Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que l'intimé avait abusé son pouvoir en évaluant ses qualités personnelles. Le plaignant devait compléter un formulaire intitulé « Vérification des qualités personnelles ». Les exemples qu'il avait fournis devaient être validés par sa gestionnaire et elle devait fournir une évaluation qui reflétait le rendement global de ce dernier à l'égard de chacune des qualités personnelles. Le plaignant a soutenu que la référence fournie par sa gestionnaire n'était pas fiable car elle n'avait pas suivi les instructions données aux répondants en omettant de valider ses exemples, qu'elle n'était pas impartiale à son égard et que ses observations étaient basées sur des données qui n'étaient pas justifiées puisqu'ils étaient en situation de conflit tous les deux. Le plaignant avait informé le comité d'évaluation de ce conflit dans le cadre de sa discussion informelle. Le comité lui avait donc conseillé de communiquer avec sa répondante afin de lui demander de reconsidérer sa référence. Le plaignant l'a fait, mais sa répondante n'a pas modifié sa référence. Lors de l'évaluation, le comité avait décidé d'évaluer l'ensemble des informations soumises par les candidats et les gestionnaires, peu importe que les répondants n'aient pas confirmé ou infirmé les informations données par les candidats. Le comité d'évaluation avait également oublié d'évaluer les exemples fournis par le plaignant. Décision : Le formulaire de vérification des qualités personnelles était le seul outil utilisé pour l'évaluation des qualités personnelles des candidats, donc puisque la répondante avais omis de valider les exemples donnés par le plaignant, le comité aurait dû lui demander de fournir l'information manquante puisqu'il lui manquait une partie de l'information nécessaire pour l'évaluer. Malgré le fait que le comité avait constaté que des informations étaient manquantes, il a poursuivi son évaluation sur la base d'informations incomplètes. La Commission a donc conclu que le comité avait omis de prendre des mesures raisonnables pour obtenir de la répondante tous les renseignements requis pour l'évaluation du plaignant et que cela s'agissait d'une faille importante dans la méthode d'évaluation. En ce qui a trait à la partialité négative alléguée de la répondante, la Commission a indiqué que le comité ne pouvait laisser au plaignant le soin de corriger cette situation par lui-même. Le comité avait l'obligation de tenir compte de tout élément qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par la répondante. Il aurait donc dû prendre des mesures raisonnables pour s'assurer que sa référence était fiable. Cela s'agissait d'une autre faille importante dans la méthode d'évaluation. De plus, l'oublie de la part du comité d'évaluation d'évaluer les exemples du plaignant s'agissait d'une troisième faille dans la méthode d'évaluation. Selon la Commission, les trois failles étaient graves et culminaient en un abus de pouvoir. Plainte accueillie. Ordonnance : La Commission a ordonné à l'intimé de réévaluer les qualifications personnelles du plaignant. La Commission a également ordonné qu'une autre personne que la gestionnaire en question agisse comme répondante pour le plaignant.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et Loi sur l'emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150112
  • Dossier: 2013-2789
  • Référence: 2015 CRTEFP 6

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

TED LAVIOLETTE

Plaignant

et

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

Intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Laviolette c. Commissaire du Service correctionnel du Canada

Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Décision:
La plainte est accueillie
Devant:
Nathalie Daigle, commissaire
Pour le plaignant:
Serge Dubord
Pour l'intimé:
Magdalena Persoiu
Pour la Commission de la fonction publique:
Luc Savard (observations écrites)
Affaire entendue à Montréal (Québec)
les 24 et 25 septembre 2014.

Introduction

1Ted Laviolette, le plaignant, a posé sa candidature pour un poste d'agent de correction aux groupe et niveau CX-02 à Service correctionnel Canada (SCC). Sa candidature a été rejetée à l'étape de l'évaluation des qualités personnelles. Le plaignant soutient que le commissaire du SCC, l'intimé, a abusé de son pouvoir en ne l'évaluant pas correctement et en rejetant sa candidature.

2L'intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans la conduite du processus de nomination et dans l'évaluation des qualifications du plaignant.

3La Commission de la fonction publique (CFP) n'était pas présente lors de l'audience, mais elle a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables. Elle n'a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

4Cette plainte a été entendue par le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) les 24 et 25 septembre 2014.  Le 1 novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2013, ch. 40, art. 365est entrée en vigueur et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la Commission).Cette nouvelle commissionremplace le Tribunal et la Commission des relations de travail dans la fonction publique et est responsable du traitement des plaintes déposées en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).  Par conséquent, cette décision est rendue par la Commission.

5Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est accueillie. La Commission conclut que la preuve démontre que l'intimé a abusé de son pouvoir en évaluant les qualités personnelles du plaignant dans ce processus.

Contexte

6En novembre 2012, l'intimé a commencé un processus  de nomination interne annoncé pour doter divers postes d'agents de correction II (CX-02) pour les établissements de la région du Québec.

7Le plaignant a posé sa candidature au processus annoncé.

8Le comité d'évaluation était composé de Micheline Beaubien, Directrice adjointe des interventions au Centre fédéral de formation à Laval, et de Claude Bérard, dont le titre n'a pas été précisé.

9Mme Beaubien a affirmé que 455 candidats ont postulé pour les postes d'agents de correction II dans la région du Québec. De ces 455 candidats, 425 d'entre eux ont passé l'étape de la présélection. Environ 350 candidats se sont, par la suite, présentés à l'examen des connaissances. De ces 350 candidats, environ 200 d'entre eux ont réussi cet examen et ont été invités à passer l'examen des capacités. Environ 150 candidats ont réussi l'examen des capacités. Une vérification des qualités personnelles a alors été faite pour chacun de ces candidats.  Le formulaire intitulé « Vérification des qualités personnelles » a alors été rempli par chacun des candidats et leur gestionnaire.

10Le comité d'évaluation a conclu que le plaignant ne possédait pas une des qualifications personnelles essentielles requises pour ce poste, soit le respect. Sa candidature a donc été éliminée du processus.

11 Les candidats qualifiés à l'issue du processus de sélection ont été ajoutés à des bassins et ces bassins servent pour des nominations indéterminées et intérimaires.

12Le 23 décembre 2013, le plaignant a présenté une plainte d'abus de pouvoir au Tribunal en vertu de l'art. 77(1)a) de la LEFP.

Question en litige

L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en évaluant les qualités personnelles du plaignant?

Abus de pouvoir et fardeau de la preuve

13L'article 77(1) de la LEFP prévoit que la personne qui est dans la zone de recours peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou fait l'objet d'une proposition de nomination en raison d'un abus de pouvoir. Comme il est indiqué dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au paragraphe 66, « […] l'abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non ». Le plaignant a le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu un abus de pouvoir.

Preuve

14Le plaignant est agent de correction I, aux groupe et niveau CX-01, depuis 2005. Lorsque le présent processus de dotation a été initié, il a soumis sa candidature pour un poste d'agent de correction II. Il a franchi avec succès les trois premières étapes du processus, mais sa candidature a été rejetée à la dernière étape, lors d'une vérification des références. Sylvie Robitaille, Gestionnaire correctionnel, était sa répondante. Les candidats ne pouvaient pas choisir leur répondant dans ce processus, puisque ces derniers étaient sélectionnés par les directeurs des établissements où les candidats travaillent.

15Le plaignant soutient que la référence fournie par sa gestionnaire, Mme Robitaille, n'était pas fiable pour diverses raisons.  Il indique que Mme Robitaille n'a pas suivi les instructions données aux répondants en omettant d'évaluer ses exemples,  qu'elle n'était pas impartiale à son égard et que ses observations étaient basées sur des données qui ne sont pas justifiées.

16Le plaignant fait valoir que le comité d'évaluation avait des raisons de douter de la validité des observations de sa répondante puisque: (1) sa répondante n'a pas respecté les instructions données aux répondants puisqu'elle a omis d'évaluer les six exemples qu'il a donnés; et (2) il a informé les membres du comité que sa répondante n'était pas impartiale à son égard et que ses observations étaient basées sur des données qui ne sont pas justifiées.

17Les faits qui suivent permettent de brosser le portrait de la situation.

(1) La répondante a-t-elle respecté les instructions données aux répondants?

18Afin d'évaluer les qualités personnelles des candidats, le comité d'évaluation a demandé aux candidats de compléter un formulaire de vérification des qualités personnelles. Des consignes précises ont été données aux candidats. Ces derniers devaient fournir des exemples concrets de situations où ils avaient démontré qu'ils rencontraient les qualifications suivantes : (1) respect; (2) désir d'apprendre et de changer; (3) intégrité; (4) soucie d'obtenir des résultats; (5) esprit d'équipe; et (6) sensibilité à la diversité. Le formulaire informait les candidats de ce qui suit : « il est impératif que vos réponses soient appuyées par des exemples concrets de faits et d'incidents que vous avez personnellement vécus dans le cadre de votre travail et qui peuvent être corroborés par un gestionnaire ». Une fois le formulaire complété, les candidats devaient le remettre à leur gestionnaire.

19Par la suite, les gestionnaires devaient présenter leur propre évaluation des qualités personnelles des candidats de la façon suivante : (1) en confirmant ou infirmant les informations présentées par le candidat; et (2) en présentant une évaluation qui reflète le rendement global du candidat à l'égard de chacune des qualités personnelles évaluées. Les consignes énoncées dans le formulaire de référence se lisent comme suit :

Une section est prévue à la suite de chacune des réponses du candidat pour vous permettre de présenter votre propre évaluation. En plus de confirmer ou d'infirmer les informations présentées par le candidat, vous devrez présenter une évaluation qui reflète son rendement global à l'égard de chacune des qualités personnelles évaluées.

Si vous n'êtes pas en mesure de valider certains exemples fournis par le candidat, mais que l'un de vos collègues peut le faire parce qu'il en a été témoin, ce dernier devrait être invité à inscrire des commentaires sur le formulaire en s'identifiant clairement et en signant la partie qu'il a rempli. S'il lui est impossible de le faire dans les délais prescrits, vous pourriez vous-même inscrire sur le formulaire d'évaluation le nom de ce gestionnaire, la date à laquelle il vous a confirmé l'exemple en question et ses commentaires. Cela permettra au comité d'évaluer de façon juste les exemples fournis par le candidat.

(soulignement dans le texte original)

20Le plaignant, en l'espèce, a rempli le formulaire et fourni les exemples demandés. La question posée pour évaluer si les candidats possédaient la qualification respect était la suivante : « Décrivez, à l'aide d'exemples concrets, la manière dont vous interagissez avec les délinquants, vos collègues de travail et vos superviseurs. » Pour répondre à cette question, le plaignant a décrit une situation où un détenu avait revendiqué, lors de la livraison des repas, un repas hallal étant donné qu'il avait reçu l'autorisation de recevoir de tels repas plutôt que des repas traditionnels. Le plaignant expliquait, dans son exemple, qu'il avait demandé au détenu de lui accorder une vingtaine de minutes pour qu'il puisse se renseigner à ce sujet. Après avoir effectué une recherche dans le dossier du détenu, puis contacté un gestionnaire, ainsi que le département de la cuisine, le plaignant avait découvert que le détenu avait effectivement droit à un menu hallal mais que l'autorisation avait été envoyée par erreur à une autre unité de détention. Le plaignant avait donc fait transférer l'autorisation de diète hallal du détenu et le problème avait été résolu. Le plaignant avait, un peu plus tard, apporté le repas hallal au détenu et lui avait expliqué la raison de l'erreur. 

21Lorsque la répondante du plaignant a rempli sa partie du formulaire, elle n'a pas confirmé ou infirmé les informations qu'il a présentées. En ce qui concerne la qualité respect, par exemple, elle a plutôt donné ses propres exemples de « mises au point » qu'elle indiquait avoir dû faire avec lui. Son commentaire était le suivant :

Monsieur Laviolette est un agent respectueux et polie (sic). Il a été en mesure de démontrer certaines de ses capacités en occupant le poste de la porte principale où il était la première personne qui accueillait les visiteurs et les membres du personnel. Il appliquait les règles de sécurité à l'entrée, mais quelques rencontres de mise au point ont eu lieu afin de recadrer l'employé par rapport à ce qu'on s'attend de l'agent à l'entrée principale. Voici des exemples de mise au point avec l'employé : de porter son uniforme convenablement, de ne pas manger son déjeuner sur son poste pendant l'entrée massive du personnel et d'effectuer le paiement de ses factures personnelles sur les heures de travail n'a pas sa place. Par contre, que l'agent arbore une attitude positive où (sic) même juste un sourire à l'entrée aurait été apprécié, mais ce qui n'était pas toujours le cas.

22Elle a également écrit ce qui suit au sujet du travail de mentor du plaignant :

Par ailleurs, Monsieur Laviolette a été mentor pour les nouveaux agents arrivant du collège du personnel ainsi que pour les agents ayant muté à notre établissement. Il effectuait cette tâche correctement, la plupart du temps. Il a été porté à mon attention que Monsieur Laviolette laissait l'agent de formation à un autre membre du personnel pour de courtes période et ce, sans en avoir préalablement avisé le gestionnaire. Aussi, une autre journée où il devait être mentorat avec un nouvel agent, il a omis d'aviser le gestionnaire qu'il serait en retard d'une heure à l'établissement et l'agent s'est retrouvé seul dans la salle des fonctionnaires, car il n'y avait aucun autre mentor en établissement pour prendre l'agent en charge.

23Lors de l'audience, Mme Robitaille a reconnu n'avoir ni confirmé ni infirmé les six exemples donnés par le plaignant de faits ou d'incidents qu'il a vécus dans le cadre de son travail et qui démontraient, selon lui, qu'il possédait les qualités personnelles requises pour le poste. Elle a dit qu'elle croyait l'avoir fait mais qu'elle a oublié de le faire. Mme Robitaille a cependant affirmé avoir confirmé ou infirmé les exemples donnés par les autres candidats pour lesquelles elle agissait comme répondante. Dans le cas du plaignant, il s'agissait d'un oubli de sa part qu'elle dit ne pouvoir expliquer autrement.

24Le plaignant fait aussi valoir que Mme Robitaille n'a pas présenté une évaluation qui reflète son rendement global, tel que demandé dans le formulaire. Selon lui, elle lui reproche plutôt des fautes qu'il n'a pas commises et qui ne sont pas fondées sur des faits véridiques.

25Au sujet du rendement global du plaignant, Mme Robitaille a précisé que ce dernier n'avait pas de problèmes de rendement, puisqu'il effectuait toutes ses tâches, mais qu'il avait un problème « d'enlignement » et que c'est pourquoi sa référence est centrée sur les difficultés qu'il devait corriger.

 (2) Les membres du comité étaient-ils au fait que, selon le plaignant, sa répondante n'était pas impartiale à son égard et que ses observations étaient basées sur des données qui ne sont pas justifiées?

26Lorsque Mme Beaubien et M. Bérard ont examiné le formulaire du plaignant, ils ont constaté que la répondante, Mme Robitaille, n'avait ni confirmé ni infirmé les exemples qu'il avait donnés. Mme Beaubien a affirmé qu'il était fréquent que des superviseurs omettent de confirmer ou d'infirmer les informations données par les candidats. Ces superviseurs offraient plutôt leurs propres exemples des comportements adoptés par les candidats pour chacune des qualifications évaluées. Le comité s'est questionné au sujet de la meilleure approche à adopter étant donné la situation et a consulté la section des ressources humaines à ce sujet.   Après cette consultation, il a été convenu que le comité d'évaluation évaluerait l'ensemble des informations soumises par les candidats et les gestionnaires, peu importe que les répondants n'aient pas confirmé ou infirmé les informations données par les candidats.

27Mme Beaubien a expliqué que le comité a évalué le formulaire du plaignant et lui a accordé une note de 2 sur 5 pour la qualification respect, alors que la note de passage était de 3 sur 5. M. Bérard a inscrit la note suivante sur la fiche d'évaluation du plaignant pour justifier cette note:

La gestionnaire correctionnel émet le commentaire que le candidat est "un agent  respectueux et polie (sic)." Toutefois, les exemples qu'elle fournie (sic) démontre (sic) le contraire et des lacunes importantes à ce niveau.

28Puisque le plaignant n'a pas obtenu la note de passage pour cette qualification, le comité d'évaluation n'a pas jugé nécessaire d'accorder un pointage aux cinq autres qualités personnelles qui restaient (désir d'apprendre et de changer, intégrité, souci d'obtenir des résultats, esprit d'équipe et sensibilité à la diversité).

29Pour la qualification respect, un examen du formulaire du plaignant démontre que les commentaires rédigés par la répondante ont été corrigés. Un membre du comité d'évaluation a repéré dans ces commentaires un des quatre sous-critères recherchés. Les sous-critères recherchés pour la qualification respect étaient les suivants: (1) Cherche à comprendre le point de vue des autres avant de porter un jugement; (2) Interagit de manière polie, courtoise et appropriée; (3) Se conforme aux règlements ainsi qu'aux normes et aux limites établies par l'organisation; et (4) A une attitude positive et constructive à l'égard de l'organisation.

30Mme Beaubien a précisé que le comité devait aussi repérer dans les exemples donnés par les candidats, les sous-critères recherchés pour chaque qualification.  Les sous-critères qui étaient satisfaits devaient alors être notés dans la marge à côté des exemples des candidats. Dans le formulaire du plaignant, toutefois, auprès de son exemple pour la qualification respect, rien n'a été noté. Mme Beaubien n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi. Elle a dit qu'il s'agissait probablement d'un oubli de la part du comité. Mme Beaubien a précisé à l'audience que bien que le comité n'a pas évalué les exemples du plaignant, cela était somme toute sans importance puisque les éléments d'information soumis par Mme Robitaille étaient suffisants pour que le comité puisse conclure que certaines lacunes importantes avaient été identifiées, donc que peu de sous-critères n'étaient satisfaits.

31Le plaignant fait valoir qu'il a informé les membres du comité que la répondante n'était pas impartiale à son égard et que ses observations n'étaient pas fiables. Il a expliqué au comité que Mme Robitaille a vraisemblablement formulé les commentaires négatifs le concernant puisqu'ils étaient en situation de conflit tous les deux.

32Il a expliqué à l'audience que leur relation s'est détériorée à la suite d'une discussion houleuse qu'il a eue avec elle quelques semaines avant qu'elle n'agisse comme sa répondante. Cette discussion houleuse est survenue lorsqu'il a contesté son rapport d'évaluation de rendement. Selon lui, lorsqu'il est venu la voir pour lui parler de son évaluation de rendement, elle lui a répondu qu'elle n'avait pas de temps à lui accorder et que s'il n'était pas d'accord avec son évaluation, il pouvait déposer un grief. Le ton a monté lors de cette discussion et un tiers est venu vérifier si tout était correct. Le plaignant s'est dit surpris par l'attitude rigide de sa gestionnnaire lors de cette rencontre. Cette dernière était sa gestionnaire depuis deux ans et son autre évaluation de rendement avait été positive. Elle l'avait même aidé à réussir le processus pour être accepté comme agent négociateur. Cette discussion houleuse a cependant fait basculer leur bonne entente et ils ne se sont plus adressé la parole à partir de cet incident.  Le plaignant a, aussi, déposé un grief concernant son rapport d'évaluation de rendement, grief qui a été partiellement accueilli.  Le directeur de l'établissement a demandé à Mme Robitaille d'agir comme répondante pour le plaignant quelques semaines après qu'il eut déposé son grief.

33Mme Robitaille a confirmé  que le plaignant ne lui a plus adressé la parole suite à cette discussion houleuse et qu'il a déposé un grief au sujet de son évaluation de rendement. Puisque le grief a été partiellement accueilli, elle a expliqué qu'elle a dû fournir plus de précisions dans l'évaluation de rendement du plaignant.

34Ce n'est qu'après avoir été informé de son échec pour la qualification personnelle respect que le plaignant a informé le comité d'évaluation de ce conflit entre lui et sa gestionnaire. Il a expliqué que lorsqu'il a soumis ses exemples qui devaient être utilisés pour évaluer ses qualités personnelles, il était au courant que Mme Robitaille agirait comme sa répondante. Il avait estimé, toutefois, qu'elle offrirait une référence neutre, équitable et basée sur son rendement global malgré leur querelle, étant donné leur historique de travail ensemble. Il ne s'est donc pas objecté à ce moment-là à ce qu'elle agisse comme sa répondante.

35C'est dans le cadre de la discussion informelle que le plaignant a informé le comité d'évaluation du conflit entre lui et sa répondante. Les membres du comité lui ont alors conseillé de communiquer le plus rapidement possible avec cette dernière afin de lui demander de reconsidérer sa référence. À ce moment-là, la période d'évaluation n'était pas encore close.

36Mme Beaubien a confirmé qu'elle et M. Bérard ont effectivement rencontré le plaignant, à sa demande, dans le cadre de la discussion informelle. Mme Beaubien a expliqué que le plaignant a alors pris connaissance de la référence négative donnée par sa répondante. Selon elle, ce dernier a visiblement été surpris par les commentaires formulés par sa gestionnaire. Il a alors informé le comité du conflit qui l'opposait à sa gestionnaire et a insisté sur le fait que l'information donnée par sa répondante était inexacte. Mme Beaubien a expliqué au plaignant que le comité était lié par cette information et que si la note de 2 sur 5 qu'il avait reçue pour la qualification respect n'était pas justifiée, il devait en parler à sa gestionnaire. Selon Mme Beaubien, le comité aurait alors probablement pu reconsidérer sa décision de lui accorder la note de 2 sur 5 si Mme Robitaille avait modifié ses commentaires.

37Une fois que le plaignant a informé Mme Robitaille qu'il désirait la rencontrer, cette dernière a demandé à une conseillère de la section des ressources humaines si elle pouvait le faire. La conseillère lui a répondu par l'affirmative et l'a avisée qu'elle pouvait reconsidérer ses observations mais qu'il appartiendrait au comité d'évaluation de décider s'il prendrait les nouvelles informations en considération.

38Puisque le plaignant était en congé de travail prolongé, Mme Robitaille a accepté de le rencontrer ailleurs que dans l'établissement. Ils se sont donc rencontrés dans un restaurant le 8 juillet 2013.  Le plaignant lui a alors demandé de reconsidérer ses commentaires. Il a compris, lors de cette rencontre, qu'elle le ferait et qu'elle corrigerait les lacunes qu'il avait identifiées. Il a donc espéré qu'elle rétablirait les faits et ne lui reprocherait plus des fautes qu'il n'avait pas commises.

39En date du 24 juillet 2013, puisque le plaignant n'avait reçu aucune nouvelle de sa gestionnaire, il prit l'initiative de lui écrire pour lui demander si elle avait réexaminé ses commentaires. Plus tard au cours de la même journée, il a reçu un avis de la section des ressources humaines l'informant que les étapes d'évaluation du processus étaient dorénavant terminées et qu'aucune nouvelle information ne pouvait plus être acceptée par le comité d'évaluation.

40Deux jours plus tard, soit le 26 juillet 2013, Mme Robitaille a envoyé un courriel au plaignant afin de l'informer qu'elle avait pris le temps de relire ses commentaires à son égard mais qu'elle ne désirait pas les modifier. Son courriel se lisait comme suit :

Suite à notre discussion, j'ai pris le temps de relire, la tête reposée, l'évaluation que j'ai produit (sic) dans le cadre du processus d'AC-II. Malheureusement, je suis persuadée que mon évaluation était très clair (sic) et qu'aucune autre information n'aurait pu être apporté (sic) pour éclaircir celle-ci.

41Le plaignant a souligné à l'audience que la référence de Mme Robitaille n'était pas fiable puisque ses critiques étaient, en grande partie, basées sur des faits qui sont inexacts.  Les gestes reprochés au plaignant par la répondante dans sa référence sont résumés dans les prochains paragraphes.

(a)  Rencontres pour « recadrer » le plaignant

42Mme Robitaille a écrit dans ses commentaires que le plaignant applique les règles de sécurité à l'entrée, mais que quelques rencontres de mise au point ont été nécessaires dans le passé afin de « le recadrer par rapport à ce qu'on s'attend de l'agent à l'entrée principale ».

43Le plaignant fait valoir que sa gestionnaire ne l'a jamais rencontré aux fins de le «recadrer par rapport à ce qu'on s'attend de l'agent à l'entrée principale». Il a aussi affirmé qu'il n'a jamais été informé que sa façon d'effectuer le contrôle des entrées et sorties des personnes et des véhicules en établissement était problématique. Il a déposé en preuve plusieurs politiques qui établissent les normes à suivre pour contrôler les entrées et sorties des établissements. Il soutient  qu'il applique rigoureusement ces politiques et qu'il effectue son travail adéquatement.

44Mme Robitaille a affirmé à l'audience que le plaignant effectue effectivement toutes ses tâches correctement, mais que des mises au point ont parfois été nécessaires dans le passé. Mme Robitaille n'a pas été en mesure de préciser, toutefois, les raisons et le moment de ces mises au point, ni le nombre de fois que ces mises au point avaient été faites.

(b)  Port de l'uniforme

45Le plaignant a expliqué que son travail habituel est de réaliser des fouilles de sûreté des personnes et des véhicules pendant l'entrée massive du personnel.  Selon lui, il porte convenablement son uniforme au travail. Il porte son grade de CX-01 tel qu'exigé. Lorsqu'il remplace le titulaire du poste CX-02, cependant, il dit enlever son grade de CX-01, qui est épinglé à son épaule, puisque les grades permettent d'identifier les tâches que les agents doivent accomplir.  En d'autres mots, il a expliqué qu'il porte son grade de CX-01 lorsqu'il effectue les fouilles de sécurité mais qu'il l'enlève lorsqu'il doit enregistrer les visiteurs en remplacement du détenteur du poste CX-02.

46Lorsque Mme Robitaille a expliqué pourquoi elle avait écrit ce commentaire concernant le port de l'uniforme du plaignant, elle a mentionné qu'elle l'avait déjà vu au travail à une occasion avec sa chemise à l'extérieur du pantalon. Elle a aussi affirmé  qu'une fois il ne chaussait pas ses bottes comme il aurait dû le faire. Le plaignant a affirmé n'avoir jamais porté sa chemise ainsi et ne pas se souvenir d'avoir négligé de porter ses bottes lorsqu'il était en fonction. Il maintient n'avoir jamais eu l'air délabré au travail. Si sa chemise était sortie de son pantalon, a-t-il affirmé, c'est peut-être qu'il sortait de la salle des toilettes et qu'il ne s'en était pas aperçu. Lorsque Mme Robitaille a été questionnée à savoir si cela était possible, elle a reconnu que cela était en effet possible. De même, elle a reconnu qu'il était possible que le plaignant ne portait pas ses bottes à un moment donné puisqu'il venait d'arriver au travail.

(c)  Déjeuner

47Le plaignant a indiqué qu'il n'a jamais pris son petit déjeuner sur son poste pendant l'entrée massive du personnel. Il soutient que cela serait impossible puisque pendant l'entrée massive du personnel, entre 7h00 et 9h00 le matin, une importante cohorte de personnes entre dans l'institution.  Il doit alors réaliser des fouilles de sûreté des personnes, tels que les employés et les contracteurs, et des véhicules à l'extérieur. Il explique qu'il n'a pas un seul instant de répit et qu'il reçoit même de l'aide, à l'occasion, lorsqu'il ne fournit pas à la tâche.

48Par contre, Mme Robitaille dit l'avoir vu à quelques reprises manger des rôties. Elle a dit ne pas être certaine, toutefois, si cela s'est produit alors qu'il effectuait des fouilles de sécurité à titre de CX-01 ou lorsqu'il enregistrait les visiteurs à titre de CX-02 puisqu'à certains moments, il ne portait pas son grade de CX-01 sur l'épaule.

(d)  Paiement de factures personnelles

49Le plaignant a affirmé qu'il n'a tout simplement jamais effectué le paiement de ses factures personnelles sur ses heures de travail.

50Mme Robitaille a reconnu n'avoir jamais vu le plaignant effectuer le paiement de ses factures personnelles sur ses heures de travail. Cependant, elle a dit que la sous-directrice de l'institution lui a envoyé un courriel dans le passé pour l'informer qu'elle avait vu le plaignant effectuer le paiement de ses factures personnelles sur ses heures de travail. Mme Robitaille a reconnu ne pas avoir précisé dans le formulaire que ce commentaire ne venait pas d'elle mais d'une tierce personne.

51Dans les cas où les répondants n'étaient pas en mesure de valider certains exemples fournis par les candidats, une marche à suivre était prévue dans le formulaire. Un autre gestionnaire pouvait inscrire des commentaires dans le formulaire en s'identifiant clairement.  Selon le plaignant, la répondante aurait pu, ici, de façon similaire, préciser que cette information lui avait été rapportée, mais son commentaire est muet sur ce point. Selon lui, la répondante aurait pu, à tout le moins, reconnaitre que ce geste ne reflétait pas son rendement global, puisqu'il insiste qu'il n'a jamais effectué le paiement de ses factures personnelles sur ses heures de travail.

(e)  Absence de sourire

52Le plaignant a expliqué qu'il est une personne joviale mais que lorsqu'il réalise des fouilles de sécurités des personnes et des véhicules, il fait preuve d'une certaine retenue et ne sourit pas. Cependant, il dit se comporter de façon respectueuse, polie et professionnelle. Il a affirmé ne jamais avoir été avisé que son attitude n'était pas adéquate. Il a déposé en preuve une politique qui porte sur le besoin de sécurité accrue à l'entrée principale, aussi appelée la poterne. Il a affirmé appliquer consciencieusement cette politique.

53Le plaignant a demandé à Mme Robitaille à l'audience pourquoi elle avait écrit qu'une attitude positive de sa part ou même juste un sourire à l'entrée aurait été apprécié. Elle n'a pas répondu directement à la question.  Elle a dit  qu'elle avait fait de son mieux, dans le passé, pour l'encourager dans son travail mais que son comportement, en général, ne s'était pas amélioré avec le temps. Le plaignant lui a alors demandé pourquoi elle l'avait aidé à obtenir le titre d'agent négociateur dans les situations d'urgence, si son comportement n'était pas approprié, étant donné que seuls les agents les plus doués peuvent devenir de tels négociateurs. Mme Robitaille a répondu qu'elle était au courant que le plaignant avait suivi une formation de négociateur mais qu'elle ignorait s'il avait reçu la désignation de négociateur dans les situations d'urgence. Le plaignant est resté incrédule au regard de cette affirmation étant donné qu'il avait affirmé, lors de son témoignage, être un agent négociateur depuis deux ans.

54La Commission note que Mme Robitaille a elle-même inscrit sous la qualification « désir d'apprendre et de changer » que le plaignant est un agent négociateur dans les situations d'urgence depuis  deux ans. Mme Robitaille écrivait à cet endroit ce qui suit :

Par ailleurs, Monsieur Laviolette est un agent négociateur depuis 2 ans. Lors de sa dernière recertification, les instructeurs ont aussi reconnu qu'il avait une bonne maîtrise de soi lors de simulation d'urgence. Ces (sic) caractéristique a aussi été relevée lors de situation (sic) d'urgence en établissement.

(f)    Mentorat

55Le plaignant a expliqué avoir agi comme mentor une dizaine de fois.  Il dément effectuer cette tâche correctement que « la plupart du temps ».  En particulier, Mme Robitaille lui reproche d'avoir, dans le passé, permis aux stagiaires qu'il forme d'échanger et de travailler avec d'autres agents en fonction. Le plaignant maintient que cette pratique est cependant courante et qu'elle est bénéfique pour les stagiaires puisqu'ils peuvent ainsi obtenir une vision plus large du rôle d'agent en établissement. De plus, il explique que, contrairement à ce que Mme Robitaille écrit, il n'a jamais « omis d'aviser le gestionnaire qu'il serait en retard d'une heure à l'établissement » un matin, de sorte qu'un agent en formation s'est retrouvé seul dans une salle puisqu'aucun autre mentor ne pouvait le prendre en charge.  Il a affirmé que Mme Robitaille a présumé qu'il était en retard d'une heure ce matin-là mais que la réalité est toute autre. Cette journée-là, a-t-il expliqué, il était convenu que son stagiaire et lui commenceraient une heure plus tard afin que son stagiaire puisse participer à une ronde sécuritaire des clôtures qui s'effectuait en fin d'après-midi. Selon le plaignant, son stagiaire est arrivé à la même heure que d'habitude pour des raisons personnelles mais il était entendu que son travail ne débuterait qu'une heure plus tard.

56Mme Robitaille a reconnu ne pas connaitre tous ces faits, mais a affirmé que de toute façon, elle avait dû cesser d'assigner le rôle de mentor au plaignant puisqu'il n'offrait plus une formation adéquate aux stagiaires. Pourtant, selon la référence qu'elle a donné au plaignant pour la qualification « esprit d'équipe », ce serait ce dernier qui aurait décidé de cesser d'agir comme mentor, et non elle qui aurait cessé de lui assigner ce rôle.  Mme Robitaille écrivait ce qui suit pour cette qualification :

Monsieur Laviolette s'adapte bien à l'endroit où il est affecté et avec les gens avec lesquels il est appelé à travailler. Dans l'équipe de mentor qu'il a décidé de quitter en septembre dernier, il a démontré certaines de ses capacités de travail d'équipe.

[c'est nous qui soulignons]

Analyse

57La Commission souligne que son rôle n'est pas de réévaluer le plaignant mais de déterminer s'il y a eu abus de pouvoir dans ce processus de nomination. Voir, par exemple, la décision Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 20.

58L'article 36 de la LEFP confère un pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires délégataires pour ce qui est du choix et de l'utilisation des méthodes d'évaluation. Il ne s'agit toutefois pas d'un pouvoir absolu. Par conséquent, la Commission peut conclure qu'il y a abus de pouvoir si, par exemple, il est établi qu'il existe une faille fondamentale dans la méthode d'évaluation. Le pouvoir discrétionnaire accordé au comité d'évaluation n'est pas absolu non plus; en effet, le comité doit l'exercer conformément à la nature et à l'objet de la LEFP. Voir la décision Bowman c. Sousministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 12, aux para. 121 à 123.

(a)  Informations manquantes

59Le plaignant allègue, en premier lieu, que le comité a omis de prendre des mesures raisonnables pour obtenir tous les renseignements requis de sa répondante.

60Dans l'affaire Raymond c. Statisticien en chef du Canada, 2013 TDFP 25, l'ancien Tribunal a conclu que le comité d'évaluation avait omis de prendre des mesures raisonnables pour obtenir tous les renseignements requis pour l'évaluation du plaignant et qu'il s'agissait d'une faille importante. Le comité d'évaluation, dans l'affaire Raymond, s'était fondé sur des commentaires de validations non fiables et erronés d'un gestionnaire qui avait fourni de l'information dans un processus de la même manière que le ferait un répondant.

61Les questions dans le formulaire auxquelles devaient répondre les candidats avaient pour but d'évaluer si les candidats possédaient les qualités personnelles requises pour le poste d'agent de correction II. Le formulaire précisait que les candidats devaient fournir des réponses détaillées, complètes et directement reliées aux questions posées. Le plaignant, en l'espèce, a complété le formulaire en répondant aux six questions et en fournissant des exemples de faits ou d'incidents qu'il a vécus dans le cadre de son travail et qui démontraient, selon lui, qu'il possédait les qualités personnelles requises pour le poste. Sa répondante, toutefois, n'a pas pris la peine de valider ou d'infirmer ces informations. Elle a plutôt présenté une évaluation qui comporte de nombreux exemples de fautes qu'il aurait commises.

62Le comité a constaté que plusieurs répondants, dont Mme Robitaille, n'avaient pas pris la peine de valider ou d'infirmer les exemples donnés par les candidats. Nonobstant ces omissions de la part de certains répondants, le comité a choisi de poursuivre l'évaluation des candidats, en se basant sur l'ensemble de l'information reçue.

63À la lumière des éléments de preuve dont elle dispose, la Commission juge que le comité n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière adéquate en ne prenant pas de mesures supplémentaires pour obtenir les informations requises de Mme Robitaille. Le formulaire de vérification des références était le seul outil utilisé pour l'évaluation des qualités personnelles des candidats. Dans le présent cas, puisque Mme Robitaille avait omis de confirmer ou d'infirmer les exemples donnés par le plaignant, le comité aurait dû lui demander de fournir l'information manquante puisqu'il lui manquait une partie de l'information nécessaire pour l'évaluer.

64Le plaignant, de son côté, a suivi les consignes énoncées dans le formulaire et a fait un effort important pour communiquer des réponses détaillées, complètes et directement reliées aux questions posées.  Il avait donc une expectative légitime que Mme Robitaille en ferait de même. Elle ne l'a cependant pas fait.  

65Le comité, lorsqu'est venu son tour d'évaluer les qualités personnelles du plaignant, a constaté que des informations dans le formulaire étaient manquantes. Il a toutefois décidé de poursuivre son évaluation sur la base d'informations incomplètes.

66Cette omission de la part du comité de prendre des mesures raisonnables pour obtenir tous les renseignements nécessaires à l'évaluation du plaignant a eu des conséquences négatives sur ce dernier.  Étant donné que le comité ne disposait d'aucune information pour confirmer ou infirmer ses exemples, il les a simplement ignorés et ne leur a accordé aucun poids. Il a donc agi comme si la répondante avait nié la véracité de ses exemples. Toutefois, le comité ne disposait d'aucun renseignement qui lui permettait de conclure que la répondante remettait en question le bien-fondé de ses exemples.

67Pour la qualification personnelle respect, par exemple, le comité n'a accordé aucun pointage au plaignant pour son exemple décrivant sa conduite face au détenu qui réclamait un repas hallal. Pourtant, le comité ne disposait d'aucune information lui permettant de conclure que la répondante remettait en question le comportement du plaignant lors de ces événements. Le comité, en choisissant d'ignorer cet exemple, a donc enlevé au plaignant toute chance de démontrer qu'il satisfaisait certains des quatre sous-critères recherchés, même si son comportement décrit dans son exemple aurait pu concorder avec certains des sous-critères tels que « Cherche à comprendre le point de vue des autres avant de porter un jugement » et «  Interagit de manière polie, courtoise et appropriée ».

68La Commission estime donc que le comité a omis de prendre des mesures raisonnables pour obtenir de Mme Robitaille tous les renseignements requis pour l'évaluation du plaignant et qu'il s'agit d'une faille importante dans la méthode d'évaluation.

(b)  Partialité négative alléguée de la répondante

69Le plaignant allègue, en deuxième lieu, que le comité n'a pas fait d'effort raisonnable pour s'assurer que la référence de Mme Robitaille était fiable.

70Comme l'ancien Tribunal l'a noté dans Pellicore c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TDFP 23 aux para. 49-50, la partialité présumée d'un répondant ne signifie pas nécessairement que le comité d'évaluation a abusé de son pouvoir puisque le répondant n'est pas celui à qui la CFP a délégué son pouvoir de nomination. Voici un extrait de l'affaire Pellicore :

Quoi qu'il en soit, le parti pris présumé d'un répondant ne signifie pas que le comité d'évaluation a abusé de son pouvoir. La vérification des références vise à obtenir des renseignements qui seront utilisés par le comité lors de son évaluation des qualifications du candidat. Les répondants n'ont aucun pouvoir de décision dans cette évaluation et ne sont donc pas censés agir sans parti pris comme les décideurs. …

Cela ne signifie pas qu'un comité d'évaluation ne doit pas tenir compte de tout élément qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par un répondant.

[c'est nous qui soulignons]

 

71Selon l'affaire Pellicore, un comité d'évaluation devrait donc tenir compte de tout élément qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par un répondant. La Commission estime, de ce fait, que pour établir que le comité d'évaluation a abusé de son pouvoir, le plaignant doit démontrer que le comité avait des raisons de mettre en doute la validité des observations de sa répondante.

72Il reste donc à voir, dans la présente affaire, si le plaignant a démontré que le comité avait des raisons de mettre en doute la validité des observations de sa répondante.

73Le simple fait qu'un candidat ne souscrive pas aux observations d'un répondant ne prouve pas nécessairement que la référence n'est pas fiable. Dans la présente affaire, toutefois, la preuve démontre que le plaignant a alerté le comité de l'existence du conflit l'opposant à sa gestionnaire. Il a expliqué au comité que sa gestionnaire et lui ne s'adressaient plus la parole depuis leur discussion houleuse au sujet de son évaluation de rendement. Le plaignant a insisté que sa note de 2 sur 5 pour la qualification respect n'était pas justifiée, selon lui, puisque sa répondante lui reprochait des fautes qu'il n'avait pas commises, à cause du conflit. Le comité a recommandé au plaignant d'interroger sa gestionnaire au sujet de sa mauvaise référence et de voir si elle accepterait de la modifier.

74Selon la Commission, cette approche n'était pas adéquate, étant donné que le comité avait été informé du conflit qui opposait le plaignant et sa répondante. Le comité ne pouvait laisser au plaignant le soin de corriger cette situation par lui-même. Le comité avait l'obligation de tenir compte de tout élément qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par Mme Robitaille. Il aurait donc dû prendre des mesures raisonnables pour s'assurer que sa référence était fiable.

75Il va de soi que les employés ne sont pas toujours d'accord avec l'évaluation de leur rendement effectuée par leur superviseur et qu'ils peuvent contester cette évaluation. Cela fait partie du schème normal des relations de travail. Ainsi, le simple fait qu'un candidat a contesté son évaluation de rendement ne serait peut-être pas un motif suffisant en soit pour semer le doute quant à la validité des observations de son superviseur qui agit aussi comme son répondant.

76Toutefois, ici, le plaignant a fait plus que simplement aviser le comité qu'il avait contesté son rapport d'évaluation.  Il a alerté le comité de l'existence du conflit l'opposant à sa gestionnaire et lui a expliqué que sa gestionnaire et lui ne s'adressaient plus la parole depuis leur discussion houleuse qui remontait à plusieurs semaines. Il a aussi signalé au comité qu'elle lui reprochait des fautes qu'il n'avait pas commises, donc que ses commentaires ne s'avéraient pas crédibles. De plus, il a fait remarquer au comité qu'elle n'avait pas suivi les consignes en ne prenant pas la peine de valider ses exemples.

77Dans les circonstances, le comité aurait dû s'adresser à Mme Robitaille pour mieux comprendre l'ampleur du conflit l'opposant au plaignant. S'il l'avait fait, le comité aurait découvert que le conflit entre les deux était bien réel. De plus, le comité aurait découvert que la répondante avait évalué le plaignant différemment des autres candidats pour lesquels elle était répondante puisqu'elle n'avait pas validé un seul de ses six exemples alors qu'elle l'avait fait pour les autres candidats pour lesquels elle agissait comme répondante.

78En discutant avec la répondante, le comité aurait aussi découvert que certaines des fautes qu'elle reprochait au plaignant restaient malgré tout des événements isolés ne reflétant pas son rendement global. Par exemple, si le comité avait questionné la répondante au sujet de son commentaire que le plaignant ne porte pas son uniforme convenablement, le comité aurait pu découvrir que Mme Robitaille faisait allusion à un événement isolé. Lors de l'audience, la répondante a, en fait, reconnu que le plaignant revenait possiblement de la salle des toilettes lorsqu'elle l'a aperçu avec sa chemise qui était en partie à l'extérieur de son pantalon et qu'il n'était vraisemblablement pas conscient de ceci. 

79Si le comité avait pris des mesures raisonnables pour s'assurer que la référence de Mme Robitaille était fiable, il aurait peut-être aussi découvert que la répondante reprochait au plaignant de payer ses factures pendant ses heures de travail alors qu'elle ne l'avait jamais vu le faire. C'était une tierce personne qui lui avait rapporté ce fait qui, d'ailleurs, ne remettait probablement pas en cause son rendement global.

80Comme le souligne la CFP, le document intitulé Vérification structurée des références – Guide des pratiques exemplaires offre quelques conseils à l'intention des personnes qui évaluent les candidats.  Ce document stipule, entre autres, qu'il ne faut pas accorder une importance exagérée à des incidents isolés.  De même, le document recommande d'évaluer la qualité de l'information fournie, spécialement s'il y a des motifs de soupçonner que le répondant n'est pas totalement franc ou que certains renseignements sont incohérents.

81En l'espèce, comme le comité était au courant qu'il existait un conflit entre le plaignant et sa répondante et que le plaignant maintenait qu'il n'avait pas commis certaines des fautes que sa répondante lui reprochait, le comité aurait dû communiquer avec la répondante pour discuter de ces questions et des qualifications du plaignant. Cette communication lui aurait permis d'évaluer la qualité de l'information fournie et de discerner les commentaires de la répondante au sujet d'incidents isolés de ses commentaires reflétant le rendement global du plaignant. Le comité aurait pu, par la suite, consigner l'information issue de cette vérification par écrit.

82Toutefois, la preuve démontre que le comité a omis de prendre de telles mesures pour s'assurer que la référence de Mme Robitaille était fiable.  La Commission estime, finalement, que si le comité avait pris de telles mesures pour s'assurer que la référence de Mme Robitaille était fiable, il aurait eu des raisons d'en douter.

83Pour ces raisons, la Commission conclut que le comité n'a pas fait d'effort raisonnable pour s'assurer que la référence de Mme Robitaille était fiable et qu'il s'agit d'une autre faille importante dans la méthode d'évaluation.

(c)  Oubli de la part du comité d'évaluer les exemples du plaignant

84Finalement, la Commission note que Mme Beaubien a affirmé que le comité d'évaluation avait pris la décision, après consultation auprès de la section des ressources humaines, de se satisfaire des informations disponibles dans les formulaires des candidats pour évaluer leurs qualités personnelles, même si certains répondants n'avaient pas validé les exemples donnés par les candidats. Il était toutefois entendu que le comité considérerait non seulement les informations fournies par les répondants mais aussi les informations fournies par les candidats. La preuve indique toutefois que dans le cas du plaignant, le comité s'est limité à une analyse des informations fournies par sa répondante et qu'il n'a pas analysé les informations que le plaignant a fournies.  Mme Beaubien a affirmé qu'il s'agissait probablement d'un oubli de la part du comité. Le résultat est que personne ne s'est posé la question à savoir si le plaignant rencontrait, avec son exemple sur le respect, certains des sous-critères recherchés.

85La Commission estime que cette autre omission de la part du comité a fait en sorte que le plaignant n'a pas été évalué sur la même base que les autres candidats puisqu'il est le seul à avoir fourni des exemples qui n'ont pas été évalués par le comité. Il s'agit d'une troisième faille importante dans la méthode d'évaluation.

86Selon la Commission, les trois failles notées dans le présent processus d'évaluation sont graves et culminent en un abus de pouvoir.

87Pour les motifs susmentionnés, la Commission conclut que le plaignant a prouvé que l'intimé a abusé de son pouvoir en évaluant ses qualités personnelles dans le processus.

Décision

88Pour tous les motifs énoncés ci‑dessus, la plainte est accueillie.

Ordonnance

89La Commission ordonne à l'intimé de réévaluer les qualifications personnelles essentielles suivantes du plaignant: (1) respect; (2) désir d'apprendre et de changer; (3) intégrité; (4) soucie d'obtenir des résultats; (5) esprit d'équipe; et (6) sensibilité à la diversité, dans les soixante (60) jours suivant la date de la présente décision.  Si le plaignant est jugé qualifié à la lumière de cette réévaluation, il sera placé dans le bassin établi au terme du processus de nomination, s'il existe encore.

90La Commission ordonne également qu'une autre personne que Mme Robitaille agisse comme répondante pour le plaignant. Toutefois, cette personne doit bien connaître le travail accompli par le plaignant et doit pouvoir fournir suffisamment d'information pour permettre au comité d'évaluer de façon appropriée les qualifications du plaignant. 

91Le plaignant ne demande pas la révocation d'une nomination faite à la suite du présent processus de nomination. La Commission ne dispose d'aucun élément de preuve qui indiquerait qu'une des personnes nommées n'est pas qualifiée. La révocation n'est donc pas appropriée en l'espèce.

Nathalie Daigle
Commissaire

Parties au dossier

Dossier de la Commission 2013-2789
Intitulé de la cause Ted Laviolette et le commissaire du Service correctionnel du Canada
Audience Les 24 et 25 septembre 2014
Montréal, Qc
Date des motifs Le 12 janvier 2015
COMPARUTIONS :  
Pour le plaignant Serge Dubord
Pour l'intimé Magdalena Persoiu
Pour la Commission de la fonction publique Luc Savard, observations écrites
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