Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
La plaignante a postulé dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation de plusieurs postes de responsable des agents de libération conditionnelle de groupe et niveau WP 05 dans la région de l’Ontario. Sa candidature a été éliminée à la suite de l’entrevue parce qu’elle ne possédait pas l’une des qualifications essentielles relatives aux capacités. La plaignante a présenté deux plaintes dans lesquelles elle soulignait le manque de transparence du processus, du fait que certains candidats ayant passé l’examen écrit avaient été réintégrés dans le processus. La plaignante a également affirmé que la méthode d’évaluation utilisée durant l’entrevue comportait une faille fondamentale parce que le comité d’évaluation lui avait fourni des consignes ambiguës et qu’il ne lui avait pas posé de sous questions pour obtenir plus de détails durant l’entrevue. Enfin, la plaignante a soutenu qu’il y avait eu partialité à son encontre. Décision : Le comité d’évaluation avait d’abord décidé de présélectionner les 25 candidats ayant obtenu les notes les plus élevées à l’examen des connaissances. Toutefois, conformément aux conseils des RH, le comité a par la suite permis à tous les candidats qui avaient réussi l’examen des connaissances de réintégrer le processus, et l’un d’entre eux a ensuite été nommé à un poste. En l’espèce, le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant de réintégrer les candidats qui avaient obtenu la note de passage à l’examen des connaissances. La décision du comité d’évaluation concernant les résultats de l’examen n’a entraîné aucune modification des critères objectifs utilisés pour déterminer quels candidats avaient réussi l’examen et n’a eu aucune incidence sur l’élimination de la candidature de la plaignante. Le Tribunal a estimé que cette décision avait été prise pour remédier aux préoccupations soulevées par les RH relativement à l’équité envers les candidats. Le Tribunal a reconnu qu’il y avait eu manque de transparence en ce qui a trait aux résultats de l’examen. En effet, les candidats qui avaient d’abord appris par courriel que leur candidature était rejetée ont par la suite reçu un autre courriel les informant qu’ils étaient réintégrés dans le processus. Or, aucun candidat n’a reçu d’explications justifiant cette décision. Cela dit, le Tribunal a jugé que ce manque de transparence n’équivalait pas à une erreur ou omission suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir. Le Tribunal a également conclu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, que la plaignante n’avait pas réussi à établir l’existence d’une faille dans le processus utilisé pour évaluer son entrevue. Les consignes à l’intention des candidats indiquaient clairement pour l’évaluation de quelles capacités avait été conçue chaque question et précisaient la note de passage requise à chaque question. Le guide de cotation a servi de fondement objectif pour l’évaluation de tous les candidats. Aucun élément de preuve ne démontrait que les membres du comité d’évaluation n’avaient pas exercé un jugement indépendant dans leur évaluation de la plaignante. Par surcroît, rien dans la preuve n’établissait qu’il y avait eu un manque d’uniformité, que ce soit dans la composition du comité ou dans l’utilisation de l’outil d’évaluation durant l’entrevue. Enfin, la plaignante n’a pas réussi à prouver que les commentaires que l’un des membres du comité d’évaluation aurait formulés durant la discussion informelle pouvaient donner lieu à une crainte raisonnable de partialité de sa part. Les plaintes sont rejetées.
Contenu de la décision
- Dossier :
- 2013-0126/0127
- Rendue à :
- Ottawa, le 3 septembre 2014
LORI PYNN
Plaignante
ET
LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES
- Affaire :
- Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
- Décision :
- Les plaintes sont rejetées
- Décision rendue par :
- Eugene F. Williams, membre
- Langue de la décision :
- Anglais
- Répertoriée :
- Pynn c. Commissaire du Service correctionnel du Canada
- Référence neutre :
- 2014 TDFP 15
Motifs de décision
Introduction
1 Lori Pynn, la plaignante, a postulé dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation de plusieurs postes de responsable des agents de libération conditionnelle de groupe et niveau WP-05 pour la région de l’Ontario. Elle a été éliminée du processus de nomination à la suite de l’entrevue, car elle n’avait pas démontré qu’elle possédait la qualification essentielle relative à la capacité de superviser du personnel efficacement.
2 La plaignante affirme que l’intimé, le commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC), a abusé de son pouvoir de différentes façons. Ses préoccupations peuvent être regroupées sous trois allégations principales. Premièrement, elle soutient que le processus de nomination manquait de transparence, une préoccupation relative aux résultats de l’examen écrit et à la décision de réintégrer dans le processus certains candidats qui avaient été éliminés. Deuxièmement, la plaignante affirme qu’il y avait une faille fondamentale dans la méthode utilisée pour évaluer sa capacité de superviser du personnel efficacement parce que le comité d’évaluation lui avait donné des consignes ambiguës et ne lui avait pas posé de sous-questions pour obtenir plus de détails lors de l’entrevue. Troisièmement, elle est d’avis qu’il y a eu partialité à son encontre.
3 L’intimé nie les allégations d’abus de pouvoir. Il affirme que la plaignante n’a pas été nommée au poste parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle possédait la qualification essentielle relative à la capacité de superviser du personnel efficacement. L’intimé soutient qu’il a évalué adéquatement tous les candidats au moyen des outils d’évaluation pertinents et que les personnes nommées ont été jugées qualifiées. Ainsi, les nominations étaient fondées sur le mérite. L’intimé soutient en outre que la plaignante n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour étayer ne serait-ce qu’une de ses allégations et que, par conséquent, elle n’a pas démontré qu’il avait abusé de son pouvoir dans le processus de nomination en cause.
4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas participé à l’audience, mais elle a présenté des observations écrites sur ses lignes directrices et politiques se rapportant aux questions en litige. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de la plainte.
5 Pour les motifs exposés ci-après, les plaintes sont rejetées. Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut que la plaignante n’a pas prouvé que l’intimé avait abusé de son pouvoir, que ce soit dans le cadre du processus de nomination en général ou dans l’évaluation de sa candidature.
Contexte
6 En juin 2011, l’intimé a affiché une annonce de possibilité d’emploi sur Publiservice en vue de créer un bassin de candidats qualifiés, et ce, afin de doter divers postes de responsable des agents de libération conditionnelle en Ontario lorsqu’ils deviendraient disponibles.
7 Un total de 55 candidats ont été présélectionnés sur la base de leur demande d’emploi. Ces candidats ont par la suite été évalués au moyen d’un examen écrit, d’une entrevue et d’une vérification des références. Au final, le bassin de candidats qualifiés pour un poste de groupe et niveau WP-05 comptait 14 personnes.
8 L’intimé s’est servi de ce bassin pour effectuer une nomination à un poste de durée indéterminée à Peterborough et une nomination intérimaire à Toronto, et il a publié des notifications de nomination sur Publiservice les 20 et 21 mars 2013.
9 Le 25 mars 2013, la plaignante a présenté des plaintes au Tribunal en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP), au sujet de ces deux nominations. Le Tribunal a joint les plaintes aux fins de la présente audience.
10 À l’audience, la plaignante a laissé tomber son allégation de favoritisme personnel; aucun élément de preuve ne l’appuyait. En outre, la plaignante n’a pas indiqué que les deux personnes nommées n’étaient pas qualifiées pour le poste, pas plus qu’elle n’a présenté d’éléments de preuve en ce sens.
Questions en litige
11 Le Tribunal doit établir si l’intimé a abusé de son pouvoir en ce qui a trait à l’application du mérite dans le processus de nomination en cause. Pour ce faire, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
- L’intimé a-t-il commis une erreur grave relativement aux résultats de l’examen écrit?
- L’intimé a-t-il commis une erreur grave ou a-t-il eu une conduite inappropriée à quelque autre égard lorsqu’il a évalué la plaignante à l’étape de l’entrevue du processus de nomination?
- L’intimé a-t-il fait preuve de partialité à l’encontre de la plaignante dans le processus de nomination en cause?
Analyse
12 L’article 77(1) de la LEFP prévoit que la personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Les erreurs et les omissions dans un processus de nomination peuvent constituer un abus de pouvoir, selon leur nature et leur gravité. Comme il est indiqué dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au paragraphe 66, « l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non ».
13 Il incombe au plaignant qui présente une plainte en vertu de l’article 77 de la LEFP de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir. Voir par exemple la décision Tibbs, aux paragraphes 49 à 55.
Question en litige I: L’intimé a-t-il commis une erreur grave relativement aux résultats de l’examen écrit?
14 La plaignante affirme que les circonstances entourant l’examen écrit et ce qui a suivi, qui seront expliquées ci-dessous, équivalent à un abus de pouvoir.
15 Chantal Guillemette est la directrice de secteur pour le Bureau de libération conditionnelle de Sudbury. Elle était présidente du comité d’évaluation (le comité). Mme Guillemette a agi comme présidente pour trois des cinq processus de nomination auxquels elle a participé. Elle a déclaré avoir suivi en 2008 le cours sur la dotation destiné aux gestionnaires, lequel portait entre autres sur le rôle d’un membre de comité d’évaluation. Des pouvoirs lui ont été subdélégués, et elle a donné des conseils aux autres membres du comité.
16 Dans son témoignage, Mme Guillemette a déclaré que l’énoncé des critères de mérite (ECM) pour le poste de responsable des agents de libération conditionnelle est un ECM générique créé par l’Administration centrale qui contenait trois qualifications relatives aux connaissances et quatre relatives aux capacités. Les qualifications relatives aux connaissances ont été évaluées au moyen d’un examen écrit.
17 Mme Guillemette a expliqué que le comité avait d’abord décidé de présélectionner les 25 candidats ayant obtenu les notes les plus élevées à l’examen d’évaluation des connaissances. En raison de son évaluation des besoins organisationnels, notamment le fait qu’il y avait peu de postes de responsable des agents de libération conditionnelle dans la région de l’Ontario, le comité a décidé de limiter le nombre de candidats retenus. À cause de cette décision, les candidats qui avaient obtenu la note de passage (19/33) à l’examen écrit, mais qui ne se classaient pas parmi les 25 premiers, ont vu leur candidature dès lors rejetée. Sur la feuille de notation de l’examen écrit qui a été versée en preuve, il est écrit que seule la candidature des 25 candidats ayant obtenu les meilleures notes sera retenue. Les 25 candidats ainsi retenus, dont la plaignante faisait partie, avaient obtenu des notes d’au moins 25/33.
18 Mme Guillemette a indiqué qu’après que le comité eut communiqué les notes de l’examen au personnel responsable de la dotation au sein des Ressources humaines (RH), les RH lui ont demandé de revenir sur la décision de limiter le nombre de candidats retenus. Selon Mme Guillemette, les RH croyaient que le comité avait choisi au hasard les 25 premiers candidats. Le comité a examiné sa décision, puis a décidé de suivre le conseil des RH; ainsi, tous les candidats qui avaient obtenu la note de passage à l’examen d’évaluation des connaissances ont vu leur candidature être réintégrée dans le processus de nomination. En tout, huit autres candidats ayant réussi l’examen ont donc pu passer à la prochaine étape du processus de nomination, à savoir le contrôle de la qualité. Deux de ces candidats ont réussi le contrôle de la qualité et ont été reçus en entrevue. L’un d’eux a par la suite été nommé à un poste.
19 Une des questions en litige dans cette affaire est celle de savoir si la décision d’inclure les huit candidats constitue une erreur grave dans le processus de nomination. La plaignante soutient que les critères de correction de l’examen d’évaluation des connaissances ont été modifiés après que les candidats eurent passé l’examen et sans que ceux-ci soient informés de ces changements. À cet égard, la plaignante s’appuie sur les décisions Burke c. Sous-ministre de la Défense nationale,2009 TDFP 3, et Chiasson c. Sous-ministre de Patrimoine canadien,2008 TDFP 27.
20 Dans la décision Burke, le Tribunal devait établir si l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il avait, entre autres choses, modifié l’ECM après avoir évalué les candidats. Dans la décision Chiasson,le Tribunal devait décider si l’intimé avait abusé de son pouvoir en modifiant les instructions de l’examen écrit sans s’assurer que la plaignante avait bien reçu les nouvelles consignes. Il convient d’établir une distinction entre les faits propres aux deux affaires précitées et les mesures prises par l’intimé en l’espèce.
21 Dans la décision Burke,une modification considérable a été apportée aux qualifications essentielles, et une insouciance grave a été constatée dans l’application des critères d’évaluation des candidats une fois le processus de nomination commencé. Dans la décision Chiasson, la plaignante n’a pas été évaluée sur la même base que les autres candidats. La preuve dont dispose le Tribunal dans le cadre de la présente audience montre que tous les candidats ont été évalués de la même manière. Aucune modification n’a été apportée aux qualifications essentielles ni aux méthodes d’évaluation des candidats. Le comité n’a pas non plus modifié la note de passage. Il a bien apporté un changement, mais celui-ci visait à corriger ce qui était perçu comme une décision arbitraire ou aléatoire, c’est-à-dire la décision de rejeter la candidature de personnes qui avaient obtenu la note de passage à l’examen d’évaluation des connaissances.
22 L’article 36 de la LEFP confère un pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires délégataires pour ce qui est du choix et de l’utilisation des méthodes d’évaluation. Il ne s’agit toutefois pas d’un pouvoir absolu. Par conséquent, le Tribunal peut conclure qu’il y a abus de pouvoir si, par exemple, il est établi qu’il existe une faille fondamentale dans la méthode d’évaluation. Les méthodes d’évaluation qui ne permettent pas d’évaluer les qualifications, qui sont déraisonnables ou discriminatoires, ou qui produisent un résultat inéquitable peuvent constituer un abus de pouvoir. Voir par exemplela décision Ouellet c. Président de l’Agence canadienne de développement international,2009 TDFP 26.
23 Le pouvoir discrétionnaire accordé au comité d’évaluation n’est pas absolu non plus; en effet, le comité doit l’exercer conformément à la nature et à l’objet de la LEFP. Voir la décision Bowman c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 12, aux paragraphes 121 à 123. À la lumière des éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal juge qu’en l’espèce, le comité a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière adéquate lorsqu’il a décidé de réintégrer dans le processus de nomination les candidats ayant obtenu la note de passage à l’examen d’évaluation des connaissances.
24 La décision du comité concernant les résultats de l’examen écrit n’a entraîné aucune modification des critères objectifs utilisés pour déterminer quels candidats avaient réussi l’examen et n’a eu aucune incidence sur l’élimination de la candidature de la plaignante dans ce processus. Le Tribunal estime que cette décision a été prise pour remédier aux préoccupations soulevées par les RH relativement à l’équité envers les candidats. Le pouvoir discrétionnaire que le comité a exercé en décidant de réintégrer dans le processus les candidats ayant obtenu la note de passage et de les faire passer à la prochaine étape n’était lié à aucune intention illégitime ou partialité ni à aucun favoritisme. Chaque candidat s’était vu attribuer un numéro qu’il devait utiliser pour l’examen écrit, et il n’a été présenté à l’audience aucun élément de preuve qui aurait démontré que le comité connaissait l’identité précise des candidats au moment de l’attribution des notes aux examens. Ces circonstances n’ont pas donné lieu à un résultat inéquitable.
25 Le Tribunal est d’accord avec la plaignante lorsque celle-ci affirme qu’il y a eu manque de transparence en ce qui a trait aux résultats de l’examen écrit. Les candidats qui avaient d’abord appris par courriel que leur candidature était rejetée ont par la suite reçu un autre courriel les informant qu’ils étaient réintégrés dans le processus. Aucun candidat n’a reçu d’explications justifiant cette décision. Le Tribunal estime que l’intimé aurait dû faire preuve de transparence en informant tous les candidats de la situation et en leur expliquant sa décision, mais juge que ce manque de transparence n’équivaut pas à une erreur ou omission suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir. Voir par exemple la décision Morris c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2009 TDFP 9, au paragraphe 100.
26 Le Tribunal conclut que l’intimé n’a pas commis une erreur grave lorsque le comité a décidé de réintégrer dans le processus de nomination les candidats ayant obtenu la note de passage à l’examen d’évaluation des connaissances.
Question en litige II: L’intimé a-t-il commis une erreur grave ou a-t-il eu une conduite inappropriée à quelque autre égard lorsqu’il a évalué la plaignante à l’étape de l’entrevue du processus de nomination?
27 La plaignante affirme que les consignes données par le comité au moment de l’entrevue étaient ambiguës et soutient que ce dernier n’a pas obtenu d’elle tous les renseignements pertinents et qu’il ne lui a pas communiqué toute l’information nécessaire pendant l’entrevue. Elle soutient également qu’il y a eu manque d’uniformité dans la composition du comité et dans l’évaluation des candidats.
28 Le Tribunal a confirmé dans de nombreuses décisions que son rôle ne consiste pas à réévaluer des candidats ou à reprendre le processus de nomination à zéro. C’est à la CFP, et non au Tribunal, que la LEFP accorde le pouvoir d’évaluer les candidats à des fins de nomination, aux termes de l’article 30(2)a). Ce pouvoir peut être délégué en application de l’article 15(1) de cette même loi. Le Tribunal peut toutefois tâcher d’établir si la preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’évaluation effectuée. Voir par exemple la décision Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, aux paragraphes 42 à 46.
Allégation selon laquelle les consignes données par le comité d’évaluation au moment de l’entrevue étaient ambiguës
29 Dans son témoignage, la plaignante a déclaré qu’elle a été reçue en entrevue le 11 juillet 2012 par un comité d’évaluation composé de Mme Guillemette et d’Anne Marie Gravel. La plaignante a reçu des consignes écrites présentant les grandes lignes de la procédure d’entrevue. Il y avait trois questions à l’entrevue. Avant de commencer, les candidats disposaient d’une heure pour rédiger une note de service en réponse à la question 2, ainsi que pour préparer les réponses qu’ils donneraient de vive voix aux questions 1 et 3.
30 À la page 2 des consignes à l’intention des candidats, il était indiqué que trois capacités seraient évaluées au cours de l’entrevue, à savoir la capacité de superviser du personnel efficacement; la capacité de communiquer efficacement de vive voix et par écrit; et la capacité de définir et d’analyser des problèmes, de trouver des solutions et d’élaborer un plan d’action approprié. Il était également expliqué dans les consignes que les candidats disposeraient « de 45 minutes pour rédiger une note de service en réponse à la question 2, laquelle servira à évaluer la capacité de communiquer par écrit » [traduction].
31 À la suite de ces consignes se trouvaient les trois questions d’entrevue. Chaque question permettait d’évaluer une capacité différente. La capacité évaluée était clairement énoncée au-dessus de chaque question; le nombre maximal de points pouvant être alloués ainsi que la note de passage étaient également indiqués pour chaque question.
32 À la question 1, il était indiqué que la réponse donnée de vive voix serait utilisée pour évaluer la capacité de superviser du personnel efficacement. La question 2 était conçue pour évaluer la capacité de communiquer par écrit, et la question 3, la capacité de définir et d’analyser des problèmes, de trouver des solutions et d’élaborer un plan d’action approprié.
33 La plaignante a déclaré qu’après l’entrevue, elle avait l’impression d’avoir donné de bonnes réponses parce qu’elle estimait avoir présenté un aperçu juste de la situation dans sa réponse de vive voix et que tous les éléments qu’elle aurait pu omettre oralement avaient été abordés par écrit dans sa note de service. Étant donné que la question de vive voix et l’exercice écrit étaient fondés sur la même mise en situation, elle tenait pour acquis que les questions étaient liées. Dans les consignes de l’entrevue, il était indiqué que l’exercice écrit, soit la question 2, visait à évaluer la capacité de communiquer efficacement de vive voix et par écrit; comme personne n’avait dit à la plaignante que la note de service ne serait pas prise en compte dans l’attribution de la note pour la question 1, elle croyait que la réponse qu’elle avait donnée par écrit à la question 2 serait évaluée conjointement avec la réponse qu’elle avait donnée de vive voix à la question 1. Dans son argumentation, la plaignante avance que le comité a créé un chevauchement en utilisant la même mise en situation pour les questions 1 et 2.
34 La plaignante affirme que l’interprétation des consignes faite par l’intimé est erronée. Aucune consigne n’énonçait explicitement que la réponse à la question 2 ne serait pas prise en compte dans l’évaluation de la réponse donnée à la question 1. Pour cette raison, la plaignante soutient que la procédure d’évaluation était ambiguë et que les attentes n’étaient pas expliquées clairement.
35 Les deux membres du comité, soit Mmes Guillemette et Gravel, ont déclaré qu’elles trouvaient claires les consignes à l’intention des candidats et la procédure d’entrevue. Mme Guillemette a affirmé que, dans les 12 entrevues auxquelles elle avait participé, aucune consigne de vive voix n’était donnée aux candidats en plus de celles fournies par écrit. Des consignes détaillées étaient présentées afin de veiller à ce que les candidats comprennent la procédure. Mme Guillemette a pris des notes pendant l’entrevue pour consigner les propos des candidats et elle s’en est servie pour évaluer leurs réponses conformément au guide de cotation.
36 Selon Mme Guillemette, les membres du comité ont attribué aux candidats une note pour l’entrevue, puis pour la note de service. Les membres du comité ont examiné les réponses de chaque candidat et leur ont attribué une note en fonction des indicateurs contenus dans le guide de cotation.
37 Les consignes à l’intention des candidats leur fournissaient des renseignements clairs sur la manière dont les entrevues se dérouleraient. En termes simples, les consignes précisaient quelle capacité serait évaluée au moyen de chacune des questions. Chaque question était assortie d’un objectif unique bien précis, et ces objectifs ne se chevauchaient pas. Trois capacités étaient évaluées au moyen de trois questions. Il est vrai qu’une même mise en situation servait de contexte aux deux premières questions, mais pour bien répondre à chacune d’elles, il fallait prendre en compte des éléments différents.
38 Pour la question 1, le guide de cotation porte essentiellement sur les mesures que le candidat prendrait pour gérer la situation décrite. La question 2 vise quant à elle à évaluer la capacité du candidat de s’exprimer par écrit de manière claire, logique et concise; l’accent est mis sur les compétences en communication écrite et non sur les mesures prises pour gérer la situation exposée à la question 1. Bien que les deux questions soient fondées sur la situation décrite à la question 1, elles sont conçues pour évaluer des capacités complètement différentes.
39 Le Tribunal estime que les consignes étaient claires et sans ambiguïté. Elles informaient chaque candidat des qualifications évaluées par chacune des questions. Il n’y avait pas de chevauchement, car les consignes pour la question 2 expliquaient clairement que celle-ci portait sur la capacité de communiquer par écrit. Les consignes étaient claires; elles ne donnaient pas à penser que le contenu de la note de service pouvait être utilisé ou le serait pour étayer la réponse donnée de vive voix à la question 1. Après la lecture des consignes données pour chaque question, aucun doute ne subsiste quant aux éléments évalués ni à la manière dont ils étaient évalués. Rien ne permet de prétendre le contraire. Par conséquent, ce motif de plainte n’est pas fondé.
Allégation selon laquelle le comité n’a pas obtenu de la plaignante tous les renseignements pertinents ni communiqué à celle-ci toute l’information nécessaire pendant l’entrevue
40 La plaignante affirme que le comité n’a pas tenu compte de renseignements pertinents qu’elle avait donnés dans sa réponse à la question 2 lorsqu’il lui a attribué une note inférieure à la note de passage à la question 1. Ces renseignements pertinents comprenaient une version plus complète de sa réponse donnée de vive voix ainsi que « des détails supplémentaires relatifs aux sujets discutés au cours de la portion orale de l’entrevue » [traduction]. La plaignante est d’avis qu’elle a été éliminée parce que le comité n’a pas pris en considération ces renseignements dans son évaluation, surtout si l’on tient compte des consignes qui, d’après elle, ne permettaient pas de déterminer clairement si la réponse à la question 2 serait prise en compte dans l’attribution d’une note pour la question 1.
41 D’après la plaignante, le fait que le comité ne lui a pas posé de sous-questions pour obtenir des détails supplémentaires pendant l’entrevue est un autre exemple des lacunes dans la procédure qu’il a suivie. La plaignante fait remarquer que la réponse qu’elle a donnée de vive voix à la question 1 ne répondait pas aux attentes du comité parce qu’elle n’est pas entrée dans les détails et n’a pas fourni d’exemples.
42 Mme Guillemette a déclaré qu’à l’entrevue, les candidats devaient lire les consignes et apposer leur signature plus bas pour attester qu’ils les avaient comprises. Elle a expliqué que le comité voulait s’assurer que les candidats avaient compris les consignes. Les consignes signées par la plaignante ont été versées en preuve à l’audience.
43 Mme Guillemette a fait observer qu’elle avait consulté les trois autres membres du comité ainsi que les RH à propos des questions d’entrevue pour les candidats et de la manière dont tous les membres du comité mèneraient les entrevues. Elle a déclaré que le comité avait utilisé une « échelle d’appréciation qualitative » [traduction] comprenant cinq catégories allant d’excellent à insatisfaisant, ainsi qu’une liste de comportements, de capacités et de compétences au regard desquels il avait évalué les réponses des candidats. Elle a indiqué que pour recevoir la note « excellent » [traduction], la réponse devait démontrer de quelle manière le candidat gérait les problèmes et contenir des exemples de ce qu’il ferait en tant que responsable des agents de libération conditionnelle. Une réponse qualifiée de « faible » ou d’« insatisfaisante » [traduction] n’aurait pas obtenu la note de passage de 6/10 selon le guide de cotation.
44 Mme Guillemette a participé à 12 entrevues et a déclaré que tous les membres du comité menaient les entrevues et appliquaient les méthodes et outils d’évaluation de la même manière. Son témoignage à cet égard n’a pas été contredit.
45 Les notes prises par Mme Guillemette pendant l’entrevue de la plaignante indiquent que les réponses de celle-ci étaient acceptables, mais que « la capacité de coordonner et de gérer des tâches pour le personnel au quotidien ainsi que la capacité de déléguer des tâches sont lacunaires; les réponses étaient faibles en ce qui a trait à la surveillance continue et au suivi » [traduction].
46 Mme Guillemette a également déclaré que le comité savait qu’il pouvait utiliser des sous-questions et qu’aucune règle ne l’interdisait. Elle a expliqué qu’à la fin d’une entrevue, les membres du comité passaient leurs notes en revue pour repérer les indicateurs, évaluaient la réponse et lui attribuaient une note. Elle a affirmé que le comité avait d’abord attribué une note à l’entrevue, puis à la note de service écrite, avant d’établir la note finale attribuée pour la capacité de communiquer de vive voix et par écrit. Dans son témoignage, elle a en outre indiqué qu’elle n’avait posé de sous-questions à aucun des candidats qu’elle avait reçus en entrevue.
47 Le témoignage de l’autre membre du comité, Mme Gravel, concordait avec celui de Mme Guillemette. Mme Gravel a déclaré qu’elle avait consigné les réponses de la candidate et qu’elle avait évalué la mesure dans laquelle ses réponses correspondaient aux indicateurs. Mme Gravel a ensuite attribué une note en se fondant sur le guide de cotation. En ce qui a trait à la réponse donnée par la plaignante à la question 1, Mme Gravel a affirmé qu’il y manquait des éléments ayant trait à la coordination des tâches pour le personnel, à la surveillance du personnel et au suivi. Mme Gravel a reconnu que la plaignante avait énuméré des indicateurs, mais a déclaré que celle-ci n’avait pas établi de lien entre ces indicateurs et les fonctions de supervision d’un responsable des agents de libération conditionnelle dans sa réponse.
48 Rien ne permet de conclure que le comité s’est montré déraisonnable en tenant compte uniquement de la réponse donnée de vive voix à la question 1. Certes, la plaignante croyait que sa réponse à la question 2 serait prise en compte dans l’évaluation de sa réponse à la question 1, mais cela est totalement contradictoire avec le fait que, pendant, l’entrevue, elle ne pouvait pas se reporter à sa note de service écrite. Il va de soi que, si le contenu de la note de service devait être pris en compte dans l’évaluation de la réponse à la question 1, les candidats auraient eu le droit de s’y reporter pour répondre.
49 Le Tribunal constate que, conformément au guide de cotation, les membres du comité s’attendaient à ce que les candidats décrivent et expliquent en détail les mesures qu’ils prendraient en réponse à la question 1. Il ne suffisait pas de nommer les éléments. Les commentaires des membres du comité sont cohérents et sont directement liés aux comportements attendus pour la capacité de superviser du personnel efficacement.
50 Quant aux sous-questions, le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve attestant que la plaignante n’a pas été traitée de la même manière que les autres candidats reçus en entrevue. Par conséquent, aucun fondement factuel ne soutient une conclusion d’abus de pouvoir en ce qui concerne la décision du comité de ne pas poser de sous-questions à la plaignante pendant l’entrevue.
51 Le Tribunal conclut que les éléments de preuve de la plaignante ne démontrent pas que les membres du comité ont passé outre à certains éléments de sa réponse ou se sont montrés déraisonnables dans leur évaluation de sa capacité de superviser du personnel efficacement.
Allégation selon laquelle il y a eu manque d’uniformité dans la composition du comité d’évaluation et l’application des méthodes d’évaluation
52 Il n’est pas contesté que différents jurys, constitués de deux ou parfois de trois membres, ont procédé à l’évaluation des candidats dans le cadre du processus de nomination en cause. La plaignante soutient qu’elle était désavantagée parce que seulement deux membres du comité ont évalué son entrevue. Elle fait valoir que certains avantages sont associés à la présence d’un troisième membre aux entrevues. Rappelant que Mme Guillemette avait reconnu qu’un troisième membre du comité pouvait remarquer certaines idées formulées par le candidat que les deux autres membres n’auraient pas vues, la plaignante affirme que le comité ne s’est pas penché sur la question de savoir en quoi l’absence d’un membre pourrait influer sur son évaluation.
53 La plaignante affirme également que les membres du comité n’ont pas exercé un jugement indépendant lors de l’évaluation des candidats. En outre, elle soutient que la méthode d’évaluation que le comité a utilisée n’était pas uniforme parce que les membres ne s’étaient pas entendus sur l’utilisation de sous-questions pour obtenir des précisions, des détails ou des exemples de la part des candidats, que la taille des différents jurys était variable et que les jurys ont suivi une procédure différente pour en arriver aux notes finales. La plaignante affirme que le comité n’a pas appliqué la même norme tout au long du processus de manière à obtenir des notes objectives pour chaque candidat.
54 Mme Guillemette a expliqué qu’elle avait décidé de procéder à l’entrevue de la plaignante en ayant un seul autre membre avec elle; en raison de conflits d’horaire et d’un drame personnel imprévu ayant touché l’un des membres, il lui était impossible de réunir trois membres du comité à cette occasion. Les deux membres présents à l’entrevue étaient d’avis que la présence d’un troisième membre n’entraînait ni avantage ni inconvénient important pour un candidat.
55 L’utilisation de multiples jurys pour un comité d’évaluation concorde avec le pouvoir discrétionnaire considérable octroyé aux gestionnaires en vertu de la LEFP. Voir par exemple la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, au paragraphe 60.
56 Le Tribunal a également traité de la question de la composition d’un comité d’évaluation dans la décision Sampert c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 9, au paragraphe 53 :
Aucune disposition de la LEFP n’oblige les administrateurs généraux à constituer un comité d’évaluation ni à faire en sorte que celui-ci soit composé d’une certaine façon (par exemple à s’assurer de la présence d’un agent des ressources humaines au sein du comité). La question de savoir si un comité d’évaluation est composé de façon appropriée ou non est une question de fait qui dépend de la plainte présentée et de la preuve produite à l’audience.
57 Le Tribunal est convaincu que l’intimé a fourni une explication logique pour justifier le fait que la plaignante a été évaluée par un comité formé de deux membres lors de son entrevue. Plus important encore, la plaignante n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle elle avait été désavantagée par rapport aux autres candidats parce qu’elle avait été reçue en entrevue par seulement deux personnes. De même, l’allégation de la plaignante selon laquelle les deux membres du comité n’ont pas exercé un jugement indépendant pour évaluer les candidats n’a aucun fondement probatoire. Au contraire, le témoignage non contredit de Mme Gravel confirme qu’elle a procédé à une évaluation indépendante de la plaignante avant que le comité n’attribue une note à la réponse de celle-ci à la question 1 de l’entrevue.
58 Il incombait également à la plaignante de présenter suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que l’évaluation des candidats à l’étape de l’entrevue du processus de nomination avait manqué d’uniformité, soit dans l’utilisation de sous-questions, soit dans les notes finales attribuées par les différents jurys. Or, la plaignante ne l’a pas fait. Le Tribunal estime que l’intimé a pris des mesures raisonnables pour assurer l’uniformité du processus. Mme Guillemette a participé à 12 des 15 entrevues qui ont été réalisées. Comme il a été fait remarquer précédemment, elle a donné des conseils aux autres membres du comité et elle a consulté tous les membres du comité ainsi que les RH pour assurer l’uniformité dans le déroulement des entrevues et dans l’utilisation du guide de cotation pour évaluer les candidats. Le Tribunal est convaincu que des mesures raisonnables ont été prises en l’espèce pour limiter les écarts et assurer l’uniformité. Voir par exemple la décision Bizimana c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2014 TDFP 3, aux paragraphes 31 à 33.
59 En résumé, le Tribunal juge, à la lumière de l’ensemble de la preuve, que la plaignante n’a pas établi l’existence d’une faille dans le processus suivi pour évaluer son entrevue. Les consignes n’étaient pas ambiguës. Le comité avait le pouvoir discrétionnaire d’utiliser la réponse donnée par écrit pour évaluer uniquement la question 2; ce n’était pas une décision déraisonnable. Les consignes à l’intention des candidats indiquaient clairement pour l’évaluation de quelles capacités avait été conçue chaque question, ainsi que la note de passage requise à chaque question. Le guide de cotation a servi de fondement objectif pour l’évaluation de tous les candidats. Aucun élément de preuve ne démontre que Mmes Guillemette et Gravel n’ont pas exercé un jugement indépendant dans leur évaluation de la plaignante. Par surcroît, le Tribunal estime que la plaignante n’a pas établi qu’il y avait eu un manque d’uniformité, que ce soit dans la composition du comité ou dans l’application de l’outil d’évaluation pendant l’entrevue.
60 Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas prouvé que l’intimé avait commis quelque erreur que ce soit ou eu une conduite inappropriée à quelque autre égard lorsqu’il a évalué sa candidature.
Question en litige III : L’intimé a-t-il fait preuve de partialité à l’encontre de la plaignante dans le processus de nomination en cause?
61 La plaignante affirme que la manière dont le comité a attribué une note à sa réponse à la question 1 démontre qu’il a fait preuve de partialité à son encontre.
62 Il n’est pas nécessaire de prouver qu’il y a bel et bien eu partialité pour en arriver à une conclusion de partialité. En effet, une crainte raisonnable de partialité peut constituer un abus de pouvoir. Voir la décision Denny c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, au paragraphe 125, qui nous renvoie à la décision Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.
63 Le Tribunal a établi, dans la décision Gignac c. Sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux,2010 TDFP 10, que les personnes chargées de l’évaluation dans un processus de nomination ont le devoir de procéder à une évaluation impartiale et sans crainte raisonnable de partialité. Au paragraphe 74 de cette décision, le Tribunal a adopté le critère exposé dans la décision Committee for Justice and Liberty dans le contexte d’une plainte de partialité dans un processus de nomination, en ces termes :
Lorsqu’il y a allégation de partialité, le critère suivant pourra être appliqué à son analyse en tenant compte des circonstances l’entourant : Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a abus de pouvoir.
64 Le Tribunal fait remarquer d’emblée qu’aucun élément de preuve n’a été présenté en l’espèce pour attester qu’il y a bel et bien eu partialité. En outre, aucune crainte raisonnable de partialité de la part de Mme Guillemette n’a été démontrée. La plaignante a commencé à soupçonner qu’il y avait eu partialité au cours de sa discussion informelle avec Mme Gravel. Selon la plaignante, Mme Gravel lui aurait dit qu’elle ferait sans aucun doute une bonne responsable des agents de libération conditionnelle un jour et qu’elle avait tout le temps nécessaire pour atteindre cet objectif. La plaignante a déclaré qu’elle avait été surprise d’entendre une telle affirmation et qu’elle a commencé à se demander si son évaluation n’avait pas été partiale. Dans son témoignage, la plaignante a ajouté que ses préoccupations se sont amplifiées lorsqu’elle s’est fait dire qu’elle était trop directe et qu’elle avait donné l’impression d’avoir lu le manuel comment être un responsable des agents de libération conditionnelle. Mme Gravel a nié avoir fait ces deux commentaires.
65 Le Tribunal juge qu’un observateur relativement bien informé ne pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part de Mme Gravel en se fondant uniquement sur ces commentaires, qu’ils aient été formulés ou non lors de la discussion informelle. Comme l’a expliqué le Tribunal, la discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Voir la décision Rozka c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, au paragraphe 76. Les commentaires attribués à Mme Gravel doivent être examinés dans ce contexte. Comme en fait état la jurisprudence du Tribunal, un plaignant doit fournir beaucoup plus d’éléments de preuve que ce dont dispose le Tribunal en l’espèce pour appuyer une allégation de crainte raisonnable de partialité.
66 Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas prouvé que l’intimé a fait preuve de partialité à son encontre dans le processus de nomination en cause.
Décision
67 Pour tous les motifs exposés ci-dessus, les plaintes sont rejetées.
Eugene F. Williams
Membre
Parties au dossier
- Dossier du Tribunal :
- 2013-0126/0127
- Intitulé de la cause :
- Lori Pynn et le commissaire du Service correctionnel du Canada
- Audience :
- Les 8 et
9 juillet 2014
Toronto (Ontario)
Les observations écrites finales ont été reçues le 16 juillet 2014 - Date des motifs :
- Le 3 septembre 2014
COMPARUTIONS :
- Pour le plaignant :
- George Stones
- Pour l’intimé :
- Vanessa Reshitnyk
- Pour la Commission
de la fonction publique : - Luc Savard
(observations écrites)