Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L'agent négociateur a déposé un grief collectif au nom de deux employés qui travaillent à titre de techniciens de systèmes de communication à une installation de maintenance de la flotte située à Halifax, en Nouvelle‑Écosse – l'employeur les a envoyés à Victoria, en Colombie‑Britannique, pour observer l'installation d'un système de communication dans un navire à titre de formation puisque le même système devait être installé ensuite dans les navires de la côte est – les employés se sont rendus à Victoria et ils s'attendaient à observer l'installation pendant le quart de jour le lendemain de leur arrivée – le soir de leur arrivée, l'équipe de Victoria les a informés que l'installation avait été reportée au quart de nuit du jour suivant – les employés ont communiqué avec leur gestionnaire à Halifax qui leur a envoyé une lettre type normalisée autorisant le changement de quart au quart de nuit – les employés ont observé l'installation au cours de deux quarts de nuit et ils ont réclamé un salaire à tarif double pour ces quarts – l'employeur a refusé de payer le salaire à tarif double en soutenant que les employés suivaient une formation et qu'ils avaient consenti au changement de quart – l'arbitre de grief a conclu que l'employeur n'avait pas donné un avis suffisant du changement de quart, conformément à l'exigence prévue dans la convention collective – l'employeur n'était pas exempté de l'exigence de donner un avis parce qu'il ne s'agissait pas d'un quart dans le cadre d'un cours de formation au sens de la convention collective – les cours de formation officielle visés par l'exemption prévue dans la convention collective diffèrent de la formation en cours d'emploi qui a eu lieu en l'espèce – en outre, le consentement mutuel du changement de quart exigé par la convention collective pour que l'exemption s'applique doit être convenu entre l'employeur et l'agent négociateur et non l'employé – en l'espèce, l'agent négociateur n'avait aucune connaissance du changement de quart avant que les employés retournent chez eux à Halifax. Grief accueilli. Ordonnance d'un montant correspondant au salaire à tarif double pour les heures travaillées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150309
  • Dossier: 567-02-129
  • Référence: 2015 CRTEFP 25

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CONSEIL DE L'EST DES MÉTIERS ET DU TRAVAIL DES CHANTIERS MARITIMES DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale – RDDC)

employeur

Répertorié
Conseil de l'est des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale – RDDC)

Affaire concernant un grief collectif renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief
Pour l'agent négociateur:
Raymond Larkin, c.r., et Jillian Houlihan, seconde avocate
Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocate
Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
Les 13 et 14 janvier 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

1 Le Conseil de l'est des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (le « Conseil ») est l'agent négociateur des employés qui sont membres de dix syndicats affiliés et travaillent à l'Installation de maintenance de la flotte Cape Scott (« IMF Cape Scott »), à Halifax (Nouvelle-Écosse). Pendant toute la période pertinente, le Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) (l'« employeur ») et le Conseil étaient les parties à une entente conclue entre eux et portant sur le groupe Réparation des navires (Est) qui expirait le 31 décembre 2011 (la « convention collective »). En l'absence d'une opposition quelconque des parties, je présume que l'entente était toujours en vigueur à la date du dépôt du grief collectif dont je suis saisi.

2 Le 6 juin 2012, le Conseil a présenté un grief collectif en vertu de l'article 215 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP »), au nom de deux employés, Cory Nixon et Curtis Eagles. Même si MM. Nixon et Eagles ne sont pas officiellement les fonctionnaires s'estimant lésés en l'espèce, je les désignerai collectivement comme les « fonctionnaires » dans la présente décision. Selon le grief, l'employeur a omis de rémunérer les fonctionnaires conformément à la convention collective pendant le temps qu'ils ont passé à l'Installation de maintenance de la flotte Cape Breton (« IMF Cape Breton »), à Victoria (Colombie-Britannique). L'employeur a rejeté leur grief aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs. Éventuellement, le grief a été renvoyé à l'arbitrage.

3 L'audience s'est tenue à Halifax, les 13 et 14 janvier 2015. L'agent négociateur a cité les personnes suivantes à témoigner :

  1. M. Eagles, l'un des deux fonctionnaires;
  2. Lorne Brown, qui était et est toujours président du Conseil.

4 L'employeur a cité les deux témoins suivants à témoigner :

  1. Darrell Joseph, un gestionnaire du groupe 5 pour « C14 » (qui concerne les ordinateurs de commande et de contrôle, l'électronique, etc.) à l'IMF Cape Scott depuis août 2008;
  2. David Lowdon, qui, pendant toute la période pertinente en mai 2012, était un gestionnaire du groupe 5 (Électronique) à l'IMF Cape Breton.

5 Je souligne que j'ai entendu le témoignage de M. Lowdon, qui se trouvait à Victoria, par vidéoconférence à partir des installations de l'employeur à Halifax.

6 Un certain nombre de documents ont également été déposés à titre de pièces.

7 Les parties n'ont pas contesté les faits de l'affaire. Le litige portait sur le sens et l'intention des dispositions applicables de la convention collective relativement aux faits. Cela étant, je présenterai simplement mes constatations en me fondant sur les témoignages et les documents présentés. Je renverrai aux éléments de preuve uniquement lorsque cela sera nécessaire pour expliquer les faits.

8 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission ») qui remplace l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) dans sa version antérieure à cette date.

II. Le contexte

9 Les fonctionnaires travaillaient à l'IMF Cape Scott. Ils étaient tous deux techniciens des systèmes de communication. Ils étaient régulièrement affectés à des quarts de jour et y travaillaient de 7 h 45 à 16 h 15, du lundi au vendredi. Leur travail incluait l'installation, l'essai et la réparation de différents types de systèmes de communication électronique sur les navires et les sous-marins de la marine canadienne. L'un des systèmes de communication comprenait l'utilisation de satellites pour transmettre et recevoir des données. Pendant la période pertinente, l'employeur avait entrepris des travaux afin de mettre à niveau le système de communication par satellite dans les navires de la marine; l'un des objets de la mise à niveau était d'améliorer et d'accroître l'accès à Internet. L'installation du système mis à niveau devait être déployée à l'échelle des flottes de la côte ouest et de la côte est de la marine au fil du temps. Les fonctionnaires devaient faire partie de l'équipe responsable de l'installation du système mis à niveau lors du déploiement de celui-ci sur la côte est.

10 Le nouveau système a été conçu et fabriqué par une société américaine disposant d'une installation de production en Floride. La société a donné une formation sur place, à son installation en Floride, sur le nouveau système. Le cours comprenait des directives en salle de classe sur la théorie relative au fonctionnement du nouveau système (dont la prestation était assurée, entre autres, par des présentations en classe et PowerPoint) ainsi que des démonstrations pratiques sur le nouveau système à l'installation de production. Le cours durait cinq jours. En octobre 2011, les fonctionnaires, ainsi que deux techniciens de l'IMF Cape Breton, ont participé au cours en Floride.

11 Les fonctionnaires ont appris qu'il avait été prévu que la première installation (appelée [traduction] « mise en marche ») du nouveau système aurait lieu à l'IMF Cape Breton au cours du printemps 2012. Ils savaient également que le système serait par la suite installé sur les navires de la flotte de la côte est. M. Nixon, qui occupait alors le poste de superviseur de l'atelier de communication, croyait qu'il serait une bonne idée que l'IMF Cape Scott envoie quelqu'un à Victoria pour observer la mise en marche du nouveau système.

12 À cet égard, M. Nixon a préparé une [traduction] « proposition de formation » au début de 2012. La proposition prévoyait une estimation des coûts en vue d'envoyer un technicien d'Halifax à Victoria pour observer la première mise en marche. Dans la proposition, il a fourni les motifs suivants aux fins de justification (pièce E5, onglet 1) :

[Traduction]

[…] Étant donné qu'il n'y a aucune formation en vue pour cet équipement, les connaissances acquises par l'observation et la participation seront précieuses pour l'IMFCS [l'IMF Cape Scott] en vue de continuer à assurer la prestation de services de la plus haute qualité à la flotte. En outre, il y aura un avantage supplémentaire, car le RSU sera présent pour répondre aux questions pendant la mise en marche.

13 La forme abrégée de [traduction] « représentant de service de l'usine » est [traduction] « RSU ». M. Eagles a expliqué que, pendant la première mise en marche d'un système, le fabriquant (que l'on appelle parfois le [traduction] « FEO » ou [traduction] « fabricant d'équipement d'origine ») envoie habituellement un RSU sur place afin de fournir des renseignements techniques et de l'aide relativement à son installation, ses essais et son fonctionnement, de même que pour répondre à toutes les questions que les techniciens pourraient avoir.

14 La proposition a éventuellement été élargie afin d'inclure l'envoi de deux techniciens, soit les fonctionnaires, à Victoria, afin d'observer la mise en marche. La réaction de la direction à l'égard de cette proposition a été enthousiaste. Ken Cox, un ingénieur au service de l'employeur situé à Ottawa, en Ontario, qui supervisait l'ensemble du projet d'installation, a indiqué en février 2012 qu'il n'y avait aucun problème quant à la proposition, dans la mesure où les coûts associés à l'envoi des techniciens étaient assumés dans le cadre du budget des installations de la côte est (pièce E5, onglet 2). Gail Schrader, superviseure intérimaire de l'atelier de communication à l'IMF Cape Scott, croyait qu'il [traduction] « […] s'agirait d'une excellente occasion de formation pour permettre aux membres de notre personnel de travailler avec ce nouvel équipement de communication » (pièce E5, onglet 2). M. Lowdon, à l'IMF Cape Breton, croyait qu'il s'agissait [traduction] « d'une idée absolument brillante » (pièce E5, onglet 3).

15 Le 1er avril 2012, M. Eagles a été informé de ce qui suit. Lui-même et une autre personne (qui s'est éventuellement avérée être M. Nixon) étaient visés par cette information (pièce E5, onglet 5) :

[Traduction]

[…][vous] avez été sélectionné pour « observer » la mise en marche de la MNTSCT [Mise à niveau des télécommunications par satellite à court terme] à bord du NCSM Ottawa à l'IMFCB. Vous avez été sélectionné, car vous êtes l'un des deux seuls membres de l'atelier à avoir reçu une formation officielle sur ce nouveau système. On attend de vous que vous rameniez et partagiez les connaissances acquises pendant la mise en marche et le cours officiel que vous avez déjà suivi avec tous les membres de l'atelier de communication qui sont intéressés.

16 Il se trouve que le navire sur lequel devait être installée la mise à niveau des télécommunications par satellite à court terme (la « MNTSCT ») a été changé au profit du Navire canadien de Sa Majesté (le « NCSM ») Regina. Les dates pour la mise en marche ont éventuellement été fixées afin de commencer la semaine du 7 mai 2012.

17 Les fonctionnaires sont arrivés à Victoria le 8 mai en après-midi (heure de Victoria). Il était environ 19 h, heure d'Halifax, lorsqu'ils sont arrivés à leur hôtel. Selon eux, ils devaient participer à la mise en marche le matin suivant, selon l'horaire de travail habituel pour les quarts de jour, soit de 7 h 45 à 16 h 15. Plus tard ce soir-là, un certain nombre de techniciens de la côte ouest qui allait effectuer la mise en marche que devaient observer les fonctionnaires se sont présentés à l'hôtel. Ils ont informé les fonctionnaires qu'un changement de quart avait été effectué pour les travaux. La mise en marche devait commencer le lendemain, mais pendant le quart de nuit, à 23 h 45. Les techniciens de la côte ouest ont expliqué que ce changement était nécessaire en raison des dangers, pour les personnes travaillant au chantier maritime, associés à l'utilisation de puissants faisceaux de haute fréquence liés aux essais et au fonctionnement du système mis à niveau. Si les faisceaux devaient être interrompus, par exemple, par une grue du chantier maritime, l'opérateur de la grue pourrait subir des blessures. En conséquence, il a été conclu qu'il était plus sécuritaire de mener les essais de la mise en marche pendant que le chantier maritime n'était pas en activité.

18 Le matin suivant, à 7 h 45, heure de Victoria, les fonctionnaires ont communiqué avec leur gestionnaire de la côte est pour obtenir des directives en réponse aux nouvelles concernant le changement de quart.

19 Le 9 mai 2012, à 13 h 41 (heure d'Halifax), William (Greg) Sample, le gestionnaire intérimaire du centre de travail pour [traduction] « C4T (Communications, aide à la navigation) » à l'IMF Cape Scott, a envoyé un courriel à M. Joseph pour l'informer que la mise en marche sur le NCSM Regina [traduction] « […] aura lieu pendant le poste 1 à compter de ce soir à minuit afin de régler le conflit d'horaire connexe. Par conséquent, nous transférons nos gens au poste 1 pour que cela coïncide » (pièce E5, onglet 7). Il a ajouté que Mme Schrader et Dirk Bouter, un autre superviseur intérimaire du centre de travail, travaillaient à la rédaction d'une lettre sur les changements de quart. À 15 h 18, M. Bouter a envoyé par courriel la lettre sur les changements de quarts de travail à M. Nixon, en ajoutant que [traduction] « [e]ssentiellement, vous êtes affecté au poste 1, de 23 h 45 à 8 h 15, à compter de ce soir, jusqu'à 8 h 15, le 16 » (pièce E5, onglet 6).

20 M. Eagles a témoigné que pendant qu'il attendait la lettre sur les changements de quarts de travail (c'est-à-dire, les directives quant à savoir ce que devraient faire les fonctionnaires), M. Nixon et lui attendaient dans leur chambre d'hôtel.

21 Personne n'a contesté à l'audience que la lettre sur les changements de quarts de travail correspondait à une lettre d'un format plus ou moins standard qui est livrée à un employé dont le quart habituel a été modifié. Dans le cas présent, la lettre sur les changements de quarts de travail était intitulée [traduction] « Avis du premier quart (minuit) – Mise en marche de la MNTSCT du NCSM Regina » (pièce E5, onglet 8). Dans la lettre, signée par Roger Baraket, le gestionnaire de production pour le commandant de l'IMF Cape Scott, il était indiqué que le quart [traduction] « […] est nécessaire pour faire avancer les travaux de la mise en marche de la MNTSCT sur le NCSM Regina, tel qu'indiqué par l'IMF Cape Breton ». Il était également indiqué que le quart commencerait à 23 h 45 le mercredi 9 mai 2012 et qu'il se poursuivrait jusqu'à la fin du projet à 8 h 15, le 16 mai 2012. Il était aussi mentionné que [traduction] « […] le salaire et les avantages seront conformes à la convention collective pertinente » (pièce E5, onglet 8).

22 M. Joseph a témoigné que l'envoi de la lettre sur les changements de quarts était une pratique habituelle lorsqu'un employé état déplace d'un quart à un autre. Le Conseil recevait une copie conforme de ces lettres, de même que le service des finances de l'employeur, étant donné que ce dernier devait en être informé pour calculer et payer les primes de quart auxquelles avaient droit les employés qui effectuent des quarts de nuit ou de soir.

23 M. Eagles a témoigné qu'après avoir reçu la lettre, M. Nixon et lui étaient allés marcher, avaient pris un repas et tenté de rattraper un peu de sommeil, étant donné qu'ils devaient commencer leur quart à 23 h 45, le même soir. Ils se sont ensuite rendus au chantier maritime pour observer la mise en marche.

24 M. Eagles a témoigné que, pendant qu'ils se trouvaient à l'IMF Cape Breton pour observer la mise en marche, ils avaient apporté une aide [traduction] « pratique » aux essais et à la calibration de l'équipement à bord, ainsi qu'auprès des installations de communication côtières par l'intermédiaire de laquelle le flux de données devait circuler. Je fais une pause pour signaler que la preuve indiquait clairement qu'aucun des fonctionnaires n'avait été affecté à l'équipe de la côte ouest; ils ne faisaient pas non plus partie de l'équipe de travail et ils n'étaient pas rémunérés à partir du budget de la côte ouest. Ceci étant, il ressort également clairement du témoignage de M. Eagles (qui était le seul témoin de ce que l'équipe avait réellement fait pendant la mise en marche) qu'ils ne se sont pas contentés d'observer ce qui se passait pendant la mise en marche. De temps à autre, ils ont aidé activement aux travaux effectués par l'équipe de la côte ouest. Ils ont travaillé comme membres de l'équipe afin de diagnostiquer et de résoudre plusieurs problèmes qui sont survenus pendant les travaux.

25 Qu'ils l'aient fait n'est pas surprenant et, d'une certaine façon, on devait s'y attendre. Les deux fonctionnaires étaient des techniciens chevronnés comptant de nombreuses années d'expérience. Comme en a témoigné M. Eagles, et tel qu'il a été confirmé par M. Joseph, l'apprentissage par la pratique fait partie du travail de technicien. M. Joseph a souligné pendant le contre-interrogatoire que l'apprentissage par la pratique pouvait aller de la prise de notes sur ce qui se passait à [traduction] « l'utilisation d'un tournevis ». Il n'est pas surprenant alors que les fonctionnaires, pendant la mise en marche, ait fait plus qu'observer ce qui se passait par-dessus les épaules des membres de l'équipe de la côte ouest.

26 Ce type d'apprentissage peut s'opposer à la forme d'apprentissage plus formelle et organisée qui se déroule parfois à l'externe et, parfois, en salle de classe. M. Brown a témoigné que pendant son mandat à titre de président du Conseil, il a reçu en six ou sept occasions des appels de la direction lui demandant d'accepter des heures de cours qui s'étaient déroulées en dehors des heures régulières d'un quart précisées dans la convention collective. Il a indiqué qu'il aurait pu y avoir un cours de formation organisé par la marine à la base des Forces canadiennes Stadacona, à Halifax (à proximité du chantier maritime de Cape Scott, mais pas au même emplacement) ou à l'aide d'une plate-forme, comme un navire ou un sous-marin, dont les heures différeraient de celles d'un quart normal. Dans de tels cas, il a toujours consenti au nom du Conseil, car il considérait qu'il s'agissait d'un aspect important de la formation et de l'éducation de ses membres.

27 M. Joseph a témoigné que la formation comprenait plusieurs cours officiels, lesquels pouvaient être donnés à l'École de génie naval des Forces canadiennes (l'« École de génie naval »), ou par un FEO, par exemple Lockheed Martin. Les employés qui suivent de tels cours se rendent généralement à l'école ou à l'usine, selon le cas. Souvent, de tels cours comprennent des présentations PowerPoint et du travail pratique sur de l'équipement démonstrateur. À la fin de plusieurs de ces cours, quoique pas tous, des notes sont attribuées et un certificat remis. De plus, il arrive que les heures de ces cours ne correspondent pas aux heures normales du quart. Donc, par exemple, un cours donné par un FOE pourrait être donné le soir, car l'équipement n'est pas disponible le jour, ou il pourrait avoir été présenté à un certain nombre d'employés en séquence parce qu'il n'y avait pas suffisamment de [traduction] « trousses » pouvant être utilisées par tout le monde en même temps. Il a témoigné que, dans de tels cas, il s'est toujours efforcé de communiquer avec le Conseil pour l'informer de tous les changements à un quart normal en raison d'une formation et que, lorsqu'un changement de quart était nécessaire, il envoyait habituellement une lettre sur les changements de quarts pour informer du changement.

28 En revenant à la chronologie et à l'affaire dont il est question, le 10 mai 2012, M. Nixon a envoyé un courriel à M. Bouter et à Mme Schrader à propos de la lettre sur les changements de quarts. Il a posé la question suivante : [traduction] « Comment est-ce que cela fonctionne pour nous? Une heure supplémentaire avait été approuvée pour les gens de la côte ouest, nous sommes donc restés, naturellement. Serons-nous rémunérés pour cette heure supplémentaire? » (pièce E5, onglet 6). Mme Schrader a répondu au courriel, indiquant : [traduction] « Étant donné que vous avez eu pour directive de vous conformer aux heures de l'IMFCB pour la mise en marche, ils devraient très certainement vous rémunérer pour cette heure » (pièce E5, onglet 6). Il se trouve que l'IMF Cape Breton n'a pas payé, étant donné qu'elle était d'avis que les fonctionnaires ne faisaient pas partie de son équipe de travail et qu'ils n'étaient présents qu'en qualité d'observateurs.

29 La question de la façon dont les fonctionnaires devraient être rémunérés pour les deux premiers postes 1 (quarts de nuit) pendant lesquels ils ont travaillé à partir des 9 et 10 mai, et la raison pour laquelle ils devaient l'être, est devenue une préoccupation à leur retour à Halifax. Selon le témoignage de M. Eagles, il ne connaissait pas avec certitude quels étaient leurs droits en vertu de la convention collective. Il a parlé à M. Brown, le président du Conseil, à son retour. En fin de compte, les fonctionnaires ont décidé de demander le tarif double prévu par la convention collective pour les deux premiers quarts de nuit, puis une prime de quart pour le reste des quarts travaillés jusqu'à leur retour à Halifax (voir la pièce U4).

30 L'employeur a payé la prime de quart pour tous les quarts de nuit que les fonctionnaires ont travaillé, y compris les nuits du 9 au 10 mai et du 10 au 11 mai. Cependant, il a refusé de payer le tarif double pour ces deux quarts de nuit. À cet égard, il m'a renvoyé à la clause 15.06c) de la convention collective, qui, selon son interprétation, lui permettait de modifier les horaires de travail par quart pour accommoder les cours de formation, et ce, par un commun accord. La position de l'employeur était que, à leur demande, on avait effectivement envoyé les fonctionnaires suivre une formation et qu'ils avaient consenti au changement de quart.

31 À ce sujet, la question entre les fonctionnaires et l'employeur a été regroupée.

A. La convention collective

32 Les positions des parties étaient fondées sur leurs interprétations respectives de certaines dispositions de l'article 15 (« Durée du travail et heures supplémentaires ») de la convention collective, ainsi que sur leur compréhension de la façon dont les faits s'inscrivaient dans ces dispositions. Par conséquent, il est nécessaire de présenter les dispositions pertinentes de la convention collective.

33 Aux termes de la clause 15.02 de la convention collective, la durée du travail est partagée en trois postes, comme suit :

  1. le P1, le poste de nuit, s'étend de 23 h 45 à 8 h 15;
  2. le P2, le poste de jour, s'étend de 7 h 45 à 16 h 15;
  3. le P3, le poste de soir, s'étend de 15 h 45 à 00 h 15.

34 Les heures de travail régulières prévues des fonctionnaires correspondaient au poste de jour (P2), soit de 7 h 45 à 16 h 15. La clause 15.05 de la convention collective reconnaît le droit de l'employeur de transférer des employés, comme les fonctionnaires, d'un quart à un autre à l'intérieur d'un jour de travail, sous réserve de la nécessité de payer des heures supplémentaires, comme suit : « 15.05 Sous réserve de l'application du paragraphe 15.10 [qui prévoit les taux de rémunération des heures supplémentaires], l'employé peut être affecté d'un poste à un autre durant un même jour de travail ».

35 Dans la clause 2.01o) de la convention collective, « Travail supplémentaire » est défini comme « […] tout travail exécuté en dehors de l'horaire de travail d'un employé ». Lorsqu'un employé accomplit du travail supplémentaire, il a droit à deux ou trois fois le tarif normal, selon le nombre d'heures travaillées au-delà de huit heures; voir les clauses 15.10a) et b) de la convention collective.

36 La clause 15.06 de la convention collective traite comme suit la question des primes de poste (pas le travail supplémentaire) associées au fait d'être affecté à des quarts de nuit ou de soir. Cette clause prévoit que les employés affectés à ces quarts ont droit, selon les circonstances, à une prime de poste (c'est-à-dire, une fraction déterminée de leur salaire normal) ou à un tarif double, mais pas aux deux :

15.06  Nonobstant les dispositions du paragraphe 15.02 :

a)  l'employé qui effectue le premier poste (nuit) ou le troisième poste (soir) :

(i)  pendant trois (3) jours de travail consécutifs ou plus, au cours d'une même semaine de travail,

ou

(ii) le premier, ou les premier et deuxième jours de travail de la semaine de travail qui en suite une autre travaillée entièrement en premier poste (nuit) ou en troisième poste (soir),

ou

(iii) le dernier, ou les dernier et avant-dernier jours de travail pendant une semaine de travail qui en précède une autre travaillée entièrement en premier poste (nuit) ou en troisième poste (soir), ou

touche la prime de poste prévue au paragraphe 24.01.

Aux fins de l'application de l'alinéa 15.06a), lorsqu'un employé est en congé pendant les jours dont il est question à l'alinéa 15.06a), cela n'est pas considéré comme dérogeant à l'exigence de cette clause que les jours de travail soient consécutifs ou que la semaine de travail soit complète.

Aux fins de l'application du sous-alinéa 15.06a)(i), un jour férié payé n'est pas considéré comme interrompant une série de jours consécutifs, à condition que celle-ci comprenne trois (3) jours de travail par poste.

Quand du travail par poste est prévu pour une semaine complète qui comprend un jour férié désigné payé, ce jour n'est pas considéré comme interrompant la semaine de travail complète dont il est question dans les sous-alinéas 15.06a)(ii) et (iii).

b)  L'employé qui effectue le premier ou le troisième poste, selon des modalités différentes de celles qui sont indiquées à l'alinéa a) du paragraphe 15.06, touche le taux à tarif double (2) pour chacune des heures ainsi exécutées, sans bénéficier d'une prime de poste.

[…]

37 Cependant, une autre disposition particulière de la convention collective suit immédiatement et traite de la nécessité de modifier les quarts de travail afin de permettre aux employés de suivre des cours de formation. La clause 15.06c) est ainsi rédigé :

Cours suivis par les employés qui travaillent par poste

c)  Nonobstant le paragraphe 15.05 et les alinéas 15.06a) et b), les parties reconnaissent la nécessité de modifier les horaires de travail par poste d'un commun accord afin de permettre aux employés de suivre des cours.

38 L'employeur a également accepté de n'établir des horaires du travail par poste qu'en cas de nécessité, comme suit :

15.07 L'Employeur n'établit des horaires de travail par poste qu'en cas de nécessité. À l'occasion du travail par poste sur un projet, l'Employeur donne aux employés et au Conseil un préavis aussi long que possible avant le début du travail par poste.

39 Finalement, la clause 15.08 de la convention collective indique la période de préavis donné par l'employeur aux employés dans le cadre du déroulement habituel :

15.08 Lorsqu'un quart de travail est prévu pour le lundi ou le mardi, les employés concernés en seront informés avant la fin de leur quart de travail du vendredi qui précède. Lorsqu'un quart de travail est prévu pour le mercredi, les employés concernés en seront informés avant la fin de leur quart de travail du lundi qui précède. Lorsqu'un quart de travail est prévu pour le jeudi, les employés concernés en seront informés avant la fin de leur quart de travail du mardi qui précède. Lorsqu'un quart de travail est prévu pour le vendredi, les employés concernés en seront informés avant la fin de leur quart de travail du mercredi qui précède.

40 Avec ces dispositions à l'esprit, je me penche maintenant sur les questions dont je suis saisi.

B. La question de base

41 Le grief était limité aux quarts de soir du mercredi 9 mai et du jeudi 10 mai. L'employeur avait versé aux fonctionnaires une prime de poste, conformément à la clause 15.06a) de la convention collective. Selon les fonctionnaires, ils avaient plutôt droit au tarif double (uniquement pour ces deux quarts), car ils n'avaient pas reçu le préavis requis aux termes de la clause 15.08 de la convention collective.

42 D'autre part, selon l'employeur, la modification de l'horaire de travail par poste était nécessaire pour permettre aux employés de suivre un cours de formation. Il a ajouté que les fonctionnaires avaient donné leur accord à cette modification et que la clause 15.06c) de la convention collective visait à faire obstacle à toute demande de prime.

III. Argumentation

A. Pour le Conseil

43 L'avocat de l'agent négociateur, Raymond Larkin, a commencé son argumentation en disant que l'on devait répondre aux trois questions suivantes :

  1. L'employeur était-il tenu, conformément à la clause 15.08 de la convention collective, de donner un préavis de la modification de l'horaire de travail par poste au plus tard le lundi précédent et, le cas échéant, a-t-il contrevenu à cette clause?
  2. La clause 15.06c) de la convention collective s'appliquait-elle aux faits en l'espèce?
  3. Si l'on a contrevenu à la clause 15.08 et si la clause 15.06c) ne s'applique pas, l'employeur était-il tenu de payer les fonctionnaires au tarif double pour les deux postes de nuit en litige en raison de la clause 15.06b)?

44 M. Larkin a fait valoir que la réponse à la première et à la dernière question était « oui » et que la réponse à la deuxième question était « non ».

45 Il s'est penché sur la question de savoir si la clause 15.08 de la convention collective s'appliquait aux faits en l'espèce. Il a fait valoir qu'elle s'appliquait, qu'il était obligatoire de s'y conformer et que les périodes de préavis exigées par celle-ci ne se trouvaient pas modifiées par la clause 15.07 de la convention collective. Il a soutenu que la clause 15.08 avait été ajoutée à la convention collective. Avant son ajout, le préavis requis concernant une modification de l'horaire de travail par poste n'avait qu'à être – tel qu'il est prévu à la clause 15.07 — aussi long que possible. Cela créait une ambiguïté relativement à son l'application et ouvrait la porte aux différends quant à la question de savoir si le préavis avait été donné aussi tôt que possible. L'ajout de la clause 15.08 constituait une tentative des parties de préciser la disposition relative aux préavis en établissant une période de préavis minimale à l'égard de laquelle on ne pouvait soulever aucun argument. Cela n'empêchait pas un préavis anticipé lorsque « possible », mais permettait d'assurer l'existence d'une période de préavis minimale.

46 M. Larkin a fait valoir que, selon les faits, la clause 15.08 de la convention collective prévoit que le préavis d'une modification de l'horaire de travail par poste aurait dû être donné aux fonctionnaires au plus tard le lundi précédent. Le préavis communiqué au moyen d'une lettre sur les changements de quarts que les fonctionnaires ont reçue aux environs de midi (heure de Victoria) concernant le transfert au quart de nuit à compter du même jour ne respectait pas la clause. Le fait que les fonctionnaires aient été informés de la modification de l'horaire de travail par poste de façon informelle par les membres de l'équipe de la côte ouest le soir précédent ne constituait pas un préavis adéquat aux termes de la clause 15.08. Les fonctionnaires n'auraient pu prendre de mesures sur la foi de tels renseignements. La directive devait émaner de l'employeur, ne serait-ce qu'en raison du fait que les primes de poste (ou le tarif double) précisées pour le travail par quart en vertu des clauses 15.06a) et b) de la convention collective exigent son autorisation.

47 M. Larkin est ensuite passé à la question de la réparation. Il a reconnu qu'aucune réparation claire n'était prévue par la convention collective. Cependant, il a fait valoir qu'un arbitre de grief avait compétence en vertu du paragraphe 228(2) de la LRTFP « […] tranche [le grief] par l'ordonnance qu'il juge indiquée […] » et qu'une telle compétence permet l'octroi d'une indemnité au moyen de dommages dans une affaire appropriée; voir Horner c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 33 (confirmée dans 2013 CF 605, paragraphe 13).

48 En ce qui concerne les dommages que je devrais octroyer, M. Larkin a soutenu que je devrais traiter la situation comme si un préavis adéquat avait été communiqué, conformément à la clause 15.08 de la convention collective. Si un tel préavis avait été communiqué, selon l'usage normal, les fonctionnaires auraient été rémunérés conformément aux dispositions prévues à la clause 15.06a) ou b) de la convention collective. Selon les faits, l'un de deux résultats aurait été appliqué. Si les dispositions de la clause 15.06a) étaient applicables, les fonctionnaires auraient eu droit à une prime de poste en vertu de la clause 15.06a). Et, dans les faits, c'est ce qui s'est produit pour tous les quarts de nuit après le 11 mai. D'autre part, si les exigences prévues à la clause 15.06a) n'avaient pas été applicables, les fonctionnaires auraient eu droit au tarif double pour toutes les heures travaillées, conformément à la clause 15.06b), mais pas à une prime de poste.

49 Selon les faits en l'espèce, M. Larkin a fait valoir que la clause 15.06a) de la convention collective n'avait pas été respectée, dans la mesure où les exigences relatives au préavis pour une modification de l'horaire de travail par poste à compter des 9 et 10 mai n'avaient pas été respectées. Ceci étant, le tarif double aurait été payable, conformément à la clause 15.06b) de la convention collective. Il a ajouté que je devrais ordonner que les fonctionnaires soient rémunérés au tarif double pour ces deux quarts de nuit. Il a concédé que, dans une telle affaire, il serait approprié de déduire de la réparation la prime de poste que les fonctionnaires ont reçue pour ces deux quarts, dans la mesure où, conformément à la clause 15.06 de la convention collective, les employés ont droit à l'un ou à l'autre, mais pas aux deux.

50 Cet argument a ensuite mené M. Larkin à la question de savoir si la clause 15.06c) de la convention collective empêchait un tel résultat. Ses arguments ont été présentés en réponse à ce qui, selon ses attentes, allaient être les arguments de l'employeur, soit que les primes de poste ou les tarifs doubles n'étaient pas payables dans une situation où la modification découlait de la nécessité de modifier les horaires de travail par poste d'un commun accord afin de permettre aux employés de suivre un cours de formation.

51 À ce sujet, M. Larkin a fait valoir que la clause 15.06c) de la convention collective ne s'appliquait qu'à l'égard des cours de formation officiels du type offert par des écoles, des collèges ou des FOE, et non pas à la formation en cours d'emploi. Il a ajouté que le commun accord nécessaire pour modifier un horaire de travail par poste devait être entre l'employeur et le Conseil, et non entre l'employeur et l'employé individuel.

52 En ce qui a trait à la question de savoir si la présence des fonctionnaires à l'IMF Cape Breton pouvait être considérée comme de la formation au sens de la clause 15.06c) de la convention collective, M. Larkin a fait valoir que ce n'était pas possible et il a fait valoir que « formation » et « cours de formation » étaient deux concepts différents, en théorie comme en pratique. Il a mentionné les éléments de preuve présentés par MM. Eagles et Joseph. Les deux ont témoigné quant aux différences entre une formation en cours d'emploi, qu'ils ont qualifié d'apprentissage par la pratique, et le type de formation offert par les FOE, les écoles ou les collèges. Ce dernier type de formation comporte habituellement des heures fixes, un plan de cours, un programme, des cours magistraux ou des présentations, souvent avec PowerPoint, dans un environnement de salle de classe et, souvent (bien que pas toujours) un certificat quelconque est délivré à la fin du cours. Dans le cas d'une formation pratique, celle-ci se déroule dans le contexte d'un travail pratique sur un modèle démonstrateur, par opposition au fait de travailler sur de l'équipement sur le lieu de travail. Compte tenu de cette distinction entre les deux types de formation – l'une essentiellement continue au quotidien et l'autre se produisant peu fréquemment dans un environnement formel, souvent à l'extérieur du lieu de travail – M. Larkin a fait valoir que l'utilisation par les parties de l'expression « cours de formation » devait signifier que seul le dernier type de formation devait être visé par la clause 15.06c) de la convention collective. Puisque ce n'est pas ce type de formation qui a eu lieu à l'IMF Cape Breton, la clause 15.06c) ne s'applique donc pas.

53 En ce qui concerne la question de savoir s'il y avait un commun accord, M. Larkin a soutenu qu'une interprétation réelle de la clause 15.06c) de la convention collective et une bonne pratique en matière de relations de travail font en sorte que le consentement doit être entre les parties à la convention collective – c'est-à-dire, l'employeur et le Conseil – et non entre l'employeur et les employés individuels. Il a également soutenu que les parties avaient convenu que les expressions utilisées dans la convention collective, si elles sont définies dans la LRTFP, ont le même sens que celui donné dans la LRTFP (voir la clause 2.02). Le paragraphe 4(1) de la Loi définit le terme « parties » comme « [l]'employeur et l'agent négociateur, dans le cas de négociations collectives, d'un arbitrage, de la conciliation ou d'un différend ». Par conséquent, le commun accord requis pour déclencher l'application de la clause 15.06c) devait émaner du Conseil ou de son représentant autorisé, ce qui ne s'est pas produit en l'espèce.

B. Pour l'employeur

54 L'avocate de l'employeur, Allison Sephton, a commencé son argumentation en déclarant ce qui suit :

  1. il n'y a pas eu contravention de la clause 15.08 de la convention collective;
  2. la clause 15.06c) de la convention collective s'appliquait pour empêcher la demande d'une prime de poste ou d'un tarif double qui pourrait autrement avoir été payable à l'égard d'une modification de l'horaire de travail par poste;
  3. si l'on a contrevenu à la clause 15.08, la seule réparation que je devrais ou pourrais ordonner était de nature déclaratoire.

55 En ce qui concerne le premier point, Mme Sephton a fait valoir que les arguments présentés au nom des fonctionnaires négligeaient le temps de déplacement avant d'arriver à Victoria le mardi, de même que le temps passé le mercredi entre 7 h 45 et 23 h 45. Si ce temps était inclus, les dispositions relatives aux préavis visées à la clause 15.08 de la convention collective avaient été respectées. Elle a soutenu que le temps passé par les fonctionnaires le mercredi ne pouvait être considéré comme du travail. Ils avaient été informés, depuis la veille au soir, que le quart de la côte ouest ne commencerait pas avant 23 h 45, le mercredi; ils n'ont pas travaillé le mercredi matin pendant qu'ils attendaient les directives de l'employeur et ils ont consacré l'après-midi, après avoir reçu la lettre sur les changements de quarts, à du temps libre.

56 Même si l'on suppose qu'il y a eu contravention des dispositions relatives aux préavis visées à la clause 15.08 de la convention collective, Mme Sephton a soutenu qu'aucune réparation n'avait été prévue. Elle a entrepris de comparer cette clause à d'autres, comme les clauses 15.05 et 15.07 de la convention collective, où les parties ont clairement indiqué ce qui devait se produire dans l'éventualité du déclenchement de cette clause. D'autre part, la clause 15.08 ne mentionne pas ce qu'il convient de faire si un préavis adéquat n'est pas communiqué ou, effectivement, ce qui se produit si le préavis est communiqué. Elle est silencieuse sur ce point. Étant donné que la clause ne mentionne que le préavis, les parties n'avaient clairement pas l'intention de prévoir une réparation quelconque en cas de contravention.

57 Mme Sephton a ajouté que Horner, sur laquelle s'est appuyé M. Larkin, était distincte. Dans cette affaire, il était évident que les employés avaient travaillé pendant les heures en question. Étant donné qu'ils avaient travaillé, on leur avait accordé une indemnisation fondée sur la contravention à la convention collective dans cette affaire.

58 D'autre part, dans la présente affaire, les fonctionnaires n'ont pas travaillé du tout le mercredi 9 mai (à tout le moins, pas avant 23 h 45 ce soir-là). Les traiter comme s'ils avaient travaillé aux fins du calcul de la période de préavis exigée en vertu de la clause 15.08 de la convention collective équivaudrait à les rémunérer pour ne pas avoir travaillé. Cela étant, la seule réparation appropriée dans les circonstances, le cas échéant, sera une simple déclaration selon laquelle on a contrevenu à la clause 15.08.

59 Mme Sephton s'est ensuite penchée sur la clause 15.06c) de la convention collective. Elle a fait valoir que cette clause s'appliquait dans les circonstances de cette affaire. Les fonctionnaires ont entrepris une demande de formation par l'intermédiaire de l'observation de la mise en marche à l'IMF Cape Breton et l'employeur a accepté cette demande. Elle a fait valoir qu'on devait conférer au terme « formation » un sens libéral, qui est suffisamment large pour couvrir le type de formation en cours d'emploi qui avait lieu pendant que les fonctionnaires observaient la mise en marche à l'IMF Cape Breton; voir, par exemple, Labatt Breweries Ontario, division of Labatt Brewing Co. v. Brewery, General and Professional Workers' Union, Local 1, [2003] O.L.A.A. No. 35 (QL); Babcock c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être social Canada, dossier de la CRTFP 166-02-18320 (19890503). En conséquence, on pourrait dire que les fonctionnaires ont participé à un cours de formation.

60 En abordant la question du sens de l'expression « commun accord » à la clause 15.06c) de la convention collective, Mme Sephton a fait valoir qu'il serait absurde d'interpréter cette expression comme signifiant que le consentement du Conseil est exigé. C'est l'employé, pas le Conseil, qui suit la formation et c'est son poste qui est modifié. Très certainement, l'employé doit pouvoir donner son accord. En outre, les fonctionnaires ne s'attendaient certainement pas à ce que le Conseil donne son accord. Ils ont parlé à leurs gestionnaires et superviseurs, non à leur Conseil, avant de passer au quart de nuit. Le fait d'exiger l'accord du Conseil créerait également des retards et peut-être de la confusion, pendant qu'on communiquerait avec le représentant du Conseil et qu'on l'informerait de la situation. Le fait de limiter l'accord nécessaire à l'employé le plus touché est un moyen plus simple; les interprétations qui produisent des résultats clairs sont préférables à ceux qui produisent des résultats compliqués; voir Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, paragraphe 28.

61 Par conséquent, Mme Sephton a fait valoir que, selon les faits, la modification de l'horaire de travail par poste des fonctionnaires avait été une nécessité afin de leur permettre de suivre un cours de formation. Elle a ajouté que les fonctionnaires et l'employeur avaient d'un commun accord consentis à la modification. Cela étant, la clause 15.06c) de la convention collective s'appliquait et ni la prime de poste ni le tarif double n'étaient payables. Effectivement, l'employeur aurait pu ne pas payer les primes de poste qu'il a versées. Il l'a fait uniquement dans le cadre de bonnes relations de travail et non pas en vertu d'une obligation quelconque aux termes de la convention collective. (Elle a indiqué que l'employeur ne cherchait pas à récupérer un paiement quelconque qu'il avait versé; elle souhaitait uniquement mettre en évidence que le paiement par l'employeur de la prime de poste pour ces deux quarts ne devrait pas être interprété comme une admission de sa part voulant que la clause 15.06c) ne s'appliquait pas.)

62 En guise de conclusion, Mme Sephton a fait valoir qu'il n'y avait pas eu contravention de la clause 15.08 de la convention collective et que, le cas échéant, la seule réparation appropriée, s'il y a lieu, est une déclaration en ce sens. Elle a également soutenu que dans l'éventualité où des dommages seraient effectivement accordés, la prime de poste qui a été versée aux fonctionnaires pour les deux postes en litige devrait être déduite de ceux-ci.

C. Réplique du Conseil

63 M. Larkin a réitéré dans sa réplique qu'on ne pouvait pas dire que les fonctionnaires ne travaillaient pas le mercredi 9 mai. Le fait qu'ils ne travaillaient pas réellement ne signifie pas qu'ils n'étaient pas assujettis au contrôle et à la direction de l'employeur. Ils n'avaient pas été libres de faire ce qu'ils voulaient faire ce matin-là. Ils devaient attendre les directives de l'employeur quant à savoir ce qu'ils devraient faire. Cela étant, on doit considérer aux fins de la clause 15.08 de la convention collective qu'ils ont travaillé à tout le moins pendant une partie de la journée du 9 mai, ce qui signifie que le préavis qu'ils ont reçu sous la forme d'une lettre sur les changements de  quarts ne répondait pas aux exigences relatives aux préavis visés à la clause 15.08 pour un poste de nuit commençant un mercredi à 23 h 45.

64 Cependant, M. Larkin a effectivement convenu que, si l'on conclut qu'il y a eu contravention de la disposition de la convention collective en question et que l'octroi de dommage est approprié, on devrait envisager de déduire la prime de poste. Les employés dans la position des fonctionnaires ont le droit, aux termes des clauses 15.06a) ou b) de la convention collective, de recevoir une prime de poste ou le tarif double, mais pas les deux.

IV. Analyse et décision

65 Selon les faits dont je suis saisi, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. L'employeur a-t-il contrevenu aux dispositions relatives aux préavis visées à la clause 15.08 de la convention collective?
  2. Le cas échéant, et compte tenu du fait que les fonctionnaires ont travaillé pendant deux postes P1 (quarts de nuit) plutôt que leurs postes P2 (quarts de jour) réguliers, avaient-ils le droit d'être rémunérés conformément aux dispositions des clauses 15.06a) ou b) de la convention collective?
  3. Un droit quelconque d'être rémunéré aux termes des clauses 15.06a) ou b) qui pourrait par ailleurs exister a-t-il été nié par la clause 15.06c) de la convention collective?

A. L'employeur a-t-il contrevenu aux dispositions relatives aux préavis visées à la clause 15.08 de la convention collective?

66 Essentiellement, les faits pertinents sont les suivants. Le premier des deux postes en litige était prévu le mercredi 9 mai à 23 h 45. Il était prévu que les fonctionnaires mènent leurs observations de la mise en marche ce jour-là, pendant leur horaire de travail par quart de jour régulier (également celui de la côte est) de 7 h 45 à 16 h 15. La veille au soir, ils ont été informés de façon informelle par des membres de l'équipe de la côte ouest que les travaux avaient été reportés à l'horaire de travail par quart de nuit à compter de 23 h 45, le 9 mai. Le matin du 9 mai, les fonctionnaires ont communiqué avec leurs gestionnaires à Halifax et, aux environs de 15 h 18, heure d'Halifax, ils ont reçu de leur part une lettre sur les changements de quarts indiquant que leur poste [traduction] « […] commencera à 23 h 45, le [mercredi] 9 mai 2012 et qu'il se poursuivra jusqu'à 8 h 15, le 16 mai 2012 » (pièces E6 et U3).

67 Tout d'abord, en ce qui concerne la question de ce que signifie « informés » à la clause 15.08 de la convention collective, je suis convaincu que cela signifie « informés par l'employeur ». L'employeur dirige les employés. L'employeur a le droit de demander (selon un préavis adéquat) aux employés de travailler par quart ou de passer d'un quart à un autre. En outre, l'employeur doit payer les primes de poste, le tarif double ou les heures supplémentaires qui deviennent payables en raison du fait que les employés travaillent par quart. Un employé qui se présente à un quart de travail différent de celui auquel il était prévu simplement parce qu'une personne autre que l'employeur a indiqué qu'il y aurait une modification de l'horaire de travail par poste ne pourrait pas demander un droit lié aux tarifs associés au travail par quart. On ne pourrait dire d'une telle présence qu'il s'agit d'un travail autorisé en vertu de la convention collective. Alors, le fait que, dans la présente affaire, les fonctionnaires comprenaient que l'horaire du travail par quart de l'équipe de la côte ouest avait changé ne leur donnait pas le droit de modifier leur horaire de travail par quart de leur propre initiative. Ils avaient d'abord besoin de l'approbation de leur employeur.

68 Étant donné cette conclusion, je suis davantage convaincu que pour respecter la clause 15.08 de la convention collective, l'employeur devait les informer de la modification au plus tard à la fin de leur quart de travail le lundi précédent, soit à 16 h 15, le lundi 7 mai. Il est évident que cela ne s'est pas produit. Par conséquent, à sa face même, l'exigence relative aux préavis visée à la clause 15.08 n'a pas été respectée.

69 Sur ce point, je ne suis pas convaincu que les périodes de préavis indiquées à la clause 15.08 de la convention collective ont été modifiées ou assouplies par la clause 15.07 de la convention collective.

70 Je signale d'abord que la clause 15.08 de la convention collective est nouvelle et qu'elle a été ajoutée à la convention collective. Avant son introduction, la disposition pertinente était la clause 15.07. Cette clause, par elle-même, peut semer le doute quant à d'éventuelles difficultés liées à son application.

71 Je crois qu'il est juste de dire que, à titre de règle, les employés ne sont pas particulièrement enthousiastes à l'égard du travail par quart. Cela perturbe les relations familiales et sociales. Les employés habitués à travailler selon un horaire de travail par quart de jour aimeraient recevoir un préavis aussi long que possible concernant la nécessité de modifier leur horaire de travail afin de leur permettre de planifier et de réduire au minimum la perturbation qu'une telle modification causerait dans leur vie. Ils peuvent attendre de l'employeur qu'il soit en mesure de fournir un tel préavis, car la planification de projets spéciaux (comme celui en cause sur la côte ouest) commence souvent des semaines, voire des mois, avant la date de début prévue.

72 Cependant, le fait que l'employeur n'ait qu'à donner un préavis « aussi long que possible » pourrait donner lieu à des différends sur la question de savoir si l'employeur aurait pu donner un préavis plus tôt qu'il l'a fait réellement. Cela pourrait également diminuer l'importance de la nécessité pour l'employeur de donner un tel préavis, car il pourrait toujours se dissimuler derrière un argument quant à savoir si cela avait été pratique. L'introduction d'une disposition comme la clause 15.08 dans la convention collective limite la portée de tels arguments en créant une période de préavis minimale. L'existence de telles limites minimales encouragerait également l'employeur à accorder de l'importance à la gestion des délais, de façon à garantir que le préavis approprié est donné aussi tôt que possible et, dans ce cas, à tout le moins, selon les délais établis à la clause 15.08 de la convention collective.

73 Qui plus est, le fait d'interpréter la clause 15.07 de la convention collective comme si elle modifiait la clause 15.08 ferait en sorte qu'elle n'aurait plus de valeur. Le fait de dire que les périodes de préavis visées à la clause 15.08 pourraient être modifiées si, pour une raison quelconque, il n'était pas possible de respecter cette clause serait simplement une autre façon de dire qu'un tel préavis doit être donné aussitôt que possible. C'est ce qui est déjà mentionné à la clause 15.07. La seule façon de donner un sens quelconque à la clause 15.08 (et le sens qui doit lui être conféré) est de conclure que les parties avaient l'intention de placer une limite minimale à l'égard de la limite par ailleurs plus générale (et plus souple) établie par la clause 15.07. En d'autres termes, la période de préavis concernant une modification de l'horaire de travail par poste pourrait être plus longue qu'en vertu de la clause 15.08 si cela est possible (comme le prévoit la clause 15.07), mais cette période ne doit jamais être inférieure à la période précisée à la clause 15.08.

74 En acceptant le fait qu'il y a eu contravention aux dispositions relatives au préavis de la clause 15.08 de la convention collective, je me penche sur la question de la réparation, s'il y a lieu.

75 À mon avis, et sous réserve de la discussion portant sur la clause 15.06c) de la convention collective comme suit, l'ordonnance qui serait la plus appropriée dans ces circonstances consiste à octroyer des dommages conformes à ce que les fonctionnaires auraient gagné en vertu de la clause 15.06a) ou b) de la convention collective si un préavis adéquat avait été donné. Dans le cas des deux postes en questions, la clause 15.06a) ne s'appliquerait pas, car ceux-ci ne correspondent pas aux scénarios présentés dans cette clause. Étant donné que les circonstances sont différentes que dans cette disposition, alors la clause 15.06b) s'applique. Par conséquent, les fonctionnaires auraient eu droit à un montant correspondant au tarif double pour les heures travaillées, soit le taux qui aurait été appliqué aux termes de la clause 15.06b). Ce montant se trouverait réduit par la prime de poste que les fonctionnaires ont reçue pour ces deux postes aux motifs que, si un préavis adéquat avait été donné, ils auraient reçu un tarif double, mais pas la prime de poste.

B. La clause 15.06c) de la convention collective s'applique-t-elle?

76 Cela nous amène à l'argument de l'employeur voulant qu'une telle décision ne soit pas appropriée, car la clause 15.06c) de la convention collective aurait été appliquée de façon à empêcher le versement de toute prime de poste ou de tarif double pour ces quarts, car la modification était nécessaire pour permettre aux employés de suivre une formation pour laquelle il y avait un commun accord. Par souci de commodité aux fins d'examen de cet argument, je répète cette clause :

Cours suivis par les employés qui travaillent par poste

c)  Nonobstant le paragraphe 15.05 et les alinéas 15.06a) et b), les parties reconnaissent la nécessité de modifier les horaires de travail par poste d'un commun accord afin de permettre aux employés de suivre des cours.

77 Après avoir examiné attentivement les arguments de l'avocat, je suis convaincu que, en matière d'interprétation, l'intention des parties était que la clause 15.06c) de la convention collective s'applique seulement aux modifications des heures de début et de fin de l'horaire de travail par poste régulier de l'employé, lorsque ces modifications :

  1. avaient pour but de permettre à l'employé de suivre un cours de formation officiel (par opposition à une formation en cours d'emploi),
  2. étaient nécessaires pour permettre à un employé qui suivait un cours de formation d'être considéré comme étant au travail pendant son horaire de travail par poste régulier, même si les heures différaient de celles indiquées à la clause 15.02 de la convention collective,
  3. étaient approuvées par un représentant autorisé du Conseil.

78 Je suis parvenu à cette conclusion en me fondant sur un certain nombre d'observations qui sont toutes unies par un même lien.

79 Dans un premier temps, la clause 15.06c) de la convention collective traite des modifications aux horaires de travail par poste. Le mot « modifier » se rapporte au fait d'apporter des modifications ou des améliorations mineures à quelque chose, souvent à un texte ou à une loi qui existe. Cela ne comprend pas une intention de changer fondamentalement ou de remplacer ce qui est modifié. Si l'intention des parties était que la clause 15.06c) permette un changement important aux horaires de travail par poste (comme c'est le cas, par exemple, avec la clause 15.05 de la convention collective), elles n'auraient pas utilisé le terme « modifier ».

80 Cette première observation est liée à une deuxième observation. La preuve de la part des deux parties était qu'une formation à l'intention des employés appartient à l'un de deux types. Le premier type est composé de cours de formation officiels (comprenant des cours en salle de classe et des démonstrations pratiques) qui sont donnés par des FOE ou, par exemple, l'École de génie naval. Les heures de ces cours ne coïncident généralement pas exactement avec les horaires de travail par poste précisés à la clause 15.02 de la convention collective. Ces cours commencent souvent à 8 h ou à 9 h. Les heures de début ne sont pas si différentes de celles d'un horaire de travail par poste P2 qu'elle justifie une demande de changement complet de quart, mais elles sont suffisamment différentes pour exiger une modification de l'heure de début habituel, soit 7 h 45, de l'horaire de travail par poste.

81 L'autre type de formation correspond au type de formation en cours d'emploi (ou [traduction] « l'apprentissage par la pratique » selon les termes de M. Larkin) qui se déroule dans le cadre normal de l'emploi d'un employé compétent. La réparation et l'entretien de l'équipement actuel ou l'installation, la mise à l'essai et le fonctionnement d'un nouvel équipement demande toujours un certain niveau de formation – un certain niveau d'apprentissage — de la part des employés. Cela rend également possible le transfert de cette expérience et de ces connaissances à des collègues qui pourraient ne pas avoir vécu les mêmes situations dans le passé. Ce type de formation se déroule dans le cadre des heures de travail normales. Elle fait partie de la réalité d'un technicien compétent ou d'une personne de métier compétente. En outre, cela ne nécessite habituellement pas un changement ou une modification des heures de travail régulières.

82 Ceci étant, et même si j'accepte que dans le cadre normal le terme « formation » puisse être interprété de façon générale de façon à inclure la formation en cours d'emploi ainsi que les instructions formelles en salle de classe, je souligne que l'expression utilisée à la clause 15.06c) de la convention collective est « cours de formation ». Un cours se distingue d'une formation en cours d'emploi. Cela concerne et comprend habituellement un plan de cours officiel qui comporte un ensemble d'études, de sujets ou de questions prescrits. Donc, par exemple, le dictionnaire en ligne Collins définit un cours de formation comme [traduction] « une série de leçons ou de cours magistraux enseignant les compétences dont vous avez besoin pour un emploi ou une activité en particulier ». Le dictionnaire en ligne Cambridge présente une définition similaire. En d'autres termes, cela se rapproche davantage du premier type de formation que du deuxième.

83 À mon avis, le sens des termes « cours de formation » explique également la décision des parties d'utiliser le terme « modifier ». Selon la preuve dont je suis saisi, la plupart des cours ou des programmes de formation officiels suivent des heures régulières, souvent pendant le jour, mais à des heures qui ne coïncident pas exactement avec les horaires de travail par poste réguliers indiqués à la clause 15.02 de la convention collective. Cela étant, certaines altérations (mais pas complète) — c'est-à-dire, une modification – des horaires de travail par poste réguliers seraient nécessaires pour permettre à un employé de suivre un cours sans toutefois occasionner des heures supplémentaires ou une indemnité relative au temps de déplacement en vertu de la convention collective.

84 Ces trois points me portent à conclure que l'intention des parties était que la clause 15.06c) de la convention collective ne renvoie qu'à des changements mineurs aux horaires de travail par poste qui seraient nécessaires dans le cadre du déroulement normal afin de permettre aux employés de suivre des cours de formation officiels prévus à des heures similaires, mais non identiques à celles du quart habituel d'un employé. Les parties n'avaient pas l'intention d'appliquer cette clause dans une situation où un employé doit passer à un quart complètement différent. Ce droit de l'employeur est prévu par une disposition différente, soit la clause 15.05 de la convention collective. Les parties n'avaient pas non plus l'intention d'appliquer cette clause au type de formation en cours d'emploi qui se produit (comme les témoins en ont témoigné) à presque tous les quarts de travail.

85 Il existe un autre motif distinct permettant de conclure que la clause 15.06c) de la convention collective ne s'applique pas. Cette clause précise que les modifications à l'horaire de travail par poste exigent le commun accord « [d]es parties ». Sur ce point, je n'ai pas été convaincu par les arguments de l'employeur voulant que le terme « parties » à la clause 15.06c) signifie l'employeur et l'employé individuel dont l'horaire de travail par poste a été modifié.

86 Comme l'a souligné M. Larkin, les expressions utilisées dans la convention collective, si elles sont définies dans la Loi, ont le même sens que celui qui leur est donné dans la Loi; voir la clause 2.02. Le paragraphe 4(1) de la Loi définit le terme « parties » comme suit : « L'employeur et l'agent négociateur, dans le cas de négociations collectives, d'un arbitrage, de la conciliation ou d'un différend ». À cela s'ajoute le fait que, à titre de règle générale, l'employeur n'a pas le droit de négocier des changements à la convention collective auprès d'employés individuels. Le fait de permettre une telle négociation minerait le rôle de l'agent négociateur. Cela générerait également de la confusion en milieu de travail puisque ça ferait en sorte que certains employés négocieraient des droits ou des obligations différents de ceux de leurs collègues et de ceux énoncés dans la convention collective. La règle générale aurait une application particulière lorsque, comme dans le cas présent, l'employeur cherche à modifier un horaire de travail par poste expressément conféré par la convention collective, dont les heures de travail sont clairement et explicitement énoncées à la clause 15.02 de la convention collective. Cette conclusion est notamment vraie lorsque, dans le cadre du déroulement normal en vertu la convention collective, un employé qui travaille selon un horaire autre que son horaire de travail par poste habituel a droit à d'autres avantages en vertu d'autres dispositions.

87 Dans l'ensemble, je suis convaincu que le commun accord qui est requis en vertu de la clause 15.06c) de la convention collective est celui de l'employeur (ou de son représentant délégué) et du Conseil (ou de son représentant autorisé). La preuve établit clairement que le Conseil ignorait tout de ce changement jusqu'au retour des fonctionnaires à Halifax. Cela constitue une autre raison de conclure que la clause 15.06c) ne s'applique pas dans ce cas.

88 Je devrais indiquer que le fait que la formation en question ait été d'abord proposée par les fonctionnaires, par opposition à quelque chose émanant de l'employeur, n'était pas pertinent, selon ma perception des faits. La participation à un cours de formation ou à une formation qui exige un changement de l'horaire de travail par poste doit être approuvée, autorisée et demandée par l'employeur. Une telle autorisation et une telle directive s'appliquent, peu importe la personne qui laisse entendre en premier qu'une formation serait utile ou appropriée. En fin de compte, l'employeur décide si la formation devrait avoir lieu et paie pour celle-ci. Tout cela se déroule dans le contexte du droit de l'employeur de diriger le lieu de travail et de son obligation de rémunérer ses employés pour leur temps.

89 Par conséquent, je suis convaincu de ce qui suit :

  1. l'employeur n'a pas respecté les exigences relatives aux préavis prévues à la clause 15.08 de la convention collective en ce qui concerne un changement de quart, soit d'un poste de jour à un poste de nuit, pour les deux premiers quarts en question;
  2. la réparation appropriée dans les circonstances consiste à accorder un tarif double pour les heures travaillées par les fonctionnaires pour ces deux postes, dont seraient déduites les primes de poste qu'ils ont reçues pour ces deux quarts;
  3. la clause 15.06c) de la convention collective ne s'appliquait pas dans les circonstances, car le Conseil n'a pas approuvé ce changement et parce que ce qui s'est produit n'était pas une modification d'un quart de travail, et cette modification n'a pas été apportée afin de permettre aux employés de suivre un cours de formation au sens de cette clause.

90 En conséquence, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

91 Le grief est accueilli et il est ordonné à l'employeur de verser aux fonctionnaires une somme calculée selon le tarif double pour les heures travaillées pendant les deux quarts, sous réserve d'une déduction pour la prime de poste déjà versée aux fonctionnaires pour ces deux quarts.

92 Je demeure saisi de ce dossier pendant 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance au cas où les parties ne parviennent pas à s'entendre sur la méthode de calcul de ce montant et sur ce qu'il devrait être.

Le 9 mars 2015.

Traduction de la CRTEFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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