Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a posé sa candidature pour un poste d’analyste en statistique. Il a vu sa candidature éliminée au moment de la présélection parce qu’il n’avait pas démontré qu’il répondait aux exigences liées aux études. Selon le plaignant, l’intimé a évalué ses études de façon inappropriée et a fait preuve de discrimination à son encontre en raison de son origine nationale ou ethnique. Le plaignant a également affirmé que la candidate nommée ne possédait pas les qualifications nécessaires et que l’intimé avait fait preuve de partialité en sa faveur. L’intimé a nié les allégations. Selon lui, le plaignant a vu sa candidature éliminée à la présélection parce qu’il n’avait pas démontré dans sa demande qu’il possédait la qualification essentielle liée aux études. Décision En ce qui concerne la qualification liée aux études, les candidats devaient posséder un grade universitaire avec une spécialisation dans l’un des quatre domaines indiqués. Il n’était pas nécessaire que les cours de spécialisation fassent partie d’un programme d’études. S’ils ne possédaient pas de diplôme dans un domaine spécialisé, les candidats devaient démontrer qu’ils avaient suivi au moins quatre cours obligatoires dans l’un des domaines de spécialisation afin que leur candidature soit retenue à la présélection. Selon le plaignant, l’annonce de possibilité d’emploi n’était pas claire, et les candidats devaient deviner quelles étaient les qualifications exigées sur le plan des études. Le Tribunal a convenu que l’annonce aurait pu préciser qu’une spécialisation acceptable devait inclure au moins l’équivalent de quatre cours obligatoires dans l’une des spécialisations, mais s’est dit en désaccord avec le plaignant, qui jugeait l’annonce de possibilité d’emploi trompeuse. Selon le Tribunal, l’annonce contenait suffisamment d’information concernant le critère devant servir à la présélection des candidats. L’annonce indiquait que les candidats qui ne démontraient pas clairement dans leur demande qu’ils possédaient toutes les qualifications essentielles pouvaient voir leur candidature éliminée. Le Tribunal a examiné le relevé de notes officiel que le plaignant a déposé en preuve lors de l’audience et a conclu que celui-ci indiquait que le plaignant avait suivi au moins quatre cours obligatoires dans l’un des domaines de spécialisation. Toutefois, le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir en éliminant sa candidature à la présélection, car il n’avait pas indiqué dans sa demande qu’il possédait la qualification liée aux études. Le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination en démontrant que, dans la mesure où ses allégations s’avéraient fondées, sa candidature avait été éliminée à l’étape de la présélection du processus de nomination en même temps que celle d’autres candidats qui, comme lui, possédaient des titres de compétence étrangers. Des personnes qui possédaient des titres de compétence équivalents ou inférieurs, mais qui les avaient obtenus au Canada, ont vu leur candidature retenue à la présélection. Toutefois, le Tribunal a conclu que l’intimé avait fourni une explication raisonnable sans caractère discriminatoire en ce qui concerne les raisons pour lesquelles la candidature du plaignant avait été éliminée à la présélection dans le cadre du processus de nomination en cause. L’intimé a démontré, à la satisfaction du Tribunal, que les décisions de présélection se rapportant aux candidats désignés par le plaignant n’avaient pas été prises en fonction de l’endroit où les candidats avaient effectué leurs études. Par conséquent, le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas démontré que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son encontre en raison de son origine nationale ou ethnique. Enfin, le Tribunal a déterminé que le plaignant n’avait pas prouvé que la candidate nommée ne possédait pas les qualifications nécessaires ni que l’intimé avait fait preuve de partialité en sa faveur dans le processus de nomination en cause. La plainte est rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2011-1207
Rendue à :
Ottawa, le 22 juillet 2014

PAUL ABI-MANSOUR
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE PASSEPORT CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Nathalie Daigle, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Abi-Mansour c. Président-directeur général de Passeport Canada
Référence neutre :
2014 TDFP 12

Motifs de décision


Introduction

1 Le plaignant, Paul Abi-Mansour, a présenté sa candidature dans un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d’un poste d’analyste en statistique aux groupe et niveau EC-03 au sein de la Direction de la gestion stratégique à Passeport Canada. Sa candidature a été éliminée à l’étape de la présélection, car il a été déterminé qu’il ne possédait pas la qualification relative aux études requise pour le poste.  

2 Le plaignant affirme que l’intimé, le président-directeur général de Passeport Canada, a abusé de son pouvoir de plusieurs façons. Premièrement, il soutient que l’intimé a évalué ses études de façon inappropriée. Deuxièmement, il avance que l’intimé a fait preuve de discrimination à son endroit en raison de son origine nationale ou ethnique. Troisièmement, il affirme que la personne nommée n’était pas qualifiée pour le poste. Quatrièmement, il maintient que l’intimé a fait preuve de partialité en faveur de la personne nommée.  

3 L’intimé, pour sa part, nie ces allégations. Il affirme que la candidature du plaignant a été éliminée à la présélection parce que ce dernier n’a pas démontré, dans sa demande, qu’il possédait la qualification essentielle liée aux études indiquée dans l’annonce de possibilité d’emploi. Par ailleurs, l’intimé soutient que la personne nommée a été dûment évaluée et qu’elle possède toutes les qualifications essentielles. Il nie avoir fait preuve de partialité en sa faveur.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas comparu à l’audience. Elle a toutefois présenté des observations écrites dans lesquelles il est question de ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

5 Dans ses allégations écrites, le plaignant a soulevé des préoccupations concernant la possibilité qu’il y ait eu favoritisme personnel à l’endroit de la personne nommée. Or, à l’audience, il a précisé qu’il avait retiré cette allégation.  

6 Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal conclut que la preuve présentée ne permet pas d’établir qu’il y a eu abus de pouvoir. Elle montre que la candidature du plaignant a été éliminée, car il n’a pas démontré dans sa demande qu’il possédait la qualification essentielle relative aux études. En outre, la preuve n’étaye pas l’allégation selon laquelle il y a eu discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique ni les allégations selon lesquelles l’intimé a évalué la personne nommée de façon appropriée et qu’il a fait preuve de partialité en sa faveur.  

Contexte

7 Le 20 juillet 2011, l’intimé a affiché une annonce de possibilité d’emploi sur Publiservice pour le poste d’analyste en statistique, aux groupe et niveau EC-03 au sein de la Direction de la gestion stratégique à Passeport Canada. Le plaignant comptait parmi les 129 postulants qui ont répondu à l’annonce.  

8 Les candidatures ont d’abord été présélectionnées en fonction des critères liés aux études et à l’expérience ainsi que des qualifications constituant un atout. En ce qui concerne la qualification liée aux études, l’annonce de possibilité d’emploi et l’énoncé des critères de mérite (ECM) indiquaient qu’il fallait posséder une spécialisation acceptable en économique, en sociologie, en mathématiques ou en statistique. Il était également indiqué que même si le grade universitaire était obligatoire, il n’était pas nécessaire que les cours de spécialisation aient été suivis dans le cadre d’un programme menant à l’obtention d’un grade. La qualification en question est reproduite ci-après :

Grade d’une université reconnue avec spécialisation acceptable en économique, en sociologie, en mathématiques ou en statistique.

NOTA : Les candidats et les candidates doivent toujours détenir un grade universitaire. Les cours formant la spécialisation n’ont pas nécessairement à faire partie d’un programme d’études menant à l’obtention d’un grade dans le domaine de la spécialisation exigée. La spécialisation peut également être formée d’un agencement acceptable d’études, de formation et(ou) d’expérience.

De plus, les candidats devaient démontrer qu’ils possédaient au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience et au moins une des deux qualifications constituant un atout figurant dans l’annonce et l’ECM

9 L’annonce de possibilité d’emploi contenait la phrase suivante, en italique, juste sous la rubrique Qualifications essentielles : « Les candidats doivent démontrer clairement sur leur demande qu’ils répondent à tous les critères essentiels suivants et qu’ils sont dans la zone de sélection. À défaut de le faire, cela peut entraîner le rejet de leur demande. »  

10 Nicolas Mezher, gestionnaire, Analyse d’entreprise/Centre de renseignements à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), était le gestionnaire délégataire de l’intimé pour ce processus de nomination. En tant que président du comité de sélection, il a effectué l’examen des candidatures avec l’aide de deux collègues, Elaine Hoskins et Peter Bujduveanu, afin de déterminer si chacun des candidats possédait les qualifications liées aux études et à l’expérience ainsi que les qualifications constituant un atout pour le poste. Le comité de présélection a conclu que 55 candidats répondaient aux critères de présélection et allaient être évalués de façon plus approfondie. La candidature du plaignant a été éliminée à cette étape, car il ne possédait pas la qualification liée aux études requises pour le poste.

11 La notification de nomination ou de proposition de nomination concernant la candidate retenue a été publiée le 6 décembre 2011.  

12 Le 21 décembre 2011, le plaignant a présenté une plainte d’abus de pouvoir au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).  

13 Conformément à l’article 78 de la LEFP, le plaignant a envoyé un avis à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) pour l’informer qu’il entendait soulever une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (LCDP). Avant l’audience, la CCDP a informé le Tribunal qu’elle ne présenterait aucune observation en l’espèce. 

Questions en litige

14 Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination en cause. Pour ce faire, il doit trancher les questions suivantes :  

  1. L’intimé a-t-il évalué le plaignant de façon inappropriée en ce qui concerne la qualification liée aux études?  
  2. L’intimé a-t-il fait preuve de discrimination à l’endroit du plaignant en raison de son origine nationale ou ethnique?
  3. L’intimé a-t-il nommé une personne non qualifiée au poste?
  4. L’intimé a-t-il fait preuve de partialité en faveur de la personne nommée?  

Analyse

15 L’article 77(1) de la LEFP prévoit que la personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou elle n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir.

16 La LEFP ne définit pas l’abus de pouvoir. Cependant, l’article 2(4) contient le passage suivant : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment pas “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. » En outre, l’abus de pouvoir comprend aussi les omissions et la conduite irrégulière. C’est la nature et la gravité de la conduite irrégulière ou de l’omission qui déterminent s’il s’agit ou non d’un abus de pouvoir. Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, para. 66.

Question I:   L’intimé a-t-il évalué le plaignant de façon inappropriée en ce qui concerne la qualification liée aux études? 

17 Pour que leur candidature soit prise en considération, les candidats devaient posséder une spécialisation en économique, en sociologie, en mathématiques ou en statistique. Le plaignant soutient qu’il a démontré dans sa demande qu’il possédait une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience. Il estime avoir fourni suffisamment de renseignements pour prouver qu’il possédait une spécialisation en mathématiques, en statistique ou en sociologie.

18 Dans les documents qu’il a présentés à l’appui de sa candidature, le plaignant a énuméré certains cours qu’il a suivis dans le domaine de la sociologie et de la statistique. Il n’a pas énuméré de cours en mathématiques, mais il a indiqué que la moitié des cours qu’il avait suivis pour obtenir son grade en informatique étaient des cours de mathématiques. Dans sa lettre de présentation, il a décrit ses études de la façon suivante :   

Études

Je suis titulaire d’un grade de premier cycle en informatique; la moitié des cours que j’ai suivis afin de l’obtenir étaient des cours de mathématiques. J’ai également terminé la moitié d’une maîtrise en informatique. De plus, j’ai obtenu un baccalauréat en éducation de l’Université d’Ottawa en 2007, et je suis devenu professeur de mathématiques et d’informatique. Les quatre cours normalement requis en tant que spécialisation acceptable sont les suivants :   

Probabilités et statistique (Statistique)

Éducation et société (Sociologie)

Justice sociale et mondialisation (Sociologie)

Enseigner dans les écoles catholiques (Sociologie)

Stage : Il s’agit d’un cours dans le cadre de mon baccalauréat en éducation. J’ai enseigné la statistique et les probabilités aux élèves de 11e et de 12e année dans une école secondaire à Ottawa.

[traduction]

19 Le plaignant a présenté son relevé de notes officiel de l’Université libanaise pour prouver qu’il avait suivi les cours requis en mathématiques. Il a déclaré que quand il a présenté sa candidature pour le poste, il était au travail et il n’avait pas de copie de son relevé de notes en main. Comme il ne se souvenait pas du nom exact des cours qu’il avait suivis dans les domaines de spécialisation, il a « copié et collé » un extrait de la demande qu’il avait déjà présentée pour un autre poste EC d’un niveau différent. Il a reconnu qu’il était conscient que les exigences en matière de spécialisation peuvent être différentes d’un poste EC à l’autre. Malgré cela, il n’a pas appelé le conseiller en ressources humaines désigné dans l’annonce de possibilité d’emploi afin d’obtenir de plus amples renseignements à propos de la spécialisation requise pour ce processus.

20 M. Mezher a élaboré l’annonce de possibilité d’emploi et l’ECM pour le poste d’analyste en statistique. Il a déclaré que pour répondre à l’exigence relative à la spécialisation, les candidats devaient posséder soit un grade universitaire dans l’une des quatre spécialisations indiquées, soit une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience.  Pour être réputés posséder une combinaison d’études et d’expérience, par exemple, les candidats devaient avoir suivi un minimum de quatre cours acceptables dans un domaine et posséder au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience énumérées dans l’annonce. Il ne suffisait pas qu’un candidat ait suivi quatre cours répartis entre les quatre disciplines. Comme M. Mezher l’a expliqué, un cours dans une spécialisation en particulier était considéré comme « acceptable » s’il s’agissait d’un cours de base, pas seulement d’un cours optionnel que les étudiants sont libres de suivre ou non et qui peut compter ou non pour l’obtention des crédits exigés pour le grade.  

21 M. Mezher a déclaré que le comité avait examiné tous les renseignements contenus dans les documents relatifs à la candidature du plaignant et conclu qu’il ne possédait pas la qualification requise. Le comité de présélection a jugé que le cours « Probabilités et statistique » était le seul cours de base qu’il avait énuméré. Il a considéré que les trois cours de sociologie (« Éducation et société », « Justice sociale et mondialisation » et « Enseigner dans les écoles catholiques ») étaient des cours optionnels et non des cours de base. En dépit du fait que le plaignant avait écrit dans sa demande qu’il était titulaire d’un grade de premier cycle en informatique et que la moitié des cours qu’il avait suivis afin de l’obtenir étaient des cours de mathématiques, M. Mezher a expliqué que le comité ne pouvait tenir compte des cours de mathématiques suivis par le plaignant, car il ne disposait d’aucun renseignement au sujet de ces cours. Il ne pouvait pas attester s’il s’agissait de cours de base ou optionnels ni confirmer le nombre de cours suivis par le plaignant.    

22 Par conséquent, le comité a conclu que le plaignant n’était pas parvenu à démontrer qu’il avait suivi au moins quatre cours de base dans l’un des quatre domaines. M. Mezher a également indiqué que le cinquième cours mentionné par le plaignant (le stage) ne constituait pas un cours de base en statistique. Le plaignant enseignait dans une école secondaire où, comme l’a expliqué M. Mezher, uniquement des notions de base sont enseignées aux élèves. Selon lui, cela n’équivaut pas à un cours universitaire.

23 Le plaignant a expliqué qu’il n’avait pas énuméré les cours de mathématiques qu’il avait suivis pour obtenir son grade en informatique parce qu’il ne pensait pas qu’il était tenu de le faire. Il a affirmé que si l’annonce de possibilité d’emploi avait précisé que les candidats devaient énumérer les cours qu’ils avaient suivis dans les domaines de spécialisation, il aurait énuméré tous les cours de mathématiques qu’il avait suivis. Il ne savait pas qu’il devait indiquer au moins quatre cours de base par domaine de spécialisation, et c’est pourquoi il n’a énuméré que quelques cours en statistique et en sociologie. Étant donné qu’il avait indiqué dans sa demande qu’il avait enseigné la statistique et les probabilités aux élèves de 11e et de 12e année, il croyait que le comité allait déduire qu’il possédait une spécialisation en statistique.

24 Après que sa candidature a été éliminée du processus de nomination, le plaignant a tenté de faire réviser la décision en prenant diverses mesures. D’abord, il a envoyé un courriel à un représentant des ressources humaines dans lequel il a indiqué qu’une erreur avait été commise. Il a demandé que sa candidature soit réintégrée dans le processus :

J’ai reçu une lettre de votre part concernant le processus de sélection susmentionné. Une grossière erreur a été commise. Je réponds à tous les critères liés aux études, et vous ne pouvez pas prouver le contraire. Veuillez corriger cette erreur et réintégrer ma candidature dans le processus.

[traduction]

25 Le plaignant a déclaré avoir également parlé à M. Mezher au téléphone pour l’informer qu’il possédait la qualification liée aux études. M. Mezher, cependant, a affirmé que pendant cette conversation téléphonique, il avait avisé le plaignant qu’il n’avait pas fourni suffisamment de renseignements pour démontrer qu’il possédait la spécialisation requise. Le plaignant a maintenu qu’en indiquant dans sa demande que la moitié des cours qu’il avait suivis pour obtenir son grade en informatique étaient des cours de mathématiques, il avait démontré qu’il possédait une spécialisation en mathématiques. M. Mezher a expliqué qu’il s’agissait seulement d’une déclaration générale et qu’elle ne suffisait pas pour démontrer qu’il possédait une spécialisation dans le domaine. Il a précisé que si le grade d’un candidat ne faisait pas partie de l’un des quatre domaines de spécialisation, le comité de présélection avait besoin du nom des cours suivis par la personne pour déterminer si elle possédait la spécialisation requise, et donc la qualification essentielle liée aux études.  

26 Au cours de la conversation, M. Mezher a expliqué au plaignant qu’il refusait de le laisser réintégrer le processus de nomination, même si le plaignant affirmait qu’il possédait la spécialisation requise. De l’avis de M. Mezher, il ne pouvait pas réévaluer la candidature du plaignant, car pour tous les candidats, la décision de présélection était fondée sur le contenu de la lettre de présentation et du curriculum vitæ. Il a expliqué qu’il aurait été inéquitable d’accepter des renseignements additionnels de la part du plaignant et non de la part des autres candidats. Par ailleurs, M. Mezher a rappelé au plaignant que les candidats avaient été avisés, dans l’annonce de possibilité d’emploi, qu’ils devaient clairement démontrer dans leur demande qu’ils répondaient à tous les critères essentiels.

27 Le plaignant soutient que le libellé de l’annonce de possibilité d’emploi et de l’ECM n’était pas clair, et que les candidats ont dû deviner les exigences applicables à la qualification liée aux études. Il a produit en preuve l’annonce de possibilité d’emploi d’un autre processus de nomination ayant servi à doter un poste EC-05. Elle contenait la précision suivante : « Une spécialisation acceptable consiste en au moins huit cours d’une session (ou quatre cours d’une année) dans l’un des domaines suivants : économique, sociologie ou statistique » [traduction]. Le plaignant est d’avis que l’annonce de possibilité d’emploi prêtait à confusion, car elle ne contenait pas une telle précision.

28 L’intimé fait valoir qu’il incombait aux candidats de préciser dans leur demande en quoi ils répondaient à l’exigence liée à la spécialisation. Ils pouvaient le faire, comme l’a expliqué M. Mezher, en nommant les cours qu’ils avaient suivis, en donnant le numéro des cours et une description de leur contenu et en nommant l’université qu’ils avaient fréquentée ainsi que l’année où ils avaient suivi les cours.

29 Le Tribunal a jugé dans nombre de décisions que son rôle ne consistait pas à réévaluer les candidats ni à lancer un nouveau processus de nomination. Le pouvoir d’évaluer des candidats en vue d’une nomination est conféré à la CFP en vertu de l’article 30(2)a) de la LEFP et peut être délégué à un administrateur général conformément à l’article 15(1) de la LEFP. Le Tribunal n’est pas investi de ce pouvoir. Son rôle consiste plutôt à déterminer si les éléments de preuve montrent, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans les évaluations. Voir, par exemple, la décision Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, para. 42 à 46.

30 Le Tribunal a établi depuis longtemps qu’il incombe aux candidats de démontrer clairement dans leur demande qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles. Voir, par exemple, les décisions Edwards c. Sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 10 et Walker-McTaggart c. Président-directeur général de Passeport Canada, 2011 TDFP 39. Il incombe aux candidats de s’assurer que leurs documents de demande sont complets et conformes aux exigences de l’annonce de possibilité d’emploi et de l’ECM. Voir la décision Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 48.

31 L’annonce de possibilité d’emploi aurait pu préciser que pour être réputé posséder la spécialisation acceptable, il fallait avoir suivi au moins l’équivalent de quatre cours de base dans un des domaines indiqués. Toutefois, le tribunal ne souscrit pas à l’argument du plaignant selon lequel l’annonce prêtait à confusion parce qu’elle ne contenait pas une telle précision. Le Tribunal est convaincu que le libellé de l’annonce indique clairement que les candidats devaient démontrer qu’ils possédaient un grade ou qu’ils avaient suivi des cours dans un des domaines de spécialisation. Le passage pertinent est reproduit ci-dessous :

Qualifications essentielles […]

Grade d’une université reconnue avec spécialisation acceptable en économique, en sociologie, en mathématiques ou en statistique [...]

NOTA : Les candidats et les candidates doivent toujours détenir un grade universitaire. Les cours formant la spécialisation n’ont pas nécessairement à faire partie d’un programme d’études menant à l’obtention d’un grade dans le domaine de la spécialisation exigée. [...]

32 Les membres du comité d’évaluation ont déterminé qu’ils allaient évaluer la spécialisation d’après le nombre de cours suivis par le candidat, une décision que leur pouvoir discrétionnaire leur permettait de prendre. De l’avis du Tribunal, le libellé utilisé par l’intimé répondait aux exigences des Lignes directrices de la CFP en matière d’annonces dans le processus de nomination, lesquelles exigent que les ministères donnent « assez d’information sur les critères utilisés aux fins de la présélection des personnes ». Le Tribunal est convaincu qu’en précisant dans l’annonce de possibilité d’emploi et dans l’ECM que les candidats devaient indiquer qu’ils possédaient un grade ou qu’ils avaient suivi des cours dans un des domaines de spécialisation, l’intimé a fourni suffisamment de renseignements sur les critères utilisés aux fins de la présélection des candidats. En l’espèce, le fait de ne pas indiquer le nombre de cours requis dans l’annonce de possibilité d’emploi ne constitue pas un abus de pouvoir.

33 Le plaignant avance que le libellé de l’annonce de possibilité d’emploi prêtait à confusion, comme dans la décision Poirier c. Sous-ministre d’Anciens combattants Canada, 2011 TDFP 3, où la mauvaise formulation des consignes dans l’annonce de possibilité d’emploi avait contribué directement à l’élimination de la candidature du plaignant. Dans la décision Poirier, le plaignant avait présenté sa candidature en réponse à une annonce de possibilité d’emploi dont le libellé n’était pas clair. D’après l’interprétation que le plaignant avait faite des consignes contenues dans l’annonce de possibilité d’emploi, les candidats devaient rédiger un ou deux paragraphes pour démontrer qu’ils possédaient toutes les qualifications (qualifications liées aux études et à l’expérience et qualifications constituant un atout). Or, l’intimé s’attendait à ce que les candidats rédigent un ou deux paragraphes pour chaque qualification. La candidature du plaignant a été éliminée à la présélection, car sa lettre de présentation ne démontrait pas en quoi il possédait les qualifications requises étant donné qu’il avait seulement rédigé deux paragraphes pour toutes les qualifications évaluées. Le Tribunal était d’accord avec le plaignant pour dire que le libellé des consignes dans l’annonce de possibilité d’emploi n’était pas clair et pourrait donner lieu à l’interprétation selon laquelle les candidats devaient démontrer qu’ils possédaient toutes les qualifications en deux paragraphes maximum. Le Tribunal a conclu que l’interprétation du plaignant était différente, mais raisonnable.

34 Le Tribunal estime que le libellé de l’annonce de possibilité d’emploi en l’espèce n’était pas trompeur et n’a pas eu le même effet que dans la décision Poirier. Dans la décision Poirier, le plaignant avait essentiellement vu sa candidature éliminée à la présélection parce qu’il n’avait pas présenté sa demande dans le format requis. En l’espèce, le plaignant a vu sa candidature rejetée à la présélection, car il n’avait pas fourni suffisamment de renseignements pour démontrer qu’il possédait une spécialisation dans l’un des quatre domaines indiqués. Autrement dit, peu importe le format de sa demande, le plaignant n’a pas démontré qu’il satisfaisait aux exigences nécessaires sur le plan des études. Il a reconnu avoir choisi de simplement copier et coller des renseignements à partir d’une demande qu’il avait présentée dans un autre processus de nomination sans vérifier s’il avait clairement « démontré » dans sa demande qu’il avait suivi des cours dans l’un des domaines de spécialisation demandés.  

35 Dans la décision Lirette c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 42, au paragraphe 26, le Tribunal a examiné la définition du terme « démontrer ». Il a souligné que d’après le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition (2004), le terme « démontrer » (« demonstrate » en anglais) signifie « décrire et expliquer à l’aide d’exemples, d’expériences, d’utilisations pratiques, etc. ».

36 En l’espèce, l’annonce de possibilité d’emploi indiquait clairement aux candidats que s’ils ne démontrent pas clairement dans leur demande qu’ils possédaient toutes les qualifications essentielles, leur demande pourrait être rejetée. Voir aussi la décision Henry c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 10, para. 54. Un examen de la lettre de présentation et du curriculum vitæ du plaignant montre qu’il n’a pas fourni suffisamment de renseignements au sujet des cours qu’il avait suivis dans les domaines de spécialisation pour démontrer clairement en quoi il possédait la qualification liée aux études. Le Tribunal conclut donc qu’il ne s’est pas acquitté de la responsabilité qui lui incombait de démontrer clairement sur sa demande qu’il possédait la qualification liée aux études.  

37 L’entretien téléphonique qui a eu lieu entre le plaignant et M. Mezher après l’élimination de la candidature du plaignant du processus de nomination a été mentionné à quelques reprises pendant l’audience par le plaignant et M. Mezher. Le Tribunal est convaincu que cet entretien téléphonique équivalait à une discussion informelle. Dans la décision Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, au paragraphe 76, le Tribunal a décrit en quoi consistait une discussion informelle :  

Le plaignant fait valoir que M. Mezher avait l’obligation de tenir compte de son La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le Comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le Comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

38 relevé de notes de l’université et de réévaluer ses qualifications à la suite de la discussion. Le Tribunal ne souscrit pas à cette affirmation. Il n’était pas déraisonnable de la part de M. Mezher de refuser de réévaluer les qualifications du plaignant, car celui-ci ne s’était pas acquitté de la responsabilité qui lui incombait de fournir suffisamment de renseignements dans sa demande pour démontrer qu’il possédait la qualification liée aux études. Le comité d’évaluation n’est pas tenu d’assurer un suivi auprès des candidats ni de faire des déductions alors qu’il avait été indiqué clairement aux candidats qu’ils devaient démontrer dans leur demande qu’ils possédaient les qualifications requises. Voir les décisions Abi-Mansour c. Sous-ministre d’Affaires étrangères et Commerce international Canada, 2012 TDFP 8, para. 50; et Henry, supra, para. 53 à 56.

39 Le Tribunal souligne que le plaignant a produit son relevé de notes officiel de l’Université libanaise afin de prouver qu’il avait suivi les quatre cours de mathématiques requis. Après avoir examiné celui-ci, le Tribunal convient qu’il prouve effectivement que le plaignant a suivi au moins quatre cours de base en mathématiques. Toutefois, la question à trancher en l’espèce est celle de savoir si le plaignant a démontré, dans sa demande, qu’il possédait la spécialisation requise. Comme il a été mentionné précédemment, compte tenu de la mise en garde claire qui a été donnée aux candidats et de tous les éléments de preuve présentés au Tribunal, il n’était pas déraisonnable de la part du comité de présélection de conclure que le plaignant n’avait pas démontré qu’il possédait la qualification liée aux études.

40 Le plaignant affirme en outre que l’intimé a modifié l’exigence relative à la spécialisation au cours du processus de nomination. D’après lui, au début du processus, l’intimé demandait un minimum de trois cours dans l’un des domaines de spécialisation. Or, il soutient que l’intimé a par la suite changé l’exigence pour demander quatre cours dans l’un des domaines de spécialisation. Plus particulièrement, il affirme que M. Mezher l’avait informé, pendant leur conversation téléphonique ayant suivi l’élimination de sa candidature, que l’exigence en matière de spécialisation pour le poste EC-03 était d’avoir suivi au moins trois cours acceptables dans un des domaines. Après le processus de nomination, il pensait toujours que l’exigence était d’avoir suivi trois cours dans l’un des domaines de spécialisation. Il affirme que ce n’est plus tard qu’il a appris que l’exigence était de quatre cours.  

41 M. Mezher maintient que l’exigence relative à la spécialisation n’a jamais changé. Selon lui, l’exigence a toujours été de quatre cours dans l’un des domaines de spécialisation et il n’a jamais indiqué quoi que ce soit d’autre à quiconque.

42 M. Mezher et le plaignant ne sont peut-être pas du même avis en ce qui concerne les renseignements qui ont été communiqués à ce dernier à ce sujet, mais cette question n’a aucune incidence sur l’issue de la plainte. D’après la lettre de présentation et le curriculum vitæ présentés par le plaignant, celui-ci n’a pas démontré qu’il avait suivi l’équivalent de trois cours de base dans l’un des quatre domaines de spécialisation. Ainsi, que l’exigence ait été de trois ou de quatre cours, le plaignant ne répondait au critère relatif aux études dans aucun de ces deux cas.  

43 Le plaignant affirme par ailleurs qu’il était inapproprié de la part de l’intimé de se limiter à la lettre de présentation et au curriculum vitæ des candidats pour évaluer la qualification liée aux études. Selon lui, les candidats auraient dû avoir à fournir leur relevé de notes officiel de l’université avec leur demande.  

44 L’article 36 de la LEFP confère à l’administrateur général le pouvoir exclusif d’établir les méthodes d’évaluation. La méthode choisie pour évaluer les exigences en matière d’études était indiquée dans les consignes; en effet, les candidats ont été informés que leurs études et leur expérience allaient être évaluées à partir de leur lettre de présentation. Les curriculum vitae devaient être utilisés seulement comme source d’information secondaire pour valider l’expérience décrite dans la lettre de présentation.

45 Le plaignant ne s’est fondé sur aucune loi ni politique pour étayer sa position selon laquelle l’intimé devrait demander à tous les postulants de fournir une copie de leur relevé de notes officiel de l’université avec leur demande. Le Tribunal juge qu’il était raisonnable de la part de l’intimé de commencer par trier les 129 candidatures reçues en fonction des renseignements contenus dans les lettres de présentation et les curriculum vitæ. Il s’agissait d’une façon rapide et efficace de traiter un grand nombre de demandes. Comme l’a indiqué M. Mezher, la personne nommée a dû fournir une attestation d’études avant d’être embauchée. Le Tribunal estime qu’il était raisonnable de la part de l’intimé de demander seulement à la personne nommée de présenter un relevé de notes de l’université afin de valider les renseignements qu’elle avait fournis.

46 Enfin, le plaignant soutient qu’une autre raison pour laquelle il n’a pas été évalué de façon appropriée est que M. Mezher n’est pas un expert du domaine de l’économique, des mathématiques ou de la statistique. Il affirme que le gestionnaire n’était pas qualifié pour effectuer la présélection ni pour corriger les examens des candidats, étant donné qu’il a étudié en sociologie et en démographie (il est titulaire d’un baccalauréat, de deux maîtrises et d’un doctorat). 

47 L’intimé soutient que M. Mezher compte de nombreuses années d’expérience à titre de gestionnaire, Analyse d’entreprise/Centre de renseignements à CIC, et de chef de l’Unité des statistiques à Revenu Canada et qu’il connaît très bien les fonctions associées au poste.

48 Le plaignant n’a fait référence à aucun règlement ni à aucune politique pour appuyer son allégation selon laquelle les membres d’un comité d’évaluation doivent être des spécialistes de chacun des domaines de spécialisation liés à un poste. Comme il a été établi dans la décision Sampert c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 9 au paragraphe 54, les membres du comité d’évaluation doivent simplement bien connaître les fonctions du poste à doter.

49 Le Tribunal conclut, d’après les éléments de preuve, que le plaignant n’est pas parvenu à prouver que M. Mezher l’avait évalué de façon inappropriée au motif qu’il n’était pas un spécialiste du domaine de l’économique, des mathématiques ou de la statistique.

50 En conclusion, bien que le plaignant ait démontré qu’il possédait la qualification essentielle liée aux études requise pour le poste d’analyste en statistique, le Tribunal conclut qu’il n’a pas prouvé que l’intimé a abusé de son pouvoir en éliminant sa candidature du processus de sélection. La candidature du plaignant a été éliminée à la présélection, car il n’a pas démontré, dans sa demande, qu’il possédait la qualification liée aux études requise pour le poste.   

Question II:   L’intimé a-t-il fait preuve de discrimination à l’endroit du plaignant en raison de son origine nationale ou ethnique?

51 En vertu de l’article 80 de la LEFP, le Tribunal peut interpréter et appliquer la LCDP au moment de déterminer si la plainte est fondée au regard de l’article 77.

52 L’article 7 de la LCDP précise qu’il est discriminatoire de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu et de le défavoriser en cours d’emploi, que ce soit par des moyens directs ou indirects, pour des motifs de distinction illicite. L’article 3 de cette loi énumère les motifs de distinction illicite, qui comprennent l’origine nationale ou ethnique.

53 Pour démontrer que l’intimé s’est livré à un acte discriminatoire, le plaignant doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination, tel que la Cour suprême du Canada l’a souligné dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536 (arrêt O’Malley). 

54 La preuve prima facie est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si celles-ci sont jugées crédibles, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l’absence d’une réplique de l’intimé. Dès lors qu’une telle preuve est établie, il revient à l’intimé de réfuter les allégations ou de fournir une autre explication raisonnable qui ne soit pas fondée sur la discrimination. Cette explication ne peut se résumer à un simple prétexte visant à justifier la conduite discriminatoire. Le Tribunal ne peut prendre en considération la réponse de l’intimé avant qu’une preuve prima facie de discrimination ait été établie. Voir la décision Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204, para. 22.

55 Il n’est pas nécessaire que la discrimination soit le seul motif derrière le comportement en question pour que la plainte soit considérée comme fondée. Le plaignant doit uniquement prouver que la discrimination comptait parmi les facteurs ayant influé sur la décision de l’intimé. Voir la décision Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (C.A.F.), para. 7. Dans les affaires de discrimination, la norme de preuve applicable est la norme civile de la prépondérance des probabilités. Voir la décision Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Ministère de la Défense nationale), 1996 CanLII 4067 (CAF), [1996] 3 CF 789.

56 Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si le plaignant a réussi à établir une preuve prima facie de discrimination.

Le plaignant a-t-il réussi à établir une preuve prima facie de discrimination?

57 Le plaignant estime que son origine nationale ou ethnique a joué un rôle dans la décision de l’intimé d’éliminer sa candidature. Il avance que le motif de distinction illicite qu’est le lieu d’origine est suffisamment vaste pour inclure tout traitement préjudiciable lié à ses titres de compétence étrangers. Voir la décision  Mihaly v. The Association of Professional Engineers, Geologists and Geophysicists of Alberta, 2014 AHRC 1 (CanLII). Le plaignant a obtenu un grade en informatique de l’Université libanaise en 2001. Il a ensuite quitté le Liban pour immigrer au Canada et a fait d’autres études au Canada. Il affirme que l’intimé a rejeté sa candidature, car il a obtenu son grade en informatique dans son pays d’origine, le Liban.  

58 Le plaignant affirme qu’il n’est pas le seul à avoir vu sa candidature éliminée du processus de nomination parce qu’il avait étudié à l’étranger. Il a présenté les demandes d’autres candidats dont la candidature avait été éliminée à la présélection parce qu’ils ne possédaient pas la qualification liée aux études. Il avance que ces candidats ont étudié à l’étranger. Il a expressément attiré l’attention du Tribunal sur les cinq candidats suivants parmi les 129 :  

  1. B.E., qui a étudié en Corée;
  2. M.M., qui a étudié en Malaisie;
  3. T.W.S., qui a étudié au Danemark;
  4. D.T., qui a étudié au Sri Lanka;
  5. A.S., qui a étudié au Maroc.

59 Le plaignant a également évoqué la situation de trois candidats qui, selon lui, ont effectué des études en sciences semblables à ses études en informatique. Il avance que ces candidats, contrairement à lui, ont vu leur candidature retenue parce qu’ils avaient étudié au Canada. Dans son curriculum vitæ, le plaignant a décrit son grade en informatique de la manière suivante :

ÉTUDES

Baccalauréat ès sciences en sciences appliquées, informatique, Université libanaise, 2001 (j’ai une équivalence de l’Université Laval) (mention honorifique)

[traduction]

60 Le plaignant a aussi mentionné un des candidats, J.F., qui est titulaire d’un baccalauréat en éducation semblable à son baccalauréat en enseignement secondaire. Selon le plaignant, ce candidat, contrairement à lui, a été retenu à la présélection, car il a accompli toutes ses études au Canada.   

61 Le plaignant estime en outre que d’autres candidats, c’est-à-dire M.R., M.A. et M.B., qui ont étudié au Canada, ont vu leur candidature retenue à la présélection même s’ils n’avaient pas prouvé dans leur demande qu’ils possédaient la spécialisation requise.  

62 Le plaignant a présenté en preuve un rapport intitulé Les minorités visibles et la fonction publique du Canada, préparé par John Samuel & Associates Inc. en février 1997. Il a expressément fait référence aux parties du rapport qui décrivent les difficultés auxquelles font face les membres de minorités visibles au moment de se chercher un emploi. Voici les passages pertinents :

4.9 Présélection

La grande majorité des participants appartenant à une minorité visible semblait penser que les qualifications et l’expériences acquises à l’étranger étaient sous-évaluées.  

Sommaire : Chapitre 4

Points de vue des employés

[…]

Parmi les principaux obstacles à l’embauche et à la promotion équitables qui ont été mentionnés, notons :  

  • la dévalorisation des titres de compétences étrangers […]

 7.2 Recommandations

[…]

Recrutement

[…]

  • Les titres de compétences étrangers posent souvent problème pour les membres de minorités visibles, comme il a été possible de le constater dans les groupes de discussions […]

[traduction]

63 La preuve présentée par le plaignant est suffisante pour établir une preuve prima facie de discrimination. Le plaignant a établi, dans le mesure où cette preuve est jugée crédible, que sa candidature n’a pas été retenue à la présélection comme celle d’autres candidats possédant des titres de compétence étrangers. D’autres candidats ayant une formation universitaire équivalente ou inférieure à celle du plaignant, mais qui ont obtenu leurs titres de compétence au Canada, ont vu leur candidature retenue à la présélection. Le Tribunal conclut que la preuve présentée par le plaignant serait complète et suffisante pour justifier un verdict en sa faveur en l’absence d’une réponse de l’intimé. Or, comme il est indiqué ci-après, l’intimé a présenté une explication complète, raisonnable et non fondée sur la discrimination concernant l’élimination de la candidature du plaignant à l’étape de la présélection.  

L’intimé a-t-il fourni une explication raisonnable et non fondée sur la discrimination pour justifier sa décision d’éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination à l’étape de la présélection?

64 Étant donné qu’une preuve prima facie a été établie, il incombe maintenant à l’intimé de fournir une explication raisonnable et non fondée sur la discrimination pour justifier sa décision.  

65 Comme il a été mentionné précédemment dans les présents motifs, M. Mezher a expliqué que pour les candidats qui ne possédaient pas de grade dans l’un des quatre domaines de spécialisation, comme le plaignant, la spécialisation pouvait être le fruit d’une combinaison acceptable d’études, de formation et/ou d’expérience. Les candidats étaient réputés posséder une combinaison acceptable d’études et d’expériences s’ils démontraient, dans leur demande, qu’ils avaient suivi au moins quatre cours de base dans l’un des quatre domaines de spécialisation et qu’ils possédaient au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience requises pour le poste. Selon M. Mezher, le plaignant n’a pas démontré, dans sa demande, qu’il avait suivi au moins quatre cours de base dans l’un des quatre domaines de spécialisation.  

66 M. Mezher a également expliqué pourquoi la candidature des cinq candidats mentionnés par le plaignant avait été éliminée à la présélection. Il a démontré à la satisfaction du Tribunal que ce n’était pas parce qu’ils avaient étudié à l’étranger. M. Mezher a fait valoir ce qui suit :  

  • La demande de B.E. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études internationales. Or, ce domaine ne fait pas partie des quatre domaines de spécialisation. La demande de ce candidat ne démontre pas qu’il possède une combinaison acceptable d’études et d’expérience. Elle ne montre pas que le candidat a suivi au moins quatre cours de base dans l’un des quatre domaines de spécialisation et qu’il possède au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience.
  • La demande de M.M. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat en informatique. Ce grade, comme celui du plaignant, ne correspond pas à l’un des quatre domaines de spécialisation. La demande du candidat n’indique pas que celui-ci possède une combinaison acceptable d’études et d’expérience. Elle montre que le candidat a suivi au moins quatre cours de base en mathématiques, mais pas qu’il possède au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience.
  • La demande de T.W.S. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat en affaires publiques et gestion des politiques. Il ne s’agit pas d’un grade dans l’un des quatre domaines de spécialisation. La demande n’indique pas que le candidat possède une combinaison acceptable d’études et d’expérience. Elle ne démontre pas clairement que le candidat a suivi au moins quatre cours de base dans l’un des quatre domaines de spécialisation. Le candidat a simplement indiqué ce qui suit : « J’ai suivi quatre cours en économique, deux cours en sociologie et trois cours en statistique » [traduction]. Selon M. Mezher, il n’est pas possible de savoir si les quatre cours d’économique étaient des cours de base ou des cours optionnels. En outre, la demande ne montre pas que le candidat possède au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience.
  • La demande de D.T. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat ès arts avec une mineure en espagnol. Il ne s’agit pas d’un grade dans l’un des quatre domaines de spécialisation. La demande n’indique pas que le candidat possède une combinaison acceptable d’études et d’expérience. Elle ne démontre pas que le candidat a suivi au moins quatre cours de base dans l’un des quatre domaines de spécialisation ni qu’il possède au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience.
  • La demande d’A.S. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en statistique, qui est l’un des quatre domaines de spécialisation. Ce candidat n’a pas été éliminé en raison de ses études, mais en raison de son expérience, car il n’a pas démontré dans sa demande qu’il possède au moins trois des quatre qualifications liées à l’expérience. À l’étape de la communication de renseignements, sa demande a été placée par erreur dans la pile des candidatures ayant été rejetées au motif que le candidat ne possédait pas la qualification liée aux études. M. Mezher a confirmé à l’audience que le comité de présélection avait rejeté cette demande parce que le candidat ne possédait pas les qualifications liées à l’expérience, et non parce qu’il ne possédait pas la qualification liée aux études.    

67 L’intimé a également répondu à l’allégation selon laquelle trois candidats titulaires de grades en sciences semblables au baccalauréat en informatique obtenu par le plaignant ont vu leur candidature retenue à la présélection au regard de la qualification liée aux études parce que, contrairement au plaignant, ils avaient étudié au Canada. L’explication de M. Mezher se résume ainsi :

  • La demande de B.M. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat en informatique et en mathématiques. Les mathématiques font partie des quatre domaines de spécialisation. Pour obtenir ce grade, le candidat doit avoir suivi au moins quatre cours de base en mathématiques.  
  • La demande de S.B. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat en sciences appliquées – mathématiques/sciences. Les mathématiques font partie des quatre domaines de spécialisation. Pour obtenir ce grade, le candidat doit avoir suivi au moins quatre cours de base en mathématiques.
  • La demande de K.V. montre que ce candidat est titulaire d’un baccalauréat en mathématiques et en statistique – mathématiques informatiques. Les mathématiques font partie des quatre domaines de spécialisation. Pour obtenir ce grade, le candidat doit avoir suivi au moins quatre cours de base en mathématiques.   

68 L’intimé a également répondu à l’allégation du plaignant selon laquelle un des candidats, qui est titulaire d’un baccalauréat en éducation semblable à son baccalauréat en enseignement secondaire, a vu sa candidature retenue parce qu’il avait étudié au Canada. M. Mezher a expliqué que ce candidat avait été retenu, car il était également titulaire d’un baccalauréat ès arts avec une mineure en économique. La demande de ce candidat confirme que le candidat est titulaire d’une mineure en économique. M. Mezher en a conclu qu’il devait avoir suivi au moins quatre cours de base en économique, qui est l’un des quatre domaines de spécialisation.

69 L’intimé a également réfuté l’allégation selon laquelle les candidats M.R., M.A. et M.B., qui ont tous étudié au Canada, ont vu leur candidature retenue même s’ils n’avaient pas démontré, dans leur demande, qu’ils possédaient la qualification liée aux études. M. Mezher a expliqué comment ces candidats avaient démontré dans leur demande qu’ils répondaient à l’exigence relative à la spécialisation. La demande de M.R., par exemple, montre que ce candidat a terminé deux années d’un programme de baccalauréat en sociologie, discipline faisant partie des domaines de spécialisation. Les demandes des deux autres candidats montraient également qu’ils possédaient des grades appropriés. M. Mezher a expliqué que pour obtenir ces grades, les candidats devaient nécessairement avoir suivi au moins quatre cours de base dans l’un des domaines de spécialisation.  

70 Le Tribunal estime que l’intimé a fourni une explication complète, raisonnable et non fondée sur la discrimination pour justifier l’élimination de la candidature du plaignant du processus de nomination. Par ailleurs, le plaignant n’a pas démontré que l’explication de l’intimé constituait un prétexte visant à justifier une conduite discriminatoire.   

71 Le Tribunal conclut donc que le plaignant n’est pas parvenu à démontrer que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son endroit en raison de son origine nationale ou ethnique.  

Question III:   L’intimé a-t-il nommé une personne non qualifiée au poste?

72 Le plaignant affirme que la personne nommée n’était pas qualifiée pour le poste EC-03. Plus précisément, il soutient que les réponses qu’elle a fournies à l’examen écrit n’ont pas été évaluées de façon appropriée.  

73 Le plaignant avance que la personne nommée n’aurait pas dû obtenir la note de passage pour la qualification 1 (Connaissance de la statistique et de l’analyse de statistiques), laquelle était évaluée au moyen des questions 1 à 10 de l’examen écrit. Plus particulièrement, il soutient qu’en examinant la copie d’examen, il est possible de constater que la personne nommée a reçu deux notes plutôt qu’une pour certaines de ses réponses. Par exemple, à côté de sa réponse à la question 5, une première note de 2,5 lui a été attribuée, puis 1,5 point a été ajouté. En outre, à côté de sa réponse à la question 10, une première note de 0 a été attribuée, puis 1 a été ajouté. Il fallait 25 points au total pour obtenir la note de passage pour la qualification 1. Le plaignant fait valoir que la personne nommée aurait obtenu une note de 22,5 seulement sans les points additionnels qui lui ont été accordés. Avec les points ajoutés, elle a obtenu la note de 25.  

74 Pour la correction des examens des candidats, M. Mezher s’est fait aider par Mme Hoskins et M. Bujduveanu. M. Mezher a expliqué qu’il avait corrigé toutes les copies d’examen deux fois. La correction des copies terminée, Mme Hoskins et M. Bujduveanu ont examiné les notes qu’il avait attribuées afin de s’assurer qu’ils approuvaient celles-ci.

75 M. Mezher a expliqué qu’en corrigeant les examens deux fois, il avait procédé de la même manière que pour corriger les examens de ses étudiants à l’Université d’Ottawa, où il enseigne la statistique à temps partiel depuis 1989. Il a d’abord corrigé la réponse de tous les candidats à la question 1, puis à la question 2, et ainsi de suite. Après s’être fait une idée globale de toutes les réponses aux différentes questions, il a corrigé les examens une seconde fois un ou deux jours plus tard et a ajusté les notes pour s’assurer que la correction était uniforme et que les notes étaient équitables. Cette méthode lui permettait également de s’assurer que les réponses acceptables qui ne figuraient pas dans la grille de cotation étaient prises en considération et que des points étaient accordés pour celles-ci.  

76 Par exemple, pour la question 5, M. Mezher a d’abord accordé 2,5 points à la personne nommée pour sa réponse, mais a ajouté 1,5 point deux jours plus tard, après avoir lu la réponse de tous les candidats à cette question. M. Mezher a déclaré qu’il avait corrigé toutes les copies deux fois, pas seulement celle de la personne nommée. Dans le cas de la personne nommée, il a expliqué qu’il avait manqué une partie de sa réponse et modifié sa note en conséquence.  

77 Rien ne prouve que cette pratique ait été déraisonnable ou inappropriée ou qu’elle ait fait en sorte, par exemple, que la personne nommée a été traitée différemment des autres candidats en ce qui a trait à la correction de l’examen. Dans les circonstances, le Tribunal conclut que le plaignant n’est pas parvenu à démontrer que les réponses que la personne nommée a données à l’examen écrit avaient été évaluées de façon inappropriée pour cette raison.   

78 Le plaignant soutient également que les réponses données par la personne nommée aux questions 5 et 10 étaient inexactes et ne correspondaient pas aux réponses qui figuraient dans la grille de correction. Selon lui, il s’agissait de questions mathématiques pour lesquelles la personne nommée aurait dû obtenir soit une note parfaite pour une bonne réponse, soit la note de zéro pour une réponse inexacte.   

79 En ce qui concerne les questions 13, 14 et 16, le plaignant avance qu’il s’agissait de questions de connaissances générales et que les réponses que la personne nommée y a fournies ne correspondaient pas aux réponses figurant dans la grille de correction. Selon lui, la personne nommée n’aurait pas dû obtenir la note de passage pour ces questions.

80 Le Tribunal réitère qu’il ne peut pas réévaluer les candidats. Son rôle consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir. Après avoir examiné la correction des réponses de la personne nommée aux questions 5, 10, 13, 14 et 16 que le plaignant a portées à son attention, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir dans cette évaluation.

81 En ce qui concerne la question 5, par exemple, le plaignant affirme que la personne nommée n’aurait pas dû la réussir. La question 5 est ainsi libellée : « Si nous voulions savoir si les titulaires de passeport nés au Canada, aux États-Unis, en Europe et dans d’autres pays ont le même âge, quel test faudrait-il utiliser? » [traduction]. La réponse attendue, comme l’indique la grille de correction, était « analyse de la variance ». M. Mezher a expliqué que la réponse de la personne nommée était équivalente à la réponse attendue, et que c’était la raison pour laquelle il lui avait accordé une note de 4 sur 5. Dans sa réponse, elle avait décrit une équation qui permettait de répondre à la question.  

82 M. Mezher a également expliqué pourquoi la réponse que la personne nommée avait fournie à la question 10 méritait 1 point sur 5. La grille de correction ne contenait pas la réponse fournie, mais le comité a exercé son pouvoir discrétionnaire et a accepté une partie de la réponse parce qu’il la considérait comme adéquate.

83 M. Mezher a également expliqué pourquoi la personne nommée méritait les points qui lui ont été accordés pour les réponses qu’elle avait fournies aux questions 13, 14 et 16, lesquelles évaluaient le raisonnement analytique, l’initiative et le travail d’équipe. Par exemple, pour la question 16, qui portait sur le travail d’équipe, les candidats devaient décrire une équipe dont ils avaient récemment fait partie et les mesures qu’ils avaient prises pour contribuer à sa réussite. Dans sa réponse, la personne nommée a décrit les personnes avec qui elle avait travaillé récemment au sein d’une équipe ainsi que son rôle (comme celui de tenir une discussion ouverte chaque semaine) et a énuméré les principaux comportements à adopter pour bien travailler en équipe. Ces comportements, notamment la mise en commun de renseignements, correspondaient à certains des critères énoncés dans le guide de cotation. M. Mezher a attribué une note de 4 sur 5 à la personne nommée pour sa réponse. Selon M. Mezher, ce qui importait était de déterminer si la personne nommée avait fourni suffisamment de renseignements dans sa description des comportements à adopter pour permettre au comité d’évaluer sa capacité de travailler en équipe. Il estime que le comité disposait de suffisamment de renseignements pour l’évaluer à cet égard.

84 Le Tribunal est convaincu que M. Mezher a fourni une explication raisonnable pour les notes attribuées à la personne nommée pour ses réponses aux questions 5, 10, 13, 14 et 16. La décision d’accepter ou non les réponses qui ne figuraient pas dans la grille de correction relevait du vaste pouvoir discrétionnaire accordé aux gestionnaires en vertu de l’article 36 de la LEFP.   

85 Le Tribunal conclut donc que le plaignant n’est pas parvenu à démontrer que les réponses de la personne nommée n’avaient pas été évaluées de façon appropriée et que la personne nommée n’était pas qualifiée pour le poste.  

Question IV:   L’intimé a-t-il fait preuve de partialité en faveur de la personne nommée?

86 Pour établir s’il y a eu partialité, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y a réellement eu partialité. La crainte raisonnable de partialité peut mener à une constatation d’abus de pouvoir. Voir la décision Denny c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, au paragraphe 125, qui renvoie à l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, 1976 CanLII 2 (SCC), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

87 Dans la décision Gignac c. Sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, le Tribunal a établi que les personnes chargées de l’évaluation dans un processus de nomination ont le devoir de procéder à une évaluation impartiale ne donnant pas lieu à une crainte raisonnable de partialité. Le Tribunal a adapté le critère énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty de manière à ce qu’il s’applique dans un contexte où il y a crainte de partialité relativement à un processus de nomination : si une personne raisonnablement bien renseignée avait une crainte raisonnable de partialité à l’égard d’une ou de plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a eu abus de pouvoir.

88 Le plaignant est d’avis que M. Mezher a fait preuve de partialité en faveur de la personne nommée, car ils ont tous deux étudié en France. De plus, le plaignant estime que M. Mezher a modifié les notes de la personne nommée pour lui permettre de réussir l’examen et l’a nommée même si elle possédait seulement une des deux qualifications constituant un atout décrites dans l’annonce de possibilité d’emploi et dans l’ECM. D’après le plaignant, la personne nommée n’aurait pas dû être retenue à la présélection, ni obtenir la note de passage à l’examen, ni être nommée au poste. Le plaignant affirme que M. Mezher a omis de se demander si le processus de nomination paraîtrait équitable aux yeux de tous.

89 M. Mezher a déclaré que la personne nommée était originaire d’Algérie. Il a confirmé qu’il ne la connaissait pas avant le début du processus de nomination. Selon sa demande, elle a obtenu une maîtrise en statistique de l’Université Carleton ainsi qu’une maîtrise en mathématiques appliquées de l’Institut national des sciences appliquées de Toulouse, en France, en 1998. M. Mezher a affirmé que bien qu’il a aussi étudié en France à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ce n’était ni pendant la même période, ni dans la même ville que la personne nommée. En effet, il a étudié à Paris, et c’était presque deux décennies avant que la personne nommée accomplisse ses études.   

90 M. Mezher a également expliqué qu’il a corrigé toutes les copies d’examen deux fois afin d’assurer l’uniformité, pas seulement celle de la personne nommée. Il a ajouté que pour que leur candidature soit retenue, les candidats devaient montrer qu’ils possédaient les qualifications liées aux études et à l’expérience et qu’ils possédaient au moins une des deux qualifications constituant un atout. Il a déclaré que dans sa demande, la personne nommée avait démontré qu’elle possédait les qualifications liées aux études et à l’expérience et qu’elle possédait une expérience de l’utilisation du logiciel SAS, ce qui constituait une des deux qualifications constituant un atout.   

91 Aucune preuve concrète de partialité n’a été présentée en l’espèce. Le Tribunal a examiné les éléments de preuve dont il disposait afin de déterminer s’ils étayent une constatation de crainte raisonnable de partialité. Il juge qu’une personne raisonnablement bien informée n’en viendrait pas à la conclusion que l’intimé a fait preuve de partialité en faveur de la personne nommée à partir de ces faits.  

92 Le Tribunal conclut donc que le plaignant n’est pas parvenu à démontrer qu’il y avait partialité ou crainte raisonnable de partialité de la part de M. Mezher en faveur de la personne nommée dans ce processus de nomination.  

Décision

93 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

Nathalie Daigle

Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-1207
Intitulé de la cause :
Paul Abi-Mansour et le président-directeur général de Passeport Canada
Audience :
Les 7, 8 et 24 avril 2014
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 22 juillet 2014

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant :
Paul Abi-Mansour
Pour l’intimé :
Joshua Alcock
Pour la Commission
de la fonction publique :
Louise Bard
(observations écrites)
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.