Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a allégué que son employeur avait violé l'article 45, « Administration de la paye » et l'annexe A de la convention collective, de même que l'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif (L.R.C. (1985), ch. C‑50) (la « LRCECA ») lorsqu'il a entrepris d'effectuer des retenues salariales afin de récupérer des arriérés de cotisations de retraite – l'employeur a fait valoir que l'arbitre de grief n'a pas compétence pour trancher les questions de pensions; puisque le caractère véritable du grief porte sur le pouvoir de récupérer de tels arriérés, le recours du fonctionnaire s'estimant lésé est d'effectuer une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'employeur devant la Cour fédérale – l'employeur a fait valoir que le grief exigeait de l'arbitre de grief qu'elle interprète et applique la Loi sur la pension de la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P‑36) et qu'il pourrait aussi exiger une modification à cette loi, ce qui est expressément interdit par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique – l'arbitre de grief a jugé qu'elle n'avait pas compétence – le caractère véritable du grief ne remettait pas en question le droit de l'employeur de procéder à des retenues sur la rémunération, mais plutôt le droit de l'employeur de récupérer des arriérés sur les cotisations au régime de retraite au‑delà du délai prévu par la LRCECA. Objection accueillie; dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date: 20150123
  • Dossier: 566-34-8978
  • Référence: 2015 CRTEFP 8

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique


ENTRE

PHILLIP DODD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Dodd c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé en arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T. A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Harinder Mahil, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocate
Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 8 janvier 2015.
(Traduction de la CRTEFP)

I. Grief

1 Phillip Dodd, le fonctionnaire s'estimant lésé (le « fonctionnaire »), a allégué que l'Agence du revenu du Canada (ARC ou l'« employeur ») avait violé l'article 45 – « Administration de la paye » – et l'annexe A de la convention collective entre l'Agence des douanes et du revenu du Canada et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour le groupe Vérification, finances et sciences (tous les employés) ayant comme date d'expiration le 21 décembre 2011 (la « convention collective »).

2 Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (la « nouvelle Commission »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'« ancienne Commission ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l'article 396 de la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d'un grief avant le 1er novembre 2014 continue d'exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) dans sa version antérieure à cette date.

II. Résumé de la preuve

3 Le représentant du fonctionnaire a déposé comme pièces la convention collective (pièce 1), le grief (pièce 2), les réponses au grief (pièce 3), un courriel informant le fonctionnaire que des arriérés de contributions au régime de pension avaient été trouvés et seraient recouverts (pièce 4) et sa réponse à ce courriel en date du 23 mars 2011 (pièce 5), informant l'employeur qu'il s'opposait à ses mesures de recouvrement des arriérés au régime de pension et demandant que toute mesure visant à reconstituer ces montants soit repoussée jusqu'à ce qu'il ait la chance de mener une enquête plus approfondie (pièce 5). Il s'agissait de la totalité de la preuve fournie par le représentant du fonctionnaire à l'appui du grief. Aucun témoignage de vive voix n'a été livré au nom du fonctionnaire autre qu'au moyen d'un contre-interrogatoire du témoin de l'employeur.

4 Michelle Bales a témoigné au nom de l'employeur. Elle est une conseillère en rémunération au centre de service en rémunération de l'employeur à Winnipeg, au Manitoba. Dans son rôle, elle traite les demandes de régime de pension et s'assure que les données du régime de pension sont exactes. L'administration réelle des régimes de pension incombe à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Tous les employés de l'ARC qui satisfont aux conditions établies dans la Loi sur la pension de la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-36; LPFP) sont tenus de participer au régime de pension. Il s'agit d'une condition de leur emploi avec l'ARC (voir la pièce 6, onglet 3). Le fonctionnaire a été informé de ce fait dans une lettre en date du 5 janvier 1994 (pièce 7).

5 En 2002-2003, l'employeur a approuvé un congé avec étalement du revenu (CER) pour le fonctionnaire, ce qui lui a permis de prendre un congé non payé de 3 mois et de répartir au prorata son salaire de 9 mois sur une période de 12 mois afin qu'il continue de recevoir un chèque de paye pendant la période de congé non payé. Pendant un CER, toutes les déductions demeurent au même niveau tout comme s'il n'y avait pas eu de diminution de salaire. Le fonctionnaire a été informé de ce fait dans une lettre en date du 26 novembre 2002 (voir la pièce 6, onglet 4).

6 Pendant la période de 2002-2003, et après que les calculs du CER aient été insérés dans le système de rémunération, le salaire du fonctionnaire a été augmenté à des fins de reclassification et selon la convention collective. Pour une raison ou une autre liée au système de régime de pension, le montant de ses contributions au cours de la période en question n'a pas changé, malgré les augmentations dans le système de rémunération. Par conséquent, les contributions au régime de pension déduites de sa paye n'ont pas représenté de manière exacte le montant des contributions qu'il devait dans le cadre de son nouveau niveau de traitement.

7 En 2011, à la suite d'un projet axé sur l'intégrité des données du régime de pension mené par TPSGC avant la mise en œuvre d'un nouveau système de rémunération, le Ministère a découvert la sous-contribution du fonctionnaire en comparant ses années de service, ses données liées au salaire et le total des contributions. Mme Bales a reçu un avis de sous-paiement d'une valeur de 1 455,22 $ au compte de pension du fonctionnaire, que TPSGC recouvrerait au taux de 72,76 $ par paye sur une période de 20 payes (pièce 6, onglet 2). Ce montant tenait compte des insuffisances au cours de la période du 30 septembre 1991 au 31 décembre 1996, lorsque le fonctionnaire était en congé non payé et au cours de la période du CER en 2002-2003. Le fonctionnaire a été informé de ce fait dans un courriel en date du 22 mars 2011 (pièce 4). Même s'il s'opposait initialement à payer des arriérés pour les deux périodes, il a éventuellement convenu de payer les arriérés de la période de congé non payé en 1996.

8 L'ARC n'a aucune autorité d'établir les taux de contribution au régime de pension ou de permettre aux employés de payer moins que ce qu'il est requis ou de ne pas payer. Les contributions et les taux de contribution sont régis par la LPFP et les règlements pris en vertu de cette Loi. Les taux de contribution sont fondés sur un salaire brut et sur une formule déterminée à l'époque par le Régime de pensions du Canada. Le salaire du fonctionnaire était exact dans le système de rémunération, mais le système de régime de pension n'a pas recalculé les contributions au régime de pension lorsque les augmentations de salaire ont été consignées pour la période de 2002­2003.

9 Mme Bales a demandé à TPSGC de repousser le recouvrement du déficit de contribution après avoir reçu le courriel du fonctionnaire le 23 mars 2011 (pièce 5). Il a refusé, étant donné que des mesures de recouvrement avaient déjà été mises en vigueur au moment où Mme Bales avait reçu l'avis de recouvrement (pièce 6, onglet 2).

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

10 L'objet du courriel de Mme Bales en date du 22 mars 2011 (pièce 4) laisse clairement entendre qu'elle communiquait avec le fonctionnaire au sujet de sa rémunération. Or, cette question concerne clairement l'administration de la rémunération. En permettant des déductions illégales, l'employeur a violé l'article 45 et l'annexe A de la convention collective. Les déductions demandées par TPSGC en raison des arriérés de contributions au régime de pension violaient l'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif (L.R.C. (1985), ch. C-50); LRCECA) et étaient, par conséquent, illégales (voir Gardner c. Canada (Agence des services frontaliers), 2009 CF 1156, aux paragraphes 38 à 40). L'employeur a le contrôle du système de rémunération et si une erreur a lieu dans le montant des déductions, il lui incombe de corriger l'erreur en temps opportun et certainement dans la période de délai de prescription établie dans la LRCCCA.

11 Le présent grief ne concerne pas la contribution au régime de pension. Il s'agit, plutôt, de l'utilisation par l'employeur du système de rémunération afin de recouvrer des paiements qui sont frappés de prescription. Il s'agit d'une question liée à l'administration de la paye et relève de ma compétence en vertu de l'article 209 de la LRTFP. L'employeur n'a pas le droit de faire des déductions rétroactives unilatérales à la paye d'un employé. Il ne s'agit pas d'une situation où le fonctionnaire cherchait à modifier les conditions d'emploi, comme dans Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 20 (« AJMS »). Le fonctionnaire n'a pas essayé d'incorporer la LPFP dans l'article 45 de la convention collective, mais s'est plutôt fié à cet article afin d'empêcher l'employeur d'utiliser le système de rémunération dans le but de faire des déductions rétroactives illégales.

B. Pour l'employeur

12 L'employeur a fait valoir que je n'ai aucune compétence de traiter des questions liées au régime de pension. Le grief traite des contributions au régime de pension et du recouvrement d'un déficit de contributions exigées par la loi, conformément à la LPFP et à ses règlements. Si le déficit dans les contributions du fonctionnaire n'avait pas été découvert à la suite du projet axé sur l'intégrité des données du régime de pension mené par TPSGC, il aurait été découvert au moment de sa retraite, moment auquel les contributions auraient été déduites de toute somme d'argent qui lui serait due à ce moment. Si aucune somme n'avait été due, il aurait été tenu de payer les arriérés de ses poches.

13 Le caractère véritable du grief est l'autorité de TPSGC de reconstituer des arriérés de contributions au régime de pension. Il exige que j'interprète et j'applique la LPFP, et le grief a la possibilité d'exiger une modification à la LPFP, ce qui est tout expressivement interdit par l'article 113 de la LRTFP. Il n'existe rien dans l'article 45 de la convention collective sur les taux du régime de pension ou les déductions. Les déductions du régime de pension obligatoires sont une condition d'emploi. Le fonctionnaire a été payé adéquatement pendant toute la période pertinente.

14 Il n'existe aucune ambiguïté dans l'intention du Parlement selon laquelle les pensions en vertu de la LPFP ne sont pas assujetties à la convention collective et au-delà de ma compétence. Dans AJMS, les questions liées au régime de pension ont été expressivement exclues du processus d'arbitrage puisqu'elles n'ont pu être comprises dans la convention collective (voir les paragraphes 28, 33 et 36). Même s'il existe un seul empiétement accessoire sur les régimes de pension, comme dans AJMS, je suis sans compétence.

15 Tout comme le régime de dotation de la fonction publique, les régimes de pension sont, en vertu de la LPFP, exemptés de la convention collective et hors de ma compétence (voir Pelletier et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 117, et Hureau c. Conseil du Trésor (ministère de l'Environnement), 2008 CRTFP 47). Je n'ai aucune compétence inhérente en vertu de la LPFP. Le seul moyen qu'un arbitre de grief puisse consulter les demandes du fonctionnaire est que si l'arbitre a une compétence inhérente, qui est déterminée en fonction d'un critère de la qualification essentielle (voir Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 115, aux paragraphes 93 à 100). Le critère de la qualification essentielle du présent grief est l'autorité de déduire des contributions au régime de pension du fonctionnaire à titre d'arriérés.

16 La méthode adéquate de remettre en question la reconstitution des arriérés des contributions au régime de pension était par la tenue d'un contrôle judiciaire de la décision de l'employeur devant la Cour fédérale (voir Schenkman c. Canada (Procureur général), 2010 CF 527). Afin que j'applique la LRCECA, je dois avoir une compétence inhérente. La LRCECA ne m'accorde aucune compétence en vue de traiter les litiges concernant le paiement des arriérés de contribution au régime de pension. Par conséquent, je n'ai pas compétence et cette question doit être rejetée.

IV. Motifs

17 L'article 113 de la LRTFP interdit expressément à une convention collective de modifier directement ou indirectement une condition d'emploi établie en vertu de la LPFP. Par conséquent, si le caractère véritable du grief traite les questions provenant de la LPFP, il ne peut s'agir d'un grief lié à l'application ou à l'interprétation de la convention collective en vertu de l'alinéa 209(1)a) de la LRTFP. Le fonctionnaire a fait valoir que puisque les déductions ont été effectuées au moyen du système de rémunération, la légitimité de ces déductions était visée par l'article 45, Administration de la paye. En permettant des déductions illégales, l'employeur a violé son obligation de payer adéquatement le fonctionnaire, comme l'exige l'article 45. Le fonctionnaire n'a fourni aucune preuve afin d'établir un tel lien. Il n'est pas suffisant de renvoyer à une ligne d'objet dans un courriel (pièce 4) à titre de preuve qu'il s'agit d'une question de rémunération, tout particulièrement lorsque le corps du courriel communique clairement des renseignements liés à la pension au fonctionnaire.

18 La mesure qui a donné lieu au présent grief était l'avis selon lequel un déficit avait été découvert dans le montant de contributions au régime de pension que le fonctionnaire avait versé au cours de la période de 2002-2003 alors qu'il était en CER. Si TPSGC n'avait pas mené un examen des données du régime de pension de la LPFP, le présent grief n'aurait pas été soumis. C'est l'avis du fonctionnaire, selon lequel il n'aurait pas dû être obligé de verser ces paiements huit ans après qu'ils auraient dû être déduits, qui a donné lieu au présent grief. Il s'agit définitivement d'un grief concernant les obligations liées à la pension en vertu de la LPFP.

19 Le libellé du grief conteste le recouvrement continu du sous-paiement de contributions au régime de pension de sa paye. Il n'y a rien dans la convention collective qui interdit les déductions légitimes au salaire et le fonctionnaire n'en a indiqué aucune. Au contraire, il s'est fié à la LRCCCA à titre de source de son opposition aux contributions supplémentaires au régime de pension. Il est évident que le caractère véritable de son grief n'attaque pas le droit de l'employeur de retenir des déductions de son salaire, mais plutôt le droit de l'employeur de recouvrer des arriérés de contributions au régime de pension au-delà du délai prévu dans la LPFP.

20 En l'espèce, la preuve établit clairement que les préoccupations du fonctionnaire étaient liées à son obligation de verser des paiements supplémentaires en vue de régler le déficit dans ses contributions au régime de pension. Il n'a présenté aucune preuve qui aurait établi l'existence d'un lien entre la convention collective et les contributions qui ne violeraient pas l'article 113 de la LRTFP.

21 Je n'ai aucune compétence, inhérente ou explicite, de traiter des questions qui exigeraient une modification à la convention collective (voir la LRTFP, article 229). De plus, aucune convention collective ne peut modifier la LPFP (voir la LRTFP, article 113). Un arbitre de grief ne peut exiger une modification à la convention collective afin d'assujettir le régime de pension établi en vertu de la LPFP à l'article 45 ou à l'annexe A, en fonction des faits du présent cas et du régime législatif actuel.

22 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

23 J'ordonne la fermeture du dossier.

Le 23 janvier 2015.

Traduction de la CRTEFP

Margaret T. A. Shannon,
une formation de la Commission des
relations de travail et de l'emploi dans
la fonction publique

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