l’évaluer.

Mme Knight‑Stanley

95Mme Knight‑Stanley a affirmé que Mme Cyr‑Lancaster avait été sa superviseure pendant environ deux ans. Elles sont collègues et amies, comme d’autres le sont aussi au sein de la Direction générale.

Conclusions concernant l’allégation de partialité

96Il incombe à la personne qui affirme qu’il y a partialité ou crainte raisonnable de partialité d’en faire la preuve. La partialité ou la crainte de partialité doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente; il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité (voir la décision Denny, para. 124).

97Le Tribunal ne relève aucune preuve de partialité ni de manque d’équité de la part de Mmes Mercer et Cyr‑Lancaster que ce soit avant, pendant ou après la présélection. Mmes Mercer et Cyr‑Lancaster ont toutes deux indiqué que la candidature de la plaignante avait été éliminée à la présélection en raison de l’information contenue dans sa lettre de présentation, mais que la plaignante avait été réintégrée après avoir eu la possibilité d’y ajouter de l’information. Les éléments de preuve montrent que Mme Mercer appuyait le fait que la plaignante présente sa candidature dans le processus et qu’elle lui a permis de participer à une activité de jumelage. Quant à Mme Cyr‑Lancaster, elle a admis avoir été vexée que la plaignante dise qu’elle était injuste et partiale lors de la première discussion informelle, mais rien ne laisse croire qu’elle a tenté d’influencer l’évaluation de la plaignante ou d’empêcher que sa candidature ne soit retenue à la présélection. Mme Cyr‑Lancaster a agi de façon appropriée en se retirant elle‑même du jury chargé de rencontrer la plaignante en entrevue.

98De plus, la plaignante n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que Mme Louli‑Matheson était encline à l’évaluer de façon injuste. Mme Louli‑Matheson a affirmé qu’elle avait été surprise d’apprendre que la plaignante croyait qu’il existait un conflit entre elles. En fait, il semble que ce soit la plaignante qui en soit arrivée à la conclusion, au terme d’une situation au travail où Mme Louli‑Matheson semblait en colère, qu’il existait dorénavant un conflit entre elles. Dans les circonstances, il convient de noter que la plaignante n’a soulevé aucune préoccupation au cours du processus de nomination quant au fait que Mme Louli‑Matheson fasse partie du jury responsable de son entrevue.

99Il était raisonnable de la part de Mmes Mercer, Cyr‑Lancaster et Louli‑Matheson de croire que la plaignante ne possédait pas beaucoup d’expérience de la prestation de conseils et de services en matière de biens immobiliers. La plaignante s’était jointe à la Direction générale environ neuf mois avant de poser sa candidature dans le processus.

100En outre, les éléments de preuve montrent que Mme Mercer avait informé la plaignante des aspects de sa personnalité qu’elle devait améliorer et lui avait notamment mentionné qu’elle devrait se montrer plus souple et plus ouverte aux idées des autres. Cette rétroaction et ces conseils ne constituent pas des preuves de partialité de la part de la gestionnaire; il s’agit plutôt de responsabilités clés des gestionnaires dans le cadre du processus d’évaluation du rendement des employés.

101La plaignante n’a fourni aucun élément de preuve indiquant que Mmes Mercer et Cyr‑Lancaster, ou l’un ou l’autre des membres du jury chargés de son entrevue, ont agi de façon concertée afin de s’assurer que sa candidature serait rejetée. L’affirmation de la plaignante selon laquelle Mme Knight‑Stanley pourrait s’être montrée partiale à son encontre parce qu’elle relevait de Mme Cyr‑Lancaster n’est qu’une hypothèse et n’est appuyée par aucun élément de preuve.

102Selon le Tribunal, un observateur relativement bien informé qui examinerait les éléments de preuve ne croirait pas que, selon toute vraisemblance, les membres du comité qui ont rencontré la plaignante en entrevue, que ce soit individuellement ou collectivement, ne pouvaient pas, consciemment ou non, l’évaluer de façon équitable.

103Par conséquent, le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas prouvé que l’intimé a fait preuve de partialité à son encontre dans le processus de nomination.

Décision

104 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.


Lyette Babin-MacKay
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2013-0108
Intitulé de la cause :
Christine Bizimana et le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux
Audience :
Les 26 et 27 novembre 2013 et
le 4 décembre 2013
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 5 mars 2014

COMPARUTIONS :

Pour la plaignante :
Amber Miller
Pour l’intimé :
Zorica Guzina
Pour la Commission
de la fonction publique :
Luc Savard
Observations écrites - le 20 novembre 2013
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