Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes ont participé à un processus de nomination interne annoncé au terme duquel elles ont été jugées qualifiées mais n’ont pas été sélectionnées aux fins de nomination. Elles affirment que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de partialité en faveur des personnes nommées et à l’encontre des plaignantes, et en commettant plusieurs erreurs et omissions graves dans le processus d’évaluation. L’intimé nie ces allégations, soutenant que les plaignantes n’ont pas été sélectionnées parce qu’elles ne répondaient pas au critère de la bonne personne pour les postes. Décision: Le Tribunal a jugé que les plaignantes n’avaient pas réussi à établir qu’il y avait eu partialité ou crainte raisonnable de partialité dans le processus de nomination. Le simple fait que l’une des personnes nommées ait bénéficié d’un plus grand nombre de nominations intérimaires ou d’occasions de formation que d’autres candidats ne prouve pas nécessairement que cette personne a profité d’un avantage inéquitable et qu’il s’agit d’un cas de favoritisme personnel ou de partialité en sa faveur. Toutefois, le Tribunal a jugé que la vérification des références, un des moyens employés pour évaluer les qualités personnelles des candidats, comportait des erreurs et omissions graves. La décision concernant la bonne personne à sélectionner reposait sur les résultats obtenus quant aux qualités personnelles. Les erreurs et omissions consistaient notamment à avoir donné aux répondants un très court préavis avant leur entrevue et à leur avoir présenté des directives non uniformes concernant les renseignements voulus, ou à ne leur donner aucune consigne à cet égard, ce qui a pu empêcher les répondants de fournir des réponses plus éclairées. L’intimé a également omis de définir les qualifications évaluées ou les indicateurs de comportement au regard desquels les réponses des répondants devaient être évaluées. En outre, l’administration du questionnaire de vérification des références n’était pas uniforme. Enfin, certains des renseignements ont été obtenus auprès d’une personne qui supervisait l’une des plaignantes depuis seulement six semaines, ce qui constituait également un problème. Ces erreurs et omissions constituent un abus de pouvoir puisqu’elles ont fait en sorte que les plaignantes ont été évaluées en fonction de renseignements insuffisants ou incomplets; la décision qui a été prise en ce qui concerne le mérite des plaignantes ne reposait donc pas sur des bases fiables. Plainte accueillie. Mesure corrective : Le Tribunal a ordonné que les nominations soient révoquées, que les résultats de la première vérification des références soient mis de côté et qu’une nouvelle vérification des références soit effectuée. Une fois ces mesures prises, les résultats pourront être recalculés et le processus achevé.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers :
2013-0139/0140
Rendue à :
Ottawa, le 26 août 2014

SUSAN HEALEY et KIM McNALLY
Plaignantes
ET
LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont accueillies
Décision rendue par :
Eugene F. Williams, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Healey c. Président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada
Référence neutre :
2014 TDFP 14

Motifs de décision


Introduction

1 Les plaignantes, Susan Healey et Kim McNally, ont postulé dans un processus de nomination interne annoncé visant des postes d’agent régional des communications (ARC), des groupe et niveau PM­04, et ont été jugées qualifiées. Après la nomination de deux autres candidates à des postes à Kingston, en Ontario, les plaignantes ont déposé leur plainte respective.

2 Les plaignantes soutiennent que l’intimé, le président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC), a abusé de son pouvoir en faisant preuve de partialité en faveur de l’une des personnes nommées et contre elles-mêmes. Elles affirment également que l’intimé a commis plusieurs erreurs et omissions graves durant le processus d’évaluation, ce qui constitue un abus de pouvoir.

3 L’intimé nie ces allégations. Il soutient que les candidates nommées ont été sélectionnées parce qu’elles étaient les « bonnes personnes » pour les postes à doter, et non en raison d’une quelconque partialité. L’intimé soutient que le processus de nomination ne comportait aucune erreur ni omission.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais elle a soumis des observations écrites concernant ses lignes directrices et ses politiques applicables en l’espèce. Elle n’a pas pris position sur le bien­fondé de la plainte.

5 Pour les motifs ci­après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) juge que les plaintes sont fondées. Bien que la preuve ne démontre pas qu’il y a eu partialité, elle établit que l’intimé a abusé de son pouvoir lors de la vérification des références.

Contexte

6 Le 20 juin 2011, l’intimé a publié une annonce de possibilité d’emploi sur Publiservice dans le but de doter six postes d’ARC un peu partout au Canada et de créer un bassin de candidats qualifiés, lequel permettrait de doter, au sein de la CLCC, des postes semblables mais dont la durée des fonctions et le profil linguistique pourraient varier. L’annonce faisait notamment mention de deux postes à Kingston, soit un poste déjà vacant et un poste à doter par anticipation.

7 Une fois présélectionnés, les candidats devaient franchir les trois autres étapes du processus d’évaluation, soit un examen écrit, une entrevue et, pour finir, la vérification des références. Les candidats qui réussissaient l’examen écrit et l’entrevue étaient appelés à fournir le nom de trois répondants pour la vérification des références, dont l’un devait être leur superviseur actuel.

8 Les plaignantes ont postulé les postes de Kingston. Elles ont réussi les deux premières étapes du processus d’évaluation et ont donc été appelées à fournir au comité d’évaluation le nom de trois répondants, qui ont ensuite été interrogés par un membre du comité. Après l’évaluation des réponses fournies par les répondants, les plaignantes ont été jugées qualifiées et ont été inscrites dans un bassin de candidats qualifiés.

9 Le 3 avril 2013, l’intimé a publié une notification de nomination ou de proposition de nomination concernant la dotation des deux postes de Kingston. Les personnes nommées ont été sélectionnées dans le bassin de candidats qualifiés selon le principe de la bonne personne, que l’intimé avait établi, en fonction des résultats relatifs aux qualités personnelles obtenus durant l’entrevue et la vérification des références. C’est ainsi que Theresa Bailey et Cheryl Russell ont été sélectionnées, ayant obtenu les résultats les plus élevés pour les qualités personnelles.

10 Le 3 avril 2013, les plaignantes ont déposé une plainte en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

11 Les plaignantes avaient également formulé des allégations de discrimination et de favoritisme personnel contre l’intimé, mais elles les ont retirées à l’audience.

Questions en litige

12 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Y a-t-il eu partialité en faveur des personnes nommées et à l’encontre des plaignantes dans le processus de nomination?
  2. L’intimé a-t-il commis des erreurs ou omissions graves dans l’évaluation des candidats en fonction du principe de la « bonne personne »?

Analyse

13 En vertu de l’article 77(1) de la LEFP, une personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Une erreur ou une omission dans le processus de nomination peut constituer un abus de pouvoir. Ce sont la nature et la gravité de l’erreur qui déterminent s’il s’agit d’un abus de pouvoir. Comme il est indiqué dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au para. 66, « l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non ».

14 C’est au plaignant qu’il incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir relativement à une plainte déposée en vertu de l’article 77 de la LEFP. Voir la décision Tibbs, para. 49 à 55.

Question I :   Y a-­t-­il eu partialité en faveur des personnes nommées et à l’encontre des plaignantes dans le processus de nomination?

15 Dans la décision Gignac c. Sous­ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, le Tribunal a établi que les personnes chargées de l’évaluation dans un processus de nomination ont le devoir de procéder à une évaluation impartiale ne donnant pas lieu à une crainte raisonnable de partialité. Comme le Tribunal l’a également noté dans la décision Steeves c. Sous­ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 9, para. 15, lorsqu’il y a allégation de partialité dans un processus de nomination, il faut appliquer le critère suivant :

Un observateur relativement bien informé pourrait-il raisonnablement percevoir du parti pris de la part d’une ou de plusieurs personnes associées aux décisions de nomination?

16 Il incombe à la personne qui affirme qu’il y a partialité ou crainte raisonnable de partialité d’en faire la preuve. La partialité ou la crainte raisonnable de partialité doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente, et il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y a eu partialité. Voir la décision Steeves, para. 16.

17 Comme il a déjà été mentionné, les plaignantes ont retiré leurs allégations de favoritisme personnel lors de l’audience, mais elles soutiennent, dans le même ordre d’idées, que l’intimé a fait preuve de partialité à la fois à leur encontre et en faveur d’au moins une des personnes nommées, soit Mme Bailey.

18 Les plaignantes ont fait remarquer que même si elles avaient toutes deux indiqué dans leur plan d’apprentissage qu’elles aspiraient à occuper un poste d’ARC et qu’elles avaient déjà été inscrites dans des bassins de candidats qualifiés pour ce type de poste au terme d’autres processus de nomination, aucune d’elles ne s’était vu offrir les mêmes occasions de nomination intérimaire que Mme Bailey. Elles affirment qu’au fil des années précédant le processus de nomination visé en l’espèce, l’intimé a offert à Mme Bailey la majorité des nominations intérimaires à des postes d’ARC au bureau de Kingston. Les plaignantes soutiennent en outre que les deux membres du comité d’évaluation avaient supervisé Mme Bailey et avaient travaillé avec elle, et qu’ils ont fait preuve de partialité en sa faveur. Elles affirment que la façon dont le processus de nomination a été mené constitue un autre exemple de traitement de faveur et de manque de transparence de la part de l’intimé, une conduite que la CFP avait déjà critiquée dans sa vérification des pratiques de dotation de la CLCC pour la période allant du 1er avril 2008 au 31 mars 2010.

19 Mme McNally a décrit son cheminement professionnel : elle a occupé un poste de commis au début de sa carrière à la CLCC (qui s’appelait alors la Commission nationale des libérations conditionnelles) en 1994; elle a ensuite été agente d’examen des cas, puis greffière d’audience (son poste actuel). Elle a indiqué qu’elle manifestait son intérêt pour le poste d’ARC depuis 2000. L’ARC travaille avec les victimes de crime et leur fournit des renseignements sur le contrevenant, sur le moment des audiences de libération conditionnelle ainsi que sur les procédures utilisées. Par ailleurs, l’ARC conseille et aide les victimes qui souhaitent préparer et présenter une déclaration de la victime dans le cadre d’une audience de libération conditionnelle.

20 Selon Mme McNally, Mme Bailey a été nommée ARC par intérim en 2008. Mme McNally a demandé à la direction la raison pour laquelle sa candidature n’avait pas été prise en considération pour ce poste, mais elle n’a reçu aucune réponse. Peu après, elle a postulé au Service correctionnel du Canada (SCC) pour un poste d’agent de services aux victimes, qui se compare à un poste d’ARC. Elle a été nommée par intérim pour une période de 10 mois débutant en août 2008. Pendant son emploi au SCC, son gestionnaire à la CLCC a avisé les employés que des nominations intérimaires à des postes d’ARC seraient proposées à tous les agents d’audience de la CLCC.

21 Mme McNally est retournée à la CLCC en juillet 2009, puis a été nommée par intérim à un poste d’ARC de juillet à octobre de la même année. Dès son retour à la CLCC, elle a également postulé dans le cadre d’un processus de nomination annoncé visant des postes d’ARC à doter pour une période indéterminée, processus au terme duquel elle a été jugée qualifiée et inscrite dans un bassin. Toutefois, deux agents d’audience qui avaient occupé un poste d’ARC par intérim pendant son séjour au SCC ont été nommés aux postes pour une période indéterminée.

22 Bien que Mme McNally se soit vu accorder la nomination intérimaire susmentionnée en 2009, elle souligne que, en 2010, Mme Bailey s’était déjà vu accorder trois nominations de ce genre. De ces nominations, deux découlaient de processus non annoncés et étaient d’une durée de moins de quatre mois. La troisième nomination intérimaire avait été effectuée à l’issue d’un processus annoncé dans le cadre duquel Mme McNally avait postulé et avait été jugée qualifiée.

23 Mme McNally a communiqué à l’intimé ses préoccupations au sujet des nominations. Elle se sentait frustrée, car elle croyait que l’on « préparait » d’autres personnes à occuper le poste qu’elle convoitait depuis des années. En guise de réponse, elle a reçu un courriel d’un cadre supérieur, qui l’invitait à consulter des documents en ligne et lui conseillait de discuter de son plan d’apprentissage avec son gestionnaire lors de leur rencontre biannuelle.

24 Il convient de noter qu’en août 2011, Mme McNally est partie en congé de maladie pour environ un an. Elle n’était donc pas disponible pour une nomination intérimaire pendant son absence. Lorsqu’elle a repris son poste d’agente d’audience, elle ne pouvait pas exercer toutes ses fonctions en raison de son état de santé. Elle a écrit à un cadre supérieur et a discuté avec son directeur régional pour examiner d’autres options de travail qui conviendraient mieux à sa situation.

25 Elle a également parlé à Albert Montagnese, qui était alors gestionnaire régional de la formation et qui a par la suite été membre du comité d’évaluation responsable du processus de nomination dont il est question en l’espèce. M. Montagnese lui a dit que pendant son congé de maladie, il avait nommé Mme Bailey à titre d’ARC pour un intérim de dix mois qui prendrait fin en 2012. Lorsque Mme McNally lui a demandé si cette mesure était conforme aux recommandations formulées par la CFP par suite de sa vérification de la CLCC, M. Montagnese aurait répondu qu’il avait procédé ainsi « parce qu’il le pouvait » [traduction].

26 Mme Healey a affirmé qu’elle avait commencé à travailler à la CLCC il y a 18 ans. Auparavant, elle avait travaillé pendant 14 ans au Centre d’emploi du Canada. Elle avait postulé des postes d’ARC en 2005, en 2009, en 2011 et en 2012. Bien qu’elle ait été jugée qualifiée au terme du processus de nomination de 2009, elle était la seule personne parmi les huit candidats qualifiés inscrits dans le bassin à ne pas avoir pu profiter d’une nomination intérimaire. Elle a également indiqué qu’un employé occasionnel avait été embauché à titre d’ARC en 2011, alors qu’elle était disponible pour une nomination intérimaire à ce poste.

27 Mme Healey a affirmé avoir suivi une formation d’ARC en 2008 avec Mme Bailey. Bien qu’elle ait exprimé son intérêt à cet égard dans son plan d’apprentissage et durant ses évaluations du rendement, et malgré son expérience antérieure au Centre d’emploi du Canada et sa nomination intérimaire en tant qu’agente de services aux victimes au SCC en 2010, elle ne s’est vu accorder aucune nomination intérimaire à titre d’ARC. Elle reconnaît toutefois qu’elle a occupé de façon intérimaire le poste d’agent d’examen des cas pendant les six premiers mois de 2010, après quoi elle a commencé son intérim au SCC. Après sa nomination pour une période indéterminée au poste d’agent d’examen des cas en 2011, elle s’est vu accorder une nomination intérimaire de deux mois à titre d’ARC en novembre 2012.

28 Mme Healey soutient qu’elle a été évaluée différemment des autres candidats retenus. Elle affirme avoir comparé ses réponses à l’examen écrit à celles des personnes nommées. Selon elle, Mme Bailey a reçu des résultats supérieurs pour des réponses semblables. Elle a également l’impression que les commentaires des membres du comité d’évaluation ne reflétaient pas adéquatement ses réponses à certaines questions. Elle n’a toutefois présenté aucun élément de preuve pour appuyer ou expliquer les anomalies alléguées.

29 L’intimé a demandé à M. Montagnese de témoigner au sujet des allégations de partialité dans le processus de nomination. M. Montagnese a affirmé qu’avant de travailler à la CLCC, il avait été employé pendant 18 ans par le ministère des Anciens combattants. À la CLCC, il est responsable de la formation des nouveaux commissaires et il agit comme porte­parole auprès des médias; il gère en outre les communications régionales. Durant son mandat, six postes d’ARC relevaient de lui. M. Montagnese a indiqué qu’il participait à des activités de dotation depuis 20 ans et qu’il faisait partie du comité d’évaluation dans le processus de nomination en cause. Il possède également de l’expérience en matière de nomination intérimaire.

30 M. Montagnese a expliqué que le processus de nomination avait été lancé dans le but de doter des postes qui étaient déjà vacants ou qui le deviendraient. Ses homologues de l’Ouest du Canada, du Québec et de l’Atlantique avaient des besoins en dotation semblables. Ils ont donc uni leurs efforts et consulté l’équipe des ressources humaines pour créer un énoncé des critères de mérite (ECM) et une annonce de possibilité d’emploi. L’ECM a été terminé avant que l’annonce ne soit achevée. Ils ont également élaboré un guide de cotation et établi les notes de passage avant que l’annonce de possibilité d’emploi ne soit publiée.

31 Dans la région de l’Ontario, il a été décidé que serait créé un bassin de candidats qualifiés à partir duquel des nominations seraient effectuées. M. Montagnese présidait le comité d’évaluation dans cette région, et Karen Thomson en était membre. M. Montagnese a affirmé que pour structurer le processus de nomination, le comité d’évaluation s’était fondé sur le guide de la CFP en matière d’évaluation, de sélection et de nomination. Pour déterminer les critères relatifs au choix de la bonne personne, il a consulté les gestionnaires des ressources humaines au bureau national de la CLCC, à Ottawa. Selon M. Montagnese, les candidats ont été évalués en fonction d’un guide de cotation. Ensemble, les membres du comité d’évaluation ont présélectionné les candidats, administré et corrigé l’examen écrit qui portait sur les connaissances et les compétences en expression écrite, et rencontré en entrevue les candidats qui avaient réussi l’examen. Les entrevues visaient à évaluer les qualités personnelles. Les candidats qui réussissaient l’entrevue voyaient leurs qualités personnelles évaluées de nouveau au moyen de la vérification des références, laquelle avait notamment pour but de confirmer les renseignements obtenus durant l’entrevue.

32 Selon M. Montagnese, sur le plan des connaissances et des capacités, les personnes qualifiées étaient « plutôt compétentes » et formaient un groupe de « candidats solides et expérimentés possédant les capacités requises » [traduction]. Il a ajouté que les personnes sélectionnées devaient avoir de grandes aptitudes sur le plan des qualités personnelles. Le comité d’évaluation a donc décidé que les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats dans la catégorie des qualités personnelles seraient nommés, selon le principe de la bonne personne pour le poste. Mmes Bailey et Russell ont obtenu les meilleurs résultats à ce chapitre et ont donc été sélectionnées.

33 M. Montagnese nie toute forme de partialité en faveur de Mme Bailey en ce qui concerne ses nominations intérimaires. Il a affirmé que lorsqu’il s’est joint à la CLCC, en septembre 2010, Mme Bailey occupait déjà un poste d’ARC par intérim. En 2011, il a signé la prolongation de cet intérim; il a également approuvé sa nomination intérimaire allant de juin 2012 à avril 2013, laquelle suivait la tenue d’un processus de nomination annoncé. M. Montagnese a affirmé que Mme Bailey relevait de lui lorsqu’il est entré en fonctions à la CLCC, mais qu’il ne socialisait pas avec elle à l’extérieur du bureau.

34 En ce qui concerne Mme Russell, M. Montagnese l’a rencontrée lorsqu’elle a postulé dans le cadre du processus en cause. Il affirme entretenir avec Mmes McNally et Healey une relation cordiale et professionnelle.

35 Mme Thomson, agente principale d’examen des cas, a parlé de sa relation avec Mme Bailey. Elle a indiqué que lorsqu’elle a commencé à travailler à la CLCC en 2001, Mme Bailey occupait un poste d’adjointe régionale des communications. Mme Thomson a donc commencé à la superviser dès son arrivée. Elle a souligné qu’elles avaient travaillé ensemble pendant quatre ans avant que Mme Bailey n’obtienne le poste d’agente d’examen des cas et ne passe à une autre unité. Selon Mme Thomson, leur relation de travail était cordiale. Elles assistaient à des réceptions reliées au travail ensemble mais ne se voyaient pas à l’extérieur du bureau. Mme Thomson a indiqué qu’elle avait rencontré Mme Russell pour la première fois à l’entrevue menée dans le cadre du processus de nomination visé en l’espèce.

36 Mme Thomson a rencontré pour la première fois Mme Healey, qui était alors agente d’audience, à son arrivée au bureau. Elle a ajouté que durant la période suivant le processus de nomination, elle n’avait pas travaillé dans la même section que Mme Healey. Au sujet de Mme McNally, Mme Thomson a affirmé qu’elles étaient collègues durant la nomination intérimaire de Mme McNally à titre d’ARC. Mme Thomson a indiqué que ses rapports avec Mmes Healey et McNally étaient cordiaux, mais qu’elle ne les voyait pas en dehors du bureau.

37 Les plaignantes soulignent que les deux membres du comité d’évaluation ont supervisé Mme Bailey, qu’ils lui ont accordé la plupart des nominations intérimaires précédant le processus de nomination en cause et qu’ils ont ignoré les demandes des plaignantes en vue d’une nomination intérimaire au poste d’ARC. Elles affirment que grâce à ces nominations intérimaires, Mme Bailey a acquis des connaissances qui lui ont donné un avantage dans le processus de nomination. Elles affirment également qu’en raison de leurs rapports antérieurs avec Mme Bailey, les membres du comité d’évaluation ne pouvaient qu’être partiaux à son endroit, que ce soit consciemment ou non.

38 Le Tribunal, après avoir examiné attentivement les éléments de preuve présentés à l’appui de ces allégations, conclu que les plaignantes n’ont pas réussi à établir qu’il y avait eu partialité ou crainte raisonnable de partialité dans ce processus de nomination.

39 Aucune des plaignantes n’a présenté de plainte concernant la troisième nomination intérimaire de Mme Bailey, dont la durée était de plus de quatre mois et qui pouvait donc faire l’objet d’un recours. D’autres employés de la CLCC, y compris Mme McNally, se sont vu offrir une nomination intérimaire au poste d’ARC durant la période à l’étude. Certains d’entre eux ont été nommés à des postes pour une période indéterminée avant la nomination de Mme Bailey. En outre, le simple fait que la personne nommée ait bénéficié d’un plus grand nombre de nominations intérimaires ou d’occasions de formation que d’autres candidats ne prouve pas nécessairement que cette personne a profité d’un avantage inéquitable qui constitue un cas de favoritisme personnel ou de partialité en sa faveur. Voir, par exemple, la décision Glasgow c. Sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2008 TDFP 7. Par ailleurs, rien dans la preuve ne contredit le témoignage de M. Montagnese et de Mme Thomson, qui niaient tous deux entretenir des rapports personnels avec Mme Bailey.

40 Le Tribunal juge que la preuve est insuffisante pour établir qu’il y a crainte raisonnable de partialité en faveur de Mme Bailey ou de Mme Russell. En outre, rien dans la preuve ne donne lieu à une crainte raisonnable de partialité à l’encontre des plaignantes. En se fondant sur la preuve présentée à l’audience, le Tribunal conclut qu’un observateur informé ne pourrait pas raisonnablement percevoir de la partialité ou une crainte de partialité de la part d’une ou de plusieurs personnes associées au processus de nomination.

Question II :   L’intimé a­-t-­il commis des erreurs ou omissions graves dans l’évaluation des candidats en fonction du principe de la « bonne personne »?

41  Les plaignantes affirment qu’il y a eu des erreurs graves dans la façon dont les résultats ont été attribués lors de la vérification des références. Selon elles, la décision concernant la bonne personne à nommer était fondée sur six critères de qualités personnelles évalués au regard des résultats combinés de l’entrevue et de la vérification des références. Les résultats de la vérification des références avaient donc une grande importance dans la décision de nomination de ce processus.

42 Comme il est indiqué dans la décision Stamp c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2014 TDFP 4, le rôle du Tribunal ne consiste pas à réévaluer le plaignant, mais plutôt à déterminer s’il y a eu des failles dans le processus d’évaluation. Le Tribunal peut conclure qu’il y a eu abus de pouvoir quand la preuve permet d’établir, par exemple, que le processus comportait une faille. Si tel est le cas, le résultat ne peut pas être jugé raisonnable ou équitable. Voir les décisions Bowman c. Sous­ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 12 (demande de contrôle judiciaire rejetée – Procureur général du Canada c. Grundison, 2009 CF 212), et Jacobsen c. Sous­ministre d’Environnement Canada, 2009 TDFP 8.

43 Les plaignantes soutiennent que la vérification des références comportait plusieurs erreurs, lesquelles étaient suffisamment graves pour constituer un abus de pouvoir. Elles affirment que la vérification de leurs références n’a pas été réalisée en conformité avec le guide de vérification structurée des références de la CFP. Elles affirment notamment que Mme Thomson, qui a réalisé toutes les vérifications des références sauf une, n’avait pas reçu une formation suffisante. Selon les plaignantes, durant la vérification des références, Mme Thomson a omis de poser aux répondants les questions de vérification, de vérifier l’exactitude des renseignements négatifs fournis et de s’assurer que les réponses formulées portaient réellement sur la compétence évaluée par la question.

44 Les plaignantes soutiennent également que les membres du comité d’évaluation ne disposaient d’aucune information qui aurait pu les orienter et leur servir de point de repère pour évaluer les réponses obtenues durant la vérification des références. Elles ont fait remarquer que les membres du comité étaient invités à consulter l’annexe 1 du guide de cotation pour obtenir des directives sur l’attribution des points. Or, les plaignantes affirment que l’annexe 1 comportait uniquement des directives sur l’évaluation des réponses que les candidats avaient fournies par écrit ou de vive voix durant l’entrevue. Il ne contenait aucune liste d’indicateurs de comportement que les membres du comité d’évaluation auraient pu utiliser pour noter les renseignements fournis par les répondants.

45 Les plaignantes remettent également en question la décision de Mme Thomson de passer en entrevue la superviseure de Mme Healey, en dépit du fait que celle-ci n’exerçait ses fonctions que depuis six semaines.

46 Dans son témoignage, Mme McNally a indiqué avoir relevé certaines inexactitudes importantes dans les renseignements recueillis auprès de sa superviseure, Laurie Heffernan, agente principale d’examen des cas, lors de la vérification des références. Par exemple, les notes sur les réponses de Mme Heffernan indiquent que Mme McNally n’a pas suivi la formation d’orientation pour les agents de libération conditionnelle, mais c’est une formation qu’elle a bel et bien reçue. Selon Mme McNally, Mme Heffernan était ou aurait dû être au courant, car elle en avait fait mention dans le rapport d’évaluation du rendement de 2011 de Mme McNally qu’elle avait préparé en mars 2012.

47 Mme Heffernan aurait également commenté le manque d’initiative de Mme McNally. Toutefois, selon Mme McNally, au moment de la vérification des références, Mme Heffernan avait connaissance de plusieurs lettres de recommandation concernant son travail avec les commissaires de la CLCC et ses interventions bénévoles dans le milieu de travail. Ces lettres avaient été rédigées par des commissaires de la CLCC, qui se disaient heureux de l’aide qu’elle leur avait fournie, et par d’autres collègues, qui soulignaient son travail dans le cadre de la campagne de Centraide.

48 Mme McNally a également souligné qu’aucun renseignement contextuel concernant son état de santé ne figurait dans les notes relatant les propos de Mme Heffernan, ce qui pouvait dresser un portrait trompeur de ses capacités. Ses limitations physiques nuisaient à sa capacité d’aider ses collègues lorsqu’ils étaient surchargés, mais elle cherchait toujours à s’acquitter du plus grand nombre de tâches connexes possible. Mme McNally a également contesté les commentaires qui auraient été formulés à son endroit selon lesquels elle « aime les belles choses » [traduction], et elle a été stupéfaite d’apprendre que des remarques à son sujet laissaient entendre qu’elle était paresseuse et qu’elle n’accomplissait pas son travail.

49 Mme Thomson a été interrogée au sujet de son entrevue de vérification des références avec Sharon Hanna, une répondante de Mme Bailey. Mme Thomson a reconnu que Mme Hanna, dans ses réponses concernant le jugement, la souplesse et l’esprit d’équipe, n’avait fourni aucun exemple, contrairement à ce que les  questions exigeaient. Mme Thomson a accordé des notes allant de 28 sur 30 à 30 sur 30 pour chacune de ces questions. Elle a reconnu que rien dans ses notes n’indiquait qu’elle avait demandé à Mme Hanna de donner des exemples durant leur entretien.

50 Questionnée au sujet de la vérification des références de Mme Healey, Mme Thomson a reconnu que les répondants n’avaient fourni des exemples que pour certaines des questions qui l’exigeaient. Mme Thomson a ajouté qu’elle ne se rappellait pas avoir posé des questions de suivi durant son entretien avec Mme Heffernan, et rien dans ses notes n’indique si elle a demandé à la répondante de préciser sa pensée.

51 Dans son témoignage, Mme Heffernan a indiqué qu’elle se rappelait que Mme Thomson l’avait contactée pour l’informer qu’elle était répondante pour Mme McNally et que l’entretien s’était déroulé le jour même. Elle n’a reçu aucun document avant la rencontre, et n’a rien fait de particulier pour se préparer aux questions. Elle affirme que selon son souvenir, Mme Thomson ne lui a posé aucune question de suivi durant l’entretien.

52 Mme Heffernan a affirmé qu’elle avait agi à titre de répondante quatre ou cinq fois avant ce processus. Elle a examiné les notes de Mme Thomson et a convenu qu’elles donnaient une bonne représentation de leur entretien. Cependant, elle ne se rappelait pas avoir dit que Mme McNally « aimait les belles choses » [traduction]. Elle a également indiqué qu’elle était au courant des bons commentaires que Mme McNally avait reçus et qu’elle en avait tenu compte en répondant aux questions de Mme Thomson.

53 Mme Thomson a déclaré qu’elle avait utilisé le guide de cotation pour noter les examens écrits et les entrevues. Elle a souligné que les annexes du guide de cotation comprenaient une échelle permettant d’évaluer globalement les communications et qu’elle avait utilisé le guide pour vérifier les compétences ou capacités à évaluer. Une fois les questions d’entrevue posées, les membres du comité évaluaient les réponses individuellement avant de se rencontrer pour établir le résultat final. Lors de la vérification des références, Mme Thomson a utilisé ses notes pour évaluer les réponses, en se fondant sur l’annexe 1 à la fin du guide de cotation.

54 Mme Thomson a reconnu qu’elle faisait partie d’un comité d’évaluation pour la première fois. Elle ne pouvait pas confirmer si la procédure qu’elle avait utilisée pour la vérification des références était conforme aux lignes directrices en matière d’évaluation, de sélection et de nomination de la CFP. Mme Thomson a affirmé que M. Montagnese lui avait donné des instructions concernant l’évaluation, mais qu’elle n’avait reçu aucune formation préalable. Durant la vérification des références, elle lisait les questions telles qu’elles étaient écrites et consignait les réponses fournies par les répondants. Elle ne se rappelle pas avoir posé des questions de suivi.

55 Comme il a déjà été mentionné, les candidats devaient inclure leur superviseur actuel à leur liste de répondants. Heather Tackaberry était la superviseure de Mme Healey depuis peu lorsqu’elle a été appelée à participer à la vérification des références. Les évaluateurs avaient une liste de questions à poser à tous les répondants. En réponse à la première question de Mme Thomson, qui portait sur le jugement de Mme Healey, Mme Tackaberry a indiqué qu’il était très difficile de répondre puisqu’elle supervisait Mme Healey depuis seulement quelques semaines. Mme Healey soutient que Mme Thomson aurait dû mettre immédiatement fin à l’entretien avec Mme Tackaberry plutôt que de poursuivre et de consigner des renseignements négatifs sur la souplesse de Mme Healey et sa capacité de travailler en équipe.

56 Mme Thomson affirme que lorsqu’elle a appris que Mme Tackaberry supervisait Mme Healey depuis si peu de temps, elle a décidé de ne tenir compte d’aucune de ses réponses pour noter la vérification des références de Mme Healey. Appelée à expliquer pourquoi elle avait malgré tout consigné les réponses fournies par Mme Tackaberry, elle a répondu qu’elle consignait tout ce qui lui était dit.

Analyse et conclusions

57 L’article 36 de la LEFP attribue un pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires délégataires pour le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation. Toutefois, ce pouvoir n’est pas absolu. En effet, le Tribunal peut conclure qu’il y a eu abus de pouvoir si, par exemple, il est établi que la méthode d’évaluation comporte une faille fondamentale. Les méthodes d’évaluation qui ne permettent pas d’évaluer les qualifications, qui sont déraisonnables ou discriminatoires, ou qui produisent un résultat inéquitable peuvent constituer un abus de pouvoir. Voir par exemple la décision Ouellet c. Président de l’Agence canadienne de développement international, 2009 TDFP 26.

58  Le Tribunal estime que les méthodes utilisées pour noter la vérification des références comportaient de graves erreurs, lesquelles ont eu une incidence sur la décision de sélection. Ces failles ont entraîné un résultat inéquitable pour les deux plaignantes, car les erreurs commises ont influé sur le résultat qui leur a été attribué à l’égard des qualités personnelles; or, ce résultat a été utilisé pour déterminer le dénouement du processus.

59 Ces erreurs graves comprennent le court préavis donné aux répondants avant leur entretien ainsi que l’absence de directives sur les renseignements à recueillir. Ainsi, Mme Heffernan a été convoquée à un entretien sans préavis et sans avoir le temps de se préparer. Les commentaires formulés durant l’entretien comportaient des erreurs de fait concernant Mme McNally. Si elle avait reçu des consignes à l’avance, elle aurait pu donner des réponses plus éclairées.

60 La vérification des références comportait une autre faille, à savoir qu’il n’existait aucune définition des qualifications évaluées ou des indicateurs de comportement au regard desquels les réponses des répondants seraient évaluées. L’échelle de cotation de l’annexe 1, utilisée par les membres du comité d’évaluation pour noter les réponses des répondants, ne porte que sur les réponses fournies par les candidats durant leur entrevue; elle ne s’applique donc pas à la vérification des références. Le guide de cotation ne comportait aucune réponse suggérée pour les répondants, pas plus qu’il ne présentait d’indicateurs de comportement permettant d’évaluer les renseignements obtenus.

61 Puisqu’il s’agissait de la première fois que Mme Thomson faisait partie d’un comité d’évaluation, qu’elle avait reçu une formation limitée à cet égard et que les réponses aux questions qu’elle posait pouvaient grandement varier, le guide de cotation aurait dû comporter des réponses attendues. M. Montagnese a reconnu que le guide de cotation ne contenait aucun exemple de réponse appropriée de la part des répondants. Le guide précisait la note maximale pour chaque question de la vérification des références, mais il ne contenait aucun renseignement ni indicateur de comportement pouvant orienter davantage l’attribution des résultats en fonction des réponses des répondants. Puisque plusieurs répondants ont été consultés pour chaque candidat, il est impossible de conclure, avec une certitude raisonnable, que tous les répondants avaient interprété de la même façon les compétences évaluées. Étant donné que tous les répondants n’avaient pas reçu les mêmes instructions et que les indicateurs de comportement n’avaient pas été définis pour chaque compétence, les réponses des répondants n’ont pas pu être évaluées de façon uniforme.

62 Par ailleurs, un examen des questions posées aux répondants et des notes prises par les deux membres du comité d’évaluation a montré qu’il y avait également un manque d’uniformité dans l’administration des questionnaires. En effet, Mme Thomson a parfois attribué la note associée à une réponse « excellente » [traduction], et ce, même si le répondant n’avait fourni aucun exemple. Pour certaines questions où le répondant ne fournissait aucun exemple, les membres du comité d’évaluation se fondaient sur l’opinion du répondant pour attribuer une note. Ils ne posaient aucune question supplémentaire pour connaître les faits sur lesquels reposait cette opinion. Mme Thomson a affirmé qu’elle consignait tout ce qui était dit et qu’elle ne se rappelait pas avoir posé des questions de suivi. La preuve montre que le comité d’évaluation n’a pas vérifié si les questions posées et les réponses obtenues portaient sur les compétences évaluées. Des points étaient attribués pour des réponses qui ne semblaient pas se rapporter à la question posée. Il semble que Mme Thomson se contentait d’accepter l’opinion des répondants. En agissant de la sorte, elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire et a entravé sa capacité d’évaluer les candidats avec un esprit ouvert. Lorsque le Tribunal détermine qu’un comité d’évaluation a entravé son pouvoir discrétionnaire de la sorte, il peut juger que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir. Voir les décisions Bowman (para. 127) et Poirier c. Sous­ministre des Anciens Combattants, 2011 TDFP 3.

63 En omettant de demander aux répondants d’étayer leur opinion au moyen d’exemples, comme l’exige le guide de vérification structurée des références de la CFP, le comité a contribué à un manque d’uniformité dans l’évaluation des candidats. Selon les lignes directrices de la CFP, il convient d’établir un lien entre les réalisations antérieures des candidats et les critères de mérite évalués et de chercher à obtenir des renseignements de qualité en demandant des exemples concrets de comportement, plutôt que de simplement se fier à l’opinion du répondant. Bien que la LEFP ou son règlement d’application n’obligent pas explicitement l’intimé à suivre ces lignes directrices, le non-respect de celles-ci a contribué au manque d’uniformité dans l’attribution des résultats pour une partie importante du processus d’évaluation.

64 En outre, les renseignements concernant Mme Healey ont été recueillis auprès de Mme Tackaberry, qui ne la supervisait que depuis six semaines, ce qui constitue également un problème. Bien que Mme Thomson affirme qu’elle ne s’est pas fiée aux réponses de Mme Tackaberry, elle a tout de même consigné chacune d’elles. Par ailleurs, même si seule Mme Thomson a questionné Mme Tackaberry, l’évaluation des qualités personnelles des candidats était réalisée de concert avec M. Montagnese. Rien dans la preuve n’indique si ce dernier a complètement ignoré les réponses de Mme Tackaberry ou s’il a pris en considération les notes de Mme Thomson dans son évaluation des qualités personnelles de Mme Healey. Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Ostermann c. Sous­ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2012 TDFP 28, para. 47, faire appel à un répondant qui n’a supervisé un employé que pendant une courte période constitue une erreur qui peut être suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir, particulièrement lorsqu’elle est jumelée à d’autres erreurs ou omissions dans le processus.

65  La sélection des candidats, selon le principe de la bonne personne, reposait uniquement sur le résultat obtenu à l’égard des qualités personnelles, lesquelles ont été évaluées au moyen de l’entrevue et de la vérification des références. Puisque l’entrevue et la vérification des références avaient le même poids dans la décision finale, les erreurs et omissions graves commises dans l’administration de la vérification des références ont eu une incidence si grande sur l’évaluation des candidats qu’elles ont rendu le processus inéquitable.

66 Les erreurs et omissions commises dans ce processus ont notamment fait en sorte qu’aucune mesure n’a été prise pour obtenir des renseignements complets et fiables, et donc mener à bien l’évaluation des plaignantes et des personnes nommées. Par conséquent, les plaignantes ont été évaluées à partir de renseignements inadéquats ou incomplets. La décision concernant le mérite des plaignantes ne reposait donc pas sur des bases fiables. Il s’agit là d’erreurs graves qui constituent un abus de pouvoir. Voir la décision Morgenstern c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2010 TDFP 18, para. 30­33.

67 En conclusion, le Tribunal juge que le processus de nomination en cause comportait de graves erreurs et omissions, ce qui a donné lieu à un résultat déraisonnable. Le Tribunal estime que ces erreurs et omissions graves constituent un abus de pouvoir.

Décision

68 Pour tous les motifs susmentionnés, le Tribunal juge que les plaintes sont fondées.

Ordonnance

69 L’évaluation des qualités personnelles, sur laquelle reposait la sélection des personnes nommées, comportait des erreurs et omissions graves. Le résultat du processus ne peut donc pas être jugé équitable ou raisonnable. Bien qu’aucun élément de preuve n’indique que les personnes nommées n’étaient pas qualifiées pour le poste, le Tribunal estime que la mesure corrective appropriée consiste à révoquer la nomination de Mmes Bailey et Russell, à mettre de côté les résultats de la vérification des références et à procéder convenablement à une nouvelle vérification des références. Une fois ces mesures prises, les résultats pourront être recalculés et le processus, achevé.

70 Par conséquent, conformément aux pouvoirs que lui confère l’article 81(1) de la LEFP, le Tribunal ordonne à l’intimé de révoquer la nomination de Theresa Bailey et celle de Cheryl Russell dans les 60 jours suivant la présente décision et de terminer le processus d’évaluation de la manière prescrite ci-­haut.

Eugene F. Williams
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2013-0139/0140
Intitulé de la cause :
Susan Healey et Kim McNally et le président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada
Audience :
Les 29 et 30 avril 2014
Date des motifs :
Le 26 août 2014
Ottawa (Ontario)

COMPARUTIONS :

Pour la plaignante :
William Bailey
Pour l’intimé :
Vanessa Reshitnyk
Pour la Commission
de la fonction publique :
Luc Savard (observations écrites)
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